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Les obligations non materialisees dans les contrats
Brunelle Fessard
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Brunelle Fessard. Les obligations non materialisees dans les contrats. Droit. Universite Mont-pellier, 2015. Francais. .
HAL Id: tel-01342592
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Submitted on 6 Jul 2016
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Dlivr par lUniversit de Montpellier
Prpare au sein de lcole doctorale
Droit et Science politique
Et de lunit Mixte de Recherche 5815
Dynamiques du droit
Spcialit : Droit priv et sciences criminelles
Prsente par Brunelle FESSARD
Soutenue le samedi 5 dcembre 2015 devant le jury compos de
Monsieur Daniel MAINGUY,
Professeur lUniversit de Montpellier
Monsieur Mathias LATINA,
Professeur lUniversit de Nice
Directeur
Rapporteur
Monsieur Frdric ROUVIERE,
Professeur lUniversit dAix-Marseille
Rapporteur
Monsieur Julien ROQUE,
Maitre de confrences lUniversit de Montpellier
Examinateur
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Les obligations non matrialises
dans les contrats
Rsum :
Les obligations non matrialises dans les contrats
Lanalyse de la pratique et de la jurisprudence dmontre quindpendamment de lexistence ou non dun acte
instrumentaire, certaines obligations dont le contenu nest pas retranscrit par crit et qui ne relvent pas de la
catgorie des obligations imposes contraignent les parties. Lidentification dune double condition de qualification
rvle lexistence dune catgorie obligationnelle particulire qui, ntant pas envisage en tant que telle par le droit
positif, invite lanalyse.
Ltude des obligations non matrialises se rvle ncessaire afin de comprendre tant leur mcanique de
fonctionnement que les fondements de leur effet contraignant. Les unes, qualifies dobligations non matrialises par
renvoi explicite, sidentifient par la stipulation, par les parties, dune clause par rfrence dans linstrumentum qui fait
expressment rfrence leur caractre obligatoire. Si leur effet contraignant est, donc, justifi par la force
obligatoire du contrat dans lequel la stipulation contractuelle est prvue, le contenu imposable la relation
contractuelle nest, toutefois, pas retranscrit dans lcrit principal. Les autres, qualifies dobligations non matrialises
par renvoi implicite, sont celles qui sordonnent aux contractants sans que ces derniers ne justifient dune volont
explicite de sy soumettre. Si cette dfinition est similaire celle des obligations imposes en ce quelles ne sont pas
ncessairement rattachables la commune intention des parties, ces obligations non matrialises sen distinguent par
leur fondement. Lorsque les obligations imposes se justifient par la lettre ou la mise en uvre dune disposition
lgale, les obligations non matrialises par renvoi implicite sexpliquent par la notion dutilit.
La rvlation des obligations non matrialises dans les contrats sattache un intrt pratique puisquau terme de
cette dmarche, une visibilit relative leurs effets permet didentifier les lacunes que leur effet obligatoire suscite et,
partant, les solutions quil apparat opportun dappliquer. La nature et limportance des difficults rvles justifient,
alors, la ncessit dtablir un traitement juridique, mais galement, de dceler les lments indispensables une
proposition qui leur est adapte.
Il se constate que les insuffisances lies au caractre obligatoire des obligations non matrialises ne leur sont pas
spcifiques en ce quelles peuvent, du fait de leur caractre gnral, tre dceles dans dautres situations
contractuelles. Les traitements proposs dans la prsente tude ont, ainsi, vocation sappliquer lensemble de la
matire contractuelle.
Mots-cls : contrat, obligation, non-matrialisation, explicite, implicite, contenu obligationnel, force obligatoire,
consentement, scurit juridique.
Abstract :
Non-materialized obligations in contracts
The analysis of practice and of case-law shows that, independent of the existence or not of a legal instrument, certain
obligations the contents of which have not been made in writing and which do not fall under the category of imposed
obligations are binding on the parties. The identification of a double condition of qualification shows the existence of a
specific obligational category which, not having been envisaged as such by positive law, calls for analysis.
The analysis of their exteriorisation proves to be necessary in order to understand not only the way they function but
also the foundations of their enforceability. Some, qualified as non-materialized obligations by explicit reference, are
identified by the stipulation, by the parties, of a clause by reference in the instrumentum which expressly refers to their
enforceability. If their binding nature is, therefore, justified by the binding nature of the contract in which the
contractual stipulation is provided, the contents binding vis--vis the contractual relationship is not, however,
transcribed in the main instrument in writing. The others, qualified as non-materialized obligations by implicit
reference, are those which are binding on the contracting parties without the latter justifying any explicit wish to
comply with them. If this definition is similar to that of imposed obligations in that they are not necessarily expressly
bound to the common intention of the parties, these non-materialized obligations can be distinguished by their
foundation. Whereas imposed obligations are justified by the letter or the carrying out of a legal provision, non-
materialized obligations by implicit reference can be explained by the notion of utility.
The revelation of non-materialized obligations in contracts can be linked to a practical interest as, at the end of this
process, a certain visibility concerning their effects enables both the shortcomings caused by their binding nature and
hence the seemingly appropriate solutions to apply to be identified. The nature and the importance of the difficulties
revealed justify, therefore, the necessity of setting up legal treatment, but also, of identifying the elements
indispensable to find a proposition adapted to them.
It can be seen that the insufficiencies related to the binding nature of non-materialized obligations are not specific to
them in that they can, because of their general nature, be found in other contractual situations. The ways of treating this
put forward in this study can therefore be applied to all contractual matters.
Keywords: contract, obligation, non-materialization, explicit, implicit, obligational content, binding nature, consent,
legal security.
Discipline : Droit priv et sciences criminelles
UMR 5815 - Dynamiques du Droit
39, rue de lUniversit, 34060 Montpellier Cedex 2
La Facult nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans cette thse ; ces opinions doivent tre considres comme propres leur auteur.
- 2 -
A mon pre
A ma sur
A ma mre
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REMERCIEMENTS
Si le travail de thse est considr comme une uvre solitaire, je naurais pu le mener terme sans
laccompagnement de personnes qui je tiens exprimer mes plus sincres remerciements.
Je tiens, toute dabord, remercier mon directeur, Monsieur le Professeur Daniel MAINGUY, qui ma
offert lopportunit dentamer ce long priple et ma apport laide, la disponibilit et les encouragements
indispensables son achvement. Trs honore davoir eu la possibilit de travailler sous sa direction,
jespre avoir t digne de la confiance quil ma accorde.
Je remercie, ensuite, Monsieur Julien ROQUE qui a accept de co-encadrer mon travail. Je le
remercie de mavoir guide et soutenue avec sagesse et patience, tout en me laissant la libert ncessaire
laccomplissement de cette thse et davoir fait preuve dautant de disponibilit et de gentillesse mon
gard.
Je tiens galement remercier Mesdames Caroline RAJA et Maud MORLAAS-COURTIES. Je
noublie pas leur disponibilit, leur bienveillance et lensemble de leurs conseils qui mont t dune aide
prcieuse au long de cette aventure.
Je tiens adresser mes remerciements mes amis qui ont su mencourager, maider et, surtout, me
supporter durant ces cinq annes. Ma vie ne serait pas la mme sans vous. Plus particulirement, je
souhaite remercier Julie qui ma appris ne pas perdre pied et ma apport une aide dmesure au long de
ces derniers mois, Amandine ma colocataire de thse avec qui jai partag quotidiennement mes
tracas de doctorante, mes journes auraient t bien longues sans toi copine, Cathie-Sophie ma Nassara
qui a su tre dun immense soutien en cette fin de thse, Flavie et la petite Pauline qui mont toujours
soutenue. Je vous aime et noublie pas tous les autres (Hlne ma grande sur, Guillaume, Vincent,
Claire, Caro, Mathilde, Chlo, Sophie, Corinne).
Ma famille, enfin, merci de mavoir soutenue et encourage au long de cette belle aventure, vous tes
ma force. Grand-mre, Monique, Michel, Jrme, Brigitte, Cathy, Vincent, Hlne, Arnaud, Laure,
Mathieu, Julien, Alexandra, Jean-Thierry, Anne, Claire, Martin, je vous remercie davoir t l pour moi.
Morgane, je ne te remercierai jamais assez du soutien que tu as eu mon gard. Margot, ma petite sur,
merci pour ton amour et ta patience, tu es mon pilier. Maman Papa, merci davoir t l pour moi, de
mavoir permis de choisir mes tudes et de mavoir apport votre soutien infaillible, ce travail est le vtre.
Je vous aime.
Jen oublie certainement donc, tous ceux dont les noms napparatraient pas dans ces quelques lignes
et qui mont aide et soutenue dune manire ou dune autre, un immense merci.
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LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS A AFDI aff. AJCA AJDA AJDI al. AN anc. actu. APD art. ass. B BICC BGB BOCCRF BRDA BODACC Bull. Bull. civ. Bull. crim. Bull. Joly Socits C C. assu. C. civ. C. com. C. consom. C. pn. C. transp. C. trav. c/ CA Cah. dr. consom. Cah. dr. entr. Cah. dr. eur. Cah. dr. soc. Cass. civ. 1re, 2re, 3me Cass. ass. pln.
Annuaire franais de droit international Affaire Actualit juridique Contrats d'affaires - Concurrence - Distribution Actualit juridique de droit administratif Actualit juridique de droit immobilier Alina Assemble Nationale Anciennement Actualit Archives de philosophie du droit Article Assemble Bulletin dinformation de la Cour de cassation Brgerliches Gesetzbuch (Code civil allemand) Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la rpression des fraudes Bulletin rapide de droit des affaires Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales Bulletin Bulletin civil des arrts de la Cour de cassation Bulletin criminel des arrts de la Cour de cassation Bulletin Joly Code des assurances Code civil Code de commerce Code de la consommation Code pnal Code des transports Code du travail Contre Cour dappel Cahiers de droit de la consommation Cahiers de droit de lentreprise Cahiers de droit europen Cahiers de droit social Chambre civile de la Cour de cassation (1re, 2me ou 3me Chambre civile) Assemble plnire de la Cour de cassation
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Cass. com Cass. crim. Cass. mixte Cass. req. Cass. soc. CCA CCNE CE CE CEDH CEPC chap. chron. Cie Circ. CJCE CJUE CMF coll. comm. Comm. aff. Economiques Comm. comm. lectr. Comm. conc. Comm. CE concl. Cons. constit. Contrats, conc., consom. CNUDCI conv. corr. CPC CRPM CSP D D. D. D. aff. DA DC dc. DGCCRF DH dir.
