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De manière générale, le problème posé est la détermination d’éléments traces dans des
matrices complexes pouvant généralement se présenter à l’état solide, mais tout aussi bien sur
une solution ou sur des gaz. Deux types principaux de méthodes nucléaires peuvent alors être
mis en œuvre, selon les matériaux à analyser et les types d’éléments à doser.
Dans le premier type, on induira dans la matrice des réactions nucléaires, le plus
souvent en soumettant l’échantillon à un flux de neutrons ce qui conduira à activer un plus ou
moins grand nombre d’éléments dont les activités seront mesurées après l’irradiation, cette
technique s’appelle l’Analyse par Activation Neutronique (AAN) ; elle possède par ailleurs 2
variantes, ainsi qu’on le verra par la suite, sans séparation radiochimique, et dans ce cas elle
est non destructive ; ou bien si les éléments majeurs de la matrice subissent une très forte
activation par rapport aux éléments trace, il faudra alors recourir à une séparation
radiochimique après l’activation.
Le second type de détermination quantitative d’éléments traces fait appel à
l’interaction des particules chargées avec la matière et où les rayonnements mesurés le sont de
manière prompte, c’est à dire pendant tout le temps que dure l’irradiation ; dans ce cas la
matrice n’est pas rendue radioactive et l’on mesure seulement le spectre prompt. C’est le cas
dans la méthode PIXE (Proton Induced X Rays Emission) dans laquelle la matrice est irradiée
par un faisceau de protons de 2 ou 3 MeV, et l’on mesure le spectre d’émission X produit par
chaque élément de la matrice avec un détecteur les rayons X (au silicium ou germanium). Il
existe également la méthode PIGE (Proton Induced Gamma Émission) dans laquelle le
faisceau de protons induit la production de γ qui sont mesurés en cours d’irradiation.
Dans la catégorie des analyses promptes on peut également introduire l’analyse par
activation neutronique en ligne (PAAN).
L’analyse par activation neutronique L’analyse par activation neutronique est une méthode de choix pour déterminer des
éléments traces dans diverses matrices ; elle a été mise en œuvre dans les années 50 et a été
utilisée par exemple par Glenn Seaborg (Prix Nobel) pour mesurer des traces de Ga dans l’Al
très pur, etc.
Elle a été la méthode de référence dans les années 60 à 70 pour doser les éléments
traces dans des analyses de milieux biologiques, les semi-conducteurs, les polluants
Analyse chimique par les méthodes nucléaires
industriels (Pb dans l’air) et également en criminologie (détection de As). Cette utilisation
dans la recherche d’éléments trace ou ultra-trace était justifiée par le fait que l’analyse par
activation possède une excellente sensibilité, et de plus elle est multiélémentaire. Toutefois,
cette technique se trouve concurrencée, depuis l’avènement de certaines techniques d’analyse
multiélémentaires telles que les torches à plasma, ICPMS (Inductively Coupled Plasma-Mass
Spectrometry) qui permettent également d’atteindre de très hautes sensibilités.
Dans cette technique d’analyse, l’échantillon est irradié par les neutrons thermiques
d’un réacteur, et dans la plupart des cas on obtient l’espèce :
zA (n,γ) z(A+1), qui est radioactive par émission β- ; et ainsi qu’il a été noté ( cours sur l’émission γ), chaque
isotope radioactif possède son spectre γ particulier qui constitue en quelque sorte une
signature, d’où on a une identification qualitative du ou des éléments présents dans
l’échantillon.
De plus, à partir des activités induites pour chaque isotope produit, on peut déduire le
nombre d’atomes de la ou les espèces X activées, c’est à dire les concentrations des
éléments recherchés.
A l’état idéal, les éléments recherchés devraient produire des radionucléides de
période comprise entre quelques heures et quelques jours, et on peut déterminer des masses de
matière de l’ordre de 10-12 à 10-13 g dans ces cas précis. Il faut ajouter que la quantité
d’élément mesuré est absolument indépendante des formes chimiques sous lesquelles celui ci
peut se trouver, atomes libres ou liés.
Un des avantages fondamentaux de l’AAN est qu’elle est multiélémentaire et non
destructive, l’échantillon peut être irradié sans aucun prétraitement, on n’a donc pas de
problèmes de contamination possible avec des éléments traces dus aux réactifs chimiques qui
se posent dans d’autres types d’analyse.
