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Anneaux. - French National Centre for Scientific...

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Page 1: Anneaux. - French National Centre for Scientific Researchjrbelliard.perso.math.cnrs.fr/cours2011complet.pdf · 2012. 9. 11. · Chapitre 1 Arithmétique de base dans les entiers L'anneaux

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Cours, licence 3 ième année, 1er semestre.

Anneaux.

Jean-Robert Belliard année 2011�12.

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2 Anneaux

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Table des matières

1 Arithmétique de base dans les entiers 51.1 L'anneau des entiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1.1.1 Premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.1.2 Algorithme d'Euclide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

1.2 Théorème fondamental de l'arithmétique . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.1 Nombres premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.2 Lemme de Gauÿ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2.3 L'anneau des entiers est factoriel . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.3 Congruences modulo un entier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3.1 Relation d'équivalence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3.2 Calcul modulaire dans les entiers . . . . . . . . . . . . . . . . 121.3.3 Théorème des restes chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

2 Anneaux commutatifs 152.1 Anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

2.1.1 Dé�nitions et premières propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . 152.1.2 Un exemple fondamental : A[X] . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2.2 Idéal d'un anneau commutatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192.2.1 Inversibles et idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202.2.2 Idéaux premiers et maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.3 Homomorphismes et quotients d'anneaux (cas commutatif) . . . . . . 222.3.1 Homomorphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222.3.2 Quotients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232.3.3 Théorème de factorisation des homomorphismes . . . . . . . . 242.3.4 Caractérisation des idéaux premiers, maximaux . . . . . . . . 25

2.4 Anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

3 Produits d'anneaux. Théorèmes chinois 313.1 Produits d'anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313.2 Étude des anneaux Z/mZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.2.1 Étude générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353.2.2 La fonction d'Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373.2.3 Structure des groupes (Z/mZ)×, m ≥ 2 . . . . . . . . . . . 383.2.4 Relèvement des classes inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . 383.2.5 Complément . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

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4 Anneaux

4 Méthodes modulaires dans les anneaux principaux 414.1 Co-maximalité dans un anneau principal . . . . . . . . . . . . . . . . 414.2 Méthode des idempotents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434.3 Applications classiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

4.3.1 Exemple dans Z/mZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 454.3.2 Les polynômes d'interpolation simple . . . . . . . . . . . . . . 464.3.3 Polynômes d'interpolation avec conditions aux dérivées . . . . 474.3.4 Calcul des idempotents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

4.4 Calculs par développements multi-adiques . . . . . . . . . . . . . . . 524.4.1 Développements multi-adiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 534.4.2 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

5 Anneaux commutatifs intègres. Caractéristique d'un anneau 575.1 Diviseurs de 0, intégrité (rappels) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575.2 Construction du corps des fractions d'un anneau intègre . . . . . . . . 57

5.2.1 Construction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 575.2.2 Conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

5.3 Étude des anneaux principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615.4 Les nombres transcendants et algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . 635.5 Caractéristique d'un anneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

5.5.1 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 635.5.2 Cas des anneaux intègres et des corps . . . . . . . . . . . . . . 655.5.3 Caractéristique d'un produit d'anneaux . . . . . . . . . . . . . 65

6 Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels 676.1 Dé�nitions et notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 676.2 Propriétés des anneaux factoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 696.3 Cas des anneaux principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 736.4 Cas des anneaux A[X], avec A factoriel . . . . . . . . . . . . . . . . 776.5 Anneaux euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

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Chapitre 1

Arithmétique de base dans les entiers

L'anneaux Z est le premier exemple d'anneaux que chacun rencontre. Il est aussifondamental en plus d'un sens : Tout anneaux contient un sous-anneaux quotientde Z par le morphisme caractéristique, l'étude des groupes commutatifs aussi estindissociable de celle de Z : ce point sera développé en partie dans ce cours maisaussi dans le cours � Groupes � de cette année de licence et le � Modules sur lesanneaux principaux � du master première année. Pour construire sur des bases sainesce chapitre préliminaire revient sur l'arithmétique élémentaire dans Z.

1.1 L'anneau des entiers

1.1.1 Premières propriétés

Dans ce cours on choisit de considérer comme donnés les ensembles

N = {0, 1, 2, · · · } et Z = {· · · ,−2,−1, 0, 1, 2 · · · }

munis des opérations d'arithmétique élémentaires (x, y) 7→ x + y et (x, y) 7→ x× y,pour N et pour Z de l'opération opposée x 7→ −x. Ces deux ensembles sont aussimunis de la relation d'ordre totale usuelle x ≤ y ⇐⇒ y − x ∈ N. On rappellesimplement les propriétés basiques (forcément admise en l'absence de dé�nitions�xées) de ces opérations. La relation d'ordre ≤ véri�e deux propriétés fréquemmentutilisées en algèbre :

1. ≤ est archimédienne :

∀x ∈ R, ∀n ∈ N, n > 0, ∃k ∈ N, k × n ≥ x.