Chambre commerciale de la Cour de cassation Chambre criminelle de la Cour de cassation Chambre mixte de la Cour de cassation Chambre des requtes de la Cour de cassation Chambre sociale de la Cour de cassation Commission des clauses abusives Comit consultatif national dthique Communauts europennes Conseil dEtat Cour europenne des droits de lHomme Commission dexamen des pratiques commerciales Chapitre Chronique Compagnie Circulaire Cour de justice de Communauts europennes Cour de justice de lUnion europenne Code montaire et financier Collection Commentaire Commission des affaires conomiques Communication-commerce lectronique Commission de la concurrence Commission des Communauts europennes Conclusion Conseil constitutionnel Contrats, concurrence, consommation Commission des Nations Unies pour le droit commercial international Convention Corrig Code de procdure civile Code rural et de la pche maritime Code de la sant publique Recueil Dalloz Dcret Dalloz affaires Recueil analytique de jurisprudence et de lgislation Dalloz (de 1941 1944) Recueil critique de jurisprudence et de lgislation Dalloz (de 1941 1944) Dcision Direction de la concurrence, de la consommation et de la rpression des fraudes Recueil hebdomadaire de jurisprudence Dalloz (avant 1941) Directive
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dir. DMF doctr. DP dr. Dr. et patr. Dr. et procd. Dr. pn. Dr. soc. E d. F fasc. form. G GAJC Gaz. Pal. gn. I Ibid Infra Impr. J J.-Cl. J.-Cl. Banque Crdit Bourse J.-Cl. Civil Code J.-Cl. Collectivits territoriales J.-Cl. Commercial J.-Cl. Concurrence-Consommation J.-Cl. Contrats-Distribution J.-Cl. Contrats et Marchs Publics J.-Cl. Notarial J.-Cl. Travail trait J.-Cl. Transports JCP JCP CI JCP E JCP G JCP N
Direction (sous la de) Droit maritime franais Doctrine Recueil priodique et critique mensuel Dalloz (avant 1941) Droit Droit et patrimoine Droit et procdures Droit pnal Droit social Edition Fascicule Formulaire Grands arrts de la jurisprudence civile Gazette du palais Gnral Ibidem Ci-dessous Imprimerie JurisClasseur Encyclopdie JurisClasseur Encyclopdie Banque Crdit Bourse JurisClasseur Encyclopdie Civil Code JurisClasseur Encyclopdie Collectivits territoriales JurisClasseur Encyclopdie Commercial JurisClasseur Encyclopdie Concurrence-Consommation JurisClasseur Encyclopdie Contrats-Distribution JurisClasseur Encyclopdie Contrats et Marchs Publics JurisClasseur Encyclopdie Notarial JurisClasseur Encyclopdie Travail Trait JurisClasseur Encyclopdie Transports JurisClasseur Priodique (Semaine Juridique) JurisClasseur priodique, dition Commerce et industrie JurisClasseur priodique, dition Entreprise et affaires JurisClasseur priodique, dition Gnrale JurisClasseur priodique, dition Notariale et immobilire
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JCP S JDI JO JO Snat Q JOAN Q JOCE JOUE jurispr. L L. LPA N n O obs. op. cit. Ord. P p. pan. prc. Prop. intell. Q QPC R rapp. rappr. RD bancaire et bourse RD bancaire et financier RD transp. RDC RDIP RDSS RDUS rec. Rec. CJCE Rec. Comm. CE rec. Lebon rd. Rgl. Rp. Dalloz Rp. civ.
JurisClasseur priodique, dition Social Journal de droit international Journal officiel de la Rpublique franaise Journal officiel du Snat (Rponses ministrielles questions crites) Journal officiel de lAssemble nationale (Rponses ministrielles questions crites) Journal officiel des Communauts europennes Journal officiel de lUnion europenne Jurisprudence Loi Les Petites affiches Numro Observation Opere citato Ordonnance Page Panorama Prcit Proprit intellectuelles Question prioritaire de constitutionnalit Rapport Rapprocher Revue de droit bancaire et de la bourse Revue de droit bancaire et financier Revue de droit des transports Revue de jurisprudence commerciale Revue de droit international priv Revue de droit sanitaire et social Revue de droit de l'Universit de Sherbrooke Recueil Recueil des arrts de la Cour de justice des Communauts europennes Recueil des dcisions de la Commission europennes en matire de concurrence Recueil Lebon Rdition Rglement Rpertoire Dalloz (Encyclopdie) Rpertoire de droit civil Dalloz
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Rp. com. Rp. dr. europen Rp. dr. immo. Rp. dr. soc. Rp. proc. civ. Rp. trav. req. rev. arb. Rev. Belge de dr. const Rev. conc. consom. Rev. crit. DIP Rev. dr. arien Rev. huiss. Rev. jur. Ouest Rev. Lamy concu. Rev. Lamy dr. civ. Rev. Lamy dr. aff. Rev. socits RFDA RG air RGAT RGDA RIDC RIDE RJ com. RJDA RJS RLDI RRJ RTD civ. RTD com. S S. s. sect. somm. spc. ss st suppl. Supra T t. T. civ. T. com. TFUE TGI
Rpertoire de droit commercial Dalloz Rpertoire de droit europen Dalloz Rpertoire de droit immobilier Dalloz Rpertoire de droit social Dalloz Rpertoire de procdure civile Dalloz Rpertoire de droit du travail Dalloz Requte Revue de larbitrage Revue Belge de droit constitutionnel Revue de la concurrence et de la consommation Revue critique de droit international de droit priv Revue de droit arien Revue des huissiers Revue juridique de lOuest Revue Lamy de droit de la concurrence Revue Lamy de droit civil Revue Lamy de droit des affaires Revue des socits Revue de rflexion et dapprofondissement en droit public Revue gnrale de lair Revue gnrale des assurances terrestres Revue gnrale de droit des assurances Revue internationale de droit compar Revue international de droit conomique Revue de jurisprudence commercial Revue de jurisprudence de droit des affaires Revue de jurisprudence sociale Revue Lamy de droit de limmatriel Revue de recherche juridique Revue trimestrielle de droit civil Revue trimestrielle de droit commercial Sirey (Recueil) Suivant Section Sommaire Spcialement Sous Socit Supplment Ci-dessus Tome Tribunal civil Tribunal de commerce Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne Tribunal de grande instance
- 9 -
TI TPICE Trad. Trib. UE U UE V V. V vol.
Tribunal dinstance Tribunal de premire instance des Communauts europennes (avant le 1re dcembre 2009) Traduction Tribunal de lUnion europenne (depuis le 1re dcembre 2009) Union europenne Voir Verbo Volume
- 10 -
SOMMAIRE
PARTIE 1 : LIDENTIFICATION DES OBLIGATIONS NON
MATERIALISEES DANS LES CONTRATS Titre 1 : Les obligations non matrialises par renvoi explicite Chapitre 1 : La rvlation des obligations non matrialises par renvoi explicite Chapitre 2 : Le fondement des obligations non matrialises par renvoi explicite Titre 2: Les obligations non matrialises par renvoi implicite Chapitre 1 : La rvlation des obligations non matrialises par renvoi implicite Chapitre 2 : Le fondement des obligations non matrialises par renvoi implicite
PARTIE 2 : LE TRAITEMENT DES OBLIGATIONS NON MATERIALISEES DANS LES CONTRATS
Titre 1 : Le traitement lgal des obligations non matrialises Chapitre 1 : Le traitement admis en considration de lapprhension du contrat Chapitre 2 : La gnralisation de la prohibition des obligations non matrialises Titre 2 : Le traitement judiciaire des obligations non matrialises Chapitre 1 : La ncessit de redfinir les pouvoirs du juge Chapitre 2 : La mise en uvre de la redfinition des pouvoirs du juge
- 11 -
INTRODUCTION
INTRODUCTION
- 12 -
1. - A lheure o le projet de rforme du droit des contrats est dans tous les esprits,
il apparat opportun de sinterroger sur les limites de la mcanique contractuelle telle
quelle est actuellement envisage. Si le concept auquel rpond le contrat sest rvl
sous diffrentes formes au cours de lhistoire, la transformation du contexte
conomique, social ou encore politique depuis 1804 invite apprhender diffremment
sa mise en uvre1. Lun des objectifs du projet est dintgrer ces volutions qui ont,
pour la plupart, dj t abordes par la Cour de cassation2.
La lecture de la proposition de rforme dvoile, toutefois, des lacunes puisquil
apparat que certains mcanismes rvls par la pratique ny soient pas envisags3.
Si les objectifs poursuivis sont la lisibilit, laccessibilit, la prvisibilit, la protection
et lattractivit conomique4 du droit des contrats, il semble que les moyens mis en
uvre afin dy parvenir sont insuffisants. Sagissant particulirement de la protection et
de la prvisibilit, si elles refltent une volont de renforcer la scurit juridique en
matire contractuelle, certains mcanismes qui la desservent aient t dlaisss.
Cest notamment le cas des obligations non matrialises dans les contrats. La mise en
exergue des raisons pour lesquelles cette catgorie dobligations mrite une attention
particulire requiert den dfinir rigoureusement le contenu. Il convient toutefois
denvisager, au pralable, les contours de la notion de contrat qui constitue llment
gnrateur de ces obligations.
2. - Le contrat gnrateur dobligations La notion de contrat est envisage par
le droit positif larticle 1101 du Code civil qui dispose quil est une convention par
laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres,
donner, faire ou ne pas faire quelque chose .
