Le secteur minier du Neuenberg : présentation générale, historique. ; Le filon St Louis ; Le...

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ISSN 0223-7490

34 - mai 1990

SAINTE-MARIE-AUX-MINES, SECTEUR DE L'AL TENBERG, V ALLEE DE FERTRUPT : ETUDE SOUTERRAINE DE LA PORTE DE FER, UN RESEAU MEDIEVAL REPRIS AU XVIème SIECLE (SONDAGE, 1988)

Les textes rmmers des XYlème et XVIIème siècles décrivent la Porte de Fer (Eisenthür) comme 1 'une des plus importantes exploitations de la vallée de Fertrupt. Les investigations en surface démontrent l'existence d'une exploitation médiévale qui apparaît sous la forme de plusieurs alignements de puits (pingenzug), et d'une reprise de l'extraction sous forme de travers-bancs. Dans le cadre de l'étude techni­que du parc minier (projet de mise en valeur touristique) de la vallée de Sainte­Marie-aux-Mines, il a semblé utile de mieux connaître cette mine avantageusement située, et donc de rouvrir son porche. Une tentative dans les années 1960 a montré l'importance des formations superficielles ; il a donc été nécessaire de faire interve­nir une excavatrice.

L'ouverture de l'entrée en 1988 a été difficile: le porche fut découvert sous 10 rn (!) d'épaisseur d 'éboulis, et sous une roche surplombante totalement èiélitée qui s'effondrait presque en permanance. L'entrée fut équipée "en catastrophe" d'une suite de 7 fûts métalliques placés bout à bout, en pente descendante ; vers le milieu a été aménagé un sas pourvu d'une porte en fer.

A 94 mètres de l'entrée fut rencontré un éboulement compact sous travaux mon­tants, dont le passage exigea des séances de boisage étalées sur plusieurs semaines, ainsi qu 'un travail à la perforatrice; la percée réalisée le premier mai 88 occasionna un courant d 'air d 'une violence telle que celui-ci souffla les flammes des lampes à acétylène.

Au sol avant l'éboulement étaient conservées intactes les empreintes dans l'argile de la voie de roulage "sublimée"; attestant que cette galerie n'a jamais été visitée à la fin du XVIIIème siècle, malgré les "prétentions" de certains documents écrits du XIXème siècle.

La galerie principale est un travers-bancs relativement sinueux, percé en partie sur un système de failles, qui croise successivement cinq filons (productifs ou stériles) aux distances respectives de 32 rn, 94 rn, 110 rn, 227 rn et 231 m. Sur les 82 mètres antérieurs, la galerie (médiévale ?) est relativement spacieuse (largeur 0,60 rn à 0,90 rn, hauteur 2 rn à 2,60 rn), les raccordements sont arrondis entre les parois et le plafond. A 82 rn s'observe un rabattement de plafond, qui descend brusquement de 30 cm. Au-delà, la galerie est de facture "XYlème siècle" classique. Plusieurs trous de fleuret ont été observés dans ce travers-bancs, probablement imputables à des rectifications de parois durant la première moitié du XVIIème siècle (cette mine fut exploitée, en tant que dépendance de la Lehenschaft, jusqu'en 1635).

Parmi les cinq filons croisés, c'est le quatrième qui a livré les travaux les plus spec­taculaires. Courant août 1988, le dépilage principal est escaladé et livre un fabuleux réseau médiéval, qui, sur le plan spéléologique, passe pour 1 'un des systèmes les plus difficiles à Sainte-Marie-aux-Mines (étroitures, ramping, opposition étroite, chaos de blocs, éboulis instables ... ). Il faut près de deux heures de "parcours du combattant" pour en atteindre le point extrême, et à ce jour les plus aguerris ne l'ont exploré plus de trois fois.

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Au Moyen-Age (Xème- Xlllème siècles?), le filon a été attaqué depuis la surface par plusieurs puits aujourd'hui effondrés, jusqu'à une profondeur qui paraît dépas­ser la centaine de mètres. Les mineurs se sont appliqués à suivre et à dépiler les zones minéralisées sans systématiquement recourir à des travaux d'approche en travers-bancs. li en résulte des cavités très conditionnées par la géométrie et la puissance des veines. Les galeries en roche dure sont rares, de petite taille et montrant une pente irrégulière et des sections souvent ovoïdes ; le terme de boyaux convient parfaitement pour les décrire.

L'analyse des travaux explorés à ce jour donne l'impression d'une extraction opportuniste réalisée à partir de grands puits au jour, seuls endroits où la circula­tion des mineurs et des matériaux semble organisée •

Bruno ANCEL et Pierre FLUCK

A.S.E.P.A.M.

PL III: Sainte-Marie-aux-Mines, paysage minier

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Fertrupt, berceau de l'activité minière à Ste Marie-aux-Mines: la chapelle (fin XYlème s.) et les deux entrées jumelles dites "Ulmer Zech 1 et 2", ouvertes à l'occasion de la fouille 1989. Un habitat XYlème s. a pu être attesté sur le carreau de la mine de droite. Tout en haut, le lacet de la route de Ribeauvillé. (Photo P. Fluck, mars 1990)

LE QUARTIER SAINT -BARTHELEMY A SAINTE-MARIE-AUX-MINES

Au pied du secteur de l' Altenberg, du côté de la ville, plusieurs travaux miniers sont connus de longue date, et on y a entrepris des recherches plus poussées. A vrai dire l'enjeu est de taille car c'est dans ce secteur que se situe la célèbre St Barthélé­my décrite dans la chronique de Haubinsack, et considérée comme l'une des mines d'argent la plus riche de la première moitié du XV/ème siècle. La chronique raconte qu'à 2 puits de profondeur une galerie était poursuivie sous les travaux de la mine voisine Zum Ast. A proximité des vieux puits noyés de la mine, la galerie s'effondra et 3 mineurs périrent noyés. On les retira avec les eaux, mais le chantier fut abandonné.