2. Toute partie non vide de N admet un plus petit élément pour ≤ :

∀F ⊂ N, ∃f ∈ F, ∀x ∈ F, f ≤ x.

Les propriétés qui suivent font de Z un anneaux commutatif unitaire.

Proposition 1.1 (l'anneau Z) L'ensemble Z est muni de deux lois de compositioninterne, l'addition notée + et la multiplication notée × qui véri�ent les propriétéssuivantes :

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6 Anneaux

1. l'addition est associative : ∀x, y, z ∈ Z, (x+ y) + z = x+ (y + z).

2. le nombre 0 est élément neutre pour l'addition : ∀x ∈ Z, x+ 0 = 0 + x = x.

3. tout entier admet un opposé additif : ∀x ∈ Z, ∃y ∈ Z, x+ y = y + x = 0.

4. l'addition est commutative : ∀x, y ∈ Z, x+ y = y + x.

5. la multiplication est associative : ∀x, y, z ∈ Z, (x× y)× z = x× (y × z).

6. le nombre 1 est élément neutre pour la multiplication : ∀x ∈ Z, x×1 = 1×x =x.

7. la multiplication est distributive à droite et à gauche par rapport à l'addition :∀x, y, z ∈ Z, (x+ y)× z = x× z + y × z et z × (x+ y) = z × x+ z × y.

8. la multiplication est commutative : ∀x, y ∈ Z, x× y = y × x.

Remarques

1. Étant donné x ∈ Z l'usage est de noter −x son unique opposé additif c'est-à-dire l'entier tel que x + (−x) = (−x) + x = 0. L'existence de −x est a�rméepar l'axiome 3 de la proposition 1.1, son unicité est immédiate parce que six + y = y + x = 0 et x + z = z + x = 0 alors z = z + 0 = z + (x + y) =(z + x) + y = 0 + y = y.

2. Les axiomes 1 à 8 ci-dessous permettent d'abréger certaines formules en omet-tant le symbole × pour la multiplication, et utilisant les règles de prioritésusuelles que tout lecteur de ce cours connaît. Ainsi par exemple ((x×y)+(x×z)) + (t× u) s'écrit plus lisiblement xy + xz + tu. Dans la suite de ce chapitreconsacré à l'anneau Z, connu de tout un chacun, on reprend immédiatementles abréviations usuelles.

1.1.2 Algorithme d'Euclide

Toute l'arithmétique élémentaire dans Z est basée sur l'existence d'une divisioneuclidienne.

Lemme 1.2 Soit a ∈ Z et b ∈ Z avec b 6= 0. Alors il existe un unique couple(q, r) ∈ Z2 tel que les entiers q et r véri�ent :

1. a = bq + r

2. 0 ≤ r < |b|

Démonstration Si a et b sont dans N c'est une conséquence directe de l'existencede la relation d'ordre archimédienne. En e�et l'ensemble F dont les éléments sontles entiers q′ ∈ N tel que q′b > a est non vide et admet un unique plus petit élément,notons p ce plus petit élément. Alors q = (p − 1) n'appartient pas à F et est leplus grand entiers tel que qb ≤ a. Nécessairement on a alors 0 ≤ a − qb < b, d'oùl'existence et l'unicité du couple (q, a− bq) recherché.

Si a < 0 et b > 0 alors par le cas précédent on a l'existence et l'unicité d'entiersx et y tels que −a = xb+ y avec 0 ≤ y < b. Si y = 0 alors l'unique couple recherchéest (−x, 0), si 1 ≤ y ≤ b− 1 alors l'unique couple recherché est (−x− 1, b− y).

Si maintenant b < 0 alors une division euclidienne par−b donne aussi une divisioneuclidienne par b avec a = −q × (−b) + r.

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Arithmétique de base dans Z. 7

Dé�nition 1.3 Soient a, b ∈ Z. On dit que b divise a et on note b | a lorsqu'il existeun co-diviseur c ∈ Z tel que a = bc. On appelle diviseur commun à a et b un entierd tel que d | a et d | b. Lorsque a | m on dit que m est un multiple de m, et on ditque m est un multiple commun à a et b lorsque a | m et b | m.

L'ensemble des diviseurs communs à a et b donné est �ni car compris entre −c etc pour c = min{|a|, |b|}. L'existence d'un plus grand diviseur commun (forcémentpositif) au sens de l'ordre archimédien est donc immédiate mais dénué d'intérêtarithmétique. Un fait plus signi�catif est que ce plus grand diviseurs commun estaussi un majorant pour la relation d'ordre de divisibilité parmi les diviseurs com-muns positifs. Cette propriété ne se démontre pas dans Z sans utiliser de divisioneuclidienne. Cela conduit aussi à une notion de PGCD plus utile et généralisable àdes anneaux dépourvu de la relation d'ordre archimédienne.