1 J. BEGUIN et H. BERANGER, Rforme du droit des contrats : Un trs bon projet , Entretien avec M. FABRE-MAGNAN, JCP G 2008, p. 199 P. WERY (dir.), Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du code civil, Colloque de l'Universit catholique de Louvain, La Charte, 2004. 2 Ph. DUPICHOT, Regards (bienveillants) sur le projet de rforme du droit franais des contrats , Dr. et patr. 2015, p. 32. 3 V. en ce sens : C. CHABAS, Commentaire de lavant-projet de rforme du rgime gnral des obligations , Rev. Lamy dr. civ. 2014, p. 107 O. TOURNAFOND, Les mauvais penchants de la rforme du droit des contrats , Dr. et patr. 2015, p. 50. 4 O. DUFOUR, La rforme du droit des contrats est lance ! , LPA 3 mars 2015, p. 44 M. LATINA, Lattractivit du droit des contrats : la fonction de modle , in Blog Rforme du droit des obligations, Dalloz, 17 sept. 2015 A. OUTIN-ADAM, Rforme du droit des contrats : entre nouvelle vague et drive... des courants contraires , AJCA 2015, p. 241.
INTRODUCTION
- 13 -
Il est, avant tout, un acte juridique5 qui se dfinit lui-mme comme un acte de
volont destin produire des effets de droit 6. A la diffrence du fait juridique o la
volont des individus est indiffrente7, lacte juridique y conditionne la cration deffets
de droit. Si laccident entrane lengagement de la responsabilit de son auteur, sans
toutefois que ce dernier ne lai souhait, lacte juridique, pour quil produise des effets,
ncessite que ces derniers soient voulus par les personnes engages. Un contrat nest,
ainsi, obligatoire qu la condition que les parties laient dsir.
Sagissant de lacte juridique, il peut tre divis en trois catgories : acte unilatral,
collectif ou plurilatral8. Lacte juridique unilatral, dabord, na sa source que
lextriorisation dune seule volont, celle de celui qui soblige limage du
testament et ne gnre pas ncessairement dobligations comme par exemple la
renonciation une succession. Lacte collectif, ensuite, suppose un accord de volonts
dans un objectif partag. Il permet, en effet, toutes les parties dobtenir une mme
finalit limage des dcisions prises lors des assembles gnrales de coproprit.
Lacte plurilatral, enfin, ncessite une rencontre de volont 9 et ne peut donc pas
natre dune volont isole. Il sapparente, en consquent, un acte juridique
conventionnel.
La lecture de larticle 1101 du Code civil nous apprend, par ailleurs, que le contrat
est une espce de convention ayant pour objet de crer une obligation ou de
transfrer la proprit 10. Il sagit, alors, de sinterroger sur la distinction entre les
mcanismes juridiques que sont le contrat et la convention. Si le point commun entre les
5 B. FAGES, Droit des obligations, LGDJ/Lextenso ditions, coll. Manuel, 5me d., 2015, p. 36, n 18. 6 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 23, V Acte (-Juridique). 7 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 447, V Fait (-Juridique) : Fait quelconque (agissement intentionnel ou non de lhomme, vnement social, phnomne de la nature, fait matriel) auquel la loi attache une consquence juridique (acquisition dun droit, cration dune obligation etc.) qui na pas t ncessairement recherch par lauteur du fait . 8 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, Sirey, coll. Universit, 14me d., 2014, p. 230 et s., n 613 et s. 9 Ph. MALINVAUD, D. FENOUILLET et M. MEKKI, Droit des obligations, LexisNexis, coll. Manuel, 13me d., 2014, p. 45, n 60. 10 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 259, V Contrat.
INTRODUCTION
- 14 -
deux notions rside dans lindispensabilit de la volont des parties11, la convention
reoit une application plus gnrale que le contrat. Elle sidentifie, en effet, comme
le nom gnrique donn au sein des actes juridiques tout accord de volont
entre deux ou plusieurs personnes destin produire un effet de droit quelconque :
crer une obligation, transfrer la proprit, transmettre ou teindre une obligation 12.
Si la dfinition du contrat utilise le verbe obliger, celle de convention apparat comme
ayant un objet plus large puisquelle nimplique pas ncessairement la constatation
dune obligation13. Le contrat est donc envisag classiquement comme une varit de
convention dont la spcificit est de faire natre des obligations14. Selon Monsieur le
Professeur Pascal Ancel, le contenu dun engagement peut se diviser en deux
catgories, obligationnel et non obligationnel15. Cette distinction permet dillustrer la
diffrenciation entre les contrats et les conventions et, ainsi, de dlimiter le champ
dapplication de la prsente tude.
Le contenu obligationnel, dune part, renvoie directement la notion dobligation.
Entendue au sens technique du terme, elle est le lien de droit par lequel une ou
plusieurs personnes, le ou les dbiteurs, sont tenues dune prestation (fait ou
abstention) envers une ou plusieurs autres, le ou les cranciers, en vertu dun contrat,
dun quasi contrat, dun dlit, dun quasi-dlit ou de la loi16 . Le contenu obligationnel
est donc celui qui rsulte du contrat en tant que crateur dobligations et est, ce titre,
dot dun effet normatif supposant un rapport entre un crancier et un dbiteur17.
Lide selon laquelle le contrat est gnrateur dobligations dcoule de la lecture stricte
11 B. STARCK, H. ROLAND et L. BOYER, Droit civil, Les obligations, 2. Contrat, Litec, 6me d., 1998, p. 3, n 2. 12 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 268, V Convention. 13 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, Sirey, coll. Universit, 14me d., 2014, p. 230, n 613. 14 H., L., J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leons de droit civil, t. II : Obligations, Vol. 1er : Thorie gnrale, Montchrestien, 9me d., 1998, p. 49, n 52 J. ROCHFELD, Les grandes notions du droit priv, PUF, coll. Thmis droit, 2me d., 2013, p. 425 et s. 15 P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , RTD civ. 1999, p. 771. 16 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 699, V Obligation. 17 H. KELSEN, La thorie juridique de la convention, APD 1940, p. 33 et s. H. KELSEN, Thorie pure du droit, trad. par Ch. EISENMANN, Dalloz, 1962, rd. LGDJ-Bruylant, coll. La pense juridique, 1999, p. 170 194.
INTRODUCTION
- 15 -
de larticle 1101 du Code civil18 qui implique que le principal effet du contrat est
justement lobligation.
Coexiste, dautre part, un contenu non obligationnel distinct de la cration
dobligations quil est, notamment, possible dillustrer travers les conventions
extinctives de droits et, plus particulirement, du mcanisme de la remise de dettes19.
Cette dernire est un acte par lequel (une partie), renonant volontairement
recevoir paiement, libre (lautre partie) de son obligation20 . Elle est dote de la
mme force obligatoire quun contrat de vente ou de bail cette diffrence quelle ne
comporte pas dobligation positive ou dabstention la charge des parties. Il sagit
uniquement dun acte extinctif de droit le droit de rclamer sa dette mais en aucun
cas dune obligation de ne pas rclamer le paiement de la dette. Le contenu de la remise
de dette est donc, ce titre, non obligationnel. Les contractants ne peuvent, ds lors, pas
recevoir la qualification de cranciers et ou de dbiteurs. Il sagit donc, dans cette
hypothse, dune convention qui ne gnre pas dobligation21.
Si la distinction entre le contrat et la convention est aujourdhui dbattue, le projet de
rforme relatif au droit des contrats met un terme aux controverses. Ce dernier retient en
son article premier une dfinition du contrat qui correspond, classiquement, celle de la
convention. Il ne sagit plus, en effet, de considrer le contrat comme une convention
dont la spcificit rside dans la naissance dobligations mais, plus largement, comme
un accord de volont entre deux ou plusieurs personnes destin crer des effets de
droit 22. Le contrat et la convention sont, ds lors, deux notions confondues, le premier
ntant plus rduit aux obligations quil gnre. Il sagirait donc de rompre avec
lanalyse classique en transposant la distinction du contenant vers le contenu.
Le contrat, seul contenant retenu, serait donc pourvu dune dualit
deffets obligationnel et non-obligationnel sagissant de son contenu.
18 C. civ., art. 1101 : Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, donner, faire ou ne pas faire quelque chose . 19 P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , RTD civ. 1999, p. 771, pt. 14. 20 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 890, V Remise (-De dette). 21 V. R. LOIR, Les conventions non cratrices dobligations, thse, Lille, 2007. 22 Projet dordonnance portant rforme du droit des contrats, du rgime gnral et de la preuve des obligations, C. civ., art. 1101 : Un contrat est un accord de volonts entre deux ou plusieurs personnes destin crer des effets de droit J. GHESTIN, La notion de contrat , D. 1990 p. 147.
INTRODUCTION
- 16 -
3. - Seuls les contrats au sens classique du terme ou les contrats pourvus dun
contenu obligationnel au sens prospectif du terme intresseront les prochains
raisonnements. Puisque le contrat, en son aspect gnrateur dobligations, est au cur
de nos dveloppements, il sagit dexpliciter la notion dobligation (I) et den envisager
la catgorisation en matire contractuelle (II). Ces dveloppements permettront, en
effet, d rvler lexistence des obligations non matrialises dans les contrats.
I. Dfinition de la notion dobligation
4. - Le Code civil noffre pas de dfinition de la notion dobligation mais se
contente de lapprhender au travers de celle de contrat qui est donne par larticle 1101
du Code civil qui en dlimite lobjet23. Elle peut, malgr tout, senvisager comme la
face passive du droit personnel (ou droit de crance) ; lien de droit par lequel une ou
plusieurs personnes, le ou les dbiteurs, sont tenues dune prestation (fait ou
abstention) envers une ou plusieurs autres, le ou les cranciers, en vertu soit dun
contrat, soit dun quasi-contrat, soit dun dlit ou dun quasi dlit, soit de la loi 24.
Cette apprhension de lobligation nest, toutefois, pas isole. Grgoire Forest a eu
loccasion den envisager les diffrentes acceptions dans le cadre de sa thse intitule
Essai sur la notion dobligation en droit priv 25 en expliquant que cette notion peut
senvisager tant de manire contemporaine (A) que classique (B). Analyser les
diffrentes approches de lobligation permetra, alors, didentifier celle qui intressera
lanalyse relative aux obligations non matrialises dans les contrats.
