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.^
m
-^
:
m
f^^'^
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LA
SOIRE
AVEC
M.
TESTE
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DU
MEME AUTEUR
INTRODUCTION
A LA
MTHODE
^
DE
LONARD DE
VINCI
LA
JEUNE
PARQUE
ODES
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LA
SOIREE
AV
E
C
M. TESTE
PAR
PAUL
VALERY
EDITIONS
DE
LA NOUVELLE REVUE
FRANAISE
35
ET
37,
RUE
MADAME,
PARIS.
1919
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LA
SOIRE
AVEC M.
TESTE
A
PARU POUR
LA
PREMIERE
FOIS
EN
SEPTEMBRE
4896
DANS LE VOLUME
II
DU
CENTAURE
ELLE A
T REPRODUITE
DANS
VERS
ET
PROSE
QUELQUES
ANNES
PLUS
TARD
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Souvent,
j'ai
suppos
que tout
tait
fini
pour
moi,
et je me
terminais
de
toutes mes forces, dans
le
but
d'clairer quelque
situation
douloureuse. Gela m'a
fait connatre
que
nous
apprcions notre
propre
pense
beaucoup trop
d'aprs
Y
expression
de celle des
autres
Ds
lors, les
milliards
de
mots
qui
ont
bour-
donn
mes oreilles,
m'ont
rarement
branl
par
ce
qu'on
voulait leur
faire
dire
;
et
tous ceux
que
j'ai
moi-mme prononcs
autrui,
je
les
ai
sentis
se
distinguer
toujours
de ma
pense,
car
ils
devenaient
invariables.
_^,
Si
j'avais
dcid
comme
la
plupart
des
hommes,
non seulement
je me
serais
cru leur
suprieur, mais
je l'aurais paru.
Je me
suis prfr.
Ce
qu'ils nomment
un tre
suprieur,
est
un
tre qui s'est tromp.
Pour
s'tonner
de lui, il
faut
le voir,
et
pour
le
voir il
faut
qu'il
se
montre.
Et il
me
montre que
la
niaise
manie
de
son
nom
le
possde.
Ainsi,
chaque
grand
homme
est tach d'une erreur. Chaque
esprit qu'on
trouve puissant, commence
par
la
faute
qui
le
fait
connatre. En
change du pourboire
public,
il
donne
1
1
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le
temps
qu'il
faut
pour
se
rendre
perceptible,
l'nergie
dissipe
se
transmettre
et
prparer
la
satisfaction
trangre.
11
va
jusqu'
comparer
les
jeux
informes
de
la
gloire,
la
joie de
se
sentir unique
grande
volupt
particulire.
J'ai
rv
alors
que
les
ttes
les
plus
fortes,
les
inventeurs
les
plus sagaces, les
connaisseurs
le
plus
exactement
de la
pense devaient
tre
des
inconnus,
des
avares,
des
hommes qui
meurent
sans
avouer.
Leur
existence m'tait rvle
par celle mme
des
individus clatants,
un peu
moins
solides.
L'induction
tait
si facile que j'en
voyais
la
forma-
tion
chaque instant.
11
suffisait
d'imaginer
les
grands
hommes
ordinaires, purs
de leur
premire
erreur,
ou
de
s'appuyer
sur cette erreur
mme
pour concevoir
un
degr de
conscience
plus lev, un
sentiment
de la
libert
d'esprit moins
grossier. Une
opration aussi
simple me livrait
des tendues
curieuses, comme
si
j'tais descendu dans
la mer. Perdus dans l'clat
des
i i i
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dcouvertes
publies,
mais
ct
des
inveutions
mconnues
que le commerce, la peur,
l'ennui,
la
misre
commettent chaque
jour, je croyais distinguer
des
chefs-d'uvre
intrieurs.
Je
m'amusais teindre
l'histoire
connue
sous
les
annales
de
l'anonymat.
C'taient, invisibles
dans
leurs vies limpides,
des
solitaires qui savaient avant tout le monde. Ils
me
semblaient doubler,
tripler, multiplier
dans
l'obscu-
rit
chaque
personne
clbre,
eux, avec le
ddain
de
livrer leurs chances
et
leurs
rsultats
particuliers.
Ils
auraient
refus,
mon sentiment,
de se
considrer
comme
autre
chose
que
des choses...
Ces ides me
venaient
pendant l'octobre
de
93
dans les
instants
de loisir,
o
la
pense
se
joue
seule-
ment
exister.
Je
commenais
de
n'y
plus
songer, quand je
fis la
connaissance
de
M.