Enfin l’atout majeur de l’AAN est la sensibilité de détection qui permet de détecter et
quantifier des traces infimes sur des échantillons de l’ordre du mg ou moins.
L’équation essentielle qu’il faut avoir en mémoire a déjà été décrite donne l’activité A
en fonction de la fluence neutronique Φ et de la section efficace de capture σ pour les
neutrons thermiques
A = 0,602 Φ σ m f/A (1 - exp(- 0,693ti/T1/2) exp(-0,693t1/T1/2)
La forme simple qu’elle revêt permet de juger tout de suite les paramètres importants pour
avoir une limite de détection très faible ; en premier lieu, la section efficace σ exprimée en
barns, l’activité produite lui est directement proportionnelle, ainsi que le flux de neutrons
disponibles, pour un réacteur c’est de l’ordre de 1013 n cm-2 s-1. Parmi les éléments possédant
des sections efficaces très élevées, on peut citer un certain nombre de terres rares : Eu, Ho,
Gd, et Dy, mais on peut également déterminer avec une très bonne sensibilité Se, Na, Sc, Cr,
Mn, Co, Cu, Ge et As.
Différentes sources de neutrons De manière générale on utilise les neutrons thermiques pour induire les réactions (n,γ)
et activer ainsi les éléments à doser.
Comme on l’a vu précédemment les neutrons produits par une réaction nucléaire ou par
fission ont des énergies moyennes de quelques MeV ( 2 MeV dans la fission et 14 MeV pour
les neutrons produits par un générateur) il faudra donc les ralentir dans un milieu hydrogéné
pour que leur énergie atteigne l’énergie thermique soit Eth = 0,025 eV à la température T =
298 K.
La source de choix pour
avoir ces neutrons avec une fluence
suffisante sont les réacteurs nucléaires
qui fournissent des flux de 1013 à 1014 n
cm-2 s-1, un certain nombre de réacteurs
français peuvent être utilisés pour ce
genre d’expérience (Rapsodie, Saclay).
Au laboratoire on peut utiliser les sources isotopiques qui sont constituées d’un
mélange d’un émetteur α à plus ou moins longue vie, mélangé avec un élément léger tel que
le béryllium ou le bore. Les neutrons sont issus de la réaction (α,n) sur cet élément et l’on
arrive à des fluences neutroniques de 106 à 107 n s-1 (dans 4π Sr ) pour une source radioactive
de 37 GBq (1 Ci) d’émetteur α. Ce sont les sources 241AmBe, 239PuBe, 244CmBe; dans
certains cas, si l’on veut disposer de neutrons monocinétiques, on a à disposition des sources
de neutrons basées sur les réactions photonucléaires (γ,n), par exemple les sources 124Sb(D2O) qui induisent la réaction 2H(γ,n) 1H ; les énergies des photons γ de 124Sb ou de 226Ra ( > 2 MeV) sont suffisantes pour assurer la photodissociation du deutérium en ses
constituants soit 1p + 1 n . Sources de laboratoire
Le principe de base est qu’on utilise les mêmes réactions que celles ont servi à découvrir le neutron, c’est à dire l’action des particules α émises par des noyaux lourds sur du béryllium, étant donné que le parcours des α est très limité dans la matière, on est obligé d’utiliser un mélange de poudre très divisée de Be avec une source α également en poudre : soit du polonium soit du radium, la réaction se produit facilement car elle est exoérgique Q = 5,65 MeV Sources polonium-bérylium
Si on choisit 210Po, Eα = 5,30 MeV, et donc les neutrons produits par la réaction (α,n) ont des énergies comprises entre 6,7 MeV et 10,8 MeV selon qu’ils sont émis vers l’arrière ou vers l’avant.
En réalité on a un spectre initial d’énergie entre 1 et 10 MeV car il y a des réactions concurrentes et que 12C peut être formé dans un état excité. De plus l’énergie des α se dégrade rapidement dans la matière et ils se sont pas monoénergétiques.
