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202_carnet_du_public_les_femmes_ont_de_la_chance

Date post: 07-Mar-2016
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1 Les Femmes ont de la chance Le Carnet du Public Generated by Foxit PDF Creator © Foxit Software http://www.foxitsoftware.com For evaluation only.
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Les Femmes ont de la chance

Le Carnet du Public

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1. Distribution Avec Vanessa Compagnucci, Christophe Sermet et François Sikivie Mise en scène collective Assistante mise en scène Ioana Zaharia Scénographie Christophe Sermet et Catherine Somers Costumes Catherine Somers

2. Les auteurs : Tchekhov et Feydeau

2.1. Tchekhov

Écrivain russe, Tchekhov est né à Taganrog 1860 et est décédé à Badenweiler en Allemagne en 1904.

Sa biographie se résume à quelques dates dans un calepin et beaucoup de pages blanches. Il ne se passe rien ou à peu près rien dans la vie de l’écrivain, comme il ne se passe rien ou à peu près rien dans son théâtre.

Une enfance triste dans une bourgade reculée, des études de médecine, une impérieuse vocation littéraire, quelques voyages à l’étranger, des séjours en sanatorium, un mariage sur le tard : bref une vie sans histoires, une vie de routine, partagée entre le travail, les factures à régler et les médicaments.

Sur ce fond de grisaille l’homme souffre continuellement, rongé par un mal inexorable, la tuberculose. Il tousse et crache le sang ; le visage fin et bon, la bouche légèrement

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moqueuse expriment la mélancolie, et les rides trahissent la crispation de la souffrance. Cette vie ne tient qu’à un fil. Mais chaque instant, si douloureux soit-il, est une victoire sur la maladie. Chaque souffle d’air, le frémissement des feuilles, le bruit des pas sur la neige sont un miracle de la vie.

Nul n’a éprouvé aussi bien que Tchekhov la tristesse désespérante de ces mornes journées où la maladie ne laisse pas de répit, la solitude, le dégoût devant la médiocrité du monde, le tragique à la fois social et métaphysique de la condition humaine ; mais nul n’a connu aussi bien que lui le prix de cette succession d’instants arrachés à la mort.

" Dans mon enfance je n’ai pas eu d’enfance ". Le petit garçon qui garde la boutique d’épicerie que tient son père, en veillant tard dans la nuit, a déjà sur le monde un regard d’adulte. Entre deux devoirs rédigés à la lueur des bougies, il observe les passants et écoute leurs conversations, tout en luttant contre le sommeil.

Le père, fils de serf libéré, est un homme sévère, violent, qui passe ses colères en maniant le fouet et, l’instant d’après, s’agenouille devant les icônes. On suit très régulièrement les offices chez les Tchekhov, on est confit en dévotions. L’église, la boutique, le lycée, une atmosphère de brutalité et de bigoterie, tel est le cadre où grandit le jeune Anton

En 1879 Anton s’inscrit à la faculté de médecine à Moscou où il terminera ses études en 1884. Les Tchekhov vivent pauvrement et logent dans un sous-sol humide. Les frères aînés boivent et se dissipent. Anton a la charge des siens et améliore l’ordinaire en publiant quelques brefs récits dans un petit journal humoristique.

En 1880, à vingt ans, Tchekhov a publié neuf récits, 5 ans plus tard il atteindra le chiffre de 129 articles et nouvelles !

Mais cette littérature " alimentaire " payée 68 kopecks la ligne compte moins dans sa vie que la médecine. Il écrit ses contes trois heures par jour, sur le coin de la grande table où est servi le samovar, au milieu des éclats de rire de ses frères et de leurs camarades. Ses sujets appartiennent à la vie de tous les jours, qu’il observe de son regard moqueur. Sa facilité tient du prodige.

" La médecine est ma femme légitime, écrit-il, la littérature, ma maîtresse. Quand l’une m’ennuie, je vais passer ma nuit avec l’autre ".

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Bientôt Tchekhov devient une gloire de la Russie. Il reçoit le prix Pouchkine ; on le courtise, on l’adule, et le public l’aime. Et pourtant combien il est difficile de connaître cet homme de 28 ans, déjà las et déçu, qui se livre si peu. De sa vie sentimentale, on ne sait rien ou presque, en dehors d’une brève aventure d’adolescent avec une jeune paysanne et de son tardif mariage avec l’actrice Olga Knipper.

" Le chantre de la désespérance " écrivait Léon Chestov et il ajoutait " Il a tué les espoirs humains 25 ans durant; avec une morne obstination il n’a fait que cela ".

Que reste-t-il lorsque le voile des illusions s’est déchiré ? Le vide, le tragique dérisoire du néant.

Les pièces de Tchekhov se déroulent dans le cadre de la province, une province morne et routinière, où les seuls événements sont le défilé de la garnison, les conversations plus ou moins médisantes autour d’un samovar, le passage du docteur ou de l’inspecteur des impôts, une province qui ressemblerait à une eau morte, que trouble un instant, comme le jet d’une pierre un événement inopiné ; quelques rides à peine, et la vie reprend. Mais, souterrainement, tout se défait dans la dérive de la vie et l’usure du temps.

Et pourtant ce monde désenchanté reste imprégné de grâce et cet écrivain impitoyable pénétré de tendresse. Une flambée de poésie éclaire cette société finissante. Gorki écrivit à Tchekhov " Vous accomplissez un travail énorme avec vos petits récits, en éveillant le dégoût de cette vie endormie, agonisante…. Vos contes sont des flacons élégamment taillés, remplis de tous les arômes de la vie. ". Si Tolstoï refusait à Tchekhov tout talent de dramaturge, il le tenait pour un remarquable conteur.

