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Analyse fonctionnelle pdf Guillaume Carlier ENS - …carlier/poly.pdf · Notes de cours ANALYSE...

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Notes de cours ANALYSE FONCTIONNELLE Guillaume CARLIER ENS, 2008-2009
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Notes de cours

ANALYSE FONCTIONNELLE

Guillaume CARLIER

ENS, 2008-2009

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Table des matieres

1 Espaces vectoriels topologiques localement convexes 61.1 Definitions et proprietes premieres . . . . . . . . . . . . . . . . 61.2 Bornitude, continuite, suites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.3 Applications lineaires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . 171.4 Limites inductives et topologie de D(Ω) . . . . . . . . . . . . . 231.5 Theoremes de Hahn-Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

2 Introduction a la theorie des distributions 382.1 Quelques resultats preliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . 392.2 Definitions et proprietes premieres des distributions . . . . . . 452.3 Convolution et regularisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 512.4 Transformation de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572.5 Solution fondamentale du Laplacien . . . . . . . . . . . . . . . 64

3 Espaces de Banach et topologies faibles 673.1 Topologie faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 673.2 Topologie faible-∗ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 713.3 Espaces reflexifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 723.4 Espaces separables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 763.5 Espaces uniformement convexes . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

4 Operateurs lineaires, operateurs compacts 814.1 Generalites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 814.2 Consequences de la theorie de Baire . . . . . . . . . . . . . . . 824.3 Operateurs compacts, alternative de Fredholm . . . . . . . . . 844.4 Decomposition spectrale des operateurs compacts autoadjoints 89

5 Espaces Lp 915.1 Rappels d’integration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 915.2 Proprietes elementaires des espaces Lp . . . . . . . . . . . . . 935.3 Dualite, reflexivite, separabilite . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

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5.4 Compacite dans Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1055.5 Compacite faible dans L1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

6 Espaces de mesures 1106.1 Rappels sur les espaces de fonctions continues . . . . . . . . . 1106.2 Theoreme de Riesz et mesures de Radon dans le cas compact . 1126.3 Mesures de Radon dans le cas localement compact . . . . . . . 1216.4 Theoreme de Radon-Nikodym, desintegration des mesures . . 1286.5 Dualite convexe et transport optimal . . . . . . . . . . . . . . 132

7 Espaces de Sobolev et EDP’s elliptiques lineaires 1417.1 Cas de la dimension 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1417.2 Definitions et proprietes premieres en dimension quelconque . 1487.3 Injections de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1547.4 Espace W 1,p

0 et traces de fonctions W 1,p . . . . . . . . . . . . . 1607.5 Formulation variationnelle de quelques pro- blemes aux limites 1637.6 Principe du maximum et regularite elliptique . . . . . . . . . . 167

8 Calcul des variations et EDP’s elliptiques non-lineaires 1748.1 Methode directe du calcul des variations . . . . . . . . . . . . 1758.2 Theoremes de point-fixe et applications . . . . . . . . . . . . . 178

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Chapitre 1

Espaces vectoriels topologiqueslocalement convexes

1.1 Definitions et proprietes premieres

Dans tout ce qui suit, E designera un espace vectoriel sur R, les definitionset resultats qui suivent s’etendent au cas complexe (une fois correctementetendues les notions de convexite et de symetrie).

Definition 1.1 On appelle espace vectoriel topologique (evt) tout ev E munid’une topologie rendant continues les applications

(x, y) ∈ E × E 7→ x+ y, et (λ, x) ∈ R× E 7→ λx.

Si E est un evt, alors les translations τy (τx(y) := x + y) sont deshomeomorphismes de E, et donc si V est un systeme fondamental de voisi-nages de 0, τx(V ) = x+V, V ∈ V est un systeme fondamental de voisinagesde x. De meme, si λ ∈ R∗, l’homothetie y 7→ λy est un homeomorphisme deE. Si U est un voisinage de 0 et x ∈ E alors pour λ ∈ R suffisamment petit envaleur absolue λx ∈ U , on dit alors que les voisinages de 0 sont absorbants.On notera egalement qu’une application lineaire entre evt est continue si etseulement si elle l’est en 0. Enfin, on rappelle qu’un espace topologique estsepare des que tout couple de points distincts possede des voisinages disjoints(ce qui est toujours le cas dans les espaces metriques).

Exercice 1.1 (Histoire de manipuler la definition) Montrer que si E estun evt, 0 possede un systeme fondamental de voisinages equilibres (V estequilibre si λV ⊂ V pour λ ∈ [−1, 1]). L’evt E est separe si et seulement si0 est ferme.

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Exercice 1.2 Montrer qu’un evt separe localement compact (i.e. tel quechaque point admet un voisinage compact) est necessairement de dimensionfinie.

Exercice 1.3 (Histoire de regler une bonne fois pour toutes le cas de ladimension finie) Soit E un evt separe de dimension finie, montrer que satopologie coıncide avec celle definie par une norme.

Evidemment, la topologie induite par une norme sur E fait de E un evtmais dans les applications la structure d’espace vectoriel norme s’avere par-fois trop rigide et inadaptee (car, par exemple, la boule unite n’est jamaisrelativement compacte dans un espace vectoriel de dimension infinie...). In-versement, la notion d’evt seule est souvent trop generale pour les analysteset en pratique, les espaces fonctionnels que nous rencontrerons auront en faitdavantage de structure. Avant d’aller plus loin, considerons le cas (importantet pas si particulier que cela comme nous le verrons au Theoreme 1.1) d’unetopologie engendree par une famille de semi-normes.

Definition 1.2 Soit E un R-ev, on appelle semi-norme sur E toute appli-cation p : E → R+, verifiant :

p(x+ y) ≤ p(x) + p(y),∀(x, y) ∈ E × E, p(λx) = |λ|p(x),∀(x, λ) ∈ E × R.

Soit P une famille de semi-normes sur E, on dit que P separe les points (ouest separante) de E si

p(x) = 0, ∀p ∈ P ⇒ x = 0.

Soit P = pi, i ∈ I, une famille de semi-normes sur E, x ∈ E, r > 0 etJ ⊂ I, finie, on definit la P-boule ouverte de centre x, BJ(x, r) par

BJ(x, r) =⋂j∈J

Bpj(x, r) = y ∈ E : pj(x− y) < r, ∀j ∈ J.

Notons que BJ(x, r) = x+BJ(0, r) et que par definition meme les P-boulesBJ(x, r) sont des ensembles convexes de E (on rappelle qu’un sous ensembleC de E est convexe si tx+ (1− t)y ∈ C pour tout (t, x, y) ∈ [0, 1]×C ×C).

La topologie associee a une famille de semi-normes est definie commesuit :

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Definition 1.3 Soit E un R-ev et P = pi, i ∈ I, une famille de semi-normes sur E, les ouverts de la topologie associee a P sont les parties Ude E telles que pour tout x ∈ U , il existe r > 0 et J ⊂ I fini tels queBJ(x, r) ⊂ U .

Autrement dit, la topologie associee a P est celle dont les P-boules ou-vertes centrees en x forment un systeme fondamental de voisinages de x. Ilest aise de voir que E muni de cette topologie est un evt et qu’il est separe siet seulement si la famille P est separante. Notons que si P et P ′ sont deuxfamilles de semi-normes sur E verifiant P ⊂ P ′ alors la topologie associeea P ′ est plus fine que celle associee a P . Par ailleurs, chaque point de Epossede pour cette topologie un systeme fondamental de voisinages formed’ensembles convexes. La topologie associee a une famille de semi-normes estdonc localement convexe au sens de la definition suivante :

Definition 1.4 Un R-espace vectoriel topologique localement convexe (evtlc)est un evt dont chaque point possede un systeme fondamental de voisinagesforme d’ensembles convexes.

On peut evidemment dans la definition precedente remplacer ”chaquepoint” par ”un point”. Notez aussi que l’evt E est un evtlc ssi 0 possedeune systeme fondamental de voisinages convexes et symetriques (un sous en-semble C de E est dit symetrique si C = −C). En remarquant que dans unevtlc, l’interieur d’un convexe d’interieur non vide est encore convexe (exer-cice facile), on notera qu’on peut aussi rajouter ”ouverts” dans la definitionqui precede.

Lemme 1.1 Soit E un evtlc de topologie T definie par la famille de semi-normes P et soit q une semi-norme sur E alors q est continue (pour T ) siet seulement s’il existe C ≥ 0, k ∈ N∗ et p1, . . . , pk dans P telles que

q ≤ C supi=1,...,k

pi.

Preuve:Si q est continue, il existe un voisinage de 0 sur lequel q ≤ 1, il existe doncaussi une P-boule sur laquelle q ≤ 1, l’inegalite cherchee s’obtient alorsfacilement par homogeneite. Reciproquement, supposons qu’il existe C ≥ 0,k ∈ N∗ et p1, . . . , pk dans P telles que

q ≤ C supi=1,...,k

pi.

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Soit x ∈ E et ε > 0, alors on a |q(x)− q(y)| ≤ q(x− y) ≤ ε pour tout y dansla P-boule

y ∈ E, pi(x− y) < (1 + C)−1ε, i = 1, . . . , k

ce qui montre la continuite de q.2

Remarque. Une combinaison lineaire a coefficients posititifs de semi-normesest encore une semi-norme de meme qu’un supremum d’un nombre fini desemi-normes, si p est une semi-norme sur E et T un application lineaire deF vers E alors p T est une semi-norme sur F . Si P est une famille de semi-normes sur E, la topologie qu’elle definit est la meme que celle definie par lafamille (dite filtrante) P ′ formee par les suprema de familles finies d’elementsde P .

ExemplesPassons maintenant en revue quelques exemples de familles de semi-

normes naturellement associees a quelques espaces fonctionnels usuels. Dansce qui suit Ω designe un ouvert de Rd et K un compact d’interieur non videinclus dans Ω, une suite exhaustive de compacts Kj de Ω est une suite decompacts inclus dans Ω tels que Kj ⊂ int(Kj+1) et Ω = ∪jKj (par exempleKj := x ∈ Rd : |x| ≤ j, d(x,Rd \ Ω) ≥ 1/j). Un multi indices αest un element (α1, ..., αd) de Nd, sa longueur notee |α| est par definition|α| =

∑di=1 αi. Pour α = (α1, ..., αd) et β = (β1, ..., βd) deux multi-indices, on

notera– α ≤ β si αi ≤ βi, pour i = 1, ..., d,– α± β = (α1 ± β1, . . . , αd ± βd),– α! = α1! . . . αd!, et pour β ≤ α

Cβα =

α!

β!(α− β)!,

– si x ∈ Rd, xα = xα11 . . . xαd

d ,– si f ∈ C∞(Rd)(= C∞(Rd,R) ou C∞(Rd,C)), et α 6= (0, . . . , 0),

∂αf =∂|α|f

∂α1x1 . . . ∂αdxd,

et ∂αf = f si α = (0, . . . , 0).On rappelle aussi, a toutes fins utiles, la formule de Leibniz : si f, g ∈C∞(Rd)2 :

∂α(fg) =∑β≤α

Cβα∂

α−βf∂βg. (1.1)

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Si f ∈ C(Ω)(= C(Ω,R) ou C(Ω,C)), on appelle support de f et l’on notesupp(f) le complementaire du plus grand ouvert sur lequel f est nulle, quiest aussi l’adherence de x ∈ Ω : f(x) 6= 0.

– Si K est un compact de Rd, on note C(K) l’espace des fonctions conti-nues de K a valeurs dans R ou C, on le munit classiquement de lanorme uniforme

‖f‖ := supx∈K

‖f(x)‖

(qui en fait un Banach). On peut egalement munir C(K) de la famillede semi-normes px(f) := |f(x)| avec x ∈ K.

– Si Ω est un ouvert de Rd, m ∈ N et K un compact de Ω pour f ∈C∞(Ω), posons

pm,K(f) := supα∈Nd :|α|≤m

supx∈K

|Dαf(x)|.

L’espace C(Ω)(= C(Ω,R) ou C(Ω,C)) des fonctions continues sur Ω estmuni de la famille de semi normes pK = p0,K avec K compact de Ω (ousimplement la famille p0,Kj

avec une suite exhaustive de compactsKj deΩ). CK(Ω) designe l’espace des fonctions continues sur Ω a support dansK (i.e. nulles en dehors de K) et Cc(Ω) designe l’espace des fonctionscontinues sur Ω a support compact i.e. :

Cc(Ω) = ∪jCKj(Ω)

Pour m ∈ N∪+∞, on definit de meme l’espace Cm(Ω) des fonctionsde classe Cm sur Ω, on le munit de la famille pm,Kj

. On definit dememe les espaces de fonctions de classe Cm a support compact, Cm

K (Ω)et Cm

c (Ω).– On note de meme DK(Ω) l’espace des fonctions C∞ a support dansK etD(Ω) := C∞

c (Ω) l’espace des fonctions C∞ a support compact. La topo-logie de DK(Ω) est definie par la famille de semi normes pm,K , m ∈ N(nous verrons plus loin que DK(Ω) est metrisable et complet pour cettetopologie). Une ”bonne” topologie sur D(Ω) (de meme que sur Cc(Ω)ou Cm

c (Ω)) est plus subtile a definir (voir le paragraphe 1.4).– Soit p ∈ [1,∞), Lploc(Ω) est l’espace des fonctions fonctions mesurablesf telles que pour tout compact K de Ω

qK,p(f) :=

(∫K

|f |p)1/p

<∞.

On munit Lploc(Ω) de la famille de semi-normes qK,p ou K parcourtl’ensemble des compacts de Ω (une suite exhaustive suffit evidemment).

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– Considerons l’espace de Schwartz S des fonctions regulieres a decroissancerapide

S = f ∈ C∞(Rd) : supx∈Rd

(1 + |x|k)|∂βf(x)| <∞,∀k ∈ N,∀β ∈ Nd

on le munit naturellement de la famille de semi-normes

f 7→ supβ∈Nd, |β|≤m

supx∈Rd

(1 + |x|k)|∂βf(x)|.

Un exemple typique de fonction de S est la gaussienne f(x) = e−|x|2/2.

– Si E est un evn et E ′ son dual topologique, la famille de semi-normes

pf (x) := |f(x)|, f ∈ E ′, x ∈ E

definit la topologie faible σ(E,E ′) sur E, cette famille est separanteen vertu du theoreme de Hahn-Banach que nous verrons plus loin. Dememe la famille de semi-normes

qx(f) := |f(x)|, f ∈ E ′, x ∈ E

definit la topologie faible ∗ σ(E ′, E) sur E ′, elle est separante pardefinition meme.

Un autre exemple de semi-normes nous est fourni par la jauge d’un ouvertconvexe symetrique. Soit E un evt et C un ouvert convexe contenant 0, lajauge de C est alors definie par :

jC(x) := inft > 0 :x

t∈ C,∀x ∈ E.

Pour tout x on a jC(x) ∈ R, par ailleurs il est evident que jC(λx) = λx pourtout λ > 0 et x ∈ E. De plus, jC verifie l’inegalite triangulaire, en effet soitx et y dans E, pour ε > 0, (jC(x) + ε)−1x et (jC(y) + ε)−1)y sont dans C, enremarquant que

x+ y

jC(x) + jC(y) + 2ε=

jC(x) + ε

jC(x) + jC(y) + 2ε

x

jC(x) + ε

+jC(y) + ε

jC(x) + jC(y) + 2ε

y

jC(y) + ε

comme ε > 0 est arbitraire on deduit de la convexite de C :

jC(x+ y) ≤ jC(x) + jC(y). (1.2)

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Si x ∈ C alors comme C est ouvert (1 + ε)x ∈ C pour ε > 0 assez petit etdonc jC(x) < 1. Si reciproquement jC(x) < 1 alors il est evident que x ∈ C,si bien que l’on a

C = x ∈ E : jC(x) < 1. (1.3)

Enfin, si C est de plus supposee symetrique, alors sa jauge est clairement paireet donc c’est une semi-norme (dont la boule unite ouverte est precisementC).

Exercice 1.4 Soit E un evt et C un sous ensemble convexe de E montrerque l’adherence de C est convexe.

Theoreme 1.1 Soit E un evtlc alors il existe une famille de semi-normesP sur E qui induit la topologie de E. En outre, la topologie de E est separeesi et seulement si la famille P separe les points de E.

Preuve:Nous avons deja vu que la topologie associee a une famille de semi-normesmunit E d’une structure d’evtlc. Reciproquement, soit E un evtlc et notonsT sa topologie. Posons

C := C ∈ T : C convexe, 0 ∈ C, C = −C

on sait que C est un systeme fondamental de voisinages de 0 et que x + Cest un systeme fondamental de voisinages de x, pour tout x ∈ E. On posemaintenant

P := jC , C ∈ C.

Nous avons vu que P est une famille de semi-normes sur E et nous allonsmontrer que T coıncide avec la topologie associee a P . Soit U ∈ T et x ∈ U ,il existe C ∈ C tel que x+C ⊂ U ce qui est equivalent a BjC (x, 1) ⊂ U ainsi Uest un ouvert pour la topologie associee a P . Soit maintenant U ouvert dansla topologie associee a P , pour tout x dans U il existe donc k ∈ N∗, C1, ..., Ckdans C et r > 0 tel que ∩ki=1BjCi

(x, r) ⊂ U ce qui est encore equivalent ax+ C ⊂ U avec

C = r ∩ki=1 Ci

et puisque C ∈ C, on en deduit que U ∈ T . La seconde assertion du theoremea deja ete vue.

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On retiendra donc que la topologie d’un evtlc (respectivement d’evtlcs)est determinee par une famille de semi-normes (respectivement une famillede semi-normes separante). Une question naturelle a ce stade est de savoir si

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l’on peut metriser une topologie d’evtlcs (le caractere separe est evidemmentnecessaire). En effet, dans le cadre metrique, les objets topologiques de base(ensembles compacts, continuite, ensembles fermes, adherence....) peuventetre caracterises en termes sequentiels et sont ainsi bien plus aises a manipulerque dans le cadre des espaces topologiques generaux.

Theoreme 1.2 Soit E un evtlcs dont la topologie est associee a la familledenombrable (et separante) de semi-normes P = pnn∈N. Alors la distance

d(x, y) :=∞∑n=0

1

2n(pn(x− y) ∧ 1)

est invariante par translation (i.e. d(x+z, y+z) = d(x, y) pour tout (x, y, z) ∈E3) et metrise la topologie de E.

Preuve:Le fait que d est une distance est facile a voir, de meme que l’invariancepar translation. Montrons que la topologie induite par d coıncide avec celleinduite par P . Soit x ∈ E, J un sous ensemble fini de N et r > 0, montronsqu’il existe ε > 0 tel que la P-boule ouverte BJ(x, r) contienne la bouleouverte pour d, Bd(x, ε) : posons ε = 2−K−1(r ∧ 1) avec K = max J si bienque Bd(x, ε) ⊂ BJ(x, r). Montrons maintenant que Bd(x, r) contient une P-boule ouverte de centre x : on choisit d’abord N tel que

∑n≥N 2−n ≤ r/2,

on pose J = 0, ..., N de sorte que BJ(x, r/4) ⊂ Bd(x, r).2

A titre d’exercice, on montrera que la topologie d’evtlcs associee a unefamille (separante) de semi-normes P sur E est metrisable si et seulement sil’une des proprietes equivalentes suivantes est satisfaite :

– 0 possede un systeme fondamental de voisinages denombrable,– il existe une famille denombrable de semi-normes induisant la topologie

de E.L’importance de la competude dans les espaces metriques (theoreme du

point fixe de Banach, theorie de Baire...) justifie la definition suivante :

Definition 1.5 On appelle espace de Frechet tout evtlcs metrisable (ce quirevient a dire que sa topologie peut etre definie par une famille denombrableet separante de semi-normes) et complet.

Soit P = pnn∈N une suite de semi-normes (separante) definissant latopologie de E, on remarque que dire que la suite (xk)k converge vers x(la limite x etant unique car E est separe) revient a l’une des assertionsequivalentes suivantes

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1. pour tout voisinage U de 0, il existe K tel que xk − x ∈ U pour toutk ≥ K (c’est la definition dans un evt general)

2. pour tout n, pn(xk − x) → 0 quand k →∞,

3. d(xk, x) → 0 quand k → ∞ avec d distance invariante par translationmetrisant la topologie de E.

Notons aussi que (xk)k est de Cauchy dans l’espace metrique (E, d) (avecd invariante par translation metrisant la topologie de E definie par P) estequivalent aux assertions equivalentes suivantes

1. pour tout voisinage U de 0, il existe K tel que xk − xl ∈ U pour toutk, l ≥ K (c’est la definition dans un evt general),

2. pour tout n, et tout ε > 0 il existe K tel que pn(xk−xl) ≤ ε pour toutk, l ≥ K,

3. supk,l≥K d(xk, xl) → 0 quand K →∞.

Exemples Voici quelques exemples a retenir (la completude est danschaque cas aisee a obtenir et donc laissee en exercice au lecteur) :

– C(Ω) muni de la famille p0,Kjj (convergence uniforme sur tout com-

pact) est un espace de Frechet, il en est de meme pour Cm(Ω) pour lafamille pm,Kj

j et de E(Ω) := C∞(Ω) pour la famille pm,Kjm,j.

– Lploc est un espace de Frechet pour la famille de semi-normes f 7→‖f‖Lp(Kj),

– DK(Ω) est un espace de Frechet pour la famille de semi-normes pm,Km.– L’espace de Schwartz S est de Frechet pour la famille de semi-normes

f 7→ supβ∈Nd, |β|≤m

supx∈Rd

(1 + |x|k)|∂βf(x)|.

Exercice 1.5 Montrer que L1loc(Ω) et DK(Ω), munis de leurs topologies usuelles

ne sont pas normables.

Exercice 1.6 Soit (En, pn) une suite decroissantes d’espaces de Banach avecinjections (de En+1 dans En evidemment) continues, montrer que E = ∩nEnmuni de la famille de semi-normes pnn est un espace de Frechet.

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1.2 Bornitude, continuite, suites

Il s’agit dans ce paragraphe de definir quelques notions topologiques debase dans les evt (en fait rappeler puisque ces notions sont deja bien connuesdans le cadre des espaces topologiques quelconques) mais aussi d’introduireleur pendant sequentiel. Il est bien connu que dans les espaces metriques, onpeut developper la topologie indifferemment soit a partir de la topologie as-sociee a la distance, soit a partir de la notion de convergence de suites. Autre-ment dit, dans les espaces metriques, les deux points de vue sont equivalents.Cela n’est malheureusement pas le cas dans les espaces topologiques generaux(et en particulier ni dans les evt, ni dans les evtlcs) et pourtant, il est souventbien utile de manier des notions sequentielles. Nous allons definir ici certainesde ces notions sequentielles en avertissant d’emblee le lecteur qu’en dehors ducas metrisable, il ne faudra pas les confondre avec les notions topologiques.

Definition 1.6 Soit E un evt, (xn)n une suite a valeurs dans E et x ∈ E.On dit que (xn) converge vers x (ou encore que x est limite de la suite (xn)n,ce que l’on notera simplement xn → x) si et seulement si pour tout voisinageU de 0, il existe N tel que (xn − x) ∈ U pour tout n ≥ N .

Evidemment, la definition precedente n’a veritablement d’interet que dansle cas ou E est separe ce qui assure que si (xn)n converge, sa limite estuniquement determinee. Dans le cas d’un evtlc de topologie associee a lafamille de semi-normes P , la definition precedente se traduit simplementpar : ∀p ∈ P , p(xn − x) → 0 quand n→ +∞.

Par definition, un ferme de E est une partie dont le complementaire estouvert. Une partie A de E est dite sequentiellement fermee si pour toute suitea valeurs dans A et convergeant dans E vers une limite x on a x ∈ A. Ondira qu’une partie de E est sequentiellement ouverte si son complementaireest sequentiellement ferme. Il est evident qu’une partie fermee (ouverte) estsequentiellement fermee (ouverte) mais l’inverse n’est en general pas vrai.L’adherence d’une partie est le plus petit ferme contenant cette partie (ouencore l’intersection des fermes contenant cette partie) et une partie de Eest dite dense dans E si son adherence est E tout entier (ou encore si ellerencontre tout ouvert non vide). L’adherence sequentielle d’une partie A deE est l’ensemble des limites de suites a valeurs dans A convergentes dansE. Une partie de E est dite sequentiellement dense dans E si son adherencesequentielle est E entier. Une partie A de E est dite sequentiellement com-pacte si de toute suite a valeurs dans A on peut extraire une sous suiteconvergeant dans A (la notion coıncide avec la compacite usuelle dans le casmetrique mais en general il n’y a pas d’implication entre les deux notions).

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Soit (E1, T1) et (E2, T2) deux espaces topologigues et ϕ : E1 → E2, ϕ estcontinue sur E1 (respectivement continue en x ∈ E1) si ϕ−1(U) ∈ T1 pourtout U ∈ T2 (respectivement ϕ−1(U) est voisinage de x pour tout U voisinagede ϕ(x)). Dans le cas ou E1 et E2 sont deux evtlcs de topologies associeesrespectivement aux familles de semi-normes P1 et P2, la continuite de ϕ en xs’exprime par : pour tout ε > 0 et p2 ∈ P2 il existe δ > 0 et une semi-normecontinue sur E1, p tels que pour tout y ∈ E1 tel que p(x − y) ≤ δ on ap2(ϕ(x) − ϕ(y)) ≤ ε. L’application ϕ : E1 → E2 est dite sequentiellementcontinue en x ∈ E1 si pour toute suite (xn)n convergeant vers x dans E1,la suite (ϕ(xn))n converge vers ϕ(x) dans E2 ; ϕ est dite sequentiellementcontinue sur E1 si elle est sequentiellement continue en chaque point de E1.

Soit (E, T ) un espace topologique et ϕ : E → R ∪ +∞, on rappelleque ϕ est semi-continue inferieurement (sci en abrege) sur E si l’une desconditions equivalentes suivantes est satisfaite :

– pour tout λ ∈ R, l’ensemble x ∈ E : ϕ(x) ≤ λ est ferme dans E,– l’ensemble (epigraphe de ϕ) (x, λ) ∈ E × R : ϕ(x) ≤ λ est ferme

dans E × R,– pour tout x ∈ E et tout ε > 0, il existe U voisinage de x dans E tel

que ϕ(y) ≥ ϕ(x)− ε, pour tout y ∈ U .Enfin, ϕ est dite sequentiellement continue, si pour tout x ∈ E et toute suite(xn)n convergeant vers x dans E on a :

ϕ(x) ≤ lim infn

ϕ(xn).

On verifie facilement que la continuite (la semi-continuite inferieure) impliquela continuite (la semi-continuite inferieure) sequentielle mais la reciproquen’est pas vraie en general, nous aurons l’occasion d’y revenir.

Definition 1.7 Soit E un evt, on dit que la partie B de E est bornee si etseulement si pour tout U voisinage de 0, il existe λ > 0 tel que B ⊂ λU .

Si E est un evtlc de topologie associee a la famille de semi-normes P =pi, i ∈ I, on verifie facilement que la bornitude de B ⊂ E equivaut a l’unedes assertions equivalentes suivantes :

– pour tout p ∈ P , supx∈B p(x) < +∞,– pour tout J ⊂ I, fini, il existe R > 0 tel que B ⊂ BJ(0, R).Dans le cas ou E est un evtlcs metrisable, il ne faut pas confondre la

bornitude au sens precedent et la bornitude au sens d’une distance metrisantla topologie de E (remarquons d’ailleurs que pour la distance construite autheoreme 1.2, E est borne).

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Exercice 1.7 Soit E un evtlcs montrer que E est normable si et seulementsi 0 possede un voisinage (convexe) borne.

Definition 1.8 Soit E un evt et (xn)n une suite a valeurs dans E, on ditque (xn)n est de Cauchy si et seulement si pour tout U voisinage de 0, ilexiste N tel que xk − xl ∈ U pour tout k ≥ N et tout l ≥ N . Un evt est ditcomplet si toute suite de Cauchy de E converge dans E.

Dans le cas ou la topologie de E est definie par la famille de semi-normes P ,dire que (xn)n est de Cauchy se traduit par : pour tout p ∈ P , et tout ε > 0,il existe N tel que p(xk − xl) ≤ ε pour tout k ≥ N et tout l ≥ N .

1.3 Applications lineaires continues

Lemme 1.2 Soit E et F deux evtlc de topologies respectivement definies parles familles de semi-normes P et Q et soit T une application lineaire de Edans F . On a les equivalences :

1. T est continue,

2. T est continue en 0,

3. pour tout q ∈ Q, il existe C ≥ 0, k ∈ N∗ et p1, . . . pk dans P tels que

q(Tx) ≤ C supi=1,...,k

pi(x), ∀x ∈ E.

Preuve:1 et 2. sont clairement equivalents. Supposons 2. et soit q ∈ Q alors il existeU voisinage de 0 tel que q(T (x)) ≤ 1 pour tout x ∈ U . Il existe k ∈ N∗ etp1, . . . pk dans P et ε > 0 tels que la P-boule x ∈ E : pi(x) ≤ ε, i =1, . . . , k soit incluse dans U . Par homogeneite on en deduit facilement l’as-sertion 3. avec C = ε−1. Supposons 3 satisfaite, alors soit x ∈ E et U unvoisinage de T (x) dans F , soit B une Q-boule ouverte de centre T (x) inclusedans U , il decoule de 3. qu’il existe une P-boule ouverte, C de centre x telleque T (y) ∈ B ⊂ U pour tout y ∈ C. 2

Definition 1.9 Soit E et F deux evt et soit T une application lineaire deE dans F . On dit que T est bornee si et seulement si T envoie les partiesbornees de E dans des parties bornees de F .

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On rappelle que si E et F deux evtlc de topologies associee aux famillesde semi-normes P et Q et T est une application lineaire de E dans F , T estsequentiellement continue revient a dire qu’elle est sequentiellement continueen 0 ce qui s’exprime par :

si p(xn) → 0, ∀p ∈ P , alors q(T (xn)) → 0, ∀q ∈ Q.

On a alors :

Lemme 1.3 Soit E et F deux evtlc de topologies associee aux familles desemi-normes P et Q et T est une application lineaire de E dans F , on a lesimplications : T continue ⇒ T sequentiellement continue ⇒ T bornee.

Preuve:Seule la derniere implication est a demontrer. Suposons T sequentiellementcontinue et supposons par l’absurde que T ne soit pas bornee : ∃B borne deE tel que T (B) n’est pas borne. Ceci implique qu’il existe une semi-normeq continue sur F telle que pour tout n ∈ N∗, il existe xn ∈ B verifiantq(T (xn)) ≥ n. Comme B est borne, yn := n−1/2xn tend vers 0 dans E, avecla continuite sequentielle de T , ceci implique que q(T (yn)) tend vers 0 ce quiest contredit par q(T (yn)) ≥ n1/2.

2

En general, les implications precedentes sont strictes, nous verrons plustard des exemples de formes lineaires sequentiellement continues et non conti-nues. Dans L2(0, 1), il est assez facile de voir que la suite fn : t 7→ fn(t) :=sin(2nπt) converge faiblement mais pas fortement vers 0, ce qui montre quel’application identite n’est pas sequentiellement continue de L2 muni de latopologie faible dans L2 muni de sa topologie forte (celle de la norme) etpourtant elle est bornee (utiliser Banach-Steinhaus). Il existe donc des appli-cations lineaires bornees et non sequentiellement continues. Dans le cas ouE est metrisable toutefois, la bornitude est equivalente a la continuite (onlaisse au lecteur le soin de prouver cette assertion).

L’important theoreme de Banach-Steinhaus (aussi souvent appele Prin-ciple of Uniform Boundedness) permet de deduire pour les operateurs lineairesdes estimations uniformes a partir d’estimations ponctuelles :

Theoreme 1.3 (Theoreme de Banach-Steinhaus ou Principle of UniformBoundedness) Soit E un espace de Frechet (de topologie associee a la famillede semi-normes P), F un evtlc (de topologie associee a la famille de semi-normes Q) et (Ti)i∈I une famille d’applications lineaires continues de E dansF tels que

∀q ∈ Q, ∀x ∈ E, supi∈I

q(Ti(x)) < +∞

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alors pour tout q ∈ Q, il existe C ≥ 0, J ∈ N∗ et p1, . . . , pJ ∈ PJ tels que

∀i ∈ I, ∀x ∈ E, q(Ti(x)) ≤ C supj=1,...,J

pj(x).

Preuve:Pour n ∈ N∗, posons

An := x ∈ E : supi∈I

q(Ti(x)) ≤ n.

Comme An est une suite de fermes dont la reunion est E et comme E estde Frechet, il resulte du theoreme de Baire qu’il existe n0 tel que An0 estd’interieur non vide. Il existe donc x0 ∈ E, J ∈ N∗ et p1, . . . , pJ ∈ PJ etr > 0 tels que pour tout y dans la P boule B de centre 0 et de rayon 1 definiepar les semi-normes p1, ..., pJ , on a q(Ti(x0 + ry)) ≤ n0, ∀i ∈ I. On a doncpour tout y ∈ B et tout i ∈ I, q(Ti(y)) ≤ C := r−1(n0 +supi∈I q(Ti(x0))), onconclut par homogeneite.

2

Nous allons maintenant nous interesser plus en detail au cas des formeslineaires continues. Dans ce qui suit etant donne un ev E on notera E∗

son dual algebrique c’est a dire l’ensemble des formes lineaires sur E. Si Eest muni d’une structure d’evt (a fortiori d’evtlc), on notera E ′ son dualtopologique, i.e. l’espace des formes lineaires continues sur E.

Exemple Etant donne un espace metrique compact K, on appelle me-sure de Radon sur K toute forme lineaire continue sur C(K) et l’on noteM(K) l’espace des mesures de Radon sur K (la terminologie sera justifieeau Chapitre 6). Le dual topologique de l’espace de Schwartz S, S ′ est appeleespace des distributions temperees, celui de E(Ω) := C∞(Ω), E ′(Ω) est appeleespace des distributions a support compact.

On rappelle qu’un hyperplan H de E est un sev strict maximal de E, cequi revient a dire que pour tout x /∈ H, E = H ⊕ Rx ou encore qu’il existef ∈ E∗ \0 telle que H = ker(f). On definit de meme les hyperplans affinescomme etant les ensembles de la forme f = α = x ∈ E : f(x) = αpour un certain f ∈ E∗ \ 0 et un certain α ∈ R.

Lemme 1.4 Soit E un evt, f ∈ E∗ \ 0 et α ∈ R alors f est continue si etseulement si l’hyperplan f = α est ferme.

Preuve:Si f est continue l’hyperplan f−1(α) est evidemment ferme. Pour la reciproque,on suppose sans perte de generalite que α = 0 et que l’hyperplan H = ker(f)

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est ferme. Soit x0 tel que f(x0) = 1, il existe un voisinage de 0, U0 tel quex0 + U0 ⊂ f 6= 0, on peut aussi supposer que U0 est equilibre (c’est a direλU0 ⊂ U0 pour λ ∈ [−1, 1]) et donc en particulier symetrique (U0 = −U0).Supposons par l’absurde qu’il existe u0 ∈ U0 tel que f(x0 + u0) < 0, alors ilexisterait λ ∈ (0, 1) tel que f(x0 +λu0) = 0 or x0 +λU0 ∈ x0 +U0 ⊂ f 6= 0ce qui constitue la contradiction recherchee. On a donc x0 + U0 ⊂ f > 0et comme U0 = −U0 on en deduit que |f | ≤ 1 sur U0 de sorte que f estcontinue.

2

Exercice 1.8 Il s’agit ici de montrer un lemme algebrique elementaire maisfort utile. Soit E un ev et f, f1, . . . , fn des elements de E∗. Montrer que∩ni=1 ker(fi) ⊂ ker(f) si et seulement s’il existe λ1, . . . , λn ∈ Rn tels quef =

∑ni=1 λifi.

Une question naturelle est maintenant de savoir de quelle topologie munit-on le dual topologique E ′ d’ un evtlcs E. Nous avons deja vu que dans le casd’un evn, deux choix ”raisonnables” etaient possibles : la topologie forte (celledonnee par la norme duale) et la topologie faible ∗ (donnee par la famille desemi-normes qxx∈E avec qx(f) = |f(x)|). Cela se generalise comme suit auxevt (meme si ici nous nous limiterons aux evtlcs) :

Definition 1.10 Soit E un evtlcs et E ′ son dual. On appelle topologie fortesur E ′, la topologie definie par la famille de semi-normes

qB(f) := supx∈B

|f(x)|, ∀f ∈ E ′ B ⊂ E, B borne.

On appelle topologie faible-∗ sur E ′ et l’on note ∗-σ(E ′, E), la topologie definiepar la famille de semi-normes

qx(f) := |f(x)|, ∀f ∈ E ′, x ∈ E.

On notera que les deux topologies precedemment definies sur E ′ le mu-nissent d’une structure d’evtlcs. En termes sequentiels, on dit qu’une suitefn de E ′ converge fortement vers f dans E ′, ce que l’on note fn → f si etseulement si qB(fn − f) → 0 pour tout borne B de E. On dit qu’une suite(fn)n de E ′ converge faiblement-∗ (ou simplement faiblement s’il n’y a pas

d’ambiguite) vers f , ce que l’on note fn∗ f si et seulement si fn(x) → f(x),

pour tout x ∈ E. Par construction, une base de voisinages de f ∈ E ′ pour latopologie faible-∗ est donnee par les ensembles de la forme :

Vε,x1,...xk:= g ∈ E ′ : |(f − g)(xi)| < ε, i = 1, . . . , k

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avec ε > 0, k ∈ N∗ et x1, . . . , xk ∈ Ek.

On a la caracterisation importante suivante de la topologie faible-∗ surE ′ :

Theoreme 1.4 La topologie faible-∗ sur E ′, ∗-σ(E ′, E) est la topologie lamoins fine sur E ′ rendant continue les applications f ∈ E ′ 7→ f(x) ∈ R,x ∈ E.

La notion de topologie la moins fine rendant continue une famille d’ap-plications et sa construction ont deja ete vus dans le cours de topologie dupremier semestre et nous reviendrons dessus au chapitre 3, on omet donc icila preuve du resultat precedent. On peut bien se demander pourquoi cherchera affaiblir la topologie forte de E ′, c’est a dire considerer une topologie ayantmoins d’ouverts. La reponse est qu’une topologie ayant moins d’ouverts a deschances d’avoir plus de compacts, et, effectivement, on a l’important resultatde compacite suivant :

Theoreme 1.5 (Banach-Alaoglu-Bourbaki) Soit E un evtlcs, U un voisinagede 0 et

K := f ∈ E ′ : |f(x)| ≤ 1, ∀x ∈ U

alors K est compact pour la topologie faible-∗ de E ′.

Preuve:Soit p une semi-norme continue sur E telle que B := p ≤ 1 ⊂ U on a alorsK ⊂ K0 avec

K0 := f ∈ E ′ : |f(x)| ≤ 1, ∀x ∈ B = f ∈ E ′ : |f(x)| ≤ p(x), ∀x ∈ E.

Comme K est clairement ferme dans K0 il nous suffit de montrer que K0 estcompact pour la topologie faible-∗ de E ′. Soit Y = RE = (ωx)x∈E, ωx ∈R, ∀x ∈ E muni de la topologie produit (i.e. la moins fine rendant continuesles projections canoniques) et Φ : E ′ → Y definie par Φ(f) := (f(x))x∈Epour tout f ∈ E ′, Φ est une application lineaire injective, continue de E ′

muni de la topologie faible-∗ vers Y muni de la topologie produit. Montronsmaintenant que Φ−1 : Φ(E ′) → E ′ est continue, pour cela il suffit de montrerque pour tout x ∈ E, ω 7→ Φ−1(ω)(x) est continue sur Φ(E ′), ce qui estevident puisque Φ−1(ω)(x) = ωx. Il nous suffit donc desormais de montrerque Φ(K0) est compact. Or, on a :

Φ(K0) = A1 ∩ A2

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avecA1 := ω ∈ Y : |ωx| ≤ p(x), ∀x ∈ E =

∏x∈E

[−p(x), p(x)],

etA2 := ω ∈ Y : ωx+λy = ωx + λωy, ∀(x, y, λ) ∈ E2 × R.

Il resulte du theoreme de Tychonov que A1 est compact et de la continuitedes projections canoniques que A2 est ferme de sorte que Φ(K0) est compact.2

Ce resultat de compacite explique que sur E ′, on utilisera presque syste-matiquement la topologie faible-∗ et le mode de convergence associe. Dans lecas ou E est sequentiellement separable (i.e. possede une partie denombrablesequentiellement dense), la topologie faible ∗ jouit de bonnes proprietes demetrisabilite :

Proposition 1.1 Soit E un evtlcs sequentiellement separable et p une semi-norme continue sur E, alors la topologie faible-∗ est metrisable sur l’ensemble

K := f ∈ E ′ : |f(x)| ≤ p(x), ∀x ∈ E.

Preuve:Soit xnn dense dans B = p ≤ 1, pour tout f et g dans K, on pose

d(f, g) :=∞∑n=0

1

2n|(f − g)(xn)|

il est facile de voir que d est une distance sur K. Montrons que cette distancemetrise la topologie faible sur K. Soit f ∈ K, r > 0, montrons que la bouleouverte B(f, r) (dans K pour la distance d) est voisinage de f dans K pourla topologie faible-∗. Soit N tel que

∑n≥N 2−n ≤ r/4, et

V = Vr/4,x1,...,xN:= g ∈ E ′ : |(g − f)(xi)| < r/4, i = 1, . . . , N

alors V ∩K est un voisinage de f dans K pour la topologie faible-∗ contenudans B(f, r). Soit maintenant ε > 0, k ∈ N et y1, . . . , yk ∈ Ek et soit

U = Vε,y1,...,yk:= g ∈ E ′ : |(g − f)(yi)| < ε, i = 1, . . . , k

il s’agit de montrer qu’il existe r > 0 tel que B(f, r) ⊂ U ∩ K. Pour i =1, . . . , k soit ni tel que p(yi − xni

) ≤ ε/4 et soit r = mini=1,...,k ε2−ni−1. Pour

g ∈ B(f, r), on a pour tout i = 1, .., k

|(f − g)(yi)| ≤ |(f − g)(xni)|+ 2p(yi − xni

) < 2nir + ε/2 ≤ ε

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et donc B(f, r) ⊂ U ∩K.2

En combinant la proposition 1.1 et le theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki,on obtient le resultat de compacite sequentiel, fort utile en pratique suivant :

Theoreme 1.6 Soit E un evtlcs sequentiellement separable, soit (fn)n unesuite de E ′ telle qu’il existe p une semi-norme continue sur E verifiant|fn(x)| ≤ p(x), ∀n ∈ N et ∀x ∈ E alors (fn)n possede une sous suite conver-gente pour la topologie faible-∗.

Lorsque E est en outre un espace de Frechet (respectivement une limiteinductive d’espaces de Frechet), le theoreme de Banach-Steinhaus (respecti-vement la proposition 1.7) sera fort utile evidemment pour obtenir l’estima-tion requise dans le theoreme precedent.

De meme que l’on a defini la topologie faible-∗ sur E ′, on peut definirla topologie faible sur E comme etant la topologie associee a la famille desemi-normes :

pf (x) := |f(x)|, ∀x ∈ E

avec f ∈ E ′. La topologie faible sur E est notee σ(E,E ′), on deduit duTheoreme de Hahn-Banach qu’elle est separee. Par construction, une base devoisinages de x ∈ E pour la topologie faible est donnee par les ensembles dela forme :

Vε,f1,...fk:= y ∈ E : |fi(x− y)| < ε, i = 1, . . . , k

avec ε > 0, k ∈ N∗ et f1, . . . , fk ∈ (E ′)k. La topologie faible sur E est aussila topologie la moins fine sur E rendant continus les elements de E ′. Entermes sequentiels, on dit que xn converge faiblement dans x, ce que l’onnote xn x si et seulement si f(xn) → f(x) pour tout f ∈ E ′. Sauf dansle cas ou E est un Banach (et en particulier un espace de Banach reflexif),nous utiliserons assez peu cette topologie et ce mode de convergence.

1.4 Limites inductives et topologie de D(Ω)

Soit E un ev, reunion d’une famille d’ev (Ei)i∈I , on suppose que chaqueEi est muni d’une topologie d’evtlc Ti (definie par une famille de semi-normesPi = pijj∈Ji

). La topologie limite inductive des topologies (Ti)i∈I est alorsla topologie T definie par la famille de semi-normes

P := p semi-norme sur E dont la restriction a Ei est continue pour tout i ∈ I.

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Autrement dit, une semi-norme p appartient a P si et seulement si pour touti ∈ I, il existe C ≥ 0, J ⊂ Ji finie telle que

p ≤ C supj∈J

pij sur Ei.

Notons que la caracterisation precedente exprime exactement le fait quetoutes les injections canoniques Ei → E sont continues de (Ei, Ti) vers (E, T ).

On a alors la caracterisation suivante

Theoreme 1.7 La topologie T limite inductive des (Ti)i∈I est la topologied’evtlc sur E la plus fine rendant continues les injections canoniques Ei → E∀i ∈ I.

Preuve:Nous avons deja remarque que T est une topologie d’evtlc qui rend conti-nue les injections canoniques Ei → E, ∀i ∈ I. Soit T ′ une topologie d’evtlcqui rend continue toutes ces injections canoniques et soit P ′ la famille dessemi-normes continues pour la topologie T ′. La continuite des injections ca-noniques implique que P ′ ⊂ P et donc que T est plus fine que T ′.

2

Lemme 1.5 Soit (E, T ) limite inductive des evtlc (Ei, Ti) definie comme ci-dessus, F un evtlc et T lineaire E → F , pour que T soit continue il faut etil suffit que sa restriction T |Ei

soit continue pour Ti, pour tout i ∈ I.

Preuve:Si T est continue alors T |Ei

l’est aussi comme composee de T et de l’injectioncanonique Ei → E. Reciproquement, suposons T |Ei

est continue pour Ti,pour tout i ∈ I. Soit Q une famille de semi-normes definissant la topologiede F et soit q ∈ Q, q T est alors une semi-norme sur E continue sur chaqueEi elle appartient donc a P . La continuite de T en decoule immediatement.2

Lemme 1.6 Soit E un evtlc, F un sev de E, U un ouvert convexe de Fpour la topologie induite par celle de E, il existe C ouvert convexe de E telque U = C ∩ F .

Preuve:On peut supposer sans perte de generalite que 0 ∈ U . Par definition, il existeun ouvert V de E tel que U = V ∩ F , comme E est un evtlc, il existe Wouvert convexe de E contenant 0 tel que W ⊂ V . Posons

C := ∪t∈[0,1](tW + (1− t)U) = ∪t∈]0,1](tW + (1− t)U)

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Le fait que l’on puisse exclure la valeur t = 0 dans la reunion provient dufait que W est absorbant (pour x ∈ U on a x = (1− ε)(1 + ε)x+ ε2x et pourε > 0 assez petit le premier terme est dans (1−ε)U et le second dans εW ) etceci montre que C est ouvert ; C est evidemment convexe. Puisque U ⊂ C,on a U ⊂ C ∩ F . Pour l’inclusion inverse, il suffit de remarquer que pourt ∈ (0, 1], (tW +(1− t)U)∩F = tW ∩F +(1− t)U ⊂ tV ∩F +(1− t)U ⊂ U(car U est convexe).

2

Nous ne rencontrerons en pratique par la suite que le cas d’une topologielimite inductive d’une suite (croissante) d’evtlc (Ek, Tk)k∈N (la topologie Tketant associee a la famille de semi-normes Pk), verifiant en outre les condi-tions suivantes :

– pour tout k, Ek ⊂ Ek+1 et Ek est ferme dans (Ek+1, Tk+1),– Tk = Tk+1|Ek

(c’est a dire que la topologie de Ek est celle induite parcelle de Ek+1 sur Ek).

On munit alorsE := ∪∞k=0Ek

de la topologie T limite inductive des topologies Tk et l’on appellera (E, T )(ou simplement E) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)k (ou (Ek)ksi cela n’engendre pas de confusion). Dans toute la suite de ce paragraphe,nous nous placerons dans ce cadre.