Du nord vers le sud on cannait déjà plusieurs galeries de recherche : un travers­bancs de 140 rn derrière l'ancienne usine Blech (topographié en 1985), un petit réseau diverticulé de 40 rn derrière la Maison Blech (topographié en 1989), la mine Vogel dans le vallon de la Sermonette qui suit un filon stérile, 3 galeries totalisant 102 rn dans la forêt au dessus de la rue St Louis (topographiées en 1987), et 2 gale­ries de 130 et 140 rn dans un parc dont la plus grande est ouverte au public depuis 1965.

De 1983 à 1987, dans le cadre de sondages archéologiques, sous les directions de Pascal Lejay puis de René Colas, ont été découverts 200 rn d'une galerie noyée, entrecoupée de nombreux puits au jour, qui s'étend sous les habitations en direc­tion du vallon de la Sermonette. L'entrée de la mine est située dans la cave de la Maison de Cure, rue Reber. Le trop-plein d'eau de la galerie noyée s'écoule d'une fosse carrée et alimente un lavoir au bord de la rivière (détruit en 1989).

Au printemps 1983, la fosse a été dénoyée, et 32 rn de galerie ont été explorés jus­qu'à un éboulement sous les jardins de l'Hopital Chenal. Cet obstacle a été décom­bré depuis la surface et les 44 rn suivant de la galerie ont été visités, non sans mal (pollution par du mazout), jusqu'à un autre éboulement. Localisé par la topographie sous les fondations d'une maison, il a été décidé alors de retrouver la suite de la ga­lerie au moyen d'un puits creusé à partir d'une cave, à travers les alluvions puis la roche en place. A 3 rn de profondeur la galerie a été retrouvé : nouvel éboulement au jour à 51 rn !

Selon le même principe, durant l'hiver 83-84, la suite a été retrouvé grâce à un puits de 8 rn dans une friche industrielle ; chantier rendu difficile par les infiltrations de la nappe (pompage) et la dureté de la roche (marteau piqueur). Il ne fut pas surpre­nant de buter au bout de 21 rn sur un éboulement, sous les hangar d'une scierie. Le défi fut relevé l'année suivante : profitant de la présence d'un pont roulant, la couche d'alluvions fut traversé au moyen de 4 buses en béton ; la galerie fut retrou­vé au prix de nombreuses péripéties, sur 30 rn de longueur jusqu'à un Sème éboule­ment, à environ 200 rn de l'entrée et 50 rn du filon convoité.

Il s'agit d'un Erbstollen, ouvert au ras de la rivière, à 250 rn en aval du Temple, creusé en plusieurs tronçons à partir de 7 ou 8 puits (ce qui a l'avantage d'être plus rapide) et dont la fonction aurait été d'écouler à la fois les eaux de la mine St Barthélémy et les eaux qui permettaient d'y actionner une roue hydraulique. Cette machine de pompage aurait été installée dans une fosse à l'entrée de la mine et alimentée par un canal de dérivation. Le manque de dénivellée serait à l'origine

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du creusement de notre galerie de la rue Reber. Aujourd'hui ce site exceptionnel est très remanié et occupé par le Temple Réformé construit au début du XVIIème siècle.

Coup de théâtre, au cours de l'hiver 88-89, Claude Oriol découvre un passage dans la mine Vogel et explore d'importants travaux du XYlème s. La topographie effec­tuée en automne 1989 montre qu'il s'agit d'un réseau complexe de petits dépilages desservis par plusieurs niveaux de galeries interconnectées entre-elles par des puits effondrés, un montage incliné, et de nombreuses jonctions (très belle lucarne). De l'intérieur, 2 entrées éboulées ont été repérées non loin de la maison Vogel. Sur une paroi des graffitis anciens ont été observés. Ce réseau qui totalise maintenant 450 rn de développement pour une dénivellée de 35 rn, n'est autre que les travaux supé­rieurs de la mine Zum Ast qui surplombe ceux de St Barthélémy. Pour l'instant des éboulements nous arrêtent à 10 rn au dessus de la galerie principale de la célèbre mine•

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CHAPITRE II.

LE NEUENBERG

LE SECTEUR MINIER DU NEUENBERG :

PRESENTATION GENERALE, HISTORIQUE

Le Neuenberg, l'un des 4 principaux secteurs m1mers du district argentifère de Sainte-Marie-aux-Mines, présente une structure filonienne, une histoire et un état de conservation qui en font un site remarquable pour l'étude des techniques d 'ex­traction au XYlème siècle. Depuis 1983, ce secteur est le cadre de fouilles archéo­logiques programmées, conduites par l' ASEPAM, sous la direction de Bruno ANCEL, en étroite collaboration avec Pierre FLUCK. Depuis 1987, ses ouvrages souterrains sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

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Les investigations se sont appuyés sur un travail préliminaire de prospection, d'exploration et d'études, menées de façon informelle depuis les années 60, notam­ment par Pierre Fluck. Les campagnes de fouilles successives se sont attachées à dresser un panorama complet des différents filons du Neuenberg au moyen d ' une approche pluridisciplinaire : 1982 filon St Louis, 1987 mines de Zinc, 1988 filon St Guillaume, 1989 filon St Jean. En 1986, dans le cadre d ' une prospection, a été dressé un inventaire exhaustif des différentes sources.