A part Pouchkine, Tchekhov est à peu près le seul des plus grands écrivains russes à ne pas proposer de recette pour sauver le monde. Quant à philosopher sur l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, il n’y songe même pas. Sa philosophie c’est la compassion.

Gorki a écrit : " Personne n’a compris avec autant de clairvoyance et de finesse le tragique des petits côtés de l’existence ; personne avant lui ne sut montrer avec autant d’impitoyable vérité le fastidieux tableau de leur vie telle qu’elle se déroule dans le morne chaos de la médiocrité bourgeoise ".

(D’après Rosanna Delpiano)

A lire…

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Théâtre Platonov (v. 1878), dont le texte a été découvert en 1921, première adaptation en français sous le titre Ce fou de Platonov. Ivanov (1887), pièce en quatre actes. L'Homme des bois ou Le Sauvage ou Le Génie des forêts ou Le Sylvain (1889), comédie en quatre actes La Mouette (1896) Oncle Vania (1899-1900) Les Trois Sœurs (1901) La Cerisaie (1904) Pièces en un acte Les Méfaits du tabac (1886 ; 1902), Sur la route (1887), L'Ours (1888),Une Demande en mariage (v. 1888-1889) Essais Un voyage à Sakhaline (1895), comprenant : L'île de Sakhaline, À travers la Sibérie Romans Drame de chasse (1884-1885), La Steppe (1888), prix Pouchkine Nouvelles La Dame au petit chien (1899)

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2.2. Feydeau

Né en 1862, il est le fils d’un curieux personnage, Ernest Feydeau, à la fois écrivain, directeur de journal et agent de change. Son meilleur roman, Fanny, le fait comparer à Flaubert, l’un de ses meilleurs amis avec Théophile Gautier et les Goncourt. Malgré d’assez bons résultats scolaires, Georges Feydeau quitte dès la fin de la troisième le Lycée Saint-Louis dont il est pensionnaire, pour se consacrer entièrement au théâtre. Il récite des monologues dans des soirées mondaines où il imite avec succès les acteurs d’alors. Il s’est juré de devenir le plus grand vaudevilliste de son époque. Dès l’âge de dix-neuf ans, en 1882, il fait représenter sa première pièce, Par la fenêtre au casino de Rosendaël, une obscure station balnéaire du nord de la France. Malheureusement, il collectionne les " fours " - à l’exception de Tailleur pour dames - au point qu’il songe à se faire acteur... Mais à vingt neuf ans, en 1892, c’est enfin le triomphe avec Monsieur chasse. La même année, ce succès est confirmé par la réussite de Champignol malgré lui et du Système Ribadier. Les œuvres de Feydeau, désormais célèbres, sont traduites en une dizaine de langues et jouées dans toute l’Europe. Dans les années qui suivent, ce sont Un fil à la patte, L’Hôtel du libre échange, Le Dindon, La Puce à l’oreille (1907) et La Dame de chez Maxim qui pour les provinciaux et les étrangers est, avec la Tour Eiffel, la principale attraction de Paris. Au cours des premières années du siècle, Feydeau continue à écrire des vaudevilles, pièces où le comique de situation, avec ses quiproquos et ses rencontres intempestives, joue le rôle essentiel. Cependant, tout va changer en 1908 : son mariage avec la fille de Carolus-Duran, célèbre peintre du Tout-Paris se solde par un échec après une vingtaine d’années de vie commune. Il conçoit alors l’idée de s’inspirer de sa propre expérience pour écrire des farces conjugales où il peindra avec une implacable férocité burlesque les dissensions des couples. Il inaugure brillamment ce nouveau type de pièce avec Feu la mère de Madame, bientôt suivi d’On purge bébé, de Mais n’te promène donc pas

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toute nue, etc. Aux alentours de 1914, l’auteur, vieillissant, voit se tarir son inspiration : écrire l’ennuie. Il se drogue pour se stimuler : c’est peine perdue. En 1919, conquis à l’art cinématographique par un film de Chaplin, Charlot soldat, Feydeau projette d’écrire un scénario pour lui… Mais à la même époque, Feydeau contracte une syphilis nerveuse qui provoque chez lui des troubles psychiques graves ; il se laisse pousser la barbe de manière à évoquer Napoléon III –qui serait, selon certains, son véritable père. Il se promène ainsi sur les boulevards. La ressemblance est hallucinante. Les passants, stupéfaits, se retournent. À ses amis il propose des portefeuilles ministériels et les invite à son couronnement. Ses enfants doivent le faire interner dans une maison de santé de Rueil-Malmaison. Il meurt de sa maladie en 1921.

Quelle que soit leur tonalité, les « pièces » de Feydeau (il préfère souvent ce terme à celui de vaudeville) ont su redonner au genre une vis comica qu’il avait perdue. Le tout repose sur la qualité d’une intrigue construite avec un luxe de préparations et qui tisse un réseau arachnéen d’effets et de causes dans lequel les personnages viendront s’empiéger. La chiquenaude initiale, un quiproquo ou une rencontre intempestive, provoque une série de rebondissements en cascade, de péripéties saugrenues, de situations cocasses, où brusquement, dans ce microcosme bourgeois, tout obéit à la folle logique d’un fatum implacable. L’ensemble est emporté par un mouvement accéléré (souci permanent de l’écrivain, repris par la troupe), et les personnages, qui passent continuellement de la crainte au soulagement et vice versa, sont saisis de fébrilité et vivent dans une urgence qui leur interdit, comme au spectateur, toute réflexion.

