CALDER
Traduction : Aurélie Chollat
Texte : Gerry Souter
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ISBN: 978-1-78042-413-2
Alexander
Calder
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ART EN VOL
C’était un homme imposant, mais au pas léger ; il avait de grandes mains, mais les doigts
agiles d’un chirurgien ; il possédait le pouvoir de concentration d’un moine, mais aimait
faire la fête avec ses amis. C’était un génie, mais pas un raseur, et il a laissé un grand
vide dans la vie de nombreuses personnes à sa mort, en 1976. Son rire rugissant s’est tu, et aucune
sculpture ne sort plus de ses mains qui ne se taisaient jamais, mais il a laissé derrière lui les traces
de son goût pour le grandiose et la joie de vivre, présentes dans des milliers d’enroulements de fil de
fer, de débris tournoyants, et de feuilles d’acier en mouvement ; et tant qu’il y aura de l’air à respirer
et que le soleil se lèvera et se couchera, découvrant puis masquant notre monde, les sculptures
d’Alexander Calder changeront d’aspect et nous révèleront de nouvelles choses.
Calder naquit dans une famille d’artistes, à Lawnton, en Pennsylvanie, à la périphérie de
Philadelphie, le 22 juillet 1898. Il n’eut jamais vraiment le choix de sa carrière. Il devint le
troisième Alexander d’une trinité artistique, formée avec son grand-père, Alexander Milne Calder,
et son père, Alexander Stirling Calder, tous deux sculpteurs d’importance en leur temps. Sa mère,
Nanette Lederer, était portraitiste.
Une grande partie de son enfance semble avoir été passée entre le studio de son père et celui
de sa mère. L’atelier de son père se trouvait au-dessus d’une vieille pension pour chevaux qui sentait
les excréments de cheval, l’argile mouillée, et le bois humide. Stirling Calder l’y observait de derrière
un monticule de boue trempée alors que, grelottant, le jeune Calder observait les doigts prestes de
son père extraire de la masse sa réplique exacte, à l’exception de sa chair de poule et de l’égratignure
sur son genou. Au studio de sa mère, jonché de tapis éclaboussés de peinture, de flacons d’essence
de térébenthine et d’huile de lin, le jeune Alexander regardait les mains tachées de fusain de sa mère
esquisser son portrait. Chacune de ces ennuyeuses sessions de deux heures lui rapportait 25 cents.
Probablement en raison de la multitude des Alexander, son père était surnommé « Stirling »
et sa famille finit par appeler le jeune Alexander « Sandy ». Étant le plus jeune des Calder, il
partageait l’attention familiale avec une sœur, de deux ans son aînée, qui était née à Paris, un fait
qu’il lui envia souvent. À cause du métier de son père et de sa santé fragile, la famille changea
d’adresse à de nombreuses reprises entre 1905 et 1909.
Alors que sa famille arpentait les États-Unis en long et en large, au gré des commandes de
sculptures de Stirling Calder, le jeune Calder essaya d’échapper à la vocation familiale, comme le
font la plupart des enfants au moment de rechercher leur propre identité. Au lieu de s’inscrire
dans une école d’art, il choisit le Stevens Institute of Technology à Hoboken, dans le New Jersey,
d’où il sortit en 1919, armé d’un diplôme en ingénierie mécanique. Cette passion pour la
mécanique lui venait de son enfance pendant laquelle il avait créé des jouets à partir de n’importe
quel matériau lui tombant sous la main.
1. Spirales, non daté.
Tapisserie d’Aubusson,
168 x 242,9 cm.
Jane Kahan Gallery,
New York.
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2. Cirque Calder,
1926-1930.
Technique mixte,
137,2 x 239,4 x 239,4 cm
(Dimensions variables).
Acquisition par
souscription.