Les investigations comprennent donc : l 'analyse des sources historiques (rapports techniques , comptes, plans, iconographie) ; l'inventaire et l'étude des vestiges de surface ; l' exploration des réseaux miniers (par l'ouverture des entrées éboulées, le décombrage des éboulements souterrains, les techniques de la spéléologie, le pompage de puits noyés) ; le relevé topographique en plan et en coupe à l'échelle du 1/200 ; 1 'analyse des paramètres architecturaux et des dynamiques de creuse­ment ; la prospection électromagnétique et l ' inventaire du mobilier ; la photo­graphie ; la datation par dendrochronologie ; l 'étude géologique et minéralogique ... toutes ces approches étant interactives.

Le secteur du Neuenberg occupe essentiellement la montagne du Rain de l 'Hor­loge, au Sud d'Echery, entre les vallées de la Petite-Lièpvre et du Rauenthal. Il est traversé par 7 principaux filons très diversement minéralisés en cuivre, plomb, argent, zinc, cobalt, arsenic ... qui montrent chacun des caractéristiques différentes d 'orientation, de pendage, de remplissage, de structure spatiale, auxquelles les mineurs ont du s' adapter. En surface on dénombre près de 300 ha/des de tailles extrêmement variées. Là également les mineurs ont su profiter du relief pour exploiter les filons, en les suivant depuis leurs affleurements au jour, ou en les attei­gnant par des travers-bancs issus de vallon latéraux (exemple du filon St Jean).

La découverte des filons d'argent du Neuenberg n'a eu lieu qu'au milieu du XYlème siècle, vers 1549, à une période considérée comme l'Age d'Or de l ' exploi­tation minière dans le Val de Lièpvre et dans les Vosges. La présence de main d'oeuvre qualifié, de techniques d'extraction à l'apogée de leur art, et d'une organi­sation sociale élaborée, font alors de la "nouvelle mine" le théâtre d'une intense et

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méthodique exploitation. Au début, avant 1560, les mines sont nombreuses et indé­pendantes, puis sont très rapidement réunies en une douzaine de très grosses exploi­tations (après 1570). Certaines d'entre-elles entreprennent le percement de longs travers-bancs qui leur permettront d'exploiter plusieurs filons (St Uriel : 1580 rn ; Gulden Kron : 1400 rn). A la fin du XYlème siècle les mines se sont considérable­ment étendues et atteignent des niveaux profonds d'extraction. Il en résulte des difficultés sans cesse accrues pour l'épuisement des eaux et pour l'acheminement des matériaux, auxquelles s'ajoute l'inévitable appauvrissement des filons avec la profondeur, d'où un coût sans cesse croissant de l'exploitation. Un lent déclin s'amorce durant le début du XVIIème s. jusqu'à la Guerre de Trente Ans qui pro­voque la ruine de l'industrie minière et l'ennoiement des travaux profonds.

C'est la découverte dans le filon Chrétien en 1711, de minerais propres à la fabrica­tion du bleu de cobalt, qui marque la relance de l'activité minière. Sans atteindre la prospérité d'antan, cette exploitation n'en sera pas moins le théâtre de découvertes d'argent encore retentissantes, notamment dans les mines Glückauf et Grosse Hallen. L'histoire des mines du Neuenberg au XIXème s., comme celle de toutes les mines vosgiennes de métaux non ferreux, est marquée par une gestion ineffi­cace, une dilapidation des capitaux et une valse des concession. La dernière tenta­tive (1897- 1907) se solde par un échec retentissant •

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1 S Johann. 2 Erbstollen. 3 S Niclaus. 4 Der Trew. 5 Konig Salomon. 6 Himlischenhor. 7 S Andres. 8 S Jacob. 9 S Ulrich. 10 Heilig Kreutz. 11 S Petter. 12 S Wilhelm. 13 S Daniel. 14 Lingodt. 15 Eisenthür. 16 Die Aych. 17 S Michel. 18 Unser Frauen. 19 S Anthony. 20 S Uriel. 21 S Margreth 22 S Anna. 23 Haus Rappolstein. 24 S Lorentz. 25 Gottesgab. 26 Haus von Sachsen. 27 Gulden Krone. 28 Furstenstollen. 29 S Paullus. (P. Fluck & B. Ance! 1988)

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LE FILON SAINT LOUIS

Le filon St Louis est le seul filon du Neuenberg a avoir été intensément exploité par les deux versant de la Petite-Lièpvre (travaux à ciel ouvert : Verhau) et du Rauen­thal. Les travaux productifs sont tous situés dans la moitié supérieure du massif, au­dessus de 600 rn d'altitude. Côté Rauenthalla quasi totalité des travaux est explo­rée : se sont les travaux de recherche des Puits de la Couronne d'Or et des galeries inférieures de St Louis ; et les mines productives de Sanct Michel, Eisenthür et die Aych. Côté Petite-Lièpvre, seule la partie sommitale du filon a été explorée et les travaux sont assez instables : ils correspondent aux quartiers de Unser Frauen et Sanct Margreth ; plus bas restent inconnus les travaux de Sanct Anthony et Sanct Uriel.