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L’écriture dramatique, qui semble toujours explorer ses limites, relève d’une esthétique générale du débord. Trop plein d’effets, de péripéties, de personnages, d’accessoires dans le décor. Dans cette atmosphère saturée, les objets dotés de malignité semblent s’animer alors que les personnages, qui virevoltent et rebondissent, se réifient, butent sur des espaces clos ou sont projetés dans un jeu forcené de portes ouvertes ou fermées. Ces mécanismes n’excluent pas une certaine vérité humaine des sujets et une individualisation bien marquée qui ne réduit pas les personnages à l’état de bamboches malgré les fantaisies anthroponymiques dans la tradition du genre. Au dénouement, on ne peut se départir d’un certain désabusement devant la nature humaine et l’universelle jacasserie. Mais l’amuseur ne se voulait ni moraliste ni penseur. En définitive, cette œuvre apparait surtout comme une invitation à la pratique de la plus rare et de la plus franche des vertus théâtrales : le fou rire. (D’après J.-M. Thomasseau, in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre) A lire… Théâtre Par la fenêtre, Amour et piano, Gibier de potence, fiancés en herbe, la Lycéenne, Monsieur Chasse !, Le Dindon, Un fil à la patte, La Dame de chez Maxim, Occupe-toi d’Amélie, Main n’te promène donc pas toute nue, On purge bébé Monologues La Petite Révoltée, Le Mouchoir, Un coup de tête, J'ai mal aux dents, Trop Vieux, Un monsieur qui n'aime pas les monologues, Aux antipodes, Patte en l'air, Le Petit Ménage, Le Potache, Le Billet de mille… [→ Aux élèves : établissez les concordances et dissemblances que vous relevez dans la vie de ces deux auteurs. A votre avis, quel serait pour vous l’intérêt de les réunir sur scène ?]

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3. Entretien avec Christophe Sermet

« Le but du spectacle est le rire : il ne défend aucune volonté conceptuelle ou moralisante, même par rapport au titre. » Ch.Sermet

Passionné de Tchekhov, Christophe Sermet, comédien et metteur en scène, découvre les nouvelles traductions des pièces courtes : « elles sont plus concrètes, plus charnelles…plus simples ». A la même époque est éditée une pièce de Feydeau, « L’homme de paille », qui frôle d’absurde et repose sur de gros quiproquos. L’idée de réunir les deux auteurs naît alors, avec la volonté d’une unité thématique comme ligne de conduite : « l’incongru ». En effet, Tchekhov et Feydeau jouent sur cet incongru, sur le décalage : « ils jouent avec un théâtre de l’idiotie, mais un théâtre qui raconte beaucoup, un théâtre où malgré le rire que suscitent les personnages, pointe de la tendresse ». Ainsi, des chansons ponctueront le spectacle : en décalage par rapport aux scènes, elles renforceront l’incongruité du spectacle en apportant un aspect sentimental ; françaises, italiennes, ce sont des chansons de variété qui feront le liant entre les piécettes. Christophe aime ces chansons : « elles sont populaires, légères certes, mais elles ont un secret qui fait que chacun les garde sur les lèvres. » La mise en scène de ces deux auteurs contemporains, débutants à l’époque, forcent un angle d’attaque différent du vaudeville : il y a des échos entre les pièces, mais la mise en scène sera radicalement non naturaliste. Située dans l’entre-deux, elle empruntera des

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éléments au monde parisien de Feydeau (l’aspect french cancan), d’autres au milieu rural que connaissait Tchekhov (le côté plus saloon), et agrémentera le tout d’éléments du monde contemporain qui est le nôtre. Jouer deux auteurs dans un seul spectacle, c’est également être confronté à un jeu différent : « Feydeau joue sur les quiproquos, les grosses ficelles, il faut oser jouer le jeu. Il n’use pas de bons mots d’auteur : les personnages sont pris dans une mécanique infernale et agissent comme des pantins désarticulés. Le rythme est donc très important pour jouer Feydeau : il est très rapide, très décalé. Tchekhov aussi mais les personnages ont une identité qui repose sur un comportement culturel comme l’attachement à un lopin de terre, par exemple. Les personnages sont dons plus développés, plus installés. » Enfin, et la troupe le revendique, l’objectif du spectacle est de faire rire ! Il faut donc faire en sorte que le personnage soit emporté dans ce rythme : « c’est quelque chose de musical, comme une partition. Il s’agit de créer une structure de base puis de s’emporter…au bon moment, celui qui provoque le rire, ni trop tôt, ni top tard. Dans les vaudevilles, les portes « claquent » : chez Tchekhov, ça doit claquer aussi, au juste moment. » Il y a un risque, évidemment, à jouer du vaudeville ; celui que le public ne suive pas… « Mais notre perspective vise le risque : il s’agit d’un travail laborieux, rigoureux…comme un accord de violons entre nous, parce qu’il y a une esthétique à trouver, une forme théâtrale adéquate pour continuer à monter du vaudeville aujourd’hui. Il y a une tendance actuelle à mettre le vaudeville en ghetto, alors qu’il reste des choses intéressantes, des découvertes amusantes à réaliser avec ce genre théâtral. »… « Les Femmes ont de la chance » en est un bel exemple !