L’intérêt de ces sources tient au fait que le polonium n’a que très peu de γ associés à sa décroissance (< 10-5% ) et elles ne nécessitent pas une lourde protection pour les γ; ; il faut cependant assurer la protection par rapport aux neutrons qui sont émis au taux de 2,5 106 n/s pour une activité de 1 Ci (37GBq) de Po. Inconvénient majeur le 210Po a une période relativement courte, 138 j ce qui oblige à changer la source. Sources radium-bérylium : Ici la période n’est plus un facteur limitant puisque c’est 16 siècles ! par contre le 226Ra conduit à l’équilibre séculaire avec 214Pb 214Bi, qui émettent des γ jusqu'à 3 MeV , les plus intenses ayant les énergies de 2248, 1764 keV etc.
Elles sont composées de RaBr2 et de Be finement mélangés à raison de 1/5 et 4/5 en masse. On utilise quelquefois le complexe 226RaBeF4 assez stable. L’activité est de 1 à 1,5107 n/s et pour 37GBq (soit 1 gramme) de 226Ra
Une source très utilisée est 241Am-Be : Ici on utilise le 241Am qui est produit en grande quantités par filiation de 241Pu, émetteur β- dans les réacteurs nucléaires. Avantage T1/2 = 450 ans, un seul γ intense de 59. KeV (36%) mais qui est très facilement absorbé dans la masse. On a des sources qui ont un taux de production constant, 2,2 106 n/s/Ci
Sources à base de 239Pu, (T1/2 = 24000 ans) extrêmement abondant dans les déchets du combustible nucléaire, mais produit très radiotoxique et contingenté dans tous les pays à cause de sa possible utilisation pour faire des armes nucléaires On a aussi utilisé des sources 242Cm-Be qui ont un très bon rendement neutronique, 7 106 n/s/Ci mais également on peut substituer le bore au béryllium 10B ou 11B, le rendement est un peu moins bon. Réactions photonucléaires. On peut générer des neutrons par réaction avec des photons si ceux-ci sont suffisamment énergétiques pour arracher un neutron d’un noyau. Si on travaille avec de l’eau lourde D2O l’énergie de liaison du deuton, faire le calcul est de 2,223 MeV, il suffit donc d’avoir une source radioactive émettant des γ d’énergie supérieure à 2,22 MeV pour faire :
21H + γ → 11p + 10n
Le 24Na convient, mais la période est de seulement 15 h 24Na +D2O En = 0,22 MeV 2 105 n/Ci
124Sb + Be(γ,n) 226Ra+Be (γ,n)
Ces sources sont intéressantes car les neutrons sont souvent monoénergétiques à l’inverse des sources (ν) et qu’elles permettent d’étalonner les détecteurs de neutrons rapides.
Il est bien évident qu’avec une source de laboratoire on n’atteindra pas les sensibilités
obtenues avec un réacteur puisqu’on dispose de flux de neutrons 106 à 107 fois moins
intenses, mais elles permettent de déterminer certains éléments au niveau du ppm, ou de
réaliser une expérience de TP ! !
Il faut ajouter aux sources isotopiques les isotopes de fission spontanée tels que le
californium 252. Cet isotope possède la propriété de se fissionner spontanément dans
3,1 % des désintégrations en émettant 2,5 neutrons par fission, le reste, 96,9 % correspondant
aux désintégrations α. Cela se traduit par le fait (faire le calcul) que 1 mg de 252Cf produit
2,34 109 n s-1 dans l’angle 4 π. Ainsi, on peut réaliser l’analyse par activation dans un
laboratoire de province, ou même dans des pays en développement ne disposant pas de
réacteur nucléaire. A Orléans une source de 252Cf (1 mg) était utilisée pour détecter et mesurer
les teneurs en argent des pièces grecques et romaines (Archaeométrie)
Interférences possibles : un même radioisotope peut être produit par des réactions
nucléaires différentes sur des éléments chimiques différents, un des exemples intéressants est
celui de l’28Al de 2,25 min de période qui est produit par activation neutronique de Al naturel
par les neutrons thermiques selon 27Al(n,γ) 28Al, mais ce radionucléide peut également se
produire à partir des neutrons rapides sur le Silicium par la réaction 28Si(n,p) 28Al, ou bien
encore par réaction sur le phosphore 31P(n,α) 28Al. Il faut donc être vigilant pour éviter des
confusions et examiner les sources de réactions interférentes, dans le cas présent il faut qu’il y
ait le moins possible de neutrons rapides dans la répartition (de Boltzman) ou faire une
mesure simultanée avec écran de Cd.