Les ouvrages souterrains ont été explorés entre 1971 et 1982 et datent pour l'essentiel des 15 premières années de l'exploitation du XYlème siècle (1549 à 1565). Leur excellent état de conservation et leur représentativité ont permis, durant la campagne 1983, de caractériser les techniquès d'extraction et la dynamique des exploitations de la Renaissance. Ainsi pour le versant Rauenthal on peut reconsti­tuer assez précisément l'histoire des différentes mines, ceci grâce à la confrontation du terrain (topographie et sens de creusement) et des archives (notamment le plan de la mine Eisenthür en 1560, conservé aux Archives Départementales).

En 1549 le filon est découvert et une dizaine de galeries sont ouvertes entre le fond du vallon et la crête de la montagne : la plupart sont superposées, sauf celle de Alt Eisenthür (Glückauf) et die Aych (le Chêne) ouvertes plus au sud. Près du sommet, la galerie supérieure de Sanct Michel atteint rapidement une colonne minéralisée et s'enfonçe par une succession de puits.

En 1552 la moitié des galeries sont abandonnées : Eisenthür, Alt Eisenthür, die Aych avancent difficilement en zone stérile. Sanct Michel exploite une très grande colonne de minerai : 1 'extraction s'effectue par les puits mais une galerie inférieure est en cours de percement ; à l'ouest une première jonction est réalisée avec Unser Frauen.

En 1555 Eisenthür et die Aych progresse parallèlement en roche dure après perdu la trace du filon : elles poursuivent néanmoins dans l'espoir d'atteindre la base de la colonne de Sanct Michel. Alt Eisenthür suit toujours le filon stérile (trace de blende) et vient d'atteindre la faille de Glückauf; celle-ci est suivie vers le sud par un travers-bancs en direction du filon voisine qui vient d'être mis en exploitation par les mines Sanct Wilhelm et Sanct Petter. Sanct Michel est à son apogée, et par sa production elle figure en 4ème position des mines du Neuenberg. De nouvelles jonctions avec Unsere Frauen ont été réalisées et une ligne de partage a été tracée au niveau de la Grande Faille Verticale sous la crête.

En 1558 Eisenthür exploite un filon nord et entre en jonction avec la base des tra­vaux de Sanct Michel : les deux mines sont réunis et Eisenthür devient la galerie d'extraction. Die Aych vient juste d'atteindre le filon. Alt Eisenthür est sur le point d'abandonner le filon St Louis pour ne poursuivre que son travers-bancs vers le filon St Guillaume. En 1560 éclate "/'affaire" : Sanct Michel - Eisenthür a poussé des galeries de jonction sur die Aych et revendique la possession de ces quartiers : un procès à rebondissement est engagé, au cours duquel est levé le plan des 2 mines. Il s'avère finalement que die Aych est dans ses droits et que sa rivale a tenté

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une manoeuvre illégale en utilisant des procédés déloyaux.

En 1569, die Aych, coincé dans ses quartiers peu productifs, a fini par se faire en­glober par sa rivale. Sanct Michel Eisenthür s'est bien enfoncé par des séries de puits creusés sur la Grande Faille Verticale et attend l'arrivée salvatrice de la gale­rie de Sanct Urie, situéel 100 rn sous la galerie d'extraction. Alt Eisenthür a atteint les parties reculées du filon St Guillaume et a devancé les galeries ouvertes directe­ment sur ce filon.

En 1575, rien ne va plus : la grande colonne est épuisé du côté Rauenthal et l'Eisenthür fusionne avec Unser Frauen pour continuer ensemble le travers-bancs de Sanct Uriel à la conquête des filons St Jacques et St Jean où l'exploitation se poursuivra jusque vers 1630 •

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Profil général du Grand Dépilage de St Michel et dynamique de creusement (B. Ancel 1983)

LE FILON DES "MINES DE ZINC"

Le filon dit des "Mines de Zinc" au Neuenberg est celui qui présente la plus faible extension et par conséquent le plus petit nombre de travaux miniers. On y dénombre 5 haldes d'importance moyenne, et les réseaux souterrains de 3 d'entre­elles ont été presque totalement explorés entre 1972 et 1978 (1891 rn de développe­ment). Il s'agit de travaux intégralement creusés au XYlème siècle dont les rapports anciens ne font jamais mention, peut-être du fait de leur petite taille et de leur courte durée d'exploitation au moment de la découverte des autres riches filons du Neuenberg. Leur appellation provient de la relative abondance dans le filon de sulfure de zinc ou blende, l'argent étant toutefois l'objet principal de cette exploi­tation.

La zone productive du filon est située à environ 100 rn sous la crête de la montagne du Rain de l'Horloge : c'est une colonne de faible extension (hauteur 60 rn, longueur maximum 20 rn) coincée sous une importante faille nord-ouest sud-est très inclinée, la faille de l'Armée Céleste. Cette colonne est atteinte par deux longues galeries d'allongement (235 rn et 300 rn) venues de l'Ouest (versant Petite­Lièpvre) et chacune d'elles l'exploite en hauteur et en profondeur par le dispositif classique des puits et des streckes, mais aussi par de nombreux montages et foncées, et plusieurs descenderies exiguës creusées sur la grande faille inclinée.