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4. Une scénographie pour trois pièces…entretien avec Catherine Somers « La scénographie, c’est le graphisme de la scène : l’art de créer l’espace nécessaire au jeu. » Catherine Somers

La scénographie relève de l’esthétisme puisque elle instaure l’ambiance du spectacle, son atmosphère, et de l’architecture en répondant aux nécessités imposées par l’infrastructure de la salle et à la réalisation technique du spectacle. Le scénographe travaille en collaboration étroite avec le metteur en scène : celui-ci fait part de ses idées générales, parfois très précises, quant au décor à inventer, aux costumes, aux images… « Au scénographe de trouver son espace de création au service du metteur en scène ! ». Il travaillera alors à partir de croquis pour lui présenter diverses propositions. Au fur et à mesure des discussions avec celui-ci, le scénographe réalisera une maquette, une représentation en miniature de ce que sera le plateau habillé. Catherine Somers est cette artiste des Femmes ont de la chance. Le partage réalisé avec Christophe Sermet, metteur en scène, a abouti à un décor particulier…qui joue lui aussi sur le décalage, sur l’incongru. « Un porche à l’américaine, une balancelle, un paysage de fond, des lumières qui clignotent sur des chansons interprétées au micro à l’avant-scène…L’ambiance western qui rappelle le milieu rural de Tchekhov associée à des éléments du cabaret parisien de l’époque de Feydeau épouse de la sorte l’image traditionnelle du ‘romantisme à

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l’américaine’, coucher de soleil sur la balancelle et déclarations d’intentions de la part des protagonistes… » La scénographie de Catherine Somers se sert aussi de l’infrastructure particulière de la petite salle du Public. « Les colonnes de la salle serviront de cadre de scène et seront aussi les piliers du porche. Nous voulions faire oublier l’espace dans lequel se situent les spectateurs et les emmener avec nous dans l’univers des deux auteurs, tel qu’ils ne se l’imaginent pas. Par ailleurs, le décor s’affirme comme décor. Il ne crée pas l’illusion : les coulisses sont à vue, le décor est neuf et ça se voit. Il n’est pas imprégné du temps passé, cher à Tchekhov. Par là, on renoue avec le décalage, ce concept qui rythme le spectacle ». Une scénographie unique pour trois pièces ? « Comme on voulait associer l’univers des deux auteurs, il était nécessaire que la scéno soit la même pour les trois piécettes. Pour la même raison, il y a peu de changements de costumes et les accessoires utilisés dans un acte sont repris dans le suivant. Cet usage des éléments scéniques renforce le lien continu dans le spectacle, son rythme et sa narration. De la même manière, la fenêtre du décor permet deux angles de vision différentes sans qu’un changement de décor ne soit nécessaire : soit on se trouve à l’intérieur de la maison et l’on regarde à l’extérieur, soit on se trouve sur le porche et le paysage se trouve derrière les personnages. » Ce paysage, comment s’insère-t-il dans l’idée générale de la scénographie ? « Il s’agit d’une toile peinte accrochée au décor. Elle représente un paysage presque aride, bucolique qui renvoie au monde de Tchekhov, et qui évoque en même temps les années 70, elles-mêmes rappelant l’univers de Feydeau. Ce « poster » géant permet encore une fois d’unir Tchekhov et Feydeau dans un même décor ». Catherine Somers rend compte dans sa scénographie de l’art de correspondre aux envies du metteur en scène et aux besoins techniques de la réalisation d’un spectacle. A l’image des costumières, des éclairagistes, des régisseurs…le scénographe est cet artiste de l’ombre qui habille un spectacle avant que le rideau ne se lève.

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5. La pièce 5.1. L’Ours (Tchekhov)

Cette farce en un acte met en scène Elena Ivanovna Popova, « une petite veuve avec des fossettes aux joues, propriétaire terrienne », Grigori Stépanovitch Smirnov, « un homme encore jeune, propriétaire terrien » et Louka, le vieux valet d'Elena.

Popova, veuve depuis sept mois, s'est retirée du monde et refuse de recevoir Smirnov, un exploitant à qui son mari devait de l'argent, et qui vient, lui-même tenu par ses propres dettes, le lui réclamer. Désespéré, mais surtout très en colère devant ce refus, Smirnov décide de rester chez Popova jusqu'à ce qu'elle le paie : « Tu es malade pendant un an, je ne bouge pas d'ici pendant un an ».

Or Popova dissimule (plus pour très longtemps) un caractère également explosif ; la rencontre peut alors s'achever par un duel (Popova part chercher les Smith & Wesson de son défunt mari) ou…par un mariage (« Je tombe amoureux, la tête la première ! Je demande votre main. Oui ou non ? ») !

[Aux élèves : Imaginez cette farce comme une fable. A votre avis, quel pourrait en être la morale… ?]

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5.2. La demande en mariage (Tchekhov)

L’ours est souvent représentée avec Une demande en mariage, du même auteur, qui décline également le thème de l'amour entre propriétaires terriens coléreux.

L'intrigue est très simple : Lomov vient demander une jeune fille en mariage, Nathalia Stepanovna. Il est reçu par le père, Stéphane Stépanovitch, qui marque son enthousiasme, et va chercher sa fille. La question de l'appartenance des prés du bœuf fait dégénérer cette demande en mariage. "Vous n'êtes pas un voisin, mais un usurpateur !" "Vous êtes d'une famille où on a toujours aimé la chicane". "Et votre mère avait une jambe plus courte que l'autre". "Malhonnêté, dégoûtant". "Espèce de saucisse, champignon de couche". La jeune fille défaille quand elle apprend que le voisin était venu demander sa main: "Qu'il revienne!". Il revient, souffrant. Elle lui demande de les excuser elle et son père. Mais la dispute revient à propos du prix d'un chien de chasse. "Vous me prenez pour un aveugle ou pour un imbécile". Le prétendant a des palpitations. "Est-ce qu'on appelle ça un chasseur !" Le prétendant s'évanouit. On le croit mort. Ils se marieront… en se disputant !