Facteurs influençant la section efficace et calcul des concentrations.
Dans la formule simplifiée que nous avons utilisée plus haut pour le calcul de
l’activité, nous avons fait intervenir la section efficace σ pour la capture neutronique en
admettant que tous les neutrons possèdent l’énergie thermique, c’est à dire 0,025 eV,
correspondant à une vitesse vn= 2200 m s-1. Ceci
n’est qu’une première approximation car la
distribution de l’énergie des neutrons suit une
courbe ( de Boltzmann) de population et donc le
taux de réaction qui est le produit du nombre
d’atomes par la probabilité de réaction (c. a. d. la
section efficace σ est une fonction de l’énergie
soit σ(E) On a donc :
R = N ∫0 σ(E) Φ(E) dE
dans laquelle Φ(E) dE est le flux de neutrons compris entre E et E + dE, en n cm-2 s-1 , et σ(E)
la section efficace à l’énergie E. R le nombre d’atomes de l’élément considéré dans
l’échantillon. Généralement l’intégrale ci dessus se décompose en une somme de 3 intégrales
portant sur des domaines d’énergie différent.
On divise le spectre neutronique en 3 composantes,
les neutrons thermiques d’énergie inférieure à 1 eV et pour lesquels la section efficace
de capture décroît de manière linéaire avec la vitesse, on l’appelle loi en 1/v.
σ ≈ 1/v ≈ 1/√En
log σ ≈ -1/2 log En Pour les énergies moyennes c.a.d. : 1 eV < En < 500 keV, les sections efficaces
varient très rapidement et manifestent des pics étroits appelés des résonances, cette région est
appelée région épithermique.
Enfin la région des neutrons rapides En > 0,5 MeV dans laquelle les sections efficaces
de capture sont très faibles, il apparaîtra surtout des réaction (n,p), (n, 2n) ou autres...
On a donc le taux de réaction qui s’écrit,
R = Rth + Repi + Rrap
avec
Rth = N ∫th σ(E) Φ(E) dE = N σth Φth
Repi = N ∫epi σ(E) Φ(E) dE
R = N ∫epi σ(E) Φepi dE/E = N Φepi ∫epi σ(E) d(ln E) = N I0 Φepi
dans laquelle Φepi est la valeur de la fluence en neutrons épithermiques. I0 est appelée
l’intégrale de résonance, elle a été évaluée pour tous les isotopes des éléments du tableau
périodique et est tabulée dans des articles spécialisés de l’I.A.E.A.
Le taux de réaction sera donc modifié selon
R= N (σthΦth + I0 Φepi)
au lieu de N σ Φ utilisé dans la formule simplifiée.
En pratique l’échantillon sera irradié au réacteur pendant une durée ti, suivie d’un
temps de refroidissement ou de transport tr et l’échantillon sera mesuré par spectrométrie γ.
L’activité de chacun des radionucléides formés sera donc donnée par l’application des
équations écrites plus haut; et dans le spectre γ complexe que l’on va mesurer, les différents
photopics auront des surfaces S qui vaudront :
Sγ = A tc Pγ ε(Εγ) où Sγ est le nombre de coups comptés sous le photopic d’énergie Eγ pendant le temps
tc, Pγ est le rapport d’embranchement du γ considéré (c.a.d. la probabilité d’émission de la
transition en question), et ε(Εγ) est l’efficacité de détection du détecteur à l’énergie Eγ et A
l’activité induite en Becquerels.
En pratique, on peut grandement simplifier les calculs et l’analyse, et s’affranchir des
incertitudes sur les valeurs des différents paramètres de l’équation ci-dessus, en utilisant la
méthode comparative. Il suffit d’irradier, dans les mêmes conditions de flux (c.à d. en
disposant les échantillons dans la même position dans le réacteur), un échantillon standard qui
contient, ou auquel on a ajouté, une quantité exactement connue de l’élément à doser, et
l’échantillon de teneur inconnue Cx .
