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Allison G T - The Essence of Decision - Explaining the Cuban Missile Crisis

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  • 7/27/2019 Allison G T - The Essence of Decision - Explaining the Cuban Missile Crisis

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    Notes de Lecture de louvrage :

    The Essence of Decision: Explaining the Cuban Missile CrisisAllison G. T.

    Francisco Xavier Garca Lara

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    Sommaire

    Introduction

    1. La crise des missiles de Cuba : lanalyse vnementielle

    A. La crise ouverte (Septembre 1962 22 Octobre 1962)

    B. La crise ouverte (22 octobre 1962 28 octobre 1962)

    C. La liquidation de la crise (28 octobre 1962 11 janvier 1963)

    2. La crise des missiles de Cuba : les trois paradigmes

    A. Le paradigme de la politique rationnelle

    a. Lobjet danalyse

    b. Les concepts organisateurs

    c. Les propositions gnrales

    d. Les propositions spcifiques la guerre nuclaire

    e. Linfrence causale

    B. Le processu s organisat ionn el

    a. Lobjet danalyse

    b. Les concepts organisateurs

    c. Le modle de linterfrence causale

    d. Les propositions gnrales

    e. Les propositions spcifiques une guerre nuclaireC. Le paradigm e de la pol i t ique bureaucrat ique

    a. Lunitdanalyse

    b. Les concepts organisateurs

    c. Le modle de linfrence causale

    d. Les propositions gnrales

    e. Les propositions spcifiques une guerre nuclaire

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    Introduction

    Louvrage de rfrence qui nous tiendra lieu de fil conducteur de ltude de cette problmatique

    est relatif la crise des missiles de Cuba en 1962, The Essence of Decision. La premire

    version de louvrage date de 1971. Cette version a t amende et fait lobjet dune seconde

    dition date de 1999 dont le co-auteur est Philip Zelikow. Cette seconde version est plus

    pertinente dans la mesure o Allison dispose dune somme de rfrence des matriaux quil

    ne pouvait pas connatre lors de la parution de la premire dition : nombre darchives ont t

    ouvertes ou dclassifies aux Etats-Unis ; leffondrement de lU.R.S.S. a permis daccder

    des archives contenant des informations nouvelles sur lvnement; des confrences

    organises par les universits amricaines ont permis de runir les acteurs contemporains de

    la crise et de les faire sexprimer sur lesdits vnements.

    1. La crise des missiles de Cuba : lanalyse vnementielle

    Dans un premier temps de lanalyse, nous nous placerons dun point de vue vnementiel.

    Graham Allison introduit une typologie reposant sur trois paradigmes. La construction de

    lensemble de louvrage dAllison vise souligner les limites du premier paradigme de la

    politique trangre, savoir celui dune politique trangre rationnelle base sur la dfense

    des intrts des Etats.

    La crise des missiles de Cuba doctobre 1962 passe pour avoir t la premire crise nuclaire

    de lhistoire de lhumanit. Cette affirmation brute ne signifie rien. Cependant, la crise

    doctobre 1962 constitue la premire crise qui, dune certaine manire, avait pour horizon

    possible la guerre nuclaire, c'est--dire une guerre au cours de laquelle les protagonistes font

    usage ou disposent de larme nuclaire. Un tel vnement tait auparavant impossible, dans

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    la mesure o, les crises, vnements ou guerres correspondaient des situations dans

    lesquelles un seul Etat disposait de larme nuclaire.

    Depuis peu de temps, le territoire des Etats-Unis est devenu vulnrable une frappe nuclaire

    sovitique. LUnion Sovitique vient de se doter de missiles balistiques disposant dogivesnuclaires. En amont de cette crise, il existe une lgende, un mythe, celui du missile gap.

    Certains dans le camp occidental affirment que les Sovitiques disposent dune avance

    technologique considrable dans le domaine des missiles balistiques. John Kennedy, au

    moment de la crise, a parfaitement conscience de laspect fantasmagorique du missile gap.

    Les Etats-Unis disposent dune avance technologique sur lU.R.S.S., mme sil est

    incontestable que le territoire des Etats-Unis est devenu vulnrable face une frappe balistique

    de lU.R.S.S. La plupart des responsables politiques amricains ou sovitiques nont pas

    srieusement envisag davoir recourir un change nuclaire gnralis pour rsoudre la

    prsente crise. Pour Robert MacNamara, la prsence de missiles balistiques sovitiques dots

    dune ogive nuclaire 135 km des ctes de la Floride ne constitue pas un problme : quest-

    ce que cela change? Le tropisme qui est le sien na pas emport ladhsion du plus grand

    nombre.

    Le retrait des bombardiers et des missiles balistiques sovitiques Cuba a t interprt, sur

    le moment, comme une reculade, comme un chec pour lUnion Sovitique. Lviction de

    Khrouchtchev survient deux ans jour pour jour aprs la dcouverte des missiles sovitiques

    Cuba. Les autorits sovitiques lui reprochent laventurisme dont il a fait preuve lors de cet

    pisode. La ralit historique est plus complexe. En lchange du dmantlement des missiles

    prsents surlile de Cuba, les Etats-Unis se sont engags ne pas envahir Cuba, c'est--dire

    accepter, 135 km de leurs ctes, la prsence dun rgime qui leur est hostile. Au cours de

    la campagne lectorale qui a vu John Kennedy lemportersur Richard Nixon, John Kennedy

    sest fait le pourfendeur de la mollesse de ladministration rpublicaine dans le politique

    suivie vis--vis de Cuba.

    Schmatiquement, la crise de Cuba peut tre dcoupe en trois temps forts : les deux premiers

    constituent les plus intressants du point de vue de linteraction entre les divers protagonistes

    dans la crise :

    La crise couverte : dbut septembre 1962 22 octobre 1962

    La crise ouverte : 22 au 28 octobre 1962

    La liquidation de la crise (marchandage et ngociations internationales) : 28 octobre

    1962 au 11 janvier 1963

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    A. La cris e ou verte (Septembr e 1962 22 Octob re 1962)

    La dcision sovitique doprer au dploiement de missiles balistiques sur lile de Cuba est

    historiquement soudaine et secrte. Le 2 septembre 1962, loccasiondune visite de Guevara

    Moscou, Khrouchtchev annonce le renforcement de laide militaire sovitique Cuba.