Notons que sous les hypotheses precedentes on verifie immediatement parrecurrence que pour m > k on a Tk = Tm|Ek

. Remarquons aussi Ek est fermedans Em pour tout m > k. En effet, soit x ∈ Em \ Ek, soit l > k tel quex ∈ El \ El−1, comme El−1 est ferme dans El il existe Ul ∈ Tl tel que x ∈ Ulet Ul ∩El−1 = ∅. Comme Tl = Tm|El

, il existe Um ∈ Tm tel que Ul = Um ∩El,on a alors Um ∩Ek = ∅. Il existe donc un voisinage de x dans Em disjoint deEk et donc Ek est ferme dans Em.

Lorsqu’en plus, les inclusions Ek ⊂ Ek+1 sont strictes on dit que (E, T )est limite inductive stricte de la suite (Ek, Tk)k.

Exemple Les espaces Cc(Ω), Cmc (Ω) et D(Ω) = C∞

c (Ω) sont naturelle-ment limites inductives respectives des suites (CKj

(Ω))j, (CmKj

(Ω))j et (DKj(Ω))

ou Kj est une suite exhaustive de compacts. On verifie sans peine que la to-pologie definie par limite inductive definie sur ces espaces ne depend pas dela suite exhaustive de compacts choisie. A partir de maintenant, nous sup-poserons la plupart du temps, sans necessairement le preciser, Cc(Ω), Cm

c (Ω)et D(Ω) munis de ces topologies. Le dual de l’espace Cc(Ω) (muni de sa to-pologie de limite inductive) est appele espace des mesures de Radon sur Ω etnote Mloc(Ω), ainsi une forme lineaire T sur Cc(Ω) est une mesure de Radon

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sur Ω si et seulement si pour tout K ⊂ Ω, compact,

∃ CK ≥ 0 tel que |T (ϕ)| ≤ CK supx∈K |ϕ(x)|, ∀ϕ ∈ Cc(Ω), supp(ϕ) ⊂ K.

Evidemment, on munit Mloc(Ω) de la topologie faible ∗ et de la convergenceassociee : Tn converge vers T si et seulement si Tn(ϕ) → T (ϕ), ∀ϕ ∈ Cc(Ω).

Passons en revue quelques proprietes de base des limites inductives d’unesuite d’evtlc :

Proposition 1.2 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)kdefinie comme precedemment, on a :

1. Si U est un convexe symetrique non vide de E tel que U ∩Ek ∈ Tk pourtout k alors U est voisinage de 0 dans (E, T ),

2. T |Ek= Tk i.e. la topologie induite par celle de E sur Ek coıncide avec

celle de Ek,

3. si chaque (Ek, Tk) est separe, alors (E, T ) l’est aussi,

4. Ek est ferme dans (E, T ) pour tout k.

Preuve:1. Pour tout k, il existe une Pk-boule ouverte centree en 0, Bk telle queBk ⊂ U ∩ Ek. On a donc jU |Ek

≤ jBkde sorte que jU est une semi-norme

continue sur (E, T ). Comme jU < 1 ⊂ U , on a bien que U est voisinagede 0 dans (E, T ).

2. Si U ∈ T alors par continuite de l’injection canonique Jk : Ek → E,U ∩ Ek = J−1

k (U) ∈ Tk de sorte que T |Ek⊂ Tk. Soit maintenant Uk un

voisinage de 0 dans (Ek, Tk), il s’agit de montrer qu’il existe U voisinagede 0 dans (E, T ) tel que Uk = U ∩ Ek. Sans perte de generalite, on peutsupposer en outre que Uk est convexe symetrique et Uk ∈ Tk. En utilisantle fait que Tk = Tk+1|Ek

et par application iteree du lemme 1.6, il existeune suite croissante de convexes (qu’on peut aussi supposer symetriques)(Uk+l)l≥1 telle que chaque Uk+l est ouvert dans Ek+l et Uk = Uk+l ∩ Ek. Onpose alors U := ∪l≥1Uk+l, comme la suite Uk+l est croissante, U est convexe,Uk = U ∩ Ek, enfin U est voisinage de 0 dans E en vertu du point 1 de laproposition.

3. Soit x ∈ E, x 6= 0, il s’agit de montrer qu’il existe U voisinage de 0dans T tel que x /∈ U . Il existe k tel que x ∈ Ek et Uk un ouvert convexesymetrique de (Ek, Tk) tel que x /∈ Uk. Comme dans le point precedent,on construit une suite croissante de convexes symetriques (Uk+l)l≥1 telle quechaque Uk+l est ouvert dans Ek+l et Uk = Uk+l∩Ek et on pose U := ∪l≥1Uk+l.

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Comme precedemment, U est voisinage de 0 dans E et U ∩Ek = Uk de sorteque U ne contient pas x.

4. Soit x ∈ E \ Ek et m > k tel que x ∈ Em, comme Ek est fermedans (Em, Tm) il existe Um ∈ Tm, convexe symetrique tel que (x + Um) ∩Ek = ∅. Comme precedemment, on construit une suite croissante de convexessymetriques (Um+l)l≥1 telle que chaque Um+l est ouvert dans Em+l et Um =Um+l ∩Em et on pose U := ∪l≥1Um+l. Comme dans le point precedent, U estun voisinage precedent, U est un voisinage de 0 dans (E, T ) et (x+U)∩Ek =∅. Ceci montre bien que Ek est ferme dans (E, T ).

2

Theoreme 1.8 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)k,definie comme precedemment, (xn)n une suite de E et x ∈ E, on a alorsles equivalences entre :

1. (xn)n converge vers x dans (E, T ),

2. il existe k tel que x ∈ Ek, xn ∈ Ek pour tout n et (xn)n converge versx dans (Ek, Tk).

Preuve:Supposons que (xn)n converge vers x dans (E, T ) et commencons par montrerqu’il existe k tel que xn ∈ Ek pour tout n (ce qui impliquera en particulierque x ∈ Ek car Ek est ferme donc sequentiellement ferme). Si un tel k n’existepas alors il existerait des sous-suites (nl)l et (kl)l tel que pour tout l ∈ N,xnl

∈ Ekl+1\Ekl

. Comme Eklest ferme, on deduit du theoreme de separation

1.11 (que nous verrons a la section suivante) qu’il existe Tl ∈ E ′ telle queTl ≡ 0 sur Ekl

et Tl(xnl) 6= 0. Pour tout x ∈ E, posons alors

p(x) :=∞∑l=0

l|Tl(x)||Tl(xnl

)|.

En remarquant que la somme precedente est en fait finie sur chaque Ej,on en deduit que p est une semi-norme continue sur chaque Ej et donc surE (autrement dit p ∈ P). En particulier, on devrait avoir que (p(xnl

))l estbornee ce qui est contredit par le fait que par construction

p(xnl) ≥ l, ∀l ∈ N.

On a donc montre qu’il existe k tel que xn ∈ Ek pour tout n et x ∈ Ek.Ceci implique en particulier que (xn)n converge vers x dans T |Ek

et doncdans (Ek, Tk), en vertu du point 1. de la proposition 1.2.

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L’implication 2. ⇒ 1. decoule immediatement du point 1. de la proposi-tion 1.2.

2

En particulier une suite (ϕn)n de D(Ω) converge vers ϕ si et seulement s’ilexiste un compactK de Ω tel que toutes les fonctions ϕn et ϕ soient a supportdans K et ϕn−ϕ ainsi que toutes ses derivees convergent uniformement vers0 sur K.

Lemme 1.7 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)k. Sichaque (Ek, Tk) est sequentiellement separable, alors (E, T ) l’est aussi.

Preuve:Soit Dk denombrable sequentiellement dense dans Ek et D := ∪kDk. Mon-trons que D est sequentiellement dense dans E. Soit x ∈ E et k tel quex ∈ Ek, il existe alors une suite de Dk convergeant dans (Ek, Tk)k vers x etdonc cette suite converge aussi vers x dans (E, T ). 2

Proposition 1.3 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)k.Si chaque (Ek, Tk) est complet, alors (E, T ) l’est aussi.

Preuve:Soit (xn)n une suite de Cauchy de (E, T ). On montre d’abord qu’il existe ktel que xn ∈ Ek pour tout n. Pour cela, on remarque que pour tout p ∈ P ,la suite (p(xn))n est bornee puis on procede par l’absurde exactement de lameme maniere que dans la preuve du Theoreme 1.8. Utilisant a nouveau lefait que T |Ek

= Tk, on en deduit que (xn)n est de Cauchy dans (Ek, Tk) dontla completude permet de conclure.

2

En particulier on a :

Proposition 1.4 D(Ω), muni de sa topologie usuelle (limite inductive destopologies de DKj

(Ω) avec Kj suite exhaustive de compacts de Ω) est complet.

On a vu qu’une limite inductive d’evtlc complets etait encore complete,en particulier, une limite inductive stricte d’espaces de Frechet est complete.Il est naturel de se demander si cette limite inductive est metrisable (donc deFrechet) : pour une limite inductive stricte la reponse est toujours negative :

Proposition 1.5 Une limite inductive stricte d’une suite d’espaces de Frechetn’est jamais metrisable.

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Preuve:Notons E la limite inductive stricte de la suite d’espaces de Frechet (Ek)k.Chaque Ek est ferme dans E et d’interieur vide (sans quoi Ek contiendrait unvoisinage de 0 et ce dernier etant absorbant ceci impliquerait que Ek = E).Puisque E est complet, s’il etait metrisable, il resulterait du Lemme de Baireque E = ∪kEk est lui-meme d’interieur vide, ce qui est absurde.

2

En particulier, D(Ω) muni de sa topologie usuelle (limite inductive strictede la suite d’espaces de Frechet DKj

(Ω) avec Kj suite exhaustive de com-pacts de Ω) n’est pas metrisable. Noter que la preuve precedente fournit desexemples d’espaces topologiques complets et non de Baire et montre que lapropriete ”etre de Baire” ne passe pas a la limite inductive.

On peut etre decu par le caractere non metrisable d’une limite inductivestricte d’espaces de Frechet, neanmoins on a :

Proposition 1.6 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek, Tk)k etsoit T ∈ E∗. Si chaque Ek est metrisable alors T ∈ E ′ si et seulement si Test sequentiellement continue.

Preuve:Si T est sequentiellement continue alors T |Ek

est sequentiellement continuepour tout k et comme Tk est metrisable on en deduit que T |Ek

est continuepour tout k et donc T ∈ E ′ en vertu du lemme 1.5.

2

En particulier, une forme lineaire T sur D(Ω) est continue sur D(Ω) (au-trement dit c’est une distribution c’est a dire un element de D′(Ω)) si etseulement si T est sequentiellement continue.

Indiquons une application immediate mais utile du theoreme de Banach-Steinhaus aux limites inductives d’espaces de Frechet :

Proposition 1.7 Soit (E, T ) limite inductive de la suite d’espaces de Frechet(Ek, Tk)k (de topologie associee a la famille de semi-normes Pk), F un evtlc(de topologie associee a la famille de semi-normes Q) et (Ti)i∈I une familled’applications lineaires continues de E dans F tels que

∀q ∈ Q, ∀x ∈ E, supi∈I

q(Ti(x)) < +∞

alors pour tout q ∈ Q et tout k, il existe C ≥ 0, J ∈ N∗ et p1, . . . , pJ ∈ PJk

tels que∀i ∈ I, ∀x ∈ Ek, q(Ti(x)) ≤ C sup

j=1,...,Jpj(x).

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On notera au passage que sous les hypotheses precedentes

x ∈ E 7→ supi∈I

q(Ti(x))

est une semi-norme continue sur E (puisqu’elle l’est sur chaque Ek).

Exercice 1.9 Montrer que les fermes bornes de DK(Ω) sont sequentiellementcompacts et qu’il en est de meme dans D(Ω) (propriete de Montel).

Exercice 1.10 (E, T ) limite inductive de la suite d’evtlc (Ek)k, montrer queB ⊂ E est borne si et seulement s’il existe k tel que B ⊂ Ek et B est bornedans Ek.

Exercice 1.11 Montrer que D′(Ω) muni de la topologie faible ∗ est complet.

1.5 Theoremes de Hahn-Banach

Avant de prouver le Theoreme de Hahn-Banach sous sa forme analytique,procedons a quelques rappels sur les ensembles ordonnes. Soit A un ensemblenon vide muni d’un ordre (partiel) 4. Un element m de A est dit maximal six ∈ A : m 4 x = m. Une partie B de A est dite totalement ordonneesi pour tout (x, y) ∈ B2 on a x 4 y ou y 4 x ; on dit que m ∈ A est unmajorant de B si et seulement si x 4 m pour tout x ∈ B. Enfin, on dit que Aest inductif si toute partie totalement ordonnee de A admet un majorant. Lelemme de Zorn (que nous admettrons ici, voir [11] pour une demonstrationa partir de l’axiome du choix) s’enonce comme suit.

Lemme 1.8 Tout ensemble ordonne, inductif non vide possede un elementmaximal.

Il va sans dire qu’on peut aussi utiliser le lemme de Zorn sous la formesuivante : tout ensemble ordonne, inductif decroissant (i.e. telle que toutepartie totalement ordonnee de A admet un minorant) non vide possede unelement minimal (c’est a dire un element qui n’a d’autre minorant que lui-meme).

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Theoreme 1.9 (Hahn-Banach, forme analytique) Soit E un R-ev et p :E → R verifiant

p(λx) = λp(x), ∀x ∈ E, ∀λ > 0, p(x+ y) ≤ p(x) + p(y),∀(x, y) ∈ E2.

Soit G un sev de E et g une forme lineaire sur G telle que

g(x) ≤ p(x), ∀x ∈ G

alors il existe un forme lineaire f sur E prolongeant g (f(x) = g(x), ∀x ∈ G)telle que

f(x) ≤ p(x), ∀x ∈ E.

Preuve:Soit A l’ensemble des couples (H, h) avec H sev de E contenant G, h formelineaire sur H prolongeant g et tels que h ≤ p sur H. Evidemment (G, g) ∈ Ace qui en assure la non vacuite. Munissons A de la relation d’ordre 4 :

(H1, h1) 4 (H2, h2) ⇐⇒ H1 ⊂ H2 et h2 prolonge h1.

Si (Hi, hi)i∈I est une partie totalement ordonnee de E alors elle admet pourmajorant

H := ∪i∈IHi, h(x) = hi(x), ∀x ∈ Hi.

Ainsi A est inductif, et possede donc un element maximal (H, h) en vertudu Lemme de Zorn rappele plus haut. Si l’on montre que H = E, la preuvesera achevee. Supposons au contraire que H 6= E, soit alors x0 ∈ E \ H etH0 := H ⊕ Rx0, si l’on arrive a prolonger h en une forme lineaire h0 sur H0

majoree par p, on aura la contradiction souhaitee a la maximalite de (H, h).Tout prolongement h0 de h a H0 est de la forme

h0(x+ tx0) = h(x) + tα, ∀(x, t) ∈ H × R

pour un certain α ∈ R. Si bien que h0 ≤ p sur H0 si et seulement si

h(x) + tα ≤ p(x+ tx0), ∀t ∈ R,∀x ∈ H

ce qui par homogeneite revient a

h(x) + α ≤ p(x+ x0), et h(x)− α ≤ p(x− x0), ∀x ∈ H (1.4)

ou encore

supx∈H

h(x)− p(x− x0) ≤ α ≤ infx∈H

p(y + x0)− h(y). (1.5)

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Or si (x, y) ∈ H2 on a

h(x+ y) = h(x) + h(y) ≤ p(x+ y) ≤ p(x− x0) + p(y + x0)

et doncsupx∈H

h(x)− p(x− x0) ≤ infx∈H

p(y + x0)− h(y)

ainsi on peut choisir α verifiant (1.5), ce qui acheve la preuve.2

On deduit immediatement du Theoreme de Hahn-Banach, quelques conse-quences utiles comme le prolongement de formes lineaires continues dansles evn. Rappelons que si E est un evn, on munit canoniquement son dualtopologique E ′ de le norme duale :

‖f‖E′ := sup|f(x)|, x ∈ E, ‖x‖ ≤ 1

qui fait de E ′ un espace de Banach.

Corollaire 1.1 Soit E un evn, G un sev de E et g ∈ G′, il existe f ∈ E ′,prolongeant g et telle que

‖f‖E′ = ‖g‖G′ .

Preuve:On applique le Theoreme 1.9 avec p(x) := ‖g‖G′‖x‖. 2

Corollaire 1.2 Soit E un evn et x0 ∈ E il existe f ∈ E ′ tel que ‖f‖E′ = 1et f(x0) = ‖x0‖. On a donc pour tout x ∈ E,

‖x‖ = maxf(x), f ∈ E ′, ‖f‖E′ ≤ 1.

Preuve:On applique le corollaire 1.1 avec G = Rx0, g(tx0) = t‖x0‖ pour tout t ∈ Rsi bien que ‖g‖G′ = 1. La deuxieme assertion s’en deduit immediatement.

2

On deduit trivialement de ce corollaire :

Corollaire 1.3 Soit E un evn, la topologie faible σ(E,E ′) est separee.

On s’interesse maintenat aux formes geometriques du theoreme de Hahn-Banach ou theoremes de separation des convexes. Expliquons ce que nousentendons par le terme de ”separation” : on dit que deux parties A et B de

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l’evt E sont separees (au sens large) par l’hyperplan affine ferme H = f =α (avec f ∈ E ′ \ 0) si

f(x) ≤ α, ∀x ∈ A, et f(y) ≥ α ∀y ∈ B

ce qui exprime geometriquement le fait que A et B se situent ”de part etd’autre” de H. On parle de separation stricte si il existe ε > 0 tel que

f(x) ≤ α− ε, ∀x ∈ A, et f(y) ≥ α ∀y ∈ B.

Par la suite on appellera demi-espace ferme tout ensemble de la forme f ≥α = x ∈ E : f(x) ≥ α avec f ∈ E ′ \ 0 et α ∈ R.

On commence par le cas d’un point et d’un convexe ouvert ne contenantpas ce point (et ce, dans le cadre d’un evt general) :

Lemme 1.9 Soit E un evt, C un ouvert convexe non vide et x0 /∈ C alors ilexiste f ∈ E ′ tel que f(x) < f(x0) pour tout x ∈ C. En particulier l’hyperplanf = f(x0) separe x0 et C au sens large.

Preuve:Quitte a effectuer une translation nous pouvons supposer que 0 ∈ C si bienque C est un voisinage ouvert de 0 et nous en notons jC la jauge. PosonsG = Rx0 et g(tx0) = t pour tout t ∈ R. Comme x0 /∈ C, on a jC(x0) ≥ 1 =g(x0) et par homogeneite on a donc jC(tx0) ≥ g(tx0) pour tout t ≥ 0, cettederniere inegalite etant evidemment satisfaite pour les t < 0 ainsi g ≤ jC surG. Par le Theoreme de Hahn-Banach 1.9, il existe f ∈ E∗ telle que f ≤ jC surE et f = g sur G. Si x ∈ C on a alors f(x) ≤ jC(x) < 1 = f(x0). Il ne nousreste donc qu’a montrer que f est continue. Or si x appartient au voisinageouvert de 0, C ∩ (−C) on a f(x) ≤ jC(x) < 1 et f(−x) ≤ jC(−x) < 1 desorte que |f | ≤ 1 sur C ∩ (−C). 2

Theoreme 1.10 (Hahn-Banach, premiere forme geometrique) Soit E, unevt, A et B deux convexes non vides disjoints de E, A etant ouvert alors ilexiste un hyperplan ferme qui separe A et B au sens large.

Preuve:On remarque que A− B est convexe et ouvert car A− B = ∪b∈B(A− b) etque 0 /∈ (A−B). Ainsi il resulte du lemme 1.9 qu’il existe f ∈ E ′ telle que

f(a)− f(b) < f(0) = 0, ∀(a, b) ∈ A×B

Ceci implique que f 6= 0 et

supf(a), a ∈ A ≤ inff(b), b ∈ B

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de sorte que f = α separe A de B au sens large pour tout α compris entreles deux membres de l’inegalite precedente.

2

Pour la separation stricte, on a le theoreme suivant (bien noter la differencedans les hypotheses) :

Theoreme 1.11 (Hahn-Banach, deuxieme forme geometrique) Soit E, unevtlc, A et B deux convexes non vides disjoints de E, A etant compact etB etant ferme alors il existe un hyperplan ferme qui separe A et B au sensstrict.

Preuve:Comme B est ferme et A ⊂ E \ B pour tout a ∈ A, il existe Ua voisinageouvert convexe de 0 tel que (a+Ua)∩B = ∅ et par continuite de (x, y) 7→ x+yen (0, 0), il existe Va voisinage ouvert convexe de 0 tel que Va + Va ⊂ Ua.Puisque A est compact il existe n et a1, ..., an dans A tels que A ⊂ ∪ni=1(ai +Vai

). Soit maintenant V := ∩ni=1Vaiet x ∈ A+ V , alors il existe un i tel que

x ∈ ai + Vai+ V ⊂ ai + Vai

+ Vai⊂ E \ B et donc A + V ∩ B = ∅. Comme

A+V est un ouvert convexe disjoint de B, d’apres le theoreme 1.11, il existef ∈ E ′ \ 0 telle que

f(a) + f(v) ≤ f(b), ∀(a, b, v) ∈ A×B × V.

Comme V est absorbant et f 6= 0 il existe v ∈ V telle que f(v) > 0, ce quiacheve la preuve.

2

Une application immediate nous est fournie par le

Corollaire 1.4 Soit E un evtlc alors tout convexe ferme C de E est l’in-tersection des demi-espaces fermes le contenant. En particulier, tout convexeferme C de E est intersection de demi-espaces fermes.

Preuve:Le cas ou C est vide est evident. Supposons C non vide et appelons C ′

l’intersection des demi-espaces fermes contenant C. S’il existe x ∈ C ′ \C, envertu du theoreme 1.11 (applique au convexe ferme C et au convexe compactx), il existe un demi-espace ferme contenant C et non x ce qui contreditx ∈ C ′.

2

Le theoreme 1.11 peut s’averer tres utile pour montrer qu’un sev estdense :

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Corollaire 1.5 Soit E un evtlc et F un sev de E si F 6= E il existe f ∈E ′ \ 0 telle que f ≡ 0 sur F .

Preuve:Si x ∈ E et x /∈ F , le theoreme 1.11 applique a x et F fournit l’existenced’un f ∈ E ′ \ 0 et d’un α ∈ R tels que f(x) < α ≤ f(y), pour tout y ∈ F ,ceci implique que f ≡ 0 sur F .

2

Ainsi pour montrer qu’un sev F est dense dans E il suffit de montrer quetoute forme lineaire continue sur E nulle sur F est identiquement nulle surE.

Avant d’enoncer et demontrer le theoreme de Krein-Millman comme conse-quence du theoreme 1.11, definissons la notion de point extremal

Definition 1.11 Soit E un ev, C un convexe de E et x ∈ C, on dit que xest un point extremal de C si et seulement s’il verifie :

∀(t, y, z) ∈]0, 1[×C × C, x = ty + (1− t)z ⇒ y = z.

On note ext(C) l’ensemble des points extremaux de C.

Il s’agit d’une notion purement geometrique, on verifie sans peine que lespoints extremaux de la boule euclidienne de Rd forment la sphere, que lespoints extremaux d’un pave de Rd sont ses sommets etc... On notera aussique x est un point extremal de C est equivalent a dire que C\x est convexe.

Proposition 1.8 Soit E un evtlcs et C un convexe compact de E alorsext(C) 6= ∅.

Preuve:Soit A l’ensemble des fermes non vides de C, F tels que pour tout (x, y) ∈C ×C, si ]x, y[∩F 6= ∅ alors ]x, y[⊂ F . Comme C ∈ A, A 6= ∅, par ailleurs, ilest clair que les elements de A sont convexes et que toute intersection non vided’elements de A est encore dans A, enfin dire que x ∈ ext(C) revient a direque x ∈ A. Pour montrer que ext(C) 6= ∅ nous allons montrer (en utilisantle lemme de Zorn) que A admet un element minimal pour l’inclusion et que cedernier est necessairement reduit a un singleton. Montrons d’abord que A estinductif decroissant pour l’inclusion (c’est a dire que toute partie totalementordonnee de A possede un minorant). Soit donc (Fi)i∈I une partie totalementordonnee de A, F := ∩i∈IFi, pour montrer que F est un minorant de (Fi)i∈I ,il nous suffit de montrer que F 6= ∅ mais si F etait vide, par compacite de Cune intersection finie de Fi serait vide, ce qui comme la famille est ordonnee,

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impliquerait que l’un des Fi soit vide contredisant ainsi le fait que chaque Fiest dans A. Le lemme de Zorn permet de conclure a l’existence d’un elementminimal F de A.

Il s’agit maintenant de montrer que F est un singleton, si tel n’etaitpas le cas il existerait x et y distincts dans F . E etant un evtlcs il existe unvoisinage ouvert convexe de y ne contenant pas x et donc, avec le lemme 1.9 ilexiste f ∈ E ′ telle que f(x) < f(y) en particulier f n’est pas constante sur F .Posons α := minF f et G := F ∩f = α (ferme non vide par compacite de Fet continuite de f) comme G est inclus strictement dans F , si nous montronsque G ∈ A, nous aurons la contradiction recherchee a la minimalite de F .Soit donc x et y dans C et t ∈]0, 1[ tels que z = tx + (1 − t)y ∈ G commeG ⊂ F ∈ A, comme F est ferme, x et y apartiennent a F donc en particulierf(x) ≥ α et f(y) ≥ α et comme f(z) = α on en deduit que ces inegalitessont en fait des egalites et donc x et y sont dans G, par convexite de G, onen deduit que G ∈ A.

2

En notant co(A) l’enveloppe convexe fermee d’une partie A de E, i.e. leplus petit convexe ferme contenant A, on a :

Theoreme 1.12 (Krein-Millman) Soit E un evtlcs et C un convexe compactde E alors C = co(ext(C)).

Preuve:Posons C ′ = co(ext(C)), il est clair que C ′ ⊂ C. Pour l’inclusion inverse,supposons par l’absurde qu’il existe x ∈ C \ C ′, en utilisant le Theoreme1.11, il existe f ∈ E ′ tel que

f(x) > maxy∈C′

f(y)

si bien qu’en particulier

α := maxz∈C

f(z) > maxy∈C′

f(y) (1.6)

En appliquant la proposition 1.8, l’ensemble convexe compact Cα = z ∈C : f(z) = α possede au moins un point extremal z dont on verifie facile-ment qu’il est aussi un point extremal de C, ce qui contredit (1.6).

2

Notons que si f est une forme lineaire continue (ou plus generalementune fonction concave sci) sur le convexe compact C alors elle atteint sonminimum en au moins un point extremal de C. Cette remarque est a la basede la programmation lineaire et prend tout son sens lorsque C a peu de points

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extremaux et notamment quand elle en a un nombre fini comme c’est le casdes polyedres convexes, dans ce cas il suffit de determiner et explorer (sipossible intelligemment) l’ensemble des points extremaux de C (algorithmedu simplexe etc...).

Exercice 1.12 Soit E un evn separable (i.e. admettant une famille denombrabledense) montrer qu’il existe une famille denombrable de formes lineaires conti-nues separant les points de E. En deduire une preuve de la proposition 1.8n’utilisant pas le lemme de Zorn.

Exercice 1.13 Soit C un convexe (quelconque) de Rd et x /∈ C, montrerque l’on peut separer au sens large x de C. Trouver un contre-exemple endimension infinie.

Exercice 1.14 (Birkhoff) Soit A ∈Mn(R), on dit que A est bistochastique,si ses coefficients sont positifs et que la somme de ses coefficients sur chaqueligne et chaque colonne est 1. Montrer que les matrices bistochastiques sontles combinaisons convexes des matrices de permutation.

Exercice 1.15 Dans le cas d’un espace de Hilbert, donner une preuve elemen-taire du Theoreme 1.11 a partir du theoreme de projection sur un convexeferme.

Exercice 1.16 Soit l1 := l1(N) muni de sa structure usuelle d’espace deBanach. Montrer que (l1)′ = l∞. Montrer que si une suite converge faible-ment dans l1 alors elle converge fortement (Schur). Montrer que l’applica-tion identite (l1, σ(l1, l∞)) → (l1, ‖.‖l1) est sequentiellement continue maispas continue et conclure.

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Chapitre 2

Introduction a la theorie desdistributions

Une des idees de base de la theorie des distributions est de ne pas voir unefonction f (disons L1

loc(Rd)) ”ponctuellement” mais a partir de son action surdes fonctions-test c’est a dire a travers les quantites∫

Rd

f(x)ϕ(x)dx, ϕ ∈ D(Rd).

Un des interets de ce point de vue est que par dualite-ou transposition-on va en fait faire porter un certain nombre d’operations (la derivation enparticulier) sur les fonctions-test et non sur f a priori trop peu regulierepour que ces operations puissent lui etre licitement directement appliquees.Le choix de D(Rd) comme espace de fonctions-test est assez naturel (maisd’autres peuvent aussi etre judicieux) : on peut deriver licitement autantqu’on veut, integrer autant qu’on veut ces derivees et les termes de borddans les integrations par parties seront nuls. On disposera donc d’un cadretres general dans lequel on pourra deriver ”au sens des distributions” desobjets relativement pathologiques comme des mesures.

Nous verrons dans ce chapitre un certain nombre d’operations naturelles(derivation, multiplication, convolution, transformee de Fourier) sur les dis-tributions et comment elles permettent de resoudre certaines equations auxderivees partielles. Neanmoins, toutes ces operations (et donc les EDP’s quenous verrons dans ce chapitre) sont lineaires et cela est dans la nature deschoses : la theorie des distributions permet-entre autres choses- de donner unsens aux derivees d’une masse de Dirac mais pas a son carre ou son expo-nentielle....

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2.1 Quelques resultats preliminaires

On se propose de regrouper dans ce paragraphe divers resultats classiquesd’approximation (regularisation par convolution, troncature) et d’etablir quelquesformules d’integration par parties qui nous seront utiles par la suite. Danstout ce qui suit, Ω designe un ouvert de Rd et les fonctions en jeu dans cechapitre seront a valeurs dans R ou dans C. On commence par le classiquelemme de densite, vu dans le cours d’Integration :

Lemme 2.1 Cc(Ω) est dense dans L1(Ω).

Pour f ∈ L1(Rd) et g dans L1(Rd) on definit la convolution de f et g par

(f ? g)(x) :=

∫Rd

f(x− y)g(y)dy, ∀x ∈ Rd

on verifie sans peine que f ? g = g ? f , que f ? g ∈ L1(Rd) et que

‖f ? g‖L1 ≤ ‖f‖L1‖g‖L1 .

Il est clair par ailleurs que la definition precedente de f ? g fait sens des quey 7→ f(x − y)g(y) est L1 pour presque tout x, on peut donc en particulierdefinir f ? g pour f ∈ L1 a support compact (i.e. nulle p.p. en dehors d’uncompact) et g ∈ L1

loc. Pour f ∈ L1(Rd) et g ∈ Lp(Rd) on a :

Lemme 2.2 Soit f ∈ L1(Rd) et g ∈ Lp(Rd) (1 ≤ p ≤ ∞) alors pour presquetout x ∈ Rd, y 7→ f(x− y)g(y) est L1, f ? g ∈ Lp(Rd) avec

‖f ? g‖Lp ≤ ‖f‖L1‖g‖Lp .

Preuve:Le resultat est evident pour p = ∞ et p = 1. On supposera donc que p ∈]1,∞[et on note p∗ l’exposant conjugue de p (i.e. p∗ = p/(p−1)). Puisque |g|p ∈ L1,on deduit du cas L1 que pour presque tout x on a y 7→ |f(x−y)|1/p|g(y)| ∈ Lp,comme y 7→ |f(x − y)|1/p∗ est Lp

∗, on deduit de l’inegalite de Holder que

y 7→ |f(x− y)g(y)| est L1 pour presque tout x avec :

|f ? g|(x) ≤∫

Rd

|f(x− y)|1/p∗|f(x− y)|1/p|g(y)|dy ≤ ‖f‖1/p∗

L1 (|f | ? |g|p)1/p (x).

Puisque |f | ? |g|p ∈ L1 avec ‖|f | ? |g|p‖L1 ≤ ‖f‖L1‖g‖pLp , on en deduitimmediatement que f ? g ∈ Lp avec ‖f ? g‖Lp ≤ ‖f‖L1‖g‖Lp . 2

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Exercice 2.1 Montrer que S ? S ⊂ S.

Le support d’une fonction Lp etant par definition le complementaire duplus grand ouvert sur lequel cette fonction s’annule presque partout alors, onverifie facilement que pour f ∈ L1(Rd) et g ∈ Lp(Rd), on a :

supp(f ? g) ⊂ supp(f) + supp(g).

Ainsi, en particulier si f et g sont a support compact, alors f ? g aussi avec

supp(f ? g) ⊂ supp(f) + supp(g).

Soit ρ ∈ C∞(Rd) tel que∫

Rd ρ = 1, ρ ≥ 0 et supp(ρ) ⊂ B(0, 1). Unexemple typique de fonction verifiant ces conditions etant :

ρ(x) =

Ce

1|x|2−1 si |x| < 1

0 sinon.

avec C constante choisie de sorte que∫

Rd ρ = 1. Pour ε > 0, on definit alors ρεpar ρε(x) = ε−dρ(ε−1x), ∀x ∈ Rd. On appelle (ρε)ε > 0 famille regularisante(mollifying en anglais), cette terminologie etant justifiee par le fait que sif ∈ L1, ρε ? f est C∞ (et a support compact si f l’est) avec

∂β(ρε ? f) = (∂βρε) ? f,∀β ∈ Nd.

Lemme 2.3 D(Ω) est dense dans L1(Ω).

Preuve:Soit f ∈ L1 et ε > 0, il existe fε ∈ Cc(Ω) tel que ‖f − fε‖L1 ≤ ε/2. Soit(ρδ)δ une suite regularisante, pour δ < dist(supp(fε,Rd \ Ω)), ρδ ? fε estcorrectement definie et appartient a D(Ω). Il est aise de deduire de l’uniformecontinuite de fε que pour δ assez petit on a ‖ρδ ? fε − fε‖L1 ≤ ε/2 ce quiacheve la preuve. 2

L’approximation de f par ρε ? f s’appelle regularisation par convolutionou par noyau regularisant. Notons que dans certains cas, on peut souhaiterapprocher f non pas par des fonctions de D(Rd) comme precedemment maispar des fonctions analytiques, on peut alors proceder par convolution enconsiderant ρε ? f avec (par exemple) ρε gaussienne centree de variance ε2id.

Il faut retenir le procede de regularisation par convolution qui permetd’approcher des fonctions a support compact par des fonctions C∞ a sup-port compact. Un autre procede important dans les applications est celui de

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troncature qui permet d’approcher une fonction par une fonction a supportcompact. Ce procede consiste a approcher f ∈ L1(Ω) (par exemple) par ηnfavec ηn une fonction plateau (ou cut-off ) c’est-a dire une fonction continuecomprise entre 0 et 1 valant 1 sur Kn et 0 sur Ω \Kn+1 (avec Kn une suiteexhaustive de compacts de Ω). L’existence de telles fonctions-plateau resultedu lemme d’Urysohn et l’on peut bien sur les choisir C∞ par regularisationpar convolution.

Lemme 2.4 (Partition de l’unite) Soit Γ un compact de Rd et U1, . . . Ukun recouvrement ouvert de Γ, il existe des fonctions C∞ a support compactθ1, . . . , θk verifiant supp(θi) ⊂ Ui, 0 ≤ θi ≤ 1, i = 1, . . . , k et

∑ki=1 θi = 1 sur

un voisinage de Γ (on appelle alors θ1, . . . , θk partition de l’unite subordonneeau recouvrement U1, . . . Uk) .

Le lemme precedent est classique et peut se demontrer par recurrence surk, on en laisse la demonstration au lecteur.

Exercice 2.2 Ce qui suit est evident mais il est essentiel de l’avoir en tetepour comprendre les derivees au sens des distributions. Soit ϕ ∈ C1

c (Rd)montrer que ∫

Rd

∇ϕ = 0.

Soit ϕ et ψ sont dans C1(Rd) avec ϕ a support compact montrer que∫Rd

∂iϕ ψ = −∫

Rd

ϕ∂iψ, i = 1, . . . , d.

Soit Ω un ouvert de Rd, et k ∈ N∗, on dira que Ω est un ouvert de classeCk s’il existe Φ ∈ Ck(Rd,R) tel que

Ω = x ∈ Rd : Φ(x) < 0, ∂Ω = x ∈ Rd : Φ(x) = 0 (2.1)

et∇Φ(x) 6= 0, ∀x ∈ ∂Ω. (2.2)

Pour tout x ∈ ∂Ω, on definit alors la normale exterieure a ∂Ω en x par

n(x) :=∇Φ(x)

|Φ(x)|.

La mesure de surface σ sur ∂Ω est alors construite de la maniere suivante.Soit x0 ∈ ∂Ω et ed := n(x0), on identifie l’hyperplan e⊥d a Rd−1 et on note

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x ∈ Rd sous la forme x = (x′, xd) avec xd = x · ed et x′ les coordonneesde la projection orthogonale de x dans une base orthonormee de e⊥d . On aalors ∂dΦ(x0) = ∇Φ(x0) · ed = 1 et donc il resulte du theoreme de l’inversionlocale qu’il existe U un ouvert de Rd contenant x0, Q

′ un ouvert de Rd−1

contenant x′0 et ε > 0 tels que x 7→ (x′,Φ(x)) soit un C1-diffeormorphismede U surQ′×]−ε, ε[. On note l’inverse de ce C1-diffeomorphisme sous la forme(x′, t) ∈ Q′×]− ε, ε[ 7→ (x′, g(x′, t)) et g0(x

′) := g(x′, 0) pour tout x′ ∈ Q′, desorte que l’on a

Φ = t ∩ U = (x′, g(x′, t)), x′ ∈ Q′, ∀t ∈]− ε, ε[ (2.3)

et doncΩ ∩ U = (x′, g(x′, t)), x′ ∈ Q′, t ∈]− ε, 0[. (2.4)

et∂Ω ∩ U = (x′, g0(x

′)), x′ ∈ Q′. (2.5)

Pour f ∈ Cc(U), on pose alors∫∂Ω

f(x)dσ(x) :=

∫Q′f(x′, g0(x

′))√

1 + |∇g0(x′)|2dx′. (2.6)

Pour f ∈ Cc(Rd), on recouvre ∂Ω∩ supp(f) par un nombre fini d’ouverts Ujsur chacun desquels ∂Ω se represente comme un graphe sous la forme (2.3),et on note θj une partition de l’unite subordonnee au recouvrement par lesUj. Comme chaque terme θjf est a support dans Uj, on definit

∫∂Ωθjfdσ de

maniere analogue a (2.6), et on pose enfin∫∂Ω

fdσ =∑j

∫∂Ω

θjfdσ.

A ce stade, le fait que cette definition ne depende pas du choix des Uj, desparametrisations locales gj et de la partition de l’unite n’est pas totalementclair. Cela resulte en particulier du resultat suivant :

Lemme 2.5 (Mesure de surface sur le bord d’un ouvert regulier commederivee d’une integrale de volume) Soit Ω un ouvert de classe C1, Φ et lamesure de surface σ definies comme precedemment et f ∈ Cc(Rd), on aalors ∫

∂Ω

f(x)dσ(x) = limδ→0+

1

δ

∫Ωδ

|∇Φ(x)|f(x)dx

ouΩδ := x ∈ Ω : Φ(x) > −δ.

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Preuve:On peut supposer sans perte de generalite que supp(f) ⊂ U ou U est unouvert tel que U ∩ Φ = t soit de la forme donnee par (2.3) pour toutt ∈]−ε, ε[. Pour δ < ε on a alors Ωδ∩U = (x′, g(x′, t)), x′ ∈ Q′, t ∈]−δ, 0[.En notant que le Jacobien du changement de variables (x′, t) 7→ (x′, g(x′, t))est ∂tg(x

′, t), il vient donc∫Ωδ

|∇Φ(x)|f(x)dx =

∫ 0

−δ

∫Q′|∇Φ(x′, g(x′, t))|f(x′, g(x′, t))|∂tg(x′, t)|dx′dt.

(2.7)Par construction on a Φ(x′, g(x′, t)) = t, pour tout (x′, t) ∈ Q′×] − ε, ε[, enderivant cette relation par rapport a t et a x′ on a en particulier

∂dΦ(x′, g(x′, t))∂tg(x′, t) = 1, ∇x′Φ(x′, g(x′, t)) = −∂dΦ(x′, g(x′, t))∇x′g(x

′, t).(2.8)

On en deduit alors que

|∇Φ(x′, g(x′, t))|2 = |∂dΦ(x′, g(x′, t))|2 + |∇x′Φ(x′, g(x′, t))|2

= |∂dΦ(x′, g(x′, t))|2(1 + |∇x′g(x

′, t)|2)

=1 + |∇x′g(x

′, t)|2

|∂tg(x′, t)|2.

.

En substituant la relation precedente dans (2.7), il vient

1

δ

∫Ωδ

|∇Φ(x)|f(x)dx =1

δ

∫ 0

−δ

∫Q′f(x′, g(x′, t))

√1 + |∇x′g(x′, t)|2dx′dt.

On conclut aisement a partir de l’expression precedente, en utilisant lestheoremes de Fubini et de convergence dominee de Lebesgue. 2

On rappelle que la divergence d’un champ de vecteurs ϕ = (ϕ1, . . . , ϕd) ∈C1(Rd,Rd) est par definition donnee par

div(ϕ(x)) :=d∑i=1

∂xiϕi(x) = tr(Dϕ(x)), ∀x ∈ Rd.

Notons que si ϕ ∈ C1c (Ω,Rd), alors∫

Ω

div(ϕ) = 0.

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Theoreme 2.1 (Formule de Stokes) Soit Ω un ouvert de classe C1 de Rd etϕ ∈ C1

c (Rd,Rd), on a ∫Ω

div(ϕ) =

∫∂Ω

ϕ(x) · n(x)dσ(x)

Preuve:Notons d’abord que si η ∈ C1(Rd,R) et η ≡ 1 sur un voisinage de ∂Ω on a∫

Ω

div(ϕ) =

∫Ω

div(ηϕ) =

∫Ω

η div(ϕ) +∇η · ϕ

car (η − 1)ϕ|Ω est a support compact dans Ω.Soit maintenant pour ε > 0 et δ > 0, ηε,δ = fδ(ε

−1Φ) avec fδ = ρδ/2 ? gδet gδ paire, a support dans [−1, 1], valant 1 sur [−δ, δ] et affine entre δ et 1.On a donc ∫

Ω

div(ϕ) =

∫Ω

ηε,δ div(ϕ) +∇ηε,δ · ϕ.

Le theoreme de convergence dominee implique que le premier terme dans lemembre de droite de l’egalite precedente tend vers 0 quand ε → 0+ (et ceuniformement en δ ∈ [0, δ0], δ0 > 0). Quant au second terme, il se reecritsous la forme :

1

ε

∫Ωε(1+δ/2)

fδ(ε−1Φ)∇Φ · ϕ.

Pour ε > 0 assez petit, il est facile de voir que Φ = −ε ∩ supp(ϕ) est demesure nulle, ainsi, pour un tel ε, en appliquant a nouveau le theoreme deconvergence dominee, la quantite precedente converge quand δ → 0+ vers

1

ε

∫Ωε

∇Φ · ϕ.

En vertu du lemme 2.5, on a enfin

limε→0+

1

ε

∫Ωε

∇Φ · ϕ =

∫∂Ω

∇Φ

|∇Φ|· ϕdσ =

∫∂Ω

ϕ · ndσ

ce qui acheve la preuve.2

Mentionnons maintenant quelques formules d’integration par parties, co-rollaires immediats de la formule de Stokes. Pour u et v dans C1

c (Rd,R), eti = 1, . . . , d, on a d’abord la formule d’integration par parties∫

Ω

u ∂iv = −∫

Ω

∂iu v +

∫∂Ω

uv nidσ. (2.9)

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Pour ϕ ∈ C1c (Rd,Rd) et u ∈ C1

c (Rd,R), en utilisant div(uϕ) = u div(ϕ) +∇u · ϕ, on obtient∫

Ω

u div(ϕ) = −∫

Ω

∇u · ϕ+

∫∂Ω

u ϕ · ndσ. (2.10)

En particulier, lorsque ϕ = ∇v avec v ∈ C2c (Rd,R), et en rappelant que

∆v := div(∇v) et que ∂v/∂n := ∇v · n, on obtient les formules de Green :∫Ω

∇v · ∇u = −∫

Ω

∆v u+

∫∂Ω

u∂v

∂ndσ, (2.11)

et ∫Ω

∆v u =

∫Ω

∆u v +

∫∂Ω

(u∂v

∂n− v

∂u

∂n

)dσ. (2.12)

2.2 Definitions et proprietes premieres des

distributions

Definition 2.1 On appelle distribution sur Ω toute forme lineaire continuesur l’espace des fonctions-test D(Ω) (muni de sa topologie usuelle telle quedefinie au chapitre precedent) et l’on note D′(Ω) l’ensemble des distributionssur Ω.

Pour T forme lineaire sur D(Ω) et ϕ ∈ D(Ω), on notera desormais 〈T, ϕ〉plutot que T (ϕ).

Au risque de nous repeter, rappelons que les resultats du chapitre precedent,impliquent en particulier que si T est une forme lineaire sur D(Ω) on a lesequivalences entre :

– T ∈ D′(Ω) (T est une distribution sur Ω),– pour tout compact K ⊂ Ω il existe m ∈ N et C ≥ 0 tels que

| 〈T, ϕ〉 | ≤ C pm,K(ϕ)

= C sup|∂αϕ(x)|, x ∈ K, α ∈ Nd, |α| ≤ m,∀ϕ ∈ D(Ω) : supp(ϕ) ⊂ K,

– T est sequentiellement continue sur D(Ω) : i.e. si ϕn → ϕ dans D(Ω)(ce qui rappelons le signifie qu’il existe un compact K tel que pour toutn, ϕn et ϕ soient a support dans K et ∂αϕn converge uniformementvers ∂αϕ pour tout α ∈ Nd) alors 〈T, ϕn〉 → 〈T, ϕ〉.

– T est sequentiellement continue en 0,

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– pour tout compact K ⊂ Ω, la restriction de T a DK(Ω) est continue.On munit D′(Ω) de la topologie faible-∗, i.e. de la topologie d’evtlcs as-

sociee a la famille de semi-normes T 7→ | 〈T, ϕ〉 | pour ϕ ∈ D(Ω). On diraqu’une suite (Tn)n de distributions sur Ω converge au sens des distributionsvers T ∈ D′(Ω) (ce que l’on notera simplement Tn → T dans D′(Ω)) si〈Tn, ϕ〉 → 〈T, ϕ〉, ∀ϕ ∈ D(Ω).

ExemplesSoit f ∈ L1

loc(Ω) alors f definit une distribution f via :

〈f, ϕ〉 :=

∫Ω

fϕ,∀ϕ ∈ D(Ω).

Soit a ∈ Ω, on appelle masse de Dirac en a et l’on note δa la distributiondefinie par 〈δa, ϕ〉 := ϕ(a), ∀ϕ ∈ D(Ω). De meme pour α ∈ Nd, ϕ 7→ ∂αϕ(a)est une distribution ; ϕ 7→

∑∞j=0 ϕ

(j)(j) est une distribution sur R... On noteraaussi que si (ρε)ε est une famille regularisante, alors ρε → δ0 quand ε→ 0dans D′(Rd).

(Valeur principale de 1/x) Pour ϕ ∈ D(R),∫|x|>ε

ϕ(x)

xdx

admet une limite quand ε→ 0, que l’on note 〈VP(1/x), ϕ〉 ; VP(1/x) est unedistribution sur R appelee valeur principale de 1/x.

Comme D(Ω) s’injecte continument dans E(Ω) = C∞(Ω), les elements deE ′(Ω) definissent (par restriction a D(Ω)) des distributions sur Ω appelees dis-tribution a support compact (cette terminologie sera justifiee ulterieurement).Rappelons ici qu’une forme lineaire T sur E(Ω) appartient a E ′(Ω) si et seule-ment s’il existe un compact K de Ω, m ∈ N et C ≥ 0 tels que

| 〈T, ϕ〉 | ≤ Cpm,K(ϕ) = C supx∈K

sup|α|≤m

|∂αϕ(x)|, ∀ϕ ∈ E(Ω).