Si l’échantillon standard contient l’élément à doser à la concentration Cs, les surfaces
des photopics du γ pris en considération dans le standard et dans l’échantillon seront
proportionnelles aux concentrations, soit :
Ax/As = Cx/Cs
d’où :
Cx = Cs Ax/As
Ceci est vrai si les masses d’échantillons irradiés sont identiques, les temps de
comptage et d’irradiation aussi. On irradie en général l’échantillon et le standard en même
temps et dans la même position dans le réacteur. Quelquefois l’étalon peut être obtenu à partir
d’une solution dosée et diluée de l’élément, dont on prélève une certaine quantité, (par
exemple 1 µL), qu’on dépose sur un bout de papier filtre ; dans ce cas il faut également faire
un « blanc », bout de papier filtre non imprégné pour s’assurer qu’il n’y a pas l’impureté à
doser dedans ! !
Choix des durées d’irradiation Il faut choisir d’une part la masse de l’échantillon de telle manière que l’activité
globale ne dépasse pas une certaine valeur (pour qu’elle soit manipulable sans danger), et
d’autre part le temps d’irradiation compatible avec les éléments à doser. En effet si l’on veut
doser des éléments qui produisent par capture un isotope à courte vie, de l’ordre de quelques
minutes à quelques heures, il est évidemment inutile d’irradier longtemps puisque le facteur
de saturation est obtenu au bout de 3 ou 4 T1/2 de l’élément produit ; par exemple pour doser
l’aluminium par la réaction 27Al(n,γ) 28Al , T1/2= 2,24 min (γ de 1778,9 keV), il suffit
d’irradier 1 dizaine de minutes, si l’on irradiait quelques heures un échantillon par exemple du
silicoaluminate de sodium, on obtiendrait une très forte activité de 24Na (t1/2 = 15 h), qui outre
une section efficace de capture importante, possède un spectre d’énergie avec 3 photons γ de
haute énergie (1368, 2754 keV) donnant une contribution Compton importante. Ainsi en
adoptant une irradiation courte on a la sensibilité maximale sur l’aluminium et une faible
activation du sodium, etc.. Quelquefois au contraire, la détermination des concentrations de
certains éléments nécessitent des irradiations longues si l’on veut avoir une bonne sensibilité
pour des éléments qui conduisent à des périodes T1/2 grandes.
Exemple: cas du Se (75Se 120 j), Hg (46 j), Fe (59Fe (45j) Co (60Co, 5,3 a) etc on est
alors amené selon la concentration attendue à irradier entre 1 journée à 1 semaine, quitte à
laisser refroidir la source pour laisser décroître les activités indésirables à courte ou moyenne
période : 24Na, etc.
La sensibilité de l’analyse
par activation est déterminée en
grande partie par la section
efficace de capture et la fluence
neutronique en neutrons
thermiques, mais il est bien
évident que la qualité du
spectromètre, et essentiellement
des détecteurs utilisés est aussi très
importante, détecteurs au Ge de
grand volume actif ou système de
coïncidences ou AntiCompton.
Sections efficaces de capture neutronique pour quelques éléments
Elément σc (barns) sensibilité (g/g de
matrice)
Eγ principal
(keV)
Eu, 5900 10-12
Dy 3600 10-12
Sc 10+17 10-10
Se 51,8 10-8
Co 21 10-9
Fe 1,2 10-7
Na 0,40+0,13 10-10
As 4,2 10-10
Br 2,4+0,25 10-10
Cu 4,5 10-9
Au 98,7 10-11
Ta 0,12+20 10-10
ainsi que les limites de détection pour un flux de neutrons thermiques de 1013 n cm-2 s-1
Les éléments H, N, C, O ainsi que Be, He, B ne peuvent être déterminés par cette méthode,
(et Bi, Tl, S et P le sont difficilement), mais 71 des 83 éléments stables du tableau peuvent
ainsi être analysés.