Le faîte du filon est reconnu sous la crête de la montagne par 2 mines dont la gale­rie de recherche du Schnakenthal (110 rn). La base du filon est reconnu par un ouvrage encore inexploré, longtemps considéré à tord comme pouvant être l'entrée de la mine St Oriel.

Dans le filon St Louis (campàgne de fouilles 1983) avait été mis en évidence une organisation des travaux très rationnelle : une succession de puits et de galeries explorant puis exploitant le champ filonien. Ici l'organisation est plus complexe du fait de la présence de descenderies et de la forte concentration de travaux de recon­naissance dans une zone aussi restreinte. Ainsi sous la galerie supérieure, dans une zone longue de 60 rn, haute de 15 rn, se télescopent en 10 endroits plusieures ga­leries issues de 1 descenderie, 2 puits et 4 foncées, le tout se distribuant sur 2 à 3 branches filoniennes parallèles. On comprend assez mal les causes d'une telle pro­fusion de galeries, peut-être la répartition du minerai d'argent ou le régime de loca­tion des chantiers d'extraction. Il semble également que les deux niveaux de gale­ries aient cherché à réaliser au plus vite plusieurs jonctions entre-elles, ceci sans doute pour des commodité d'aérage.

Sur les parois des galeries ont été relevés 153 croix gravées dont 10 doubles, obser­vations conditionnées par la qualité de la roche encaissante. 107 (soit 70%) ont été relevées sur une paroi gauche (selon le sens de creusement). En roche saine, où en principe aucune croix n'a été effacée, les intervalles relevés varient de 0,5 à 4 m. L'analyse de leur position sur les parois contredit l'hypothèse que ces croix sont des repères topographiques : on les trouve partout, jusque dans les moindre galeries annexes, et Empl en 1603 se plaint de l'absence de plan de mine. Sachant que les mineurs qui avançaient les fronts de taille étaient rémunérés au forfait (Verding­hauer), on peut considérer ces croix comme des repères de contrôle, apposés par le chef mineur lors de ses inspections.

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Durant cette campagne, les parties profondes noyées du réseau ont été pompées sur 11 rn de hauteur. La difficulté majeure a résidé dans le fait qu'il fallut acheminer le matériel par la galerie supérieure ( 170 rn) et le descendre (puis le remonter) par les zones dépilées (36 rn). L'opération a duré 6 jours et permis l'étude de 3 puits boi­sés. Leur équipements en bois, plus ou moins bien conservés, montrent un disposi­tif tout à fait classique. Une échelle en bois a été récupéré pour une destination mu­séologique •

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Stéréogramme des galeries et des puits de la zone productive des Mines de Zinc (B. Ancell987)

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Coupe schématique des travaux XVIIIème siècle du filon St Guillaume (B. Ancell988)

LE FILON SAINT GUILLAUME

Le filon St Guillaume montre une grande extension vers l'est, au-delà du vallon du Rauenthal et on y dénombre en surface plus de 30 haldes, dont 7 de taille impor­tante. L'essentiel des réseaux actuellement accessibles sont situés sous le versant Rauenthal et totalisent 5 km (explorés à 75% de 1964 à 1988). Il s'agit de travaux miniers XYlème s. fréquemment repris au XVIIlème s., bien connus par les textes et les comptes sous le nom de Sanct Wilhelm und Petter.

La zone productive du filon se compose de plusieurs colonnes minéralisées de faibles extension ( < 50 rn) dispersées dans un champ long de 500 rn et haut de 200 rn environ. La minéralisation est caractérisée par la tétraèdrite et 1' arsenic natif avec une gangue à carbonates et fluorine. Le filon est localement dédoublé et souvent perturbé par de nombreux accidents, comme les failles du Tiefstollen, de Glückauf, de St Oriel et de 1 'Armée Céleste.

La partie orientale du versant Rauenthal a été exploitée à partir de 4 niveaux de galeries : à la base St Guillaume (env. 600 rn) qui draine le réseau ; à + 55, St Pierre inf. (130 rn) : à+ 74, St Pierre sup. (220 rn) et à+ 107, Fischstannstollen ou Narines (230 rn). Chacun de ces niveaux entre en communication avec celui qu'il surmonte par l'intermédiaire de puits (pour la plupart comblés) et de streckes. Quelques ouvrages remarquables sont à signaler : dans St Pierre inf., un dépilage incliné à 30° et une galerie taillée au feu ; dans St Pierre sup., le Vieux Dépilage et ses empilements ; dans Narines, le Grand Dépilage aux Poutres et les travaux XVliième s. avec leurs magnifiques empilements.

La partie profonde a été exploitée, outre la galerie de base de St Guillaume, à par­tir de 2 travers-bancs issus du filon voisin St Louis. A + 87, Alt Eisenthür ou Glüc­kauf (450 rn de galerie d'accès) développe 2 streckes principales à + 65 et + 45 (travaux XYlème s.) et un important réseau XVliième s. au niveau + 85. A + 24, S Uriel ou Grandes Haldes (775 rn de galerie d'accès) montre des vieux travaux qui consistent essentiellement en un traçage vers 1 'est et un spectaculaire montage de plus de 60 rn (Rollschacht) à partir desquels se développent d'importants travaux XVliièmes.

