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A L'ÉCOLE Ecole et cinéma NARRATION ET MISE EN SCÈNE AU … · d'étudier sa mise en scène et...

Date post: 09-Jun-2020
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Corpus : « The Kid » de Charlie Chaplin (1921) « Jour de fête » de Jacques Tati (1949) « Ponyo sur la falaise » de Hayao Miyazaki (2008) « U » de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde (2006) « Little Bird » de Boudewijn Koole (2012) « Couleur de peau : miel » de Jung et Laurent Boileau (2012) Introduction Au cinéma, une histoire ne se raconte pas uniquement à travers des dialogues et des scènes d'action explicites mais au moyen de divers choix de mise en scène. Le « fond » d'un film, ses enjeux profonds influencent inévitablement sa structure narrative et par conséquent sa forme cinématographique. Le montage (image/son), les cadrages, les angles de prise de vue, le jeu des acteurs, le travail sur la lumière et les couleurs contribuent tous à façonner un récit, à l'enrichir et parfois à le complexifier en donnant et en orchestrant des informations d'ordre divers. Analyser la narration d'un film implique donc d'étudier sa mise en scène et de ne pas réduire le récit d'une histoire à son énonciation linguistique même si celle-ci est aussi à prendre en compte. I - Compter, re-conter, raconter Pour bien comprendre la puissance narrative propre au dispositif cinématographique, il suffit de remonter à ses origines. A priori, les vues réalisées par les frères Lumière, inventeurs du Cinématographe, montrent plus qu'elles ne racontent. Mais à bien les observer, on comprend que montrer, c'est déjà raconter. Extrait n°1, « Sortie de l'usine Lumière » (1895) Même si cette vue documentaire présente la forme narrative la plus minimale, la plus embryonnaire qu'on puisse voir au cinéma, il y a bien récit du fait que cette réalité a été enregistrée et montrée. La projection change inévitablement la nature des images. Leur défilé crée une addition de mouvements qui enclenche un processus narratif. Il ne faut pas oublier que le verbe « conter » et « compter » ont la même étymologie : ils viennent du latin computare. Tous deux renvoie à l'idée d'énumération. La pellicule par son défilement énumère les faits et gestes filmés. Elle les reproduit, les re-compte et les re- conte, c'est-à-dire les raconte. Extrait n°2, « Les Oiseaux » d'Hitchcock (1963) Ce lien entre compter et conter est parfaitement mis en évidence dans cet extrait des « Oiseaux » où l'héroïne attend devant l'école que la classe soit finie sans s'apercevoir que derrière elle, hors champ, des oiseaux que l'on sait menaçants 1/11 A L'ÉCOLE Ecole et cinéma Auteur NARRATION ET MISE EN SCÈNE AU CINÉMA Amélie Dubois Date 2015 Descriptif Éléments de synthèse de la formation organisée dans le cadre d'École et cinéma consacrée à la narration et à la mise en scène au cinéma en s'appuyant sur les films de la programmation : « Ponyo sur la falaise », « Jour de fête », « The Kid », « U », « Couleur de peau miel » et « Little bird ».
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Corpus :« The Kid » de Charlie Chaplin (1921)

« Jour de fête » de Jacques Tati (1949)« Ponyo sur la falaise » de Hayao Miyazaki (2008)« U » de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde (2006)« Little Bird » de Boudewijn Koole (2012)« Couleur de peau : miel » de Jung et Laurent Boileau (2012)

Introduction Au cinéma, une histoire ne se raconte pas uniquement à travers des dialogues et des scènes d'action explicites mais au moyen de divers choix de mise en scène. Le « fond » d'un film, ses enjeux profonds influencent inévitablement sa structure narrative et par conséquent sa forme cinématographique. Le montage (image/son), les cadrages, les angles de prise de vue, le jeu des acteurs, le travail sur la lumière et les couleurs contribuent tous à façonner un récit, à l'enrichir et parfois à le complexifier en donnant et en orchestrant des informations d'ordre divers. Analyser la narration d'un film implique donc d'étudier sa mise en scène et de ne pas réduire le récit d'une histoire à son énonciation linguistique même si celle-ci est aussi à prendre en compte.

I - Compter, re-conter, raconterPour bien comprendre la puissance narrative propre au dispositif cinématographique, il suffit de remonter à ses origines. A priori, les vues réalisées par les frères Lumière, inventeurs du Cinématographe, montrent plus qu'elles ne racontent. Mais à bien les observer, on comprend que montrer, c'est déjà raconter.

• Extrait n°1, « Sortie de l'usine Lumière » (1895) Même si cette vue documentaire présente la forme narrative la plus minimale, la plus embryonnaire qu'on puisse voir au cinéma, il y a bien récit du fait que cette réalité a été enregistrée et montrée. La projection change inévitablement la nature des images. Leur défilé crée une addition de mouvements qui enclenche un processus narratif. Il ne faut pas oublier que le verbe « conter » et « compter » ont la même étymologie : ils viennent du latin computare. Tous deux renvoie à l'idée d'énumération. La pellicule par son défilement énumère les faits et gestes filmés. Elle les reproduit, les re-compte et les re-conte, c'est-à-dire les raconte.