    Personne, lpoque, nose croire que dans cette annonce rside la dlivrance de missiles

    dots dune tte nuclaire. Kennedy, en cette occasion, adresse une dclaration qui distingue

    les armements dfensifs des armements offensifs qui sont susceptibles de constituer une

    menace pour la scurit des Etats Unis. Les Sovitiques, jusqu la dcouverte des missiles

    par des avions de renseignement amricains, cherchent rassurer les Amricains sur la nature

    dfensive des armements quils fournissent Cuba. Au mois de septembre 1962, les services

    de renseignement amricains nont, et ce en aucune manire, souponns les Sovitiques du

    transport et de la mise en place de missiles balistiques surlile de Cuba. Avant le 14 octobre,

    date de la dcouverte des missiles sovitiques par les services de renseignement amricains,

    prs de 1500 rapports sur des choses tranges qui se passent Cuba ont t publis par

    la CIA destination de ladministration. Le nombre important de rapports entretient un certain

    flou ; flou renforc par les contradictions mettant aux prises les diffrents rapports.

    Limportant dans histoire vnementielle qui nous proccupe, cest que personne ne croit

    Khrouchtchev assez fou pour oprer une telle manuvre. Except John McCone,personne ne prte attention aux propos alarmistes manant des divers rapports tablis par la

    CIA. Sa thorie est la suivante : McCone bat en brche les analyses de la CIA qui consistent

    raisonner en termes de prcdents, les Sovitiques nayant install aucun systme de ce type

    dans les pays satellites, les analystes de la CIA cartent dun revers de main lhypothse selon

    laquelle ils auraient dploy des missiles Cuba. Cependant, les Sovitiques nont pas besoin

    de missiles intercontinentaux pour frapper les Etats-Unis. A la diffrence des pays satellites de

    lUnion Sovitique, les Cubains ont fait leur rvolution .

    Personne ne croit aux lucubrations de McCone. Les Amricains ne disposent pas dun cadre

    interprtatif permettant de donner sens un vnement quils se refusent de voir. La

    dcouverte in fine des missiles sovitiques Cuba a laiss cours des fantasmes et des

    thories du complot. Des querelles sont rapidement apparues entre lAdministration amricaine

    et lArme de lair sur une question : quelle autorit est charge de dcider du nombre et de la

    nature des vols davions de renseignement au-dessus de Cuba? Les querelles successives ont

    conduit une suspension provisoire des volsjusqu ce quune autorit emporte le leadership.

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    Le 14 octobre 1962, la suite du survol de lEst de lile, les services de renseignement

    amricains constatent le dploiement de missiles sovitiques. Les analystes stratgiques

    annoncent que les missiles seront oprationnels dans un dlai dune semaine. La certitude du

    dploiement de missiles sovitiques vient de la manire dont sont disposes les batteries anti-

    ariennes. Les spcialistes oprent un rapprochement avec la manire dont sont protgs

    les missiles en Union Sovitique : on ne voit pas les missiles sur les photos.

    Ladministration amricaine, plus prcisment un petit groupe, est inform du dploiement en

    cours des missiles Cuba. Les autorits amricaines prennent la dcision de garder

    linformation secrte jusquau 22 octobre 1962. Le secret est maintenu tant vis--vis des

    Amricains que des Sovitiques. Les Sovitiques savent ce quils sont en train de faire, mais

    ils ne savent pas ce que les Amricains savent. Beaucoup de choses se jouent dans ces

    interactions stratgiques.

    Le groupe de ladministration qui est dans le secret est compos du Comit excutif restreint

    du conseil de scurit et de Robert Kennedy (ministre de la Justice). Au cours de toute la

    semaine durant laquelle linformation va rester secrte, le groupe va dbattre et explorer toutes

    les options qui lui sont offertes pour remdier la crise. Dans pareille situation, E. Goffman

    parle de garder les apparences normales . Ladministration amricaine aux commandes esten pleine campagne lectorale en vue des midterm elections. Le fait de maintenirlinformation

    secrte vise donner du temps ladministration. Au final, aprs maintes rflexions,

    ladministration amricaine dcide de placerlile de Cuba en quarantaine.

    B. La crise ou verte (22 oct ob re 1962 28 octob re 1962)

    Louverture de la crise va tre mise en scne par John Kennedy par un discours tlvis, 19

    heures, le 22 octobre 1962. Le discours dnonce le dploiement des missiles sovitiques et,

    simultanment, annonce le blocus et la quarantaine sur les importations darmements offensifs

    destins Cuba. A Moscou, la surprise est totale ! Les Etats-Unis font uvre dune

    remarquable manuvre diplomatique lgard de lAmrique Latine : lOrganisation des Etats

    Amricains (OEA) appuie linitiative des Etats-Unis et exige le retrait des missiles sovitiques

    de Cuba. La mme unanimit rsonne dans les rangs des allis europens de Washington,

    bien que quelques rticences sexpriment en Grande Bretagne ou en Allemagne.

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    La proclamation de la quarantaine devient effective le 23 octobre 1962 19 heures, elle devient

    excutoire compter du 24 octobre 10 heures. La raction immdiate de Moscou est

    marque par une certaine ambigit : leffet de surprise est total, les Sovitiques doivent

    plancher en quelques heures sur la rponse quils entendent apporter la crise ouverte avec

    les Etats-Unis, quand Washington a dispos dune semaine pour la mme tche. Les navires

    sovitiques reoivent lordre dignorer le blocus. Le fait quun tel message soit diffus sans

    prendre la prcaution de le crypter indique combien il est bien plus destin aux Amricains

    quaulx navires sovitiques eux-mmes. Dans le camp occidental, la rsolution amricaine

    provoque un certain trouble (Cf. Bertrand Russell). Les canaux de communication se

    diversifient de telle manire que chaque camp cherche simultanment tester, contrler et

    tenter de comprendre la situation prsente.