Dans l'ensemble l'organisation des travaux du XVIème siècle est très rationnelle, avec de grands niveaux de galeries distants de 20 à 30 rn, reliés entre eux par des puits. Cette trame est beaucoup plus lâche et plus régulière que celle du filon St Louis, conséquence du contexte gîtologique. S Wilhelm et S Petter montrent une dynamique lente et mal gérée, freinée par les difficultés d'avancement en roche dure et les problèmes d'aérage. Alt Eisenthür et S Uriel montrent par contre une dynamique très rapide et opportuniste qui leur a permis d'atteindre les parties recu­lées du filon malgré un trajet en zone stérile 2 à 3 fois plus long.

Les mineurs du XVIIIème siècle ont organisé leur exploitation à partir des travaux anciens. L'essentiel de leurs efforts s'est porté sur les colonnes minéralisées recu­lées, négligées par les anciens en raison de la présence d'arsenic et de la forte dissé­mination du minerai dans la gangue carbonatée. Comme au XYlème s. le champ exploité a été préalablement quadrillé par des niveaux de galeries, mais l'abattage s'est fait préférentiellement du bas vers le haut. Ceci est une conséquence du tra­vail à la poudre : la roche s'abat plus facilement ; les stériles plus abondant sont laissés sur place (système d'empilement) et permettent d'élever le plancher de tra­vail au fur et à mesure de 1 'extension verticale du dépilage.

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Dans ce réseau, les explorations de ces dernières années ont été rendues possible par la mise en place de chantiers de désobstruction élaborés. Au niveau - 63 de Glückauf, il a fallu installer une gouttière en tôle pour évacuer près de 100 tonnes de déblais en 18 séances. L'éboulement du niveau principal des Narines a été résor­bé au moyen d'une caisse en bois glissant sur un plancher. Au niveau 0 de Glückauf, un éboulement longtemps invaincu a été franchi grâce au recours à des techniques de boisages : l'exploration a livré 450 rn de travaux XVIIIème s. bien conservés (trouvaille d'une houe avec son manche intact) qui ont été refermés pour les protéger du pillage (filon d'arsenic natif) •

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5 cm

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Extrémités d'une gaffe trouvée dans les travaux de Grandes Raides (dessin N. Debon 1988)

LE FILON SAINT JEAN

Le filon St Jean constitue l'un des plus formidables réseaux souterrains miniers des Vosges et de nombreuses exploitations s'y recoupent. La principale, Sanct Johann au XYlème siècle, a été la plus riche mine du secteur du Neuenberg. Avec ses voisines Zur Threw (la Treille), Himlischenhë>r (Armée Céleste), Sanct Urie! et l'Erbstollen, elles ont exploité ce filon sur environ 700 rn de long et 600 rn de déni­velé. Vu l'importance du réseau (plus de 15 km), seule la partie ouest a été étudiée en 1989 (Kupfermine, St Nicolas, St Jean, Engelsbourg)

L'accès au réseau souterrain se fait par l'entrée de Kupfermine, située en forêt à 90 rn au-dessus de laD 48, et rouverte en 1971. Rapidement l'ensemble du réseau fut reconnu, avec l'exploration du système des Puits du Fond et de la Colonne St Jean. Une première topographie a été établie en 1975 par P. Fluck. Depuis 1986 une nouvelle topographie au 1: 200 est en cours. En 1988, une opération de pompage a permis d'explorer sous le niveau d'Engelsbourg une partie des galeries de l'Erbstollen : 500 rn de câble électrique ont permis de se brancher sur le réseau EDF; une pompe de 45 kg a été descendu dans la Colonne St Jean; 4000 m3 d'eau ont été évacué en 73 heures de pompage ; au total l'opération a duré 12 jours et 4 nuits passées sous terre.

Le réseau minier occidental renferme 4 importantes mines ouvertes vers 1550. La "Fundgrube Sanct Johann" ou St Jean s'est enfoncée sur le filon depuis la côte alti­métrique 680 ni par un système de puits étagés, les Puits du Fond, et est entrée en jonction vers 530 rn avec les galeries du Vieux Réseau (mine S. Michel) et vers 515 rn avec l'Erbstollen. La mine Sanct Michel a rejoint le filon vers 570 rn au moyen d'un travers-bancs et a entièrement vidé une colonne de minerai (la colonne St Jean) avant de rentrer en jonction avec S. Johann, l'Erbstollen et la vieille galerie de l'Engelsbourg. La "vieille Engelsbourg" (nom XYlème inconnu) est un long tra­vers-bancs de 400 rn qui rejoint la base des travaux de S. Michel, qu'elle a par conséquent drainé durant un certain temps. L'Erbstollen est également un travers­bancs, ouvert plus en aval que Engelsbourg, qui atteint le filon au bout de 550 rn et après 9 années de travail. Il perce la base des travaux de S. Michel puis s'étend vers l'Est pour rejoindre et drainer les travaux de S. Johann. Sous l'Erbstollen, le filon a été exploité sur plus de 150 rn de profondeur, et une machine d'exhaure était instal­lée en 1629 dans une salle quelque part plus à l'Est des Puits du Fond.