23 D. DEROUSSIN, Histoire du droit des obligations, Economica, coll. Corpus Histoire du droit, 2me d., 2012, p. 7 C. civ., art. 1101 : Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, donner, faire ou ne pas faire quelque chose . 24 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 699, V Obligation. 25 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012.
INTRODUCTION
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A) Les conceptions contemporaines de la notion dobligation
5. - Deux apprhensions contemporaines de la notion dobligation sont
constatables, lune objective (1) et lautre dualiste (2).
1. La conception objective
6. - Expos de la conception objective de lobligation La conception objective
de lobligation invite envisager la notion en considration de son objet. Reprenant la
dfinition quen a donne Justinien, cette cole la modernise en invitant lenvisager
sous un aspect conomique26. Dans ses Institues, lEmpereur byzantin expliquait que
lobligation doit tre considre comme un lien de droit qui nous impose la ncessit
de payer quelque chose quelquun conformment aux droits tablis dans notre patrie
27. Cette dfinition envisage la notion comme un lien unissant les deux sujets de
lobligation, le crancier et le dbiteur. La conception objective sappuie, alors, sur cette
ide pour affirmer que lobligation est un lien. Il ne faut, toutefois, pas lenvisager entre
deux personnes mais entre deux patrimoines28 et cest par ce postulat que lapproche
objective sloigne de lapproche classique. Lobligation nest, dans cette perspective,
non pas un rapport entre deux sujets de droit mais entre deux patrimoines. En relguant
au second plan le lien entre les parties et lobligation29, lapprhension contemporaine
invite objectiver la notion. Dfinie par son objet et non plus par ses sujets30,
lobligation est, ainsi, un lment du patrimoine envisag la fois de manire positive
sagissant du crancier augmente son patrimoine et de manire ngative concernant
le dbiteur diminue son patrimoine et, partant, dans une perspective conomique et
26 V. L. VENIAMIN, Essai sur les donnes conomiques dans lobligation civile, LGDJ, 1930. 27 JUSTINIEN, Institutes, Livre III, Titre XIV, in Corpus juris civilis (Corps de droit civil romain en latin et en franais), trad. par H. HULOT, J.-F. BERTHELOT, P.-A. TISSOT, 1803, rd., Scientia Verlag, 1979, p. 164. 28 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 27, n 27. 29 E. GAUDEMENT, Thorie gnrale des obligations, Sirey, 1937, p. 13 : le crancier et le dbiteur ne sont plus que les reprsentants juridique de leurs biens . 30 Ch. LARROUMET et S. BROS, Trait de droit civil, t. III : Les obligations, Le contrat, Economica, coll. Corpus droit priv, 7me d., 2014, p. 23, n 30.
INTRODUCTION
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purement objective 31. En rsum, ce qui importe pour le crancier nest pas la
personne de son dbiteur mais uniquement lexcution de la prestation32.
7. - Critiques relatives la conception objective de lobligation La conception
objective de la notion dobligation implique, toutefois, deux postulats parallles qui
semblent difficilement admissibles.
Envisager lobligation de manire objective, et donc par son aspect conomique,
suppose, dune part, de distinguer les sujets de droit de leurs patrimoines. Une telle
sparation apparat, toutefois, difficile concevoir. Juridiquement, le patrimoine est
considr comme l'ensemble des biens extrieurs, des choses inanimes ou mme
animes (vgtaux, animaux), mobilires ou immobilires, corporelles ou incorporelles
qui appartiennent une personne physique ou morale 33 leur permettant de satisfaire
leurs besoins matriels et la bonne fin de leurs entreprises ou activits
professionnelles 34 . Cette dfinition met en vidence le lien qui existe entre le
patrimoine et la personne laquelle il est rattach. Il semble, donc, compliqu
denvisager une sorte dautonomie du patrimoine par rapport son titulaire.
Accepter cette ide, en effet, conduit reconnatre la possibilit, pour le patrimoine,
lui seul, de conclure un contrat gnrateur dobligations quil est lui-mme tenu
dexcuter35. Cette apprhension de lobligation semble, ainsi, impossible admettre.
Envisager lobligation de manire objective suppose, dautre part, deffectuer une
hirarchisation entre les liens que lobligation implique. Il ne sagit plus denvisager le
patrimoine de manire indpendante de son titulaire mais de distinguer les aspects
subjectif et objectif de lobligation en faisant prdominer le second. Une obligation est,
31 E. GAUDEMET, Etude sur le transport de dettes titre particulier, Libr. Rousseau, Paris, 1898, rd. Panthon Assas, coll. Les introuvables, 2014, p. 31. 32 R. SALLEILLES, Etude sur la thorie gnrale de lobligation daprs le premier projet de Code civil pour lempire allemand, Libr. Cotillon, Paris, 2me d., 1901, rd. LGDJ, 3me d., 1914, p. 74, n 82 : ce que veut le crancier, cest le rsultat quil attend de la prestation ; il lui importe peu que ce rsultat lui soit procur par tel ou tel . 33 A. SERIAUX, Patrimoine , Rp. civ. Dalloz, 2013, pt. 2. 34 A. SERIAUX, Patrimoine , Rp. civ. Dalloz, 2013, pt. 37. 35 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 30, n 32 : Aprs tout, le patrimoine est une masse de biens qui nont en commun que la personne de leur propritaire. Un patrimoine ne mange pas, ne dort pas, ne fait pas daffaires : il ne peut, en un mot, se lier seul .
INTRODUCTION
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donc, la fois un lien entre deux sujets de droit et une valeur36, cette dernire prsentant
un caractre dterminant sagissant de la qualification de la notion. Il apparat, toutefois,
quune telle acception rebondisse sur la dfinition qui avait t donne par Justinien.
Il ne se constate donc pas de relle mancipation de la conception objective de
lobligation par rapport cette apprhension classique qui superpose, elle aussi, les
aspects objectif et subjectif de lobligation.
La conception objective de lobligation ne convainc donc pas quant son influence
sur lacception de la notion telle que retenue par notre droit positif. Il sagit, donc, de
sintresser une seconde conception contemporaine qui propose une apprhension
dualiste de lobligation.
2. La conception dualiste
8. - Une conception dualiste dinspiration allemande La thorie dualiste de la
notion dobligation est principalement dveloppe en Allemagne. Elle constitue une
runion entre une thorie volontariste dfendue, notamment, par Windscheid 37 ,
Savigny38 et Sohm39 qui se place du point de vue du dbiteur et une seconde cole
envisageant lobligation du point de vue du crancier, prne par Brinz40, inspir par
Bekker41. Il sagit, alors, de reprendre chacune de ces apprhensions afin didentifier les
deux aspects de lobligation envisags par la thorie dualiste.
Les volontaristes, dune part, envisagent lobligation comme un unique devoir du
dbiteur, dtachable de tout aspect de contrainte que le crancier peut exercer sur lui. La
notion repose, en ce sens, sur une excution volontaire de la part du dbiteur. Il nexiste,
donc, aucun pouvoir de contrainte puisque lobligation repose sur un devoir 42 .
36 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 29, n 31. 37 B. WINDSCHEID, Lehrbruch des pandektenrechts, t. II, Francfort, 1906. 38 F.-C. DE SAVIGNY, Le droit des obligations, Durand, Paris, trad. G. GIRARDIN et P. JOZON, 1863. 39 R. SOHM, Der Begriff des Forderungrechts, Grnhuts Zeitschrift n 4, 1877. 40 A. BRINZ, Der begriff obligatio, in Grnhuts zeitschrift fr das privat und ffentliche Recht der Gegenwart, t. I, 1874, Vienne, p. 11 et s. A. BRINZ, Kritische Bltter, Erlangen, 1853 A. BRINZ, Lehrbuch der pandekten, t. II, 1re partie, Erlangen, , 2me d, 1879.
41 E. I. BEKKER, Die aktionen des rmischen Privatrechts, Berlin, 1871. 42 S. PRIGENT, Le dualisme dans l'obligation , RTD civ. 2008, p. 401.
INTRODUCTION
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Le crancier ne bnficie, dans cette perspective, que dun seul pouvoir, celui de
recevoir la prestation qui fait lobjet de lobligation43. Il est possible de rapprocher cette
apprhension du mcanisme de lobligation naturelle. Cette dernire correspond
l obligation dont lexcution (force) ne peut tre exige en justice mais dont
lexcution (volontaire) ne donne pas lieu rptition, en tant quelle est
laccomplissement dun devoir moral 44. A la diffrence dune obligation civile45,
lobligation naturelle nemporte pas de sanction 46 et implique, par consquent,
uniquement lide de devoir pesant sur le dbiteur sans que le crancier ne puisse
exercer sur lui un quelconque pouvoir de contrainte47. Est, ainsi, la charge des parents
dun jeune travailleur, lobligation naturelle de lhberger titre gratuit48. Du fait de
cette qualification, si les dbiteurs nexcutent pas lobligation, leur enfant na pas la
possibilit den demander lexcution force en justice. Il existe donc une ide de devoir
de prestation sans quaucune contrainte ne puisse tre exerce de la part du crancier en
cas de non-excution49.
La seconde apprhension de lobligation, dautre part, a t dveloppe en opposition
la thorie volontariste et envisage, ainsi, lobligation du seul point de vue du pouvoir
de contrainte inhrent au crancier qui se traduit par sa mainmise sur la personne de son
dbiteur. Ce dernier constitue, ainsi, lotage de son crancier et est donc la fois
43 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 39, n 47. 44 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 678, V Naturelle (-Obligation). 45 Obligation dont lexcution force peut tre exige en justice : G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 177, V Civile (-Obligation). 46 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, Sirey, coll. Universit, 14me d., 2014, p. 10, n 16. 47 Y. PICOD, Obligations , Rp. civ. Dalloz, 2015, pt. 9 J.-J. DUPEYROUX, Contribution la thorie gnrale de l'acte titre gratuit, LGDJ, 1955, p. 354 s., n 350 s. 48 V. en ce sens : Cass. civ. 1re, 5 avr. 1993, n 90-21734 : Bull. civ. I, no 141 ; D. 1994, somm. 33, obs. D. EVERAERT-DUMONT : qu'apprciant souverainement les lments de la cause, la cour d'appel a pu estimer qu'en hbergeant gratuitement leur fils leur foyer, les poux X... se sont volontairement acquitts d'une obligation naturelle . 49 S. BECQUE-ICKOWICZ, Contrats et obligations, Obligations naturelles , J.-Cl. Notarial, fasc. 63, 2013, pt. 8 F. ROUVIERE, L'obligation comme garantie , RTD civ. 2011, p. 1, pt. 1.