    On assiste un vritable marchandage : la fermet avance par John Kennedy appelle

    Khrouchtchev la plus grande prudence. John Kennedy envoie son frre pour rencontrer

    lambassadeursovitique Washington, dont il semble quil ne soit pas vraisemblablement au

    courant du dploiement du dploiement des missiles, afin de lentretenirde la gravit de la crise

    et la dtermination dont font preuve les Amricains. Cest la marche des Etats : aucun Etat ne

    fonctionne comme un seul homme. En ce sens, lEtat ne constitue pas un acteur homogne et

    unifi. Lambassadeurbritannique Washington suggre John Kennedy de ramener la ligne

    darraisonnement des navires sovitiques des 800 miles initialement prvus 500 miles des

    ctes amricaines. Problme, le temps de rflexion respectif des Amricains et des Sovitiques

    nest pas le mme, il faut laisser du temps. Le 24 octobre 1962, aux alentours de 10h20, on

    respire du ct amricain : certains navires sovitiques se mettent en panne . Ordre est

    donner la marine des Etats-Unis dviter tout arraisonnement et de permettre aux navires

    sovitiques de faire demi-tour. Le Comit excutif du Conseil de scurit va envoyer

    MacNamara dans la salle dopration de la Marine poursassurerque cette dernire a bien

    assimil les ordres venus du haut. Des tensions se font jour avec le Commandant Anderson.

    MacNamara pose le type de questions suivantes : des traducteurs sont-ils prsents au coursdes oprations de la Marine ? Comment arraisonner un bateau sovitique ? Les routines

    organisationnelles de la marine la rendent incapable de sadapteraux demandes du Comit

    excutif. La Marine se contentant lors de la mene doprations darraisonnement de se

    reporter aux instructions tablies par les guides qui leurs ont t distribu.

    Les Sovitiques savent interprter ces amnagements. Les canaux de communications

    sovitiques font part de la volont de Moscou de chercher une solution ngocie. Les

    Sovitiques oublient ostensiblement toute approche base sur le principe de symtrie : ils

    oublient Berlin ! Un vent doptimisme souffle aux Etats Unis. Les Sovitiques acceptent les

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    propositions formules par le Secrtaire gnral des Nations Unies U Thant (suspension de la

    mise en quarantaine de lile de Cuba en lchange de la suspension de la fourniture darmes

    sovitiques destination du rgime castriste). Les 25 et 26 octobre 1962, les Sovitiques font

    parvenir deux messages ladministration amricaine. Un diplomate sovitique de second rang

    Washington (vraisemblablement un responsable des services de renseignement) rencontre

    un journaliste qui a ses entres la Maison Blanche de manire informelle. La rencontre est

    destine tester la raction des autorits amricaines sur la proposition qui vise lever le

    blocus de lile de Cuba en lchange du retrait des missiles sovitiques. La rponse de

    ladministration Kennedy est la suivante : oui, cest intressant, mais il faut faire vite, cardici

    48h il pourrait tre trop tard. Les Etats-Unis maintiennent la menace. Cette communication

    informelle est le fait dindividus non centraux dans les dispositifs institutionnels respectifs. Ce

    message initial se double dun message personnel et secret de Khrouchtchev John Kennedy.

    Ce tlgramme comprend une information pour le moins surprenante : Khrouchtchev renonce

    convaincre John Kennedy que les missiles dploys Cuba constituent des armements

    dfensifs.

    La tension monte. Le 26 octobre 1962 16h, un cargo sovitique (dont le capitaine est libanais

    et qui flotte sous pavillon panamen) est arraisonn et fouill. Cette mesure se double de

    survols de lile de Cuba par des avions de renseignement amricains trs basse altitude ;

    dun regroupement massif de troupes amricaines sur les ctes de la Floride et dun

    avertissement du porte-parole du Dpartement dEtat sur la possibilit faite aux Etats-Unis de

    recourir dautres types de mesures dissuasives mesures que le blocus en cours. Robert

    Kennedy se rend chez lambassadeur sovitique Washington pour lui faire part de son

    sentiment selon lequel la situation descalade qui prvaut risque de dgnrer. Robert Kennedy

    avance la proposition suivante : la pression des autorits militaires amricaines est si forte que

    ladministration amricaine naura bientt plus de prise sur les premires, au risque de perdre

    le contrle si les Sovitiques ne cdent pas. Cette menace doit tre crdible, elle doit tre

    socialement plausible. Ce durcissement amricain fait draper la situation. Khrouchtchevannonce la mise en place dune symtrie Cuba/Turquie. Pour donner de la crdibilit ce

    message, un avion amricain de type U2 est abattu au-dessus de Cuba. Alors que jusquici

    tout stait pass comme si les Sovitiques acceptaient ces survols.

    La dflation de la tension est luvreduneremarquable manuvre de Robert Kennedy. Pour

    cela, il fallait un minimum de coopration de la partie adverse. Robert Kennedy dcide dignorer

    le message de Khrouchtchev dat du 27 octobre 1962 pour accepter celui du diplomate de

    second rang comme une offre faite par Khrouchtchev. Kennedy accepte loffre formule par

    Khrouchtchev. Les Etats-Unis sont prts payer un prix considrable en renonant une partie

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    des missiles quils ont dploy en Europe (Turquie et Italie). Robert Kennedy demande

    explicitement lambassadeursovitique de tenir cette promesse pour secrte: les Sovitiques

    sarrangeront pour jouer le jeu. Cette offre fait lobjet dune rponse publique qui vise

    lacceptation de loffre destine mettre fin cet pisode de tensions. John Kennedy pour ne

    pas faire perdre la face Khrouchtchev rend publiquement hommage aux qualits homme

    dEtat, la grandeur historique et au sens de la responsabilit qui anime le dirigeant sovitique.

    Objectivement, ce sont les Sovitiques qui ont gagn. LUN des enjeux principaux de la crise

    rside dans la survie du rgime de Fidel Cas tro. A lissue de cet pisode, les Etats-Unis vont

    tolrer qu quelques centaines de miles de leurs ctes soit maintenu ce symbole de la

    contestation des Etats-Unis quest le rgime de F. Castro, tout en mme temps quils vont

    oprer au dmantlement des missiles amricains bass en Turquie et en Italie. Une autre

    lecture peut conduire envisager le fait selon lequel les Sovitiques ont cd face la mise en

    quarantaine de lile et des menaces et pressions amricaines lencontre des autorits

    sovitiques.

    C. La l iquid at ion de la crise (28 octobre 1962 11 janvier 1963)

    Cette chute de lhistoire va surprendre Fidel Castro. Ce dernier va empcher pendant un temps

    un dploiement des inspecteurs de lOrganisation des Nations Unies de telle sorte que soiteffectivement vrifi le dmantlement des missiles sovitiques, tout autant quil cherche

    empcher le dpart des bombardiers sovitiques de lile. Pendant 15 jours, le conflit est dans

    limpasse du fait de la tactique poursuivie par Fidel Castro. Le 19 novembre 1962, Fidel Castro

    finit par se laisser convaincre du bien-fond de la ncessaire vrification du dmantlement

    des missiles.