[Aux élèves : Repérez les techniques dramaturgiques de Tchekhov qui provoquent le rire. Sur quel thèmes principaux reposent-t-elles ? Imaginez un scénario vaudevillesque basé sur les mêmes techniques et thématiques]

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A propos de …

L'Ours et Une demande en mariage (ainsi que Les Méfaits du tabac et Tragédien malgré lui) sont des comédies en un acte qui ont été écrites entre 1886 et 1890, au moment où, paradoxalement, Tchekhov, dans ses récits et nouvelles, s'affirme comme écrivain « sérieux ».

Ces courtes pièces illustrent de façon éclatante le regard à la fois humoristique et absurde de Tchekhov qui profite d'un fait divers pour faire ressortir chez ses personnages, leur vraie nature, leurs plus profonds tourments. On est à la fois surpris et enchantés par la richesse de sa plume qui, en quelques répliques, transforme une situation dramatique en véritable comédie. Le spectateur s'amuse devant ces situations rocambolesques, qui prennent un tournant imprévisible, qui donnent un éclairage si particulier aux faits divers.

Elles ont un décor commun : la Russie rurale, alors que ce pays est en train de subir d'importantes transformations. Le pays est en état de choc depuis l'abolition du servage en 1861. Ceux qui possèdent des domaines ruraux connaissent de graves problèmes administratifs, dont on perçoit l'écho dans L'Ours. Le pays est dans une phase de modernisation intense. Aussi légères qu'elles soient, ces comédies de Tchekhov témoignent de cette Russie changeante. Ce qui étonne encore aujourd'hui dans des textes comme L'Ours ou La Demande en mariage, c'est à quel point ce sont des textes ouverts à un large éventail d'interprétations : on peut aussi bien les monter comme des farces que les interpréter comme de petites comédies dramatiques

Ces courtes comédies, sous leur apparence traditionnelle, sont novatrices. Elles servent de laboratoire à Tchekhov, qui y développe des techniques dramaturgiques qu'il utilisera plus tard dans ses pièces en quatre actes. C'est dans ces petites comédies, pourtant franchement drôles, que Tchekhov commence à effacer la ligne entre drame et comédie, et qu'il raffine ce mélange entre le risible et le pathétique qui caractérise son œuvre.

L’auteur en parle…

Après avoir écrit le long récit La Steppe, Tchekhov, à sa manière, prend du repos : « N’ayant rien à faire, j’ai écrit un petit vaudeville, bien inepte et bien franchouillard, qui s’appelle L’Ours. […] La Steppe m’a pris tant de sève et d’énergie que je serai long à me remettre à quelque chose de sérieux. »

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Ecrite en février 1888, la pièce est publiée quelques mois après, signée seulement d’un « A.P. ». Il est facile d’en reconnaitre l’auteur et on s’empresse de lui demander l’autorisation de la porter sur scène. La première a lieu au théâtre Korch le 28 octobre 1888 : grand succès, Tchekhov, qui se trouve là, est rappelé deux fois, ce qui ne l’empêche pas, comme souvent, d’être mécontent du jeu des acteurs. La pièce reçoit l’autorisation nécessaire pour être jouée sur les théâtres impériaux et fait fureur au théâtre Alexandra. Des ministres la font jouer dans des spectacles privés, l’enthousiasme est général dans les capitales comme en province. En 1890, Tchekhov voit partout des affiches annonçant sa pièce. En 1897, il saluera de ces mots une jeune personne dont il fait la connaissance : « et vous, avez-vous joué dans mon Ours ? Non ? J’en suis fort aise car chaque demoiselle, ou presque, qui fait ma connaissance, me dit : « savez-vous que j’ai joué votre Ours ! » Quelques plats reproches d’invraisemblances ou de grossièretés exceptés, la critique est général élogieuse. A quelqu’un qui lui demandait l’autorisation de traduire L’Ours en français, Tchékhov, en donnant son accord, ajoutera : « Je suis d’avance persuadé qu’un vaudeville russe, si réussit soit-il, ne peut avoir de succès sur la scène française, où les excellents vaudevilles se comptent par centaines… ». Le 27 octobre 1888, en même temps qu’il annonce la mise en scène de L’Ours au théâtre Korch, Tchékhov dit avoir écrit encore un vaudeville : La Demande en mariage. La pièce fut mise en scène à Petersbourg au Cercle Artistique de la capitale le 12 avril 1889, et bientôt publiée dans un journal où elle reçut un excellent accueil. En général, les représentations connaissent un grand succès. Le tsar lui-même eut un mot de compliment pour l’auteur. (Celui-ci de commenter : « J’attends l’ordre de Stanislas et ma nomination au Conseil d’Etat »).

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5.3. L’homme de paille

Un homme de paille pour un mariage arrangé : cette comédie de Feydeau traite autant du mariage que du divorce. Une femme politicienne ne peut pas être nommée présidente de son parti sauf si elle se trouve un mari qui occupera officiellement le poste à sa place et qu’elle manipulera en coulisses : un homme de paille... Deux prétendants, Farlane et Salmèque, perdus dans les dédales d’une maison close, sont prêts à accepter cette mission. Or, le jour de leur visite, la citoyenne est absente. Les deux individus, qui ne se connaissent pas, s'imaginent alors d'être en présence de celle qu'ils sont venus épouser. De ce quiproquo découle une série d’aventures délirantes. C’est l’occasion de déployer l’attirail de séduction, de faire étalage de ses connaissances ainsi que de ses capacités ménagères et surtout d’échafauder de grands projets politiques. Autant d’exemples de la difficulté à s’entendre. [Aux élèves : Résumez l’action. Comment décririez-vous les deux personnages ? Repérez les moyens utilisés par l’auteur pour rendre la situation comique. Quelles sont les différences avec les pièces de Tchekhov ? Avez-vous repéré des critiques de Feydeau sur sa société ? Lesquelles ? Imaginez une situation qui nécessiterait un « homme de paille »]

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A propos de… Un « homme de paille » désigne une personne qui couvre de son nom les actes ou les écrits de quelqu'un d'autre. La personne ainsi protégée peut agir de manière anonyme à travers la couverture que lui procure l'homme de paille.

