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1• Figurines d envoûtement...2• Les tablettes de défixion ou d’exécration Ce type de...

Date post: 27-Oct-2020
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Ecce anus in mediis 2 residens 1 annosa puellis 3 sacra 4 facit Tacitae (vix tamen ipsa tacet), et digitis 6 tria 7 tura tribus 5 sub li- mine 8 ponit, qua brevis 9 occultum 11 mus sibi fecit iter 10 : tum cantata ligat 12 cum fusco licia plumbo, et septem 13 nigras 14 versat in ore fabas, quodque pice adstrinxit, quod acu 17 trajecit 16 aena, obsutum maenae torret 18 in igne 19 ca- put 15 ; vina 21 quoque instillat 20 : vini quod- cumque relictum 22 est, aut ipsa aut comites, plus tamen ipsa, bibit. « Hostiles 23 linguas inimica que 24 vin- ximus ora », dicit discedens ebria que 26 exit 25 anus. Ovide, Fastes , II, 571-582 (début du I er s. apr. J.-C.). 1• Figurines d envoûtement Ovide rapporte, dans les Fastes (un ouvrage qui sintéresse à lorigine des fêtes du calendrier romain), raconte une cérémonie religieuse pratiquée par une vieille sorcière presque ivre. Elle sadresse à Tacita (« la Silencieuse »), la déesse chtonienne du silence et du secret. Voici, assise 1 au milieu 2 dun cercle de jeunes filles 3 , une vieille de grand âge : elle fait un sacrifice 4 à Tacita (mais elle a du mal à se taire) et dépose avec trois 5 doigts 6 trois 7 grains dencens sur le seuil 8 , là où une petite 9 souris sest frayé un passage 10 secret 11 . Ensuite, avec des paroles incantatoires, elle attache ensemble 12 des fils au moyen de plomb sombre et fait tourner dans sa bouche sept 13 fèves noires 14 . Puis elle enduit de poix la tête 15 dune mendole [pois- son] quelle transperce 16 avec une aiguille 17 de bronze ; après en avoir cousu la bouche, elle la fait griller 18 sur le feu 19 et y verse-quelques- goûtes 20 de vin 21 ; le reste 22 du vin, elle le boit elle-même avec ses compagnes, mais surtout elle-même. « Nous avons lié les langues ennemies 23 et les bouches malveillantes 24 », dit-elle en sen allant ; et la vieille séloigne 25 , tout avinée 26 . Activité 1 : 1. Replace dans le texte latin les mots suivants, qui correspondent aux termes en gras et en italique dans la traduction française. Une réflexion étymologique taidera. acu brevis caput digitis ebria exit hostiles igne inimica instillat iter ligat limine mediis nigras occultum puellis relictum residens sacra sep- tem torret trajecit tria tribus vina. 2. Quels points communs remarques-tu entre cette scène et les autres que nous avons étudiées ? 3. a) Quel est lobjectif du rituel magique pratiqué ? b) Parmi les différents gestes, la sorcière fait une ligature et un enclouage de la figurine : quels effets magiques, daprès toi, ces deux gestes sont-ils censés produire sur le maléficié (= celui qui est frappé par le sortilège). 4. Observe la figurine ci-dessus, et plus particulièrement lemplacement des clous : a) Quelle sorte de maléfice le sorcier a-t-il cherché à pratiquer sur Ptolémaïs (la femme que la statuette représente) ? b) Est-il logique que la sorcière du texte dOvide nait planté quune seule aiguille (ou clou) ? Où la-t-elle enfoncé, daprès ce que tu peux déduire de la statuette ? Statuette d’envoûtement féminine percée de treize épingles métalliques. On sait qu’elle désigne une certaine Ptolémaïs d’après les termes de la tablette d’exécration trouvée à proximité. (Argile, IV e s. apr. J.-C. ; musée du Louvre.) Figurine denvoûtement : chien dévorant un homme (cire et lin ; H. : 3,70 cm. ; l. : 7,10 cm. ; Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes).
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Page 1: 1• Figurines d envoûtement...2• Les tablettes de défixion ou d’exécration Ce type de documents archéologiques – pourtant loin d’être rare : près de deux mille tablettes

Ecce anus in mediis2 residens

1 annosa

puellis3

sacra4 facit Tacitae (vix tamen ipsa tacet),

et digitis6 tria

7 tura tribus

5 sub li-

mine8 ponit,

qua brevis9 occultum

11 mus sibi fecit

iter10

:

tum cantata ligat12

cum fusco licia plumbo,

et septem13

nigras14

versat in ore fabas,

quodque pice adstrinxit, quod acu17

trajecit16

aena,

obsutum maenae torret18

in igne19

ca-

put15

;

vina21

quoque instillat20

: vini quod-

cumque relictum22

est,

aut ipsa aut comites, plus tamen ipsa, bibit.