    Linspection se droulera de la faon suivante : les vrifications nauront pas lieu surlile mais

    en mer par des avions de renseignement amricains survolant les navires sovitiques dans le

    but de comptabiliser le nombre de missiles initialement dploys et dsormais retirs. Aucun

    trait ne garantit lintangibilit de lile de Cuba. La CIA va tenter duser de nombreux

    stratagmes pour faire disparatre Fidel Castro. Avec le recul historique, il ny a pas eu de

    tentatives srieuses des Etats-Unis de sen prendre frontalement au rgime de Fidel Castro.

    Bon gr mal gr, les Etats-Unis ont respect les accords ayant mis fin la crise des missiles

    de Cuba.

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    2. La crise des missiles de Cuba : les trois paradigmes

    Graham Allison dfinit les objets de la politique trangre de trois manires. Il utilise

    alternativement les termes de paradigme et de modle pour dcrire lexercice stylistique

    auquel il opre dans le prsent ouvrage. En ce sens, le paradigme peut se dfinir comme la

    manire systmatique pour le chercheur daborder la ralit, dorganiser son enqute, de

    prlever des faits dans la ralit sociale, de les relier les uns aux autres et den tirer la

    substance permettant daboutir une conclusion . A linverse, le modle constitue une

    construction dlibre du chercheur, entirement dtache de la ralit ; il fonde un ensemble

    doprations surlabstraction, qui sest substitue la ralit.

    Graham Allison dfinit trois paradigmes : la politique rationnelle ; le processus organisationnel

    ; la politique bureaucratique. Allison dans lexercice de stylisation auquel il se livre se propose

    dexaminer les lments suivants :

    Lunitdanalyse (ou lobjet construit) ;

    Les concepts organisateurs grce auxquels on conduit lenqute, on prlve des faits

    dans la ralit et grce auxquels on va expliquer la ralit ;

    Le modle dinfrence causale (nigme rsoudre) ;

    Les propositions gnrales sur la manire dont merge la dcision en matire depolitique trangre (valable pour tout fait politique) ;

    Les propositions spcifiques un domaine troit de la recherche, la question de la

    dissuasion nuclaire (chaque nonc va produire des noncs diffrents, des

    prdictions sur la possibilit dune guerre nuclaire entre grandes puissances)

    Le charme de la dmarche dAllison rside dans laffirmation suivante : dans une crise,

    selon le point de vue que lon adopte, les faits ne sont pas les mmes.

    A. Le paradigme de la pol i t ique rat ionn el le

    Raymond Aron dans son ouvrage, Penser la guerre, Clausewitz, adopte une thse

    mthodologique. Aron dispose quil est utile, lorsquon analyse les relations internationales, de

    penser lEtat, de se reprsenter mentalement lEtat comme une personne intelligente . Il

    ajoute quil est utile de se reprsenter la politique de cet Etat dont la guerre, en tant quaction

    de cette personne intelligente, nest que le prolongement de la politique (par d autres moyens

    diront dautres). Ce postulat constitue une dcision et une posture mthodologiques : il ne dit

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    pas lEtat, cest une personne. Il affirme plutt quil est rentable et utile, du point de vue de

    lintelligibilit du monde social, de penserlEtat comme une personne pour tudier les relations

    internationales et la politique trangre. Adopter une telle dmarche confine la fiction

    mthodologique. Ceux-l mme qui utilisent limage de lEtat, en sa qualit de personne

    intelligente, ne comprennent pas toujours quilsagitdune fiction idologique, que lon ne peut

    jugerqulaunedun seul critre : ce que a donne voir et ce que a explique, en dautres

    termes, sa fcondit .

    La plupart des analystes des relations internationales se positionnent dans la ligne de ce cadre

    danalyse, en ce sens quil constitue une technique spontane danalyse des relations

    internationales : cest notre mode ordinaire dapprhension de la ralit sociale.

    a. Lobjet danalyse

    Ce paradigme propose une explication de ce qui se passe sur la scne internationale, disant

    que ceci rsulte des actions conscientes des Etats, de leurs gouvernements, en fonction de

    leurs intrts nationaux et de leurs objectifs stratgiques. En ce sens, les Etats sont senss

    choisir la limite daction qui reprsente la solution optimale visant rpondre au problme

    auquel ils sont confronts sur la scne internationale. Ltudiant, le chercheur doivent

    svertuer dmontrer que le fait dopter pour ce choix tait la meilleure solution face lventail ou la palette de solutions qui soffrent lEtat, eu gard la dfinition de son intrt

    national (objet danalyse : action gouvernementale en sa qualit de choix)

    b. Les concepts organisateurs

    1erconcept : Le paradigme n1 dispose que lacteurnational est primordial, lagent analyser

    cestlEtat, la Nation voire lEtat-nation en sa qualit de dcideur unifi, homogne et rationnel.

    LEtat a des buts et des objectifs quilsefforce de poursuivre. Lacteurnational se caractrise

    par une gamme dactions (options) qui soffrent lui (envahir Cuba, annoncer un blocus,

    bombarderlile de Cuba, ne rien faire) par des estimations de ce quoi aboutiront ces actions

    ou de ce quoi pourraient aboutir ces actions (estimation des rsultats). Cest ce que Weber

    appelait laction rationnelle en finalit , ou la rationalit pleinement dploye .

    2e concept : Lacteur national est confront un problme. Laction finalement entreprise

    rsultera du choix opr en vue de la ralisation de ce problme. Le problme peut, dans une

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    dune supriorit stratgique locale considrable. Dans cette perspective, ladoption du choix

    de la mise en quarantaine semble constituer la meilleure solution, si ce nest la seule solution.