De la meme maniere, les elements de S ′ (dual topologique de l’espace deSchwartz S) sont des distributions sur Rd appelees distributions temperees(cadre naturel comme nous le verrons plus loin pour la transformation deFourier). Par definition meme, une forme lineaire T sur S appartient a S ′ siet seulement s’il existe m et k dans N et C ≥ 0 tels que

| 〈T, ϕ〉 | ≤ C supx∈Rd

sup|α|≤m

(1 + |x|k)|∂αϕ(x)|, ∀ϕ ∈ S.

Par exemple VP(1/x) est une distribution temperee sur R.

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Enfin, pour m ∈ N, les (restrictions a D(Ω) des) elements de (Cmc (Ω))′

sont appelees distributions d’ordre au plus m (les distributions d’ordre 0etant appelees mesures de Radon sur Ω, le terme ”mesure” sera justifie etexplicite au chapitre 6). Une forme lineaire T sur Cm

c (Ω) (muni comme auchapitre 1 de sa topologie, limite inductive des Cm

Kj(Ω)) est continue si pour

tout compact K ⊂ Ω il existe C ≥ 0 telle que

| 〈T, ϕ〉 | ≤ C supx∈K

sup|α|≤m

|∂αϕ(x)|, ∀ϕ ∈ Cmc (Ω) : supp(ϕ) ⊂ K.

Lemme 2.6 Soit (ϕn)n ∈ D(Ω)N, Tn ∈ D′(Ω)N, ϕ ∈ D(Ω) et T ∈ D′(Ω) telsque ϕn → ϕ dans D(Ω) et Tn → T dans D′(Ω) alors 〈Tn, ϕn〉 → 〈T, ϕ〉.

Preuve:On ecrit 〈Tn, ϕn〉−〈T, ϕ〉 = 〈Tn − T, ϕ〉+〈Tn, ϕn − ϕ〉, le premier terme tendvers 0 par convergence de Tn vers T et le second aussi en vertu du Theoremede Banach-Steinhaus (sous la forme de la proposition 1.7). 2

Lemme 2.7 Soit f ∈ L1loc(Ω) alors f = 0 dans D′(Ω) si et seulement si

f = 0 p.p.

Preuve:Supposons f = 0 dans D′(Ω) et soit K un compact de Ω. Soit ε > 0 avecε < d(K,Rd\Ω) et fε := ρε?(χKf/(|f |+ε)). Par le theoreme de convergencedominee de Lebesgue, en passant a la limite dans 〈f, fε〉 = 0 on obtient∫K|f | = 0.2

Definition 2.2 Soit U un ouvert inclus dans Ω, x0 ∈ Ω et T1 et T2 deuxdistributions sur Ω. On dit que T1 = T2 sur U si 〈T1, ϕ〉 = 〈T2, ϕ〉 pour toutϕ ∈ D(Ω) telle que supp(ϕ) ⊂ U . On dit que T1 et T2 sont egales au voisinagede x0 s’il existe un voisinage ouvert de x0 dans Ω sur lequel T1 = T2.

On a alors :

Lemme 2.8 Soit T1 et T2 deux distributions sur Ω. Si T1 et T2 sont egalesau voisinage de tout point de Ω alors T1 = T2.

Preuve:Soit ϕ ∈ D(Ω) et K := supp(ϕ). Il existe alors un nombre fini d’ouvertsU1, ..., Uk de Ω recouvrant K et tels que T1 = T2 sur chacun des Ui. Soit θi

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une partition de l’unite subordonnee au recouvrement de K par les Ui, on aalors

〈T1 − T2, ϕ〉 =k∑i=1

〈T1 − T2, θiϕ〉

et chacun des termes de la somme precedente est nul car θiϕ ∈ D(Ω) etsupp(θiϕ) ⊂ Ui. 2

La reunion de tous les ouverts sur lesquels une distribution est nulle estainsi le plus grand ouvert sur lequel cette distribution est nulle. Le supportd’une distribution est alors defini comme suit

Definition 2.3 (Support d’une distribution) Soit T ∈ D′(Ω) on appelle sup-port de T et l’on note supp(T ) le complementaire dans Ω du plus grand ouvertsur lequel T est nulle. On dit que T est a support compact si son support estcompact.

Exemples Si f ∈ L1loc, suppf est le complementaire du plus grand

ouvert sur lequel f = 0 p.p, supp(δa) = a, sur R, supp(VP(1/x) = R...Le resultat suivant permet d’identifier l’ensemble des distributions a sup-

port compact a E ′(Ω)(= ∪m(Cm(Ω)′)) :

Proposition 2.1 Soit T ∈ E ′(Ω) alors la restriction de T a D(Ω) est unedistribution a support compact. Reciproquement si T est une distribution asupport compact, alors T se prolonge de maniere unique en une forme lineairecontinue sur E(Ω).

Preuve:Si T ∈ E ′(Ω) alors il existe un compact K ⊂ Ω, m ∈ N et C ≥ 0 tels que :

| 〈T, ϕ〉 | ≤ C supx∈K

sup|α|≤m

|∂αϕ(x)|, ∀ϕ ∈ E(Ω)

ce qui implique evidemment que supp(T ) ⊂ K.

Reciproquement, soit T une distribution a support compact supp(T ) :=K. Soit ψ ∈ D(Ω) une fonction plateau valant 1 sur un voisinage de K. Pourϕ ∈ E(Ω), posons alors ⟨

T , ϕ⟩

:= 〈T, ψϕ〉 .

En utilisant la formule de Leibniz, il est facile de voir que T ∈ E ′(Ω) et par

construction, T prolonge T a E(Ω). Pour montrer l’unicite de ce prolonge-ment, il suffit de remarquer que D(Ω) est sequentiellement dense dans E(Ω)(troncature par multiplication par fonction plateau). 2

Passons maintenant a la notion d’ordre d’une distribution :

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Definition 2.4 (Distributions d’ordre fini) Soit T ∈ D′(Ω) et m ∈ N, on ditque T est une distribution d’ordre ≤ m si et seulement si pour tout compactK ⊂ Ω, il existe une constante C telle que

| 〈T, ϕ〉 | ≤ C supx∈K

sup|α|≤m

|∂αϕ(x)|, ∀ϕ ∈ D(Ω) supp(ϕ) ⊂ K.

Il est clair a partir de la definition precedente que T est une distributiond’ordre ≤ m si et seulement si T se prolonge continument a Cm

c (Ω) qu’onidentifie souvent l’espace des distributions d’ordre ≤ m a (Cm

c (Ω))′. Rappe-lons aussi que l’espace des distributions d’ordre 0 (identifie a (C0

c (Ω))′) estl’espace des mesures de Radon sur Ω. Par definition, les distributions d’ordrefini sont les distributions d’ordre ≤ m pour un certain m ∈ N. Enfin, ondit qu’une distribution est d’ordre m si elle est d’ordre ≤ m mais n’est pasd’ordre ≤ m− 1.

On deduit immediatement de la proposition 2.1 le resultat suivant :

Proposition 2.2 Toute distribution a support compact est d’ordre fini.

Exemples Si f ∈ L1loc alors f est d’ordre 0, de meme que δa. Sur R,

VP(1/x) est d’ordre 1, et ϕ 7→∑

j ϕ(j)(j) est d’ordre infini.

Soit ψ ∈ E(Ω), alors l’application ”multiplication par ψ” :

ϕ ∈ D(Ω) 7→ ψϕ

est un endomorphisme continu de D(Ω). On peut donc definir la multiplica-tion d’une distribution et d’une fonction C∞ par transposition comme suit :

Definition 2.5 Soit ψ ∈ E(Ω) et T ∈ D′(Ω) on appelle produit de T et ψ etl’on note ψT la distribution definie par :

〈ψT, ϕ〉 := 〈T, ψϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Ω).

On remarque que pour ψ ∈ E(Ω) et T ∈ D′(Ω) on a supp(ψT ) ⊂supp(ψ) ∩ supp(T ). En considerant une suite de fonction-plateaux ηn etTn = ηnT , il est facile de voir que Tn est une suite de distributions a supportcompact convergeant vers T . Ainsi E ′(Ω) est sequentiellement dense dansD′(Ω).

La derivation des distributions se definit aussi par transposition :

Definition 2.6 (Derivees d’une distribution) Soit T ∈ D′(Ω) et α ∈ Nd ondefinit la distribution ∂αT par :

〈∂αT, ϕ〉 := (−1)|α| 〈T, ∂αϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Ω).

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Il resulte de la definition precedente que si Tn → T dans D′(Ω) alors ∂αT →∂αT dans D′(Ω) pour tout α ∈ Nd. On notera ∂iT les derivees partiellespremieres de T , ∇T = (∂1T, ..., ∂dT ). Notons egalement que si T est d’ordre≤ m alors ∂αT est d’ordre ≤ |α|+m.

L’interet de la definition precedente est evident : il permet de deriver lesdistributions et donc en particulier les fonctions de L1

loc, les mesures etc....Evidemment si T = f avec f ∈ C1(Ω) alors ∂if = ∂if autrement ditles derivees partielles au sens des distributions et au sens classique coıncidentdans ce cas. Il convient de retenir que l’idee dans la definition precedente estde faire porter les derivees sur les fonctions-test (nous retrouverons cette ideequand nous verrons la formulation variationnelle de certains problemes auxlimites). On peut ainsi chercher a resoudre des EDP’s lineaires dans un espacebeaucoup plus gros (et donc dans lequel on a plus de chance d’effectivementtrouver des solutions) que l’espace des fonctions pour lesquelles les deriveesintervenant dans l’equation ont un sens classique.

Exemples Soit H la fonction de Heaviside : H(x) = 0 pour x < 0 etH(x) = 1 pour x ≥ 0, un calcul immediat donne H′ = δ0. De meme laderivee de |x| est la fonction signe.

Exercice 2.3 Montrer que x 7→ log(|x|) est une distribution temperee surR et que sa derivee est VP(1/x). Pour ϕ ∈ D(R) on pose :⟨

PF(1

x2), ϕ

⟩:= lim

ε→0+

∫|x|≥ε

ϕ(x)− ϕ(0)

x2dx

montrer que PF( 1x2 ) est une distribution (appelee partie finie de 1/x2) et que

c’est la derivee de VP( 1x). Donner une formule generale pour la derivee d’une

fonction C1 par morceaux d’une variable.

On remarquera que supp(∂αT ) ⊂ supp(T ) et qu’evidemment le theoremede Schwarz se transpose aux distributions : ∂i(∂jT ) = ∂j(∂jT ). De meme laformule de Leibniz se transpose immediatement au produit ψT avec ψ ∈ E(Ω)et T ∈ D′(Ω) :

∂α(ψT ) =∑β≤α

Cβα∂

α−βψ ∂βT.

On definit alors les espaces de Sobolev (que nous etudierons plus en detailau chapitre 7) de la maniere suivante :

Definition 2.7 Soit p ∈ [1,+∞], on definit l’espace de Sobolev d’ordre 1 :

W 1,p(Ω) := f ∈ Lp(Ω) : ∂if ∈ Lp, ∀i ∈ 1, ..., d

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pour m ∈ N, m ≥ 1, on definit l’espace de Sobolev d’ordre m

Wm,p(Ω) := f ∈ Lp(Ω) : ∂αf ∈ Lp, ∀α : |α| ≤ m.

Exercice 2.4 Soit T ∈ E ′(Ω) une distribution a support compact d’ordre≤ m et ϕ ∈ E(Ω) telle que ∂αϕ = 0 sur supp(T ) pour tout |α| ≤ m. Montrerque 〈T, ϕ〉 = 0.

Exercice 2.5 L’objectif de cet exercice est de montrer que toute distributiona support dans x est combinaison lineaire de δx et ses derivees (utiliserl’exercice precedent et un developpement de Taylor).

2.3 Convolution et regularisation

Dans ce paragraphe, sauf mention explicite du contraire nous nous pla-cerons dans le cas de l’espace Rd tout entier et ce afin de ne pas avoir adiscuter des questions (parfois plus subtiles qu’il n’y parait) des domainesde definition. Pour ϕ ∈ D(Rd) on definit ϕ par ϕ(x) := ϕ(−x) pour toutx ∈ Rd. Pour T ∈ D′(Rd) on definit alors T ∈ D′(Rd) (symetrique de T ) par⟨

T , ϕ⟩

= 〈T, ϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Rd).

Evidemment la definition precedente fait aussi sens sur un ouvert symetriqueΩ. Pour h ∈ Rd et ϕ ∈ D(Rd) on note τhϕ la translatee de ϕ definie parτhϕ(x) := ϕ(x+h), ∀x ∈ Rd. Pour T ∈ D′(Rd) on definit alors la distributiontranslatee τhT ∈ D′(Rd) par

〈τhT, ϕ〉 = 〈T, τ−hϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Rd).

Lemme 2.9 Soit ϕ ∈ E(Rd × RN) telle que tout r > 0 il existe M(r) > 0tel que supp(ϕ(., y)) ⊂ Bd(M(r)) pour tout y ∈ BN(r) et soit T ∈ D′(Rd).L’application y ∈ RN 7→ 〈T, ϕ(., y)〉 est de classe C∞ sur RN et l’on a

∂α(〈T, ϕ(., y)〉) =⟨T, ∂αy ϕ(., y)

⟩, ∀α ∈ NN , ∀y ∈ RN .

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Preuve:Posons pour tout y ∈ RN G(y) := 〈T, ϕ(., y)〉. Soit h ∈ Rd et t ∈ R 6=0, on a alors t−1(G(y + th) − G(y)) = 〈T, t−1(ϕ(., y + th)− ϕ(., y))〉. Onmontre aisement sous les hypotheses precedentes que t−1(ϕ(., y+th)−ϕ(., y))converge dans D(Rd) vers ∇yϕ(., y) · h de sorte que G est Gateaux derivableavec G′(y)(h) = 〈T,∇yϕ(., y) · h〉. Comme y 7→ ∇yϕ(., y) est continue de RN

dans D(Rd), on en deduit que G est de classe C1 et ∇G(y) = 〈T,∇yϕ(., y)〉.En iterant l’argument precedent, on obtient que G est de classe C∞ et

∂αG(y) =⟨T, ∂αy ϕ(., y)

⟩, ∀α ∈ NN , ∀y ∈ RN .

2

Lemme 2.10 (Lemme fondamental du calcul integral) Soit T ∈ D′(Rd),ϕ ∈ D(Rd) et x ∈ Rd, on a :

〈T, τxϕ〉 − 〈T, ϕ〉 =

∫ 1

0

〈T, τtx∇ϕ · x〉 dt.

Preuve:Posons pour tout t ∈ [0, 1] g(t) := 〈T, τtxϕ〉. Soit t ∈ (0, 1) et h 6= 0 telque t + h ∈ (0, 1) on a alors h−1(g(t + h) − g(t)) = 〈T, ψh〉 avec ψh =h−1(τ(t+h)xϕ − τtxϕ) et il est facile de voir que ψh → τtx∇ϕ · x dans D(Rd)quand h → 0 de sorte que g est derivable (et meme de classe C∞) avecg′(t) = 〈T, τtx∇ϕ · x〉. Ainsi

〈T, τxϕ〉 − 〈T, ϕ〉 = g(1)− g(0) =

∫ 1

0

g′(t)dt =

∫ 1

0

〈T, τtx∇ϕ · x〉 dt.

2

On cherche maintenant a definir la convolution d’une distribution et d’unefonction-test et ce, evidemment de maniere a etendre la convolution des fonc-tions telle que definie au debut de ce chapitre. Soit f ∈ L1

loc pour g ∈ D, f ?gest la fonction C∞ definie pour tout x ∈ Rd par :

(f ? g)(x) =

∫Rd

f(y)g(x− y)dy = 〈f, g(x− .)〉 = 〈f, τ−xg〉 , ∀x ∈ Rd.

Une premiere strategie pour definir T ? g (avec T ∈ D′ et g ∈ D) est doncde considerer (T ? g) comme la fonction x 7→ 〈T, τ−xg〉 (qui, en vertu dulemme 2.9 est C∞). Revenant au cas f ∈ L1

loc, on peut aussi considerer f ? g

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comme une distribution c’est a dire a partir de son action sur les fonctions-test ϕ ∈ D :

〈f ? g, ϕ〉 =

∫Rd

ϕ(x)

∫Rd

f(y)g(x− y)dydx

=

∫Rd

f(y)

∫Rd

ϕ(x)g(y − x)dxdy = 〈f, g ? ϕ〉 .

Ce qui suggere une deuxieme strategie pour definir T ? g comme une dis-tribution. Nous verrons un peu plus loin qu’en fait ces deux points de vuecoıncident.

Definition 2.8 Soit T ∈ D′(Rd) et g ∈ D(Rd). On definit la convolee de Tet de g en tant que fonction C∞ (i.e. (T ?1 g) ∈ E(Rd)) par :

(T ?1 g)(x) := 〈T, τ−xg〉 , ∀x ∈ Rd.

On definit la convolee de T et de g en tant que distribution (i.e. (T ?2 g) ∈D′(Rd)) par :

〈(T ?2 g), ϕ〉 := 〈T, g ? ϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Rd).

En posant G := Zd l’ensemble des points de Rd a coordonnees entieres,un exercice standard sur les sommes de Riemann, laisse au lecteur, donne

Lemme 2.11 Soit F ∈ Cc(Rd × Rd), et soit

f(y) :=

∫Rd

F (x, y)dx, fε(y) := εd∑x∈G

F (εx, y), ∀ε > 0, ∀y ∈ Rd

alors fε converge uniformement vers f .

Pour g et ϕ dans D(Rd), on deduit facilement du lemme precedent que

εd∑x∈G

τ−εx g ϕ(εx) → g ? ϕ dans D(Rd) (2.13)

quand ε → 0. Ceci permet de conclure que les deux notions de convolutiondefinies plus haut coıncident :

Lemme 2.12 Soit T ∈ D′(Rd) et g ∈ D(Rd), on a T ?1 g = T ?2 g.

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Preuve:Soit ϕ ∈ D(Rd), on a d’abord

〈T ?1 g, ϕ〉 =

∫Rd

〈T, τ−xg〉ϕ(x)dx = limε→0

εd∑x∈G

〈T, τ−εxg〉ϕ(εx).

Par continuite et linearite de T , on a ensuite en utilisant (2.13) :

limε→0+

⟨T,∑x∈G

εdτ−εxg ϕ(εx)

⟩= 〈T, g ? ϕ〉 = 〈T ?2 g, ϕ〉 .

2

Evidemment par la suite, nous noterons la convolution de T ∈ D′(Rd) etg ∈ D(Rd) simplement sous la forme T ? g.

Lemme 2.13 Soit T ∈ D′(Rd), g ∈ D(Rd) et α ∈ Nd, on a alors

∂α(T ? g) = ∂αT ? g = T ? ∂αg.

Preuve:Soit ϕ ∈ D(Rd), on a

〈∂α(T ? g), ϕ〉 = (−1)|α| 〈T, g ? ∂αϕ〉 = (−1)|α| 〈T, ∂α(g ? ϕ)〉 = 〈∂αT ? g, ϕ〉 .

et donc ∂α(T ? g) = ∂αT ? g. Pour l’autre identite, on remarque que ˇ∂αg =(−1)|α|∂αg et donc

〈∂α(T ? g), ϕ〉 = (−1)|α| 〈T, ∂αg ? ϕ)〉 =⟨T, ˇ∂αg ? ϕ

⟩= 〈T ? ∂αg, ϕ〉 .

2

Lemme 2.14 Soit T ∈ D′(Rd), g ∈ D(Rd) et α ∈ Nd, on a alors

supp(T ? g) ⊂ supp(T ) + supp(g).

Preuve:Soit ω un ouvert inclus dans Rd \ (supp(T ) + supp(g)) et ϕ ∈ D(Rd) avecsupp(ϕ) ⊂ ω ; il s’agit de montrer que 〈T ? g, ϕ〉 = 0. Or 〈T ? g, ϕ〉 =〈T, g ? ϕ〉 et supp(g ?ϕ) ⊂ ω−supp(g) ⊂ Rd\supp(T ) et donc 〈T ? g, ϕ〉 = 0.

2

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Le lemme precedent montre que si S ∈ E ′(Rd) et ϕ ∈ D(Rd) alors S ? g ∈D(Rd) ce qui permet de definir le produit de convolution de deux distributionsdont l’une est a support compact S ∈ E ′(Rd) et T ∈ D′(Rd) par

〈T ? S, ϕ〉 =⟨T, S ? ϕ

⟩, ∀ϕ ∈ D(Rd).

On a alors E ′ ? D′ ⊂ D′ et E ′ ? E ′ ⊂ E ′. Notons aussi que T ? δ0 = T pourtout T ∈ D′(Rd). En utilisant le fait que S ? S ⊂ S et en definissant pourT ∈ S ′ et g ∈ S la convolution de T?g comme precedemment (i.e. 〈T ? g, ϕ〉 =〈T, g ? ϕ〉 , ∀ϕ ∈ D(Rd)) il est facile de voir qu’en fait cette definition coıncideavec la convolution de T et g en tant que fonction ((T ? g(x)) := 〈T, τ−xg〉pour tout x) et que T ? g ∈ S ′ ∩ E . Enfin, pour m ∈Mloc(Rd) et ϕ ∈ Cc(Rd)la convolution de m et ϕ est la fonction continue definie par :

(m ? ϕ)(x) :=

∫Rd

ϕ(x− y)dm(y).

Lemme 2.15 Soit T ∈ D(Rd) et (ρε)ε une famille regularisante alors T ? ρεconverge vers T dans D′(Rd) quand ε→ 0+.

Preuve:Soit ϕ ∈ D(Rd) on a

〈T ? ρε, ϕ〉 = 〈T, ρε ? ϕ〉

et on conclut en utilisant le fait que ρε ? ϕ converge vers ϕ dans D(Rd). 2

Comme T ? ρε ∈ E(Rd), on deduit du lemme precedent que E(Rd) estsequentiellement dense dans D′(Rd). Par des argument classiques de tronca-ture, on en deduit le resultat de densite suivant :

Theoreme 2.2 Soit Ω un ouvert de Rd alors D(Ω) est sequentiellementdense dans D′(Ω).

Preuve:Soit Kn une suite exhaustive de compacts de Ω, ηn ∈ D(Ω) avec supp(ηn) ⊂Kn+1 et ηn ≡ 1 sur Kn et soit ρn une suite regularisante telle qu’en outresupp(ρn) + Kn+1 ⊂ Ω. Soit T ∈ D′(Ω) et Tn := (ηnT ) ? ρn, on a alorsTn ∈ D(Ω) et Tn converge vers T dans D′(Ω) quand n→ +∞. 2

Lemme 2.16 (Lemme de Dubois-Reymond) Soit T ∈ D′(Ω) telle que ∇Tsoit une fonction continue alors T est une fonction de classe C1 et sesderivees premieres au sens des distributions et au sens classique coıncident.

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Preuve:Notons ∇T = G (avec G continue sur Ω). Soit x0 ∈ Ω et r > 0 telsque B(x0, r) ⊂ Ω, soit r0 ∈ (0, r) et ε ∈ (0, r − r0). On peut alors definirTε := ρε?T a la fois comme distribution sur B(x0, r0) (etant entendu que l’onprolonge par 0 en dehors de B(x0, r0) les fonctions-test de D(B(x0, r0))) etcomme fonction C∞ sur B(x0, r0). En particulier sur B(x0, r0), on a ∇Tε =Gε = ρε ? G, de sorte que pour tout x, y dans B(x0, r0), on a :

Tε(y)− Tε(x) =

∫ 1

0

Gε(x+ t(y − x)) · (y − x)dt. (2.14)

Comme r0 + ε < r, et G est bornee sur B(x0, r), on a aussi

supB(x0,r0)

|Gε| ≤ supB(x0,r)

|G| := K < +∞. (2.15)

On deduit de (2.16) et (2.15) que Tε est une famille equilipschitzienne surB(x0, r0). Comme Tε converge dans D′(B(x0, r0)) il est facile d’en deduireque Tε est uniformement bornee sur B(x0, r0) (sans quoi il existerait une soussuite qui convergerait uniformement vers +∞ ou −∞ ce qui est incompatibleavec la convergence des integrales

∫B(x0,r0)

Tεϕ avec ϕ ∈ D(B(x0, r0))). On

deduit donc du theoreme d’Ascoli qu’il existe une suite εn tendant vers 0telle que Tn := Tεn converge uniformement sur B(x0, r0) vers une fonctioncontinue f . On a evidemment 〈f, ϕ〉 = 〈T, ϕ〉 pour tout ϕ ∈ D(Ω) avecsupp(ϕ) ⊂ B(x0, r0) de sorte que T coıncide avec une fonction continue surB(x0, r0). Enfin, en passant a la limite dans (2.16), on obtient que pour toutx, y dans B(x0, r0), on a :

f(y)− f(x) =

∫ 1

0

G(x+ t(y − x)) · (y − x)dt (2.16)

de sorte que f est de classe C1 et ∇f = G sur B(x0, r0). Le resultat chercheetant de nature locale, sa preuve en est achevee.

2

Comme corollaire immediat du resultat precedent, on a :

Lemme 2.17 Soit Ω un ouvert connexe de Rd et T ∈ D′(Ω) telle que ∇T = 0alors il existe une constante C telle que T = C.

Exercice 2.6 Montrer que S ne possede pas d’element neutre pour ?.

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2.4 Transformation de Fourier

Definition 2.9 Soit f ∈ L1 := L1(Rn), la transformee de Fourier de f estla fonction notee f (ou F(f)) definie pour tout ξ ∈ Rd par

F(f)(ξ) = f(ξ) =

∫Rd

e−ix·ξf(x)dx.

Dans la definition precedente, x · ξ est le produit scalaire usuel de x et ξ.On rencontre dans la litterature un certain nombre d’autres definitions de latransformee de Fourier, consistant par exemple a considerer e−2iπx·ξ plutotque e−ix·ξ dans la definition precedente, ou encore a diviser l’expression deF(f) donnee ci-dessus par (2π)d ou (2π)d/2... Il s’agit la d’une affaire deconvention ou de commodite d’ecriture sans grande importance.

En notant C0 = C0(Rd) l’espace des fonctions continues sur Rd tendantvers 0 a l’infini, on a alors :

Lemme 2.18 Pour tout f ∈ L1, on a f ∈ C0 (i.e. f est continue et tendvers 0 a l’infini) et

‖f‖∞ ≤ ‖f‖L1 .

Preuve:La continuite de f decoule immediatement du theoreme de convergence do-minee de Lebesgue et l’estimation uniforme est evidente. Seul le fait que ftend vers 0 a l’infini (c’est le lemme de Riemann-Lebesgue) est reellement ademontrer. Un calcul immediat donne le resultat dans le cas ou f est l’in-dicatrice d’un pave, on conclut le cas general par densite des combinaisonslineaires de telles indicatrices dans Cc puis par densite de Cc dans L1.

2

Notons que pour f ∈ L1, on n’a pas en general f ∈ L1. En effet, si f estl’indicatrice de [−a, a]d, un calcul immediat donne

f(ξ) = 2dΠdj=1

sin(ξja)

ξj

qui n’est pas (Lebesgue) integrable.

Un changement de variable et le theoreme de Fubini impliquent immediatementque si f et g sont dans L1(Rd) on a l’identite :

F(f ? g) = F(f)F(g). (2.17)

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Lemme 2.19 (Derivation et transformee de Fourier) Soit f ∈ L1(Rd) telleque xjf ∈ L1(Rd) alors F(f) admet une derivee partielle par rapport a ξj et

F(xjf) = i∂jF(f).

Soit f ∈ L1(Rd) telle que ∂jf ∈ L1(Rd) alors F(∂jf) = iξjF(f).

Preuve:Le premier point decoule simplement du theoreme de Lebesgue de derivationsous le signe somme. Pour le second point, on raisonne par approximationet on se contente de montrer le resultat pour f ∈ C1

c (Rd), dans ce cas eneffectuant une integration par parties on a

F(∂jf)(ξ) =

∫Rd

e−ix·ξ∂jf(x)dx = iξj

∫Rd

e−ix·ξf(x)dx.

2

Lemme 2.20 (Transformee de Fourier de la gaussienne) Soit θ > 0 etfθ(x) := e−|x|

2/(2θ), ∀x ∈ Rd, alors on a

fθ(ξ) = (2πθ)d/2e−θ|ξ|2

2 , ∀ξ ∈ Rd.

Preuve:Par produit et un argument d’homogeneite, il suffit de demontrer le resultatpour d = 1 et θ = 1, dans ce cas on considere l’equation differentielle ordinairelineaire :

g′(x) + xg(x) = 0, x ∈ R (2.18)

dont les solutions sont de la forme Cf1. En utilisant le lemme 2.19 on a

0 = F(f ′1 + xf1) = i(ξF(f1) + F(f1)′)

ainsi F(f1) resout (2.18) et donc est de la forme Ce−ξ2/2 on conclut en notant

que

C = f1(0) =

∫Rf1 =

∫Re−

x2

2 dx =√

2π.

2

Lemme 2.21 Soit f et g dans L1(Rd), on a∫Rd

eix·ξf(ξ)g(ξ)dξ =

∫Rd

f(ξ)g(x+ ξ)dξ, ∀x ∈ Rd

et donc en particulier∫Rd

f(ξ)g(ξ)dξ =

∫Rd

f(ξ)g(ξ)dξ.

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Preuve:Comme (y, ξ) → g(y)f(ξ) ∈ L1, on appliquant le theoreme de Fubini on a :∫

Rd

eix·ξg(ξ)f(ξ)dξ =

∫Rd

(∫Rd

ei(x−y)·ξg(y)dy

)f(ξ)dξ

=

∫Rd

(∫Rd

ei(x−y)·ξf(ξ)dξ

)g(y)dy

=

∫Rd

f(y − x)g(y)dy =

∫Rd

f(ξ)g(x+ ξ)dξ.

2

Theoreme 2.3 (Inversion de la transformation de Fourier) Soit f ∈ L1(Rd)telle que f ∈ L1(Rd) on a alors

f(x) =1

(2π)d

∫Rd

eix·ξf(ξ)dξ,∀x ∈ Rd

si bien qu’en particulier f ∈ C0(Rd).

Preuve:

Pour ε > 0, soit gε(x) := e−ε2|x|2

2 , avec les lemmes 2.21 et 2.20, on a :∫Rd

eix·ξf(ξ)e−ε2|ξ|2

2 dξ =

∫Rd

gε(ξ)f(x+ ξ)dξ

= (2π)d/2∫

Rd

ε−de−|ξ|2

2ε2 f(x+ ξ)dξ

= (2π)d/2∫

Rd

e−|y|22 f(x+ εy)dy.

Comme f ∈ L1, il decoule du theoreme de convergence dominee de Lebesgueque

limε→0+

∫Rd

eix·ξf(ξ)e−ε2|ξ|2

2 dξ =

∫Rd

eix·ξf(ξ)dξ.

Par ailleurs, il est facile de voir (en procedant par approximation comme aulemme 2.3) que

x 7→∫

Rd

e−|y|22 f(x+ εy)dy

converge dans L1 vers (2π)d/2f quand ε→ 0+, ce qui acheve la preuve. 2

On notera aussi que que la formule d’inversion de la transformee de Fou-rier peut s’ecrire sous la forme

F F(f) = (2π)df , ∀f ∈ L1(Rd) : F(f) ∈ L1.

59

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avec f(x) = f(−x), ∀x ∈ Rd.On rappelle que l’espace de Schwartz est defini par :

S = f ∈ C∞(Rd) : supx∈Rd

(1 + |x|k)|∂βf(x)| <∞,∀k ∈ N,∀β ∈ Nd.

On munit, comme au chapitre 1, S de la famille de semi normes

f 7→ supx∈Rd

(1 + |x|k)|∂βf(x)|, k ∈ N, β ∈ Nd.

Il est facile de voir que les applications suivantes sont des endomorphismescontinus de S :

f 7→ ∂βf (β ∈ Nd), f 7→ xαf (α ∈ Nd),

f 7→ ψf (ψ ∈ S), f 7→ (1 + |x|2)sf (s ∈ R).

Il resulte du lemme 2.19 que la transformee de Fourier d’un element de l’es-pace de Schwartz S est encore dans S et que pour tout f ∈ S et α ∈ Nd ona :

F(xαf) = i|α|∂αF(f), F(∂αf) = i|α|ξαF(f). (2.19)

Autrement dit, F echange la derivation ∂α et la multiplication par ξα. Parailleurs il est facile de voir que F est un automorphisme continu de S et ildecoule du theoreme 2.3 que

F F(f) = (2π)df , ∀f ∈ S.

Proposition 2.3 (Formule de Parseval) Soit f ∈ S et g ∈ L1, alors on a :∫Rd

fg = (2π)−d∫

Rd

f ¯g.

(Formule de Plancherel) En particulier, pour tout f ∈ S on a

‖f‖2L2 = (2π)−d‖f‖2

L2 .

Preuve:En utilisant le lemme 2.21 et la formule d’inversion de la transformee deFourier dans S on a :∫

Rd

fg =

∫Rd

F−1(f)F(g) =1

(2π)d

∫Rd

f(−ξ)ˆg(ξ)dξ =

∫Rd

1

(2π)df(ξ)ˆg(−ξ)dξ

et on conclut en remarquant que ˆg(−ξ) = ¯g(ξ).

60

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2

La formule de Plancherel permet de prolonger la transformee de Fouriera L2. En effet, en notant J l’injection (continue et dense) de S dans L2, on a

‖(J F)(f)‖L2 = (2π)d/2‖f‖L2 , ∀f ∈ S

de sorte que J F est une application lineaire de S munie de la topologietrace de L2 dans L2. Par densite de S dans L2, J F admet un uniqueprolongement lineaire continu a L2, que l’on notera encore F (ou f avecf ∈ L2) et qu’on appelle transformee de Fourier dans L2. Pour f ∈ L2 ∩ L1,F(f) est evidemment defini par

F(f)(ξ) =

∫Rd

e−ix·ξf(x)dx

mais cette formule integrale n’a pas de sens si f est seulement L2, dans cecas F(f) est la limite dans L2 de F(fn) avec (fn) suite de S convergeantdans L2 vers f . Par prolongement/densite, on obtient immediatement que latransformee de Fourier dans L2 herite des proprietes suivantes :

Proposition 2.4 F est un automorphisme bicontinu de L2 et l’on a la for-mule d’inversion :

F F(f) = (2π)df , ∀f ∈ L2(Rd)

Pour tous f et g dans L2 on a

〈f, g〉L2 = (2π)−d 〈F(f),F(g)〉L2 (avec 〈f, g〉L2 =∫

Rd fg)

et donc en particulier

‖f‖L2 = (2π)−d/2‖F(f)‖L2 .

Notons qu’il peut parfois etre utile d’ecrire la formule d’inversion de la trans-formee de Fourier sous la forme plus explicite :

F−1(f) = (2π)−dF(f).

Nous avons vu que la transformee de Fourier est un automorphisme bicon-tinu de S, la transformee de Fourier sur S ′ est donc definie par transpositioncomme suit :

61

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Definition 2.10 Soit T ∈ S ′ on appelle transformee de Fourier et l’on noteF(T ) ou T la distribution temperee definie par

〈F(T ), ϕ〉 = 〈T,F(ϕ)〉 , ∀ϕ ∈ S.

On verifie sans peine les proprietes suivantes de la transformee de Fourierdans S ′ :

Proposition 2.5 F est un automorphisme (faiblement) bicontinu de S ′ etl’on a la formule d’inversion :

F F(T ) = (2π)dT , ∀T ∈ S ′

(avec⟨T , ϕ

⟩:= 〈T, ϕ〉, ∀ϕ ∈ S). Pour tout T ∈ S ′ et α ∈ Nd, on a :

F(xαT ) = i|α|∂αF(T ), F(∂αT ) = i|α|ξαF(T ).

Evidemment si T ∈ L1 les transformees de Fourier dans L1 et dans S ′coıncident. Plus generalement si T est une mesure bornee, sa transformeede Fourier est definie par

T (ξ) :=

∫Rd

e−ix·ξdT (x),∀ξ ∈ Rd

et l’on verifie sans peine que T ∈ Cb(Rd) et que pour T mesure bornee, ladefinition precedente coıncide avec F(T ) au sens de S ′. Un calcul immediatdonne en particulier δ0 = 1 ce qui montre que la transformee de Fourier d’unemesure n’est generalement pas dans C0(Rd).

Nous avons vu que le fait que la transformee de Fourier d’une fonctionpossede des moments finis se traduit en terme de derivabilite. On peut donc(dans un cadre L2) definir des derivees fractionnaires par transformee deFourier, c’est ce qui motive la definition suivante. Pour tout s ∈ R, on definitl’espace de Sobolev Hs = Hs(Rd) par

Hs := u ∈ S ′ : (1 + |ξ|2)s/2u ∈ L2

on verifie sans peine que Hs est un espace de Hilbert separable muni duproduit scalaire

〈u, v〉Hs :=

∫Rd

u(ξ)v(ξ))(1 + |ξ|2

)sdξ

62

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et la norme associee

‖u‖Hs := ‖(1 + |ξ|2)s/2u‖L2 =

[∫Rd

|u(ξ)|2(1 + |ξ|2

)sdξ

]1/2

.

On a evidemment que H0 = L2 et pour s ∈ N on verifie sans peine que Hs

defini precedemment coıncide avec l’espace de Sobolev W s,2

Hs = W s,2 = f ∈ L2 : ∂αf ∈ L2, ∀α : |α| ≤ s.

Pour (s, t) ∈ R2 on definit

(I −∆)t/2 : Hs+t → Hs

T 7→ F−1((1 + |ξ|2)t/2T )

Pour T ∈ Hs+t on a alors par definition :

‖(I −∆)t/2T‖Hs = ‖(1 + |ξ|2)(s+t)/2T‖L2 = ‖T‖Hs+t

de sorte que (I−∆)t/2 est une isometrie lineaire de Hs+t dans Hs pour tout s(et donc en particulier de H t sur L2). On verifie immediatement que l’inversede (I −∆)s/2 est (I −∆)−s/2.

Exercice 2.7 Montrer que pour s > d/2, Hs ⊂ C0(Rd) avec injection conti-nue.

Exercice 2.8 Montrer que δ0 ∈ Hs des que s < −d/2. Montrer que l’injec-tion de Hs dans S ′ est continue et dense. Soit s1 ≥ s2 montrer que l’injectionde Hs1 dans Hs2 est continue.

Exercice 2.9 Montrer que si u ∈ Hs et f ∈ S alors uf ∈ Hs. Montrer quesi u ∈ Hs alors ∂αu ∈ Hs−|α|. Montrer que E ′ ⊂ ∪sHs et ∩sHs ⊂ E.

Exercice 2.10 Soit m ∈ N∗ montrer que T ∈ H−m si et seulement T =∑|α|≤m ∂

αTα pour des Tα dans L2.

63

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2.5 Solution fondamentale du Laplacien

L’objet de ce paragraphe est de montrer comment ce que nous avons vudans ce chapitre (convolution et transformee de Fourier notamment) permetde resoudre quelques EDP’s lineaires ”modele”.

Theoreme 2.4 Soit d un entier d ≥ 3 et

f(x) :=1

|x|d−2,∀x ∈ Rd,

alors on a−∆f = (d− 2)sdδ0 dans D′(Rd)

avec sd la mesure superficielle de la sphere unite Sd−1 (sd = d|ωd| avec ωd lamesure de Lebesgue de la boule unite). Pour d = 2, soit

g(x) := ln(|x|), ∀x ∈ R2

alors on a−∆g = 2πδ0 dans D′(R2).

Preuve:On se contentera ici de demontrer le cas d ≥ 3, le cas d = 2 etant similaire.Pour x 6= 0 on a, ∂i|x| = xi/|x| et donc ∂if(x) = (2 − d)|x|−dxi, ∂2

iif(x) =(2− d)|x|−d − d(2− d)|x|−d−2x2

i , de sorte que

∆f(x) = d(2− d)|x|−d − d(2− d)|x|−d−2|x|2 = 0, ∀x ∈ Rd \ 0. (2.20)

Comme f ∈ L1loc, on a pour ϕ ∈ D(Rd),

〈−∆f, ϕ〉 = −∫

Rd

∆ϕf = limε→0+

∫|x|>ε

−∆ϕf

comme f est C∞ sur Rd \ Bε, en utilisant la formule de Green et (2.20), ona :

−∫|x|>ε

∆ϕf =

∫|x|=ε

(ϕ∂f

∂n− f

∂ϕ

∂n

)dσ =

∫|x|=ε

(ϕ(d− 2)ε1−d − ε2−d∂ϕ

∂n

)dσ.

On conclut en remarquant que

limε→0+

ε1−d∫|x|=ε

ϕdσ = sdϕ(0),

∫|x|=ε

∂ϕ

∂ndσ = O(εd−1).

64

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2

Le Theoreme precedent nous ayant fourni la solution fondamentale dulaplacien :

g2(x) =1

2πln(|y|), gd(y) =

1

(d− 2)sd|y|d−2, d ≥ 3,

nous pouvons en deduire qu’une solution au sens des distributions de l’equation

−∆u = f, dans D′(Rd)

avec f ∈ E ′ est donnee par convolution avec la solution fondamentale, c’est adire u = gd?f . En effet, ∆(gd?f) = (∆gd)?f = δ0?f = f . Notons que l’on n’apas unicite de la solution au sens des distributions pour l’equation precedente(ajouter a u determinee precedemment une fonction harmonique quelconque).Si f a davantage de regularite, par exemple f ∈ S, alors u ∈ L1 ∩ E et on ala formule explicite :

u(x) =1

∫R2

ln(|x− y|)f(y)dy

en dimension 2 et

u(x) =1

(d− 2)sd

∫Rd

1

|x− y|d−2f(y)dy

en dimension superieure.

Considerons maintenant l’EDP lineaire :

−∆u+ u = f

avec f ∈ S et dont on cherche une solution dans S. En prenant la transformeede Fourier de cette equation on obtient une equation algebrique en u :

(1 + |ξ|2)u = f

dont la solution est evidemment donnee par u = F−1((1 + |ξ|2)−1f). Notonsque l’on a u ∈ S et donc on a bien u ∈ S. Pour calculer effectivement u, onutilise le fait que (1 + |ξ|2)−1 ∈ S ′ et l’identite

F−1(gh) = F−1(g) ? F−1(h),∀g ∈ S, ∀h ∈ S ′

de sorte qu’en definissant B (noyau de Bessel) par :

B := F−1((1 + |ξ|2)−1

)= (2π)−dF

((1 + |ξ|2)−1

)65

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on au = B ? f.

Pour clore ce chapitre, indiquons formellement comment les notions vuesdans ce chapitre permettent egalement de resoudre certaines equations d’evolutionlineaires standard (mais importantes) comme l’equation de la chaleur. Nousnous bornerons ici au cas de l’equation de la chaleur et a une description heu-ristique pour ne pas avoir a introduire le cadre fonctionnel rigoureux maisun peu lourd permettant de traiter la variable temporelle. Le probleme deCauchy pour l’equation de la chaleur homogene s’ecrit

∂tu−∆u = 0u(0, .) = u0,

avec une condition initiale u0 ∈ L2. En prenant la transformee de Fourier decette equation par rapport a la seule variable spatiale on obtient une equationdifferentielle ordinaire pour t 7→ u(t, ξ) :

∂tu = −|ξ|2u

et doncu(t, ξ) = u(0, ξ)e−t|ξ|

2

de sorte que

u(t, x) = (Gt ? u0)(x) =

∫Rd

Gt(x− y)u0(y)dy avec Gt = F−1(e−t|ξ|2).

On a l’expression explicite suivante pour Gt (noyau de la chaleur) :

Gt(x) =1

(2π)d

∫Rd

eix·ξe−t|ξ|2

dξ =1

(4πt)d/2e−

|x|24t

d’ou la formule de representation pour la solution de l’equation de la chaleur :

u(t, x) =1

(4πt)d/2

∫Rd

e−|x−y|2

4t u0(y)dy.

Le fait que le noyau de la chaleur soit la densite d’une gaussienne centree devariance t ne doit rien au hasard etant donne le lien tres etroit entre cetteequation (et plus generalement les equations paraboliques) et le mouvementBrownien (et plus generalement les processus de diffusion).

66

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Chapitre 3

Espaces de Banach ettopologies faibles

3.1 Topologie faible

Soit E un espace de Banach et E ′ son dual topologique, muni de sa normeduale. La topologie faible sur E est alors definie de la maniere suivante :

Definition 3.1 La topologie faible sur E, notee σ(E,E ′) est la topologie lamoins fine (i.e. ayant le moins d’ouverts) rendant continus les elements deE ′.

La topologie faible sur E, σ(E,E ′), est donc un cas particulier de topolo-gie la moins fine rendant continues une famille d’applications definies sur E avaleurs reelles. La construction de telles topologies a deja ete vue dans le coursde topologie. Rappelons-en simplement les grandes lignes. Il est clair que latopologie σ(E,E ′) est la topologie la moins fine contenant (ou encore la to-pologie engendree par) la famille Λ := f−1(ω), f ∈ E ′, ω ouvert de R. Latopologie engendree par cette famille est formee par les reunions quelconquesd’intersections finies d’elements de Λ. Pour montrer que cette nouvelle fa-mille est effectivement une topologie (et donc la moins fine contenant Λ), ilsuffit de montrer qu’elle est stable par intersection finie, ce qui resulte de :⋂

k=1,2

(⋃i∈Ik

⋂j∈Jk

Oij

)=

⋃(i1,i2)∈I1×I2

(⋂j∈J1

Oi1j

⋂j∈J2

Oi2j

)

Lemme 3.1 Soit X un espace topologique et ϕ une application de X versE, alors ϕ est continue pour la topologie σ(E,E ′) si et seulement si pour toutf ∈ E ′, f ϕ est continue sur X.

67

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Preuve:Si ϕ est continue de X dans (E, σ(E,E ′)) comme par definition tout f ∈ E ′

est continue pour (E, σ(E,E ′)) alors par composition pour tout f ∈ E ′, f ϕest continue sur X. Reciproquement, supposons que f ϕ soit continue surX pour tout f ∈ E ′, il s’agit de montrer que ϕ est continue de X dans(E, σ(E,E ′)). Pour cela, il s’agit de montrer que ϕ−1(U) est un ouvert de Xpour tout ouvert U pour σ(E,E ′). Or nous savons que U est de la forme :

U =⋃j∈J

⋂i∈Ij

f−1i (ωi)

ou chaque Ij est fini, fi ∈ E ′ et ωi est un ouvert de R. On a alors

ϕ−1(U) =⋃j∈J

⋂i∈Ij

(fi ϕ)−1(ωi)

qui est bien ouvert puisque chaque fi ϕ est continue.2

Lemme 3.2 Soit x ∈ E, un systeme fondamental de voisinages de x ∈ Epour la topologie faible σ(E,E ′) est donne par les ensembles de la forme :

Vε,f1,...fk:= y ∈ E : |fi(x− y)| < ε, i = 1, . . . , k

avec ε > 0, k ∈ N∗ et f1, . . . , fk ∈ (E ′)k.

Preuve:Par definition de la topologie σ(E,E ′), Vε,f1,...fk

est un ouvert de la topologiefaible contenant x. Soit maintenant U un voisinage de x pour σ(E,E ′), ilexiste alors un ensemble fini I, des formes lineaires continues (fi)i∈I et desouverts de R, (ωi)i∈I tels que fi(x) ∈ ωi et ∩i∈If−1

i (ωi) ⊂ U . On choisit alorsε > 0 suffisamment petit pour que (fi(x)− ε, fi(x) + ε) ⊂ ωi pour tout i ∈ Ide sorte que V := y ∈ E : |fi(x− y)| < ε, ∀i ∈ I ⊂ U .

2

La topologie σ(E,E ′) est ainsi une topologie d’evtlc puisqu’elle peut demaniere equivalente etre definie par la famille de semi-normes pf , f ∈ E ′avec pf (x) := |f(x)| pour tout (x, f) ∈ E × E ′. Nous avons deja vu auchapitre 1 qu’il resulte du theoreme de Hahn-Banach que :

Lemme 3.3 La topologie σ(E,E ′) est separee.

