Séquence n° 5
DOM JUAN
Objet d’étude THEATRE ET REPRESENTATION
Perspec'vesd’étude: Étudedesgenresetdesregistres:comiqueettragique Ladoubleénoncia6on,fonc6onsdudialogue,rôledelamiseenscène Histoireli<éraire:baroqueetclassicisme LethéâtrefrançaisclassiqueduXVIIème
Probléma'que: Faut-ilreprésenterDomJuancommeunecomédie?
Lecturesanaly'ques:1. « Eloge du tabac » DomJuan,ActeI,scène1,première tirade de Sganarelle 2. « La scène du pauvre » DomJuan,ActeIII,scène23. « Eloge de l’hypocrisie » DomJuan,ActeV,scène2,de « Il n’y a plus de honte à cela…» jusqu’à «… s’accommode aux vices de son siècle.»
Travauxcomplémentaires:•lectureintégraledeDomJuandeMolière,deIphigéniedeRacineetdeHernanideVictorHugo•projec6on,pourlesscènesétudiées,del’adapta6ondeMarcelBluwal(1965),deJacquesLassale(1993)etdelamiseenscènedeDanielMesguich(2002)
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«Elogedutabac»SGANARELLE,tenantunetaba4ère
QuoiquepuissedireAristoteettoutelaphilosophie,iln’estriend’égalautabac:c’estlapassiondeshonnêtesgens, etqui vit sans tabacn’estpasdignedevivre.Non seulement il réjouit etpurgelescerveauxhumains,maisencoreilinstruitlesâmesàlavertu,etl’onapprendavecluiàdevenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu’on en prend, de quelle manièreobligeanteonenuseavectoutlemonde,etcommeonestravid’endonneràdroiteetàgauche,partoutoùl’onsetrouve?Onn’a<endpasmêmequ’onendemande,etl’oncourtau-devantdusouhaitdesgens : tant ilestvraique le tabac inspiredessen6mentsd’honneuretdevertuàtousceuxquienprennent.Maisc’estassezdece<ema6ère.Reprenonsunpeunotrediscours.Sibiendonc,cherGusman,queDoneElvire,tamaîtresse,surprisedenotredépart,s’estmiseencampagneaprèsnous,etsoncœur,quemonmaîtreasutouchertropfortement,n’apuvivre,dis-tu,sanslevenirchercherici.Veux-tuqu’entrenousjetedisemapensée?J’aipeurqu’ellenesoitmalpayéedesonamour,quesonvoyageence<evilleproduisepeudefruit,etquevouseussiezautantgagnéànebougerdelà.
Molière,DomJuan,ActeI,scène1(1665)
Séquence 5 - Texte 1
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«LascèneduPauvre»
Scène2DONJUAN,SGANARELLE,UNPAUVRE.
SGANARELLEEnseignez-nousunpeulecheminquimèneàlaville.
LEPAUVREVous n’avez qu’à suivre ce<e route,Messieurs,etdétourneràmaindroitequandvousserezauboutde laforêt ;mais jevousdonneavisquevousdevezvoustenirsurvosgardes, et que, depuisquelque temps, il y adesvoleursiciautour.DONJUANJetesuisbienobligé,monami,etjeterendsgrâcedetoutmoncœur.
LEPAUVRESi vous vouliez, Monsieur, me secourir dequelqueaumône?
DONJUANAh!ah!tonavisestintéressé,àcequejevois.
LEPAUVREJe suis un pauvre homme, Monsieur, re6rétoutseuldansceboisdepuisdixans,etjenemanquerai pas de prier le Ciel qu’il vousdonnetoutesortedebiens.
DONJUANEh ! prie-le qu’il te donne un habit, sans teme<reenpeinedesaffairesdesautres.
SGANARELLEVous ne connaissez pas Monsieur, bonhomme : ilnecroitqu’endeuxetdeuxsontquatre,etenquatreetquatresonthuit.DONJUANQuelleesttonoccupa6onparmicesarbres?LEPAUVREDeprier leCiel tout le jourpour laprospéritédesgensdebienquimedonnentquelquechose.DONJUANIlnesepeutdoncpasque tunesoisbienàtonaise?