    Dans la mesure o une nation donne a opr la ralisation dune action quelconque, cette

    nation devait, pour faire cela, atteindre la ralisation dobjectifs par rapports auxquels laction

    en question action a constitu un moyen dry maximiser ses bnfices et dy minimiser ces

    pertes. Lnigme consiste identifierlobjectif. Laction est connue, limportant rside dans le

    fait de savoir ce que les Russes avaient en tte pour considrer que linstallation et le

    dploiement de missiles balistiques surlile de Cuba puisse tre interprt comme la meilleure

    solution leur problme. Linfrence causale consiste remonter de laction lobjectif.

    c) Les propositions gnrales

    Ltablissement des propositions gnrales vise dterminer un ensemble de propositions

    causales portant sur la ralit sociale. Face la probabilit dune action particulire, deux

    perspectives peuvent tre envisages : une augmentation dans le cot dune option, c'est--

    dire une rduction de la valeur de la srie des consquences des choix de certaines actions,

    rsulte de la probabilit que cette action soit choisie ; une rduction dans le cot dune option,

    c'est--dire une augmentation de la valeur de la srie de consquences des choix de certainesactions, augmente la probabilit que cette action soit choisie. En dautres termes, plus le cot

    dexcutiondune action ou des consquences qui en dcoule est grand, moins je choisirai ce

    mode daction, et inversement. Les capacits de prvision du modle fondent une

    reprsentation de laction de lEtat base sur le mode dun homo economicus rationnel.

    d) Les propositions spcifiques la guerre nuclaire

    La probabilit dun affrontement ouvert entre lUnion Sovitique et les Etats-Unis dans le cadre

    du paradigme n1 est proche de zro, en ce sens que les deux acteurs en prsence sont

    envisags comme agissant de manire rationnelle. Ce type de raisonnement nest uniquement

    valable que dans ce premier cas. Dans la mesure o lon considre lobjet du point de vue dun

    autre paradigme, on donne quelque chance lmergencedune guerre nuclaire. Les

    deux autres paradigmes qua dfini Allison disposent din intrt intellectuel majeur : rendre

    pensable limpensable.

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    e) Linfrence causale

    Aborder la question de linfrence causale ncessite de remonter de laction la raison de

    laction. LouvragedAllison voit se tlescoper deux points de vue, dont la concomitance est

    fcheuse. Les chercheurs et analystes de tous bords se sont pos la question suivante : pour

    quelles raisons les Sovitiques ont-ils dploys des missiles dans lile de Cuba ? Les dcideurs

    suprmes se sont pos exactement la mme question. Se faisant, lanalyse bascule sur le

    mode de lindigne, sur le mode ordinaire de nos raisonnements.

    1erobjectif : la mise en place dun marchandage autour de Cuba. Ce Great bargain dispose

    au retrait des missiles sovitiques dploys surlile de Cuba en lchange du retrait des missiles

    amricains dploys en Italie et en Turquie. Plusieurs lments sopposent cette hypothse

    base sur des considrations rationnelles : les missiles sovitiques dploys surlile de Cuba

    reprsentent, plus ou moins, la moiti de la capacit de premire frappe (permettant de dtruite

    les capacits de riposte de ladversaire) des Sovitiques. Inversement, les missiles dorigine

    amricaine dploys sur le sol turc ne reprsentent que prs de 3% de la capacit de premire

    frappe des Etats Unis. Il nest pas trs raisonnable denvisagerun tel marchandage.

    2e objectif : le pige cach ou la paranoa. Cette hypothse prtend avancer que linstallation

    de missiles sovitiques surlile Cuba vise obliger les Amricains sur-ragir, de telle manireque cette action braquera les pays dAmrique Latine contre les Etats Unis, divisera lAlliance

    Atlantique locale , montrera aux staliniens que les Etats-Unis sont puissants et dangereux,

    et permettra enfin aux Sovitiques dagir sur Berlin. Dans ce sens, pourquoi ne pas avoir

    dissimul le transport des missiles sovitiques vers lile de Cuba.A posteriori, pourlanalyste,

    on ne comprend pas les raisons qui ont pouss les Sovitiques retirer leurs missiles de lile

    de Cuba.

    3e objectif : la dfense du rgime de Fidel Castro. Lpisode rcent, dit de la Baie des Cochons

    avait contribu chauffer les esprits. Si lobjectif initial poursuivi par les Sovitique visait

    assurer la prennit du rgime de Fidel Castro, lobjectifa t pleinement atteint au vu de la

    rsolution du conflit. Cette argumentation nest pas sans faiblesses: si linstallation de missiles

    sovitiques surlile de Cuba peut empcher le dploiement dune opration limite, il nest pas

    sr pour autant que les Amricains naientjamais dcid de mettre en uvre une offensive

    majeure surlile. Dans ce cadre, la meilleure option pour les Sovitiques aurait voulu quils ne

    dploient pas des missiles mais des troupes en nombre plus important Cuba. Enfin, le

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    B. Le proc essus organisat ionn el

    a. Lobjet danalyse

    Dans le cadre de lanalyse du processus organisationnel, lobjet danalyse cest laction

    gouvernementale, considre en sa qualit de sous-produit dun processus multi

    organisationnel.

    b. Les concepts organisateurs

    1er concept : les acteurs constitutifs du processus organisationnel ne sont plus des acteurs

    unifis, rationnels et homognes (ce nest pas un gouvernement monolithique). Ces acteurs

    composent une constellation dorganisations, plus ou moins relies trs lchement les unes

    par rapport aux autres. Le gouvernement cest soit le machin qui coiffe cette multiplicit

    dorganisations, soit une organisation parmi dautres (la Marine, laviation, la CIA, le

    Dpartement dEtat). Le gouvernement constitue dans ce cadre une srie dacteurs

    significatifs . De telle sorte que lEtat nexiste plus en tant quacteurunifi, homogne et

    rationnel.

    2e

    concept : les problmes ne sont problmes, que parce quils sont prfabriqus commeproblmes par telle ou telle organisation, par les routines organisationnelles de telle ou telle

    organisation. Le modle organisationnel repose sur une multiplicit dorganisations. Dans cette

    optique, le dploiement de missiles sovitiques sur lle de Cuba constitue une source de

    problme diffrente selon le point de vue de lacteurduquel on se place. Le problme nexiste

    plus en lui-mme, il est partialis entre les frontires des diffrentes organisations qui

    composent le processus organisationnel. Tel vnement constitue un problme, la seule

    condition, que les routines organisationnelles et la culture locale dune organisation le

    dfinissent comme tel. Le processus organisationnel dfinit une situation en qualit

    dopportunit ou de menace : le pouvoir est fractionn entre les diffrentes parties constitutives

    de lEtat. Le processus de fractionnement sinsre galement dans la rponse que chaque

    organisation formule un problme donn. La gamme des rponses pensables diffre

    dune organisation lautre.

    3e concept : les priorits et les perceptions sont fortement diffrencies selon lorganisation

    vise. Ces perceptions de type paroissiales sont propres et constitutives des programmes

    doptions, aux routines relatives chaque formule.