68

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Par definition meme tout ouvert pour la topologie faible est ouvert pourla topologie forte et l’on verifie sans peine que les deux topologies coıncidentlorsque E est de dimension finie (pour s’en convaincre, il suffit de considererla base duale d’une base de E). Lorsque E est de dimension infinie, les deuxtopologies sont distinctes et il existe toujours des fermes ”fort” (i.e. pour latopologie de la norme) qui ne sont pas fermes faibles (i.e. pour σ(E,E ′)).En effet, supposons E de dimension infinie et definissons S := x ∈ E :‖x‖ = 1 la sphere unite de E, alors S n’est pas faiblement fermee est plusprecisement l’adherence de S pour σ(E,E ′) contient la boule fermee BE

toute entiere. En effet soit x0 ∈ E avec ‖x0‖ < 1 et soit V un voisinagede x0 pour σ(E,E ′), on peut sans perte de generalite supposer que V estde la forme V = y ∈ E : |fi(y − x0)| < ε, i = 1, ..., k pour un certainε > 0 et une famille finie d’elements de E ′, f1, ...., fk. Comme E est dedimension infinie il existe y0 ∈ E, y0 6= 0 tel que fi(y0) = 0 pour i = 1, ..., k(faute de quoi E s’injecterait dans Rk). On peut alors choisir t ∈ R tel quex0 + ty0 ∈ S comme x0 + ty0 ∈ V on en deduit bien que x0 est adherent aS pour σ(E,E ′). En dimension infinie, il convient de retenir de l’argumentprecedent que les parties d’interieur non vides pour σ(E,E ′) ” contiennenttoujours un sous-espace affine (de dimension infinie !) de E, et donc sont nonbornees. En particulier tout borne de E est d’interieur vide pour σ(E,E ′).

Pour A ⊂ E, on notera Aσ(E,E′)

l’adherence de A pour la topologie faible etA son adherence pour la topologie forte, comme les fermes faibles sont fermes

forts on a toujours A ⊂ Aσ(E,E′)

, l’inclusion etant en generale stricte. Pourles sous-ensembles convexes toutefois on a le resultat suivant :

Proposition 3.1 Soit C un convexe ferme de E alors C est faiblementferme.

Preuve:Soit x ∈ E \C il s’agit de montrer que E \C est voisinage de x pour σ(E,E ′)or il resulte du theoreme de Hahn-Banach 1.11 qu’il existe f ∈ E ′ et ε > 0tels que le voisinage de x pour σ(E,E ′), V := y ∈ E : |f(x) − f(y)| < εne rencontre pas C.

2

Par la suite nous dirons qu’une suite (xn) de E converge faiblement versx ∈ E (ou au sens de σ(E,E ′)), ce que nous noterons xn x lorsque f(xn) →f(x) pour tout f ∈ E ′. Passons en revue quelques proprietes elementaires dela convergence faible :

– si (xn) converge faiblement sa limite faible est unique,– si xn → x alors xn x

69

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– toute suite faiblement convergente de E est bornee (consequence immediatedu theoreme de Banach-Steinhaus),

– si xn x alors ‖x‖ ≤ lim infn ‖xn‖ (utiliser le fait que ‖x‖ = supf(x), f ∈E ′, ‖f‖E′ ≤ 1),

– si xn x et si fn → f dans E ′ alors fn(xn) → f(x).On se persuade aisement que la convergence faible n’entraine en general

pas la convergence forte (sauf en dimension finie et dans quelques cas ”patho-logiques” comme celui de l1). On a cependant comme premiere consequencede la proposition 3.1 :

Lemme 3.4 (Lemme de Mazur) Soit (xn) une suite convergeant faiblementvers x dans E alors il existe une suite (yn) avec chaque yn combinaisonconvexe des xk, k ≥ n convergeant fortement vers x dans E.

Preuve:Posons Cn := co(xk, k ≥ n) comme xn x on a x ∈ Cn

σ(E,E′)pour tout

n. Comme Cn est convexe, il decoule facilement de la proposition 3.1 que l’on

a Cnσ(E,E′)

= Cn et donc x ∈ Cn il existe donc yn ∈ Cn tel que ‖x−yn‖ ≤ 1/nce qui acheve la preuve. 2

Une autre consequence de la proposition 3.1 est donnee par :

Proposition 3.2 Soit f : E → R∪+∞ une fonction convexe s.c.i pour latopologie forte de E alors f est s.c.i. pour σ(E,E ′). En particulier, si xn xalors

f(x) ≤ lim inf f(xn).

Preuve:Il suffit de remarquer que les sous-niveaux de f (i.e. f ≤ λ, λ ∈ R) sontconvexes fermes donc faiblement fermes. Le deuxieme point resulte du faitque la semi-continuite inferieure faible implique la semi-continuite inferieurefaible sequentielle.

2

Si E est un espace de Banach de dimension infinie, la topologie faibleσ(E,E ′) n’est jamais metrisable. C’est l’objet de l’exercice suivant :

Exercice 3.1 Soit E un espace de Banach de dimension infinie dont on sup-pose que la topologie faible σ(E,E ′) est metrisable par la distance d. Montrerqu’il existe alors une suite xn telle que ‖xn‖ → +∞ et xn 0 et conclure.

70

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Exercice 3.2 Soit E un espace de Banach de dimension infinie, montrerque toute base algebrique de E est non denombrable (utiliser le theoreme deBaire). Supposons maintenant que σ(E,E ′) soit metrisable montrer que ceciimplique l’existence d’une famille au plus denombrable de E ′ engendrant E ′.Conclure.

Exercice 3.3 Soit E un espace de Banach, (xn) ∈ EN et x ∈ E tels quexn x. Montrer que pour tout n, il existe zn ∈ co(xk, k ≤ n) tel que zn →x (on pourra raisonner par l’absurde et utiliser un argument de separation).

Exercice 3.4 Soit E un espace de Banach, (xn) ∈ EN et x ∈ E tels quexn x. Pour tout n ≥ 1 on pose zn := n−1(

∑ni=1 xi), montrer que zn x.

Proposition 3.3 Soit E et F deux espaces de Banach et T une applicationlineaire de E dans F . Alors T est continue de E (fort) dans F (fort) si etseulement si elle est continue de (E, σ(E,E ′)) dans (F, σ(F, F ′)).

Preuve:Supposons d’abord T continue de E fort dans F fort. Pour tout f ∈ F ′, f Tappartient a E ′ et donc est continue pour σ(E,E ′), on en deduit que T estcontinue de (E, σ(E,E ′)) dans (F, σ(F, F ′)) grace au lemme 3.1.

Supposons maintenant que T est continue de (E, σ(E,E ′)) dans (F, σ(F, F ′))alors son graphe est ferme pour σ(E × F,E ′ × F ′) et donc aussi fortementferme dans E × F . Comme E et F sont de Banach, grace au theoreme dugraphe ferme (voir chapitre 4) on en deduit bien que T est continue de Efort dans F fort. 2

3.2 Topologie faible-∗La topologie faible-∗ sur E ′, est definie comme suit :

Definition 3.2 La topologie faible-∗ sur E ′, notee σ(E ′, E) est la topologiela moins fine (i.e. ayant le moins d’ouverts) rendant continus les formeslineaires f 7→ f(x) pour tout x ∈ E.

Il est a noter qu’on dispose desormais de trois topologies sur E ′ : la topo-logie forte, la topologie faible-∗, σ(E ′, E) et la topologie faible σ(E ′, E ′′).En dimension finie, evidemment ces trois topologies coıncident. De plus

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comme E s’injecte continument dans E ′′, σ(E ′, E) est toujours moins fineque σ(E ′, E ′′).

En transposant ce que nous avons vu sur la topologie faible σ(E,E ′), onmontre aisement qu’un systeme fondamental de voisinages de f ∈ E ′ pour latopologie faible ∗ σ(E,E ′) est donne par les ensembles de la forme :

Vε,x1,...xk:= g ∈ E ′ : |(g − f)(xi)| < ε, i = 1, . . . , k

avec ε > 0, k ∈ N∗ et x1, . . . , xk ∈ Ek. La topologie faible-∗ sur E ′ est doncune topologie d’evtlcs sur E ′ associee a la famille de semi-normes f ∈ E ′ 7→qx(f) := |f(x)|, pour x ∈ E.

On a naturellement une notion de convergence pour la topologie faible-∗sur E ′ qui se definit comme suit. On dit qu’une suite (fn)n de E ′ converge

faiblement-∗ vers f , ce que l’on note fn∗ f si et seulement si fn(x) →

f(x), pour tout x ∈ E. On verifie sans peine les proprietes suivantes de laconvergence faible-∗ :

– si (fn) converge faiblement-∗, sa limite faible-∗ est unique,

– si fn → f (i.e. ‖fn − f‖ → 0) alors fn∗ f ,

– si fn f pour σ(E ′, E ′′) alors fn∗ f ,

– toute suite faiblement-∗ convergente de E ′ est bornee,– si fn

∗ f alors ‖f‖ ≤ lim infn ‖fn‖,

– si fn∗ f et si xn → x dans E (fort) alors fn(xn) → f(x).

Le resultat de compacite suivant decoule du theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki que nous avons etabli au chapitre 1 dans le cadre plus general desevtlc :

Theoreme 3.1 (Banach-Alaoglu-Bourbaki) La boule unite fermee de E ′,BE′ est compacte pour la topologie faible ∗ σ(E ′, E).

Terminons ce paragraphe par un critere utile de fermeture faible ∗ donton omettra ici la preuve (le lecteur pourra consulter par exemple [22])

Theoreme 3.2 (Krein-Smulian) Soit E un espace de Banach et C un convexede E ′ tel que C ∩ rBE′ soit ferme pour la topologie faible ∗ pour tout r > 0,alors C est ferme pour la topologie faible ∗.

3.3 Espaces reflexifs

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Etant donne un espace de Banach E (ou plus generalement un evn), onrappelle que E s’injecte dans son bidual E ′′ via l’injection canonique J :E → E ′′ definie par :

J(x)(f) := f(x), ∀x ∈ E, ∀f ∈ E ′.

Il resulte du corollaire 1.2 que J est une isometrie de E sur E ′′, en particulierJ est une injection continue.

Definition 3.3 On dit que l’evn E est reflexif si J est surjective.

Autrement dit, dire que E est reflexif revient a dire qu’on peut identifierE ′′ a E. Evidemment tout espace de Hilbert est refexif (ceci decoule dutheoreme de Riesz qui permet d’identifier un espace de Hilbert a son dualtopologique). Pour tout p ∈ (1,∞) les espaces lp, Lp et W 1,p(Ω) sont reflexifs.Par contre l1, L1, W 1,1, l∞, L∞, W 1,∞, C0, les espaces de mesures ne sontpas reflexifs.

L’importance fondamentale de la reflexivite provient du resultat de com-pacite enonce dans le theoreme de Kakutani 3.3 plus bas. Avant d’enonceret de demontrer ce resultat important nous aurons besoin de deux lemmespreliminaires :

Lemme 3.5 (Helly) Soit E un espace de Banach, f1, ...., fn dans E ′ et α1, ...., αndes reels on a equivalence entre les assertions suivantes :

1. pour tout ε > 0, il existe xε ∈ BE tel que

|fi(xε)− αi| < ε, ∀i = 1, ..., n

2. pour tout β1, ...., βn ∈ Rn on a

|n∑i=1

βiαi| ≤ ‖n∑i=1

βifi‖.

Preuve:Supposons d’abord 1., et soit β1, ..., βn ∈ Rd, on a alors

|∑i=1

βiαi| ≤ |n∑i=1

βifi(xε)|+ ε

n∑i=1

|βi|

≤ ‖n∑i=1

βifi‖+ ε

n∑i=1

|βi|

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d’ou l’on deduit 2. en faisant tendre ε vers 0.

Pour etablir la reciproque remarquons que 1 signifie exactement queα := (α1, ...., αn) ∈ F (BE) avec F (x) := (f1(x), ..., fn(x)) pour tout x ∈ E.Supposons donc que α /∈ F (BE), comme F (BE) est convexe ferme dans Rn,en utilisant le theoreme de separation stricte, il existe β1, ..., βn ∈ Rn et γ ∈ Rtels que

n∑i=1

βifi(x) < γ <

n∑i=1

βiαi, ∀x ∈ BE

ce qui implique en particulier

‖n∑i=1

βifi‖ < |n∑i=1

βiαi|

contredisant ainsi la seconde assertion.2

Lemme 3.6 (Goldstine) Soit E un espace de Banach, alors J(BE) est densedans BE′′ pour la topologie σ(E ′′, E ′).

Preuve:Soit η ∈ BE′′ et V un voisinage de η pour σ(E ′′, E ′), il s’agit de montrer queV ∩ J(BE) 6= ∅. Sans perte de generalite, on peut supposer qu’il existe n,ε > 0 et f1, ..., fn ∈ (E ′)n tels que

V = ξ ∈ E ′′ : |(ξ − η)(fi)| < ε, ∀i = 1, ..., n.

Posons αi := η(fi) pour i = 1, ..., n et soit β1, ..., βn ∈ Rn, on a alors puisqueη ∈ BE′′ :

|∑i=1

βiαi| = |η(n∑i=1

βifi)| ≤ ‖n∑i=1

βifi‖.

On deduit alors du lemme 3.5 qu’il existe xε ∈ BE tel que |fi(xε) − αi| < εpour i = 1, ..., n ce qui signifie exactement que J(xε) ∈ V et donc on a bienV ∩ J(BE) 6= ∅.

2

Theoreme 3.3 (Kakutani) Soit E un espace de Banach alors E est reflexifsi et seulement si BE est compacte pour σ(E,E ′).

Preuve:Supposons d’abord que E est reflexif on a alors J(BE) = BE′′ et il resulte du

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theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki que BE′′ est compacte pour σ(E ′′, E ′).Il suffit donc de montrer que J−1 est continue de (E ′′, σ(E ′′, E ′)) vers(E, σ(E,E ′)) pour en conclure que BE est compacte pour σ(E,E ′). Avecle lemme 3.1, il s’agit donc de montrer que pour tout f ∈ E ′, f J−1 estcontinue pour σ(E ′′, E ′). Or si η ∈ E ′′ il existe x ∈ E tel que η = J(x) ona donc f(J−1(η)) = f(x) = η(f) et comme f ∈ E ′, on en deduit bien quef J−1 est continue pour σ(E ′′, E ′).

Reciproquement, supposons que BE soit compacte pour σ(E,E ′). CommeJ est continue de E (fort) dans E ′′ (fort), il decoule de la proposition 3.3que J est continue de (E, σ(E,E ′)) vers (E ′′, σ(E ′′, E ′′′)). Comme σ(E ′′, E ′)est moins fine que σ(E ′′, E ′′′), J est aussi continue de (E, σ(E,E ′)) vers(E ′′, σ(E ′′, E ′)). Cela implique que J(BE) est compact pour σ(E ′′, E ′) maiscomme, par le lemme 3.6, J(BE) est dense dans BE′′ pour σ(E ′′, E ′) on doitavoir BE′′ = BE et donc E ′′ = J(E).

2

Examinons maintenant quelques consequences du theoreme de Kakutani.

Corollaire 3.1 Soit E un espace de Banach reflexif et F un sev ferme de Ealors F muni de la topologie induite par la topologie forte de E est reflexif.

Preuve:Il est facile de voir que la topologie faible σ(F, F ′) coıncide avec la trace deσ(E,E ′) a F de sorte que BF est compacte pour σ(F, F ′) car F est fermepour σ(E,E ′) et BE est compacte pour σ(E,E ′). D’apres le theoreme deKakutani, F est donc reflexif. 2

Corollaire 3.2 Soit E un espace de Banach, alors E est reflexif si et seule-ment si E ′ est reflexif.

Preuve:Supposons d’abord E reflexif. Il resulte du theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki que BE′ est compacte pour σ(E ′, E) mais comme E est reflexif,σ(E ′, E) = σ(E ′, E ′′) donc on deduit du theoreme de Kakutani que E ′ estreflexif.

Si E ′ est reflexif alors d’apres ce qui precede E ′′ est reflexif. Comme Jest une isometrie de E sur E ′′, on verifie facilement que J(E) est un sevferme de E ′′ et donc que J(E) est reflexif. Comme J−1 : J(E) → E est unisomorphisme isometrique entre espaces de Banach on en deduit aisementque E est reflexif.

2

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Corollaire 3.3 Soit E un espace de Banach reflexif et K une partie convexefermee bornee de E alors K est compacte pour σ(E,E ′).

Preuve:K est ferme faible en vertu de la proposition 3.1 et inclus dans une boulefermee laquelle est faiblement compacte en vertu du theoreme de Kakutani.

2

Corollaire 3.4 Soit E un espace de Banach reflexif, C un convex non videferme de E, f : C → R∪+∞ une fonction convexe s.c.i. non identiquementegale a +∞, si C est bornee ou si

f(x) → +∞ quand x ∈ C, ‖x‖ → +∞. (3.1)

alors il existe x ∈ C tel que f(x) ≤ f(x), ∀x ∈ C.

Preuve:Soit x ∈ C tel que f(x) < +∞ alors A := y ∈ C : f(y) ≤ f(x) est compactpour σ(E,E ′) d’apres le corollaire 3.3 et f est faiblement s.c.i. sur A d’apresla proposition 3.2 ; f atteint donc son mimimum sur A qui est aussi sonminimum sur C.

2

3.4 Espaces separables

Definition 3.4 On dit que l’espace de Banach E est separable si et seule-ment si E possede une partie denombrable dense.

Proposition 3.4 Soit E un espace de Banach tel que E ′ soit separable alorsE est separable.

Preuve:Soit (fn)n∈N ∈ E ′N dense dans E ′. Pour n ∈ N, soit xn ∈ E tel que ‖xn‖ = 1et

fn(xn) ≥1

2‖fn‖.

Soit F l’ensemble des combinaisons lineaires a coefficients dans Q de xn, n ∈N. Notons que F est denombrable, montrons maintenant que F est densedans E. Pour cela, comme F est dense dans G := vect(xn, n ∈ N il suffit demontrer que G est dense dans E. D’apres le corollaire 1.5 il suffit de montrerque si f ∈ E ′ verifie f(x) = 0 pour tout x ∈ G alors f ≡ 0. Soit donc f

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verifiant la propriete precedente ε > 0 et n ∈ N tel que ‖f − fn‖ ≤ ε/3, ona alors

‖f‖ ≤ ε

3+ ‖fn‖ ≤

ε

3+ 2fn(xn) =

ε

3+ 2(fn − f)(xn) ≤

ε

3+ 2‖fn − f‖ ≤ ε

comme ε > 0 est arbitraire, on, en deduit bien que f ≡ 0.2

Il est a noter que la separabilite de E n’entraine generalement pas cellede E ′ (par exemple L1(Ω) est separable tandis que son dual L∞(Ω) ne l’estpas, nous renvoyons le lecteur au chapitre 5 pour plus de details). Dans lecas ou E est reflexif on a cependant :

Corollaire 3.5 Soit E un espace de Banach alors E est reflexif et separablesi et seulement si E ′ est reflexif et separable.

Preuve:Si E ′ est reflexif alors E aussi (proposition 3.4) et si E ′ est separable alorsE aussi (corollaire 3.2). Reciproquement si E est reflexif et separable alorsE ′′ = J(E) est reflexif et separable et donc E ′ aussi. 2

Theoreme 3.4 Soit E un espace de Banach alors E est separable si et seule-ment si la trace de la topologie faible-∗ σ(E ′, E) a BE′ est metrisable.

Preuve:Le fait que si E est separable alors la trace de la topologie faible-∗ σ(E ′, E)a BE′ est metrisable resulte de la proposition 1.1.

Reciproquement supposons que la distance d metrise σ(E ′, E) sur BE′ .Pour tout n ∈ N∗, B(0, 1/n) := f ∈ BE′ : d(0, f) < 1/n est un voisi-nage de 0 pour σ(E ′, E) de sorte qu’il existe εn, In fini et (xi)i∈In tels queVn := f ∈ BE′ : |f(xi)| < εn, ∀i ∈ In ⊂ B(0, 1/n). Pour montrer que Eest separable il nous suffit de montrer que l’espace vectoriel engendre par∪nxi, i ∈ In, F est dense dans E. Soit f ∈ BE′ telle que f(x) = 0 pourtout x ∈ F alors f ∈ Vn pour tout n ∈ N et donc d(0, f) = 0 de sorte quef = 0, on conclut alors avec le corollaire 1.5.

2

De maniere symetrique on a :

Proposition 3.5 Soit E un espace de Banach, si E ′ est separable alors latrace de la topologie faible σ(E,E ′) a BE est metrisable.

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La reciproque est egalement vraie mais sa demonstration est plus difficile.Noter que la proposition precedente n’est pas contradictoire avec le fait queσ(E,E ′) ne soit jamais metrisable sur E tout entier lorsque E est de dimen-sion infinie. La metrisabilite de la topologie faible-∗ sur les bornes combineeau theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki fournit immediatement le resultatde compacite sequentielle suivant :

Corollaire 3.6 Soit E un espace de Banach separable et soit (fn)n une suitebornee de E ′, alors (fn)n possede une sous-suite qui converge pour la topologiefaible-∗ σ(E ′, E).

Preuve:Sans perte de generalite nous pouvons supposer tous les fn dans BE′ qui estun compact metrisable pour σ(E ′, E), d’ou le resultat.

2

Dans le cas ou E est reflexif, on a de meme le resultat de compacitesequentielle suivant :

Theoreme 3.5 Soit E un espace de Banach reflexif et (xn)n une suite borneede E alors (xn)n possede une sous-suite qui converge faiblement.

Preuve:Soit M := vectxn, n ∈ N, M est un sev ferme de E donc est reflexif (corol-laire 3.1) et M est separable par construction. Ainsi M ′ est separable et doncpour tout r > 0, σ(M,M ′) est metrisable sur rBM qui est compacte pourσ(M,M ′) d’apres le theoreme de Kakutani. La suite (xn)n admet donc unesous-suite convergente pour σ(M ′,M), cette sous-suite est aussi evidemmentconvergente pour σ(E ′, E) (par restriction des elements de E ′ a M).

2

3.5 Espaces uniformement convexes

Definition 3.5 Soit E un espace de Banach, on dit que E est dit uni-formement convexe si pour tout ε > 0 il existe δ > 0 tel que pour tout xet y dans BE si ‖x− y‖ ≥ ε alors∥∥∥∥x+ y

2

∥∥∥∥ ≤ 1− δ.

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La definition precedente est de nature geometrique et exprime le fait quela boule unite de E doit etre ”bien ronde”. Cette propriete n’est pas stablepar passage a une norme equivalente (Rd est uniformement convexe lorsquemuni de la norme euclidienne il ne l’est pas lorsque muni de la norme 1ou de la norme du max). Tout espace de Hilbert est uniformement convexe(consequence facile de l’identite du parallelogramme), les espaces Lp et lp

sont uniformement convexes pour 1 < p < ∞, L1, l1, L∞ et l∞ ne sont pasuniformement convexes.

Theoreme 3.6 (Millman-Pettis) Tout espace de Banach uniformement convexeest reflexif.

Preuve:Supposons E uniformement convexe et montrons que J(BE) = BE′′ . CommeJ(BE) est clairement fermee, il suffit par homogeneite de montrer que J(BE)est dense (fort) dans SE′′ := η ∈ E ′′ : ‖η| = 1. Soit η ∈ SE′′ et ε >0 montrons qu’il existe x ∈ BE tel que ‖J(x) − η‖ ≤ ε. Comme E estuniformement convexe, il existe δ ∈ (0, 1) tel que ‖x+ y‖ ≤ 2− 2δ pour tout(x, y) ∈ B2

E tels que ‖x− y‖ ≥ ε. Choisissons f ∈ E ′ tel que

‖f‖ = 1 et η(f) ≥ 1− δ

2

d’apres le lemme de Goldstine, il existe x ∈ BE tel que

|η(f)− f(x)| < δ

2.

Supposons que η /∈ B(J(x), ε) alors comme E ′′ \ B(J(x), ε) est ouvert pourσ(E ′′, E ′), il resulte du lemme de Goldstine qu’il existe y ∈ BE tel que

‖J(y)− J(x)‖ = ‖x− y‖ > ε et |η(f)− f(y)| < δ

2

on a alors d’une part1

2‖x+ y‖ ≥ 1− δ

et d’autre part

1− δ

2≤ η(f) <

1

2f(x+ y) +

δ

2≤ 1

2‖x+ y‖+

δ

2

d’ou la contradiction recherchee. 2

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Theoreme 3.7 Soit E un espace de Banach uniformement convexe et (xn)une suite convergeant faiblement vers x dans E, si ‖xn‖ converge vers ‖x‖alors (xn) une suite converge fortement vers x dans E.

Preuve:Si x = 0, le resultat est evident, on peut donc sans perte de generalitesupposer x 6= 0. En posant λn := max(‖xn‖, ‖x‖), on a λn → ‖x‖ > 0. Endefinissant alors yn := λ−1

n xn et y := x/‖x‖, on a (yn + y)/2 y et donc

‖y‖ = 1 ≤ lim infn

∥∥∥∥yn + y

2

∥∥∥∥et comme ‖yn‖ ≤ 1 on a en fait ‖yn+y

2‖ → 1. Avec l’uniforme convexite de E

ceci implique que ‖yn − y‖ → 0 ce qui implique aussi que ‖xn − x‖ → 0.2

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Chapitre 4

Operateurs lineaires,operateurs compacts

On rappelle dans ce chapitre un certain nombre de resultats, pour laplupart deja vus au premier semestre dans le cours de Frederic Paulin, surles operateurs lineaires dans les espaces de Banach et en particulier sur lesoperateurs compacts. Dans tout ce chapitre E et F designeront des espacesde Banach, nous noterons L(E,F ) (respectivement L(E)) l’espace des appli-cations lineaires continues de E dans F (respectivement des endomorphismescontinus de E) muni de sa norme d’operateur habituelle.

4.1 Generalites

Par la suite pour f ∈ E ′ et x ∈ E, nous noterons parfois 〈f, x〉 au lieude f(x). Soit T ∈ L(E,F ) l’adjoint de T note T ∗ est l’operateur lineaireF ′ → E ′ defini par :

〈T ∗f, x〉 = 〈f, Tx〉 , ∀f ∈ F ′, ∀x ∈ E.

On verifie immediatement que T ∗ ∈ L(F ′, E ′) (et que T et T ∗ ont memenorme). Pour A ⊂ E, on note

A⊥ := f ∈ E ′ : f(x) = 0, ∀x ∈ A

et de meme pour B ⊂ E ′, on note

B⊥ := x ∈ E : f(x) = 0, ∀f ∈ B.

Notons que si T ∈ L(E,F ) on a

ker(T ) = (Im(T ∗))⊥, ker(T ∗) = (Im(T ))⊥ (4.1)

et de plus :

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Lemme 4.1 Soit T ∈ L(E,F ) alors Im(T ) est ferme si et seulement si

Im(T ) = (kerT ∗)⊥. (4.2)

Preuve:Si (4.2) a lieu alors Im(T ) est evidemment ferme. Par ailleurs, l’inclusion

Im(T ) ⊂ (ker(T ∗))⊥

est evidente. Supposons Im(T ) ferme et que l’inclusion precedente soit stricte,alors il existe y ∈ (ker(T ∗))⊥ \ Im(T ). Par le theoreme de separation stricte,il existe alors f ∈ F ′ telle que f(y) > 0 et f ≡ 0 sur Im(T ) c’est a diref ∈ ker(T ∗) ce qui contredit le fait que y ∈ (ker(T ∗))⊥. 2

Le lemme 4.1 decoule evidemment de l’enonce (legerement) plus general :

Exercice 4.1 Soit A une partie de E, montrer que (A⊥)⊥ = vect(A).

Exercice 4.2 Soit B une partie de E ′, montrer que vect(B) ⊂ (B⊥)⊥. Mon-trer qu’il y a egalite dans le cas ou E est reflexif, est ce le cas en general ?Caracteriser dans le cas general (B⊥)⊥ en terme de la topologie faible ∗σ(E ′, E).

4.2 Consequences de la theorie de Baire

On rappelle dans cette section quelques resultats sur les applicationslineaires continues entre espaces de Banach qui ont deja ete vus et resultentdu theoreme de Baire.

Theoreme 4.1 (Banach-Steinhaus ou principle of uniform boudedness) SoitE un espace de Banach, F un evn et (fi)i∈I une famille d’elements deL(E,F ). Si,

∀x ∈ E, supi∈I

‖fi(x)‖F < +∞

alorssupi∈I

‖fi‖L(E,F ) < +∞.

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Preuve:Soit En := x ∈ E : ‖fi(x)‖F ≤ n, ∀i ∈ I, chaque En est ferme et parhypothese on a ∪nEn = E. Il resulte donc du theoreme de Baire qu’il existen0 tel que En0 soit d’interieur non vide : soit donc r > 0 et x0 ∈ E tels que

‖fi(x0 + ru)‖F ≤ n0,∀i ∈ E, ∀u ∈ BE.

Pour tout u ∈ BE et tout j ∈ I, on a alors

‖fj(u)‖F ≤1

r

(n0 + sup

i∈I‖fi(x0)‖F

).

2

Une autre consequence du theoreme de Baire est le theoreme de l’appli-cation ouverte :

Theoreme 4.2 (Theoreme de l’application ouverte) Soit E et F deux es-paces de Banach et soit f ∈ L(E,F ) surjective. Alors f est une applicationouverte au sens ou pour tout U ouvert de E, f(U) est un ouvert de F .

Preuve:Par linearite de f , il suffit de montrer qu’il existe r0 > 0 tel que BF (0, r0) ⊂f(BE(0, 1)). Soit Fn := nf(BE(0, 1)), comme f est surjective, F = ∪nFn etdonc il resulte du theoreme de Baire qu’il existe n0 tel que Fn0 soit d’interieurnon vide. Ainsi, il existe y0 ∈ E et ρ > 0 tels que BF (y0, ρ) ⊂ f(BE(0, n0)),par linearite, on a aussi BF (−y0, ρ) ⊂ f(BE(0, n0)) de sorte que BF (0, ρ) =−y0 + BF (y0, ρ) ⊂ f(BE(0, 2n0)). Par homogeneite, on a donc BF (0, r) ⊂f(BE(0, 1)) avec r = ρ/2n0.

Prouvons maintenant que BF (0, r) ⊂ f(BE(0, 2)). Soit y ∈ BF (0, r),il existe x1 ∈ BE(0, 1) tel que y − f(x1) ∈ BF (0, r/2), comme BF (0, r/2) ⊂f(BE(0, 1/2)), il existe x2 ∈ BE(0, 1/2) tel que y−f(x1)−f(x2) ∈ BF (0, r/4).En iterant l’ argument, on construit une suite (xn)n de E telle que ‖xn‖E ≤1/2n−1 et ‖y − f(x1 + .... + xn)‖F ≤ r/2n pour tout n. Comme la suitedes sommes partielles x1 + .... + xn est de Cauchy sequence, elle convergevers un certain x ∈ BE(0, 2) et par continuite y = f(x), ce qui prouve queBF (0, r) ⊂ f(BE(0, 2)) ⊂ f(BE(0, 5/2)) et donc BF (0, r0) ⊂ f(BE(0, 1))avec r0 = 2r/5.

2

Une application immediate du theoreme precedent est que si E est deBanach muni de n’importe laquelle des deux normes ‖.‖1 et ‖.‖2 et s’il existeC ≥ 0 tel que ‖.‖1 ≤ C‖.‖2 alors ‖.‖1 et ‖.‖2 sont en fait equivalentes. Uneautre consequence du resultat precedent est le theoreme suivant de continuiteautomatique du a Banach :

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Theoreme 4.3 (Theoreme de continuite de l’inverse de Banach) Soit E etF deux espaces de Banach f ∈ L(E,F ) une bijection alors f−1 ∈ L(F,E).

Une consequence classique du theoreme de Banach nous est fournie par :

Theoreme 4.4 (Theoreme du graphe ferme) Soit E et F deux espaces deBanach, f ∈ L(E,F ) tel que le graphe de f soit ferme dans E ×F (muni sastructure d’evn produit) alors f ∈ L(E,F ).

Preuve:Soit G le graphe de f muni de la norme induite par celle de E × F , commeG est ferme dans E × F c’est un espace de Banach. L’application lineaire(x, y) = (x, f(x)) ∈ G 7→ x est une bijection lineaire continue, il resulte doncdu theoreme de Banach que son inverse : x ∈ E 7→ (x, f(x)) est continue, lacontinuite de f en decoule trivialement.

2

Le resultat suivant est classique mais peut s’averer utile :

Proposition 4.1 Soit E un espace de Banach et f ∈ L(E) tel que ‖f‖L(E) <1 alors id + f est inversible avec

(id + f)−1 =∞∑k=0

(−1)kfk

Preuve:Comme L(E) est de Banach et ‖f‖L(E) < 1, la suite des sommes partielles

Sn :=n∑k=0

(−1)kfk

etant de Cauchy, elle converge. De plus Sn (id + f) = id + (−1)nfn+1, cedont on tire le resultat voulu en faisant tendre n vers ∞. 2

4.3 Operateurs compacts, alternative de Fred-

holm

Par la suite, nous noterons BE la boule unite fermee de E.

Definition 4.1 Soit T ∈ L(E,F ) on dit que T est un operateur compact siet seulement si T (BE) est relativement compact. On note K(E,F ) l’ensembledes operateurs compacts de E vers F et K(E) l’ensemble des endomorphismescompacts de E.

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Il decoule immediatement de la definition precedente que la composition(a droite ou a gauche) d’un operateur compact et d’un operateur lineairecontinu est compacte.

Lemme 4.2 K(E,F ) est un sous-espace vectoriel ferme de L(E,F ).

Preuve:Le seul point a etablir est la fermeture de K(E,F ). Supposons donc que Tn ∈K(E,F ) et Tn → T , il s’agit de montrer que T (BE) est relativement compact.Comme F est complet, ceci revient a montrer que T (BE) est precompact.Soit ε et n tel que ‖Tn − T‖ ≤ ε/2, comme Tn est compact, il existe k ety1, . . . , yk ∈ F k tels que Tn(BE) ⊂ ∪ki=1B(yi, ε/2) de sorte que T (BE) ⊂∪ki=1B(yi, ε). 2

Proposition 4.2 Soit E et F deux espaces de Banach et T ∈ K(E,F ) alorssi (xn) est une suite de E convergeant faiblement vers x, Txn converge for-tement dans F vers Tx.

Preuve:Comme (xn) est bornee et T est compact, Txn prend ses valeurs dans uncompact (fort) de F . Comme par ailleurs Txn converge faiblement vers Txon en deduit que Tx est l’unique valeur d’adherence forte de la suite (Txn)et donc que toute la suite converge fortement vers Tx. 2

Les operateurs de rang fini (i.e. dont l’image est de dimension finie) sontevidemment compacts et donc les limites dans L(E,F ) d’operateurs de rangfini sont des operateurs compacts. Reciproquement, il n’est pas vrai en generalqu’un operateur compact soit limite d’operateurs de rang fini (mais cettepropriete est vraie dans les espaces de Hilbert).

Theoreme 4.5 Soit T ∈ K(E,F ) alors T ∗ ∈ K(F ′, E ′). Reciproquement, siT ∗ ∈ K(F ′, E ′) alors T ∈ K(E,F ).

Preuve:Soit (vn) une suite de BF ′ il s’agit de montrer que T ∗(vn) possede une soussuite convergente (ou de maniere equivalente, de Cauchy) dans E ′. Soit K :=T (BE), K est un compact de F , et posons

fn(y) = 〈vn, y〉 , ∀y ∈ K.

Comme les vn sont dans BF ′ , chaque fn est 1-Lipschitzienne sur K et fn(0) =0 de sorte qu’avec le theoreme d’Ascoli, la suite (fn) possede une sous-suite

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(encore notee fn par simplicite) convergeant uniformement sur K vers f ∈C(K,R). Par construction, on a

‖T ∗vn − T ∗vm‖E′ ≤ supy∈K

|(fn − fm)(y)|

si bien que la suite (T ∗vn) est de Cauchy dans E ′.

Reciproquement, si T ∗ ∈ K(F ′, E ′), on deduit de ce qui precede T ∗∗ ∈K(E ′′, F ′′) c’est-a dire que T ∗∗(BE′′) est relativement compact dans F ′′.Comme T (BE) ⊂ T ∗∗(BE′′) et F est ferme dans F ′′, on en deduit bien queT (BE) est relativement compact dans F .

2

Lemme 4.3 (Lemme de Riesz) Soit E un evn et F un sev ferme strict deE, pour tout ε ∈ (0, 1), il existe u ∈ E tel que ‖u‖ = 1 et d(u, F ) ≥ 1− ε.

Preuve:Soit v /∈ F , d := d(v, F ) > 0 (car F est ferme) et u0 ∈ F tel que

d ≤ ‖v − u0‖ ≤d

1− ε(4.3)

posons alors

u :=v − u0

‖v − u0‖et montrons que d(u, F ) ≥ 1− ε. Soit f ∈ F , on a alors en utilisant (4.3) etle fait que u0 + ‖v − u0‖f ∈ F :

‖u− f‖ =1

‖v − u0‖

∥∥∥v − u0 − ‖v − u0‖f∥∥∥ ≥ d

‖v − u0‖≥ 1− ε.

2

Theoreme 4.6 (Alternative de Fredholm) Soit T ∈ K(E), alors on a :

1. ker(I − T ) est de dimension finie,

2. Im(I − T ) est ferme et

Im(I − T ) = (ker(I − T ∗))⊥,

3. ker(I − T ) = 0 si et seulement si Im(I − T ) = E,

4. dim ker(I − T ) = dim ker(I − T ∗).

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Preuve:1. Soit F := ker(I − T ) on a BF = T (BF ) ⊂ T (BE) et donc BF est relative-ment compacte ce qui implique que F est de dimension finie.

2. Soit fn := un − Tun une suite de Im(I − T ) convergeant vers f ∈ E,montrons que f ∈ Im(I − T ). Comme ker(I − T ) est de dimension finie, ilexiste vn ∈ ker(I − T ) tel que

‖un − vn‖ = d(un, ker(I − T )).

Et evidemment on a

fn = un − vn − T (un − vn). (4.4)

Montrons que (un − vn) est bornee, si tel n’etait pas le cas, a une extractionpres, on aurait ‖un − vn‖ → ∞. En posant wn := (un − vn)/‖un − vn‖, et enutilisant (4.4) et le fait que fn est borne, ceci implique que wn − Twn → 0.Comme T est compact, on peut, a nouveau a une extraction pres supposerque Twn converge vers z ∈ E et donc wn → z et z ∈ ker(I − T ). Mais parailleurs, on a :

d(wn, ker(I − T )) =1

‖un − vn‖d(un, ker(I − T )) = 1

et donc en passant a la limite quand n→∞, on obtient d(z, ker(I −T )) = 1ce qui est absurde. Ainsi, on a bien que (un − vn) est bornee, comme T estcompacte on peut a une extraction pres supposer que T (un − vn) convergevers un certain g ∈ E de sorte que un − vn converge vers f + g et doncf = (f + g)− T (f + g) ∈ Im(I − T ). Comme Im(I − T ) est ferme, on deduitdu lemme 4.1 que

Im(I − T ) = (ker(I − T ∗))⊥.

3. Supposons d’abord que ker(I − T ) = 0 et supposons par l’absurdeque E1 := Im(I−T ) 6= E. On a T (E1) ⊂ E1 et il decoule du point precedentque E1 est ferme et donc que T |E1 est compact. Posons E2 := (I −T )2(E) =(I − T )(E1), comme (I − T ) est injective E2 est un sev strict de E1 et estferme d’apres le point 2. ; en posant En := (I−T )n(E), En est ainsi une suitestrictement decroissante de sev fermes de E. Il resulte du lemme de Rieszqu’il existe xn ∈ En tel que ‖xn‖ = 1 et

d(xn, En+1) ≥ 1/2. (4.5)

Soit n > m, on a

Txm − Txn = Txm − xm − (Txn − xn) + xm − xn

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et par construction, les vecteurs Txm − xm, Txn − xn et xn appartiennent aEm+1, de sorte qu’avec (4.5), on a :

‖Txm − Txn‖ ≥ d(xm, Em+1) ≥1

2

ce qui est absurde puisque T est compact et (xn) est bornee.

Reciproquement supposons que Im(I−T ) = E, il decoule alors du lemme4.1 que ker(I−T ∗) = 0 et donc, en utilisant ce qui precede, Im(I−T ∗) = E ′

et donc avec (4.1) :

ker(I − T ) = (Im(I − T ∗))⊥ = 0.

4. Posons d := dim ker(I − T ) et d∗ := dim ker(I − T ∗) et montronstout d’abord que d∗ ≤ d. Supposons par l’absurde que d < d∗. Commeker(I − T ) est de dimension finie, il existe un projecteur continu P de Esur ker(I − T ) (voir [2] pour les details). De plus Im(I − T ) = ker(I − T ∗)⊥

est de codimension finie d∗ et admet donc un supplementaire F ferme dedimension d∗ dans E. Comme d < d∗, il existe un operateur lineaire Λ :ker(I − T ) → F injectif et non surjectif. Posons alors S := T + Λ P , Sest un operateur compact car Λ P est de rang fini. Soit u ∈ ker(I − S) :0 = (u − Tu) − (Λ P )(u) on a alors u − Tu ∈ Im(I − T ) ∩ F et doncu − Tu = 0 et Λ(Pu) = 0. Comme u ∈ ker(I − T ), Pu = u et donc u = 0car Λ est injective. On a donc ker(I − S) = 0 si bien, qu ’en vertu dupoint 3., Im(I − S) = E. Soit f ∈ F avec f /∈ Im(Λ), s’il existait u ∈ E telque (I − S)(u) = u − Tu − (Λ P )(u) = f alors on aurait u − Tu ∈ F etdonc u− Tu = 0 ce qui impliquerait que f ∈ Im(Λ). Donc (I − S) n’est passurjective ce qui constitue la contradiction cherchee. On a donc bien d∗ ≤ d.Appliquant le meme argument que precedemment a T ∗, il vient

dim ker(I − T ∗∗) ≤ dim ker(I − T ∗) ≤ dim ker(I − T )

comme par ailleurs il est evident que ker(I − T ) ⊂ ker(I − T ∗∗), ceci permetd’en conclure que d = d∗.

2

Le theoreme precedent appelle quelques commentaires. Tout d’abord lepoint 3. exprime que les operateurs de la forme (I − T ) avec T compactsont injectifs si et seulement si ils sont surjectifs, cette propriete (automa-tique et familiere en dimension finie) est remarquable en dimension infinie.Ensuite, l’alternative de Fredholm proprement dite concerne la solvabilite del’equation u− Tu = f . Elle exprime que :

– ou bien pour tout f ∈ E, l’equation u − Tu = f possede une uniquesolution

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– ou bien l’equation homogene u − Tu = 0 possede d = dim ker(I − T )solutions lineairement independantes et dans ce cas, l’equation non ho-mogene u−Tu = f est resoluble si et seulement si f verifie d conditionsd’orthogonalite correspondant a f ∈ ker(I − T ∗)⊥.

4.4 Decomposition spectrale des operateurs

compacts autoadjoints

Pour la preuve des resultats de ce paragraphe et en particulier l’importanttheoreme spectral, nous renvoyons le lecteur au cours de Frederic Paulin [15].

Soit T ∈ L(E), l’ensemble resolvant de T , ρ(T ) est donne par definitionpar :

ρ(T ) := λ ∈ R : T − λI bijective.

Le spectre de T , note σ(T ) est le complementaire de l’ensemble resolvantde T . On dit que λ ∈ R est une valeur propre de T (notation : λ ∈ VP(T ))si et seulement si (T − λI) n’est pas injective et dans ce cas on appelleker(T − λI) 6= 0 l’espace propre associe a la valeur propre λ.

On a toujours VP(T ) ⊂ σ(T ) mais (hormis evidemment en dimensionfinie) l’inclusion est en general stricte. Par exemple pour T ∈ L(lp) defini parT ((xn)n) = (0, x0, x1, ....), 0 est dans le spectre de T car T n’est pas surjectivemais n’est pas valeur propre de T car T est injective.

Proposition 4.3 Soit T ∈ L(E), le spectre de T est un ensemble compactinclus dans l’intervalle [−‖T‖, ‖T‖].

Pour un operateur compact en dimension infinie on a :

Theoreme 4.7 Soit E un espace de Banach de dimension infinie et soitT ∈ K(E). Alors on a :

1. 0 ∈ σ(T ),

2. σ(T ) \ 0 = VP(T ) \ 0,3. l’une des situations suivantes

– ou bien σ(T ) = 0,– ou bien σ(T ) \ 0 est fini,– ou bien σ(T ) \ 0 est une suite qui tend vers 0.

Dans le cas ou E = H est un espace de Hilbert, pour T ∈ L(H), enidentifiant H ′ a H, on peut identifier T ∗ a un element de L(H). Dans cecadre Hilbertien, les operateurs autoajoints sont alors definis par :

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Definition 4.2 Soit H un espace de Hilbert et T ∈ L(H) on dit que T estautoajoint si T ∗ = T c’est-a-dire si

〈Tu, v〉 = 〈u, Tv〉 , ∀(u, v) ∈ H ×H.

Une premiere propriete spectrale des operateurs autoadjoints nous estfournie par la

Proposition 4.4 Soit H un espace de Hilbert et T ∈ L(H) un operateurautoadjoint. On pose

m := inf〈Tu, u〉 , u ∈ H, ‖u‖ ≤ 1, M := sup〈Tu, u〉 , u ∈ H, ‖u‖ ≤ 1.

Alors σ(T ) ⊂ [m,M ] et (m,M) ∈ σ(T )2.

On termine ce chapitre avec une propriete fondamentale des operateurscompacts et autoadjoints :

Theoreme 4.8 (Theoreme spectral pour les operateurs compacts autoad-joints) Soit H un espace de Hilbert separable et T un operateur autoadjointcompact de H, alors il existe une base hilbertienne de H formee de vecteurspropres de T .

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Chapitre 5

Espaces Lp

On suppose le lecteur familier avec les resultats de base de la theorie dela mesure. On se limitera dans ce chapitre aux espaces de Lebesgue pour lamesure de Lebesgue (ce qui signifie que dans ce chapitre quand on parlera de”presque partout”, ce sera au sens de la mesure de Lebesgue) sur un ouvert Ωde Rd, en laissant le soin au lecteur de generaliser les resultats a des espacesplus generaux. Enfin, on notera |A| la mesure de Lebesgue de la partie A deRd et χA son indicatrice. On note L1(Ω) l’espace des fonctions integrablesa valeurs reelles (en fait des classes d’equivalence pour la relation d’egalitepresque partout, c’est a dire que l’on identifie naturellement deux fonctionsintegrables qui coıncident presque partout). Pour f ∈ L1(Ω) on note

‖f‖L1 :=

∫Ω

|f(x)|dx.

Quand cela n’engendrera pas de confusion, on notera simplement par la suiteL1 (et de meme pour Lp) plutot que L1(Ω) et pour f ∈ L1(Ω), on notera

∫f

au lieu de∫

Ωf(x)dx.

5.1 Rappels d’integration

Passons en revue quelques resultats de base qu’il faut absolument connaitre.

Theoreme 5.1 (Theoreme de convergence monotone de Beppo Levi) Soit(fn)n une suite croissante d’elements de L1. Si supn

∫fn < ∞ alors (fn)

converge presque partout vers f = supn fn. De plus f ∈ L1 et ‖fn−f‖L1 → 0quand n→∞.

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Lemme 5.1 (Lemme de Fatou) Soit (fn) une suite de fonctions L1 telle quechaque fn est positive et supn

∫fn <∞. Alors f := lim infn fn ∈ L1 et∫f ≤ lim inf

n

∫fn.

Theoreme 5.2 (Theoreme de convergence dominee de Lebesgue) Soit (fn)nune suite d’elements de L1. Si (fn(x)) converge p.p. vers une limite f(x) ets’il existe g ∈ L1 telle que pour tout n, |fn| ≤ g p.p. (on dit qu’un tel g estune majorante integrable de (fn)) alors f ∈ L1 et ‖fn − f‖L1 → 0 quandn→∞.

Lemme 5.2 (Densite des fonctions continues a support compact) Soit f ∈L1(Ω), pour tout ε > 0, il existe g ∈ Cc(Ω) tel que ‖f − g‖L1 ≤ ε.