• Extrait n°2, « Les Oiseaux » d'Hitchcock (1963) Ce lien entre compter et conter est parfaitement mis en évidence dans cet extrait des « Oiseaux » où l'héroïne attend devant l'école que la classe soit finie sans s'apercevoir que derrière elle, hors champ, des oiseaux que l'on sait menaçants

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A L'ÉCOLEEcole et cinéma

Auteur NARRATION ET MISE EN SCÈNE AU CINÉMA

Amélie DuboisDate2015Descriptif

Éléments de synthèse de la formation organisée dans le cadre d'École et cinéma consacrée à la narration et à la mise en scène au cinéma en s'appuyant sur les films de la programmation : « Ponyo sur la falaise », « Jour de fête », « The Kid », « U », « Couleur de peau miel » et « Little bird ».

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se posent sur un jeu d'enfants, une cage aux écureuils qu'ils vont totalement recouvrir. L'effet d'énumération repose ici sur une tension entre le hors champ qui nous renvoie à l'aveuglement de l'héroïne (Tippi Hedren) et certaines « entrées en scène » des oiseaux intégrées au montage. Le spectateur sait ce qui se trame dans le dos de la jeune femme, il compte quand il voit les oiseaux mais aussi et surtout quand il ne les voit pas. La scène est presque construite comme une scène de film muet en raison de son expressivité visuelle, mais la bande sonore n'est pas pour autant à négliger, elle est même cruciale : la comptine chantée par les enfants, hors champ car encore à l'intérieur de l'école, accentue cet effet d'énumération puisqu'il est question à chaque couplet de reprendre dans l'ordre les phrases énoncées auparavant et d'en ajouter une nouvelle.

II - Ecritures burlesquesLe cinéma burlesque a mis en évidence cette faculté de l'image à prendre en charge une histoire en se passant totalement ou partiellement des mots. Il constitue une bonne entrée en matière pour cerner les moyens narratifs propres au cinéma.

« Le Kid » de Charlie Chaplin (1921)Ce film marque un tournant dans la carrière de Chaplin. Il s'agit de son premier long métrage en tant que réalisateur. Le cinéaste et acteur est également le monteur et le compositeur de la musique du film. Le passage à un format de film plus long oblige Chaplin à sortir du rythme frénétique des courts métrages burlesques et à revoir aussi le personnage de Charlot. Le film se partage entre deux formes narratives, l'une classique empruntée au mélodrame et héritée de Griffith (pour qui le montage est le narrateur par excellence et le grand modulateur de la structure dramatique) et l'autre plus immédiate, qui vient du burlesque, et qui s'appuie en grande partie sur le langage corporel. Le Kid marque ainsi la rencontre de deux formes narratives a priori différentes et le passage de Charlot de l'une à l'autre.

• Extrait n°3, « Le Kid », « un bébé tombé du ciel » (de 4min54s à 12min35s) La scène où Charlot trouve l'enfant est la plus emblématique de ce partage du film entre les codes narratifs du burlesque et un mode de narration plus classique construit autour d'un schéma mélodramatique. Dans le cinéma burlesque, l'histoire est souvent un prétexte pour relier les gags entre eux. Malgré tout les chutes, acrobaties et autres facéties exécutées racontent quelque chose : bien souvent un rapport compliqué au monde (les objets, l'autorité) et la tentation par la comédie de dépasser ses limites.

◦ La tragédie avec du recul :La première partie de la séquence (jusqu'à ce que Charlot trouve la lettre dans les langes du bébé) se rattache à ce mode de narration burlesque où tout passe par les gags corporels et plus largement les gags visuels : voir l'effet de répétition comique créé par la chute des ordures vidées d'une fenêtre puis le mouvement de tête de Charlot vers le haut quand il voit l'enfant, comme si lui aussi était tombé du ciel. Cet exemple nous montre bien déjà qu'au-delà de l'immédiateté comique, se raconte quelque chose sur la trajectoire des personnages qui dépasse le micro-récit d'un gag. En ayant l'impression que cet enfant est tombé du ciel, Charlot induit aussi l'idée de destin. Cette dimension est renforcée par le jeu de chat et de souris qui s'instaure via les allers et venus d'un plan à un autre qui révèlent l'impossibilité de Charlot d'échapper à cet enfant (pour des raisons presque purement visuelles, comme s'il était victime des apparences). Au début du film, la perte de l'enfant abandonné par la mère (qui change d'avis trop tard et ne le retrouve plus dans la voiture où elle l'avait laissé) donnait à la tragédie des allures de mauvais gag. Cette scène de l'abandon rejouée, re-contée de manière beaucoup plus légère par Charlot marque le passage d'une forme tragique à une forme comique qui implique une narration reposant sur des jeux sur les apparences, des associations fantaisistes. De quoi illustrer cette phrase de Woody Allen : « La comédie, c'est de la tragédie avec du recul ». Soit une manière ici de prendre du recul avec les conventions narratives pour suivre une logique de jeu, plus libre dans sa manière de composer avec une certaine fatalité et d'articuler un récit ici ouvert à des parenthèses burlesques qui le font avancer autrement.