Dans L’homme de paille de Feydeau, on retrouve les ingrédients du burlesque propres à son théâtre : Le « gramme d’imbroglio » dont dépend l’action soumise au procédé du quiproquo, le « gramme de libertinage » qui démasquent les personnages, révélant leur débauche, leur vénalité, leur hypocrisie et leur lâcheté et, enfin, le « gramme d’observation » sur la société bourgeoise de son époque. Par cette méthode, Feydeau s’autorise les rencontres les plus improbables. Le prétexte ne se limite pas aux incartades de l’adultère, comme les deux autres pièces de Tchekov dans ce spectacle. Le jeu de séduction n’est ici qu’un moyen déployé par les personnages pour parvenir à des fins qui ne sont pas liées aux caprices de l’infidélité. Dans L’homme de paille, l’aspiration de Farlane et Salmèque, qui se méprennent sur l’identité de l’un et de l’autre, est de changer de condition sociale. Cependant, les apparences que chacun endosse volontairement ont un effet de boomerang dont il ne soupçonnait pas le retour subversif. Les deux hommes de paille, aveuglés par leur ambition, sont contraints, en dépit de leurs précautions, de se courtiser, se livrant à des échanges de flatteries et de douceurs de plus en plus compromettants. Feydeau ne s’est jamais revendiqué polémiste. Ce qui ne l’empêche pas de jeter quelques piques sur la mentalité de ses contemporains : - sur les institutions à l’esprit conservateur : «Et les musées, voila une chose qu’il faut supprimer ! …Quand on pense que l’Etat ne peut pas voter une subvention pour remplacer de temps en temps tous les vieux tableaux par des neufs. » (L’homme de paille) Admirateur et le plus grand collectionneur de tableaux impressionnistes de son temps, Feydeau n’admettait pas qu’ils puissent être déconsidérés par les tenants de l’art pictural de l’époque. - sur le snobisme des prétendues élites : « Artiste dans l’âme, je compose de la musique savante… vous prenez une partition d’opérette, vous la mettez la tête en bas, vous jouez à l’envers et vous transcrivez… C’est incompréhensible, mais les dilettantes vous

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comprennent. C’est faux comme un jeton, mais vous êtes désormais le musicien de l’avenir… et vous appartenez à la nouvelle école. » (L’homme de paille) Certes, ce ne sont là que des clins d’œil. La modernité de Feydeau ne tient pas dans le message, mais elle se manifeste dans le dispositif du jeu théâtral qu’il met en place. (D’après Jean-Paul ARPHAND)

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6. Petite histoire du vaudeville

Il n'y a pas un drame humain qui n'offre quelques aspects très gais. (Feydeau) Le mot «vaudeville » est ancien mais son acception a sensiblement évolué entre l’époque où le genre était tiré plutôt vers la chanson, et aujourd’hui où l’on a tendance à en faire un des cantons du théâtre de Boulevard. Le plus intéressant est la mécanique dramaturgique et stylistique qu’il met en branle, marquée au sceau de la folie, du côté des situations comme des personnages. A l’origine, le vaudeville est une chanson satirique originaire du « Val » ou du « Vau-de-vire » et dont la tradition attribue la création, vers 1430, à Olivier Basselin. Le terme vaudeville désigne tour à tour des chansons gaies, grivoises et caustiques, puis les couplets chantés sur des airs connus introduits dans une comédie légère, enfin la comédie elle-même. Aujourd’hui, il désigne une comédie d’intrigue sans couplets, riche de complications (généralement amoureuses), nées de rencontres fortuites et de quiproquos. Dés la fin du XVIIème siècle, par le biais des théâtres de la Foire, des airs connus de tous s’insèrent dans des trames théâtrales ; nait ainsi l’opéra-comique première manière. L’ariette (air nouveau) prend plus tard le pas sur le vaudeville, et l’opéra-comique se distingue nettement de la « comédie à vaudevilles » qui, après une certaine éclipse, renaitra sous la Révolution avec la création du théâtre du Vaudeville (1792). Le terme désigne alors un nouveau genre théâtral qui crée des types et qui connait d’extraordinaires succès qui se prolongent sous l’Empire et la Restauration. Toutefois, dans la plupart de ces innombrables pièces, qu’elles tirent vers la « folie », l’anecdote ou a farce grivoise, l’argument était mince et ne reposait souvent que sur quelques calembours et le talent de l’acteur. Le mérite de Scribe, qui domine le genre de 1815 à 1850, est de donner au vaudeville une charpente fortement construite où imprévus et quiproquos s’insèrent dans un jeu subtil de préparations et où le suspens ménagé n’exclut ni sentiment, ni psychologie, ni critique sociale. Cette évolution conduit vers 1860 à la disparition des couplets chantés. Le vaudeville accentue encore la rigueur de sa construction sous l’impulsion de Labiche qui, à partir d’Un Chapeau de paille d’Italie(1851), donne plus de tempo au mouvement, hypertrophie les procédés comiques, en particulier les répétitions, les méprises, et la logique des situations où sont jetés des personnages tétanisés. Cet héritage sera repris par A. Hennequin et surtout par Feydeau qui construit des pièces le plus souvent en trois actes où l’intrigue très complexe et méticuleusement agencée, après un quiproquo ou une rencontre inattendue, lance les personnages dans un monde où, avec frénésie, s’enchainent des péripéties saugrenues et où règne la logique loufoque de l’absurde.