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    4e concept : Laction ne peut tre pense quen termes de sous-produit organisationnel ,

    cest--dire que nous somme forcs dexaminerla manire dont les routines organisationnelles,

    en place au moment de lvnement, influent et contribuent dfinir ce qui finira par apparatre

    comme tant la solution la fin du processus de dcision. Dans cette perspective, laction peut

    constituer le sous-produit alatoire dun processus par lequel les diffrentes organisations

    agissent sur un mode paroissial .

    Les procdures organisationnelles, propres chaque type dorganisation, sont standardises

    dans des programmes daction, pour rpondre la ncessit qui leur est faite de stabiliser des

    rpertoires daction dans le but de faire collaborer une multiplicit dacteurs constitutifs de

    lorganisation.

    Dans le but dassurer la collaboration des individus dune mme organisation, il devient

    impratif de squencialiser les rponses de lorganisation et les objectifs dactions de

    lorganisation (instauration dune chronologie organise). Les organisations naiment pas

    lincertitude ! Les organisations prfrent viter lincertitude en ramenant toute nouvelle

    situation active dans lenvironnement de lorganisation du dj connu , des situations

    dj standardises, qui appellent elles-mmes des rponses standardises. Ils ont fait ce quils

    savaient faire (Cf. Rainbow Warrior) : cest socialement banal.

    Comment dcouper dans la masse historique ce qui est pertinent ? La prsente situation

    illustre les checs et les ngligences dont se sont rendus coupables les services de

    renseignement amricains : en dfinitive, ces lments ne rentraient pas dans les routines de

    lorganisation ! Le retard pris par la mise en place de survols davions U2 dans lespace arien

    cubain rsulte dune rivalit opposant larme de lair la CIA, chacune revendiquant pour elle-

    mme la programmation et la ralisation de ces vols.

    Enfin, les options organisationnelles seront rduites deux postures: la mise en place du

    blocus ou lorganisation dun bombardement chirurgical.A posteriori, un rapport met en lumire

    le fait que les acteurs auraient pu sadapter. Mais les routines organisationnelles ont une telle

    prgnance, quune adaptation souple aux circonstances de lvnement est quasi nulle.

    Problme, la dcision amricaine de ramener la ligne darraisonnement nest pas suivie en fait

    par la Marine amricaine. Le Prsident Kennedy se retrouve dans lobligation dintimer lordre

    la Marine de suivre ces recommandations pour quelles soient suivies de faits.

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    c. Le modle de linfrence causale

    Dans le cas o une Nation ou un Etat ralise un acte tactique (le blocus de lile de Cuba dans

    le cas prsent), les composantes de cette action, pour quelle soit couronne de succs,

    doivent dj prsentes pralablement, sous la forme de routines organisationnelles, elles

    doivent avoir fait lobjet de routines institues dans les programmes daction de telle ou telle

    organisation. En dautres termes, le gouvernement et son action, quelque moment que ce

    soit, consiste en un conglomrat dorganisations disposant de leurs propres objectifs

    institutionnaliss, de leurs propres programmes dactions, deleurs propres rpertoires daction.

    Laction du gouvernement rside dans lexistence de ces routines organises ; tout au mieux,

    le choix opr par les gouvernements constitue un choix entre les lignes dactions et les

    routines constitutives des diffrentes organisations. Le choix opr entre les routines

    organisationnelles de telle ou telle organisation se fait sur la base dinformations et des

    procdures destimation des consquences de ce choix (elles-mmes inscrites dans les

    routines organisationnelles).

    Nous avons l une petite machine de guerre illustrant lillusion dificatrice de lEtat ! Il se

    peut que dattendre de lEtat une solution rationnelle un problme donn soit hors de porte

    de son action, non pas tant parce que tel ou tel dirigeant nest pas intelligent, mais bien plus

    du fait que, sociologiquement, dans les Etats construits sur ce modle, il ne peut en dfinitiveen tre autrement.

    d. Les propositions gnrales

    1ere proposition : laction des organisations ne constitue quexceptionnellement une adaptation

    souple lvnement, tel que peut le concevoir lanalyste dtach de laction. Les contenus

    des actions sont principalement dtermins par les routines organisationnelles et non pas par

    les souhaits des divers gouvernements ou des organisations.

    2e proposition : les lignes daction des organisations tendent constituer des lignes droites .

    Cest--dire que le comportement dune organisation un temps T ne sera que trs

    marginalement diffrent dans un temps T-1 . Dans cette perspective, il devient possible de

    faire des prdictions : le comportement de lorganisation dans un temps T+1 ne sera que

    trs marginalement diffrent de celui du temps T.

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    3e proposition : un gouffre spare ce que les leaders politiques choisissent de ce que les

    organisations ralisent. Les organisations gouvernementales constituent des instruments

    somptueux . Les options ouvertes la dcision gouvernementale sont toujours en nombre

    limit : ces options ne dcoulent pas, dabord, des objectifs poursuivis par les leaders politiques

    nationaux. Ces options ne correspondent pas davantage ce quun analyste extrieur et

    dsintress pourrait, par lanalyse, dgager ou entrevoir rationnellement. Seules les

    alternatives, seules les options intgres dans des objectifs et dans des routines

    organisationnelles seront considrs comme pertinents pour les problmes rsoudre. Les

    alternatives supposant la coordination, sur un pied dgalit, de diffrentes organisations

    risquent de faire lobjet dun faible soutien. Les alternatives et les options se situant dans les

    zones daction, ou les territoires localiss entre les domaines dactions revendiqus par

    plusieurs organisations, seront galement perus comme tant non pertinents. Ainsi, plus il y

    aura dorganisations qui collaborent la ralisation dune action, moins cela se rapprochera

    des options initiales dfendues par les gouvernants.