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◦ Le poids des mots :Le personnage de Charlot tout seul raconte quelque chose : i l « se » raconte via ses vêtements et ses manières qui montrent qu'il peut avoir à la fois des gestes raffinés et un comportement grossier. Son costume est faussement élégant puisque totalement usé, mais lui donnent des airs d'aristocrate de la rue et de clown. Tel qu'il apparaît au début de la séquence, Charlot raccorde avec le personnage qu'il incarnait dans ses précédents films : un être libre, irrévérencieux, subversif, égoïste, pas forcément très sympathique. Quand il voit l'enfant, il ne pense qu'à une chose, s'en débarrasser. C'est un personnage de l'instant, totalement ancré dans le moment de la scène, et pas au-delà. La donne change lorsqu'il doit finalement composer avec ce bébé après avoir lu le mot trouvé sur lui. Comme si ce bout de papier (équivalent d'un scénario ?) lui donnait un sens narratif nouveau : une épaisseur sentimentale et temporelle qu'il n'avait pas jusque-là. Avec cet enfant, Charlot est lié à une histoire, il met le pied dans une forme narrative qui lui était jusqu'ici étrangère. Ainsi, bien qu'il ait la tentation de manipuler le bébé comme un objet (en le mettant par exemple à la poubelle), Charlot éprouve ici les limites de son goût pour le détournement. Le gag qu'est cet enfant (un bébé tombé du ciel) est finalement pris au sérieux.Chaplin/Charlot « se » raconte en dansant. C'est avant tout son corps qui écrit l'histoire du film. Il peut être pertinent de passer un extrait d'une comédie musicale pour voir le lien entre le jeu très chorégraphique de Chaplin et les mouvements de danse qui prennent en charge l'expression des émotions, toujours étroitement liées à la narration.

◦ Tisser des liens :Qu'est-ce que la fin de l'extrait nous raconte de la relation qui se met en place entre Charlot et son fils adoptif ? A quoi voit-on leur complicité ? Comme souvent chez Chaplin cela passe par le rapport aux objets détournés de leur fonction première (une théière en guise de biberon, une chaise transformée en pot). La fin de la séquence est marquée par une ellipse. On retrouve les personnages quelques années après leur rencontre. Il apparaît alors comme le digne fils de son père : un gamin de la rue mal habillé mais néanmoins soucieux d'avoir les ongles propres ! Son geste en dit long : il a visiblement hérité du raffinement un peu décalé de Charlot. Ainsi, la répétition de signes, de gestes, de détails raconte le lien affectif, tisse des fils narratifs d'un plan à un autre, d'une époque à une autre.

« Jour de fête » de Jacques Tati (1949)L'histoire de « Jour de fête » se résume en quelques mots : le quotidien d'un petit village se trouve bouleversé par l'arrivée d'une fête foraine. François le facteur prend part aux festivités, un peu malgré lui. Derrière la simplicité apparente de cette chronique provinciale (ponctuée par le regard d'une vieille villageoise) se cachent pourtant mille et unes petites histoires, celle des forains et locaux qui traversent le film. Comme chez Chaplin, le principal moteur narratif est le corps des personnages qui créent au cœur même des plans des rythmes singuliers, des temps d'action désaccordés qui par leur accumulation, leur addition nous raconte la rencontre entre deux mondes (l'un traditionnel et l'autre plus moderne) a priori différents mais peut-être pas si éloignés qu'ils en ont l'air.

• Extrait n°4, Jour de fête, « la tournée à l'américaine »

◦ Tournez manège :Le motif qui domine le film et définit sa logique narrative est celui de la libre circulation. Plus précisément, le mouvement qui gouverne « Jour de fête » est celui du manège : le manège des forains met en évidence un manège plus ample encore, celui de la vie. Il n'est donc pas étonnant de trouver sur le manège un vélo qui rappelle celui du facteur et inversement, de voir dans les tournées de François une sorte de grande parade foraine, aussi décousue et imprévisible qu'inventive.

◦ Changements de vitesse :On ne rappellera jamais assez que le cinéma est une affaire de temps et qu'il a pour particularité de raconter des histoires en créant des temporalités différentes. Ce sont les vitesses plus ou moins bien accordées, les rythmes propres à chaque plan qui gouvernent le récit. A la fin, le facteur épouse le rythme effréné des tournées à l'américaine, rythme inapproprié par rapport à celui du village, ce qui produit un véritable spectacle burlesque. Rythme qui au final ne lui conviendra pas si bien que ça et qu'il abandonnera pour retrouver le mouvement plus serein de la vie aux champs.