Par convolution avec un noyau regularisant, on en deduit immediatement

Theoreme 5.3 (Densite des fonctions C∞ a support compact) Soit f ∈L1(Ω), pour tout ε > 0, il existe g ∈ C∞

c (Ω) tel que ‖f − g‖L1 ≤ ε.

Soit maintenant Ω et U respectivement des ouverts de Rd et Rq et f unefonction mesurable Ω × U → R. Dans ce qui suit, on notera g(x) ∈ L1

x aulieu de x 7→ g(x) est dans L1. On a alors

Theoreme 5.4 (Fubini) Si f ∈ L1(Ω×U) alors pour presque tout x, f(x, y) ∈L1y(U) et

∫Uf(x, y)dy ∈ L1

x(Ω) et on a∫Ω

∫U

f(x, y)dxdy =

∫Ω

(∫U

f(x, y)dy

)dx.

Theoreme 5.5 (Tonelli) Si pour presque tout x, f(x, .) ∈ L1y(U) et∫

Ω

(∫U

|f(x, y)|dy)dx < +∞

alors f ∈ L1(Ω× U).

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Exercice 5.1 Soit f ∈ L1(Rd) montrer que

‖f‖L1 =

∫ +∞

0

||f | > t|dt.

Exercice 5.2 Soit f ∈ L1(Ω) montrer que pour tout ε > 0, il existe δ > 0tel que ∫

A

|f | ≤ ε

pour tout mesurable A tel que |A| ≤ δ.

5.2 Proprietes elementaires des espaces Lp

Soit p : 1 ≤ p <∞, on definit :

Lp(Ω) := f : Ω → R : f mesurable et |f |p ∈ L1(Ω)

et pour f ∈ Lp(Ω)

‖f‖Lp :=

(∫Ω

|f |p)1/p

.

Pour p = ∞, L∞ est par definition l’ensemble des fonctions mesurables ftelles qu’il existe C ≥ 0 tel que |f | ≤ C p.p. et pour f ∈ L∞

‖f‖L∞ := infC : |f | ≤ C p.p..

Notons que si f ∈ L∞ alors on a p.p :

|f(x)| ≤ ‖f‖L∞ .

Nous verifierons ulterieurement que ‖.‖Lp est bien une norme sur Lp, celaest evident pour p = 1 et p = ∞ mais aussi pour p = 2 car dans ce cas, ‖.‖L2

est la norme associe au produit scalaire (f, g) 7→∫

Ωfg.

Pour p : 1 ≤ p ≤ ∞, on note p′ l’exposant conjugue de p. Pour p ∈]1,∞[

1

p+

1

p′= 1 i.e. p′ =

p

p− 1

et evidemment 1′ = ∞, ∞′ = 1.

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Theoreme 5.6 (Inegalite de Holder) Soit f ∈ Lp et g ∈ Lp′alors fg ∈ L1

et‖fg‖L1 ≤ ‖f‖Lp‖g‖Lp′ .

Preuve:La conclusion est evidente si p = 1 ou p = ∞ supposons donc 1 < p < ∞.Par concavite de log on a pour a et b strictement positifs

log

(1

pap +

1

p′bp

′)≥ log(ab)

et donc

ab ≤ 1

pap +

1

p′bp

cette inegalite etant evidente pour a = 0 ou b = 0. On a donc (en supposantf et g non nulles, ce qui est le cas ou l’inegalite de Holder n’est pas triviale) :

|f(x)g(x)|‖f‖Lp‖g‖Lp′

≤ 1

p

|f(x)|p

‖f‖pLp

+1

p′|g(x)|p′

‖g‖p′Lp′

on en deduit que fg ∈ L1 et on obtient en integrant l’inegalite precedente :∫Ω

|fg|‖f‖Lp‖g‖Lp′

≤ 1.

2

Theoreme 5.7 Soit p ∈ [1,∞], Lp(Ω) est un espace vectoriel et ‖.‖Lp estune norme sur Lp(Ω).

Preuve:A nouveau, la conclusion est evidente si p = 1 ou p = ∞ supposons donc1 < p <∞. Soit donc f et g dans Lp on a par convexite de t 7→ tp :

|f(x) + g(x)|p ≤ (|f(x)|+ |g(x)|)p ≤ 2p−1(|f(x)|p + |g(x)|p)

de sorte que f + g ∈ Lp. Pour montrer que ‖.‖Lp est une norme sur Lp(Ω), ilnous suffit de montrer l’inegalite triangulaire. Soit f et g dans Lp , on a

‖f + g‖pLp =

∫|f + g|p−1|f + g| ≤

∫|f + g|p−1|f |+

∫|f + g|p−1|g|

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et comme |f + g|p−1 ∈ Lp/(p−1) = Lp′, il resulte de l’inegalite de Holder que

‖f + g‖pLp ≤ (‖f‖Lp + ‖g‖Lp)

(∫|f + g|p

)(p−1)/p

= (‖f‖Lp + ‖g‖Lp)‖f + g‖p−1Lp

de sorte que l’on a bien

‖f + g‖Lp ≤ ‖f‖Lp + ‖g‖Lp .

2

Avant d’aller plus loin, voici quelques applications ou variantes facilesmais qu’il est bon de connaitre de l’inegalite de Holder :

Exercice 5.3 Soit Ω un ouvert de Rd de mesure finie, p > q ≥ 1 et u ∈Lq(Ω) montrer que

‖u‖Lq(Ω) ≤ ‖u‖Lp(Ω)|Ω|1/q−1/p.

Exercice 5.4 Soit gi ∈ Lpi(Ω) pour i = 1, ..., k avec∑

i 1/pi = 1 montrerque g = g1....gk ∈ L1(Ω) avec

‖g‖L1 ≤k∏i=1

‖gi‖Lpi .

Montrer que si fi ∈ Lpi(Ω) pour i = 1, ..., k avec∑

i 1/pi = 1/p ≤ 1, alorsf = f1....fk ∈ Lp(Ω) avec

‖f‖Lp ≤k∏i=1

‖fi‖Lpi .

Exercice 5.5 Soit f ∈ Lp(Ω) ∩ Lq(Ω) (1 ≤ p ≤ q ≤ ∞). Montrer quef ∈ Lr(Ω), pour tout r ∈ [p, q] et que

‖f‖Lr ≤ ‖f‖αLp‖f‖1−αLq

ou α ∈ [0, 1] satisfait1

r=α

p+

(1− α)

q.

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Theoreme 5.8 Lp(Ω) est un espace de Banach pour tout p, 1 ≤ p ≤ ∞.

Preuve:Traitons d’abord le cas p = ∞. Soit (fn) une suite de Cauchy de Lp, pourtout k ∈ N∗ il existe nk tel que pour tout m et n ≥ nk on a

‖fm − fn‖L∞ ≤ 1

k.

Ceci implique qu’il existe Ek negligeable tel que

|fm(x)− fn(x)| ≤1

k, ∀m,n ≥ nk, ∀x ∈ Ω \ Ek. (5.1)

Ainsi pour tout x ∈ Ω \ Ek, (fn(x))n est de Cauchy et converge donc versune limite notee f(x). En posant E = ∪kEk (de sorte que E est negligeable)et en passant a la limite m→∞ dans (5.1) on a

|f(x)− fn(x)| ≤1

k, ∀n ≥ nk ∀x ∈ Ω \ E

ce qui prouve que f − fn (et donc f) est dans L∞ et que ‖fn − f‖L∞ tendvers 0 quand n→∞.

Supposons maintenant 1 ≤ p <∞ et soit (fn) une suite de Cauchy de Lp.Pour montrer que (fn) converge dans Lp, il nous suffit de montrer que (fn)possede une valeur d’adherence dans Lp. Soit (fnk

)k une sous-suite verifiant

‖fnk+1− fnk

‖Lp ≤ 1

2k, ∀k ≥ 1. (5.2)

Posons alors gk := fnket

hn :=n∑k=1

|gk+1 − gk|.

Par construction, (hn) est une suite croissante verifiant

‖hn‖Lp ≤ 1, ∀n.

Il resulte du theoreme de convergence monotone de Beppo-Levi que (hn)converge p.p. vers h ∈ Lp. Pour m ≥ n ≥ 2 on a

|gm(x)− gn(x)| ≤ h(x)− hn−1(x) (5.3)

et donc pour presque tout x, (gn(x)) est une suite de Cauchy de limite g(x).En faisant m→∞ dans (5.3), on a

|gn − g| ≤ h p.p. (5.4)

96

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et comme h ∈ Lp, on deduit du theoreme de convergence dominee de Le-besgue que ‖gn − g‖Lp → 0 ce qui acheve la preuve.

2

Il convient de distinguer le cas p = 2, en effet L2(Ω) est un espace deHilbert pour le produit scalaire

〈f, g〉 :=

∫Ω

f(x)g(x)dx, ∀(f, g) ∈ L2(Ω)× L2(Ω).

Proposition 5.1 Soit (fn)n une suite de Lp et f ∈ Lp. Si fn converge versf dans Lp alors (fn) possede une sous-suite qui admet une majorante Lp etqui converge vers f presque partout.

Preuve:Le cas p = ∞ etant evident on suppose p ∈]1,∞[ et on construit comme dansla preuve precedente (gk) = (fnk

) de sorte que (5.2) soit satisfaite. Commedans la preuve precedente on a (5.4) avec h ∈ Lp et (gn) converge vers g p.p.et dans Lp. On a donc f = g et il resulte de (5.4) que |gn| ≤ h+ |f | ∈ Lp cequi fournit la majorante Lp recherchee.

2

5.3 Dualite, reflexivite, separabilite

Lemme 5.3 (Inegalite de Clarkson) Soit p ∈ [2,∞[, pour tout f et g dansLp, on a : ∥∥∥f + g

2

∥∥∥pLp

+∥∥∥f − g

2

∥∥∥pLp≤ 1

2

(‖f‖pLp + ‖g‖pLp

).

Preuve:On commence par remarquer que t 7→ (t2 + 1)p/2 − tp − 1 est croissante surR+ et donc

tp + 1 ≤ (t2 + 1)p/2, ∀t ≥ 0

(en remplacant t par t/s dans l’inegalite precedente) il en resulte que

tp + sp ≤ (t2 + s2)p/2 ∀t ≥ 0, ∀s ≥ 0

et donc pour tout (f, g) ∈ R2 :∣∣∣f + g

2

∣∣∣p +∣∣∣f − g

2

∣∣∣p ≤ (f 2

2+g2

2

)p/297

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en utilisant la convexite de t 7→ tp/2 pour p ≥ 2, il vient donc∣∣∣f + g

2

∣∣∣p +∣∣∣f − g

2

∣∣∣p ≤ 1

2|f |p +

1

2|g|p

et l’inegalite recherchee en decoule immediatement.2

Notons que p = 2 est un cas limite dans lequel l’inegalite de Clarkson estune egalite (c’est l’identite du parallelogramme !). On deduit immediatementdu lemme precedent :

Lemme 5.4 Lp est uniformement convexe pour 2 ≤ p <∞.

Preuve:Soit ε > 0, f et g dans Lp avec ‖f‖Lp ≤ 1, ‖g‖Lp ≤ 1 et ‖f − g‖Lp ≥ ε, ilresulte du lemme 5.3 que∥∥∥f + g

2

∥∥∥Lp≤ 1− δ, avec δ := 1−

(1− εp

2p

)1/p

ce qui prouve Lp est uniformement convexe.2

Dans le cas ou 1 < p ≤ 2, Lp est egalement uniformement convexe,la preuve est cependant un peu plus compliquee et repose sur l’inegalitesuivante :

Lemme 5.5 (Inegalite de Hanner) Soit p ∈]1, 2], pour tout f et g dans Lp,on a :(

‖f‖Lp + ‖g‖Lp

)p+∣∣∣‖f‖Lp − ‖g‖Lp

∣∣∣p ≤ ‖f + g‖pLp + ‖f − g‖pLp .

Preuve:On commence par remarquer que la fonction F : (x, y) ∈ R+ × R+ 7→F (x, y) = (x1/p + y1/p)p + |x1/p − y1/p|p est convexe et homogene de degre 1.On a donc par l’inegalite de Jensen :

F (

∫|f |p,

∫|g|p) ≤

∫F (|f |p, |g|p)

c’est a dire :(‖f‖Lp + ‖g‖Lp

)p+∣∣∣‖f‖Lp − ‖g‖Lp

∣∣∣p ≤ ∫ (|f |+ |g|)p

+

∫ ∣∣∣|f | − |g|∣∣∣pon conclut en remarquant (en distinguant le cas ou f et g ont meme signede celui ou f et g sont de signes opposes) que l’on a(

|f |+ |g|)p

+∣∣∣|f | − |g|∣∣∣p = |f + g|p + |f − g|p.

2

98

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Lemme 5.6 Lp est uniformement convexe pour 1 < p ≤ 2.

Preuve:Soit ε > 0, f et g dans Lp avec ‖f‖Lp ≤ 1, ‖g‖Lp ≤ 1 et ‖f − g‖Lp ≥ ε.Appliquant ’inegalite de Hanner a (f + g)/2 et (f − g)/2, il vient(∥∥∥f + g

2

∥∥∥Lp

+∥∥∥f − g

2

∥∥∥Lp

)p+∣∣∣∥∥∥f + g

2

∥∥∥Lp−∥∥∥f − g

2

∥∥∥Lp

∣∣∣p ≤ ‖f‖pLp +‖g‖pLp ≤ 2.

(5.5)Posons ϕ(t) := tp pour tout t ≥ 0, soit a ≥ b ≥ 0, la formule de Taylor avecreste integral donne

1

2ϕ(a+ b) +

1

2ϕ(a− b) = ϕ(a) +

b2

2

∫ 1

0

(1− t)(ϕ′′(a+ tb) + ϕ′′(a− tb))dt

= ap + p(p− 1)b2∫ 1

0

(1− t)1

2((a+ tb)p−2 + (a− tb)p−2)dt

utilisant le fait que comme p ≤ 2, s > 0 7→ sp−2 est convexe, il vient doncque pour a ≥ b ≥ 0, on a :

1

2(a+ b)p +

1

2(a− b)p ≥ ap +

p(p− 1)b2ap−2

2. (5.6)

Dans le cas ou ‖f + g‖Lp ≥ ‖f − g‖Lp , avec (5.5) et (5.6), il vient donc

1 ≥∥∥∥f + g

2

∥∥∥pLp

+p(p− 1)

2

∥∥∥f − g

2

∥∥∥2

Lp

∥∥∥f + g

2

∥∥∥p−2

Lp

en multipliant par ‖f+g2‖2−pLp on obtient

1 ≥∥∥∥f + g

2

∥∥∥2−p

Lp≥∥∥∥f + g

2

∥∥∥2

Lp+p(p− 1)

2

∥∥∥f − g

2

∥∥∥2

Lp

de sorte que ∥∥∥f + g

2

∥∥∥2

Lp≤ 1− p(p− 1)ε2

8.

Dans le cas ou ‖f + g‖Lp ≤ ‖f − g‖Lp , on tire immediatement de (5.5) que∥∥∥f + g

2

∥∥∥pLp≤ 21−p

ce qui acheve la preuve.2

Pour resumer, on a donc etabli :

99

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Theoreme 5.9 Pour tout p ∈]1,∞[, Lp(Ω) est uniformement convexe.

On verifie tres facilement ”a la main” que L1 et L∞ ne sont pas uni-formement convexes. Il resulte du theoreme precedent et du theoreme deMilman-Pettis 3.6 :

Theoreme 5.10 Lp(Ω) est un espace reflexif pour tout p, 1 < p <∞.

Une autre consequence utile en pratique de l’uniforme convexite de Lp

nous est fournie par le theoreme 3.7 qui ici se traduit par :

Theoreme 5.11 Soit p ∈]1,∞[, (fn) une suite de Lp(Ω) et f ∈ Lp(Ω). Si(fn) converge faiblement vers f dans Lp et si

limn‖fn‖ = ‖f‖

alors (fn) converge fortement dans Lp vers f .

Exercice 5.6 Monter que le resultat precedent est faux dans L1 (faible) etL∞ (faible ∗).

Le resultat de representation suivant montre que si 1 < p < ∞, on peutidentifier (Lp)′ a Lp

′:

Theoreme 5.12 (Theoreme de representation de Riesz) Soit p : 1 < p <∞et soit ϕ ∈ (Lp(Ω))′ alors il existe un unique u ∈ Lp′ tel que

〈ϕ, f〉 =

∫Ω

uf, ∀f ∈ Lp(Ω)

de plus on a‖ϕ‖(Lp)′ = ‖u‖Lp′ .

Preuve:Definissons T : Lp

′ → (Lp)′ par

〈Tu, f〉 :=

∫Ω

uf, ∀u ∈ Lp′ , ∀f ∈ Lp.

Il resute de l’inegalite de Holder que T est continue et plus precisement :

‖Tu‖(Lp)′ ≤ ‖u‖Lp′ , ∀u ∈ Lp.

100

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Soit u ∈ Lp′ , u 6= 0, alors f := |u|p′−2u appartient a Lp et donc

‖Tu‖(Lp)′ ≥∫fu

‖f‖Lp

= ‖u‖Lp .

On en deduit donc que T est une isometrie de Lp′dans (Lp)′. En particulier,

T est injective, ce qui montre l’unicite. Pour l’existence il s’agit de montrerque T est surjective, T (Lp) etant ferme, il suffit de montrer que T (Lp

′) est

dense dans (Lp)′. Soit h ∈ (Lp)′′ tel que h ≡ 0 sur T (Lp′) comme Lp est

reflexif, on peut identifier h a un element (encore note h) de Lp, en prenantu := |h|p−2h ∈ Lp′ , on a alors

〈Tu, h〉 = 0 =

∫|h|p = 0

et donc h = 0 ce qui montre que T (Lp′) est dense dans (Lp)′.

2

S’agissant du dual de L1 on a le theoreme de representation suivant :

Theoreme 5.13 Soit ϕ ∈ (L1(Ω))′ alors il existe un unique u ∈ L∞ tel que

〈ϕ, f〉 =

∫Ω

uf, ∀f ∈ L1(Ω)

de plus on a‖ϕ‖(L1)′ = ‖u‖L∞ .

Preuve:Montrons l’existence d’un u dans L∞ representant ϕ. Soit K un compactinclus dans Ω, pour f ∈ L2 on a

| 〈ϕ, χKf〉 | ≤ ‖ϕ‖(L1)′|K|1/2‖f‖L2

de sorte que f ∈ L2 7→ 〈ϕ, χKf〉 est dans (L2)′ = L2. Par le theoreme deRiesz pour les Hilbert ou le theoreme 5.12, il existe donc uK ∈ L2 telle que

〈ϕ, χKf〉 =

∫Ω

fuK ,∀f ∈ L2

on verifie aisement que uK est necessairement de la forme uK = χKu avecu ∈ L2

loc. En particulier on a

〈ϕ, f〉 =

∫Ω

uf, ∀f ∈ Cc(Ω). (5.7)

101

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Montrons que u ∈ L∞ et plus precisement que |u| ≤ ‖ϕ‖(L1)′ p.p. ; si teln’etait pas le cas, il existerait δ > 0 tel que

Aδ :=|u| ≥ ‖ϕ‖(L1)′ + δ

soit de mesure strictement positive, ceci entrainant qu’il existe K compactinclus dans Ω tel que Kδ := K∩Aδ soit aussi de mesure strictement positive.Soit alors f := χKδ

sg(u) on a alors

‖ϕ‖(L1)′‖f‖L1 = ‖ϕ‖(L1)′|Kδ|

≥ 〈ϕ, f〉 =

∫Ω

uf =

∫Kδ

|u|

≥ |Kδ|(‖ϕ‖(L1)′ + δ

)ce qui constitue la contradiction recherchee. On a donc u ∈ L∞ et ‖u‖L∞ ≤‖ϕ‖(L1)′ . Par densite de Cc(Ω) dans L1 avec (5.7), on a donc

〈ϕ, f〉 =

∫uf, ∀f ∈ L1(Ω)

ce qui implique aussi ‖ϕ‖(L1)′ ≤ ‖u‖L∞ . Enfin l’unicite de u ∈ L∞ representantϕ decoule immediatement du lemme 2.7.

2

Le resultat precedent precedent prouve en particulier que L∞ est undual topologique, on pourra donc en particulier lui appliquer le theoremede Banach-Alaoglu-Bourbaki.

Theoreme 5.14 Soit p ∈ [1,+∞[, D(Ω) est dense dans Lp(Ω).

Preuve:Soit T ∈ (Lp)′ tel que T (ϕ) = 0, pour tout ϕ ∈ D. Il resulte des theoremes5.12 et 5.13 qu’il existe u ∈ Lp′ (en particulier u ∈ L1

loc) representant T , on aalors u = 0 dans D′ et donc u = 0 p.p. en vertu du Lemme 2.7. On a doncT = 0, on en conclut que D(Ω) est dense dans Lp(Ω) grace au corollaire 1.5

2

Theoreme 5.15 Lp(Ω) est separable pour tout p ∈ [1,∞[.

Preuve:Soit E l’ensemble des combinaisons lineaires a coefficients dans Q d’indi-catrices de paves de la forme Πd

i=1]xi, yi[ inclus dans Ω et avec les xi, yi acoordonnees rationnelles. Par construction E est denombrable, il nous suffit

102

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donc de montrer que E est dense dans Lp(Ω). Soit f ∈ Lp(Ω) et ε > 0, oncommence par choisir g ∈ Cc(Ω) tel que ‖f −g‖Lp(Ω) ≤ ε/2. Soit ω un ouvertborne contenant supp(g), en utilisant l’uniforme continuite de g, on construitfacilement h ∈ E tel que supp(h) ⊂ ω et ‖g−h‖L∞(ω) ≤ ε/(2|ω|1/p), de sorteque l’on a ‖g − h‖Lp(Ω) ≤ ε/2 et donc aussi ‖f − h‖Lp(Ω) ≤ ε.

2

Notons que L2 est un Hilbert separable. En particulier, L2 admet des basesHilbertiennes, mieux encore : on peut appliquer le theoreme de decompositionspectrale dans L2, nous reviendrons sur ce point plus en detail par la suite.

Comme L1 est separable et L∞ = (L1)′, on deduit du corollaire 3.6 dutheoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki :

Theoreme 5.16 Toute suite bornee de L∞(Ω) possede une sous-suite conver-gente pour la topologie faible-∗ σ(L∞, L1).

Nous avons laisse en suspens la question de la reflexivite de L1 et L∞, acette question, la reponse est negative :

Theoreme 5.17 L1(Ω) et L∞(Ω) ne sont pas reflexifs.

Preuve:Comme (L1)′ = L∞, en vertu du corollaire 3.2, il nous suffit de montrer queL1 n’est pas reflexif c’est a dire que L1 6= (L∞)′. Soit x0 ∈ Ω et ϕ la formelineaire sur Cc(Ω) definie par

〈ϕ, f〉 := f(x0), ∀f ∈ Cc(Ω)

comme 〈ϕ, f〉 ≤ ‖f‖L∞ , ∀f ∈ Cc(Ω), grace au theoreme de Hahn-Banach, onpeut prolonger ϕ en un element de (L∞)′ (qu’on notera encore ϕ). S’il existaitu ∈ L1 representant ϕ, on aurait en particulier u = 0 dans D′(Ω \ x0)ce qui avec le lemme 2.7 entrainerait f = 0 p.p. sur Ω \ x0 et donc aussif = 0 p.p. sur Ω, on aurait alors ϕ = 0 ce qui est absurde.

2

Le resultat qui suit va nous permettre de repondre negativement a laquestion de la separabilite de L∞ :

Lemme 5.7 Soit E un evn, s’il existe, (Oi)i∈I une famille d’ouverts nonvides de E verifiant I non denombrable et Oi ∩Oj = ∅ si (i, j) ∈ I2 et i 6= jalors E n’est pas separable.

Preuve:Supposons par l’absurde que (un) soit dense dans E alors pour chaque i ∈ I,il existe n = n(i) tel que un(i) ∈ Oi. Comme i ∈ I 7→ n(i) est injective on endeduit que I est au plus denombrable, d’ou la contradiction recherchee.

2

103

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Proposition 5.2 L∞ n’est pas separable.

Preuve:Soit x ∈ Ω et rx < d(x,Rd \ Ω), posons ux := χB(x,rx) et

Ox :=

u ∈ L∞ : ‖u− ux‖L∞ <

1

2

.

On verifie facilement que la famille (Ox)x∈Ω verifie les hypotheses du lemme5.7 dans L∞ et donc que L∞ n’est pas separable.

2

Exercice 5.7 Soit (ρn) une suite regularisante et f ∈ Lp(Rd) montrer queρn ? f converge vers f dans Lp(Rd).

Exercice 5.8 Soit Ω un ouvert borne de Rd et p : 1 < p < ∞. Soit (un)une suite de Lp(Ω) et u ∈ Lp(Ω) tels que un u pour σ(Lp, Lp

′) et il existe

λ ≥ 0 tel que ||un| ≥ λ| → 0 quand n → +∞. Montrer que u ∈ L∞ avec‖u‖L∞ ≤ λ.

Exercice 5.9 (Theoreme de Lusin) Soit Ω un ouvert borne de Rd et f me-surable Ω → R. Montrer que pour tout ε > 0, il existe g ∈ Cc(Ω) tel que|f 6= g| ≤ ε. Dans le cas ou f ∈ L∞ montrer que g peut etre choisiesatisfaisant en plus ‖g‖L∞ ≤ ‖f‖L∞

Exercice 5.10 (Theoreme d’Egorov) Soit Ω un ouvert de Rd de mesure fi-nie, (fn) et f mesurables telles que (fn) converge vers f p.p. Montrer quepour tout ε > 0, il existe Aε ⊂ Ω mesurable tel que |Ω \ Aε| ≤ ε et (fn)converge uniformement vers f sur Aε.

Exercice 5.11 Soit p ∈ [1,∞[ et f ∈ Lp(Rd), montrer que

limh→0

‖τhf − f‖Lp = 0

(on rappelle que τhf(x) := f(x+ h)).

104

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5.4 Compacite dans Lp

Nous avons deja vu que Lp est reflexif pour 1 < p <∞ il resulte donc dutheoreme de Kakutani que les parties bornees de Lp sont faiblement relati-vement compactes et du theoreme 3.5 (ou du fait que Lp

′est separable) que

les suites bornees de Lp admettent des sous-suites faiblement convergentes :

Theoreme 5.18 Soit p ∈]1,∞[. Toute partie bornee de Lp est faiblementrelativement compacte. Toute suite bornee de Lp possede une sous-suite quiconverge faiblement σ(Lp, Lp

′).

Pour p = ∞, comme L∞ = (L1)′ on a comme consequence immediate dutheoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki d’une part et de la separabilite de L1

et du corollaire 3.6 d’autre part :

Theoreme 5.19 Toute partie bornee de L∞ est faiblement ∗ relativementcompacte. Toute suite bornee de L∞ possede une sous-suite qui converge fai-blement -∗ σ(L∞, L1).

Pour la compacite forte, on a le critere suivant :

Theoreme 5.20 (Theoreme de compacite de Riesz-Frechet-Kolmogorov) Soitp ∈ [1,∞[ et F une partie bornee de Lp(Ω). Si d’une part pour tout ε > 0 ettout ω ⊂⊂ Ω il existe δ : 0 < δ < d(ω,Rd \ Ω) tel que

supf∈F

‖τhf − f‖Lp(ω) ≤ ε, ∀h ∈ Rd : |h| ≤ δ

et d’autre part pour tout ε > 0 il existe ω ⊂⊂ Ω (i.e. ω ouvert, ω compact etinclus dans Ω) tel que

supf∈F

‖f‖Lp(Ω\ω) ≤ ε

alors F est relativement compact dans Lp(Ω).

Preuve:Comme Lp(Ω) est complet il suffit de montrer que F est precompact dansLp(Ω). Soit donc ε > 0, il s’agit de montrer que F peut etre recouvert par unnombre fini de boules de rayon ε de Lp(Ω). On commence par choisir ω ⊂⊂ Ωtel que

supf∈F

‖f‖Lp(Ω\ω) ≤ε

3(5.8)

c’est a diresupf∈F

‖f − fχω‖Lp(Ω) ≤ε

3. (5.9)

105

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Par hypothese, il existe n ∈ N∗ tel que n−1 < d(ω,Rd \ Ω) et

supf∈F

‖τhf − f‖Lp(ω) ≤ε

3,∀h ∈ Rd : |h| ≤ n−1. (5.10)

Soit ρn un noyau regularisant (C∞, positif, a support dans B(0, n−1) etd’integrale 1) et

Fn,ω := (ρn ? f) |ω, f ∈ F.Pour f ∈ F et x ∈ Ω on a

|(ρn ? f − f)(x)| ≤∫B(0,n−1)

ρn(h)|τ−hf(x)− f(x)|dh

et donc avec l’inegalite de Jensen

|(ρn ? f − f)(x)|p ≤∫B(0,n−1)

ρn(h)|τ−hf(x)− f(x)|pdh

et donc en utilisant le theoreme de Fubini et (5.10) on a

‖ρn ? f − f‖pLp(ω) ≤∫B(0,n−1)

ρn(h)‖τ−hf − f‖pLp(ω)dh ≤(ε

3

)painsi

supf∈F

‖ρn ? f − f‖Lp(ω) ≤ε

3. (5.11)

Pour f ∈ F on a‖ρn ? f‖L∞(ω) ≤ ‖ρn‖Lp′‖f‖Lp

et‖∇(ρn ? f)‖L∞(ω) ≤ ‖∇ρn‖Lp′‖f‖Lp

de sorte que Fn,ω est uniformement bornee et equilipschitzienne et donc, envertu du theoreme d’Ascoli, relativement compact dans C(ω) et donc aussidans Lp(ω). Il existe donc N et g1, ..., gN dans Lp(ω) (qu’on prolonge par 0en dehors de ω) tel que

Fn,ω ⊂N⋃i=1

B(gi,ε

3).

Grace a (5.9) et (5.11) on en deduit que

Fn,ω ⊂N⋃i=1

B(gi, ε)

ce qui acheve la demonstration.2

106

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Exercice 5.12 Montrer que les conditions sur F dans le Theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov sont en fait aussi necessaires pour la relative compacitede F .

Exercice 5.13 Soit g ∈ L1, F une partie bornee de Lp(Rd) et ω un ouvertborne de Rd, montrer que (g ? f)χω, f ∈ F est relativement compact dansLp(ω). Le resultat precedent est-il vrai quand on remplace ω par Rd ?

5.5 Compacite faible dans L1

Definition 5.1 Soit Ω un ouvert borne de Rd et F une partie bornee deL1(Ω), alors F est dite uniformement integrable si ∀ε > 0, ∃δ > 0 tel que∫

A

|f | ≤ ε, pour tout f ∈ F et tout A ⊂ Ω tel que |A| ≤ δ. (5.12)

Le theoreme de Dunford-Pettis enonce que l’uniforme integrabilite est unecondition necessaire et suffisante de relative compacite faible dans L1. Nousnous contenterons ici de demontrer le caractere suffisant pour la compacitefaible sequentielle, la preuve du caractere necessaire etant a priori moins utile,nous renvoyons le lecteur interesse a [6] pour plus de details.

Theoreme 5.21 (Dunford-Pettis) Soit Ω un ouvert borne de Rd et F unepartie bornee de L1(Ω), alors si F est uniformement integrable, de toute suitede F , on peut extraire une sous suite convergeant pour σ(L1, L∞).

Preuve:On commence par remarquer que l’on peut supposer les elements de F positifs(ecrire f = f+ − f− et remarquer que f±, f ∈ F sont uniformementintegrables). Soit (fn) une suite de F , pour tout k ∈ N∗ on pose fkn :=fnχfn≤k. Soit C = supn

∫fn, on a

C ≥∫fn ≥ k|fn > k|

il resute donc de l’uniforme integrabilite de F que

limk→∞

supn

∫fn>k

fn = 0

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et donc que

δk := supn‖fn − fkn‖L1 = sup

n

∫fn>k

fn → 0 quand k →∞. (5.13)

On remarque ensuite que comme (fkn)n est bornee dans L∞, elle admet unesous-suite qui converge pour σ(L∞, L1) et donc a fortiori pour σ(L1, L∞)(c’est ici qu’intervient le fait que Ω soit borne). On applique alors le procedehabituel d’extraction diagonal de Cantor. Pour tout k, il existe ϕk strictementcroissante de N dans N et il existe fk ∈ L∞ tels que (fkϕk(n)) converge vers fk

pour σ(L1, L∞) quand n→∞ (et on choisit ϕk+1 de la forme ϕk+1 = ϕk ψkavec ψk strictement croissante de N dans N de sorte que (f lϕk(n)) converge

vers f l pour l ≤ k). On a∫fk ≤ lim inf

n

∫fkϕk(n) ≤ lim inf

n

∫fϕk(n) ≤ C

et de plus (fk) est croissante par rapport a k (passer a la limite dans∫g(fk+1

n −fkn) ≥ 0 pour g ≥ 0, g ∈ L∞). Il resulte donc du theoreme de convergencemonotone de Beppo-Levi que (fk) converge fortement dans L1 vers f . Il nousreste maintenant a montrer que (fϕ(n)) (avec ϕ(n) := ϕn(n)) converge vers fpour σ(L1, L∞). Soit g ∈ L∞, ε > 0 et k0 tel que

‖g‖∞(δk0 + ‖fk0 − f‖L1) ≤ ε

2

on a alors∣∣∣ ∫ g(fϕ(n) − f)∣∣∣ =

∣∣∣ ∫ g(fϕ(n) − fk0ϕ(n) + fk0ϕ(n) − fk0 + fk0 − f)∣∣∣

≤ ε

2+∣∣∣ ∫ g(fk0ϕ(n) − fk0)

∣∣∣et comme (fk0ϕ(n))n converge faiblement dans L1 vers fk0 , on a pour n assezgrand ∣∣∣ ∫ g(fϕ(n) − f)

∣∣∣ ≤ ε

ce qui acheve la preuve.2

Exercice 5.14 Montrer que l’uniforme integrabilite est aussi une conditionnecessaire a la relative compacite faible sequentielle.

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Exercice 5.15 Soit F une partie bornee de L1(Ω). Montrer que F est uni-formement integrable si et seulement si

supf∈F

∫|f |≥M

|f | → 0, quand M → +∞.

Exercice 5.16 (Critere de de La Vallee-Poussin) Soit F une partie borneede L1(Ω). Montrer que F est uniformement integrable si et seulement s’ilexiste une fonction g : R+ → R+ croissante (et que l’on peut en outre choisirconvexe) et telle que g(t)/t→ +∞ quand t→∞ et

supf∈F

∫Ω

g(|f(x)|)dx < +∞.

Pour les suites bornees de L1 (mais non necessairement uniformementintegrables) on a le resultat suivant que nous donnons ici sans demonstration :

Lemme 5.8 (Biting Lemma) Soit Ω un ouvert borne de Rd et (fn) une suitebornee de L1(Ω). Il existe une suite decroissante d’ensemble mesurables (Ek)telle que |Ek| → 0 et une sous suite de (fn), (fnk

) tels que (χΩ\Ekfnk

) soituniformement integrable.

Nous evoquerons au prochain chapitre le principe de concentration-compacitede Pierre-Louis Lions qui donne precisement les differents comportementspossibles des suites de mesures de probabilite sur Rd.

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Chapitre 6

Espaces de mesures

6.1 Rappels sur les espaces de fonctions conti-

nues

Rappelons a toutes fins utiles le theoreme d’Ascoli-Arzela que nous avonsd’ailleurs deja utilise a plusieurs reprises

Theoreme 6.1 (Theoreme d’Ascoli-Arzela) Soit (K, d) un espace metriquecompact et F une partie bornee de C(K) uniformement equicontinue c’est adire verifiant : pour tout ε > 0, il existe δ > 0 tel que pour tout (x1, x2) ∈ K2

si d(x1, x2) ≤ δ alors

|f(x1)− f(x2)| ≤ ε, ∀f ∈ F .

Alors F est relativement compacte dans C(K).

En pratique, pour montrer l’uniforme equicontinuite d’une famille F onmontre souvent (et c’est equivalent !) qu’elle possede un module de continuiteuniforme c’est a dire une fonction croissante ω tendant vers 0 en 0 et telleque

|f(x1)− f(x2)| ≤ ω(d(x1, x2)), ∀(x1, x2, f) ∈ K2 ×F .

Pour ω(t) = Ct, on a une famille equilipschitzienne, pour ω(t) = Ctα avecα ≤ 1, une famille equi-Holderienne d’exposant α....

Proposition 6.1 (Lemme d’Urysohn) Soit (X, d) un espace localement com-pact (c’est a dire dont tout point possede un voisinage compact) soit K unepartie non vide compacte de X et V un ouvert contenant K alors il existef ∈ Cc(X) tel que χK ≤ f ≤ χV .

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Preuve:Il est facile de voir qu’il existe O, voisinage ouvert et relativement compactde K contenu dans V . En posant :

f(x) :=d(x,X \O)

d(x,K) + d(x,X \O), ∀x ∈ X

il est clair que f a les proprietes requises.2

Proposition 6.2 (Partition de l’unite) Soit (X, d) un espace localement com-pact, K une partie compacte de X et V1, ..., Vn un recouvrement ouvert de K.Il existe g1, .., gn ∈ Cc(X)n verifiant 0 ≤ gi ≤ 1, supp(gi) ⊂ Vi et

n∑i=1

gi(x) = 1, ∀x ∈ K.

La famille g1, .., gn s’appelle partition de l’unite subordonnee au recouvrementV1, ..., Vn de K.

Preuve:Pour tout x ∈ K, il existe Wx un voisinage ouvert de x tel que W x soitcompact et inclus dans l’un des Vi. Par compacite de K, on peut le recouvrirpar les ouverts Wxj

, j = 1, ..., p. On definit alors pour i = 1, ..., n

Ki :=⋃

j : Wxj⊂Vi

W xj.

On deduit du Lemme d’Urysohn qu’il existe fi ∈ Cc(X), tel que χKi≤ fi ≤

χVi. Definissons

g1 := f1, g2 := f2(1− f1), ...., gn := fn(1− fn−1)....(1− f1)

on a alorsn∑i=1

gi(x) = 1− (1− f1(x))...(1− fn(x))

or si x ∈ K, x ∈ Ki pour un certain i et donc∑n

i=1 gi(x) = 1.2

Theoreme 6.2 (Prolongement de Tietze) Soit (K, d) un espace metriquecompact, F un ferme de K et f ∈ C(F ), alors f admet un prolongementcontinu a K.

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Preuve:Soit ω un module de continuite de f sur F (correctement defini car F estcompact et donc f est uniformement continue sur F ) qu’on suppose sansperte de generalite sous-additif (ω(s + t) ≤ ω(s) + ω(t)). Pour tout x ∈ Kposons

g(x) := infy∈F

f(y) + ω(d(x, y))

on verifie sans peine que g prolonge f et admet ω comme module de conti-nuite. 2

Theoreme 6.3 Si (K, d) est un espace metrique compact alors C(K) estseparable.

Preuve:K etant compact, il est separable ; soit donc xii∈N dense dans K. Pourtout i ∈ N et n ∈ N, on deduit du lemme d’Urysohn qu’il existe fi,n ∈ C(K)verifiant

χB(xi,2−n−1) ≤ fi,n ≤ χB(xi,2−n).

Pour tout n, il existe In ⊂ N fini tel que

K =⋃i∈In

B(xi, 2−n−1)

on pose alors pour tout n ∈ N et tout i ∈ In :

gi,n(x) :=fi,n(x)∑j∈In fj,n(x)

, ∀x ∈ K.

On verifie sans peine que l’espace vectoriel sur Q engendre par la famillegi,n, n ∈ N, i ∈ In est dense dans C(K).

2

On deduit des resultats precedents que si l’espace metrique (X, d) est σ-compact (i.e. reunion d’une suite croissante de compacts Kn) alors Cc(X)(limite inductive des espaces CKn(X)) est sequentiellement separable.

6.2 Theoreme de Riesz et mesures de Radon

dans le cas compact

On rappelle que si (X, d) est un espace metrique (ici on ne considererapar simplicite que ce cas meme si la plupart des resultats de ce chapitres’etendent au cas separe), sa tribu Borelienne, BX , est par definition la tribu

112

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engendree par ses ouverts. Une mesure borelienne sur X est une mesuredefinie sur la tribu borelienne de X (c’est a dire une application σ-additivede BX a valeurs dans [0,∞]). Nous omettrons parfois par la suite le termeborelienne, etant entendu implicitement que nous ne considererons que desmesures boreliennes. On dit en outre que µ est finie si µ(X) < +∞ et que µest σ-finie s’il existe une suite croissante de Boreliens Bn telle que X =

⋃nBn

et µ(Bn) < +∞ pour tout n. Les mesures boreliennes regulieres sont definiescomme suit :

Definition 6.1 Soit (X, d) un espace metrique et µ une mesure boreliennesur X alors µ est dite reguliere si pour tout A ∈ BX on a

µ(A) = infµ(O) : O ouvert, A ⊂ O

etµ(A) = supµ(K) : K compact, K ⊂ A.

Si (X, d) est compact et µ est une mesure borelienne finie alors la formelineaire Tµ definie par

Tµ(f) :=

∫X

fdµ, ∀f ∈ C(X)

est continue (|Tµ(f)| ≤ ‖f‖µ(X)) et positive au sens ou Tµ(f) ≥ 0 pour toutf ≥ 0. Comme on a Tµ(1) = µ(X) on a :

‖Tµ‖C(X)′ = µ(X).

Le theoreme de representation de Riesz enonce (entre autres) que reciproquementtoute forme lineaire continue et positive sur C(X) se represente par une me-sure borelienne finie.

Theoreme 6.4 (Theoreme de representation de Riesz, cas compact et posi-tif) Soit (X, d) un espace metrique compact et T une forme lineaire conti-nue et positive sur C(X). Il existe une unique mesure borelienne finie etreguliere µ sur X telle que T = Tµ.

Preuve:Nous allons diviser la preuve (qui n’est pas compliquee mais relativementlongue si l’on veut en donner tous les details) en plusieurs etapes.

Etape 1 : unicite

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Si deux mesures (positives) boreliennes µ et ν representent T on a∫Xfdµ =∫

Xfdν pour tout f ∈ C(X). Soit K un ferme (donc un compact) de X

et Vn := x ∈ X : d(x,K) < 1/n, par le lemme d’Urysohn, il existefn ∈ C(X) tel que χK ≤ fn ≤ χVn , on a donc

µ(K) ≤∫X

fndµ =

∫X

fndν ≤ ν(Vn)

et doncµ(K) ≤ lim

nν(Vn) = ν

(⋂n

Vn

)= ν(K).

On en deduit que µ et ν coıncident sur les fermes, un argument classique declasse monotone permet d’en deduire que µ = ν.

Etape 2 : definition et proprietes de µ sur les ouverts et sur lescompacts

Pour tout ouvert V de X on pose

µ(V ) := supT (f), f ∈ C(X), 0 ≤ f ≤ χV . (6.1)

Par construction µ est positive et monotone au sens ou si V1 et V2 sontdes ouverts et si V1 ⊂ V2, alors µ(V1) ≤ µ(V2). Soit (Vn)n des ouverts deX et f ∈ C(X) tel que 0 ≤ f ≤ χ∪nVn comme supp(f) est compact, ilexiste N tel que supp(f) ⊂ ∪Nn=1Vn. Soit g1, ..., gN une partition de l’unitesubordonnee au recouvrement V1, ..., VN . Utilisant la linearite de T et le faitque 0 ≤ fgn ≤ χVn , on a alors

T (f) =N∑n=1

T (fgn) ≤N∑n=1

µ(Vn) ≤∞∑n=1

µ(Vn)

passant au supremum sur tous les f ∈ C(X) tels que 0 ≤ f ≤ χ∪nVn on endeduit

µ( ∞⋃n=1

Vn

)≤

∞∑n=1

µ(Vn). (6.2)

Soit maintenant V1 et V2 ouverts disjoints et ε > 0 et pour i = 1, 2, fi ∈ C(X)tel que 0 ≤ fi ≤ χVi

et

T (fi) ≥ µ(Vi)−ε

2

on a alors 0 ≤ f1 + f2 ≤ χV1 + χV2 = χV1∪V2 de sorte que

µ(V1 ∪ V2) ≥ T (f1 + f2) ≥ µ(V1) + µ(V2)− ε.

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On a donc µ(V1 ∪ V2) = µ(V1) + µ(V2) pour tout couple V1, V2 d’ouvertsdisjoints. On en deduit qu’on a la propriete d’additivite sur les ouverts :pour toute famille finie d’ouverts disjoints V1, ..., VN on a :

µ( N⋃n=1

Vn

)=

N∑n=1

µ(Vn). (6.3)

Pour tout compact (i.e. ferme) K de X, on pose

µ(K) := infµ(V ) : V ouvert, K ⊂ V .

Evidemment, µ ainsi definie sur les compacts est monotone pour l’inclusion(et par monotonie, on verifie sans peine que si K est a la fois ouvert et fermealors les deux definitions de µ(K) coıncident). Soit K1 et K2 deux compacts,ε > 0 et V1, V2 deux ouverts tels que K1 ⊂ V1, K2 ⊂ V2 et

µ(V1) ≤ µ(K1) +ε

2, µ(V2) ≤ µ(K2) +

ε

2

on a alors avec (6.2)

µ(K1 ∪K2) ≤ µ(V1 ∪ V2) ≤ µ(V1) + µ(V2) ≤ µ(K1) + µ(K2) + ε.

Supposons maintenant que les compacts K1 et K2 sont disjoints. Soitε > 0 et V ouvert contenant K1∪K2 tel que µ(V ) ≤ µ(K1∪K2)+ε, il existealors V1 et V2 ouverts disjoints contenant respectivement K1 et K2 tels queV1 ∪ V2 ⊂ V et donc

µ(K1 ∪K2) ≥ µ(V )− ε ≥ µ(V1 ∪ V2)− ε

= µ(V1) + µ(V2)− ε ≥ µ(K1) + µ(K2)− ε

on a donc µ(K1∪K2) = µ(K1)+µ(K2) pour tout couple K1, K2 de compactsdisjoints et par suite, pour toute famille finie de compacts disjointsK1, ..., KN

on a :

µ( N⋃n=1

Kn

)=

N∑n=1

µ(Kn). (6.4)

Etape 3 : mesure interieure, mesure exterieure

Pour tout A ⊂ X, on definit

µ∗(A) := supµ(K) : K compact, K ⊂ A

etµ∗(A) := infµ(V ) : V ouvert, A ⊂ V .

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Il est facile de voir que µ∗ ≤ µ∗ et que µ∗ et µ∗ sont monotones pour l’inclu-sion. On pose ensuite

B := A ⊂ X : µ∗(A) = µ∗(A)

et l’on definit µ = µ∗ = µ∗ sur B. Notons que par construction, les com-pacts appartiennent a B. Montrons que B contient aussi les ouverts. Parconstruction, pour tout ouvert V on a µ(V ) = µ∗(V ) ≥ µ∗(V ). Il s’agit demontrer l’inegalite inverse, soit donc f ∈ C(X) tel que 0 ≤ f ≤ χV , posonsK := supp(f) et soit W un ouvert contenant K, d’adherence incluse dansV . D’apres le lemme d’Urysohn, il existe g ∈ C(X) tel que χK ≤ g ≤ χW .Comme W est compact et inclus dans V et par monotonie de T on a donc

Tf ≤ Tg ≤ µ(W ) ≤ µ(W ) ≤ µ∗(V )

passant au supremum sur f on a obtient µ(V ) ≤ µ∗(V ). Ainsi B contient lesouverts de X.