Teste. (Je
pense
maintenant
aux
traces qu'un
homme
laisse dans
le petit
espace
o
il
se
meut
chaque
jour.)
Avant de me
lier
avec
M.
Teste,
i
v
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j'tais
attir
par
ses
allures
particulires.
J'ai tudi
ses
yeux,
ses
vtements,
ses
moindres
paroles sourdes
au
garon
du caf
o
je
le voyais.
Je
me
demandais
s'il
se
sentait observ.
Je
dtournais
vivement
mon
regard
du
sien,
pour
surprendre le
sien
me
suivre.
Je
prenais les journaux
qu'il venait de lire,
je recom-
menais mentalement
les
sobres gestes
qui
lui chap-
paient; je
notais
que
personne ne
faisait attention
lui.
Je
n'avais
plus rien de
ce
genre
apprendre,
lorsque
nous
entrmes
en relation. Je ne l'ai jamais
vu
que
la
nuit.
Une
fois
dans
une sorte
de
b...; sou-
vent
au
thtre. On m'a
dit
qu'il
vivait de
mdiocres
oprations
hebdomadaires la
Bourse.
Il prenait
ses
repas
dans
un
petit
restaurant
de
la rue
Vivienne.
L,
il
mangeait
comme
on se
purge,
avec le
mme
entrain.
Parfois,
il
s'accordait
ailleurs
un repas
lent
et
fin.
M.
Teste
avait
peut-tre
quarante
ans.
Sa
parole
tait extraordinairement
rapide,
et sa
voix
sourde.
Tout
s'effaait
en
lui,
les
yeux,
les
mains.
Il
avait
pourtant les paules
militaires,
et
le pas
d'une
rgula-
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pour
mrir
ses
inventions
et
pour
en
faire
ses
ins-
tincts.
Trouver
n'est
rien.
Le
difficile est de
s'ajouter
ce
qu'on
trouve.
L'art
dlicat
de la
dure,
le
temps,
sa
distribution
et
son
rgime,
sa
dpense
des
choses
bien
choi-
sies,
pour
les
nourrir
spcialement,
tait
une des
grandes
recherches
de
M.
Teste.
Il
veillait
la rp-
tition
de
certaines
ides
;
il les
arrosait
de
nombre.
Ceci
lui
servait
rendre
finalement
machinale
l'appli-
cation
de
ses
tudes
conscientes.
Il
cherchait
mme
rsumer
ce
travail. Il
disait
souvent :
Maturare ...
Certainement
sa
mmoire
singulire
devait
presque
uniquement
lui
retenir cette
partie
de
nos
impres-
sions que
notre
imagination
toute
seule
est
impuis-
sante
construire.
Si
nous
imaginons
un
voyage
en
ballon,
nous
pouvons
avec sagacit,
avec
puissance,
produire
beaucoup
de
sensations
probables
d'un
aro-
naute
;
mais il
restera
toujours
quelque
chose
d'indi-
viduel
l'ascension
relle,
dont
la
diffrence
avec
notre
rverie
exprime
la
valeur des
mthodes
d'un
Edmond Teste.
./
V
1
1
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Cet
homme
avait
connu
de
bonne heure
l'impor-
tance
de
ce
qu'on pourrait
nommer la
plasticit
humaine.
Il
en
avait
cherch
les limites
et le
mcanisme.
Combien
il avait
d
rver
sa propre
mallabilit
J'entrevoyais des
sentiments
qui me
faisaient
frmir,
une
terrible
obstination dans des
expriences
enivrantes.
Il
tait
l'tre
absorb
dans
sa
variation,
celui
qui
devient
son
systme,
celui qui
se
livre
entier
la
discipline
effrayante
de
l'esprit
libre,
et qui fait
tuer
ses
joies
par
ses
joies,
la
plus faible
par la plus
forte,
la
plus douce, la
temporelle,
celle
de
l'ins-
tant et de
l'heure
commence, par
la fondamentale,
par l'espoir
de la
fondamentale.
Et
je
sentais
qu'il
tait
le
matre
de
sa
pense;
j'cris
l
cette absurdit.
L'expression d'un sentiment
est toujours
absurde.
M.
Teste
n'avait
pas
d'opinions.
Je crois
qu'il
se
passionnait
son
gr,
et
dans
la
limite
d'un
but
dfini.
Qu'avait-il
fait
de
sa personnalit?
Gomment se
voyait-il?...
Jamais il
ne riait,
jamais
un
air
de
malheur
sur
son visage.