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◦ La troisième image :Cette rencontre entre deux modes de vie, deux temporalités passe par le langage des corps et le relief sonore qui leur est donné. Aux illusions d'optiques s'ajoutent tout au long du film des illusions sonores qui modifient notre lecture de l'image : l'addition du son et de l'image produit un troisième récit, une troisième image inventive, audacieuse qui déplace la logique narrative du film du côté du pur spectacle, d'un principe festif gratuit et jouissif qui nous invite à regarder le monde autrement. Raconter, c'est pour Tati révéler le spectacle un peu fou qui se niche à l'intérieur d'une réalité a priori banale. Derrière cette apparente confusion se cache une grande précision du trait, de la peinture de ce monde rural que Tati transforme en partition musicale composée en partie par les grommelots des personnages et des sons déplacés (un facteur qui bourdonne, par exemple).

III - Histoires d'animationTous deux récits des origines, les films d'animation « Ponyo sur la falaise » et « U » sont marqués par la structure du conte (« Il était une fois un royaume sous la mer » dont voulait s'échapper une fillette-poisson... Il était une fois une princesse triste, vivant dans un château lugubre sous l'autorité d'horribles parents de substitution...). Ils ont en commun de s'interroger sur ce qui anime une histoire d'un point de vue formel et fictionnel : raconter une histoire et insuffler de la vie dans le dessin, dans des personnages, sont des enjeux étroitement liés, au centre de leurs problématiques. Reste à voir comment chacun de ces cinéastes se les approprie.

« Ponyo sur la falaise » de Hayao Miyazaki

• Extrait n°5, la deuxième fugue de Ponyo : de 43min57s à 48min04s

◦ Des phénomènes inexplicables :La particularité du film de Miyazaki est de faire l'économie de toute explication - causes et conséquences - des phénomènes qui se déroulent sous nos yeux. Qui est véritablement Ponyo ? Qui est son père ? Qu'est-ce qui motive sa fugue ? Pourquoi la mer est-elle déchaînée ? S'agit-il d'une catastrophe naturelle, d'une manifestation surnaturelle ? Des formes prennent vie, se multiplient sous nos yeux. Elles donnent d'autres formes, prises dans un processus d'engendrement permanent, une pure logique formelle qui nous fait passer d'une série d'enfermement dans des bulles (diverses) à la percée et à la libération de formes de vie (à commencer par Ponyo) qui ne se contiennent plus. Ainsi, l'extrait de cette deuxième fugue de Ponyo suit une véritable logique de débordement et de déchaînement et c'est à une deuxième naissance de la fillette-poisson que nous assistons, le tout sur une musique inspirée de « La Chevauchée des Walkyries » de Wagner (rappelons que le véritable prénom de Ponyo est Brünnhilde).

◦ Principe de débordement :Le cinéaste s'en remet au pur pouvoir de la nature (indissociable de celui de l'animation), grande force créatrice (voir la métamorphose de Ponyo en fillette et celle des vagues en poissons) mais aussi destructrice auquel il laisse son entier mystère. Soit une manière de soumettre sans cesse le récit au pouvoir animiste du dessin animé et de suspendre ainsi le spectateur à un véritable magma formel à partir duquel plusieurs histoires (toutes les histoires pourrait-on dire) peuvent se raconter, plusieurs émotions peuvent cohabiter. Histoires des origines (du monde, d'un enfant, d'un amour) et histoires de la fin des temps (un tsunami, l'apocalypse...), « Ponyo sur la falaise » est tout cela à la fois. La narration du film reste ouverte aux interprétations, nous plonge dans l'incertitude et suit avant tout une logique de débordement, de bouillonnement qui crée un rapport d'éblouissement aux images : le spectateur est alors contraint – pour son plus grand plaisir – de s'en remettre à des manifestations de vie ce qui le dépassent.

« U » de Solotareff et Elissalde (2006)Un même principe d'incertitude est à l'œuvre dans « U ». Qui est cette mystérieuse licorne ? Quel rôle joue-t-elle auprès de la princesse Mona ? Au fil de son récit, les réalisateurs sèment des indices qui permettront au spectateur de mesurer

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certains enjeux du film et de mieux cerner « U ».

• Extrait n° 6, début du film jusqu'à 5min24s

◦ Le récit comme architecture vivante et mutante :D'emblée, des effets de correspondance apparaissent entre les sons, les lettres, les personnages et les couleurs qui donnent au récit une dimension autant orale que graphique et picturale. Tout est affaire de liens : ceux qui se nouent et se dénouent entre les personnages via tout un processus formel riche et poétique, un jeu d'association par lequel le spectateur constituera encore une fois une sorte de troisième image. Ainsi, dès la première image, la voix hurlante de la mère est associée à la fenêtre du château ce qui donne immédiatement une dimension organique à l'architecture. L'éclairage de la demeure évoque le cinéma expressionniste qui exprimait les tourments intérieurs des personnages à travers des décors angoissants et des éclairages très marqués.

« Le cabinet du docteur Caligari » de Robert Wiene (1920)

La lettre, le trait, l'architecture (château, escalier, forêt), les couleurs construisent le récit au fil d'associations et lui offrent une structure, une charpente mythologique à partir duquel il évolue librement. Ils retranscrivent des états, traduisent formellement les métamorphoses des uns et des autres : « C'est plus la comédie de situation et la peinture psychologique des rapports humains qui prennent le devant sur les rebondissements narratifs » (Serge Elissalde). Les couleurs, l'architecture du château comme plus tard celle (vivante, voire dansante) de la forêt suggèrent des voies narratives qui se passent de commentaires, laissant le spectateur libre de faire son chemin avec les personnages à travers un jeu de correspondances qui passe aussi par la calligraphie.