On a utilisé cette méthode pour
différents problèmes difficiles, les
particules atmosphériques pour
mesurer les polluants. Aussi en
analyse pour la police criminelle, les
munitions des pistolets et différentes
armes à feu contiennent du baryum et
de l’antimoine et le fait de faire feu
laisse des traces sur la main (de l’ordre de quelques µg ) ces valeurs sont encore mille fois
supérieures aux limites de détection de ces métaux. C’est ainsi que les analyses des balles lors de l’assassinat de J.F. Kennedy ont permis de résoudre le
problème de savoir combien de balles avaient été tirées (et combien de tueurs avaient opéré). On sait que l’arsenic entrant dans l’organisme humain s’accumule à la racine des cheveux et qu’il se
déplace dans le cheveu lorsque celui ci pousse. Le taux normal de croissance chez un individu est de 0,35
mm/jour. La concentration normale d’As dans les cheveux étant de 0,8 ppm, distribuée régulièrement le long du
cheveu, si l’on suspecte un empoisonnement par l’arsenic, il suffit d’un seul cheveu qui est sectionné en
plusieurs bouts. L’irradiation neutronique révélera la présence de pics et de vallées d’activité et la position des
peaks, compte tenu de la vitesse de croissance du cheveu permet également de déterminer la date de
l’empoisonnement. Le docteur Smith a appliqué cette méthode , en 1960, au cheveux de quelqu’un, il trouva
une concentration totale de 10 µg de As par g de cheveux, avec des pics de 50 à 60 ppm, c’était la conclusion
irréfutable que ce quelqu’un avait été tué par une empoisonnement lent à l’arsenic. Il fut révélé plus tard que ce
quelqu’un était l’empereur Napoléon Bonaparte !
En archéologie également des vases de la Grèce ancienne ou de Rome peut être analysés de manière
non destructive pour déceler les variations de composition des traces d’additifs etc. Autre application, la détermination de traces de Ir anormales dans certains sites du globe, et à une profondeur
correspondant à la transition entre le Crétacé et le tertiaire (cad 65.106 a) a fait évoquer l’impact à cette époque d’une météorite géante, riche
en Ir, laquelle aurait provoqué sous le choc un énorme nuage de poussière qui aurait entraîné un hiver nucléaire et expliquerait bien la
disparition soudaine des dinosaures. Dans certains cas de recherches de très faibles traces d’élément mineur, si la matrice
subit une très forte activation, en dépit d’un bon choix des durées d’irradiation, la sensibilité
peut alors être encore améliorée si l’on procède à une séparation radiochimique, après
l’irradiation ; ceci est valable si l’on ne peut jouer sur les temps de décroissance
Dosage du manganèse dans le thé : l’irradiation des feuilles de thé par (n,γ) produit sur
le Mn qui est monoisotopique 55Mn , le 56Mn de 2,578 h de période (σ= 27,3 b) ; en
comparant avec un standard contenant une teneur connue de Mn on peut déterminer qu’il y a
0,13% de Mn dans le thé dont la moitié passe dans l’infusion !
Analyse par activation neutronique prompte
Lors de l’irradiation de l’échantillon par les neutrons, les nucléides stables ZA
capturent les neutrons thermiques selon ZA (n,γ) Z(A+1), le noyau composé (A+1) est produit
dans un état excité et va donc retourner dans son état fondamental avec émission de rayons γ
de haute énergie qui sont émis dans un laps de temps très court, de l’ordre de 10-11 à 10-12 s.
C’est sur la détection (en ligne ) de ces γ prompts qu’est basée ce genre d’analyse. Le
détecteur utilisé pour ces γ est de préférence un détecteur BGO (germanate de Bismuth) qui a
une section efficace pour l’effet photoélectrique beaucoup plus grande que le Ge ( mais une
résolution en énergie très inférieure). L’intérêt de cette méthode avait été démontré pour la
détermination du soufre dans les bruts pétroliers, les fûts étant irradiés par un générateur de
neutrons derrière lesquels on disposait un détecteur approprié ; l’avantage : rapidité et analyse
non destructive.