Au XVlllème siècle l'exploitation a repris notamment dans les profondeurs jusqu'à plus de 200 m sous l'Erbstollen, rebaptisé Saint Nicolas. Nous connaissons assez bien ces travaux actuellement inondés grâce aux archives XYlème et XVIIIème siècles et à une coupe de la mine levée en 1745 par l'ingénieur Mahler. En 1897 une compagnie minière allemande voulut reprendre l'exploitation du filon St Jean. La galerie d'Engelsbourg fut rouverte et élargie sur toute sa longueur afin d'y établir une voie ferrée. Des croquis d'époque nous montrent que la colonne St Jean fut en partie explorée. Un grand puits a été percé, surmonté d'une salle des machines. Mais les exploitants sous-estimaient l'ampleur des travaux anciens. A 30 rn de profondeur, une première percée avec la base noyée de la colonne St Jean entraîna l'ennoiement soudain du puits. Il fallu 1 mois pour installer un système de pompage électrique. Le puits fut poursuivi jusqu'à - 55 rn où d'autres travaux anciens ont été recoupés.

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Carte souterraine des travaux XYlème siècle de la partie occidentale du filon StJean (B. Ancel1989)

Aujourd'hui la galerie de l'Erbstollen est obstruée en plusieurs endroits sur son parcours, ce qui provoque une mise en charge d'environ 8 m, c'est à dire que les travaux sont noyés à partir de la profondeur de 9 rn sous Engels bourg (- 100 sous Kupfermine). Les travaux, accessibles sur environ 7 km (pour des spéléologues confirmés), sont essentiellement du XYlème siècle et présentent une organisation beaucoup plus ratiomi.elle que celle des filons précédemment étudiés (St Louis, St Guillaume, mines de Zinc). Près d'une centaine d'outils a été inventoriée. Les boisages encore conservés datent pour la plupart de la reprise du XVIIIème s. En surface, sous l'impulsion de Jean François Bouvier, des ouvertures de galeries aux abords du Puits St Jean ont permis d'étudier la zone où l'exploitation a démarré en 1549, et de mettre en évidence la juxtaposition de travaux d'extraction à ciel ouvert avec un dense réseau de travaux de recherche.

L'étude se poursuit en 1990 dans la partie orientale du filon, dans les mines Him­lischenhor et Der Threw, déjà bien explorées dans les années 70. La difficulté prin­cipale réside dans l'extension des zones dépilées et dans leur instabilité (Réseau Pourri): on y a été témoin d'effondrements colossaux spontanés !

Schéma d'organisation de la zone des Puits de S. Johann (B. Ancell988)

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LE QUARTIER DU SAINT PIERREMONT OUEST

AU-DELA DES FILONS PRODUCTIFS

Le massif de St Pierremont (Ste Croix-aux-Mines, Versant Lorrain) se compose de plusieurs secteurs où sont concentrés près de 140 travaux miniers. A l'est, se trou­vent les quartiers des Halles et de la Tranchée, au nombre restreint de haldes corres­pondant pour certaines à de longs travers-bancs d'extraction et d'exhaure. Au centre, on distingue de part et d'autre de la montagne le quartier du Hénon (mine St Guillaume) et le quartier du Samson, qui se composent tous deux d'une multi­tude de haldes et de Pingen concentrées sur les parties riches des filons. A 1 'ouest se trouvent les quartiers du Bougival et de la Goutte des Pommes constitués d'une trentaine de haldes très dispersées, peu minéralisées et datées du milieu du XYlème siècle.

Dans ce secteur ouest, 12 mines ont été explorées ces 15 dernières années . La mine Fontaine des Chouettes supérieure, rouverte en 1976 apparaît comme la seule qui ait été productive dans ce quartier. Elle consiste en plusieurs portions de travers­bancs creusées sur des failles minéralisées en calcite, et des galeries d'allongement creusées sur des filons à barytine. Le filon II a fait l'objet de travaux descendants, aujourd'hui comblés ou inondés. Il a été reconnu sur plus de 60 rn de dénivellation par l'intermédiaire de 3 puits superposés (développement total 725 rn). Son Erbstollen, rouvert en 1976, est un travers-bancs d'exhaure qui développe 478 rn et rejoint la base du 3ème puits effondré.

Coté Bougival, en 1977 ont été rouvertes la Mine de la Souche (60 rn) et la Mine du Nouvel An (245 rn) tous deux des travaux de recherche. En 1978, au nord-ouest de la Fontaine des Chouettes, plusieurs recherches sont explorées : la Mine Ondée, travers-bancs de 106 rn très large et inondé ; la Mine du Couple, travers-bancs de 64 rn ; le travers-bancs d 'entrée de Wurtzelmauerstollen supérieur éboulé au bout de 40 rn ; et la Mine Uscule (5 rn).

En 1984, dans le cadre d'une fouille de sauvetage, la mine Wurtzelmauerstollen inférieure est dénoyée et explorée sur 456 m. Elle se compose d'un travers-bancs inférieur de 187 rn qui croise plusieurs filons à barytine suivie par des galeries de recherche. L'une d 'elle entre en jonction avec les travaux de la mine supérieure, et notamment de son travers-bancs de 135 m. En 1985 et 1986, ont encore été explo­rés, côté Bougival, 3 galeries de recherche : Mine de Pâques (28 rn), Mine de la Faille (70 rn) et Mine de la Brouette (57 rn).

Les deux travers-bancs des mines Wurtzelmauerstollen étaient équipés d'une voie de roulage. La voie inférieure, assez bien conservée dans l'eau et la boue, a été fouillée sur 100 rn de distance. On y observe un carrefour et plusieurs virages renforcés par des ferrures. L'analyse morphologique des pièces de jonction et leur répartition, met en évidence que la voie a été construite par tronçons de 15 rn au fur et à mesure de l' avancement du front de taille.