◦ Récit d'apprentissage, mobilité des signes, figures de l'accompagnement :La lettre U se retrouve notamment dans le pont qui mène à la forêt : elle dessine à la fois un creux (la tristesse de Mona ?) et un élément de liaison entre deux mondes. Soit une figure d'accompagnement et de passage qui nous indique déjà la nature de la place occupée par la licorne auprès de Mona et plus largement la nature de l'histoire racontée : un récit d'apprentissage qui ne cessera de nous donner des signes formels de l'évolution de Mona. Par exemple, si la couleur rouge est d'abord synonyme de tristesse (la goutte de sang qui tombe suivie de larmes), elle est rapidement associée à des états plus légers et insouciants : le dessus de lit sur lequel se prélasse Mona visiblement en meilleure forme (cf. « Le Mépris » de Godard), le chat musicien. Le film ne cesse de jouer avec la mobilité des signes, évoquant sans cesse la possibilité d'un changement, d'une transformation. Comme dans « Ponyo sur la falaise », la métamorphose est au cœur du processus narratif et de l'écriture formelle du film, encore une fois indissociables. De plus, en convoquant diverses références et formes artistiques, Solotareff et Elissalde placent l'art au cœur du processus d'accompagnement du personnage de Mona.

IV - Récits troués : écriture de l'enfance et de l'absenceBien que différents formellement, « Little bird » et « Couleur de peau : miel » ont en commun de proposer des récits d'enfance troués, marqués par l'absence de la mère, la solitude et l'incompréhension des adultes. Voyages dans le temps du souvenir, récit de deuil impossible, ces films témoignent l'un comme l'autre de la manière dont un enfant compose avec l'absence en développant un rapport au temps, un imaginaire qui lui est propre.

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« Little Bird » de Boudewijn Koole (2012)Le film se déroule le temps des vacances d'été. Le montage fait se succéder de manière discontinue de cours moments de vie qui restituent la perception de l'enfant Jojo, ses sensations à travers des scènes du quotidien, des moments de jeu. Cette première approche impressionniste et contemplative dévoile la dimension documentaire du film (qui se réfère d'ailleurs au documentaire animalier) ; on peut effectivement voir « Little Bird » comme un portrait de son interprète principal.

• Extrait n° 7, réveil avec oiseau, dialogue au téléphone avec la mère, de 8min26s à 14min20s

◦ Perception de l'enfance :Le montage de photos, le tremblé de la caméra, la lumière naturelle ancrent le film dans un univers « plus vrai que nature » et donne aussi le sentiment d'une réalité fragile, éphémère. La mise en scène joue sans cesse sur le flou à l'image et au montage : les nombreuses ellipses donnent l'impression d'un temps contracté alors que certaines scènes s'étirent et donnent au contraire une impression de dilatation. La présence de l'oiseau renvoie à l'univers du conte et met en relief la part imaginaire et intime du rapport au monde qui est montré. C'est dans cet entre-deux mi-réaliste, mi-onirique que le film avance, développant une approche naturaliste et sensorielle qui colle à la subjectivité de l'enfant et dévoile par petites touches certaines incohérences.

◦ Raconter l'absence :En effet, Jojo au téléphone avec sa mère (que l'on n'a pas encore vue) lui dit avoir dormi avec son père alors que c'est tout le contraire qui nous est montré : son père l'a chassé du lit lorsqu'il est venu le retrouver. La piste du mensonge se renforce lorsque l'enfant raccroche subitement en entendant les pas de son père alors qu'on aurait imaginé qu'il parlerait lui aussi à sa femme partie en tournée. Dernier indice qui suggère la disparition de la mère et sa négation (sans doute plus par le père que par le fils) : l'enfant parle d'elle à l'imparfait « maman portait des bottes en peau de crocodile ». Progressivement, le spectateur recolle les morceaux de cette réalité fragmentée, de ce récit troué, falsifié, et devine la mort de la mère dont le père refuse de parler. C'est en grande partie à travers cette discontinuité narrative que se raconte l'absence de la mère, chaînon (ou raccord) manquant entre les séquences.

◦ Avancer à l'instinct :La présence de l'oiseau est une autre manière de convoquer la mère, peut-être parce que l'animal comble un vide mais aussi parce qu'il permet à Jojo de jouer un rôle maternel et de faire revivre ainsi sa mère. Cet oiseau apparaît de manière évidente comme un double de lui, petit animal blessé qui finira par prendre son envol. C'est à travers lui que l'enfant se raconte au sens propre (il parle de sa mère à l'oiseau) et au sens figuré. Le choucas devient aussi emblématique de la forme narrative du film qui suit la logique instinctive de l'enfant, retranscrit des états bruts de manière un peu anarchique, sans passer par des explications psychologiques, sans rapport de cause à effet.