INTRODUCTION
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lobjet de sa contrainte et de sa satisfaction 50. Lobligation doit, selon cette thorie,
tre uniquement envisage du point de vue de la sanction quelle gnre.
En rsum, les deux perceptions se distinguent en ce que la thorie volontariste
implique une excution volontaire de la part du dbiteur tandis que lapprhension
dfendue par Brinz, induit lide dune excution force reprsentant le pouvoir du
crancier51.
9. - Lide dune synthse entre les deux conceptions sest alors dveloppe
linitiative dAmira52. Deux mots, correspondant aux deux facettes de lobligation,
furent alors dcouverts, la schuld et la haftung53 correspondant respectivement aux ides
de dette54 ou de devoir55 et de responsabilit56. La qualification dune obligation
implique donc, selon la thorie dualiste, la coexistence entre un devoir de prester
incombant au dbiteur et un pouvoir de contrainte bnficiant au crancier lui
permettant de recourir lexcution force en cas de dfaillance de la part de son
cocontractant. Un acte unique, gnrateur dobligation, permet donc la fois de crer un
50 J. PELET, La thorie dualiste de lobligation et son application en droit Suisse, Impr. Charles Pache, Lausanne, 1937, p. 48 et s. 51 J. MAILLET, La thorie de Schuld et Haftung en droit romain, Expos et examen critique, Impr. d'd. P. Roubaud, Aix-en-Provence, 1944, p. 40. 52 K. VON AMIRA, Nordgermanisches Obligationenrecht, Leipzig, 1882-1885 K. VON AMIRA, Grundriss des germanischen rechts, Strasbourg, 1913, rd. Isha Books, 2013 V. en ce sens : E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935, p. 10, n 4 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 40, n 49. 53 J. PELET, La thorie dualiste de lobligation et son application en droit Suisse, Impr. Charles Pache, Lausanne, p. 58. 54 E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935, p. 11, n 4 - J. PELET, La thorie dualiste de lobligation et son application en droit Suisse, Impr. Ch. Pache, Lausanne, p. 58, spc. note de bas de page n 10 Y. PICOD, Obligations , Rp. civ. Dalloz, 2015, pt. 9. 55 F. K. COMPARATO, Essai d'analyse dualiste de l'obligation en droit priv, Dalloz, 1964, p. 19, n 9 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 41, n 50 J. MAILLET, La thorie de Schuld et Haftung en droit romain, Expos et examen critique, Impr. d'd. P. Roubaud, Aix-en-Provence, 1944, p. 7. 56 E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935, p. 11, n 4
INTRODUCTION
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rapport de dette (schuld) et un rapport de responsabilit (haftung)57. Cest en ce sens que
lobligation nest pas unitaire mais dualiste.
Si les deux lments constitutifs doivent fusionner afin de donner lieu une
obligation complte, ils demeurent cependant diffrents, ce qui permet de les envisager
de manire isole58 en leur reconnaissant une existence indpendante. Cette possibilit
de dissociation59 sillustre, notamment, au travers de lexemple du cautionnement.
Selon les tenants de la thorie dualiste, ce contrat constitue un exemple de dpendance
entre la schuld et la haftung puisque seul le second rapport y est constat60. Dans cette
hypothse, en effet, il est considr que la caution est lie, non pas parce quelle doit
payer quelque chose (schuld) mais parce quelle sest porte garante (haftung) de
lexcution de sa prestation et donc de sa shuld par le dbiteur principal61.
10. - Cette dualit de lobligation a t rapproche voir mme justifie par certains
auteurs 62 des ides de debitum et dobligatio qui existaient en droit romain.
Le debitum, dune part, se rvlait sous un double aspect. Il correspondait, en effet, la
fois la prestation que le dbiteur devait accomplir63 quil sagisse dune action ou
57 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 43, n 53. 58 P OURLIAC et J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit priv, t. I : Les obligations, PUF, coll. Thmis droit, 1957, p. 16, n 4. 59 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, Sirey, coll. Universit, 14me d., 2014, p. 11, n 19. 60 R. LEDAIN SANTIAGO, La circulation du cautionnement, thse, Evry Val dEssonne, 2011, n 37. 61 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 77, n 124. 62 V. notamment : G. CORNIL, Debitum et obligatio, Recherches sur la formation de la notion de lobligation romaine , in Etudes de droit romain ddies P. F. GIRARD l'occasion du 60me anniversaire de sa naissance, Rousseau, Paris, 1912, p. 199 et s. E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935 F. K. COMPARATO, Essai d'analyse dualiste de l'obligation en droit priv, Dalloz, 1964.
V. Contra : F. DE VISSCHER, Lorigine de lobligation ex delicto , RHD 1928, p. 335 F. DE VISSCHER, Lorigine de lobligation romaine , RHD 1925, p. 521 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012 J. MAILLET, La thorie de Schuld et Haftung en droit romain, Expos et examen critique, Impr. d'd. P. Roubaud, Aix-en-Provence, 1944 P OURLIAC et J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit priv, t. I : Les obligations, PUF, coll. Thmis droit, 1957, p. 16, n 4. 63 Y. PICOD, Obligations , Rp. civ. Dalloz, 2015, pt. 9.
INTRODUCTION
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dune omission64 et au pouvoir du crancier, non pas dexercer une contrainte, mais de
recevoir cette prestation 65 . La notion a, ainsi, t assimile celle de schuld.
Lobligatio, dautre part, renvoyait une ide de soumission du dbiteur envers son
crancier par lexistence dune mainmise au profit de ce dernier66. Il tait donc question
dun assujettissement de quelque chose ou quelquun au pouvoir du crancier 67,
ide qui a t confondue avec celle de la haftung.
Lexemple du garant primitif a alors, notamment, t envisag afin de justifier
lassimilation sagissant des origines de la naissance et du fonctionnement du caractre
dual de lobligation. Sans quil ne soit ncessaire de reprendre intgralement lvolution
de son statut, la dualit de lobligation a pu tre illustre par la convention de
composition qui existait en droit romain68. Lorsquun dlinquant commettait un dlit, il
tait octroy sa victime un pouvoir de contrainte sur sa personne69. Lauteur des faits
pouvait alors se librer de cette mainmise en offrant au crancier une somme dargent
permettant de rparer le prjudice caus. Afin de renforcer cette promesse, le dlinquant
avait la possibilit de proposer sa victime de le librer en change dun otage, gage de
lexcution de sa promesse. Le dbiteur ntait donc plus assujetti la victime
(obligatio) la contrainte tant transpose sur la personne de lotage mais avait le
devoir de le payer (debitum). Les dfenseurs de lorigine romaine de la thorie dualiste
affirme, en considration de cette illustration, quil tait possible, ds cette priode, de
distinguer les deux aspects de lobligation. Le recours un garant, quelque soit la
situation, tait preuve, selon eux, de lexistence du caractre dual de lobligation.
64 D. DEROUSSIN, Histoire du droit des obligations, Economica, coll. Corpus Histoire du droit, 2me d., 2012, p. 8. 65 E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935, p. 59, n 37. 66 Y. PICOD, Obligations , Rp. civ. Dalloz, 2015, pt. 9 Fr. TERRE, Prsentation , in Lobligation, Dalloz, coll. APD, 2000, p. 9 et s., spc. p. 9. 67 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 44, n 55. 68 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 44 et s., n 56 et s. 69 R.-M. RAMPELBERG, Lobligation romaine : Perspective et volution , in Lobligation, Dalloz, coll. APD, 2000, p. 51 et s., spc. p. 52.
INTRODUCTION
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11. - Critiques de la conception dualiste de lobligation Trois principales
critiques peuvent, toutefois, tre formules lencontre de la thorie dualiste de
lobligation.
Historiquement, dabord, si les romanistes prtent les sources de lapprhension
tudie au droit romain, il semble que cette affirmation soit extrmement critiquable.
Les justifications avances ne peuvent, en effet, pas tre prouves. Aucun document ne
garantit, notamment, le fonctionnement et lvolution du systme des garants primitifs
la source de leur dmonstration70. Il semble que la recherche des origines romaines par
ces derniers ne soit quune tentative de puiser dans une phase inconnue lexplication
dune phase postrieure mieux connue 71. Il apparat, par ailleurs, que le systme
juridique dvelopp en droit romain tait trop primitif pour pouvoir dvelopper une
thorie relative lobligation72.
Si certains auteurs ont tent de constater lapplication de la thorie dualiste de
lobligation en droit positif franais73, ensuite, il semble que lacception de cette
conception soit difficilement envisageable. Apparaissant comme ntant pas utile 74,
il semble que cette apprhension de lobligation ne permette pas rellement den
expliquer le fonctionnement. Si elle permet de donner une explication aux situations
dans lesquelles la schuld ou la haftung survivent en dpit de lautre, elle noffre,
toutefois, pas une relle justification sagissant de la mise en uvre rgulire de
lobligation qui implique la runion des deux rapports.
Une incohrence se rvle, enfin, sagissant de la haftung. Reprsentant le pouvoir
coercitif du crancier, elle serait donc un lment constitutif de lobligation 75 .
70 J. GAUDEMET, Naissance dune notion juridique, Les dbutes de l obligation dans le droit de la Rome antique , in Lobligation, Dalloz, coll. APD, 2000, p. 19 et s., spc. p. 27. 71 J. MAILLET, La thorie de Schuld et Haftung en droit romain, Expos et examen critique, Impr. d'd. P. Roubaud, Aix-en-Provence, 1944, p. 193. 72 J. MAILLET, La thorie de Schuld et Haftung en droit romain, Expos et examen critique, Impr. d'd. P. Roubaud, Aix-en-Provence, 1944, p. 40. 73 V. Contra: E. AP. POPA, Notions de debitum (schuld) et obligatio (haftung) et leur application en droit franais moderne, Librairie des facults E. Muler, 1935, 1935 F. K. COMPARATO, Essai d'analyse dualiste de l'obligation en droit priv, Dalloz, 1964 Ph. MOZAS, La notion de dette en droit priv, thse, Bordeaux IV, 1996. 74 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 79, n 126. 75 D. DEROUSSIN, Histoire du droit des obligations, Economica, coll. Corpus Histoire du droit, 2me d., 2012, p. 8.