« Hostiles23

linguas inimicaque24

vin-

ximus ora »,

dicit discedens ebriaque26

exit2 5

anus.

Ovide, Fastes, II, 571-582 (début du Ier s. apr. J.-C.).

1• Figurines d ’envoûtement

Ovide rapporte, dans les Fastes (un ouvrage qui s’intéresse à l’origine des fêtes du calendrier romain), raconte une cérémonie religieuse pratiquée par une vieille sorcière presque ivre. Elle s’adresse à Tacita (« la Silencieuse »), la déesse chtonienne du silence et du secret.

Voici, assise1 au milieu2 d’un cercle de jeunes filles3, une

vieille de grand âge : elle fait un sacrifice4 à Tacita (mais elle

a du mal à se taire) et dépose avec trois5 doigts6 trois7 grains

d’encens sur le seuil8, là où une petite9 souris s’est frayé un

passage10 secret11. Ensuite, avec des paroles incantatoires,

elle attache ensemble12 des fils au moyen de plomb sombre

et fait tourner dans sa bouche sept13 fèves noires14. Puis elle

enduit de poix la tête15 d’une mendole [pois-

son] qu’elle transperce16 avec une aiguille17

de bronze ; après en avoir cousu la

bouche, elle la fait griller18 sur

le feu19 et y verse-quelques-

goûtes20 de vin21 ; le reste22 du

vin, elle le boit elle-même

avec ses compagnes, mais

surtout elle-même. « Nous avons

lié les langues ennemies23 et les

bouches malveillantes24 », dit-elle

en s’en allant ; et la vieille

s’éloigne25, tout avinée26.

Activité 1 : 1. Replace dans le texte latin les mots suivants, qui correspondent aux

termes en gras et en italique dans la traduction française. Une réflexion

étymologique t’aidera.

acu • brevis • caput • digitis • ebria • exit • hostiles • igne • inimica • instillat • iter •

ligat • limine • mediis • nigras • occultum • puellis • relictum • residens • sacra • sep-

tem • torret • trajecit • tria • tribus • vina.

2. Quels points communs remarques-tu entre cette scène et les autres que nous avons étudiées ?

3. a) Quel est l’objectif du rituel magique pratiqué ?

b) Parmi les différents gestes, la sorcière fait une ligature et un enclouage de la figurine : quels effets

magiques, d’après toi, ces deux gestes sont-ils censés produire sur le maléficié (= celui qui est frappé par

le sortilège).

4. Observe la figurine ci-dessus, et plus particulièrement

l’emplacement des clous :

a) Quelle sorte de maléfice le sorcier a-t-il cherché à pratiquer sur

Ptolémaïs (la femme que la statuette représente) ?

b) Est-il logique que la sorcière du texte d’Ovide n’ait planté

qu’une seule aiguille (ou clou) ? Où l’a-t-elle enfoncé, d’après ce

que tu peux déduire de la statuette ?

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↑ Figurine d’envoûtement : chien dévorant un homme (cire et lin ; H. : 3,70 cm. ; l. : 7,10 cm. ; Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes).

Page 2: 1• Figurines d envoûtement...2• Les tablettes de défixion ou d’exécration Ce type de documents archéologiques – pourtant loin d’être rare : près de deux mille tablettes

2• Les tablettes de défixion ou d ’exécration

Ce type de documents archéologiques – pourtant loin d’être rare : près de deux mille tablettes ont été retrouvées dans le monde méditerranéen – commence tout juste à être étudié par les spécialistes, attachés autrefois aux seules sources littéraires, et plutôt peu intéressés par la magie. Voici un exemple de tablette dite « opisthographe » (du grec « opithen », derrière), c’est-à-dire comportant un texte aussi sur son verso (ce qui n’est pas fréquent) ; elle a été trouvée à Hadrumète (aujourd’hui Sousse, sur la côte est tunisienne).

Légende :

- (a) Lettre non écrite, ajoutée pour correspondre à l’orthographe classique du mot.

- <a> Lettre corrigée (en remplacement d’une autre) ; par exemple, « relinquas » est écrit « lerinquas ».

- [a] Lettre restituée (abîmée sur le document).