« Couleur de peau : miel » de Jung et Laurent Boileau (2012)A l'origine, « Couleur de peau : miel » est un roman graphique de Jung. Sa transposition au cinéma permet au dessinateur non seulement d'animer certains de ses dessins mais aussi de les associer à des images de tout autre nature. Le film épouse ainsi une forme hybride, partagé qu'il est entre l'animation et divers types de films en prises de vue réelles : images tirées d'archives personnelles (les films super 8 du père), reportages réalisés à l'époque de l'adoption de Jung et images documentaires tournées par les réalisateurs aujourd'hui en Corée. Les images animées se divisent elle-même en deux temps, celui de l'enfance de Jung en Belgique, dans sa famille d'adoption et celui des quelques souvenirs qui lui restent de la Corée, lorsqu'il errait abandonné dans la rue.

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◦ La quête identitaire, le fil de la mémoire :Le récit entremêle ainsi différentes temporalités en suivant le fil subjectif de la mémoire de Jung. Sa construction n'est pas linéaire : le film opère d'incessants allers-retours entre le passé et le présent qui traduisent le partage du réalisateur entre deux cultures, deux histoires dont ils tentent de recoller les morceaux. Cette quête identitaire s'apparente à un puzzle dont il manquera toujours des pièces : l'identité des parents biologiques, les causes de l'abandon de Jung. Une image du film offre une parfaite synthèse de sa construction narrative : celle où il fait son portrait avec des tiroirs qui lui sortent de la tête. Toute l'architecture du film est là, entièrement fondée sur ce dispositif mémoriel.

Chaque scène du film semble effectivement correspondre à l'ouverture d'un tiroir, c'est-à-dire d'un souvenir, d'un état (de solitude) bien souvent reconstitué via l'animation.

• Extrait n°8, de11min22s à 17min01s : à partir de l'arrivée de la grand-mère

◦ Recoller les morceaux :Le montage de cet extrait met clairement en évidence cette structure fragmentée du récit. D'une scène découle naturellement une autre scène, par effet de ricochet. C'est la voix off de Jung qui permet de recoller ces morceaux de mémoire éparpillés. Autre élément de raccord identifiable : la couleur des images. Dominent le gris et la couleur miel, quelque soit la nature des images qui semblent toutes (ou presque) délavées par le passage du temps et qui traduisent une profonde mélancolie, le sentiment de quelque chose d'irrémédiable, de perdu à jamais.

◦ Mémoire animée et enfance de l'art :Cet extrait permet de revenir sur le rôle joué par le dessin, lui aussi élément de raccord dans cet univers morcelé. C'est le dessin qui relie Jung au monde, tout comme il relie son récit oral à des images passées qui n'appartiennent qu'à lui. Le dessin (animé) lui permet de s'approprier une histoire qui lui échappe, de construire sa propre identité et de prendre des libertés avec son histoire : « il y a un avantage à ne pas connaître ses parents, on peut les imaginer comme on veut » déclare-t-il. Comme dans « Little Bird », la perception très subjective de la réalité qui est donnée à voir devient un moteur créatif : regarder le monde à travers les yeux d'un enfant, c'est entrer dans un mode de représentation qui nous ramène à l'enfance de l'art.

V - Propositions d'ateliers

Ateliers autour de « The Kid » :

- Atelier « jouer avec et sans la parole » :Plusieurs types d'ateliers peuvent être mis en place autour du cinéma muet et du cinéma parlant.. Les élèves peuvent interpréter comme des acteurs du muet une histoire inventée par eux ou une scène tirée d'un film parlant. Ils pourront alors mesurer le type de jeu développé dans le cinéma muet et prendre conscience du rôle du corps dans la narration, de l'importance de son expressivité pour créer un langage visuel.. Pour rester fidèle à l'esprit de Chaplin, il pourront aussi essayer de rejouer une scène (de « The kid » ou d'un autre film

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muet ou parlant) en la dansant (et toujours sans parler !), ce qui leur permettra sans doute de lui donner une dimension poétique et peut-être burlesque. Les enseignants pourront passer un extrait d'une comédie musicale afin que les élèves comprennent le lien entre Charlot et la danse et qu'ils voient la manière dont un corps peu prendre en charge l'expression des émotions. Si cela est possible, il sera intéressant de faire venir un danseur ou un acteur qui encadrerait l'atelier.. Inversement : la classe pourra également choisir d'interpréter une scène du « Kid » en faisant parler les personnages. Cette transposition parlante les obligera à réécrire la scène autrement et à mettre notamment des dialogues sur des gestes et à éliminer certains mouvements trop expressifs.. Autre expérience possible : visionner une scène d'un film parlant en coupant le son pour voir le rôle qu'il joue dans la narration et la manière dont il participe à l'écriture cinématographique.