Après Feydeau, le genre s’affaiblit et s’apparente au théâtre de Boulevard, qu’il marque de son empreinte. La tradition toutefois ne semble pas perdue, le succès par exemple de Boieng Boeing (1960) de Marc Camoletti atteste à la fois la profonde vitalité du genre et ses besoins de renouvellement.

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[Aux élèves : Selon ce que vous connaissez du vaudeville, ou des pièces que vous avez vues, quels sont d’après vous les éléments indissociables du vaudeville ?]

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6. Quelques ingrédients du vaudeville Structure esthétique… L’évolution de l’art du vaudeville permet de déceler le développement d’une mécanique d’écriture originale, faite de dialogues et de chansons imbriquées au gré des fantaisies de l’auteur et du trajet bousculé des personnages. Montées une à une, les répliques se suffisent à elles-mêmes, sans silence, sans intervalle, sans psychologie immédiate. Chaque réplique est un accident imprévu, et pas seulement un moment, dans le parcours du personnage. Ignorant ce qu’il fera après la réplique, il ne sait pas ce qu’il faisait avant qu’elle ne lui échappe. Sans passé, innocent de ce qu’il enclenche, en réaction, chez les autres, le personnage est pleinement en acte ce que la réplique contient en puissance : un cri, un mot d’esprit, une exclamation, une injure, une douleur, un éclat de rire. Sans autre projet. Le vaudeville présente la conception de rencontres inattendues et détonantes, de rapprochements de situations incompatibles, d’affrontements de personnages, enchainés aux répliques, qui, l’instant précédent, ne se connaissaient pas. De ces coïncidences apparemment fortuites, néanmoins habilement agencées par l’auteur, naissent des entrées et des sorties foudroyantes, des dérèglements du comportement, des poursuites minées d’embûches et de chausse-trapes dans lesquelles s’engouffre le personnage qui a oublié le but de sa précipitation excitée. Epuisé, exténué, meurtri, il endure l’accumulation d’aventures et de coups qu’il ne maitrise pas. A cette souffrance physique s’ajoute l’objet créateur de situation… Heureusement, le fol aboutement des situations est ponctué de havres de bonheur.La musique, les chansons fondent l’humeur joyeuse qui doit dominer au spectacle de vaudeville. Ainsi le cours effréné des scènes, les chocs entre les situations sont atténués par le plaisir vocal…Les chansons proposées dans le spectacle, quel que soit leur genre, renouent donc d’une certaine manière avec le vaudeville originel… Si l’auteur de vaudevilles ne parvenait pas à créer de surprenants et heureux dénouements, la pièce s’accomplirait dans un carnage féroce, un cauchemar au réveil brutal… (D’après D. Lemahieu, in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre) [Aux élèves : Quel est d’après vous l’intérêt des chansons dans le spectacle « Les Femmes ont de la chance » ? Les connaissiez-vous ? Quel impact ces chansons ont-elles provoqué sur votre réception du spectacle ?]

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Quiproquos… Le quiproquo est la méprise sur un mot, sur un fait, ou sur une personne (étymologiquement, prendre quelqu’un pour quelqu’un d’autre). Il a été excessivement utilisé dans tous les genres dramatiques depuis l’Antiquité du fait de sa grande malléabilité : d’une extension infinie (de quelques répliques à la presque totalité de la pièce), il possède en outre l’avantage d’être extrêmement facile à dissiper ; simple erreur d’information, sa dissipation ne nécessite pas un enchainement d’action, mais une nouvelle information qui peut intervenir au moment jugé le plus opportun par le dramaturge. (D’après G. Forestier, in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre) [Aux élèves : Relevez, parmi les trois pièces, le cas de quiproquo présenté. Connaissez-vous d’autres cas de quiproquos au théâtre ou en littérature ? Imaginez un scénario basé sur un quiproquo] Comique : fragilité et pérennité Le comique est inscrit, plus que d’autres instances théâtrales, dans l’histoire. A la différence du tragique, qui semble lié à certaines circonstances et époques, le comique, sous une forme plus ou moins élaborée, se trouve partout et depuis toujours. Il satisfait au besoin constant et universel. Mais, pour atteindre son public, il englobe des références historiques parfois précises- et périssables. Le comique peut vieillir. Quand il écrivait Le Rire, Bergson affirmait, comme une évidence, qu’on riait d’un « nègre » ! Le rire peut donc être fragile. Dans l’œuvre de Tchekhov, depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui, le comique se mélange indiscernablement à des situations qui émeuvent jusqu’aux larmes. Cette ambigüité est peut-être un cas unique dans l’histoire du théâtre. Mais ce qui est fréquent, c’est l’aventure de pièces comiques qui, bien accueillies à leur création, ne font plus rire après quelques années ou quelques générations… Tel n’est pas le cas des trois petites pièces du spectacle : L’Ours et La Demande en mariage sont encore souvent repris sur la scène, preuve de la constance de leur succès, et les pièces de Feydeau continuent d’occuper une place d’honneur dans la programmation de vaudevilles.