INTRODUCTION
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Lenvisager de cette manire reviendrait, toutefois, reconnatre au crancier le pouvoir
dexercer lui-mme la contrainte ou, tout le moins, quune sanction est
automatiquement prononce en sa faveur en cas de non-excution dune lobligation76.
Nul besoin nest fait de dtailler la distorsion entre ce postulat et la ralit judiciaire
mais simplement de constater lide selon laquelle la contrainte ntant pas
ncessairement applique, elle ne peut tre considre comme tant un lment
constitutif de lobligation77.
12. - Les conceptions contemporaines de lobligation envisages, il sagit de
sinterroger sur les acceptions classiques de la notion.
B) Les conceptions classiques de la notion dobligation
13. - Lapprhension originelle objective de la notion dobligation axe sur le
dbiteur A lorigine, la notion dobligation tait apprhende de manire purement
objective du seul point de vue de la situation dastriction du dbiteur78.
Si lanalyse de lancien droit romain79 ne permet pas daffirmer que la notion
dobligation existait, certaines situations rvlaient des actes mettant les individus dans
une position dassujettissement. Si les dbiteurs au sens de sujet passif de
lobligation 80 nexistaient pas rellement encore, il existait des obligs81. La personne
envers laquelle une autre tait oblige de prester son bnfice disposait dun droit de
contrainte quil avait la possibilit de mettre lui-mme en uvre ds lors que la
collectivit le lui permettait lintervention de la collectivit est une donne reste
inchange sagissant de lobligation. Il est possible dillustrer cette ide par la manus
76 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 77, n 123. 77 S. OBELLIANNE, Les sources des obligations, PUAM, 2009, p. 26, n 6. 78 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 85 et s., n 135 et s. 79 Priode stendant de 754 au IIIme sicle avant Jsus-Christ. 80 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 297, V Dbiteur. 81 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 93 et s., n 149 et s.
INTRODUCTION
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injectio. Lorsquune personne tait condamne, elle disposait dun dlai durant lequel
lui tait offerte la possibilit de racheter sa libration ou de dsigner un vindex82. Si tel
ntait pas le cas, la manus injectio tait alors mise en uvre. Il sagissait de la
procdure dexcution offerte au crancier dans le cas o la personne condamne
nexcutait pas la sanction qui avait t prononce son encontre83. Le crancier
disposait, dans cette hypothse, dune mainmise sur le condamn et avait la possibilit
de disposer de sa personne en le tuant, le vendant comme esclave ou lexhibant sur la
place publique.
Si la notion dobligation proprement parler nexistait pas en droit romain, se
rvlaient, toutefois, des situations dans lesquelles des individus taient dans
lobligation de prester peine du prononc dune contrainte. Les prmices de la notion
se construisent, par consquent, en considration de la situation du dbiteur.
Le philosophe Villey a, dailleurs, rattach cette apprhension primitive de la notion
dobligation la pense dAristote afin de justifier son caractre objectif84. Ce dernier
philosophe grec prnait, en effet, lide selon laquelle le droit sous-tend de
lobservation de la nature. Il dfendait, ainsi, une vision dun droit naturel qui
sapprcie non pas en fonction des individus mais en considration du monde qui les
entoure. Il ny a, dans cette pense, aucune trace dindividualisme ou de subjectivisme,
lindividu ntant pas, cette poque, au cur des raisonnements juridiques.
Lapprhension du monde juridique se rvle, donc, strictement objective.
14. - Si la notion dobligation nexistait pas dans lancien droit romain, elle sest peu
peu dveloppe en droit romain classique85 corrlativement au dveloppement du
commerce, de lindustrie et de la monnaie. La multiplication de la diversit et de
lemploi des mcanismes juridiques a donn lieu au dveloppement dune vision
82 Le vindex tait une procdure permettant de dsigner une personne dans le but de librer le condamn initial. Lorsquelle tait mise en place, un nouveau procs souvrait entre elle et le crancier. Si elle perdait, elle tait alors condamne au double de la sanction initialement prononce contre le premier dbiteur : J.-Ph. LEVY et A. CASTALDA, Histoire du droit civil, Dalloz, coll. Prcis, 2me d., 2010, p. 1010, n 671. 83 J.-Ph. LEVY et A. CASTALDA, Histoire du droit civil, Dalloz, coll. Prcis, 2me d., 2010, p. 1009, n 671. 84 M. VILLEY, Le droit et les droits de lhomme, PUF, 1983, p. 37 et s. 85 Priode stendant du IIIme sicle avant Jsus-Christ au IIIme sicle aprs Jsus-Christ.
INTRODUCTION
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abstraite de la notion. Gaius, dans ses Institutes, a t le prcurseur de lemploi du terme
obligatio. Sil nen donne pas de dfinition particulire, il lenvisage, dans sa
catgorisation des choses, comme une chose incorporelle86 qui peut natre dun dlit ou
dun contrat87 et qui a la possibilit de steindre88. La thorisation de la notion
dobligation est, alors, amorce.
Par la suite, et toujours durant la priode du droit romain classique, deux dfinitions
de lobligation sont apparues sous les plumes de Paul et de Modestin89. Paul, dune part,
expliquait que lessence de lobligation nest pas de nous acqurir une chose ou une
servitude, mais dastreindre autrui vis--vis de nous donner quelque chose ou faire
ou excuter une prestation en notre faveur 90. La formulation de cette dfinition
montre clairement que lobligation doit tre apprhende non pas comme un droit
subjectif du point de vue du crancier mais selon lassujettissement du dbiteur et, donc,
de manire purement objective. Il nest, en effet, pas question de ce que le crancier a la
possibilit de faire mais de ce que le dbiteur doit effectuer. Modestin, dautre part,
explique qu on entend par dbiteur celui de qui on peut exiger, mme malgr lui, ce
qu'il doit 91. Le juriste envisage donc, lui aussi, lobligation du point de vue de
lassujettissement du dbiteur et donc par un aspect objectif. La formulation latine de la
dfinition utilise, par ailleurs, afin de dfinir ce que doit le dbiteur, le terme
pecunia qui dsigne largent. Puisque le rsultat de la sanction tait envisag dun point
de vue purement pcuniaire, lexcution force ntait pas concevable.
Cette constatation dmontre labsence de reconnaissance dun droit subjectif au profit
du crancier et appuie le caractre objectif de la notion. Il est, dailleurs, noter afin
dappuyer cette ide que, le fait que la cession de crance ne soit pas reconnue en droit
86 GAIUS, Institutes, Livre II, 14 G. CORNU (dir.), Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10me d., 2014, p. 534, V Incorporel : Impalpable, immatrielle ; se dit, par opposition aux biens corporels, des biens ou valeurs qui chappent toute apprhension matrielle . 87 GAIUS, Institutes, Livre III, 88. 88 GAIUS, Institutes, Livre III, 168 181. 89 V. en ce sens : G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 108 et s., n 173 et s. 90 PAUL, Digeste ou Pandectes, in Corpus juris civilis (Corps de droit civil romain en latin et en franais), Livre 44, Titre VII, 3, trad. par H. HULOT, J.-F. BERTHELOT, P.-A. TISSOT, 1803, rd., Scientia Verlag, 1979, p. 599. 91 MODESTIN, Digeste ou Pandectes, in Corpus juris civilis (Corps de droit civil romain en latin et en franais), Livre 50, Titre VI, 108, trad. par H. HULOT, J.-F. BERTHELOT, P.-A. TISSOT, 1803, rd., Scientia Verlag, 1979, p. 615.
INTRODUCTION
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romain atteste de labsence dapprhension de lobligation comme dun droit
bnficiant au crancier. Si tel tait, en effet, le cas, elle aurait d pouvoir tre cessible.
15. - Il a fallu attendre le Bas-Empire92 pour que la dfinition de lobligation soit
formalise par Justinien. Lempereur byzantin explique alors que l'obligation est un
lien de droit qui nous impose la ncessit de payer quelque chose quelquun,
conformment aux droits tablis dans notre patrie 93. La notion est, ainsi, envisage
comme un lien de droit qui pse sur la personne du dbiteur et dont il ne peut se librer
qu la condition quil paye quelque chose. Lobligation rpond donc, toujours, une
conception objective en ce quelle est un lien dastriction. Aucune rfrence la
personne du crancier nest directement envisage. Son existence semble, ds lors,
indiffrente la dfinition de la notion. Le renvoi aux droits applicables dans la patrie
rejette clairement la contrainte exerce sur le dbiteur dans le domaine priv pour le
rattacher directement aux organes publics. Il est, par ailleurs, possible de constater que,
contrairement la vision dualiste qui porte la contrainte au rang dlment constitutif de
lobligation, la dfinition de Justinien, linverse, en dtache la sanction94.
16. - Si la notion dobligation a t oublie durant les invasions barbares95 et
lpoque fodale96, la renaissance conomique du XIIme sicle la faite renatre durant
le Haut Moyen Age et sous lAncien Rgime97 par un phnomne de romanisation du
droit coutumier de la part des glossateurs et postglossateurs. Lide de lien de droit qui
enchane le dbiteur limage dun lien matriel est reste au cur de
92 Priode dtendant du IIIme sicle au VIme sicle. 93 JUSTINIEN, Institutes, Livre III, Titre XIV, in Corpus juris civilis (Corps de droit civil romain en latin et en franais), trad. par H. Hulot, J.-F. Berthelot, P.-A. Tissot, 1803, rd., Scientia Verlag, 1979, p. 164. 94 N. M. K. GOMAA, Thorie des sources de lobligation, LGDJ, coll. Bibl. de dr. priv., 1968, p. 245 et s., n 271 et s. 95 Priode stendant du Vme sicle au XIme sicle. 96 Priode stendant du XIme sicle au XVIme sicle. 97 Priode stendant du XIme sicle au XVIme sicle.