- Atelier « détournement d'objets » :Le détournement d'objets est au centre de l'univers burlesque de Chaplin. Après avoir évoqué ou revu des passages du film mettant en scène des détournements d'objets, les élèves pourront également s'amuser à détourner des objets de diverses manières, selon les moyens du bord : . Détourner un objet réel en l'utilisant d'une tout autre manière que celle convenue (une fourchette pour se peigner, un crayon pour se brosser les dents...) et élaborer un gag à partir de cela. A partir de ce détournement s'organise inévitablement une réécriture de l'espace.. Détourner un objet par le moyen d'un collage à partir d'images découpées dans des magazines : transformer une voiture en personnage, un visage en paysage... Ils pourront ainsi créer une forme burlesque via un travail plastique. Ces exercices leur permettront de mesurer ce principe burlesque fondamental qu'est l'art du détournement.

Ateliers autour de « Jour de fête » :

- Atelier de « créations sonores » :En s'inspirant des illusions sonores créées dans le film de Tati, les élèves pourront eux aussi s'amuser à donner à des gestes, des mouvements, des personnages un relief sonore qu'on ne soupçonnait pas. Ce doublage sonore peut passer par la voix : un élève bouge les lèvres tandis qu'un autre parle ce qui crée un effet comique de synchronisation (revenir avec eux sur la définition de ce mot). L'effet comique sera plus fort encore si l'on peut faire intervenir dans ce jeu des sonorités plus inattendues. Un bruit de bulles ou de chasse d'eau peut se substituer à celui d'un éternuement pas exemple, des chaussures qui font un bruit de craquement. Si les enseignants n'ont pas de matériel vidéo à leur disposition, ils peuvent partir d'images extraites d'un film et en couper le son afin que les élèves puisse réinventer en direct la bande sonore. Cela sera l'occasion de revenir sur la notion de doublage et sur le métier de bruiteur (si cela est possible, un bruiteur peut être invité à intervenir dans la classe pour accompagner cet atelier).

- Atelier « changement de vitesse » :La comédie est une affaire de rythme. Les élèves pourront rejouer une scène du quotidien en changeant son rythme, en l'accélérant ou le ralentissant (l'arrivée en classe au ralenti, une dictée faite à toute vitesse) et réfléchir aux effets comiques (visuels et sonores) que cela peut produire.

Ateliers autour de « Ponyo sur la falaise » :

- Atelier « animer, transformer » :La création d'un flip book par les élèves leur permettra de comprendre le dispositif à la base du dessin animé. Ils pourront concevoir un flip book en lien avec le film de Miyazaki sur le thème de la métamorphose ou de la vague qui monte et qui éclate.

- Comparer, interpréter, philosopher :La lecture de « La petite sirène » (un extrait ou son intégralité) permettra aux élèves d'identifier les points communs entre le

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conte d'Andersen et le film de Miyazaki. Une comparaison pourra également être faite avec « Le monde de Nemo ». A partir de là, une discussion peut s'ouvrir sur le sens du film. Chaque élève pourra bien sûr donner son interprétation du film ouvert à différentes lectures. Interroger les élèves sur les scènes qui les ont marquées (et non sur le film dans sa globalité) et leur demander éventuellement de dessiner un moment du film (qu'ils choisiraient) est un bon moyen pour entamer une discussion et même ouvrir un petit débat philosophique. Le film de Miyazaki invite le spectateur à se poser plusieurs questions auxquelles il ne donne pas forcément de réponse. L'enseignant n'aura pas lui-même les réponses à ces questions mais pourra proposer aux enfants de chercher des explications par eux-mêmes. Répondre à une question par une autre question est un bon moyen de nourrir le débat.

- Imaginer l'origine du monde :Le début de Ponyo semble nous renvoyer à la création du monde et donc de la vie via le personnage du père, sorte de grand créateur et maître de la mer et via aussi Ponyo qui passe d'une forme presque embryonnaire à une forme humaine. Les élèves pourront imaginer très librement la manière dont le monde a pu se créer en passant soit par l'écriture, soit par le dessin.

- Atelier « rencontre entre deux mondes » :Le film de Miyazaki met en place la rencontre entre deux mondes : celui de la mer et des poissons, et celui de la terre et des humains. Les enfants pourront par le biais d'un collage (ou de la superposition de papiers calque) s'amuser à réunir deux mondes séparés (la lune et la mer, le ciel et la terre) pour créer le même genre de mélange qu'à la fin de Ponyo.

Ateliers autour de « U » :

- Atelier « raconter U » :. Chaque élève s'interrogera sur le rôle de la licorne U. Qui est-elle ? Quelle place occupe-t-elle auprès de Mona ? Ce sera l'occasion de revenir sur la licorne, d'effectuer une recherche sur elle et de regarder différentes représentations de cet animal imaginaire. Pourquoi est-elle associée aux jeunes filles ? Quels autres animaux imaginaires les élèves connaissent-ils ? Quels éléments caractéristiques du conte retrouve-t-on dans le film ? Quels autres éléments du film nous éloignent de ces récits ?