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LEPAUVREHélas!Monsieur, jesuisdans laplusgrandenécessitédumonde.DONJUANTu te moques : un homme qui prie le Cieltoutlejour,nepeutpasmanquerd’êtrebiendanssesaffaires.
LEPAUVREJevousassure,Monsieur,queleplussouventjen’aipasunmorceaudepainàme<resouslesdents.DONJUANVoilà qui est étrange, et tu es bien malreconnudetessoins.Ah!ah!jem’envaistedonner un louis d’or tout à l’heure, pourvuquetuveuillesjurer.LEPAUVREAh ! Monsieur, voudriez-vous que jecommisseuntelpéché?
DONJUANTu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louisd’orounon.Envoiciunquejetedonne,situjures;6ens,ilfautjurer.LEPAUVREMonsieur!
DONJUANÀmoinsdecela,tunel’auraspas.
SGANARELLEVa,va,jureunpeu,iln’yapasdemal.
DONJUANPrends,levoilà;prends,tedis-je,maisjuredonc.LEPAUVRENon,Monsieur,j’aimemieuxmourirdefaim.DONJUANVa,va,jeteledonnepourl’amourdel’huma-nité.Maisquevois-jelà?Unhommea<aquépartroisautres?Lapar6eesttropinégale,etjenedoispassouffrirce<elâcheté.
Molière,DomJuan,ActeIII,scène2(1665)
Séquence 5 - Texte 2
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«L’élogedel’hypocrisie»
DONJUAN,àSganarelleIln’yaplusdehontemaintenantàcela:l’hypocrisieestunviceàlamode,ettouslesvicesàlamode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous lespersonnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleuxavantages.C’estunartdequil’impostureesttoujoursrespectée;etquoiqu’onladécouvre,onn’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure etchacunalalibertédelesa<aquerhautement,maisl’hypocrisieestunviceprivilégié,qui,desamain,fermelaboucheàtoutlemonde,etjouitenreposd’uneimpunitésouveraine.Onlie,àforcedegrimaces,unesociétéétroiteavectouslesgensdupar6.Quienchoqueun,selesje<etoussurlesbras;etceuxquel’onsaitmêmeagirdebonnefoilà-dessus,etquechacunconnaîtpourêtrevéritablementtouchés,ceuxlà,dis-je,sonttoujourslesdupesdesautres;ilsdonnenthautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leursac6ons.Combiencrois-tuque j’enconnaissequi,parcestratagème,ont rhabilléadroitementlesdésordresdeleurjeunesse,quisesontfaitunbouclierdumanteaudelareligion,et,souscethabitrespecté,ontlapermissiond’êtrelesplusméchantshommesdumonde?Onabeausavoirleursintriguesetlesconnaîtrepourcequ’ilssont,ilsnelaissentpaspourcelad’êtreencréditparmi lesgens;etquelquebaissementdetête,unsoupirmor6fié,etdeuxroulementsd’yeuxrajustentdanslemondetoutcequ’ilspeuventfaire.C’estsouscetabrifavorablequejeveuxmesauver,etme<reensûretémesaffaires.Jenequi<eraipointmesdouceshabitudes;maisj’auraisoindemecacheretmediver6raiàpe6tbruit.Quesijeviensàêtredécouvert,jeverrai, sansme remuer, prendremes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elleenversetcontretous.Enfinc’estlàlevraimoyendefaireimpunémenttoutcequejevoudrai.Jem’érigeraiencenseurdesac6onsd’autrui, jugeraimalde tout lemonde,etn’auraibonneopinionquedemoi.Dèsqu’unefoisonm’aurachoquétantsoitpeu,jenepardonneraijamaisetgarderaitoutdoucementunehaineirréconciliable.JeferailevengeurdesintérêtsduCiel,et,sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et sauraidéchaînercontreeuxdeszélés indiscrets,qui, sansconnaissancedecause,crierontenpubliccontreeux,qui lesaccablerontd’injures,et lesdamneronthautementdeleurautoritéprivée.C’estainsiqu’ilfautprofiterdesfaiblessesdeshommes,etqu’unsageesprits’accommodeauxvicesdesonsiècle.
Molière,DomJuan,ActeV,scène2(1665)
Séquence 5 - Texte 3