INTRODUCTION
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lapprhension de la notion par les glossateurs98 qui insistaient, par ailleurs, sur laspect
dtachable de laction par rapport lobligation limage de la dfinition donne par
Justinien99. Si les postglossateurs donnaient une dimension intellectuelle la notion
dobligation, elle demeurait un lien de contrainte envisag du point de vue du
dbiteur100.
Paralllement, le droit canon donnait sa propre dfinition de lobligation.
Il lenvisageait, cependant, dans un rapport entre les hommes et Dieu par lintermdiaire
du Serment. Si les serments engagent, leur violation implique que les dbiteurs en
rpondent Dieu101.
17. - Lanalyse de ces diffrentes priodes historiques dmontre que lobligation
tait systmatiquement prsente comme une norme objective crant un lien de
contrainte pesant sur le dbiteur. La notion va, toutefois, voluer pour tre envisage
comme un droit subjectif, et, ainsi, exclusivement du point de vue du crancier.
18. - Lvolution subjective de la notion dobligation axe sur le
crancier Peu peu se dveloppe lide dindividualisme. Il ne sagit plus de placer
la nature au cur des raisonnements mais denvisager les choses en fonction de
lindividu. Laxe de rflexion de la pense juridique a, ds lors, bascul dune
apprhension objective vers une apprhension subjective.
Lune des premires traces du subjectivisme juridique se retrouvait chez Doneau.
Le jurisconsulte dfinissait, en effet, le droit civil comme prescrivant de rendre
98 V. par ex. Glose dAccurse : lobligation est un lien de droit, cest--dire un droit liant ainsi quune chose incorporelle () de mme que les bufs sont lis visuellement par des cordes, de mme les hommes sont lis intellectuellement par les paroles , G. SAUTEL et M. BOULET-SAUTEL, Verba ligant homines, taurorum cornua funes , in Etudes dhistoire du droit priv offertes P. PETOT, LGDJ, 1959, p. 507 et s., spc. p. 508, cit par G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 132, n 206, spc. note de bas page 671. 99 A.-J. BOYE, Variations sur ladage obligatio mater actionis , in tudes d'histoire du droit canonique ddies G. LE BRAS, Sirey, 1965, p. 815 et s., spc. p. 817 : cit par G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 132, n 207, spc. note de bas de page 687. 100 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 132 et s., n 207. 101 J.-Ph. LEVY et A. CASTALDA, Histoire du droit civil, Dalloz, coll. Prcis, 2me d., 2010, p. 812, n 530.
INTRODUCTION
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chacun la part de droit qui lui appartient 102. Le bnficiaire du droit, et donc
lindividu, tait alors plac au centre de la pense juridique. Lapproche subjectiviste du
droit tait, ainsi, amorce et confirme par la pense jusnaturaliste moderne dfendue,
notamment, par Grotius. Dans son ouvrage relatif au Droit de la guerre et de la
paix 103, le philosophe du droit reprenait, en effet, une ide de droit naturel mais en
laxant, non plus comme Aristote sur la nature du monde, mais sur celle des hommes.
Le droit, selon lui, tait une qualit morale, attache la personne en vertu de quoi
on peut lgitimement avoir ou faire quelque chose 104 . Dans cette perspective,
lobligation rpondait une facult dexiger ce qui est d 105. Il ne sagit donc plus
de se placer du point de vue du dbiteur mais bien denvisager lobligation en
considration de son cocontractant, le crancier. Se constatait, ainsi, une premire
extriorisation de lide de lexistence dun droit subjectif sagissant de lobligation.
Cette tendance a, peu peu, transform laction passant ainsi dun moyen dexercer une
contrainte sur le dbiteur une manire pour le crancier dobtenir ce qui lui est d au
titre du droit personnel qui lui est reconnu.
19. - Cette apprhension gnrale du droit et de la notion dobligation, de faon plus
spcifique, a t reprise la veille de la promulgation du Code civil par Pothier.
Dans son Trait des obligations , le jurisconsulte expliquait quon appelle obligation
celle qui est un lien de droit () et qui donne celui envers qui nous les avons
contractes, le droit dexiger de nous laccomplissement 106. Si la formulation de la
dfinition se plaait exclusivement du point de vue du crancier, Pothier est all plus
loin. En reprenant lide de lien de droit, il nexcluait, en effet, pas totalement le
dbiteur du paysage de la relation obligationnelle. Lobligation impliquait, selon lui,
102 H. DONEAU, Opera omnia, Commentariorum de jure civilis, t. I, Florence, 1840, Lib. I, cap. I, II, f 3, trad. G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 143, n 219, spc. note de bas de page 720. 103 H. GROTIUS, Droit de la guerre et de la paix, 1625, rd PUF, coll. Quadrige, trad. par P. PRADIER-FODERE, 2012. 104 H. GROTIUS, Droit de la guerre et de la paix, 1625, rd PUF, coll. Quadrige, trad. par P. PRADIER-FODERE, 2012, spc. Livre I, Chap. I, p. 35. 105 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 146, n 220. 106 R.-J. POTHIER, uvres de Pothier, t. III : Trait des obligations, Beauc, Paris, 1818, p. 2, n 1, rd. Cosse et Marchal, Paris, 1861, n 3 et 103 et s., rd. Dalloz, coll. Bibl. Dalloz, 2011.
INTRODUCTION
- 31 -
deux personnes, le crancier, titulaire dun droit dexiger la prestation promise et le
dbiteur, li par lengagement quil a pris lorsquil a contract. Un premier pas vers le
caractre unitaire de lobligation mlant la fois le droit reconnu au crancier et le
devoir incombant au dbiteur est, ainsi, constat.
20. - La superposition des caractres objectifs et subjectifs de la notion :
lunicit de lobligation accueillie par le droit positif Depuis la promulgation du
Code civil, lobligation est envisage comme une unit regroupant un double aspect.
Elle est, en effet, considre la fois comme un devoir la charge du dbiteur et
comme un droit au bnfice du crancier107. Lapprhension objective romaine de la
notion est ainsi mle au dveloppement de son aspect subjectif qui lui succda.
Lobligation devient alors un concept unitaire constitutif dun rapport juridique qui
unit le crancier et le dbiteur 108 senvisageant en son double aspect
passif la dette et actif la crance en considration de la qualit du contractant
envisag le dbiteur ou le crancier109.
Grgoire Forrest a, notamment, reproch lapprhension de la notion dobligation
telle que retenue par le droit positif dassimiler les notions de dette et de crance110. Il a,
en effet, expliqu lide selon laquelle la conception classique semble assimiler ces
deux notions. Lobligation serait, ds lors, perue comme une unit la structure
dualiste (), interdpendante 111. En les envisageant comme les deux faces dun
107 Ph. DELEBECQUE et F.-J. PANSIER, Droit des obligations, Contrat et quasi-contrat, LexisNexis, coll. Objectif droit cours, 5me d., 2010, p. 1, n 1 R. SACCO, A la recherche de lorigine de lobligation , in Lobligation, Dalloz, coll. APD, 2000, p. 33 et s., spc. p. 33. 108 B. FAGES, Droit des obligations, LGDJ/Lextenso ditions, coll. Manuel, 5me d., 2015, p. 21, n 1 Ph. MALINVAUD, D. FENOUILLET et M. MEKKI, Droit des obligations, LexisNexis, coll. Manuel, 13me d., 2014, p. 3, n 7. 109 Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Les obligations, Sirey, coll. Universit, 14me d., 2014, p. 12 et s., n 24 et s. D. MAINGUY et J.-L. RESPAUD, Droit des obligations (contrats, responsabilit, rgime de lobligation), Ellipses, coll. Cours magistral, 2008, p. 4, n 2 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, coll. Prcis, 11me d., 2013, p. 1, n 2. 110 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 169 et s., n 246 et s. 111 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 500 et s., n 688.
INTRODUCTION
- 32 -
mme objet 112, les auteurs classiques semblent, selon lui, omettre lide selon laquelle
les deux notions ne se distinguent pas par un simple angle de regard mais sont de nature
diffrente. Si la dette correspond un devoir, la crance relve du domaine des droits.
Elles devraient, alors, selon lui, constituer deux lments constitutifs bien distincts
permettant de qualifier la notion dobligation. A cet gard, il propose de retenir une
dfinition no-classique du mcanisme selon laquelle lobligation est un droit
subjectif lexcution dune norme de comportement 1 Le lien de droit par lequel le
dbiteur est astreint dlivrer une prestation un crancier dtermin et 2 Le droit
lexcution de la prestation dont le crancier est titulaire 113 . Il sagirait donc
denvisager la notion comme une unit la structure binaire. La dette et la crance en
seraient alors les deux normes de comportements constitutives indissociables la
caractrisation de la notion mais diffrenciables quant leur nature.
21. - Lapprhension classique de la notion dobligation implique donc la fois une
dette et une crance, qui senvisagent comme un droit au bnfice du crancier et un
devoir la charge du dbiteur. Cest cette conception qui sera retenue dans le cadre de
la prsente tude.
La notion dobligation envisage, il sagit de sintresser sa mise en uvre en
matire contractuelle. Ltude des diffrentes catgories obligationnelles permettra, en
effet, de rvler lexistence des obligaitons non matrialises.
II. La catgorisation des obligations contractuelles
22. - Dichotomie du contenu obligationnel Le contenu dun contrat regroupe
lensemble des engagements permettant la ralisation du but poursuivi par les
parties 114. Son contenu obligationnel, plus spcifiquement, correspond lensemble
des obligations qui gnreront une dette la charge de leur dbiteur et une crance au
112 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 159 et s., n 233 et s. 113 G. FOREST, Essai sur la notion dobligation en droit priv, Dalloz, coll. Nouv. Bibl. de thses, 2012, p. 501 et s., n 689. 114 F. ROUVIERE, Le contenu du contrat : Essai sur la notion dinexcution, PUAM, 2005, p. 316.