« Jeune fille vierge et licorne, détail d'une fresque attribuée à Domenico Zampieri, 1604 – 1605 »

- Atelier « jeux de lettres » :. Les enseignants peuvent revenir sur les jeux qui se mettent en place dans le film autour de la lettre U - jeux de mots, jeux graphiques – en repassant certains extraits. Chaque élève pourra choisir une ou plusieurs lettres de l'alphabet et élaborer à partir d'elle(s) un travail plastique : créer un paysage, une architecture, un personnage, un animal ou une composition abstraite. Les élèves pourront réfléchir à d'éventuels jeux de mots autour de la lettre qu'ils auront choisi.. En complément, pourront être montrées des œuvres qui s'inspire de la calligraphie :

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Dans l'ordre, une œuvre de Pierre Alechinsky, « Dotremont, peintre de l’écriture » et une œuvre Dotremont, « logogramme ».

Pourront également être lus (et pourquoi pas inventés) des poèmes construits autour de lettres comme Voyelles de Rimbaud.

- Atelier « lumière » :Les différentes lumières représentées ici par les moyens de l'animation, via un riche travail sur la couleur, créent des ambiances, traduisent des sentiments et nous racontent inévitablement des choses. Changer l'éclairage d'une scène équivaut parfois à changer son sens, à lui donner une dimension plus grave ou plus légère. Les élèves pourront mesurer ces changements en donnant à un faux décor qu'ils auront construit avec du carton et peint, des éclairages différents (via des lampes torches dont on peut modifier la lumière au moyen de filtre de couleurs par exemple). En complément, ils pourront voir à travers certaines scènes et tableaux, comment la lumière sculpte l'espace et oriente notre lecture d'une scène.

« Rembrandt, Philosophe en méditation »

Ateliers autour de « Little Bird » :

Ces propositions d'ateliers sont adaptables au film « Couleur de peau : miel ». Et inversement : les propositions sur le film de Jung et Laurent Boileau peuvent être retenues pour un travail sur « Little Bird ».

- Atelier « points de vue » :. Les choix de cadrages adoptés par un réalisateur ne sont pas anodins, ils racontent toujours quelque chose. En témoigne ce plan tiré de « Little Bird » sur lequel les enseignants pourront revenir avec leurs élèves.

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Ce plan montre un point de vue subjectif et crée un effet de montage à l'intérieur même du cadre : les soldats et les chars de Jojo sont dirigés vers son père. Ce choix de mise en scène traduit ainsi la colère de l'enfant en se passant de mots.. Munis d'un cadre vide, d'une Marie-Louise ou d'un appareil photo, les enfants pourront regarder leur classe en adoptant des angles différents. Ils finiront pas choisir un angle qui correspondra à leur vision de la classe et le confronter aux angles choisis par leurs camarades (chacun expliquera son choix). Cet exercice leur permettra de prendre conscience des choix faits par un réalisateur pour raconter une histoire, car il y a une infinité de manière de filmer, cadrer une classe et il faut évidemment trancher en adoptant l'angle qui correspond le mieux à ce que l'on veut exprimer.. La question du point de vue peut aussi être abordée à travers un exercice d'écriture : décrire ce que ressent Jojo ou son père, par exemple, permet de mesurer à quel point leur relation repose sur des non-dits et d'exprimer ce qui ne se dit pas dans le film. Plus original, les enfants peuvent également s'amuser à décrire le point de vue du choucas.

- Atelier « Recoller les morceaux » :A partir de quels moments les élèves comprennent-ils que la mère de Jojo est morte ? Pour mieux identifier les partis pris du réalisateur, pourra être étudiée en classe la manière dont la mère est à la fois présente et absente dans le film. L'occasion de revenir sur différentes composantes de l'écriture cinématographique : le montage elliptique, le hors-champ, les échelles de plan, le travail sur le son qui participent à l'entretien d'une illusion et à l'évocation de l'absente.

Ateliers autour de « Couleur de peau : miel » :

- Atelier « montage-collage d'un souvenir » :Après être revenu sur les différents types d'images qui cohabitent dans le film, les enseignants expliqueront le processus du montage et l'importance de son rôle dans l'écriture cinématographique. Pourquoi réunir des images aussi variées ? Pourquoi le film ne se déroule-t-il pas de manière chronologique ? A quelle logique correspond l'ordre des scènes ? Sera proposée aux élèves la réalisation d'un travail de collage devant restituer un souvenir. Ce collage peut être effectué à partir de divers éléments (photos photocopiées, dessins, peinture, herbes, feuilles, bouts de tissus, coupures de journaux...).

- Atelier « autoportrait et pré-montage » :Les élèves seront invités à réaliser un autoportrait mêlant images et commentaire oral : il s'agira de reproduire d'une manière rudimentaire l'assemblage voix off / image que l'on retrouve dans le film et d'opérer un travail de pré-montage en exposant les images dans un ordre choisi en lien avec le texte écrit. Les images ne doivent pas seulement avoir pour fonction d'illustrer le texte, elles doivent lui donner une couleur, le compléter. Les élèves seront ainsi confrontés à la question du choix et mesureront que dans le cinéma documentaire comme la fiction, le film est le fruit d'une construction, une représentation. Comment se représentent-ils ?L'autoportrait peut être aussi travaillé uniquement à travers la peinture, le dessin ou l'écriture.

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