Traduction : « Je t’adjure, démon, qui que tu sois, et je te demande à partir de cette heure, de ce jour et de ce moment, de supplicier et de tuer les chevaux des Verts et des Blancs, de tuer les clochers Clarus et Felix et Primulus et Romanus, de provoquer une collision entre eux et de ne pas leur laisser la vie ; je t’adjure par celui qui t’a libéré aux temps des dieux de la mer et de l’air. IAÔ, IASDAÔ, OORIÔ, AÊIA. »

Activité 2 : 5. a) Qui sont les « Verts » et les « Blancs » ?

b) Que voulait la personne qui a gravé cette tablette ? 6. Cet objet magique ne se compose pas uniquement du texte latin porteur de l’envoûtement :

a) Qui doit représenter la figure dessinée sur le recto ? b) Que doivent être les mots « CUIGEU CENSEU CINBEU PERFLEU… » gravé à sa gauche et non traduits par le docteur en histoire qui a étudié cette tablette ? c) En quelle langue sont les trois derniers mots du verso ? Pourquoi, d’après toi, ne sont-ils pas traduits ?

7. Que penses-tu de la qualité de l’orthographe du scripteur ? Que peux-tu en déduire sur le type de personnes qui compo-saient ce genre de documents ?

Écoutons maintenant un entretien de Mickaël Martin, docteur en histoire ancienne spécialisé dans les phénomènes magiques de l’Antiquité, avec le journaliste Vincent Charpentier de « Le salon noir », une émission de France Culture parue le 06 juillet 2011.

Activité 3 : 8. a) Qu’est-ce que la defixio ?

b) Pourquoi le plomb était-il le matériau préférentiellement choisi pour ce type d’objets magiques ? c) Pourquoi le grec a-t-il été privilégié pour rédiger ces textes ?

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prasini et albi crucies

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lum et Romanum oc(c)idas

collida(s) neque spiritum

illis <r>e<l>inquas ; adiuro te

per eum qui te resolvit

temporibus deum pela[g]i-

cim aerium Iaw Iasdaw

ooriw. ahia

Tablette de défixion en plomb, IIe s. apr. J.-C. (trouvée dans les ruines d’un tombeau gallo-romain près de Saintes ; musée archéologique de Saintes). ↑ Les maléficiés sont Lentinus et Tasgillus, deux individus que le client de l’envoûteur voulait empêcher de gagner un procès. Le sortilège les voue au même sort qu’un petit chien livré en sacrifice. Il comporte une formule magique, sans doute inspirée du grec, pour maudire une certain Gallara, la sorcière rivale consultée (precata) par les deux maléficiés.

ATRACATETRACATI GAL

LARA PRECATA EGDARATA

HEHES

Page 3: 1• Figurines d envoûtement...2• Les tablettes de défixion ou d’exécration Ce type de documents archéologiques – pourtant loin d’être rare : près de deux mille tablettes

d) Quelles sortes d’informations apparaissent sur ces textes ?

e) Qui jette un sort ? Un magicien ou un simple quidam ?

f) Où ces tablettes sont-elles déposées pour faire effet ? g) À quels dieux infernaux sont-elles dédiées ? h) Quel est le mode d’emploi pour jeter un sortilège ? i) Pourquoi jette-t-on un sort ? j) Est-il possible de se prévenir de ce type de magie offensive ? Comment ?

3• Étymologie

Exercice 1 : autour de la saga et de la magia.

a. Le nom saga, ae, f. (_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _) appartient à la famille du

verbe sagire qui signifie « avoir du flair » (pour un chien), comme l’adjectif

sagax (« qui a l’odorat subtil ») et le verbe praesagire (« deviner »). Cite

plusieurs mots français issus de cette famille.

b. Devinette : Nous sommes trois experts en astrologie venus d’Orient pour

rendre hommage à un grand roi. Comment nous appelle-t-on ? Pourquoi ?

____________________

Exercice 2 : autour du carmen Comme les philtres, les formules magiques (carmina) font partie de la pano-

plie de la magicienne. Lié au verbe cano, is, ere, cecini, cantum (chanter), le nom carmen, carminis, n., désigne en effet un chant rythmé comme un refrain ensorcelant, à la fois religieux et magique. Passé dans la langue littéraire, il signifie « poème ».

Verticalement, de gauche à droite : 1. Emploi de formules magiques, chantées ou

récitées. 2. Exercer une action magique pour envoûter. 3. Chanteur religieux ; être le *** de… : louer,

glorifier… 4. Qui est sous l'effet d'un pouvoir magique ;

très heureuse.

Horizontalement, de haut en bas : a. Rompre un charme magique ; faire perdre

ses illusions (à qqn). b. Adjectif pour qualifier une formule ou un

acte magique, de la même famille que 1. c. Prédire l’avenir ; tenir des discours confus et

pompeux comme dans un délire prophé-tique.

d. Chant religieux. e. Prononciation des mots selon l'origine géo-

graphique du locuteur. f. Magicien. g. Action qui conduit à mettre quelqu’un sous

l’effet d’un pouvoir magique.

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Séance 3 : page 3/3


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