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En 1929, il écrivit :
« Déjà dans mon enfance, lorsque je n’étais qu’un petit garçon vivant au sein de ma famille, les jouets
et la ficelle éveillaient mon intérêt et je collectionnais des bouts de ficelles et tout ce qu’on peut trouver de
plus joli dans une poubelle. Quand j’ai eu huit ans, mon père et ma mère m’ont donné des outils… »1
Sa famille se déplaçant d’un lieu à un autre, suivant les commandes de son père, dans ses
moments de loisirs, Calder réalisa ses premiers essais de sculpture ayant survécu aux années :
un canard et un chien, tous deux réalisés en pliant et en découpant des feuilles simples de laiton,
dans le style d’un origami, les transformant en une créature en trois dimensions. À cet âge-là,
Calder avait adopté le concept artistique d’anticipation ; il utilisait n’importe quel matériau qui
lui tombait sous la main pour créer des éléments qui, au final, devaient fonctionner avec d’autres
éléments pour réaliser un résultat pré visualisé. La petite ménagerie se révéla être capitale.
Son diplôme d’ingénierie en poche, Calder s’embarqua dans une série de métiers tous aussi
éloignés des beaux-arts qu’ennuyeux à mourir. D’ingénieur automobile à expert en sinistres, en
passant par démonstrateur de cultivateur, il parcourut cinq états, pratiquant des métiers tels que
bibliothécaire, membre du personnel du journal Lumber, ou chargé de colorier les cartes d’un
ingénieur hydraulique. Dans presque tous ces emplois, son incapacité à s’adapter à la situation
présente le mena à la porte. Il céda finalement, levant les bras en signe d’impuissance, et se
rendit au train de vie de ses parents, fuyant le monde du travail stable pour mener la vie de
bohème de l’artiste iconoclaste qu’il allait devenir.
Après avoir essayé des cours de dessin de nus, il perdit patience et se procura son billet de
passage, en s’engageant en tant que chauffeur dans la salle des machines d’un navire. En 1922,
il fit le trajet de New York à San Francisco dans la chaufferie du H.F. Alexander, un paquebot à
grande vitesse chauffé au mazout, appartenant à la Pacific Steamship Company. Le voyage
exposa sa sensibilité d’artiste à des scènes époustouflantes, notamment la vision matinale du
soleil levant et de la lune déclinante, deux astres brillants dans l’horizon tranchant sans nuage.
Ce sont ces images qui le guidèrent vers la peinture.
À son retour à New York en 1923, à l’âge de 25 ans, Calder s’inscrivit à la Art Students’ League
et étudia sous la direction de maîtres tels que Thomas Hart Benton, John Sloan, et l’illustrateur
aux œuvres très stylisées, Guy Pene du Boise. En 1924, les parents de Calder partirent pour
l’Europe, le laissant s’établir dans l’ancien studio de son père. Les revenus de Calder lui
provenaient alors d’un emploi en tant qu’illustrateur pour The National Police Gazette, un tabloïd
osé pour son temps, grâce auquel il décrocha un ticket bon pour deux semaines d’admission
gratuite au cirque Ringling Bros and Barnum & Bailey. Calder s’y rendit tous les jours, réalisant
des croquis depuis tous les points de vue possibles. Il était fasciné par les mouvements, les
couleurs et la machinerie des numéros. Depuis les hauteurs, dans les rangées des sièges arrières,
le chaos et la pantomime ressemblaient à une horde de jouets vivement éclairés et vaguement
reliés les uns aux autres. L’impression qu’il en garda allait changer sa vie pour toujours.
3. Piège à Homard et
queue de poisson,
1939. Tôle, fil de fer et
peinture,
259 x 289,5 cm.
The Museum of
Modern Art, New York.
4. Croisière, 1931.
Fil de fer, bois et
peinture,
93,9 x 58,4 x 58,4 cm.
Calder Foundation,
New York.
5. Plumes, 1931.
Fil de fer, bois,
plomb et peinture,
97,8 x 81,3 x 40,6 cm.
Calder Foundation,
New York.
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