Il
hassait
la mlancolie.
V i
i
i
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tuait
1 assentiment poli.
On
prolongeait les
conver-
sations par des bonds
qui ne
Ttonnaient
pas.
Si
cet
homme avait
chang
l'objet de
ses
mdi-
tations
fermes,
s'il
et
tourn contre le monde la
puissance
rgulire de son esprit,
rien
ne
lui et
rsist.
Je
regrette
d'en parler
comme
on
parle
de
ceux dont
on
fait
les statues.
Je
sais
bien qu'entre le
((
gnie
et
lui, il
y
a
une
quantit
de
faiblesse.
Lui,
si
vritable si neuf si pur
de
toute
duperie et
de
toutes
merveilles,
si
dur
Mon propre enthousiasme
me
le
gte...
Gomment
ne pas en
ressentir
pour
celui
qui
ne
disait
jamais
rien
de
vague? pour
celui
qui
dclarait
avec
calme
:
Je
n'apprcie en
toute
chose
que
la
((
facilit
ou la
difficult
de
les connatre, de
les
accomplir.
Je
mets
un
soin
extrme
mesurer
ces
degrs,
et
ne
pas m'attacher...
Et que
m'importe
ce
que
je
sais
foii;
bien
?
Gomment
ne
pas
s'abandonner
un tre
dont
l'esprit paraissait
transformer pour
soi
seul
tout
ce
qui est,
et
qui
oprait
tout ce
qui lui
tait
propos.
Je
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pre,
les
grands
pieds.
Des lointains
de la
salle,
ses
yeux
vinrent
vers
moi
;
sa
bouche dit :
La
discipline
((
n'est pas
mauvaise... C'est
un petit
commence-
((
ment...
Je
ne
savais
rpondre. 11
dit,
de
sa
voix
basse
et
vite :
Qu'ils
.jouissent et obissent
Il
fixa
longuement
un
jeune
homme
plac
en
face
de
nous,
puis une dame, puis
tout
un
groupe dans
les
galeries
suprieures,
qui
dbordait du
balcon par
cinq
ou
six
visages
bridants,
et
puis
tout
le
monde,
tout
le
thtre,
plein
comme
les cieux,
ardent,
fascin
par
la scne que
nous
ne
voyions
pas. La
stupidit
de
tous
les
autres
nous
rvlait qu'il
se
passait n'importe
quoi
de
sublime.
Nous
regardions
se mourir
le
jour
que
faisaient
toutes
les
figures
dans
la salle. Et
quand
il fut
trs
bas,
quand la
lumire ne
rayonna
plus,
il
ne
resta
que
la vaste
phosphorescence
de
ces
mille
figures. J'prouvais
que
ce
crpuscule
faisait
tous
ces
tres
passifs. Leur attention
et
l'obscurit croissantes
formaient un
quilibre
continu.
J'tais
moi-mme
attentif
forcment,
toute
cette
attention.
X
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du
meuble, pour
ne pas le regarder.
Il
prit
sa
fiole
et
but.
Je
me
levai pour partir.
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douleur.
Voyez-
vous
ces
figures
vives
? cette
gomtrie
de ma
souffrance? Il
y
a
de
ces
clairs
qui ressem-
blent tout
fait
des ides.
Ils
font comprendre,
d'ici,
jusque-l...
Et pourtant
ils
me
laissent
incertain.
Incertain n'est pas
le mot... Quand
cela
va venir,
je
trouve
en
moi
quelque chose de
confus ou de
diffus.
Il
se
fait dans
mon
tre
des endroits... brumeux,
il
y
a
des
tendues qui
font
leur
apparition. Alors,
je
prends dans
ma mmoire
une question,
un problme
quelconque...
Je
m'y
enfonce. Je
compte des
grains
de sable...
et, tant que je
les vois...
Ma douleur
grossissante me force
l'observer.
J'y pense
je
n'attends
que
mon
cri,...
et
ds que
je
l'ai entendu
Yohjet, le
terrible objet., devenant plus
petit,
et
encore
plus petit,
se drobe ma vue
intrieure...
Que peut un homme ?
Je
combats tout,
hors
la
souffrance
de mon
corps,
au
del d'une
certaine
gran-
deur.
C'est
l,
pourtant,
que
je
devrais commencer.
Car,
souffrir,
c'est
donner
quelque chose une
atten-
tion suprme,
et
je
suis un
peu
l'homme
de
l'atten-
tion...
Sachez
que j'avais
prvu
la maladie
future.
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