Etape 4 : premieres proprietes de σ-additivite

Soit (An)n ∈ BN disjoints on se propose de montrer que

∞⋃n=1

An ∈ B et µ( ∞⋃n=1

An

)=

∞∑n=1

µ(An). (6.5)

Soit ε > 0 et pour tout n soit Kn un compact inclus dans An tel que

µ(Kn) ≥ µ(An)−ε

2n

on a alors (en utilisant la monotonie de µ∗, le fait que les Kn soient disjointset (6.4))

µ∗

( ∞⋃n=1

An

)≥ µ∗

( N⋃n=1

An

)≥ µ

( N⋃n=1

Kn

)=

N∑n=1

µ(Kn) ≥N∑n=1

µ(An)− ε.

et donc

µ∗

( ∞⋃n=1

An

)≥

∞∑n=1

µ(An). (6.6)

Soit Vn un ouvert contenant An et tel que

µ(Vn) ≤ µ(An) +ε

2n

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on a alors en utilisant (6.2)

µ∗( ∞⋃n=1

An

)≤ µ

( ∞⋃n=1

Vn

)≤

∞∑n=1

µ(Vn)

≤∞∑n=1

µ(An) + ε

Avec (6.6), et le fait que µ∗ ≤ µ∗, on en deduit bien (6.5).

Etape 5 : B est une σ-algebre contenant les boreliens.

Avec ce qui precede, il est facile d’etablir que

B = A ⊂ X : ∀ε > 0,∃K (compact) ⊂ A ⊂ V (ouvert) et µ(V \K) ≤ ε

on en deduit immediatement que B est stable par complementaire et donc,avec l’etape 4 que B est une σ-algebre. Comme B contient les ouverts (etape3), B contient les boreliens. En outre, il resulte de l’etape 4 que µ est σ-additive sur B et par construction µ est reguliere (ou plus precisement sarestriction a BX est reguliere).

Etape 6 : µ represente T .

Soit f ∈ C(X), montrons que T (f) =∫Xfdµ, par linearite notons qu’il

suffit de montrer T (f) ≤∫Xfdµ. Comme T (1) = µ(X), on peut sans perte

de generalite (ajout d’une constante a f et homogeneite) supposer que 0 ≤f ≤ 1. Soit ε > 0 et N = Nε = [ε−1] + 1, pour tout k ∈ 0, ..., N posons

Ak := x ∈ X : (k − 1)ε < f(x) ≤ kε.

Pour tout k soit Vk un ouvert contenant Ak et tel que µ(Vk \Ak) ≤ ε/(N+1),sans perte de generalite on peut supposer que f ≤ (k+1)ε sur Vk. On a alors∫

X

fdµ ≥N∑k=1

(k − 1)εµ(Ak) ≥N∑k=1

(k − 1)εµ(Vk)− ε.

Soit g0, ..., gN une partition de l’unite subordonnee au recouvrement de Xpar les Vk on a alors

T (f) =N∑k=0

T (fgk) ≤N∑k=0

(k + 1)εT (gk) ≤N∑k=0

(k + 1)εµ(Vk)

et donc on obtient bien que T (f) ≤∫Xfdµ en faisant tendre ε vers 0.

2

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Corollaire 6.1 Toute mesure borelienne finie sur un metrique compact estreguliere.

Definition 6.2 Soit (X, d) un espace metrique compact, on appelle mesurede Radon sur X toute forme lineaire continue sur C(X). On note M(X) :=C(X)′ l’espace des mesures de Radon sur X et pour tout T ∈M(X) :

‖T‖M(X) := ‖T‖C(X)′ = supT (f), f ∈ C(X), ‖f‖ ≤ 1.

Evidemment pour une mesure de Radon positive T = Tµ on a

‖T‖M(X) = T (1) = µ(X).

Le theoreme de Riesz nous a permis d’identifier les mesures de Radon po-sitives sur X aux mesures boreliennes finies. Le resultat suivant permet dedecomposer toute mesure de Radon en partie positive et negative et ce demaniere canonique (minimale en un certain sens) :

Proposition 6.3 Soit (X, d) un espace metrique compact et T une mesurede Radon sur X. Definissons pour tout f ∈ C(X), f ≥ 0 :

T+(f) := supT (g) : g ∈ C(X) 0 ≤ g ≤ f,

T−(f) := − infT (g) : g ∈ C(X) 0 ≤ g ≤ f

et, pour tout f ∈ C(X) (en posant f+ = max(f, 0) et f− = max(−f, 0)) :

T+(f) := T+(f+)− T+(f−), T−(f) := T−(f+)− T−(f−)

alors T+ et T− sont deux mesures de Radon positives (appelees respective-ment partie positive et negative de T ). On a T = T+ − T− et

‖T‖M(X) = ‖T+‖M(X) + ‖T−‖M(X) = T+(1) + T−(1). (6.7)

De plus la decomposition de T = T+ − T− est minimale en ce sens que siT = T1 − T2 avec T1 et T2, mesures de Radon positives alors T1 ≥ T+ etT2 ≥ T−.

Preuve:Montrons d’abord la linearite de T+. Soit f1 et f2 dans C(X), positives, ona

T+(f1) + T+(f2) = supT (g1 + g2), gi ∈ C(X), 0 ≤ gi ≤ fi ≤ T+(f1 + f2).

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Soit ε > 0 et g ∈ C(X), 0 ≤ g ≤ f1 +f2 tel que T+(f1 +f2) ≤ T (g)+ε. On aalors g = min(g, f1)+(g−f1)+ et comme 0 ≤ (g−f1)+ ≤ f2, min(g, f1) ≤ f1,on a

T+(f1 + f2) ≤ T (min(g, f1)) + T ((g − f1)+) + ε ≤ T+(f1) + T+(f2) + ε

de sorte que

T+(f1 + f2) = T+(f1) + T+(f2),∀f1, f2 continues et positives.

Soit f1 et f2 dans C(X), positives, et f := f1 − f2 = f+ − f−, il decoule dece qui precede et de f1 + f− = f2 + f+ qu’on a

T+(f1) + T+(f−) = T+(f2) + T+(f+)

et donc

T+(f) = T+(f1 − f2) = T+(f+)− T+(f−) = T+(f1)− T+(f2)

en particulier comme T+(0) = 0 on a T+(−f) = −T+(f) et comme T+(λf) =λT+(f) pour tout λ > 0 la linearite de T+ est etablie. La continuite de T+

decoule immediatement de sa positivite (T+(f − ‖f‖) ≤ 0 et donc T+(f) ≤‖f‖T+(1) ≤ ‖f‖‖T‖M(X)). Ensuite, on remarque que si f ∈ C(X) et f ≥ 0alors

(T+ − T )(f) = supT (g − f) : 0 ≤ g ≤ f= sup−T (h) : 0 ≤ h ≤ f = T−(f)

on a donc T−(f) = T+(f)− T (f) pour tout f ≥ 0 et ceci est egalement vraipour tout f ∈ C(X) (ecrire f = f+− f−). La linearite et la continuite de T−

en decoulent (sa positivite est evidente) ainsi que l’identite T = T+ − T−.D’une part, si f ∈ C(X) et ‖f‖ ≤ 1 on a T (f) = T+(f) − T−(f+) +

T−(f−) ≤ T+(1) + T−(1) et donc ‖T‖M(X) ≤ T+(1) + T−(1). D’autre part,on a

T+(1) + T−(1) = supT (f − g) : 0 ≤ f, g ≤ 1≤ supT (h) : h ∈ C(X), ‖h‖ ≤ 1 = ‖T‖M(X)

on a donc bien (6.7).Enfin, montrons que la decomposition T = T+ − T− est minimale. Si

T = T1 − T2 on a T ≤ T1 et donc pour tout f ≥ 0 on a

T+(f) ≤ supT1(g) : g ∈ C(X), 0 ≤ g ≤ f = T1(f)

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et donc T+ ≤ T1.2

En particulier T+− T− est l’unique decompostion de T comme differencede mesures de Radon verifiant la propriete (6.7). On deduit immediatementde la proposition precedente et du theoreme de Riesz 6.4 le theoreme derepresentation suivant :

Theoreme 6.5 (Theoreme de representation de Riesz, cas compact) Soit(X, d) un espace metrique compact et T une mesure de Radon sur X, alors ilexiste deux mesures boreliennes (positives) finies µ1 et µ2 telles que T = Tµ1−Tµ2. En outre, il existe une unique representation sous la forme precedenteverifiant

‖T‖M(X) = µ1(X) + µ2(X).

Autrement dit, le theoreme de Riesz 6.5 permet d’identifier les mesuresde Radon sur X aux mesures signees c’est a dire differences de deux mesuresboreliennes (positives) finies. Si µ est une mesure signee s’ecrivant µ = µ1−µ2

avec µ1 et µ2 positives, la proposition 6.3 fournit une maniere minimalede decomposer µ en partie positive et negative : on decompose T = Tµ =Tµ1 − Tµ2 en sa partie positive et negative T = T+ − T− = Tµ+ − Tµ− avecµ+ et µ− representant respectivement T+ et T−. On verifie immediatementque µ = µ+ − µ−, µ+ et µ− s’appellent respectivement partie positive etnegative de µ. La decomposition µ = µ+ − µ− est minimale au sens ou siµ = µ1 − µ2 avec µi positive alors µ1 ≥ µ+ et µ2 ≥ µ−. Intuitivement quandon decompose µ = µ1− µ2 en µ+− µ− on a retire la masse commune a µ1 etµ2 ; on s’attend donc a ce que µ+ et µ− n’aient pas de partie en commun enun certain sens. On peut donner un sens precis a cette intuition au traversde la notion de mesures etrangeres :

Lemme 6.1 Soit µ une mesure signee sur le compact (X, d) de partie posi-tive µ+ et de partie negative µ−. Alors µ+ et µ− sont etrangeres : il existeun borelien A de X tel que µ+(A) = µ+(X) et µ−(A) = 0 (autrement dit µ+

est portee par A et µ− par X \ A).

Preuve:Nous savons que

sup∫X

fdµ+ −∫X

fdµ− : f ∈ C(X), ‖f‖ ≤ 1 = µ+(X) + µ−(X)

et donc pour tout k ≥ 1, n ≥ 1, il existe fk,n ∈ C(X), tel que ‖fk,n‖ ≤ 1 et

µ+(X) + µ−(X) ≤∫X

fk,ndµ+ −∫X

fk,ndµ− +1

k2n

120

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en posant Vk,n := fk,n > 0 on a donc

µ+(X) + µ−(X) ≤∫X

(fk,n)+dµ+

∫X

(fk,n)−dµ− +1

k2n

≤ µ+(Vk,n) + µ−(X \ Vk,n) +1

k2n

et donc

µ+(X \ Vk,n) + µ−(Vk,n) ≤1

k2n. (6.8)

PosonsA :=

⋂k

(⋃n

Vk,n

)il decoule de (6.8) que µ−(A) = 0 et µ+(X \ A) = 0. 2

Soit µ = µ+−µ− une mesure signee sur X et A, borelien tel que µ−(A) =µ+(X \ A) = 0. La mesure positive |µ| := µ+ + µ− est appelee mesure devariation totale de la mesure µ. Pour tout B ∈ BX on a

µ+(B) = µ+(B ∩ A) = µ(B ∩ A) = |µ|(B ∩ A),

µ−(B) = µ−(B \ A) = −µ(B \ A) = |µ|(B \ A).

On appelle variation totale de µ et l’on note ‖µ‖TV la norme ‖Tµ‖M(X) :

‖µ‖TV = sup‖f‖≤1

∫X

fdµ = µ+(X) + µ−(X) = |µ|(X).

Enfin, on aurait tout aussi bien pu definir les parties positive et negativesde la mesure signee µ comme etant l’unique couple de mesures positivesetrangeres dont la difference est µ.

Exercice 6.1 Montrer que ‖µ‖TV est le sup sur les familles finies de Boreliensdisjoints (Ai) de X de la quantite∑

i

|µ(Ai)|.

6.3 Mesures de Radon dans le cas localement

compact

Dans tout ce paragraphe, nous supposerons que (X, d) est un espacemetrique localement compact et σ-compact au sens ou il existe une suite

121

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strictement croissante de compacts (Xm)m d’interieur non vide tels queXm ⊂int(Xm+1) pour tout m et et X =

⋃mXm (autrement dit Xm est une suite

exhaustive de compacts de X). Notons que ces hypotheses impliquent que Xest non compact (sans quoi on pourrait extraire un recouvrement fini du re-couvrement de X par les ouverts int(Xm) ce qui contredirait le fait que Xm

est strictement croissante). Notons egalement que tout compact de X estcontenu dans Xm pour m assez grand. Le cadre localement compact couvrenaturellement le cas ou X = Rd ou plus generalement X, ouvert de Rd. Tou-tefois, l’hypothese de compacite locale peut s’averer restrictive et elimine defait certaines applications interessantes en dimension infinie, ce qui expliquequ’on prefere parfois travailler dans le cadre plus general des espaces Polonais(metriques separables et complets), nous renvoyons le lecteur interesse auxnotes de cours de Cedric Villani [21].

Exercice 6.2 Soit (X, d) verifiant les hypotheses de ce paragraphe, montrerque X est separable et complet.

Comme X n’est pas compact, on est naturellement amenes a distinguerdifferents espaces de fonctions continues sur X (et a nous interesser toutparticulierement a leur dual topologique respectif) :

– Cc(X), l’espace des fonctions continues a support compact : c’est lareunion des espaces CXm(X) des fonctions continues a support dansXm, Cc(X) est muni de sa topologie limite inductive des espaces CXm(X),ainsi une forme lineaire T est continue sur Cc(X) si et seulement si pourtout m, il existe une constante C = Cm telle que

|T (f)| ≤ C supx∈Xm

|f(x)|, ∀f ∈ Cc(X) : supp(f) ⊂ Xm

ce qui revient aussi a dire que pour tout compact K de X, il existe uneconstante C = CK telle que

|T (f)| ≤ C supx∈K

|f(x)|, ∀f ∈ Cc(X) : supp(f) ⊂ K

On appelle espace des mesures de Radon (localement finies) sur X etl’on note Mloc(X) le dual topologique de Cc(X),

– Cb(X) est l’espace des fonctions continues bornees sur X, muni de lanorme uniforme, c’est un espace de Banach (non separable),

– C0(X) est l’espace des fonctions continues sur X, tendant vers 0 al’infini, c’est a dire des fonctions f ∈ C(X) telles que pour tout ε > 0 ilexistem tel que |f(x)| ≤ ε pour tout x ∈ X\Xm (ce qui est evidemmentequivalent a : pour tout ε > 0 il existe un compact K de X tel quesupx∈X\K |f(x)| ≤ ε) ; C0(X) est un sev ferme de Cb(X) et donc est deBanach pour la norme uniforme.

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Exercice 6.3 Montrer que C0(X) est separable mais que Cb(X) ne l’est pas,que C0(X) est ferme dans Cb(X) et que Cc(X) est dense dans C0(X) (pourla norme uniforme).

Nous allons commencer par traiter le cas de Cc(X) et de son dual. Rappe-lons que Cc(X) muni de la topologie limite inductive des espaces CXm(X) estcomplet et sequentiellement separable. Comme dans le paragraphe precedenton dit que la forme lineaire T sur Cc(X) est positive si T (f) ≥ 0 pour toutf ∈ Cc(X), f ≥ 0. On verifie facilement que toute forme lineaire positivesur Cc(X) est une mesure de Radon. On adapte facilement les argumentsdu paragraphe precedent pour montrer que toute mesure de Radon sur X sedecompose en la difference de deux mesures de Radon positives. En adaptantles arguments du cas compact, on obtient alors le resultat de representationsuivant :

Theoreme 6.6 (Theoreme de representation de Riesz, cas non compact)Soit T une mesure de Radon sur X alors il existe couple de mesures boreliennes(positives) µ+ et µ−, finies sur les compacts de X telles que

T (f) =

∫X

fdµ+ −∫X

fdµ−, ∀f ∈ Cc(X).

Autrement dit, les mesures de Radon sur X se representent par des mesuressignees sur X de la forme µ+ − µ− avec µ+ et µ− positives et finies sur lescompacts (par la suite nous appellerons simplement de telles mesures mesuressignees). On a l’unicite dans la representation precedente si on impose en plusque les restrictions de µ± a tout compact sont etrangeres. Si Ω est un ouvertde Rd, les distributions d’ordre 0 sur Ω sont donc les mesures boreliennessignees, finies sur les compacts.

On deduit des resultats generaux du chapitre 1, un premier resultat utilede compacite sequentielle :

Proposition 6.4 Soit (Tn) une suite de mesures de Radon sur X telle que(Tn(f))n est bornee pour tout f ∈ Cc(X) alors il existe une mesure de RadonT et une sous-suite de (Tnk

) de (Tn) telles que

Tnk(f) → T (f), ∀f ∈ Cc(X).

Preuve:Il resulte du theoreme de Banach-Steinhaus (sous la forme de la proposition1.7) que

f ∈ Cc(X) 7→ p(f) := supn|Tn(f)|

123

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est une semi-norme continue sur Cc(X). Comme Cc(X) est sequentiellementseparable, le resultat cherche decoule du theoreme de Banach-Alaoglu-Bourbaki(sous la forme du theoreme 1.6).

2

On peut evidemment traduire cette propriete de compacite en termes demesures signees. Tout d’abord, on definit la convergence vague comme suit

Definition 6.3 Si (µn)n et µ sont des mesures signees sur X, on dit que(µn) converge vaguement vers X si∫

X

fdµn →∫X

fdµ, ∀f ∈ Cc(X).

Ensuite la proposition 6.4 traduit le fait que si (∫Xfdµn) est bornee pour

tout f ∈ Cc(X) alors (µn) possede une sous-suite qui converge vaguement.Par exemple, toute suite de mesure de probabilite possede une sous-suitequi converge vaguement (mais sa limite n’est pas forcement une mesure deprobabilite, il peut y avoir perte de masse comme le montre l’exemple µn = δnsur R qui converge vaguement vers 0).

On va maintenant s’interesser au dual topologique de l’espace de BanachC0(X) et montrer qu’il peut s’identifier a l’espace des mesures signees finies(i.e. de le forme µ+ − µ− avec µ± ≥ 0 et µ±(X) < +∞).

Lemme 6.2 Soit T une forme lineaire positive sur C0(X) alors T est conti-nue.

Preuve:Si T n’etait pas continue on pourrait pour chaque n trouver fn ∈ C0(X) telleque T (fn) ≥ n et ‖fn‖ ≤ 1, quitte a remplacer fn par sa partie positive onpeut en outre choisir les fn positifs. La serie

∑n−2fn converge normalement

dans C0(X) et donc converge car C0(X) est de Banach, notons f sa sommeon a alors pour tout

T (f) ≥N∑n=1

1

n2T (fn) ≥

N∑n=1

1

n→∞ quand N →∞

ce qui est absurde.2

En procedant comme pour la proposition 6.3 on a

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Lemme 6.3 Soit T ∈ C0(X)′, il existe un unique couple (T+, T−) de formeslineaires positives sur C0(X) telles que T = T+ − T− et

‖T‖C0(X)′ = ‖T+‖C0(X)′ + ‖T−‖C0(X)′ .

Il est clair que si µ = µ+ − µ− est une mesure signee finie alors Tµ :f ∈ C0(X) 7→ Tµ(f) =

∫Xfdµ+−

∫Xfdµ− est une forme lineaire continue et

que ‖Tµ‖C0(X)′ ≤ |µ|(X) = µ+(X) + µ−(X). Si en outre, on impose que µ+

et µ− sont etrangeres alors

‖Tµ‖C0(X)′ ≤ |µ|(X) = µ+(X) + µ−(X).

Le theoreme suivant enonce que reciproquement tout element de C0(X)′ serepresente par une mesure signee finie :

Theoreme 6.7 (Theoreme de representation de Riesz, cas non compact,dual de C0(X)) Soit T ∈ C0(X)′, alors il existe couple de mesures boreliennes(positives) finies µ+ et µ−, telles que

T (f) =

∫X

fdµ+ −∫X

fdµ−, ∀f ∈ C0(X).

Preuve:Comme T ∈ Cc(X)′, il decoule du theoreme 6.6 qu’il existe des mesuresboreliennes µ±, finies sur les compacts telles que

T (f) = T+(f)− T−(f) =

∫X

fdµ+ −∫X

fdµ−, ∀f ∈ Cc(X). (6.9)

Montrons que µ+ et µ− sont finies. Supposons par l’absurde que µ+(X) =∑m µ+(Xm\Xm) =

∑m(µ+(∂Xm)+µ+(int(Xm)\Xm−1) = +∞ de sorte que

l’une des series de terme general ηm = µ+(∂Xm) ou ηm = µ+(int(Xm)\Xm−1)diverge. Supposons que

∑m ηm = +∞ avec ηm = µ+(∂Xm). Soit alors Vm

des voisinages ouverts de ∂Xm deux a deux disjoints et gm ∈ Cc(X) telque χ∂Xm ≤ gm ≤ χVm . Comme

∑ηm = +∞, il existe une suite cm ≥ 0,

cm → 0 telle que∑

m cmηm = +∞ (choisirmk strictement croissante telle que∑mk+1−1mk

ηm ≥ 1 et cm = k−1 pour m ∈ mk, ...,mk+1 − 1). On pose alorsg :=

∑m cmgm comme les gm ont des supports disjoints et comme cm → 0

on a g ∈ C0(X) et donc

T+(g) ≥M∑m=1

cmT+(gm) ≥

M∑m=1

cmµ+(∂Xm)

125

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ce qui constitue la contradiction recherchee. Si∑

m ηm = +∞ avec ηm =µ+(int(Xm) \Xm−1), on choisit pour chaque m un compact Km ⊂ int(Xm) \Xm−1 tel que µ+(Km) ≥ ηm − 2−m−1, puis gm ∈ Cc(X) tel que χKm ≤ gm ≤χint(Xm)\Xm−1 et l’on procede exactement comme dans le cas precedent.

Comme µ± sont finies, le fait que µ+ − µ− represente effectivement Tdecoule de (6.9) et de la densite de Cc(X) dans C0(X).

2

Comme dans le cas compact, on a unicite de µ+ et µ− si l’on impose enoutre

‖Tµ‖C0(X)′ ≤ |µ|(X) = µ+(X) + µ−(X).

Attention : dans le cas ou X n’est pas compact, et en notant Cb(X)l’espace des fonctions continues bornees sur X (muni de la norme uniformequi en fait un espace de Banach), on ne peut identifier les formes lineairescontinues sur Cb(X) a des mesures. En effet soit F le sev de Cb(R) formepar les fonctions ayant une limite en +∞ et soit T (f) := lim+∞ f pour toutf ∈ F . Comme T (f) ≤ ‖f‖ pour tout f ∈ F , on peut, grace au theoremede Hahn-Banach prolonger T en un element (encore note T ) de Cb(R)′. Si Tetait represente par une mesure µ, comme T (f) = 0 pour tout f ∈ Cc(R) onaurait µ = 0 et donc aussi T = 0, ce qui est absurde.

Definition 6.4 On dit qu’une suite de mesures (finies) (µn) sur X convergeetroitement vers une mesure (finie) µ sur X si∫

X

fdµn →∫X

fdµ, ∀f ∈ Cb(X).

L’important theoreme suivant (qui presente certaines analogies avec letheoreme de Dunford-Pettis) donne un critere (la tension, propriete qui assureque la masse ”ne part pas a l’infini” et qui exclut en particulier les cas dutype µn = δn dans R) de compacite sequentielle pour la convergence etroitedans les mesures positives

Theoreme 6.8 (Theoreme de Prokhorov) Soit (µn) une suite de mesurespositives sur X, si µn(X) est bornee et si (µn) est tendue au sens ou pourtout ε > 0, il existe un compact K tel que

supnµn(X \K) ≤ ε

alors (µn) possede une sous-suite qui converge etroitement vers une mesurefinie.

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Preuve:Grace a la proposition 6.4, on peut supposer (a une extraction encore notee(µn) pres) que (µn) converge vaguement vers µ ∈Mloc(X). Pour tout m, ona alors µ(Xm) ≤ lim infn µn(Xm) ≤ C et donc µ(X) = supm µ(Xm) ≤ C desorte que µ est finie. Soit ε > 0, comme µ(Xm) tend vers µ(X), il existe mtel que µ(X) ≤ µ(Xm) + ε, ce qui montre que µ est tendue. Soit maintenantf ∈ Cb(X), ε > 0 et K un compact de X verifiant supn µn(X \ K) ≤ ε etµ(X \K) ≤ ε. Soit g ∈ Cc(X) tel que χK ≤ g ≤ 1, on a alors∣∣∣ ∫

X

fd(µn − µ)∣∣∣ ≤ ∣∣∣ ∫

X

fgd(µn − µ)∣∣∣+ ∣∣∣ ∫

X

f(1− g)d(µn − µ)∣∣∣

=∣∣∣ ∫

X

fgd(µn − µ)∣∣∣+ ∣∣∣ ∫

X\Kf(1− g)d(µn − µ)

∣∣∣≤∣∣∣ ∫

X

fgd(µn − µ)∣∣∣+ 2ε‖f‖

et on conclut en remarquant que puisque fg ∈ Cc(X), on a∫Xfgdµn →∫

Xfgdµ quand n→∞.2

Pour comprendre l’interet de la tension et du theoreme de Prokhorovprenons l’exemple d’une suite de mesures de probabilite. Nous savons dejaqu’une telle suite possede (en sous-suite) une limite vague (positive) maisque cette limite vague n’est pas forcement de masse 1. Si la suite est en outretendue, cette limite vague est une mesure de probabilite (prendre 1 commefonction-test dans la convergence etroite).

Mentionnons pour clore ce paragraphe l’important principe de concentration-compacite du a Pierre-Louis Lions. Nous renvoyons le lecteur aux articlescelebres ([14]) pour la preuve et les applications de ce principe en calcul desvariations. Soit (µn) une suite de mesures de probabilite sur Rd (pour fairesimple) alors il y a trois comportements possibles :

– l’evanescence :

∀R > 0, limn

supx∈Rd

µn(B(x,R)) = 0,

– la concentration : il existe (xn) tel que pour tout ε > 0, il existe R > 0tel que pour tout n, on ait µn(B(xn, R)) ≥ 1− ε,

– la dichotomie : il existe α ∈]0, 1[ tel que pour tout ε > 0 il existe R > 0,Rn →∞ et (xn) tels que pour tout n

|µn(B(xn, R)− α| ≤ ε et µn(B(xn, Rn) \B(xn, R)) ≤ ε.

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6.4 Theoreme de Radon-Nikodym, desintegration

des mesures

Soit (X,B) un espace mesurable, ν une mesure (positive) sur (X,B) et fune fonction mesurable et positive, l’application

B ∈ B 7→∫B

fdν

est σ-additive en vertu du theoreme de convergence monotone, c’est doncune mesure µ notee sous la forme dµ = fdν. On dit que deux mesures µet ν sont etrangeres, ce que l’on note µ ⊥ ν si elles sont portees par deuxensembles mesurables disjoints i.e. s’il existe A et B dans B et disjoints telsque µ(X \ A) = 0 et ν(X \ B) = 0. On appelle mesure signee finie toutefonction de B dans R de la forme µ = µ+ − µ− avec µ+ et µ− mesures(positives) finies sur (X,B) et etrangeres. Notons que si µ+ et µ− ne sontpas finies alors on ne peut definir µ+ − µ− pour les B ∈ B tels que µ+(B) =µ−(B) = +∞ la definition µ = µ+ − µ− est alors purement formelle. Letheoreme de Hahn permet d’identifier les fonctions σ-additives sur B a valeursdans R aux mesures signees finies, nous nous limiterons donc ici aux mesuressignees finies. On dira qu’une mesure signee finie µ = µ+−µ− est absolumentcontinue par rapport a une mesure ν (ce que l’on notera µ ν) si µ(B) = 0pour tout B ∈ B tel que ν(B) = 0. Evidemment toute mesure de la formedµ = fdν = f+dν−f−dν avec f ∈ L1(ν) est absolument continue par rapporta ν, le theoreme de Radon-Nikodym enonce precisement la reciproque. On ditque la mesure signee finie µ = µ+ − µ− est portee par A ∈ B si et seulementsi pour tout B ∈ B on a µ(B) = µ(B ∩ A) et que deux mesures signeesfinies µ1 et µ2 sont etrangeres (notation µ1 ⊥ µ2) si µ1 et µ2 sont porteespar deux ensembles mesurables disjoints. Notons que si la mesure signee finieµ = µ+ − µ− est portee par A alors µ+, µ− et |µ| aussi. Enfin notons que siµ est une mesure signee finie et ν une mesure alors

µ ν ⇒ µ+ ν, µ− ν

etµ ⊥ ν et µ ν ⇒ µ = 0.

Exercice 6.4 Soit µ et ν deux mesures positives finies montrer que µ νsi et seulement si pour tout ε > 0 il existe δ > 0 tel que pour tout B ∈ B siν(B) ≤ δ alors µ(B) ≤ ε.

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Theoreme 6.9 (Theoreme de decomposition de Lebesgue) Soit (X,B) unespace mesurable, ν une mesure positive σ-finie et µ une mesure signee finiesur (X,B). Il existe un unique couple (f, µs) tel que f ∈ L1(ν), µs est unemesure signee finie et

dµ = fdν + dµs, avec µs ⊥ ν.

Preuve:Montrons d’abord l’unicite, supposons que

dµ = f1dν + dµs1 = f2dν + dµs2,

avec fi ∈ L1(ν) et µsi ⊥ ν pour i = 1, 2, on a alors (f1− f2)dν = dµs2− dµs1 etcette mesure est a la fois etrangere a ν et absolument continue par rapporta ν et par suite µs1 = µs2 et f1 = f2 dans L1(ν).

Pour l’existence, on peut sans perte de generalite supposer µ positive etν finie et l’on procede comme suit (l’argument est du a Von Neumann). Ondefinit la forme lineaire T sur l’espace de Hilbert L2(µ+ ν) :

T (ϕ) :=

∫X

ϕdµ, ∀ϕ ∈ L2(µ+ ν)

en utilisant l’inegalite de Cauchy-Schwarz, on a pour tout ϕ ∈ L2(µ+ ν)

|T (ϕ)| ≤ ‖ϕ‖L2(µ+ν)µ(X)1/2

de sorte que T est continue. Le theoreme de representation de Riesz (duald’un Hilbert) permet d’en deduire l’existence de g ∈ L2(µ+ ν) tel que∫

X

ϕdµ =

∫X

ϕgd(µ+ ν), ∀ϕ ∈ L2(µ+ ν) (6.10)

en particulier en prenant ϕ = χB pour B ∈ B on en deduit

dµ = gd(µ+ ν).

Il est facile d’en deduire que 0 ≤ g ≤ 1 (µ+ ν)-p.p. ; posons ensuite

S := g = 1, T := g < 1,

etµa(B) := µ(B ∩ T ), µs(B) := µ(B ∩ S), ∀B ∈ B

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on a bien sur µ = µa+µs et µs portee par S. Comme µ(S) = µ(S)+ ν(S) ona ν(S) = 0 et donc µs ⊥ ν. Il ne nous reste plus qu’a montrer que dµa = fdνavec f ∈ L1(ν). Reecrivons (6.10) sous la forme∫

X

ϕ(1− g)dµ =

∫X

ϕgdν, , ∀ϕ ∈ L2(µ+ ν).

Soit B ∈ B, n ∈ N en prenant ϕn := χB∩T (1 + .... + gn) dans l’identiteprecedente il vient∫

B

χT (1− gn+1)dµ =

∫B

χTg(1 + ...+ gn)dν

par le theoreme de convergence dominee le membre de gauche converge versµ(B∩T ) = µa(B) et par convergence monotone celui de droite converge vers∫

B

χTg

1− gdν

on en deduit que dµa = fdν avec

f = χTg

1− g∈ L1(ν).

2

On en deduit comme corollaire immediat :

Theoreme 6.10 (Theoreme de Radon-Nikodym) Soit (X,B) un espace me-surable, ν une mesure positive σ-finie et µ une mesure signee finie. Si µ νalors il existe un unique f ∈ L1(ν) tel que dµ = fdν.

La fonction f ∈ L1(ν) dans le theoreme de Radon-Nikodym s’appelledensite de Radon-Nikodym de µ par rapport a ν et se note souvent sous laforme

f =dµ

dν.

Une consequence utile du theoreme de Radon-Nikodym est le theoremede desintegration des mesures sur un espace produit. Nous nous limiterons iciaux mesures de probabilite car c’est ce cas qui nous sera utile pour le trans-port optimal (il existe des theoremes de desintegration bien plus generauxnous ne traitons ici qu’un cas simple mais illustratif). Soit donc (X1,B1) et(X2,B2) deux espaces mesurables et munissons X1 ×X2 de la tribu produitσ(B1×B2). Si γ est une mesure de probabilite sur (X1×X2, σ(B1×B2)), ondefinit les marginales (ou marges) de γ, π1γ et π2γ par

π1γ(A1) := γ(A1 ×X2), π2γ(A2) := γ(X1 × A2)

pour tout A1 ∈ B1 et tout A2 ∈ B2. On verifie immediatement que πiγ estune mesures de probabilite sur (Xi,Bi).

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Theoreme 6.11 (Desintegration d’une probabilite par rapport a l’une deses marges) Soit X1 et X2 des espaces metriques compacts munis de leurtribu borelienne. Soit γ une mesure borelienne de probabilite sur X1 × X2

et µ := π1γ alors il existe une famille de mesures de probabilite (γx1)x1∈X1

mesurable au sens ou x1 7→ γx1(A2) est µ-mesurable pour tout A2 ∈ B2 ettelle que γ = γx1 ⊗ µ c’est a dire

γ(A1 × A2) =

∫A1

γx1(A2)dµ(x1)

pour tout A1 ∈ B1 et tout A2 ∈ B2.

Preuve:Nous n’allons donner que l’idee de depart, la preuve complete s’averant assezlongue (cf. Villani [21]). Fixons B ∈ BX2 et definissons

µB(A) := γ(A×B), ∀A ∈ BX1

alors µB est une mesure borelienne positive sur X1 et µB µ de sorte quel’on peut definir

fB :=dµBdµ

et l’on a bien

γ(A×B) =

∫A

fB(x)dµ(x) ∀A ∈ B1.

La difficulte est que fB n’est definie qu’ a un ensemble µ-negligeable pres quidepend de B on ne peut donc pas definir directement γx(B) := fB(x) car BX2

n’est generalement pas denombrable (c’est la qu’interviennent les hypothesesde metrisabilite et de compacite sur X1 et X2 qui permettent de se ramenera une famille denombrable de mesurables, on renvoie au chapitre 10 du coursde Villani [21] pour une demonstration complete).

2

En termes probabilistes, en interpretant γ comme la loi d’un couple devariables aleatoires (X1, X2), γ

x1 n’est autre que la probabilite condition-nelle de X2 sachant X1 = x1. Terminons ce paragraphe par une applicationimmediate du theoreme de desintegration.

Lemme 6.4 (Dudley’s gluing Lemma) Soit Xi, i = 1, 2, 3 des espaces metriquescompacts munis de leur tribu borelienne, et µi une mesure borelienne de pro-babilite sur Xi. Soit γ12 (resp. γ23) une mesure borelienne de probabilite surX1 ×X2 (resp. X2 ×X3) de marges µ1, µ2 (resp. µ2, µ3), alors il existe unemesure borelienne de probabilite γ sur X1 ×X2 ×X3 telle que π12γ = γ12 etπ23γ = γ23.

131

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Preuve:On desintegre γ12 et γ13 par rapport a leur marge commune µ2 :

γ12 = ηx2 ⊗ µ2, γ23 = θx2 ⊗ µ2

puis l’on definit γ par

γ(A1 × A2 × A3) :=

∫A2

ηx2(A1)θx2(A3)dµ2(x2)

pour tous boreliens A1, A2, A3. On verifie sans peine que γ verifie les pro-prietes requises.

2

6.5 Dualite convexe et transport optimal

L’objectif de ce paragraphe est triple :– donner un bref apercu du transport optimal, sujet qui a connu un essor

considerable ces dernieres annees tant sur le plan theorique que dupoint de vue applicatif (voir a ce sujet les excellents ouvrages de CedricVillani),

– en deduire des metriques explicites metrisant la topologie faible ∗ sur lesmesures de probabilite : les distances de Wasserstein (il est a noter qu’ilen existe beaucoup d’autres telles que la metrique de Levy-Prokhorov)

– fournir une introduction a la dualite convexe qui est un outil utile dansdivers contextes notamment en calcul des variations.

Encore une fois, par souci de simplicite nous nous restreindrons au cascompact et laisserons au lecteur le soin de generaliser ce qui suit a des casplus generaux. Les donnees du probleme du transport optimal de Monge-Kantorovich sont deux espaces metriques compacts X et Y , une fonction decout de transport c ∈ C(X×Y ) et deux mesures de probabilites (Boreliennes)µ et ν sur X et Y respectivement. On note Π(µ, ν) l’ensemble des plans detransport (entre µ et ν) c’est a dire l’ensemble des probabilites Boreliennessur X × Y ayant µ et ν comme marginales. Autrement dit, γ, probabiliteBorelienne sur X × Y est un plan de transport si :∫

X×Yϕ(x)dγ(x, y) =

∫X

ϕ(x)dµ(x), ∀ϕ ∈ C(X)

et ∫X×Y

ψ(y)dγ(x, y) =

∫X

ψ(y)dµ(y), ∀ψ ∈ C(Y ).

132

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Notons que Π(µ, ν) est non vide car µ ⊗ ν ∈ Π(µ, ν) et compact pour latopologie faible ∗ des mesures. Le probleme de Monge-Kantorovich s’ecritalors

infγ∈Π(µ,ν)

∫X×Y

c(x, y)dγ(x, y) (6.11)

L’existence d’une solution decoule immediatement de la compacite de Π(µ, ν)et du fait que l’objectif est donne par une forme lineaire continue (il s’agitd’un probleme de programmation lineaire en dimension infinie).

Un ingredient important dans la theorie du transport optimal est sa for-mulation duale. Nous allons presenter ici un theoreme general de dualiteconvexe qui a son interet en soi et a d’autres applications en calcul des varia-tions, c’est egalement l’occasion d’insister une fois de plus sur l’importance dela convexite. Le probleme de Monge-Kantorovich etant un bon exemple d’ap-plication de la dualite convexe, ceci justifie de nous eloigner provisoirementdu transport optimal pour y revenir plus en detail plus tard.

Soit E et F deux evn, Λ ∈ L(E,F ) et f et g deux fonctions convexes sci,F : E → R ∪ +∞ et G : F → R ∪ +∞ qu’on supposera propres c’est-a-dire non identiquement egales a +∞. On appelle transformee de Legendrede f et l’on note f ∗ la fonction definie par

f ∗(q) := supx∈E

〈q, x〉 − f(x), ∀q ∈ E ′

on definit de meme la transformee de Legendre de G par

g∗(p) := supy∈F

〈p, y〉 − g(y), ∀p ∈ F ′.

On s’interesse alors au probleme d’optimisation :

infx∈E

f(x) + g(Λx) (6.12)

ainsi qu’a son probleme dual :

supp∈F ′

−f ∗(−Λ∗p)− g∗(p). (6.13)

Avant d’enoncer et de demontrer le theoreme de dualite convexe de Fenchel-Rockafellar, nous aurons besoin de quelques preliminaires d’analyse convexe.Etant donne f : E → R ∪ +∞, convexe sci propre et en notant f ∗ satransformee de Legendre (dans la litterature on rencontre aussi le terme detransformee de Fenchel, de polaire ou de fonction convexe conjuguee), on apar definition meme l’inegalite de Young :

f(x) + f ∗(q) ≥ 〈q, x〉 , ∀(q, x) ∈ E ′ × E, (6.14)

133

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et donc pour tout x ∈ E :

f(x) ≥ f ∗∗(x) := supq∈E′

〈q, x〉 − f ∗(q). (6.15)

Lemme 6.5 Soit f : E → R ∪ +∞, convexe sci propre, alors f ∗ estconvexe sci propre sur E∗.

Preuve:Le fait que f ∗ soit convexe sci provient du fait que par definition c’est unsupremum de fonctions affines continues et qu’une fonction est convexe (sci)si et seulement si son epigraphe est convexe (ferme). Il s’agit donc simplementde montrer que f ∗ n’est pas identiquement egale a +∞. Soit donc x0 ∈ E telque f(x0) < +∞ et λ0 < f(x0) de sorte que (λ0, x0) /∈ Epi(f) := (λ, x) ∈R×E : λ ≥ f(x). Comme f est convexe sci, Epi(f) est convexe ferme, onpeut donc separer strictement (λ0, x0) de Epi(f) : il existe (k, p) ∈ R×E ′ etε > 0 tels que

kλ0 − 〈p, x0〉 ≤ kλ− 〈p, x〉 − ε, ∀(λ, x) ∈ Epi(f) (6.16)

ceci implique que k > 0 et par homogeneite on peut donc supposer que k = 1on a donc en particulier

f ∗(p) = supx∈E

〈p, x〉 − f(x) ≤ 〈p, x0〉 − λ0 − ε < +∞.

2

Notons que le le lemme precedent implique que f admet une minoranteaffine continue (x 7→ 〈p, x〉 − f ∗(p) avec f ∗(p) < +∞)

Exercice 6.5 Soit f : E → R ∪ +∞, f 6= ∞ montrer que f ∗∗ est la plusgrande fonction convexe s.c.i minorant f (f ∗∗ s’appelle l’enveloppe convexesci de f). En deduire que f est convexe sci si et seulement si f = f ∗∗.

Theoreme 6.12 (Theoreme de dualite de Fenchel-Rockafellar) Supposonsqu’il existe x0 ∈ E tel que f(x0) < +∞ et g est continue en Λ(x0) et quel’infimum du probleme (6.12) soit fini, alors on a :

infx∈E

f(x) + g(Λx) = maxp∈F ′

−f ∗(−Λ∗p)− g∗(p).

(En particulier le sup du probleme dual (6.13) est atteint).

134

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Preuve:Designons par α et β respectivement l’infimum dans (6.12) et le supremumdans (6.13). Par l’inegalite de Young pour tout (x, p) ∈ E × F ′ on a :

f(x) ≥ 〈−Λ∗p, x〉 − f ∗(−Λ∗p), g(Λx) ≥ 〈p,Λx〉 − g∗(p)

en sommant ces inegalites, on obtient donc α ≥ β.

Posons

C := (λ, x, y) ∈ R× E × Y : λ ≥ g(Λx− y)

et notons A l’interieur de C (lequel est non vide car g est continue en Λx0),on verifie sans peine que C est convexe et dense dans A. Soit maintenant :

B := (µ, z, 0) : µ ∈ R, z ∈ E, α− µ ≥ f(z),

B est convexe non vide et, par definition de α, A ∩ B = ∅. On peut ainsiseparer au sens large B de A (et donc de C par densite) : il existe (k, q, p) ∈R× E ′ × F ′ \ (0, 0, 0) et a ∈ R tels que

kλ+ 〈q, x〉+ 〈p, y〉 ≥ a ≥ kµ+ 〈q, z〉 , ∀(λ, x, y) ∈ C, ∀(µ, z, 0) ∈ B. (6.17)

On en deduit que k ≥ 0 (faute de quoi le membre de gauche de (6.17) neserait pas minore). Si k = 0 alors toujours par continuite de g en Λx0 onaurait pour tout u ∈ E et v ∈ F suffisamment petits

〈q, u〉+ 〈p, v〉 ≥ 0

ce qui entrainerait p = 0 et q = 0, ce qui est absurde. On a donc k > 0 etsans perte de generalite on peut supposer k = 1. Ainsi, (6.17) se reecrit :

inf(x,y)∈E×F

g(Λx−y)+〈q, x〉+〈p, y〉 ≥ a ≥ α+supz∈E

〈q, z〉−f(z) = α+f ∗(q).

(6.18)En particulier, pour tout u ∈ E on a

〈q, u〉+ 〈p,Λu〉 ≥ a− g(Λx0)

et donc q = −Λ∗p, le membre de gauche de (6.18) se reecrit alors

inf(x,y)∈E×F

g(Λx− y)− 〈p,Λx− y〉 = −g∗(p)

avec (6.18) on a donc

−g∗(p)− f ∗(−Λ∗p) ≥ α ≥ β

135

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ainsi α = β et p est solution de (6.13).2

Il est a noter que le probleme precedent fournit un theoreme d’existencede solutions pour le probleme dual a partir d’hypotheses sur le problemeprimal, notons aussi que la preuve repose sur le theoreme de separation (etpas sur un argument de compacite). Le lecteur interesse par la dualite convexeconsultera avec profit l’ouvrage classique d’Ekeland et Temam [7] sur le sujet.

Revenons maintenant au probleme de transport optimal (6.11) et mon-trons qu’il s’ecrit naturellement comme le dual d’un probleme d’optimisationconvexe sur C(X)×C(Y ). Soit Λ : C(X)×C(Y ) defini par Λ(ϕ, ψ) := ϕ⊕ψpour tout (ϕ, ψ) ∈ C(X)× C(Y ) avec

(ϕ⊕ ψ)(x, y) := ϕ(x) + ψ(y), ∀(x, y) ∈ X × Y.

L’adjoint de Λ, Λ∗ est donc l’operateur lineaire continu M(X × Y ) →M(X) ×M(Y ) donne par : pour tout γ ∈ M(X × Y ), Λ∗γ = (πXγ, πY γ)avec pour tout (ϕ, ψ) ∈ C(X)× C(Y ) :∫

X×Yϕ(x)dγ(x, y) =

∫X

ϕ(x)d(πXγ)(x),∫X×Y

ψ(y)dγ(x, y) =

∫X

ψ(y)d(πY γ)(y)

.

Autrement dit, πXγ, et πY γ sont les marges de γ.

On considere maintenant le probleme :

inf(ϕ,ψ)∈C(X)×C(Y )

f(Λ(ϕ, ψ)) + g(ϕ, ψ) (6.19)

avec, pour tout θ ∈ C(X × Y )

g(θ) :=

0 si θ ≤ c+∞ sinon

et

f(ϕ, ψ) := −∫X

ϕdµ−∫Y

ψdν.

Un calcul immediat donne que

f ∗(−Λ∗γ) =

0 si (πXγ, πY γ) = (µ, ν)+∞ sinon

136

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et

g∗(γ) =

∫X×Y cdγ si γ ≥ 0

+∞ sinon

de sorte que le dual de (6.19) est

supγ∈Π(µ,ν)

−∫X×Y

cdγ = − infγ∈Π(µ,ν)

∫X×Y

cdγ

en appliquant le theoreme de Fenchel-Rockafellar on obtient donc que (6.11)possede des solutions (ce que nous savions deja) et qu’on a la relation :

Theoreme 6.13 (Dualite de Kantorovich pour le probleme de transportoptimal)

minγ∈Π(µ,ν)

∫X×Y

c(x, y)dγ(x, y) = sup(ϕ,ψ)∈C(X)×C(Y ) : ϕ⊕ψ≤c

∫X

ϕdµ+

∫Y

ψdν.

Exercice 6.6 Montrer sous les hypotheses de ce paragraphe (X et Y com-pacts et c continue) que (6.19) possede des solutions (se ramener a une suitemaximisante bornee et uniformement equicontinue en utilisant l’uniformecontinuite de c et conclure par le theoreme d’Ascoli-Arzela).

Exercice 6.7 Dans le cas X = Y ⊂ Rd montrer que

infγ∈Π(µ,ν)

|x− y|dγ(x, y) = sup

∫X

u d(µ− ν) : u 1-Lipschitz

.

Generaliser au cas d’une distance quelconque.

Interessons nous maintenant au cas particulier ou X = Y (metrique com-pact pour simplifier) et ou c est une puissance convexe de la distance d. Pourµ et ν des mesures de probabilite boreliennes sur X et p ≥ 1, on definit lap-distance de Wasserstein entre µ et ν par

Wp(µ, ν) :=(

infγ∈Π(µ,ν)

∫X×X

d(x, y)pdγ(x, y))1/p

(6.20)

Le fait que Wp soit effectivement une distance sur l’ensemble des proba-bilites sur X et une propriete qui en justifie (entre autres) l’interet nous sontfournis par le

137

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Theoreme 6.14 Soit (X, d) un metrique compact. Pour tout p ≥ 1, Wp estune distance sur M+

1 (X), ensemble des mesures de probabilite sur X. Deplus si (µn)n et µ appartiennent a M+

1 (X) alors (µn) converge faible ∗ versµ si et seulement si Wp(µn, µ) → 0 quand n→∞.

Preuve:Pour etablir que Wp est une distance, seule l’inegalite triangulaire requiertvraiment une preuve. Soit donc µ1, µ2 et µ3 dansM+

1 (X) soit γ12 ∈ Π(µ1, µ2)et γ23 ∈ Π(µ2, µ3) tels que

Wp(µ1, µ2)p =

∫X2

d(x1, x2)pdγ12(x1, x2),

Wp(µ2, µ3)p =

∫X2

d(x2, x3)pdγ23(x2, x3).