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(D’après J. Scherer, in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre) [Aux élèves : Quels sont les éléments qui vous ont fait rire ? Quels sont ceux pour lesquels vous n’avez pas ri ? Pourquoi ? Que pensez-vous de cette affirmation : « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » ?] Le spectateur et le comique On distingue traditionnellement un comique de mots, un comique de caractère, un comique de mœurs et un comique de situation. La hiérarchie établie entre ces différents niveaux a varié selon les époques et selon les intérêts de ceux qui s’attaquaient à ces questions. Le XIXème siècle, imbu de psychologie au théâtre, a privilégié le comique de caractère. Le terme, assez démodé, de mœurs, recouvrira volontiers une attitude de critique sociale, tandis qu’un homme de théâtre aura tendance à mettre le comique de situation au premier plan. Les distinctions entre ces niveaux sont commodes, mais parfois difficiles à appliquer : tout personnage de théâtre a un caractère, il a des mœurs, il est dans une situation et il prononce des mots. En outre, ce classement n’introduit pas à une compréhension d’ensemble du phénomène comique. Cette compréhension est permise par Bergson dans son ouvrage intitulé Le Rire. La formule la plus célèbre en est que le comique « est du mécanique plaqué sur du vivant ». Dans sa généralité, elle s’applique, certes, à un grand nombre de cas, mais on peut observer aujourd’hui qu’elle ne définit qu’un des moyens d’établir la supériorité du spectateur sur le personnage comique. Il y en a d’autres, et cette supériorité, imaginaire et momentanée, apparait comme la forme la plus générale de la relation comique entre un public et le spectacle qui lui est proposé. L’humiliation du personnage qui provoque le rire peut aussi être obtenue par un acte qui manque son but, par d’autres schémas de la déception, ou par une critique de la dimension sociale, créée, non par des mots, mais par d’autres réactions démonstratives. On peut avoir intérêt aussi à distinguer le comique du personnage du comique d’une situation. Le spectateur peut rire d’un personnage, infériorisé à ses yeux par un des procédés qui le déstabilisent, sans trouver comiques les autres personnages. La situation d’ensemble est plus exigeante ; pour atteindre son but comique, elle doit engendrer des problèmes pour tous les personnages, les soumettant ainsi tous au rire du spectateur ; c’est ainsi que procède Feydeau, et dans une moindre part Tchekhov, dans leurs petites pièces en un acte… (D’après J. Scherer, in Dictionnaire encyclopédique du Théâtre) [Aux élèves : Distinguez dans les trois pièces, le comique de situation, le comique de mots et le comique de caractère. Quel est selon vous celui qui prédomine chez Tchekhov ? Chez Feydeau ? Pouvez-vous trouvez une explication, sur base de la biographie de ces auteurs, à cette différence ?] Convention théâtrale Si tout art nécessite l’existence de conventions entre ceux qui le produisent et le public, sans quoi toute émotion esthétique et même toute communication seraient impossibles, le théâtre, du fait de tous les facteurs qui interviennent dans la représentation, en nécessite plus que tous les autres. Art d’illusion, il est limité dans son « illusionnisme » par l’espace clos qui le définit, par les moyens de la scénographie, par les capacités des

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acteurs, et même par les exigences du texte. La convention est ce qui fait éclater ces conventions et permet à l’illusion de se réaliser malgré elle, et donc à la communication théâtrale de s’établir et de se maintenir. Il existe des conventions d’époque (les fameuses règles classiques des trois unités : action, lieu et temps), mais aussi des conventions de genre : les conventions varient avec Les différents genres théâtraux, leur champ étant plus large dans la comédie que dans le théâtre sérieux. En effet, le théâtre demande au spectateur d’accepter un pacte de convention (par exemple, moi spectateur je reconnais le décor non comme un décor mais comme un « ailleurs » ; j’accepte d’être absorbé par la fiction qui se déroule sous mes yeux). Or, ce pacte est plus difficile à respecter si les règles de vraisemblance ne sont pas respectées… [Aux élèves : Quels sont les moyens mis en scène pour faire vivre la fiction : repérez tous les éléments du spectacle qui vous ont permis de l’apprécier (ou pas !).] (In)Vraisemblance Le vraisemblable désigne le degré maximum d’identification des choses, des évènements, et des personnages au réel. Le vraisemblable est donc moins ce qui semble vrai que ce qui est acceptable comme ressemblant au vrai. Or, dans les pièces vaudevillesques, les situations semblent parfois improbables…Deux hommes, habillés comme de futurs prétendants, se prenant l’un et l’autre pour la demoiselle et ne comprenant leur méprise que trop tard, après leur jeu mutuel de séduction, voilà qui parait relativement invraisemblable. Sans être un élément obligatoire à respecter au théâtre, la règle de vraisemblance n’en est pas moins un raccourci pour aborder la fiction. Alors, pour permettre aux spectateurs d’y prendre part, de susciter le rire en leur révélant le comique des situations, le spectacle mettra en scène un rythme cadencé, un jeu effréné, une scénographie judicieuse…et palliera aux « défauts » de vraisemblance Si le spectateur entre dans cette démarche, le spectacle vaudevillesque lui promet bien de l’amusement ! [Aux élèves : Quels sont selon vous les éléments vraisemblables/invraisemblables dans chaque piécette ?]

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7. Paroles d’auteur… Feydeau : C’est très difficile de marier sa femme… Ah ! N’éveillez jamais belle mère qui ronfle!

Nous les hommes, on en cherche pas la beauté, ni la jeunesse…Ce qui nous intéresse, c’est le vice, c’est l’expérience, le toupet, le culot… ! Un monsieur tue sa femme ou sa belle mère, il est évident que cela ne fait aucun tort à la société…

…et Tchekhov:

Ils se marient, car tous les deux ne savent que faire d'eux-mêmes.

Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas !

Lorsqu'on n'a pas de vie véritable, on la remplace par des mirages. C'est tout de même mieux que rien.

Les Femmes ont de la chance...

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