Cette méthode vient de recevoir une application récente dans la surveillance des
aéroports. Les explosifs plastiques qui peuvent être aisément transportés par des terroristes
dans de simples valises ne sont pas détectables par les scanners habituels. Par contre, en
utilisant l’AANP, il suffit de soumettre les bagages au flux de neutrons délivrés soit par un
générateur électrostatique, soit avec une source de 252Cf, et les rayonnements γ prompts émis
par H, N, C et O sont détectés par un détecteur placé derrière le bagage, on peut en déduire
immédiatement la composition du matériau plastique utilisé, ainsi que la masse totale
transportée (l’explosif testé est le HMX de formule brute C4H8O8N8) la réaction 14N(n,γ)15N
conduit par exemple à un γ de 10829 keV
La méthode PIXE
Cette méthode d’analyse nucléaire est également bien adaptée à l’analyse de très faible
quantité de matière. Dans cette technique, un échantillon de faible épaisseur de matière est
placé dans la chambre à cible d’un accélérateur et bombardée par un faisceau de protons ( de
quelques MeV, 3 ou 4) ou par des α ou encore par des particules chargées. L’interaction
coulombienne entre le faisceau de protons et la cible se traduit par une ionisation de celle ci et
les sections efficaces pou arracher les électrons internes (couche K ou L) peuvent être
calculées. Dès lors que les vacances électroniques se sont créées dans la couche K ou L elles
sont remplies par les électrons des couches supérieures de l’atome et en conséquence il y a
émission de rayons X. Les énergies des rayons X K ou L varient de manière lente avec le
numéro atomique et sont parfaitement bien connues avec des précisions inférieures à l’eV.
Elles constituent donc aussi une signature parfaite d’un élément chimique. On a déjà une
identification qualitative et simultanée des éléments présents dans l’échantillon ; de plus,
comme dans l’analyse par activation neutronique, l’analyse est non destructive, et dans la
plupart des cas on peut récupérer l’échantillon ; par ailleurs il n’y a pas de radioactivité créée
dans l’échantillon, car il n’y a pas de réactions nucléaires, cela reste un phénomène atomique.
Par contre l’analyse est prompte et non différée, le comptage des rayons X se fait pendant le
bombardement, et l’émission s’arrête dès qu’on stoppe le faisceau de protons.
Les sections efficaces d’ionisation dans la couche K varient relativement lentement
avec le numéro atomique et décroissent de σi=100 b pour les éléments légers jusqu’aux
environs de 1 b pour les éléments les plus lourds. Ainsi la sensibilité de détection par la
méthode PIXE décroît avec l’augmentation du numéro atomique des éléments de la cible.
Pour les éléments à partir de Z = 50 la section efficace d’ionisation dans la couche L est à
prendre en considération.
Sensibilité : prenons un élément dont la section efficace d’ionisation est de 10 b, et un
accélérateur fournissant un faisceau de 100 nA en protons ( les accélérateurs actuels
fournissent plusieurs microampères, ex MEDICYC Ip= 20 à 30 µA en protons).
Soit un échantillon mince d’épaisseur 200 µg cm-2 et de section 1 cm2 contenant un
élément pur de masse atomique = 100 : (soit 0,2 mg) ;
on aura N= 200 10-6x 6,02 1023/100 = 1,2 1018 atomes
le faisceau correspond à : 100 10-9 /1,6 10-19 = 6,25 1011 protons par seconde,
donc le taux d’ionisation/s vaut
R= σ Φ N = 10 10-24 x 6,25 1011 x 1,2 1018 = 7,5 106 ionisations/s
Toutefois, chaque ionisation n’est pas suivie de l’émission d’un X, mais de ω rayons X, ω
s’appelle le rendement de fluorescence ; il varie de 0,01 pour les éléments légers à 0,99 pour
les éléments lourds. Prenons arbitrairement ω = 0,5, cela donne 3,75 106 rayons X /seconde, il
faut maintenant tenir compte du fait que tous les X ne sont pas détectés par le détecteur, en
général un détecteur au silicium est placé à l’extérieur de la chambre à cible, et l’angle solide
peut, par exemple, valoir 5% de 4π, donc le taux de comptage sur le silicium sera 3,75 106
0,05= 1,875 105 s-1. Ce taux de comptage est énorme pour le détecteur qu’on va saturer, mais
dans l’exemple choisi on a considéré une matrice constituée d’un élément chimique pur, or la
méthode est faite pour déterminer des éléments traces. Si l’on suppose un comptage de 1 h, et
que la limite de détection de la surface d’un pic de Rayons X est d’une centaine de coups, on
pourrait détecter 100/(1,875 105 x 3600) = 1,48 10-7 fois moins de matière que dans l’exemple
soit 200 10-6x1,48 10-7 = 3 10-11 g de l’élément.