INTRODUCTION
- 33 -
profit de leur crancier. Il sagit alors de sinterroger sur les diffrentes obligations
imposables dans le cadre dune relation contractuelle. Elles peuvent tre divises en
deux catgories, les unes qualifies dimposes115 (A) et les autres de volontaires116 (B).
Le caractre volontaire est caractris par ce qui rsulte dune dcision librement
choisie sans que cela nait t forc et ne relve, donc, pas dune contrainte117.
La dichotomie expose prend, donc, en considration limpact de la volont des parties
sagissant du caractre obligatoire du contenu obligationnel simposant dans le cadre de
leur relation contractuelle.
Lexpos de cette catgorisation aura pour finalit de dceler lexistence des
obligations non matrialises dans les contrats.
A) Les obligations imposes
23. - Notion dobligations imposes Le contenu obligationnel dun contrat peut
tre constitu dobligations dont le caractre obligatoire ne requiert pas le consentement
des parties de sy soumettre. Leur dnomination varie, tantt qualifies dimposes,
elles sont aussi envisages comme celles qui sont non volontaires 118 ou encore
implicites119.
Ces obligations sont envisages par les principes UNIDROIT qui expliquent quun
contrat est compos de deux catgories dobligations, les unes expresses et qui sont
assimiles celles qui seront qualifies de volontaires et les autres implicites120.
Ces dernires sont alors prsentes comme celles qui simposent aux parties sans
115 V. en ce sens : Ph. DELEBECQUE, Clauses d'allgement des obligations , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 110, 2002, pt. 84 et s. 116 V. en ce sens : a contrario : J.-C. SAINT-PAU, Droit rparation, Conditions de la responsabilit contractuelle , J.-Cl. Notarial, Fasc. 171-10, 2013, pt. 7 et s. 117 P. ROBERT, J. REY-DEBOVE et A. REY (dir.), Le Petit Robert de la langue franaise, Le Robert, 2015, p. 2738, V Volontaire. 118 V. en ce sens : J.-C. SAINT-PAU, Droit rparation, Conditions de la responsabilit contractuelle , J.-Cl. Notarial, Fasc. 171-10, 2013, pt. 7 et s. 119 V. en ce sens : Principes UNIDROIT, art. 5.1.1 : Les obligations contractuelles des parties sont expresses ou implicites . 120 Principes UNIDROIT, art. 5.1.1 : Les obligations contractuelles des parties sont expresses ou implicites .
INTRODUCTION
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condition de fond ou de forme en ce sens quelles vont sans dire 121. Elles sont, ainsi,
subies par les parties qui ne peuvent pas y droger122. Si le caractre intangible de
lensemble de ces obligations constitue leur point commun, elles se subdivisent en deux
catgories.
Certaines obligations imposes sont interdpendantes de lopration contractuelle
envisage. Insparables du contrat particulirement conclu, elles sont celles quil est
possible de qualifier dessentielles123 (1). Sajoutent elles une seconde catgorie
dobligations imposes qui, si elles ne rpondent pas la nature de lopration
contractuelle, simposent de manire plus objective. Leur caractre obligatoire naffecte
pas lopration contractuelle en elle-mme puisquelles simposent de manire plus
gnrale. Il sagit des obligations accessoires124 (2).
1. Les obligations essentielles
24. - Notion dobligations essentielles Afin de comprendre la notion dobligation
essentielle, il est ncessaire den dfinir le qualificatif. Autrement appele essentialia125
ou inhrentes126, elles sont celles qui sont jointes insparablement 127. Il sagit des
obligations dont le caractre obligatoire dpend de lopration souhaite par les parties,
et, partant, du contrat qui a t conclu. En dautres termes, elles sont celles en labsence
121
Principes UNIDROIT, art. 5.1.2, commentaire : Les obligations implicites peuvent par exemple avoir t si videntes, du fait de la nature ou du but de lobligation, que les parties ont estim que les obligations allaient sans dire . 122 Principes UNIDROIT, art. 5.1.2 : Les obligations implicites dcoulent :
a) De la nature et du but du contrat b) Des pratiques tablies entre les parties et des usages c) De la bonne foi d) De ce qui est raisonnable .
123 V. en ce sens : F. ROUVIERE, Contenu du contrat , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 50, 2010, pt. 12 et s. 124 V. en ce sens : F. ROUVIERE, Contenu du contrat , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 50, 2010, pt. 37 et s. 125 V. en ce sens : Ph. DELEBECQUE, Clauses d'allgement des obligations , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 110, 2002, pt. 86. 126 V. en ce sens : Ph. DELEBECQUE, Clauses d'allgement des obligations , J.-Cl.Contrats-Distribution, fasc. 110, 2002, pt. 85 et s. 127 P. ROBERT, J. REY-DEBOVE et A. REY (dir.), Le Petit Robert de la langue franaise, Le Robert, 2015, p. 1331, V Inhrent.
INTRODUCTION
- 35 -
desquelles lengagement contractuel se verrait dnatur, incomplet et non viable 128
puisque les spcificits de son mcanisme ne seraient pas juridiquement traduites.
Relevant de lessence mme du contrat, de ce qui fait quil est ce quil est et sans quoi
il ne serait pas 129, ces obligations lui sont indissociables.
En rsum, les obligations inhrentes sont celles qui sont imposes aux parties en
raison des spcificits du contrat quelles ont conclu.
25. - Illustration dobligation essentielle Il est possible dillustrer la notion
dobligation inhrente par le contrat de franchise. Ce dernier est celui par lequel le
franchiseur transmet un savoir-faire, met disposition des signes de ralliement de la
clientle et assure une assistance au franchis moyennant, de sa part, une rmunration
et lengagement dexercer lactivit envisage 130. La transmission du savoir-faire par
le franchiseur au franchis constitue une obligation essentielle de ce contrat de
distribution131. Si le savoir-faire nexiste pas, le contrat ne peut plus tre considr
comme un contrat de franchise puisque sa mise disposition est un lment inhrent
lopration voulue par les parties. Labsence de communication dun savoir-faire dans
le cadre dun contrat de franchise peut alors entrainer le prononc de sa rsolution132,
128 Ch. LAVABRE, lments essentiels et obligations fondamentales du contrat , RJDA 1997, p. 291, pt. 3. 129 P. ROBERT, J. REY-DEBOVE et A. REY (dir.), Le Petit Robert de la langue franaise, Le Robert, 2015, p. 932, V Essence. 130 C. GRIMALDI, S. MERESSE et O. ZAKHAROVA-RENAUD, Droit de la franchise, Litec, 2011, p. 51, n 51. 131 Le contrat de franchisage comprend une communication de savoir-faire comme lment essentiel et dterminant : Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, Litec, coll. Litec professionnels, 2me d., 2007, p. 216, n 452. 132 V. par ex. : Cass. com., 24 mai 1994, n 92-15846 : Contrats, conc., consom. 1994, n191, obs. L. LEVENEUR : le franchiseur n'avait transmis au franchis qu'un savoir-faire dpourvu d'originalit, que ce dernier tait en mesure d'acqurir par ses propres moyens et qui tait manifestement insuffisant pour lui permettre d'effectuer les prestations franchises qui ncessitaient une parfaite matrise des techniques juridiques, comptables, financires et commerciales, ce qui l'avait oblig limiter son activit la location de bureaux qui ne ncessitait aucun savoir-faire particulier, c'est en motivant sa dcision, hors toute contradiction, que la cour d'appel a dcid la rsolution du contrat aux torts exclusifs du franchiseur .
INTRODUCTION
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puisquil est considr que lune de ses conditions de constitution na jamais existe, ou
encore sa requalification133.
Lide dune obligation essentielle est de donner son caractre au contrat conclu en
considration de lopration que les parties ont souhait raliser. Sans ces obligations
essentielles, le contrat ne peut donc pas subsister en tant que tel134.
26. - Les obligations essentielles envisages, il sagit de sintresser la seconde
catgorie dobligations imposes qualifies daccessoires.
2. Les obligations accessoires
27. - Notion dobligations accessoires Les obligations accessoires ou, autrement
appeles, intgres135, ne sont pas directement lies lopration voulue par les parties
en ce sens que leur absence deffet obligatoire na pas dimpact sur lopration voulue
par les parties et, partant, sur la nature du contrat136. Ce sont les obligations qui ne
sont pas essentielles au contrat mais qui simposent aux contractants de manire
totalement objective137 sans quils ne puissent y droger, les modifier ou les allger .
Elles se subdivisent en deux catgories, celle des obligations issues de larticle 1135 du
Code civil (a) et celle du devoir de bonne foi (b).
133 V. par ex. : CA Paris, 7 juin 1990, n 07-061990 : D. 1990, p. 176 : La simple slection darticles par le franchiseur selon des critres dont il nest pas tabli quils prsentent un caractre technique ou spcifique nest pas constitutif dun savoir-faire, la consquence tant, en lespce, une requalification du contrat de franchise en contrat de fourniture Cass. com., 3 mai 1995, n93-12981 : D. 1997, p. 10, note L. AMIEL-COSME ; D. 1997, p. 57, note D. FERRIER : Le contrat prvoyait que la Socit Bata autorisait les poux X... vendre, dans un local agr par elle, les marchandises quelle leur fournissait exclusivement et dont elle fixait unilatralement le prix de vente en en demeurant propritaire jusqu la vente () le contrat ntant pas un contrat de franchise, si les obligations incombant la socit Bata dpassaient celles dun franchiseur en vue dassurer lunit de son rseau . 134 V. aussi sur le caractre essentiel de lobligation de dlivrance du vendeur : F. ROUVIERE, Le contenu du contrat : Essai sur la notion dinexcution, PUAM, 2005, p. 130, n 146. 135 V. en ce sens : Ph. DELEBECQUE, Clauses d'allgement des obligations , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 110, 2002, pt. 137 et s. 136 F. ROUVIERE, Contenu du contrat , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 50, 2010,, pt. 37. 137 Ph. DELEBECQUE, Clauses d'allgement des obligations , J.-Cl. Contrats-Distribution, fasc. 110, 2002, pt. 137.
INTRODUCTION
- 37 -
a) Larticle 1135 du Code civil
28. - Explications des suites de lobligation : larticle 1135 du Code
civil Larticle 1135 du Code civil dispose que