On deduit du lemme 6.4 qu’il existe γ ∈ M+1 (X3) tel que π12γ = γ12 et

π23γ = γ13 de sorte que γ13 := π13γ ∈ Π(µ1, µ3) on a donc en utilisantl’inegalite triangulaire et l’inegalite de Minkowski :

Wp(µ1, µ3) ≤(∫

X×Xd(x1, x3)

pdγ13(x1, x3))1/p

=(∫

X3

d(x1, x3)pdγ(x1, x2, x3)

)1/p

≤(∫

X3

(d(x1, x2) + d(x2, x3))pdγ(x1, x2, x3)

)1/p

≤(∫

X3

d(x1, x2)pdγ(x1, x2, x3)

)1/p

+(∫

X3

d(x2, x3))pdγ(x1, x2, x3)

)1/p

=(∫

X2

d(x1, x2)pdγ12(x1, x2)

)1/p

+(∫

X2

d(x2, x3))pdγ23(x2, x3)

)1/p

=Wp(µ1, µ2) +Wp(µ2, µ3).

Supposons que Wp(µn, µ) tende vers 0. Soit γn ∈ Π(µn, µ) tel que

Wp(µn, µ)p =

∫X×X

d(x, y)pdγn.

138

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Soit maintenant ϕ ∈ C(X) et soit ω un module de continuite de ϕ on a alors∣∣∣ ∫X

ϕd(µn − µ)∣∣∣ =

∣∣∣ ∫X

(ϕ(x)− ϕ(y))dγn(x, y)∣∣∣

≤∫X×X

ω(d(x, y))dγn(x, y)

et donc

lim sup∣∣∣ ∫

X

ϕd(µn − µ)∣∣∣ ≤ lim sup

∫X×X

ω(d(x, y))dγn(x, y)

on extrait enfin de (γn) une sous-suite (encore notee γn) qui converge faible ∗vers une limite γ et telle que la limsup dans le membre de droite de l’inegaliteprecedente est en fait une limite. On a alors∫

X×Xd(x, y)pdγ(x, y) = 0

et donc

lim sup

∫X×X

ω(d(x, y))dγn(x, y) =

∫X×X

ω(d(x, y))dγ(x, y) = 0

ce qui montre bien que (µn) converge faible-∗ vers µ. Reciproquement, suppo-sons maintenant que (µn) converge faible-∗ vers µ et montrons queWp(µn, µ) →0. Tout d’abord quitte a diviser d par diam(X) on peut supposer que d ≤ 1et donc que W p

p ≤ W1. Il suffit donc de montrer que W1(µn, µ) → 0. Or (enutilisant l’exercice 6.7) on a l’expression duale suivante pour W1 :

W1(µn, ν) = sup∫X

ϕ d(µn − µ) : ϕ-1-Lipschitz

on deduit aisement du theoreme d’Ascoli-Arzela qu’il existe ϕn 1-Lipschitztel que

W1(µn, ν) =

∫X

ϕnd(µn − µ)

on peut en outre supposer que ϕn(x0) = 0 avec x0 un point fixe de X desorte que (ϕn) est uniformement bornee et uniformement equicontinue. Enappliquant a nouveau le theoreme d’Ascoli-Arzela, on peut supposer (a uneextraction pres) que (ϕn) converge uniformement vers un certain ϕ et queW1(µn, µ) converge vers lim supW1(µn, µ) on a alors, grace a la convergencefaible-∗ de (µn) vers (µ)

lim supW1(µn, µ) = lim

∫X

ϕnd(µn − µ) = 0

ce qui acheve la preuve.2

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Exercice 6.8 Soit Ω un ouvert convexe borne de Rd et f+ et f− deux densitesde probabilites L1 sur Ω, montrer que

sup∫

Ω

u(f+−f−) : u 1-Lip. sur Ω = inf‖σ‖L1 : σ ∈ L1(Ω)d, div(σ) = f+−f−.

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Chapitre 7

Espaces de Sobolev et EDP’selliptiques lineaires

7.1 Cas de la dimension 1

Soit p ∈ [1,∞], I un intervalle ouvert de R, on definit

W 1,p(I) := u ∈ Lp : ∃g ∈ Lp,∫I

u ϕ′ = −∫I

gϕ, ∀ϕ ∈ C1c (I).

Par densite on peut dans la definition ci-dessus remplacer ”∀ϕ ∈ C1c (I)” par

”∀ϕ ∈ D(I)”. Autrement dit u ∈ W 1,p(I) si u ∈ Lp et u′ ∈ Lp, la fonctiong intervenant dans la definition ci-dessus est evidemment unique ; on la notealors simplement g = u′. W 1,p = W 1,p(I) est un espace vectoriel que l’onmunit de la norme

‖u‖W 1,p := ‖u‖Lp + ‖u′‖Lp , ∀u ∈ W 1,p.

Pour p = 2 on note H1 := W 1,2 et l’on munit H1 du produit scalaire

〈u, v〉 :=

∫I

(uv + u′v′), ∀(u, v) ∈ H1 ×H1.

On verifie sans difficulte les proprietes suivantes :

Theoreme 7.1 W 1,p est un espace de Banach. W 1,p est reflexif pour 1 <p <∞ et separable pour 1 ≤ p <∞. H1 est un espace de Hilbert separable.

Exercice 7.1 Soit (un) une suite de W 1,p. On suppose que (un) convergevers u dans Lp et que (u′n) converge dans Lp, montrer que u ∈ W 1,p et que(un) converge vers u dans W 1,p.

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Exercice 7.2 Soit u ∈ W 1,p(I) et ϕ ∈ C1c (I) montrer que uϕ ∈ W 1,p et

(uϕ)′ = u′ϕ+ uϕ′.

Le resultat suivant permet d’identifier en un certain sens les fonctionsW 1,p aux primitives de fonctions Lp :

Theoreme 7.2 Soit u ∈ W 1,p alors u admet un representant que nous no-terons encore u ∈ C(I) tel que

u(y)− u(x) =

∫ y

x

u′(t)dt, ∀x, y dans I2. (7.1)

Preuve:Soit x0 ∈ I et

v(x) :=

∫ x

x0

u′(t)dt, ∀x ∈ I.

Soit ϕ ∈ C1c (I) et [a, b] un segment inclus dans I et contenant supp(ϕ) on a

alors∫I

vϕ′ =

∫ b

a

vϕ′ = −∫ x0

a

(∫ x0

x

u′(t)dt)ϕ′(x)dx+

∫ b

x0

(∫ x

x0

u′(t)dt)ϕ′(x)dx

avec le theoreme de Fubini, il vient donc :∫I

vϕ′ = −∫ x0

a

(∫ t

a

ϕ′(x)dx)u′(t)dt+

∫ b

x0

(∫ b

t

ϕ′(x)dx)u′(t)dt

= −∫I

u′ϕ =

∫I

uϕ′.

on a donc v− u′ = 0 et donc il existe une constante C telle que v− u = Cp.p., ce qui prouve (7.1).

Pour p > 1 et u ∈ W 1,p, on a donc

|u(x)− u(y)| ≤∫ y

x

|u′| ≤ ‖u′‖Lp |x− y|1/p′ = ‖u′‖Lp |x− y|1−1/p (7.2)

ainsi les fonctions de W 1,p sont C0,α avec α = 1−1/p. Par le meme argument,pour p = ∞, on obtient que les fonctions W 1,∞ sont Lipschitziennes. Pourp = 1 et x, y ∈ I2 on a

|u(x)− u(y)| ≤ ω(|x− y|) avec ω(t) := supA : |A|≤t

∫A

|u′|

142

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(noter que pour p = 1, on n’a pas de module de continuite universel de laforme ‖u′‖L1ω). Dans tous les cas, on a bien que u est uniformement continuesur I et donc s’etend par continuite de maniere unique a I.

2

Les fonctions u ∈ W 1,p(I) admettant un representant continu (et ce,jusqu au bord de I de sorte que si ∂I 6= ∅, on peut definir sans ambiguite lesvaleurs de u sur ∂I), dans la suite de ce paragraphe, nous identifierons u ace representant continu.

Proposition 7.1 Soit u ∈ Lp avec 1 < p ≤ ∞ on a alors les equivalencesentre :

1. u ∈ W 1,p,

2. il existe une constante C telle que∣∣∣ ∫I

u ϕ′∣∣∣ ≤ C‖ϕ‖Lp′ , ∀ϕ ∈ C1

c (I),

3. il existe une constante C telle que pour tout ouvert ω ⊂⊂ I et touth ∈ R tel que |h| < d(ω,R \ I) on ait

‖τhu− u‖Lp(ω) ≤ C|h|.

De plus, on peut choisir C = ‖u′‖Lp dans les assertions 2 et 3.

Nous omettons la demonstration de ce resultat car nous demontrerons auparagraphe suivant sa generalisation a la dimension quelconque.

Exercice 7.3 Montrer que pour p = 1, les assertions 2. et 3. de la proposi-tion 7.1 sont equivalentes, sont vraies pour u ∈ W 1,1 mais n’entrainent pasque u ∈ W 1,1. Supposons en outre I bornee, les fonctions L1 verifiant lesassertions 2. ou 3. de la proposition 7.1 sont appelees fonction a variationbornee. Montrer que u est a variation bornee si et seulement s’il existe uneconstante C telle que

n−1∑k=0

|u(tk+1)− u(tk)| ≤ C

pour toute suite t0 < t1... < tn de I. Montrer que u est a variation borneesi et seulement si u est difference de deux fonctions croissantes bornees surI et que c’est encore equivalent a dire que la derivee distribution de u estune mesure signee finie. Toujours dans le cas ou I est borne, montrer que

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u ∈ W 1,1 si et seulement si pour tout ε > 0, il existe δ tel que pour toutesuite d’intervalles disjoints (Ik)k=1,...,n, Ik =]ak, bk[, si |

⋃k Ik| ≤ δ alors∑

k

|u(bk)− u(ak)| ≤ ε.

Exercice 7.4 Montrer que toute suite bornee de W 1,1 possede une sous-suitequi converge ponctuellement.

Il peut s’averer utile (pour la convolution ou la transformee de Fourier,par exemple) d’etendre les fonctions de W 1,p(I) a R entier, on a alors :

Theoreme 7.3 (Theoreme de prolongement) Il existe un operateur lineairecontinu P : W 1,p(I) → W 1,p(R) tel que Pu|I = u, pour tout u ∈ W 1,p(I).

Preuve:Si I est non borne, on peut supposer I =]0,+∞[, on definit alors P enprolongeant u ∈ W 1,p(]0,+∞[) par parite (ou par reflexion : c’est a direPu(x) = u(x) si x ≥ 0 et Pu(x) = u(−x) si x < 0) a R entier, on verifieimmediatement que ‖Pu‖W 1,p(R) ≤ 2‖u‖W 1,p(I).

Dans le cas ou I est borne, on peut supposer I =]0, 1[, pour u ∈ W 1,p(]0, 1[),on prolonge u par parite a ]−1, 0[ puis par reflexion par rapport a 1 a l’inter-valle ]1, 2[, on note u le prolongement de u a l’intervalle ]−1, 2[ ainsi obtenu.Soit alors g ∈ C1

c (R) une fonction cut-off verifiant : χ[0,1] ≤ g ≤ χ[−1/2,3/2] etPu := gu (prolongee par 0 en dehors de ] − 1, 2[). On verifie sans difficulteque P a les proprietes voulues.

2

Exercice 7.5 Soit ρ ∈ L1(R) et u ∈ W 1,p(R) montrer que ρ ? u ∈ W 1,p(R)et que

(ρ ? u)′ = ρ ? u′.

Theoreme 7.4 (Theoreme de densite) Soit p ∈ [1,∞[ et u ∈ W 1,p(I), ilexiste (un)n ∈ D(R)N tel que un|I converge vers u dans W 1,p(I).

Preuve:Par prolongement si necessaire, on peut se ramener au cas ou I = R. Onprocede alors par troncature et regularisation par noyau convolutif. Soit η ∈D(R) tel que χ[−1,1] ≤ η ≤ χ[−2,2] et ηn(t) := η(n−1t) pour tout t ∈ R, soit

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par ailleurs ρn un noyau regularisant. Soit maintenant u ∈ W 1,p(R) on poseun := ηn(ρn ? u). Par construction, un ∈ D et

u′n = η′n(ρn ? u) + ηn(ρn ? u′).

On a un − u = ηn(ρn ? u − u) + (ηn − 1)u ; chacun des deux termes dansl’expression precedente tend vers 0 dans Lp : le premier car ηn est borne dansL∞ et ρn ? u → u dans Lp et le second par convergence dominee. Pour lesderivees, on a :

|u′n − u| ≤ 1

n‖η′‖L∞|ρn ? u|+ |ηn(ρn ? u′)− u′|

de la meme maniere que precedemment on en deduit que u′n → u′ dans Lp

et donc que un → u dans W 1,p.2

Theoreme 7.5 (Injections de Sobolev en dimension 1) Soit I un intervalleouvert de R, il existe une constante C = C(I) (independante de p) telle quepour tout p ∈ [1,∞], et tout u ∈ W 1,p(I) on ait

‖u‖L∞ ≤ C‖u‖W 1,p (7.3)

autrement dit W 1,p(I) ⊂ L∞ avec injection continue. Si de plus I est borne,alors

1. pour tout p > 1, l’injection W 1,p ⊂ C(I) est compacte

2. l’injection W 1,1(I) ⊂ Lq(I) est compacte pour tout q ∈ [1,∞[.

Preuve:Par prolongement, il nous suffit d’etablir (7.3) pour I = R. Soit u ∈ C1

c (R),pour p = 1 on a, pour tout x ∈ R :

|u(x)| ≤∫ x

−∞|u′| ≤ ‖u′‖L1 .

Pour p ∈]1,∞[ et x ∈ R, comme |u|p−1u ∈ C1c (R) avec (|u|p−1u)′ = p|u|p−1u′,

on a :

|u(x)|p−1u(x) =

∫ x

−∞p|u(s)|p−1u′(s)ds

avec l’inegalite de Holder, il vient

|u(x)|p ≤ p‖u‖p−1Lp ‖u′‖Lp ≤ p‖u‖pW 1,p .

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Utilisant le fait que p1/p ≤ e1/e pour tout p ≥ 1, on en deduit que

‖u‖L∞ ≤ e1/e‖u‖W 1,p .

Ainsi (7.3) est satisfaite pour tout u ∈ C1c (R). Soit maintenant u ∈ W 1,p et

(un) dans C1c (R) telle que un → u dans W 1,p, on deduit de ce qui precede

que (un) est de Cauchy dans L∞ et ainsi que u ∈ L∞, un → u dans L∞ et usatisfait (7.3).

Supposons maintenant que I soit borne, l’assertion 1. decoule de (7.2)et du theoreme d’Arzela-Ascoli. Pour prouver l’assertion 2., on va montrerque B, la boule unite de W 1,1, satisfait les conditions du theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov dans Lq pour tout q ∈ [1,∞[. Soit ω ⊂⊂ I et h ∈ R telque |h| < d(ω,Rd \ I), nous savons deja (voir exercice 7.3) que

‖τhu− u‖L1(ω) ≤ |h|‖u′‖L1 ≤ |h|, ∀u ∈ B.

Avec (7.3) on en tire donc que pour tout u ∈ B on a

‖τhu− u‖qLq(ω) ≤ (2‖u‖L∞)q−1|h| ≤ (2C)q−1|h|

de sorte que B verifie la premiere condition du theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov. Pour la seconde condition du theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov,on remarque simplement que pour tout u ∈ B

‖u‖Lq(I\ω) ≤ ‖u‖L∞|I \ ω|1/q ≤ C|I \ ω|1/q.

2

Exercice 7.6 Montrer que W 1,1 ⊂ C(I) avec injection continue mais quecette injection n’est pas compacte (meme dans le cas ou I est borne).

Corollaire 7.1 Si I est non borne, 1 ≤ p <∞ et u ∈ W 1,p(I) on a

u(x) → 0, pour |x| → ∞, x ∈ I.

Preuve:On sait qu ’il existe (un) ∈ D(R)N telle que un|I → u dans W 1,p et donc avec(7.3), un|I → u dans L∞. Pour tout x ∈ I on a |u(x)| ≤ ‖un−u‖L∞ + |un(x)|,soit ε > 0, pour n assez grand, le premier terme est inferieur a ε et pour |x|assez grand, le second est nul, ce qui montre le resultat voulu.

2

On verifie par ailleurs facilement :

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Corollaire 7.2 Soit 1 ≤ p ≤ ∞, u et v dans W 1,p(I) alors uv ∈ W 1,p(I)avec (uv)′ = u′v + uv′ et on a la formule d’integration par parties∫ y

x

uv′ = −∫ y

x

u′v + u(y)v(y)− u(x)v(x), ∀(x, y) ∈ I2.

Exercice 7.7 Soit G ∈ C1(R) telle que G(0) = 0 et u ∈ W 1,p(I) montrerque G u ∈ W 1,p(I) et que G u′ = (G′ u)u′ (noter aussi que l’hypotheseG(0) = 0 est inutile dans le cas ou I est borne).

Pour 1 ≤ p < ∞ on note W 1,p0 = W 1,p

0 (I) l’adherence de C1c (I) dans

(W 1,p, ‖.‖W 1,p). On munit W 1,p0 de la norme de W 1,p, comme, par definition,

W 1,p0 est ferme dans W 1,p, c’est un espace de Banach pour la norme W 1,p.

On note aussi H10 := W 1,2

0 . On sait deja que si I = R, C1c (R) est dense dans

W 1,p(R) de sorte que W 1,p0 (R) = W 1,p(R). Pour I 6= R, I a un bord non vide

et les fonctions de W 1,p0 (I) sont les fonctions W 1,p(I) nulles sur le bord de I :

Theoreme 7.6 Soit u ∈ W 1,p(I) alors u ∈ W 1,p0 (I) si et seulement si u = 0

sur ∂I.

Preuve:Si u ∈ W 1,p

0 (I), u est limite dans W 1,p(I) d’une suite (un) ∈ D(I)N, il resultedu theoreme 7.5 que (un) converge uniformement vers u sur I et donc u = 0sur ∂I. Reciproquement, si u = 0 sur ∂I, alors pour tout n ∈ N∗, x ∈I : |u| ≥ 1/n est compact, soit alors G ∈ C1(R), impaire, nulle sur [−1, 1]et telle que G(t) = t pour tout t ∈ R \ [−2, 2]. On pose alors un = n−1G(nu)on a un ∈ W 1,p

0 car, par construction, supp(un) ⊂ x ∈ I : |u| ≥ 1/n. Onverifie sans peine avec l’exercice 7.7 et le theoreme de convergence domineeque (un) converge vers u dans Lp(I) et que (u′n) converge dans Lp, ceciimplique que (un) converge vers u dans W 1,p(I) et prouve que u ∈ W 1,p

0 (I).2

Exercice 7.8 Soit u ∈ W 1,p et c ∈ R montrer que u′ = 0 p.p. sur u = c(indication : s’inspirer de la preuve du theoreme precedent).

Proposition 7.2 (Inegalite de Poincare) Supposons I borne. Alors il existeune constante C telle que

‖u‖W 1,p ≤ C‖u′‖Lp , ∀u ∈ W 1,p0 (I).

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Preuve:En notant I =]a, b[ pour u ∈ W 1,p

0 et x ∈ I on a

|u(x)| = |u(x)− u(a)| ≤∫ x

a

|u′| ≤ ‖u′‖L1

et donc ‖u‖L∞ ≤ ‖u′‖L1 ; on conclut par l’inegalite de Holder.2

Si I est borne on deduit de l’inegalite de Poincare que u 7→ ‖u′‖L2 estune norme equivalente (associee au produit scalaire (u, v) 7→

∫Iu′v′) sur H1

0

a la norme H1 usuelle.

Exercice 7.9 (Inegalite de Poincare-Wirtinger) Soit I un intervalle ouvert(borne ou non) et u ∈ W 1,1(I), montrer que

‖u− u‖L∞ ≤ ‖u′‖L1 ou u :=1

|I|

∫I

u.

7.2 Definitions et proprietes premieres en di-

mension quelconque

Soit maintenant Ω un ouvert de Rd, pour tout p ∈ [1,+∞], on definit

W 1,p(Ω) := u ∈ Lp(Ω) : ∂iu ∈ Lp(Ω), i = 1, ..., d

Autrement dit, u ∈ Lp(Ω) appartient a W 1,p(Ω) si et seulement s’il existeg1, ..., gd dans Lp(Ω) tels que∫

Ω

u ∂iϕ = −∫

Ω

giϕ, ∀ϕ ∈ C1c (Ω), ∀i = 1, ..., d

(le fait qu’on puisse indifferemment des fonctions-test ϕ dans C1c (Ω) ou dans

D(Ω) dans la definition precedente decoule d’un argument desormais ha-bituel de densite) on note alors simplement ∂iu = ∂iu = gi et ∇u =(∂1u, ..., ∂du)

T . On munit W 1,p = W 1,p(Ω) de la norme suivante (ou de n’im-porte quelle autre equivalente)

‖u‖W 1,p := ‖u‖Lp + ‖∇u‖Lp , ∀u ∈ W 1,p.

Pour p = 2, on pose H1 := W 1,2 et l’on munit H1 du produit scalaire

〈u, v〉 :=

∫Ω

(uv +∇u · ∇v), ∀(u, v) ∈ H1 ×H1.

On a de maniere evidente :

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Theoreme 7.7 W 1,p est un espace de Banach. W 1,p est reflexif pour 1 <p <∞ et separable pour 1 ≤ p <∞. H1 est un espace de Hilbert separable.

Pour m ∈ N∗ et p ∈ [1,+∞] on definit de maniere analogue :

Wm,p(Ω) := u ∈ Lp(Ω) : ∂αu ∈ Lp(Ω), ∀α ∈ Nd, |α| ≤ m

que l’on munit de la norme suivante (ou une autre equivalente) :

‖u‖Wm,p := ‖u‖Lp +∑

α : 1≤|α|≤m

‖∂αu‖Lp , ∀u ∈ Wm,p.

On note Wm,2 := Hm et on le munit du produit scalaire :

〈u, v〉 :=

∫Ω

u v +∑

1≤|α|≤m

∫Ω

∂αu ∂αv, ∀(u, v) ∈ Hm.

On laisse le lecteur formuler et demontrer l’analogue du theoreme 7.7 pourles espaces Wm,p.

Theoreme 7.8 (Theoreme de densite de Friedrichs) Soit p ∈ [1,∞[ et u ∈W 1,p(Ω). Il existe (un)n ∈ D(Rd)N tel que un|Ω converge vers u dans Lp(Ω)et ∇un|ω converge vers ∇u|ω dans Lp(ω) pour tout ω ⊂⊂ Ω.

Preuve:Soit η ∈ D(Rd) telle que χB(0,1) ≤ η ≤ χB(0,2) et ηn(x) := η(n−1x) pour toutn ∈ N∗et x ∈ Rd et soit (ρn) une suite regularisante. Pour u ∈ W 1,p(Ω) onpose

u(x) :=

u(x) si x ∈ Ω0 sinon

et l’on definit un := ηn(ρn ? u). On a alors un ∈ D(Rd) et

‖un − u‖Lp(Rd) ≤ ‖ηn(ρn ? u− u)‖Lp(Rd) + ‖(ηn − 1)u‖Lp(Rd)

d’ou l’on deduit facilement que un → u dans Lp(Rd) et donc que un|Ω → udans Lp(Ω).

Soit maintenant ω ⊂⊂ Ω, on commence par remarquer que pour n assezgrand, on a

∇(ρn ? u) = ρn ?∇u sur ω

puis que

∇un = ηn(ρn ?∇u) +1

n∇η( .n

)(ρn ? u) sur ω

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et donc

‖∇un −∇u‖Lp(ω) ≤ ‖ηn(ρn ?∇u)−∇u‖Lp(ω) +‖∇η‖L∞

n‖u‖Lp(Ω)

ce qui permet d’en deduire que ∇un|ω converge vers ∇u|ω dans Lp(ω).2

Notons au passage que D(Rd) est dense dans W 1,p(Rd) pour p ∈]1,∞[(considerer un = ηn(ρn ? u)). Nous verrons ulterieurement que pour Ω suffi-samment regulier on peut ameliorer le resultat precedent.

Proposition 7.3 Soit u ∈ Lp avec 1 < p ≤ ∞ on a alors les equivalencesentre :

1. u ∈ W 1,p,

2. il existe une constante C telle que∣∣∣ ∫Ω

u ∂iϕ∣∣∣ ≤ C‖ϕ‖Lp′ , ∀ϕ ∈ C1

c (Ω), ∀i = 1, ..., d,

3. il existe une constante C telle que pour tout ouvert ω ⊂⊂ Ω et touth ∈ Rd tel que |h| < d(ω,Rd \ Ω) on ait

‖τhu− u‖Lp(ω) ≤ C|h|.

Preuve:L’equivalence entre les assertions 1 et 2 decoule immediatement des theoremes5.12 et 5.13 (pour p = ∞). Montrons maintenant que 1 implique 3, on com-mence par supposer que u ∈ C1

c (Rd) et p ∈]1,∞[, on a alors pour tout x eth dans Rd

|τhu(x)− u(x)| ≤ |h|∫ 1

0

|∇u(x+ th)|dt

en utilisant l’inegalite de Jensen on en deduit que

|τhu(x)− u(x)|p ≤ |h|p∫ 1

0

|∇u(x+ th)|pdt

soit maintenant ω ⊂⊂ Ω et |h| < d(ω,Rd \ Ω) et soit ω′ ⊂⊂ Ω tel queω + th ⊂ ω′ pour tout t ∈ [0, 1] (par exemple ω′ = ω + B(0, |h|)), on a alorsavec le theoreme de Fubini :∫

ω

|τhu− u|p ≤ |h|p∫ 1

0

(∫ω

|∇u(x+ th)|pdx)dt ≤ |h|p‖∇u‖pLp(ω′)

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il vient donc‖τhu− u‖Lp(ω) ≤ |h|‖∇u‖Lp(ω′). (7.4)

On deduit ensuite du theoreme de densite de Friedrichs que (7.4) est satisfaitepar tout u ∈ W 1,p(Ω). Le cas p = ∞ se deduit de ce qui precede en faisanttendre p vers +∞ dans (7.4).

Montrons enfin que 3 entraine 2. Soit donc u ∈ Lp(Ω) satisfaisant 3,ϕ ∈ C1

c (Ω), ω := supp(ϕ) et h ∈ Rd avec |h| < d(ω,Rd \ ω), il decoule de 3et de l’inegalite de Holder que∣∣∣ ∫

Ω

(τhu− u)ϕ∣∣∣ ≤ C|h|‖ϕ‖Lp′

on remarque ensuite que∫Ω

(τhu− u)ϕ =

∫Ω

u(x)(ϕ(x− h)− ϕ(x))dx.

Il vient donc ∣∣∣ ∫Ω

u(x)ϕ(x− h)− ϕ(x)

|h|

∣∣∣ ≤ C‖ϕ‖Lp′

en prenant h = tei (avec e1, ..., ed la base canonique de Rd) et en faisanttendre t vers 0 on en deduit exactement l’assertion 2.

2

Exercice 7.10 Soit u et v dans L∞(Ω)∩W 1,p(Ω) montrer que uv ∈ W 1,p(Ω)avec

∇(uv) = u∇v + v∇u.

Exercice 7.11 Soit u ∈ W 1,p(Ω) et G ∈ C1(R)∩W 1,∞(R) telle que G(0) =0, montrer que G u ∈ W 1,p(Ω) avec

∇(G u) = (G′ u)∇u.

Exercice 7.12 Soit u ∈ W 1,p(Ω) et c ∈ R montrer que ∇u = 0 p.p. suru = c. Montrer que u+, u− et |u| appartiennent a W 1,p(Ω) et calculer leurderivee Lp.

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Exercice 7.13 Soit Ω et U deux ouverts de Rd et X un C1-diffeormorphismebi-Lipschitzien de Ω sur U (c’est-a-dire que X et X−1 sont C1 et Lipschit-ziennes). Soit u ∈ W 1,p(U) montrer que (u X) ∈ W 1,p(Ω) et que

∂i(u X) =d∑j=1

((∂ju) X) ∂iXj

c’est a dire, en notant JX la jacobienne de X et JXT sa transposee :

∇(u X)(x) = JX(x)T∇u(X(x)) p.p. x ∈ Ω.

Exercice 7.14 Soit Ω′ un ouvert de Rd−1, Ω− := Ω′×]−1, 0[ et Ω := Ω′×]−1, 1[. Pour tout u ∈ W 1,p(Ω−) on definit pour tout x = (x′, xd) ∈ Ω :

u∗(x′, xd) :=

u(x) si x ∈ Ω−u(x′,−xd) sinon

Montrer que u∗ ∈ W 1,p(Ω) et

‖u∗‖Lp(Ω) ≤ 2‖u‖Lp(Ω−), ‖u∗‖W1,p(Ω) ≤ 2‖u‖W 1,p(Ω−).

Comme en dimension 1, il est souvent utile de se ramener au cas de l’es-pace entier et donc de chercher a prolonger les fonctions de W 1,p(Ω) (l’exer-cice precedent fournit un exemple de tel prolongement par reflexion). Cen’est cependant pas toujours possible et depend de la regularite de l’ouvertΩ. Nous allons cependant voir qu’un tel prolongement est possible pour Ω suf-fisamment regulier (par simplicite nous ne chercherons pas ici les hypothesesminimales de regularite). Dans ce qui suit, nous dirons que Ω est regulier s’ilexiste Φ ∈ C1(Rd) telle que :

Ω = Φ < 0, ∂Ω = Φ = 0, |∇Φ| 6= 0, sur ∂Ω.

Theoreme 7.9 (Theoreme de prolongement) Soit Ω un ouvert regulier deRd au sens precedent et tel que ∂Ω soit borne. Alors il existe un operateurlineaire P : W 1,p(Ω) → W 1,p(Rd) et une constante C ≥ 0 tels que, pour toutu ∈ W 1,p(Ω) on ait :

1. Pu|Ω = u,

2. ‖Pu‖Lp(Rd) ≤ C‖u‖Lp(Ω),

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3. ‖Pu‖W 1,p(Rd) ≤ C‖u‖W 1,p(Ω).

Preuve:Comme dans la demonstration de la formule de Stokes, on remarque graceau theoreme de l’inversion locale, qu’en chaque point x de ∂Ω il existe U unvoisinage ouvert de x, et un C1-diffeomorphisme Ψ bilipschitzien : Q → Uavec Q = Bd−1×]− 1, 1[ (en notant Bd−1 la boule unite ouverte de Rd−1) telsque

∂Ω ∩ U = Ψ(Bd−1 × 0), Ω ∩ U = Ψ(Q−) avec Q− = Bd−1×]− 1, 0[.

Pour tout v ∈ W 1,p(Q−) on definit par ailleurs v∗ ∈ W 1,p(Q) par prolonge-ment par reflexion comme dans l’exercice 7.14. Comme ∂Ω est compact, onle recouvre par un nombre fini d’ouverts Ui tel que pour chaque i, il existeun C1-diffeomorphisme bilipschitzien Ψi de Q dans Ui tel que

∂Ω ∩ Ui = Ψi(Bd−1 × 0), Ω ∩ Ui = Ψi(Q−).

Soit maintenant u ∈ W 1,p(Ω), d’apres l’exercice 7.13 pour chaque i, vi :=u Ψi ∈ W 1,p(Q−) et donc on a aussi v∗i ∈ W 1,p(Q), on pose alors ui(x) :=v∗i (Ψ

−1i (x)) pour tout x ∈ Ui, on a alors (cf. exercice 7.13 et 7.14) ui ∈

W 1,p(Ui) et

‖ui‖Lp(Ui) ≤ Ci‖u‖Lp(Ui∩Ω), ‖ui‖W 1,p(Ui) ≤ Ci‖u‖W 1,p(Ui∩Ω)

pour une certaine constante Ci independante de u. Soit maintenant (θi)i unepartition de l’unite subordonnee au recouvrement (Ui). Definissons pour touti et tout x ∈ Rd :

wi(x) :=

θiui(x) si x ∈ Ui0 sinon

et notons par u le prolongement de u par 0 en dehors de Ω. Definissons enfin

Pu =(1−

∑i

θi

)u+

∑i

wi

on verifie sans difficulte que P a les proprietes cherchees.2

Le theoreme de prolongement permet d’ameliorer le resultat de densitefourni par le theoreme 7.8 :

Proposition 7.4 Soit Ω un ouvert regulier de Rd, p ∈ [1,+∞[ et u ∈W 1,p(Ω). Il existe (un)n ∈ D(Rd)N tel que un|Ω converge vers u dans W 1,p(Ω)

153

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Preuve:On note comme precedemment (ρ)n et (ηn)n respectivement une suite regularisanteet une suite de troncatures. Dans le cas ou ∂Ω est borne, on note P unoperateur de prolongement et on verifie facilement que la suite un = ηn(ρn ?Pu) convient. Dans le cas ou ∂Ω est non borne, pour ε > 0, on choisit d’abordn0 tel que ‖ηn0u − u‖W 1,p(Ω) ≤ ε/2, puis on prolonge ηn0u en une fonctionv ∈ W 1,p(Rd), on prend alors un := ηn(ρn ? v) comme un → v dans W 1,p(Rd)on a bien ‖un − u‖W 1,p(Ω) ≤ ε pour n assez grand.

2

7.3 Injections de Sobolev

Nous avons vu qu’en dimension 1, W 1,p s’injecte continument dans L∞,nous avions meme vu que les fonctions W 1,p etaient continues (et memeHolderiennes pour p > 1). Tout ceci n’est plus vrai en dimension superieure.On peut s’en convaincre en prenant par exemple sur la boule unite en dimen-sion deux, des puissances negatives de la norme : x 7→ |x|−α est dans W 1,p

pour p < 2 et α < (2− p)/p et pourtant cette fonction n’est ni continue, nibornee.

Nous allons d’abord considerer le cas de l’espace Rd entier (d ≥ 2) le casd’un ouvert regulier dont le bord est borne s’en deduira aisement grace autheoreme de prolongement. Considerons d’abord le cas ou 1 ≤ p ≤ d (etd ≥ 2 evidemment).

Lemme 7.1 Soit f1, ..., fd ∈ Ld−1(Rd−1), pour tout x ∈ Rd et i = 1, ...., d onpose

x−i = (x1, ...., xi−1, xi+1, ..., xd) ∈ Rd−1.

Soit

f(x) :=d∏i=1

fi(x−i), ∀x ∈ Rd

on a alors f ∈ L1(Rd) et

‖f‖L1(Rd) ≤d∏i=1

‖fi‖Ld−1(Rd−1).

Preuve:Demontrons le resultat par recurrence sur d, pour d = 2 c’est evident. Sup-posons le resultat vrai en dimension d et demontrons le en dimension d+ 1.

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On commence par fixer xd+1, puis on remarque que pour d′ = d/(d − 1) ona |fi(., xd+1)| = |fi|d

′ ∈ Ld−1(Rd−1), en appliquant l’hypothese de recurrenceon obtient que

∏di=1 |fi|d

′ ∈ L1 avec∫Rd−1

d∏i=1

|fi|d′dx1.....dxd ≤

d∏i=1

‖fi‖d′

Ld .

Avec l’inegalite de Holder, il vient donc :∫Rd

|f |dx1...dxd ≤ ‖fd+1‖Ld(Rd)

d∏i=1

‖fi(., xd+1)‖Ld

on remarque ensuite que xd+1 7→ ‖fi(., xd+1)‖Ld est dans Ld et il resulte doncde l’inegalite de Holder que xd+1 7→

∏di=1 ‖fi(., xd+1)‖Ld est L1 et que :∫

Rd+1

|f |dx1...dxd+1 ≤ ‖fd+1‖Ld(Rd)

d∏i=1

‖fi‖Ld(Rd).

2

On peut alors en deduire un premier resultat d’injection continue :

Theoreme 7.10 (Sobolev, Gagliardo, Nirenberg) Soit 1 ≤ p < d on a alorsW 1,p(Rd) ⊂ Lp

∗pour p∗ defini par

1

p∗=

1

p− 1

d.

De plus l’injection precedente est continue et plus precisement, il existe uneconstante C telle que

‖u‖Lp∗ ≤ C‖u‖W 1,p , ∀u ∈ W 1,p(Rd). (7.5)

Preuve:Soit u ∈ C1

c (Rd), on a pour tout x ∈ Rd :

|u(x)| ≤ fi(x−i) :=

∫R|∂iu(x−i, t)|dt

et donc

|u(x)|d

d−1 ≤d∏i=1

fi(x−i)1

d−1

155

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avec le lemme 7.1, il vient donc

‖u‖d

d−1

Ld

d−1≤

d∏i=1

(∫Rd−1

fi(x−i)dx−i

) 1d−1 ≤

d∏i=1

‖∂iu‖1

d−1

L1

de sorte que

‖u‖L

dd−1

≤( d∏i=1

‖∂iu‖L1

) 1d ≤ ‖∇u‖L1 . (7.6)

Par un argument de densite, on en deduit que W 1,1 ⊂ Ld/(d−1) et que (7.6)est satisfaite pour tout u ∈ W 1,1, on a ainsi etabli (7.5) dans le cas p = 1.Supposons maintenant que p > 1 et que u ∈ C1

c (Rd) en appliquant (7.6)a v = |u|α−1u (α > 1 sera fixe ulterieurement), il vient avec l’inegalite deHolder :

‖u‖αL

αdd−1

≤ α

∫Rd

|u|α−1|∇u| ≤ α‖∇u‖Lp

(∫Rd

|u|(α−1)p

p−1

) pp−1

= α‖∇u‖Lp‖u‖α−1

L(α−1)p

p−1

on choist maintenant α tel que

αd

d− 1=

(α− 1)p

p− 1⇒ αd

d− 1= p∗.

On en deduit que (7.5) a lieu pour tout u ∈ C1c (Rd) et, comme d’habitude,

on conclut par densite.2

Corollaire 7.3 Soit 1 ≤ p < d on a alors W 1,p(Rd) ⊂ Lq(Rd) avec injectioncontinue pour tout q ∈ [p, p∗].

Preuve:On sait deja que le resultat est vrai pour q = p et q = p∗ pour q ∈]p, p∗[, soitα ∈]0, 1[ tel que

1

q=α

p+

1− α

p∗.

Il decoule de l’inegalite d’interpolation et de (7.5) que pour tout u ∈ W 1,p

on a u ∈ Lq et‖u‖Lq ≤ ‖u‖αLp‖u‖1−α

Lp∗ ≤ C1−α‖u‖W 1,p .

2

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Proposition 7.5 (Le cas limite p = d) W 1,d(Rd) ⊂ Lq(Rd) avec injectioncontinue pour tout q ∈ [d,+∞[.

Preuve:Soit u ∈ C1

c (Rd), nous avons vu qu’en appliquant l’inegalite de Sobolev poura v = |u|α−1u (α > 1) on obtient :

‖u‖αL

αdd−1

≤ C

∫Rd

‖∇u‖|u|α−1 ≤ C‖∇u‖Ld‖u‖α−1

L(α−1)d

d−1

avec l’inegalite de Young il vient donc

‖u‖L

αdd−1

≤ C1/α‖∇u‖1αLd‖u‖(α−1)/α

L(α−1)d

d−1

≤ Cα(‖∇u‖Ld + ‖u‖L

(α−1)dd−1

). (7.7)

en prenant α = d on obtient

‖u‖L

d2d−1

≤ C(‖∇u‖Ld + ‖u‖Ld)

et on en deduit que Ld2/(d−1) ⊂ W 1,d avec injection continue et par interpola-

tion que Lq ⊂ W 1,d avec injection continue pour tout q ∈ [d, d2/(d− 1)]. Onapplique ensuite a nouveau (7.7) a α = d + 1, d + 2, d + 3... et on en deduitle resultat recherche.

2

Passons maintenant au cas p > d :

Theoreme 7.11 (Morrey) Soit ∞ ≥ p > d on a alors W 1,p(Rd) ⊂ L∞(Rd)avec injection continue. De plus, si u ∈ W 1,p(Rd), u admet un representantcontinu (encore note u) et plus precisement, il existe une constante C telleque

|u(x)− u(y)| ≤ C‖∇u‖Lp |x− y|α, ∀x, y ∈ Rd × Rd

pour α = 1− d/p.

Preuve:Soit u ∈ Cc(R), x et y dans Rd, soit Q un cube ouvert contenant x et yet dont les cotes sont de longueur r = 2|x − y| et paralleles aux axes decoordonnees. Dans tout ce qui suit C designera une constante (ne dependantni de u ni de x ni de y) mais qui pourra varier d’une ligne a l’autre. Pourz ∈ Q on a :

|u(x)− u(z)| ≤∫ 1

0

|∇u(x+ t(z− x))||z− x|dt ≤ Cr

∫ 1

0

|∇u(x+ t(z− x))|dt

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en definissant u := |Q|−1∫Qu et en integrant l’inegalite precedente il vient

|u(x)− u| ≤ Cr1−d∫Q

(∫ 1

0

|∇u(x+ t(z − x))|dt)dz

= Cr1−d∫ 1

0

(∫Qt

1

td|∇u(y)|dy

)dt

ou l’on a pose Qt := (1− t)x+ tQ ⊂ Q. En utilisant l’inegalite de Holder, ona ∫

Qt

|∇u(y)|dy ≤ ‖∇u‖Lp(Q)|Qt|1/p′ ≤ ‖∇u‖Lptd/p

′rd/p

et donc

|u(x)− u| ≤ C‖∇u‖Lpr1−d+d/p′∫ 1

0

1

td(1−1/p′)dt ≤ C‖∇u‖Lpr1−d/p

de sorte que|u(x)− u(y)| ≤ C‖∇u‖Lp |x− y|1−d/p.

Pour montrer l’estimation L∞, on fixe un cube ouvert contenant x dont lescotes sont paralleles aux axes de coordonnees et de longueur 1, en utilisantce qui precede et l’inegalite de Holder, on obtient

|u(x)| ≤ |u|+ |u(x)− u| ≤ ‖u‖Lp + C‖∇u‖Lp ≤ C‖u‖W 1,p

Enfin, on conclut facilement la preuve a nouveau par densite.2

Exercice 7.15 Soit u ∈ W 1,p(Rd) avec p > d montrer que

u(x) → 0 quand |x| → 0.

Dans le cas d’un ouvert Ω de Rd regulier tel que ∂Ω soit borne, onpeut etendre les resultats precedents grace au theoreme de prolongement.En resume, cela donne :

Theoreme 7.12 Soit d ≥ 2, Ω un ouvert de Rd regulier tel que ∂Ω soitborne et p ∈ [1,∞]. On a :

1. si p < d, W 1,p(Ω) ⊂ Lq(Ω) avec injection continue pour tout q ∈ [p, p∗]avec p∗ defini par

1

p∗=

1

p− 1

d

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2. si p = d, W 1,p(Ω) ⊂ Lq(Ω) avec injection continue pour tout q ∈ [d,∞[,

3. si p > d, W 1,p(Ω) ⊂ L∞(Ω) avec injection continue.

Dans le cas d’un domaine regulier borne, on a en outre des resultatsd’injections compactes :

Theoreme 7.13 (Rellich-Kondrachov) Soit Ω un ouvert regulier et bornede Rd et p ∈ [1,∞]. On a :

1. si p < d, W 1,p(Ω) ⊂ Lq(Ω) avec injection compacte pour tout q ∈ [1, p∗[avec p∗ defini par

1

p∗=

1

p− 1

d

2. si p = d, W 1,p(Ω) ⊂ Lq(Ω) avec injection compacte pour tout q ∈ [1,∞[,

3. si p > d, W 1,p(Ω) ⊂ C(Ω) avec injection compacte.

Preuve:Supposons p < d, et q ∈ [1, p∗[. Il s’agit de montrer que la boule unitede W 1,p(Ω) verifie les hypotheses du theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorovdans Lq(Ω). Soit α ∈]0, 1] tel que

1

q= α+

1− α

p∗.

Soit u ∈ W 1,p(Ω), ω ⊂⊂ Ω et h ∈ Rd tel que |h| ≤ d(ω,Rd\Ω) , par l’inegalited’interpolation, et le fait que Ω soit borne, on a :

‖τhu− u‖Lq(ω) ≤ ‖τhu− u‖αL1(ω)‖τhu− u‖1−αLp∗ (ω)

≤ |h|α‖∇u‖αL1(Ω)(2‖u‖Lp∗(Ω))1−α

≤ C|h|α‖u‖W 1,p(Ω)

ce qui montre que la boule unite de W 1,p(Ω) verifie la premiere hypothesedu theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov. L’inegalite de Holder donne parailleurs

‖u‖Lq(Ω\ω) ≤ ‖u‖Lp∗ (Ω\ω)|Ω \ ω|1/q−1/p∗

ce qui assure que la boule unite de W 1,p(Ω) verifie aussi la seconde hypothesedu theoreme de Riesz-Frechet-Kolmogorov. Le cas p = d se traite de manieresimilaire. Enfin la compacite dans le cas p > d decoule immediatement destheoremes de Morrey et d’Arzela-Ascoli.

2

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Notons en particulier que si Ω est regulier et borne, l’injection W 1,p(Ω) ⊂Lp(Ω) est compacte ce qui implique que si (un) converge faiblement vers udans W 1,p(Ω) alors (un) converge fortement vers u dans Lp(Ω). Notons aussique si Ω n’est pas borne, l’injection W 1,p(Ω) ⊂ Lp(Ω) n’est generalement pascompacte. On peut aussi montrer que pour p < d, l’injection W 1,p(Ω) ⊂ Lp

n’est jamais compacte (meme si Ω est borne et regulier).

7.4 Espace W 1,p0 et traces de fonctions W 1,p

Nous allons voir que les fonctions W 1,p ont une trace sur les hypersurfacesregulieres c’est a dire que l’on peut donner un sens (Lp) aux valeurs prisespar une fonction W 1,p sur une telle hypersurface. Ceci est evident pour p > d,beaucoup moins pour p ≤ d.

Lemme 7.2 Soit p ∈ [1,∞[ et Ω := Rd−1 × R∗+. Il existe une constante C

telle que pour tout u ∈ C1c (Rd), on ait(∫

Rd−1

|u(x′, 0)|pdx′)1/p

≤ C‖u‖W 1,p .

Preuve:Soit x′ ∈ Rd−1 on a alors

|u(x′, 0)|p ≤∫ ∞

0

|∂d(|u(x′, xd)|p−1u(x′, xd))|dxd

=

∫ ∞

0

p|u(x′, xd)|p−1|∂du(x′, xd)|dxd

pour p = 1 on en deduit immediatement le resultat cherche en integrantl’inegalite precedent par rapport a x′. Pour p > 1, l’inegalite de Young etl’inegalite precedente donnent

|u(x′, 0)|p ≤ C(∫ ∞

0

|u(x′, xd)|pdxd +

∫ ∞

0

|∂du(x′, xd)|pdxd)

et on bien obtient l’inegalite cherchee en integrant par rapport a x′.2

Le lemme precedent montre que lorsque Ω := Rd−1 × R∗+, on peut pro-

longer l’operateur u ∈ C1c (Ω) 7→ u|∂Ω en un operateur lineaire continue de

W 1,p(Ω) → Lp(∂Ω) = Lp(∂Ω, σ) avec σ la mesure superficielle sur ∂Ω (quidans le cas du lemme precedent est simplement la mesure de Lebesgue d−1-dimensionnelle sur l’hyperplan ∂Ω). Ceci peut se generaliser comme suit aux

160

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ouverts Ω reguliers (en definissant leur mesure superficielle σ sur ∂Ω commeau chapitre 2). En effet, en rectifiant ∂Ω par cartes locales on obtient leresultat suivant dont on laisse la preuve au lecteur :

Lemme 7.3 Soit p ∈ [1,∞[ et Ω un ouvert regulier de Rd tel que ∂Ω soitborne (pour simplifier). Il existe une constante C telle que pour tout u ∈C1c (Rd), on ait

‖u‖Lp(∂Ω) :=(∫

∂Ω

|u(x)|pdσ(x))1/p

≤ C‖u‖W 1,p(Ω).