    4e proposition : Les organisations tendent dfinir leur objectif central dans une perspective la

    plus souvent imprialiste . C'est--dire que quelque soient les enjeux ou les problmes, les

    organisations vont tendre dfinir les objectifs qui les animent en termes daccroissement de

    leur budget, de leur main duvre ou daccroissement de leurterritoire, aux dpends des autres

    organisations. Consquence : pour les problmes qui surviennent dans des domaines o les

    frontires entre organisations sont ambiges voire fluctuantes, ces problmes sont, demble,

    traits par les organisations en qualit dactivit de colonisation de territoires .

    e. Les propositions spcifiques une guerre nuclaire

    La probabilit du dclenchement dune guerre nuclaire rside moins dans une situation

    dquilibre ou de dsquilibre stratgique, dans une situation de stabilit ou dinstabilit

    stratgique (facteurs rationnels) que dans des facteurs de type purement organisationnels.Dans cette optique, les dommages mutuels dont il en rsulte sont peut-tre moins importants

    que la manire dont les diffrentes organisations dfinissent ce qui peut tre, loccasion ou

    non dune intervention nuclaire, leurs routines et leurs cultures organisationnelles du

    marchandage inter-organisationnel.

    La posture militaire sovitique en vogue dans les annes 1958-1962 dpend dans une large

    mesure des facteurs organisationnels. Jusquau dbut des annes 1960, pour des raisons

    historiques propres lU.R.S.S., les missiles sont sous les contrles de larme de terre (ce

    sont les vainqueurs de la barbarie nazie).

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    Ce premier lment dexplication, inscrit dans les routines organisationnelles de larme de

    terre, permet de mieux comprendre les raisons du retard (missile gap) pris par les Sovitiques

    dans le dveloppement de missiles intercontinentaux. Issus de la prpondrance de larme

    de terre dans la gestion de larme nuclaire et des missiles, ces lments expliquent

    lincapacit des Sovitiques dployer une vaste chelle des missiles continentaux. En

    dautres termes, ce facteur organisationnel a pes trs lourd dans la manire dont les

    Sovitiques se sont positionns du point de vue de la guerre nuclaire.

    C. Le paradigm e de la pol i t ique bureaucrat ique

    a. Lunit danalyse

    Lunit danalyse retenue dans le cadre de ce troisime paradigme constitue laction

    gouvernementale, en tant que rsultante du jeu bureaucratique. Le jeu bureaucratique dsigne

    un jeu transversal qui chevauche plusieurs organisations ou secteurs. Les dcisions et les

    actions du gouvernement ne constituent que des rsultantes, dans la mesure o ce qui se

    passe sur la scne internationale nest pas le fruit dune solution rpondant un problme

    donn, mais elles rsultent dune multiplicit de compromis, dalliances, plus ou moins confus,entre des responsables ayant des intrts diffrents, des ressources et des influences ingales.

    Ce qui se passe sur la scne internationale provient dune multiplicit de jeux de ce type-l, qui

    correspondent eux-mmes une multiplicit de socits qui participent ce qui se passe sur

    la scne internationale.

    b. Les concepts organisateurs

    1er concept : Dans le cadre du paradigme du processus bureaucratique, chaque concept doit

    tre explicit. Le paradigme dispose des joueurs localiss dans des positions. Le jeu est

    structur par les positions quoccupent les individus. Le gouvernement, dans le cadre de ce

    paradigme, ne constitue pas un acteur unitaire ou un conglomrat dorganisations. Les

    individus deviennent des joueurs, en ce sens quils finissent par atteindre dans une position.

    Position qui est institutionnellement lie lun des canaux qui donne accs la comptition.

    Cest un jeu prconstruit, mme sil arrive quun individu parvienne se frayer un chemin pour

    rentrer dans le jeu. La mme position peut tre occupe par des individus diffrents.

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    Les positions sont hirarchises dans diffrents endroits de lespace social. Au sein du

    gouvernement des Etats-Unis, coexistent quatre univers diffrents : lunivers des chefs

    (ils ne soccupent pas des problmes ordinaires) ; lunivers des conseillers ; lunivers des

    indiens (administrateurs civils, chefs de bureaux), lunivers des joueurs ad hocqui parviennent

    se hisser dans le jeu que par un processus de cooptation permis par la complicit de tel ou

    tel acteur qui participe au jeu (R. Kennedy).

    Les positions occups par les joueurs dfinissent ce que chacun peutfaire, et ce que chacun

    doit faire. Ce sont des positions institutionnaliss qui dfinissent les ressources et les

    avantages grce auxquels chaque joueur participe au jeu partir de sa position. Ces positions

    dfinissent galement les handicaps avec lesquels les joueurs entrent dans le jeu.

    Un mme individu peut jouer de multiples rles en fonction du public avec lequel il est en prise

    (Cf. Secrtaire d Etat) :

    vis--vis du prsident des Etats-Unis, il est le conseiller fondamental du prsident pour

    les affaires trangres ;

    il est le cher collgue des autres grands chefs ;

    vis--vis des diplomates et des gouvernements des autres pays, il est le ngociateur

    en chef des Etats-Unis ; vis--vis du Dpartement du Trsor et de quelques autres, il est le reprsentant de son

    administration ;

    vis--vis des agents de son administration, il est le chef.

    Si cette multipositionnalit offre un certain nombre davantages, elle nest pas nanmoins sans

    inconvnients, au premier rang desquels on trouve les conflits de rles . La position occupe

    par un individu ncessite de concilier ces diffrents rles et davoir faire face des conflits

    de loyaut (loyaut envers ladministration ou envers le prsident des Etats-Unis).

    La rsultante de tout cela dcoule de la structure des positions, tout autant quelle dcoule de

    la personnalit des individus occupant le poste en question, ce quAllison appelle le bagage

    . Tout individu arrive, lors de son entre en fonction, avec sa sensibilit propre certains

    enjeux, sa sensibilit tribale , les engagements pris vis--vis de certains projets ou de

    certaines personnes.

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    2e concept : La solution apporte aux problmes stratgiques de la plante doit tre clairement

    distingue des analyses dexperts dont laction est focalise sur un aspect particulier. Chacun

    des joueurs voit son action entrave par lexistence de dates butoir, de calendriers respecter

    pour produire une prise de position. Cette production de prise de position, destine formuler

    une opinion, ne seffectue jamais dans des conditions de dcision optimale : les joueurs, en

    trs grand nombre, nattribuent jamais le mme visage aux problmes. Les pro blmes et

    les positions que les acteurs expriment ont des consquences sur le devenir de la plante mais

    aussi sur le cours de la carrire individuel des joueurs. Les enjeux stratgiques sont toujours

    ncessairement des enjeux locaux, personnels, qui font sens pour les jeux dans lesquels,

    localement, les joueurs sont pris. La rponse la question, quel est le problme, est lourdement

    affecte par la position partir de laquelle lacteur va rpondre cette question.