On a donc une sensibilité extrêmement grande avec cette méthode, au moins aussi
bonne qu’en analyse par activation. De plus, celle est bien meilleure pour les éléments légers
qui ne sont pas détectables par AAN.
Fluorescence X induite par sources radioactives ou par générateur de rayons X.
La fluorescence correspond à une émission secondaire de rayons X consécutive à
l’interaction, soit de particules chargées ( vue plus haut), soit encore de rayonnement γ
d’énergie suffisante qui vont de ce fait extraire des électrons des couches profondes de
l’atome considéré. Le phénomène secondaire est donc le réarrangement électronique qui suit
dans un laps de temps très bref ( 10-12 à 10-14 s), dû aux électrons des couches supérieures qui
vont combler la vacance créée avec émission simultanée de photons X. Il est clair que
l’énergie du photon incident doit être supérieure à l’énergie liaison de l’électron considéré
pour que l’extraction de l’électron puisse avoir lieu, lequel emporte sous forme d’énergie
cinétique la différence. Par contre, l’énergie émise par la transition électronique d’un niveau L
vers un niveau K (par exemple) se traduit par l’émission d’un photon X ayant exactement
l’énergie EK - EL . Si les vacances sont créées préférentiellement dans la couche K, on aura
surtout des rayons X K, si c’est dans L des rayons X L. La probabilité de l’effet
photoélectrique dépend de l’énergie ( ≈ 1/E3) et pour E donné, de ≈Z4 . La probabilité de ce
phénomène présente des discontinuités lorsque Eγ = EL (Eγ étant l’énergie du γ incident et
EL l’énergie de l’électron dans la couche considérée). On définit également le rendement de
fluorescence ω comme étant la probabilité d’émission X par vacance créée, il est spécifique
de la couche, ainsi on a ωK ou ωL selon qu’il s’agit de la couche K ou L.
Sources radioactives utilisées pour induire la fluorescence X
Les facteurs à prendre en considération sont les suivants :
Le spectre de rayons X émis suite à l’excitation par une source sera mesuré avec un
détecteur au Si ou Ge. Il est donc nécessaire que la région d’intérêt ( 2 < E < 100 keV) ne soit
pas perturbée par le fond Compton continu provenant de γ de plus haute énergie, ceci pour
avoir le maximum de sensibilité. Ainsi la source excitatrice ne devra pas avoir de γ d’énergie
> 500 keV ( bien qu’on puisse faire avec du 137Cs). Par ailleurs l’énergie de la source
excitatrice devra être aussi proche que possible de l’énergie de liaison des électrons qu’on
veut arracher (discontinuités d’absorption) de manière à avoir la plus grande probabilité
d’émission.
Il faut de plus que la source ait une période suffisamment longue pour ne pas avoir à
en changer trop souvent !
En pratique les sources utilisées sont
source T1/2 γ ou X utilisé
241Am 451 ans 59.54 keV
238Pu 87,7 ans 43 keV
109Cd 462 j 22,1 keV
55Fe 2,73 ans 5,9 keV
On arrive à des limites de détection de l’ordre de quelques ppm (quelques µg/g
d’échantillon) avec une source de 500 MBq. La source est sous forme annulaire. Le blindage
en Pb ou U appauvri. Le détecteur au Si doit avoir une résolution de 200 eV ou mieux, une
fenêtre en Be pour limiter l’absorption
fig.
quantification des résultats
La mesure du spectre d’émission va permettre l’identification qualitative des éléments
présents dans l’échantillon puisque chaque élément aura son spectre d’émission X
caractéristique raie Kα1, Kα2 , Lα1, Lα2 ... etc., et la détermination sera également simultanée.
On dispose de tables donnant les énergies de liaison des électrons de chaque couche pour tous
les éléments, y compris celles, calculées pour les éléments Z> 104 (Browne 1996).
Le problème posé est la détermination quantitative des éléments. Classiquement le
nombre de rayons X comptés par le détecteur dépend de la teneur de l’élément, de la
probabilité de création de la vacance (effet photoélectrique) du rendement de fluorescence ω
et de l’efficacité du système de détection (détecteur et angle solide) et bien sûr du temps de
comptage.