On en deduit par densite l’existence d’operateurs de trace :

Theoreme 7.14 (Theoreme de trace) Soit p ∈ [1,∞[ et Ω un ouvert regulierde Rd, alors il existe un operateur (dit de trace) γ lineaire continu de W 1,p(Ω)dans Lp(∂Ω) tel que γu = u|∂Ω pour tout u ∈ C1

c (Rd).

Par la suite nous noterons simplement γu = u|∂Ω pour u ∈ W 1,p(Ω). Enraisonnant par densite, on peut en deduire diverses formules d’integrationpar parties pour des fonctions W 1,p(Ω). Par exemple, si u = (u1, ..., ud) avecchaque ui ∈ W 1,1(Ω), on a la formule de Stokes :∫

Ω

div(u) =

∫∂Ω

u · ndσ.

Ou encore, si u et v dont dans H1(Ω), on a la formule d’integration parparties ∫

Ω

∂iu v = −∫

Ω

u ∂iv +

∫∂Ω

(uv)nidσ.

Pour 1 ≤ p < ∞ on note W 1,p0 (Ω) l’adherence de C1

c (Ω) (ou de D(Ω))dans (W 1,p(Ω), ‖.‖W 1,p(Ω)). On munit W 1,p

0 de la norme de W 1,p, comme, par

definition, W 1,p0 est ferme dans W 1,p (et donc aussi faiblement ferme par

convexite), c’est un espace de Banach pour la norme W 1,p. On note aussiH1

0 := W 1,20 . On sait deja que si Ω = Rd, C1

c (Rd) est dense dans W 1,p(Rd) desorte que W 1,p

0 (Rd) = W 1,p(Rd).

Proposition 7.6 (Inegalite de Poincare) Soit p ∈ [1,∞[ et Ω un ouvertborne dans une direction. Alors il existe une constante C telle que

‖u‖Lp(Ω) ≤ C‖∇u‖Lp(Ω), ∀u ∈ W 1,p0 (Ω)

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Preuve:Sans perte de generalite supposons que Ω ⊂ x ∈ Rd : |x1| ≤ M. Soitu ∈ C1

c (Ω) (prolonge par 0 en dehors de Ω), pour x ∈ Ω on a

u(x) = u(x)− u(x− 2Me1) = 2M

∫ 1

0

∂1u(x− 2tMe1)dt

et donc∫Ω

|u(x)|p ≤ (2M)p∫

Ω

(∫ 1

0

|∂1u(x− 2tMe1)|pdt)dx ≤ (2M)p

∫Ω

|∇u|p.

On conclut par densite de C1c (Ω) dans W 1,p

0 (Ω).2

On peut montrer que l’inegalite de Poincare est encore vraie dans le cas ou|Ω| est fini. L’inegalite de Poincare implique en particulier que sur W 1,p

0 (Ω),u 7→ ‖∇u‖Lp(Ω) est equivalente a la normeW 1,p(Ω) et que surH1

0 (Ω), (u, v) 7→∫Ω∇u ·∇v est un produit scalaire et que la norme qu’il definit sur H1

0 (Ω) estequivalente a la norme H1(Ω).

L’exercice suivant permet de relier les espaces W 1,p0 (Ω) aux operateurs de

trace :W 1,p0 (Ω) est simplement le noyau de l’operateur de trace γ :W 1,p(Ω) →

Lp(∂Ω).

Exercice 7.16 Soit Ω un ouvert regulier de Rd, p ∈ [1,∞[ et u ∈ W 1,p(Ω).Montrer que u ∈ W 1,p

0 (Ω) si et seulement si u|∂Ω = 0.

Exercice 7.17 Soit Ω un ouvert regulier de Rd, p ∈ [1,∞[ et u ∈ W 1,p(Ω).Montrer que u ∈ W 1,p

0 (Ω) si et seulement si la fonction qui prolonge u par 0en dehors de Ω appartient a W 1,p(Rd).

Exercice 7.18 Soit Ω un ouvert regulier de Rd, p ∈]1,∞[ et u ∈ Lp(Ω).Montrer les equivalences entre :

1. u ∈ W 1,p0 (Ω),

2. il existe C tel que∣∣∣ ∫Ω

u ∂iϕ∣∣∣ ≤ C‖ϕ‖Lp′ , ∀ϕ ∈ Cc(Rd), ∀i = 1, ..., d.

Exercice 7.19 Soit Ω un ouvert regulier de Rd tel que ∂Ω soit borne, p ∈[1,∞[ et u ∈ W 1,p(Ω). Montrer que γ(u±) = (γu)± et en deduire que siγu = u|∂Ω ≥ 0 alors u− ∈ W 1,p

0 (Ω).

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7.5 Formulation variationnelle de quelques pro-

blemes aux limites

Soit Ω un ouvert regulier de Rd, on cherche a resoudre le probleme ellip-tique lineaire avec condition de Dirichlet homogene :

−∆u+ u = f dans Ω,u = 0 sur ∂Ω,

Une solution classique est une fonction u ∈ C2(Ω) verifiant ponctuellementl’EDP precedente et la condition de Dirichlet sur ∂Ω. Evidemment, l’exis-tence d’une solution classique necessite que f soit continue. Or, nous allonsautoriser le cas f ∈ L2(Ω) (et meme f ∈ H−1(Ω) ou H−1(Ω) designe le dualtopologique de H1

0 (Ω)). Pour f ∈ H−1(Ω), une solution faible du problemeprecedent est par definition une fonction u ∈ H1

0 (Ω) verifiant∫Ω

∇u · ∇ϕ+

∫Ω

uϕ = f(ϕ), ∀ϕ ∈ H10 (Ω). (7.8)

Il est facile de voir qu’une solution faible est une fonction H10 solution de

l’EDP au sens des distributions. On verifie immediatement, en utilisant laformule de Green que toute solution classique est solution faible et que si unesolution faible est reguliere (disons C2(Ω)) alors c’est une solution classique.L’existence et l’unicite d’une solution faible est ici simplement assuree parle theoreme de Riesz. En effet, dire que u ∈ H1

0 est solution faible signifieexactement que u represente f , etant entendu que H1

0 est muni du produitscalaire usuel de H1 :

〈u, ϕ〉 :=

∫Ω

∇u · ∇ϕ+

∫Ω

uϕ.

De plus, on verifie immediatement que u est solution faible si et seulement si

J(v) ≥ J(u), ∀v ∈ H10 , avec J(v) :=

1

2〈v, v〉 − f(v). (7.9)

On a donc :

Theoreme 7.15 Soit f ∈ H−1(Ω), l’equation

−∆u+ u = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω, (7.10)

possede une unique solution faible u ∈ H10 . De plus u est l’unique minimiseur

de la fonctionnelle J definie par (7.9) sur H10 .

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Si l’on note T l’operateur de H−1(Ω) → L2(Ω) qui a f ∈ H−1(Ω) associeu ∈ H1

0 (Ω) ⊂ L2(Ω) la solution de (7.10), on a

‖Tf‖H1 = ‖f‖H−1 .

Si en plus Ω est borne comme l’injection de H1 dans L2 est compacte, on endeduit que T est un operateur compact de H−1(Ω) dans L2(Ω).

Exercice 7.20 Soit Ω un ouvert borne et regulier de Rd et f ∈ H−1. Montrerque l’equation

−∆u = f dans Ω

avec condition de Dirichlet homogene possede une unique solution faible dansH1

0 . Montrer que pour λ > 0 assez petit (quantifier), il en est de meme pour :

−∆u− λu = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω.

L’exemple precedent illustre de maniere simple comment la formulationfaible (ou variationnelle) permet de montrer l’existence et l’unicite (et ca-racterisation variationnelle c’est a dire en terme de minimisation d’une fonc-tionnelle d’energie) d’une solution faible ; on a trivialise la question en uti-lisant le theoreme de Riesz, pour des cas un peu plus generaux, c’est letheoreme de Lax-Milgram, que nous rappelons ci-dessous, qui permet deprouver l’existence et l’unicite d’une solution faible.

Theoreme 7.16 (Theoreme de Lax-Milgram) Soit H un espace de Hilbert,a une forme bilineaire continue et coercive (c’est a dire telle qu’il existe C > 0tel que a(v, v) ≥ C‖v‖2 = C 〈v, v〉 pour tout v ∈ H) et f ∈ H ′. Il existe ununique u ∈ H verifiant

a(u, ϕ) = f(ϕ), ∀ϕ ∈ H.

Si de plus a est symetrique alors u est l’unique minimiseur sur H de lafonctionnelle J definie par :

J(v) :=1

2a(v, v)− f(v), ∀v ∈ H.

A titre d’application immediate, considerons Ω ouvert borne et regulierde Rd, f ∈ H−1 et le probleme de Dirichlet : −

∑1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) + a0u = f dans Ω,

u = 0 sur ∂Ω,

164

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avec a0 ∈ L∞, a0 ≥ 0, les fonctions aij ∈ L∞ satisfaisant la condition d’el-lipticite : il existe C > 0 tel que pour presque tout x, pour tout p ∈ Rd ona ∑

i,j

aij(x)pipj ≥ C|p|2. (7.11)

Une solution faible est par definition une fonction u ∈ H10 (Ω) telle que∫

Ω

∑i,j

aij∂iu ∂jϕ+

∫Ω

a0uϕ = f(ϕ), ∀ϕ ∈ H10 . (7.12)

Au vu de la formulation variationnelle precedente, il est naturel de definir laforme bilineaire

a(u, ϕ) :=

∫Ω

∑i,j

aij∂iu ∂jϕ+

∫Ω

a0uϕ,∀u, ϕ ∈ H10

les coefficients a0, aij etant bornes, a est continue sur H10 et la condition

d’ellipticite (avec l’inegalite de Poincare) assure que a est coercive sur H10

(noter aussi que si a0 ≥ α > 0 l’hypothese que Ω est borne est inutile). Letheoreme de Lax-Milgram permet immediatement d’en deduire l’existence etl’unicite d’une solution faible.

On peut egalement considerer le probleme de Dirichlet non homogene :−∆u+ u = f dans Ω,u = g sur ∂Ω,

ou plus generalement (pour des fonctions a0 et aij verifiant les memes hy-potheses que precedemment) −

∑1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) + a0u = f dans Ω,

u = g sur ∂Ω,

ou g ∈ H1(Ω) et la condition de Dirichlet u = g sur ∂Ω est a interpreter ausens des traces c’est a dire au sens γ(u− g) = 0 (ou ce qui revient au memeu − g ∈ H1

0 (Ω)). Une solution faible des equations precedentes est alors pardefinition un element u de K := g +H1

0 (Ω) = v ∈ H1(Ω) : γ(u− g) = 0verifiant (7.8) dans le cas de la premiere equation et (7.8) dans le cas de laseconde. L’existence et l’unicite d’une solution faible decoule alors du faitque K est un sous-espace affine ferme de H1 et du theoreme de Stampacchiaque nous rappelons ici :

165

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Theoreme 7.17 (Theoreme de Lax-Milgram) Soit H un espace de Hilbert,a une forme bilineaire continue et coercive, K un convexe ferme non vide deH et f ∈ H ′. Il existe un unique u ∈ K verifiant

a(u, ϕ− u) ≥ f(ϕ− u), ∀ϕ ∈ K. (7.13)

Si de plus a est symetrique alors u est l’unique minimiseur sur K de lafonctionnelle J definie par :

J(v) :=1

2a(v, v)− f(v), ∀v ∈ H.

En effet, dans le cas K = g +H10 (Ω), (7.13) se reecrit simplement

a(u, ϕ) = f(ϕ), ∀ϕ ∈ H10 (Ω)

qui est la forme variationnelle (ou faible) des EDP’s considerees plus haut.

Exercice 7.21 (Conditions de Neumann) Soit Ω ouvert borne et regulier deRd et f ∈ H−1, on appelle solution faible du probleme de Neumann

−∆u+ u = f dans Ω,∂u∂n

= 0 sur ∂Ω,

toute fonction u ∈ H1 verifiant :∫Ω

∇u · ∇ϕ+

∫Ω

uϕ = f(ϕ), ∀ϕ ∈ H1.

Montrer qu’il existe une unique solution faible du probleme de Neumannprecedent et que toute solution classique est une solution faible. Donner unecaracterisation de la solution du probleme precedent en termes de minimisa-tion. Donner une condition necessaire et suffisante pour que l’equation

−∆u = f dans Ω,∂u∂n

= 0 sur ∂Ω,

admette une solution faible.

Exercice 7.22 Soit Ω ouvert borne et regulier de Rd, a ∈ L∞(Ω) (pasde condition de signe) b ∈ L∞(Ω,Rd) et f ∈ L2(Ω), on s’interesse ici al’equation :

−∆u+ b · ∇u+ au = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω, (7.14)

166

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1. Montrer que pour λ > 0 assez grand l’equation

−∆u+ b · ∇u+ au+ λu = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω, (7.15)

possede une unique solution faible que l’on notera Tf .

2. Montrer que T est un endomorphisme compact de L2.

3. Montrer que pour f = 0 l’ensemble des solutions de (7.15) est un sousespace-vectoriel de dimension finie d de H1

0 (Ω). Montrer que (7.15)possede des solutions si et seulement si f ∈ F⊥ avec F un sev dedimension d de L2(Ω).

4. Que peut-on dire de plus dans le cas ou a ≥ 0, b ∈ C1c (Ω) et div(b) ≤ 0 ?

5. En utilisant le principe du maximum, que peut-on dire de plus dans lecas ou a ≥ 0 ?

7.6 Principe du maximum et regularite ellip-

tique

Theoreme 7.18 (Principe du maximum, cas sans derive) Soit Ω un ouvertregulier de Rd, a0 ≥ 0, a0 ∈ L∞, aij ∈ L∞ verifiant la condition d’ellipticite(7.11), f ∈ H−1(Ω) et u ∈ H1(Ω) solution faible de l’equation

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) + a0u = f dans Ω. (7.16)

Si f ≥ 0 (au sens ϕ ≥ 0 ⇒ f(ϕ) ≥ 0) et si u|∂Ω ≥ 0 alors u ≥ 0 dans Ω.

Preuve:Comme u|∂Ω ≥ 0, on sait que u− ∈ H1

0 (Ω) (voir exercice 7.19) on peutdonc prendre u− comme fonction test dans (7.16) (on dit aussi ”multiplierl’equation” par u−), il vient alors∫

Ω

( ∑1≤i,j≤d

aij∂iu ∂ju− + a0uu−

)= f(u−) ≥ 0

en utilisant les identites ∂iu ∂ju− = −∂iu− ∂iu−, uu− = −u2− et la condition

d’ellipticite (7.11), il vient donc

−C∫

Ω

|∇u−|2 −∫

Ω

a0u2− ≥ 0

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de sorte que ∇u− = 0 et donc u− = 0, ce qui prouve le resultat voulu.2

Le principe du maximum joue un role fondamental dans les EDP’s ellip-tiques notamment pour obtenir des resultats d’unicite et ce, meme (surtouten fait !) dans le cadre non-lineaire. Considerons par exemple le cas ou Ωest un ouvert borne de Rd et considerons l’equation non-lineaire (de typeHamilton-Jacobi) suivante :

F (x,D2u) +H(x,∇u) + u = 0. (7.17)

Ou F et H sont des fonctions continues et F est elliptique au sens ou siM1 ≥ M2 (au sens des matrices symetriques) alors F (x,M1) ≤ F (x,M2).Supposons maintenant que u et v soient des fonctions C2(Ω), que u soit unesous-solution de l’equation preceedente :

F (x,D2u) +H(x,∇u) + u ≤ 0 sur Ω

et que v en soit une sur-solution :

F (x,D2v) +H(x,∇v) + v ≥ 0 sur Ω.

On a alors le principe du maximum (ou principe de comparaison) suivant :

u ≤ v sur ∂Ω ⇒ u ≤ v sur Ω.

Pour demontrer ce principe de comparaison, il s’agit de montrer que maxΩ(u−v) ≤ 0, si le maximum est atteint sur ∂Ω il n’y a rien a demontrer. Supposonsdonc qu’il est atteint en un point x0 ∈ ∂Ω et supposons par l’absurde queu(x0) > v(x0). On a alors

∇u(x0) = ∇v(x0), D2u(x0) ≤ D2v(x0)

et donc en utilisant l’ellipticite de F :

u(x0) = −F (x0, D2u(x0))−H(x0,∇u(x0))

≤ −F (x0, D2v(x0))−H(x0,∇v(x0)) = v(x0)

ce qui constitue la contradiction recherchee. Notons que le principe de com-paraison implique en particulier que le probleme de Dirichlet :

F (x,D2u) +H(x,∇u) + u = 0 dans Ω, u = g sur ∂Ω (7.18)

admet au plus une solution classique. Cependant, le probleme (7.18) n’ayantgeneralement pas de solution classique, il faut recourir a la notion de solutionde viscosite developpe par Michael Crandall et Pierre-Louis Lions (voir [3]).

L’argument precedent valable pour les solutions classiques donne l’intui-tion que le principe du maximum devrait rester valable pour des equationslineaires ”avec un terme en ∇u” (ou terme de derive). On a en effet :

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Theoreme 7.19 (Principe du maximum pour des equations elliptiques avecterme de derive) Soit Ω un ouvert borne (pour simplifier) et regulier de Rd,a0 ≥ 0, a0 ∈ L∞, ai ∈ L∞, aij ∈ L∞ verifiant la condition d’ellipticite (7.11),f ∈ H−1(Ω) et u ∈ H1(Ω) solution faible de l’equation

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) +d∑i=1

ai∂iu+ a0u = f dans Ω. (7.19)

Si f ≥ 0 (au sens ϕ ≥ 0 ⇒ f(ϕ) ≥ 0) et si u|∂Ω ≥ 0 alors u ≥ 0 dans Ω.

Preuve:Soit m := essinf u et supposons par l’absurde que m < 0 soit alors m < k < 0et

vk := (u− k)−

on a alors vk ∈ H10 (Ω) et en multipliant (7.19) par vk et en utilisant la

condition d’ellipticite, on obtient∫Ω

|∇vk|2 ≤ C

∫Ω

|∇vk||vk| = C

∫Ak

|∇vk||vk| ≤ C‖∇vk‖L2‖χAkvk‖L2

avecAk := ∇u 6= 0, u < k.

Comme vk ∈ H10 et vk 6= 0 il vient donc

‖∇vk‖L2 ≤ C‖χAkvk‖L2

soit maintenant q = 2∗ si d ≥ 3 et +∞ > q > 2 quelconque si d = 2, il resultede l’inegalite de Poincare, du fait que H1 ⊂ Lq avec injection continue et del’inegalite de Holder que l’on a alors

‖vk‖Lq ≤ C‖χAkvk‖L2 ≤ C‖vk‖Lq |Ak|1/2−1/q.

Ce qui implique que pour tout k > m on a |Ak| ≥ α > 0 et ceci est absurdecar |Ak| → 0 quand k → m+ (c’est clair pour m = −∞ car u ∈ L2 et pourm > −∞, on a |Ak| → |∇u 6= 0, u = m| = 0 d’apres l’exercice 7.12).

2

On en deduit immediatement :

Corollaire 7.4 Sous les hypotheses du theoreme 7.19, le probleme de Diri-chlet :

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) +d∑i=1

ai∂iu+ a0u = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω (7.20)

possede une unique solution pour tout f ∈ L2(Ω).

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Preuve:On deduit de l’hypothese d’ellipticite qu’il existe λ > 0 tel que la formebilineaire continue

a(u, ϕ) :=

∫Ω

(∑ij

aij∂iu∂jϕ+∑i

ai∂iu ϕ+ (a0 + λ)uϕ), ∀u, v ∈ H1

soit coercive sur H1. Il resulte alors du theoreme de Lax-Milgram que pourtout f ∈ L2(Ω), l’equation

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) +d∑i=1

ai∂iu+ a0u = f dans Ω, u = 0 sur ∂Ω (7.21)

possede une unique solution que nous noterons Tf . On verifie sans peine queT est un endomorphisme compact de L2. De plus, par construction u estsolution faible de (7.20) si et seulement si u = T (f + λu) ce qui se reecritencore (I − λT )v = f avec v = f + λu. Il decoule alors du principe dumaximum que (I − λT ) est injective. On deduit donc de l’alternative deFredholm que (I − λT ) est surjective et ainsi le resultat cherche.

2

Nous allons maintenant nous interesser a la regularite des solutions faibles.Dans le cas Ω = Rd, il est facile de voir, par transformee de Fourier commeau chapitre 2, que si f ∈ L2, la solution faible de

−∆u+ u = f

est en fait H2. On a meme mieux : ‖u‖H2 ≤ C‖f‖L2 pour une certaineconstante C. On peut egalement iterer l’argument : f ∈ H2 ⇒ u ∈ H4,....,f ∈ Hm ⇒ u ∈ Hm+2. En particulier, si f ∈ Hm pour tout m alors u ∈Hm pour tout m ce qui entraine en particulier que u ∈ C∞. Nous allonsmaintenant generaliser ces resultats de regularite elliptique a des equations(lineaires) plus generales (avec des coefficients variables, ce qui rend inadapteela resolution en Fourier) et pour des domaines plus generaux. Afin d’eviterles difficultes liees a la geometrie du domaine, nous allons nous limiter au casde l’espace entier ou du demi-espace :

Theoreme 7.20 Supposons que Ω = Rd ou Ω = Rd−1 × R∗+, soit aij ∈

W 1,∞(Ω) verifiant la condition d’ellipticite (7.11), f ∈ L2(Ω) et u ∈ H10 (Ω)

solution faible de l’equation

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) + u = f dans Ω. (7.22)

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alors u ∈ H2(Ω) et il existe une constante C (independante de f !) telle que :

‖u‖H2(Ω) ≤ C‖f‖L2 .

Preuve:Commencons par traiter le cas Ω = Rd. Pour h ∈ Rd \ 0 et v ∈ H1, onnote :

Dhv :=τhv − v

|h|∈ H1.

Multiplions l’equation par D−h(Dhu) il vient alors en utilisant les proprieteselementaires de Dh et le fait que les aij sont Lipschitziennes :∫

Ω

fD−h(Dhu) =

∫Ω

∑1≤i,j≤d

aij∂iuD−h(Dh∂ju) + uD−h(Dhu)

=

∫Ω

∑1≤i,j≤d

Dh(aij∂iu)(Dh∂ju) + (Dhu)2

≥∫

Ω

∑1≤i,j≤d

(τhaij)(∂iDhu)(∂jDhu) +Dh(aij)∂iuDh∂ju

≥ C

∫Ω

|Dh∇u|2 − C ′‖∇u‖L2‖Dh∇u‖L2

en remarquant ensuite que ‖Dhϕ‖L2 ≤ ‖∇ϕ‖L2 pour tout ϕ ∈ H1, on endeduit que

‖Dh∇u‖L2 ≤ C(‖f‖L2 + ‖∇u‖L2) ≤ C‖f‖L2

on deduit alors de la proposition 7.3 que ∇u ∈ H1 i.e. u ∈ H2 et en prenanth = tei et en faisant tendre t vers 0 on obtient bien

‖u‖H2 ≤ C‖f‖L2 .

Dans le cas ou Ω est le demi-espace, il faut prendre garde a n’utiliser que destranslations laissant invariantes Ω et la condition de Dirichlet, c’est a dire desh ∈ Rd−1×0 (des translations tangentielles). Pour de tels h, en procedantcomme precedemment on obtient

‖∂iju‖L2 ≤ C‖f‖L2 , i = 1, ..., d, j = 1, ...., d− 1.

On estime enfin la derivee seconde manquante ∂ddu en utilisant l’equation :avec ce qui precede on a add∂ddu ∈ L2 et on conclut en utilisant le fait qu’avec(7.11) on a add ≥ C > 0.

2

171

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Indiquons que par rectification par cartes locales, on peut aussi montrer(mais la preuve est un peu plus fastidieuse, consulter par exemple [2] ou [10])que le resultat precedent est encore valable pour Ω ouvert borne de classe C2

de Rd. Il est aussi facile d’adapter la preuve du cas Ω = Rd pour montrer desresultats de regularite H2

loc et en iterant l’argument d’obtenir des resultatsde regularite d’ordre plus eleve, un exercice (bien noter la difference dansles hypotheses et aussi dans l’estimation par rapport au theoreme precedent)pour s’en persuader :

Exercice 7.23 Soit Ω un ouvert de Rd, aij ∈ W 1,∞ satisfaisant (7.11), ai ∈L∞, a0 ∈ L∞, f ∈ L2(Ω) et u ∈ H1(Ω) solution faible de :

−∑

1≤i,j≤d

∂j(aij∂iu) +d∑i=1

ai∂iu+ a0u = f.

Montrer que u ∈ H2loc(Ω) (i.e. u ∈ H2(ω) pour tout ω ⊂⊂ Ω) et que pour

tout ω ⊂⊂ Ω il existe C = C(ω) telle qu’on ait l’estimation :

‖u‖H2(ω) ≤ C(‖f‖L2(Ω) + ‖u‖L2(Ω)).

Si on suppose en outre que aij, ai, a0 et f sont C∞ montrer que u ∈ C∞(Ω).

Terminons ce chapitre par une application importante du theoreme dedecomposition spectrale des operateurs autoadjoints compacts :

Theoreme 7.21 Soit Ω un ouvert borne de Rd alors il existe une base Hil-bertienne (un)n≥1 de L2(Ω) et une suite (λn)n≥1 de reels verifiant λn > 0 etλn → +∞ tels que un ∈ H1

0 (Ω) ∩ C∞(Ω) et

−∆un = λnun.

On appelle les λn les valeurs propres de −∆ sur Ω avec condition de Dirichletet les fonctions un fonctions propres associees.

Preuve:Soit T l’endomorphisme de L2(Ω) qui a f ∈ L2(Ω) associe u solution faiblede

−∆u = f, u ∈ H10 (Ω).

Nous savons deja que T est un endomorphisme compact de L2. Soit f et gdans L2(Ω) et u := Tf , v := Tg on a alors

〈Tf, g〉 =

∫Ω

ug =

∫Ω

∇u∇v =

∫Ω

vf = 〈Tg, f〉

172

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ce qui montre que T est autoadjoint. On a egalement

〈Tf, f〉 =

∫Ω

|∇u|2 ≥ 0, ∀f ∈ L2(Ω)

et ker(T ) = 0. Il resulte alors du theoreme 4.8 que L2(Ω) possede une basehilbertienne (un)n≥1 de vecteurs propres de T associes a une suite (µn)n≥1

de valeurs propres verifiant µn > 0 et µn → 0 quand n → ∞. On verifieimmediatement que

−∆un = λnun avec λn = 1µn.

Enfin comme −∆un ∈ L2(Ω), il resulte des resultats de regularite elliptiquevus precedemment que un ∈ H2(ω) pour tout ω ⊂⊂ Ω, en iterant l’agumenton a un ∈ H2m(ω) pour tout m ∈ N∗ et donc un ∈ C∞(Ω).

2

Notons que si l’on dispose des fonctions propres de −∆ sur Ω (dans cer-tains domaines simples, ces fonctions propres sont effectivement connues ex-plicitement), alors la solution de

−∆u = f, u ∈ H10 (Ω)

est explicite et donnee par :

u =∞∑n=1

〈f, un〉λn

un.

La connaissance des fonctions propres de −∆ sur Ω permet egalement deresoudre simplement l’equation de la chaleur :

∂tu−∆u = 0, u|t=0 = u0, u|∂Ω = 0

par

u(t, x) =∞∑n=1

e−λnt 〈u0, un〉un(x).

173

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Chapitre 8

Calcul des variations et EDP’selliptiques non-lineaires

Nous avons vu au chapitre precedent que sur une domaine regulier borneΩ, resoudre :

−∆u+ u = f dans Ω,u = 0 sur ∂Ω,

revenait a minimiser sur H10 la fonctionnelle

J(v) :=1

2

(∫Ω

|∇v|2 + v2

)− f(v).

Une autre maniere de formuler cette equivalence est de dire que les solutionsfaibles de l’EDP ci-dessus sont des points critiques de la fonctionnelles J . No-tons aussi que J etant convexe, il y a equivalence entre etre point critique deJ et minimiser J et comme J est strictement convexe il y a aussi unicite dupoint critique. L’EDP ci-dessus apparait ainsi comme l’equation J ′(u) = 0 :l’equation d’Euler-Lagrange correspondant a la condition du premier ordrede minimisation de J . De nombreuses EDP’s interessantes sont des equationsde points critiques de certaines fonctionnelles d’energie. Nous allons exploi-ter ce lien dans ce chapitre en nous limitant aux methodes de minimisationpour des EDP’s qui apparaissent naturellement comme equation de point cri-tique (Euler-Lagrange) de fonctionnelles d’energie. Mentionnons qu’il existed’autres methodes (mountain-pass, linking..) pour montrer l’existence depoint critiques et donc de solutions aux EDP’s de type Euler-Lagrange. Nousaborderons aussi dans ce chapitre les methodes de point-fixe pour l’existencede solutions a certaines EDP’s non-lineaires. La aussi, il ne s’agit que d’uneintroduction au sujet et de nombreuses autres methodes non variationnellesexistent : methodes de monotonie, de sous et sur-solutions (voir par exemple[8] pour un apercu), methodes d’inversion locale, de bifurcation....

174

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8.1 Methode directe du calcul des variations

Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd, p ∈]1,+∞[ et considerons leprobleme de minimisation suivant

infu∈W 1,p

0 (Ω)J(u), avec J(u) :=

∫Ω

(F (∇u(x)) +G(u(x))

)dx (8.1)

Theoreme 8.1 Supposons que F et G soient continues, que G soit minoree,qu’il existe A > 0 et B ∈ R tels que F verifie (la condition de coercivite) :

F (z) ≥ A|z|p +B, ∀z ∈ Rd

et que F soit convexe sur Rd. Alors (8.1) possede au moins une solution.

Preuve:Soit (un)n une suite minimisante de (8.1), c’est a dire une suite de W 1,p

0 (Ω)telle que J(un) → inf(8.1). Il resulte de l’hypothese de coercivite et du faitque G soit minoree que ‖∇un‖Lp est bornee et donc, avec l’inegalite de Poin-care on en deduit que (un)n est bornee dans W 1,p(Ω). Comme W 1,p(Ω) estreflexif, on peut supposer quitte a extraire une sous-suite, que (un) convergefaiblement vers u ∈ W 1,p(Ω). Comme W 1,p

0 (Ω) est faiblement ferme dansW 1,p(Ω), on a u ∈ W 1,p

0 (Ω). L’injection de W 1,p(Ω) dans Lp(Ω) etant com-pacte, on peut supposer que un → u dans Lp(Ω) et p.p., et l’on a ∇un ∇udans Lp. Le lemme de Fatou et le fait que G soit minoree permettent d’endeduire que

lim inf

∫Ω

G(un) ≥∫

Ω

G(u).

Le meme argument montre que v ∈ W 1,p(Ω) 7→∫

ΩF (∇v) est sci pour la

topologie forte de W 1,p(Ω), comme F est convexe, cette fonctionnelle estconvexe et donc aussi sci pour la topologie faible de W 1,p(Ω). On a donc

lim inf

∫Ω

F (∇un) ≥∫

Ω

F (∇u).

Ceci permet d’en conclure que u est solution de (8.1).2

Notons que l’hypothese de convexite de F est essentielle dans la preuveprecedente et ne peut etre affaiblie, comme le montre le contre-exemple sui-vant du a Bolza. Considerons

inf J(u) :=

∫ 1

0

((1− u2)2 + u2

), u ∈ W 1,4

0 (]0, 1[).

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Il est facile de construire une suite (un) telle que J(un) → 0 et donc d’endeduire que l’infimum du probleme est 0 mais ce dernier n’est clairementpas atteint. Notons egalement que si en plus, J est strictement convexe (cequi est le cas si par exemple F et G sont strictement convexes) alors (8.1)possede un unique minimiseur (l’argument est classique : si u1 et u2 sontdeux minimiseurs distincts, (u1 + u2)/2 a une valeur strictement plus petitede J , ce qui est absurde).

Supposons maintenant que F et G soient de classe C1 et qu’il existe uneconstante C telle que ∇F et G′ verifient les conditions de croissance

|∇F (z)| ≤ C(|z|p−1 + 1),∀z ∈ Rd

et, si p ≤ d :|G′(u)| ≤ C(|u|q−1 + 1), ∀u ∈ R

avec q > 1 tel que W 1,p(Ω) ⊂ Lq(Ω).

Theoreme 8.2 Sous les hypotheses precedentes, toute solution de (8.1) estsolution faible de l’equation d’Euler-Lagrange :

− div(∇F (∇u)) +G′(u) = 0 dans Ω, u|∂Ω = 0 (8.2)

c’est a dire que∫Ω

∇F (∇u) · ∇ϕ+

∫Ω

G′(u)ϕ = 0, ∀ϕ ∈ W 1,p0 (Ω). (8.3)

Preuve:Soit ϕ ∈ W 1,p

0 (Ω) et 1 > ε > 0, on a

1

ε

(J(u+ εϕ)− J(u)

)≥ 0 (8.4)

On a d’abord ηε := ε−1(F (∇u+ε∇ϕ)−F (∇u)) → ∇F (∇u) ·∇ϕ p.p. quandε → 0+. Par ailleurs, l’inegalite des accroissement finis et l’hypothese decroissance sur ∇F donnent :

|ηε| ≤ |∇ϕ| sup[∇u,∇u+ε∇ϕ]

|∇F | ≤ C|∇ϕ|(|∇u|+ |∇ϕ|)p−1 ∈ L1.

Avec le theoreme de convergence dominee, on en deduit que

limε→0+

∫Ω

ηε =

∫Ω

∇F (∇u) · ∇ϕ.

176

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Exactement de la meme maniere, on obtient

limε→0+

1

ε

∫Ω

(G(u+ εϕ)−G(u)) =

∫Ω

G′(u)ϕ

et donc en passant a la limite dans (8.4), on en deduit∫Ω

∇F (∇u) · ∇ϕ+

∫Ω

G′(u)ϕ ≥ 0

changeant ϕ en −ϕ, on obtient que l’inegalite precedente est en fait uneegalite, ce qui permet de conclure.

2

Les hypotheses de croissance sur les derivees sont un peu lourdes maiselles sont neanmoins importantes. Sans elles, il se pourrait qu’il existe desminimiseurs qui ne soient pas solution de l’equation d’Euler-Lagrange. Cephenomene (un peu curieux) est appele phenomene de Lavrentiev (voir parexemple [4]).

Exercice 8.1 Soit d ≥ 3, Ω la boule unite de Rd, 1 < q < 2∗, f ∈ L2(Ω) asymetrie radiale (i.e. |x| = |y| ⇒ f(x) = f(y)), montrer que

−∆u+ |u|q−2u = f, dans Ω, u ∈ H10 (Ω)

admet une unique solution et que celle-ci est a symetrie radiale.

Exercice 8.2 Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd, p ∈]1,+∞[ et f ∈Lp

′(Ω) montrer que

− div(|∇u|p−2∇u) + |u|p−2u = f

possede une unique solution dans u0+W1,p(Ω) pour tout u0 ∈ W 1,p(Ω). Meme

question pour l’equation

− div(|∇u|p−2∇u)− ε|u|p−2u = f

avec ε > 0 assez petit.

Exercice 8.3 Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd, u0 ∈ H10 (Ω), f ∈

C(R,R) decroissante et verifiant |f(u)| ≤ C(|u|+1) pour tout u ∈ R. Montrerque

−∆u = f(u), u ∈ u0 +H10 (Ω)

possede une unique solution.

177

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Exercice 8.4 Soit F convexe : Rd → Rd verifiant pour des constantes stric-tement positives M et m :

M(|p|2 + 1) ≥ F (p) ≥ m(|p|2 − 1), ∀p ∈ Rd.

Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd et f ∈ L2(Ω), montrer que

minu∈H1

0 (Ω)

∫Ω

(F (∇u)− fu) = maxσ∈L2(Ω,Rd) div(σ)=−f

−∫

Ω

F ∗(σ(x))dx.

Exercice 8.5 Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd, montrer que le probleme

inf‖∇u‖L2(Ω), u ∈ H1

0 (Ω), ‖u‖L2(Ω) = 1

admet des solutions. Donner une EDP verifiee par ces solutions. Quel est lelien entre la valeur de ce probleme (i.e. la valeur de l’infimum), la premierevaleur propre du laplacien-Dirichlet sur Ω et la meilleure constante dansl’inegalite de Poincare ?

Exercice 8.6 Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd, montrer que l’equation :

−∆u+ u = cos(u), u|∂Ω = 0

possede une unique solution H10 (Ω) et que celle-ci est de classe C∞.

8.2 Theoremes de point-fixe et applications

Notons Bd

la boule euclidienne unite fermee de Rd et Sd−1 = ∂Bd. On

commence cette section par le theoreme de non-retraction (C1) de la boulesur la sphere :

Theoreme 8.3 Il n’existe pas d’application C1 f : Bd → Sd−1 telle que

f(x) = x pour tout x ∈ Sd−1.

Preuve:Supposons au contraire que f : B

d → Sd−1 soit C1 et telle que f(x) = x pourtout x ∈ Sd−1. Pour t ∈ (0, 1) et x ∈ B, posons

ft(x) := (1− t)x+ tf(x).

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Par convexite, ft(Bd) ⊂ B

d. De plus, f est M -Lipschitz avec

M = supx∈Bd

‖f ′(x)‖

et f ′t − id = t(f ′ − id). Pour t ∈ (0, t0) avec t0 = (1 +M)−1, f ′t(x) est doncinversible pour tout x ∈ Bd. En particulier, avec le theoreme de l’inversionlocale, pour tout x ∈ Bd, ft est un C1-diffeomorphisme d’un voisinage de xsur un voisinage de ft(x), en particulier ft(B

d) est ouvert . Soit x et y dans

Bd, on a

‖ft(x)− ft(y)‖ = ‖(1− t)(x− y) + t(f(x)− f(y))‖ ≥ ((1− t)− tM)‖x− y‖

et comme 1 > t(1 +M), on en deduit que ft is injective. Ainsi ft est un C1

diffeomorphisme de Bd sur ft(Bd) ⊂ Bd. Prouvons maintenant que ft(B

d) =Bd, supposons par l’absurde qu’il existe y ∈ Bd \ ft(Bd) et soit z ∈ ft(B

d),comme ft(B

d) est ouvert, yλ := z+λ(y− z) ∈ ft(Bd) pour λ > 0 assez petit.Soit maintenant

λ∗ := supλ ∈ [0, 1] : yλ ∈ ft(Bd), y∗ := yλ∗ .

Il est clair que y∗ ∈ ft(Bd) prouvons que y∗ ∈ ft(B

d). Si ce n’etait pas lecas, on aurait y∗ = ft(x) avec x ∈ Sd−1 et comme ft(x) = x pour x ∈ Sd−1

on aurait y∗ = x ∈ Sd−1 contredisant le fait que (z, y] est inclus dans Bd. Siλ∗ < 1, comme ft(B

d) est voisinage de y∗, yλ ∈ ft(Bd) pour λ > λ∗ proche

de λ∗ contredisant ainsi la maximalite de λ∗. Ainsi y∗ = y ∈ ft(Bd). On a

ainsi prouve que pour t ∈ (0, t0), ft est un C1 diffeomorphisme de Bd danselle-meme. Posons maintenant pour tout t ∈ [0, 1] :

P (t) =

∫Bd

det(Dft(x))dx

Puisque ft est lineaire en t, P (t) est polynomial en t. Pour t ∈ (0, t0), parla formule du changement de variables, P (t) est la mesure de Lebesgue deft(B

d) = Bd, P (t) est donc constant sur (0, t0) et donc

P (1) =

∫Bd

det(Df(x))dx = P (0) > 0.

Mais detDf(x) = 0 partout (sinon par le theoreme de l’inversion localef(Bd) = Sd−1 serait d’interieur non vide), ce qui constitue la contradictionrecherchee. 2

On en deduit alors le theoreme du point fixe de Brouwer :

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Theoreme 8.4 (Brouwer) Soit C une partie convexe compacte de Rd et soitf : C → C continue, alors il existe x ∈ C tel que f(x) = x.

Preuve:On va prouver le resultat dans le cas C = B

det on deduit le cas general en

remarquant que tout convexe compact est homeomorphe a une boule eucli-dienne de dimension finie. Supposons par l’absurde que f soit une application

continue de Bd

dans elle-meme sans point fixe

inf‖x− f(x)‖, x ∈ Bd > 0. (8.5)

L’inegalite (8.5) restant satisfaite pour les fonctions suffisamment uniformementproches de f , on peut en outre supposer que f est de classe C1 (en regularisant

par convolution). Pour x ∈ Bdsoit g(x) l’intersection de Sd−1 avec la demi-

droite x + λ(f(x) − x), λ ≥ 0. Avec (8.5), g est bien definie et de classe

C1. Par construction, g envoie Bd

sur Sd−1 et g(x) = x pour tout x ∈ Sd−1,ce qui contredit la conclusion du Theoreme 8.5.

2

Il va sans dire que la generalite du Theoreme de Brouwer en fait un outilextremement puissant pour demontrer des resultats d’existence (en dimen-sion finie toutefois). A titre d’exercice applicatif, on demontrera, le resultatsuivant :

Theoreme 8.5 (Perron-Frobenius) Soit A ∈ Mn(R) une matrice a coeffi-cients strictement positifs, alors A possede un vecteur propre a coordonneesstrictement postives.

Exercice 8.7 Soit F ∈ C0(Bd,Rd) tel que F (x) · x ≥ 0 pour tout x ∈ Sd−1.

Montrer qu’il existe x ∈ B tel que F (x) = 0.

En dimension infinie, le Theoreme du point fixe de Schauder est tres utilepour les EDP’s non lineaires et s’enonce comme suit

Theoreme 8.6 (Schauder) Soit C une partie convexe fermee bornee d’unespace de Banach E et f : C → C continue et telle que f(C) soit relativementcompacte, alors il existe x ∈ C tel que f(x) = x.

Preuve:Comme f(C) est relativement compacte, pour tout ε > 0, il existe Nε etdes points xε1, ..., x

εN de C tels que : f(C) ⊂ ∪Nε

i=1B(f(xεi ), ε) . Soit Eε le

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sous espace vectoriel engendre par f(xε1), ..., f(xεNε). Notons Bc(f(xεi ), ε) le

complementaire de B(f(xεi ), ε) et posons pour tout x ∈ C et i :

αεi (x) :=d(f(x), Bc(f(xεi ), ε))∑Nε

j=1 d(f(x), Bc(f(xεj), ε))

de sorte que αεi (x) > 0 ssi ‖f(x) − f(xεi )‖ < ε. Soit Cε := C ∩ Eε et pourx ∈ Cε, posons

fε(x) :=Nε∑i=1

αεi (x)f(xεi )

par convexite de C, fε(Cε) ⊂ Cε et fε. Comme Eε est de dimension finieet Cε est convexe compact dans Eε, on deduit du Theoreme de Brouwerqu’il existe xε ∈ Cε tel que xε = fε(xε). Par construction, pour chaque ε, xεappartient a l’enveloppe convexe fermee de f(C), co(f(C)). Grace au Lemme8.1 ci-dessous, co(f(C)) est compact, en prenant ε = 1/n, xn := xεn , on peutdonc, quitte a passer a une suite extraite, supposer que xn converge versx ∈ co(f(C)) ⊂ C. Montrons que x est un point fixe de f . Pour tout n, on a

f(x)− fεn(xn) =

Nεn∑i=1

αεni (xn)(f(x)− f(xn) + f(xn)− f(xεn

i )) (8.6)

Dans la somme precedente il n’y a que des termes tels que ‖f(xn)−f(xεni )‖ <

εn et donc‖f(x)− fεn(xn)‖ ≤ ‖f(x)− f(xn)‖+ εn.

Ceci implique que fεn(xn) converge vers f(x). On en deduit donc que f(x) =x en passant a la limite dans fεn(xn) = xn.

2

Dans la preuve precedente, on a utilise le resultat suivant :

Lemme 8.1 Soit E un espace de Banach et K une partie relativement com-pacte de E, alors co(K) est compact.

Preuve:Par completude, il suffit de montrer que co(K) est precompact. Soit ε > 0,prouvons que co(K) peut etre recouvert par un nombre fini de boules ouvertesde rayon ε. Comme K est relativement compacte, il existe p et x1, ..., xp dansK tels que K ⊂ ∪pi=1B(xi, ε/3). Soit C := cox1, ..., xp, par compacite deC, il existe l et y1, ...., yl dans C tels que C ⊂ ∪lj=1B(yj, ε/3). Soit z ∈ co(K)

z =m∑k=1

λkak

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pour des ak dans K et des λk positifs de somme 1. On ecrit ak sous la forme

ak = xik +ε

3vk, pour un ik ∈ 1, ...., p, et vk ∈ B(0, 1).

On a alors

z =m∑k=1

λkxik +ε

3v, v :=

m∑k=1

λkvk ∈ B(0, 1).

On remarque que

x =m∑k=1

λkxik ∈ C

de sorte qu’il existe j tel que x ∈ B(yj, ε/3) et donc z ∈ B(yj, 2ε/3). Cecimontre que co(K) ⊂ ∪lj=1B(yj, 2ε/3) et donc co(K) ⊂ ∪lj=1B(yj, ε).

2

Le theoreme du point fixe de Schauder est un outil puissant pour montrerl’existence de solutions a certaines EDP’s non lineaires. Illustrons cela surl’exemple de l’equation quasi-lineaire suivante :

− div(A(x, u)∇u) = f(x), dans Ω, u = 0 sur ∂Ω (8.7)

on suppose ici que Ω est borne et regulier, que f ∈ H−1, que A ∈ C(Ω×R),que A est bornee et verifie la condition d’uniforme ellipticite qu’il existeC > 0 telle que

〈A(x, u)q, q〉 ≥ C|q|2, ∀(x, u, q) ∈ Ω× R× Rd × Rd.

Pour tout v ∈ L2 l’equation

− div(A(x, v)∇u) = f, u = 0 sur ∂Ω (8.8)

possede une unique solution faible u ∈ H10 (Ω) ⊂ L2(Ω) on note u = Tv cette

solution et on cherche donc un point fixe de T (T : L2 → L2). Soit v ∈ L2,u := Tv est caracterise par∫

Ω

〈A(x, v)∇u,∇ϕ〉 = 〈f, ϕ〉 , ∀ϕ ∈ H10

avec l’hypothese d’ellipticite sur A on a donc, en prenant ϕ = u commefonction-test ci-dessus :

‖u‖H10

:= ‖∇u‖L2 ≤ 1

C‖f‖H−1

et donc T (L2) est inclus dans la boule B fermee de centre 0 et de rayonC−1‖f‖H−1 dans H1

0 , comme l’injection de H10 dans L2 est compacte, B est

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relativement compacte dans L2. On remarque ensuite que T : L2 → L2 estcontinue, en effet si vn → v dans L2 et un = Tvn, en posant An := A(x, vn),on a : ∫

Ω

〈An∇un,∇ϕ〉 = 〈f, ϕ〉 , ∀ϕ ∈ H10

comme (un) est bornee dans H10 on peut a une extraction pres supposer que

(un) converge faiblement dans H10 et fortement dans L2 vers u ∈ H1

0 , on peutaussi supposer a une extraction pres que vn converge p.p. vers v et donc queAn converge p.p. et dans L2 vers A := A(x, v), on a alors∫

Ω

〈A∇u,∇ϕ〉 = 〈f, ϕ〉 , ∀ϕ ∈ H10

ce qui montre que u = Tv et, par compacite, que toute la suite (un) convergevers Tv de sorte que T est continue. Avec l’inegalite de Poincare, B est inclusdans une boule fermee B′ de L2, T (B′) ⊂ B ⊂ B′ et T (B′) est relativementcompacte dans L2. On deduit donc du theoreme de Schauder que T admetun point fixe dans B′ et donc que l’EDP (8.7) possede au moins une solution.

Exercice 8.8 Soit Ω un ouvert borne regulier de Rd et b une fonction 1-Lipschitzienne de Rd dans R, montrer que

−∆u+ u = b(∇u), u|∂Ω = 0

possede une et une seule solution dans H10 (Ω). Montrer que si en plus, b est

C∞ alors cette solution est C∞.

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