    Si la terminologie de linternational est largement accepte dans le jeu, les contenus de ces

    concepts dpendent des positions occupes par les joueurs, du bagage qui est le leur et des

    relations entre les diffrentes positions (perspective relationnelle). Il nexiste pas de problmes

    en soi, intrinsques, ils sont toujours vus travers le prisme dun univers particulier ! Le joueur

    sengage sur tel ou tel projet, programme, qui semble, de son point de vue, prioritaire et dcisif.

    Les enjeux et les prises de dcisions sont intelligibles pour lanalyste en termes dintrt

    personnel , mais aussi du point de vue des autres acteurs : les joueurs ne sont pas toujours

    fair-play! Ce nest pas parce quun joueur la t dans le pass, quil maintiendra une telle

    position dans le futur, si ses intrts sont engags.

    3e concept : La notion de pouvoir reste difficile analyser, tant elle est floue. Si les ressources

    la disposition des acteurs au cours des processus de marchandages sont relativement faciles

    identifier, il devient beaucoup plus hasardeux dtablir des scnarios dalliances. Le pouvoir

    et son exercice reposent sur le savoir-faire et la volont. Les ressources en elles-mmes

    nexpliquent pas grand-chose, limportant rside dans le mode de faire valoir des ressources

    . Cela implique dtudier les perceptions quont les autres joueurs des ressources et dessavoirs faire, ainsi que des possibles alliances qui peuvent se nouer.

    Quelle est la structure du jeu ? Les canaux dactions sont demble admis dans le jeu, ils

    oprent une pr-slection du dj-l . Il est coteux pour les diffrents joueurs de chercher

    modifier le prconstruit social. Il existe des rgles du jeu implicites et explicites.

    Laction est ici pense en tant que rsultante politique , dans son sens le plus ordinaire,

    savoir les alliances constitues avec dautres joueurs ou les stratagmes de la politique dans

    un univers de dissmination du pouvoir (pas de lieu prcis du pouvoir). Dans ce jeu, les autres

    sont toujours aveugles au vrai problme, cest--dire celui que je porte en tant que problme.

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    Un des moyens de lgitimer, au plan rhtorique, ma position est daffirmer quelle dcoule de

    lintrt national des Etats-Unis. Lorsque le prsident des Etats-Unis parle dintrt national

    , mon intrt national est moindre, du fait de ma position infrieure dans le jeu. Pour faire

    admettre ma position avant celle des autres, je dois construire un rseau dalliances pour

    contrecarrer lusage que fait le prsident des Etats-Unis de largumentde lintrt national.

    La loi suprme du jeu, cest la rgle pragmatique. Celui qui hsite, celui qui affiche une certaine

    incertitude se donne de fortes chances de perdre. En dautres termes, la structure du jeu

    encourage le jeu dur, qui implique dafficher un air de certitude, de rsolution.

    Dun point de vue empirique, John Kennedy se situe dans un contexte marqu par les miter

    leections. Il a gagn la campagne prsidentielle face Nixon en affichant comme le

    pourfendeur de la mollesse rpublicaine cense sincarner dans Nixon. McCone, le chef de la

    CIA, qui vient davertir du danger de voir des missiles sovitiques tre installs sur lile de Cuba

    constitue, du point de vue de Kennedy, un adversaire (rpublicain + faucon).

    Kennedy prend ce que dit McCone pour ce quil prend une position dcartement qui sexplique

    par la position des diffrents protagonistes dans le jeu. Lors de lpisode de la dcouverte des

    missiles, le rflexe de la plupart des joueurs est de se couvrir.

    La premire runion des conseillers, aprs la dcouverte du dploiement des missiles constitueune sorte dexprience de laboratoire, lors de laquelle chacun opre, en fonction de la position

    quil occupe et du bagage dont il dispose. McNamara dispose quil ne faut rien faire. J. Kennedy

    poursuit une obsession : son frre doit rester dans histoire, mais il doit tre mis labri dun

    stigmate de type Pearl Harbour. Les chefs militaires ont une obsession : peu importe les

    moyens, il faut en finir avec le rgime de Fidel Castro.

    c. Le modle de linfrence causale

    Si un Etat donn a t lauteur dune action donne (blocus de lile de Cuba), cette action qui

    est connue doit avoir pour cause, pense comme la rsultante, ce qui a merg dun vaste

    marchandage entre une multiplicit dindividus au sein du jeu de la scurit nationale. Le

    pouvoir explicatif du paradigme rside dans la possibilit offerte au chercheur de pouvoir

    disposer dune description fine des relations entre positions dans le jeu, et des bagages avec

    lesquels les acteurs sont arrivs dans les positions quils occupent. On remonte de laction la

    structure de laction, ou la configuration du jeu qui explique laction connue.

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    d. Les propositions gnrales

    Elles sont fondamentales pour la science politique.

    1e proposition : Laction ne prsuppose pas lintention. Si les Etats-Unis ont agi de telle ou telle

    manire, cela ne veut pas dire quaucun des acteurs nai jamais voulu cette action, qui ne

    constitue que la rsultante dune srie de marchandages et de compromis (progressivement,

    on scarte des propositions respectives des uns et des autres). Ce qui ne veut pas dire que

    les hommes nagissent pas intentionnellement.

    2e proposition: Where you stand depends on where you seat. Les prises de positions des

    joueurs sexpliquent par les positions occupes : la chose est sociologiquement banale.

    3e proposition : les problmes des indiens ne sont pas les mmes que ceux dont soccupent

    les chefs. Les problmes dont soccupe le prsident des Etats-Unis sont limits par la nature

    de lemploi du temps qui est le sien. Les problmes des chefs sont les affaires chaudes du

    jour , pour quelles deviennent un lment urgent, les chefs doivent se coaliser. La plupart des

    problmes sont traits par les indiens : quand il est convaincu que quelque chose est

    important, lindien va former une coalition, de telle sorte quil attire lattention du chef surlimportance de son problme.

    e. Les propositions spcifiques une guerre nuclaire

    La probabilit dune attaque nuclaire, ou lchec de la dissuasion, dpendent avant tout de la

    possibilit de lmergence de lattaque nuclaire, comme rsultante du jeu bureaucratique :

    laction ne prsuppose pas lintention. Lattaque nuclaire peut merger du jeu sans quaucun

    individu nait jamais souhait cela. En dfinitive, la dynamique du compromis naboutit ce

    quaucun des joueurs navait souhait initialement.


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