A 110 rn de l'entrée de la mine inférieure a été découvert un puits inondé dont les boisages étaient parfaitement conservés hormis le treuil. Un pompage a permis de l 'étudier sur une hauteur de 11 m. On distingue le dispositif classique de comparti­mentage : l'un pour le passage des cuveaux, équipé de planches et de guides ; l'autre pour le personnel, équipé d'échelle. Il s'est avéré que ce type d'investigation comporte des risques importants en raison de la fragilité des pièces de bois, qui peuvent s'effondrer durant l'exploration et l'étude du puits.

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Relevé du "Puits Boisé" et de la voie de roulage de la mine Wurtzelmauerstollen (B. Ancel 1985)

Sur le plan géologique, l'étude du secteur de St Pierremont Ouest permet de recon­stituer dans l'espace l'agencement des différentes unités lithologiques (gneiss, microgranite, durbachite .. . ), des failles et des filons stériles. Ainsi, le faisceau filo­nien du Samson semble se ramifier et disparaître vers l'ouest, où il est recoupé par de nombreuses failles minéralisées en calcite. L'importance des travaux explorés a également permis d'apréhender avec précision le gradient géothermique, au moyen d'une campagne de mesure de température.

Les travaux de recherche de ce secteur totalisent plus d ' 1 km de galeries creusées en champ stérile. Compte tenu des mines non-explorées, se serait près de 2 km que les mineurs du XYlème siècle auraient creusés en pure perte pour sonder cette partie de la montagne. Il ne s' agit pas de travaux anarchiques mais d'ouvrages réa­lisés selon les règles de l'art par des mineurs expérimentés. C'est la renommée des mines voisines du Samson et du Hénon qui a incité les exploitants à rechercher en vain les prolongements occidentaux de ces riches filons d'argent •

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QUARTIER GOUTTE DES POMMES

Carte de surface et souterraine partielle de Saint Pierremont Ouest (B. Ancel & P. Fluck)

cote 0 ) Erbstollen de la Fontaine des Choue ttes

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REMEMONT: ETUDE D'UNE GALERIE ... ET AU-DELA? (opération archéologique légère, décembre 1986)

Situé à exacte mi-distance d'une ligne Saint-Dié - La Croix-aux-Mines, le petit secteur minier de Remémont est encore méconnu. Il a pourtant de quoi signaler l'attention. Les comptes du XYlème siècle y rapportent une foule de recherches, mais aussi des travaux productifs, et de bonne réputation, à tel point qu'on envisa­geait (1608, Arch. M. et M.) le percement d'un erbstollen auprès de la Meurthe, à un kilomètre et demi du gîte et ... pour ne gagner que 30 mètres en hauteur d'ex­haure ! Sur le plan gîtologique, le site est intéressant car il permet d'étudier les rela­tions entre la minéralisation et les dépôts du Permien qui forment ici un mince gla­cis sur le socle ancien érodé.

Les vestiges extérieurs, dans un terrain très peu accidenté, ne sont pas specta­culaires : une vaste halde étalée pour les besoins de la construction d'une maison en 1970, quelques autres, une dépression marécageuse qui pourrait marquer l'empla­cement d'un porche au lieu dit Lachtol (=la Stolle !), quelques pingen comblées, l'ensemble paraissant jalonner une structure NNE-SSW sur un allongement de 600 mètres.

Brusquement, à la suite des inondations de 1983, trois effondrements se sont produits (ce ne sont pas les premiers, l"'Est Républicain" signale antérieurement "la disparition d'un boeuf que l'on eut un mal fou à retirer d'une fissure de mine"). B. ANCEL et P. BAGY ont visité l'un d'eux; un puits grossièrement circulaire de 5 mètres donne accès à -7 rn à un morceau de galerie malheureusement éboulé de part et d'autre.

En décembre 1986, en compagnie de J. L. DITER et D. FRITSCH, nous avons topographié un travers-bancs dont le porche s'ouvre 470 rn à l'Est de la structure filonienne. Il s'agit d'une galerie creusée à la pointerolle sur une cassure à peu près stérile (carbonates de fer, traces de cuivre) dans les gneiss, en direction ouest-nord­ouest. La qualité de taille est plutôt médiocre en raison de la fracturation et de l'altération de la roche. Un sitzort latéral. Au-delà d'un puits inondé à 92 rn, la galerie se divise en deux branches qui se terminent sur des fronts de taille, respecti­vement 10 rn et 14 rn au-delà. Sans-doute d'agit-il de la "vieille galerie" d'une centaine de toises citée par De Dietrich. Probablement les exploitants durent-ils se décourager de ce percement, en raison de la distance restante trop importante pour une hauteur d'exhaure vraiment faible. Ou alors espéraient-ils que la fracture suivie par ce travail allait se montrer localement minéralisée ?

Remémont est encore vierge pour l'archéologie minière, qui trouvera là, presque aux portes de Saint-Dié, un champ d'investigation certes difficile mais qui - s'il est un jour choisi - mettra en oeuvre, partant de zéro ou presque, ce qui est un privilège rare, toute la palette des approches (enquête orale, textes, observation du terrain, sondages, recherche des ateliers dont une fonderie dans la vallée de la Meurthe, fouilles, chantier d'ouverture .. . ) •

P. FLUCK et B. ANCEL

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Remémont, topographie du travers-bancs oriental. P. Fluck & B. Ancel