Théorème 1.4 (Algorithme d'Euclide) Soient a, b ∈ Z deux entiers ordonnésde telle sorte que |a| ≥ |b|, et soit d le plus grand des diviseurs communs à a et b.

1. Algorithme d'Euclide : Tout diviseur commun à a et b divise d.

2. Algorithme d'Euclide étendu : Il existe un matrice M ∈M2(Z) avec det(M) =±1 et telle que

M

[ab

]=

[d0

].

En particulier il existe un couple d'entier (u, v) dans Z2 tel que ua+ vb = d.

3. Soit m = |ab|/d. Alors a et b divisent m et tout multiple commun à a et b estun multiple de m et cela justi�e la terminologie � m est le Plus Petit MultipleCommun à a et b �.

Démonstration

1. Lorsque b = 0 alors on a d = |a| et comme tout entier divise 0 avec 0 commecodiviseur l'ensemble des diviseurs communs à a et b est exactement l'ensembledes diviseurs de d. La démonstration consiste, par des divisions euclidiennessuccessives, à se ramèner à ce cas particulier simple. Soit b 6= 0 et soit a tel que|a| ≥ |b|. On écrit par division euclidienne a = bq + r avec 0 ≤ r < |b|. Alorsl'ensemble des diviseurs communs à a et b est exactement celui des diviseurscommun à b et r, parce que si un entier divise a et b il divise r = a− bq et siun entier divise r et b il divise aussi a = bq + r. Ainsi sans changer l'ensembledes diviseurs communs on peut remplacer le couple (a, b) par (b, r) et on a|r| < |b|, donc au bout d'un nombre �ni de telles substitutions on arrivera àun couple de la forme (±d, 0).

2. Dans la démonstration qui précède, on passe du couple (a, b) au couple (b, r =

a − bq) en multipliant à sa gauche le vecteur colonne

[ab

]par la matrice

N =

[0 11 −q

], dont le déterminant est −1. Grâce à l'associativité du produit

matriciel on obtient la matriceM de l'énoncé en multipliant toute ces matricesN intermédiaires (et dans l'éventualité où l'algorithme termine avec (−d, 0) on

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8 Anneaux

multiplie encore à gauche par −I2). Lorsqu'on a M

[ab

]=

[d0

]la première

ligne de M fournit les entiers u, v.

3. Clairement m = ±a(b/d) = ±b(a/d) est un multiple commun à a et b. Soitensuite n = aa′ = bb′ un multiple commun à a et b. Alors avec d = au + bvon obtient 1 = u(a/d) + v(b/d) puis n = nu(a/d) + nv(b/d) = ub′(ba/d) +va′(ab/d) = (ab/d)(ub′ + va′) ; en utilisant chacune des deux expressions den = bb′ = aa′ dans chacun des deux termes de la somme. Donc m = (ab)/ddivise bien n.

Notations

1. Le plus grand commun diviseur de a et b se note, suivant les auteurs, d =pgcd(a, b) ou d = (a, b) ou d = a ∧ b.

2. Le plus petit multiple commun de a et b se note, suivant les auteurs, m =ppcm(a, b) ou m = a ∨ b.

Terminologie

1. On appelle relation de Bézout l'équation au + bv = d obtenue à l'issue del'algorithme d'Euclide étendu.

2. Deux entiers a et b tels que a ∧ b = 1 sont dits premiers entre eux ou co-maximaux ou encore étrangers. Ces trois notions coïncident dans Zmais serontredé�nies et bien distinctes dans des anneaux plus généraux.

1.2 Théorème fondamental de l'arithmétique

1.2.1 Nombres premiers

Dé�nition 1.5 On appelle nombre premier un entier p > 1 dont les seuls di-viseurs sont les diviseurs triviaux ±1 et ±p.

L'énoncé et sa preuve qui suivent était déjà dans les écrits d'Euclide :

Proposition 1.6 Il existe une in�nité de nombres premiers.

Démonstration On procède par l'absurde. On suppose, en vue d'une contradic-tion, qu'il n'y a que n nombres premiers disons p1 = 2, p2 = 3, · · · pn. Alors le nombreentier positif 1 + p1p2 · · · pn n'est divisible par aucun des pj donc est un (n + 1)ime

nombre premier.

Le crible d'Eratosthène C'est une méthode pour avoir la liste des nombrespremiers entre 1 et N . On commence par écrire tous les nombres entre 1 et N . Puison raye les nombres divisibles par 2, puis ceux divisibles par 3, puis ceux divisiblespar 5 le plus petit nombre supérieur à 3 et non encore rayé ... Et ainsi de suite. Àchaque nouvelle étape on raye les multiples stricts du plus petit nombre non rayéqui est supérieur aux nombres premiers déjà exploités ; évidemment ce nombre est

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Arithmétique de base dans Z. 9

premier. On s'arrête dès que la partie entière de√N est atteinte. Les nombres non

rayés sont alors premiers car divisible par aucun nombre premier plus petit que leurracine carré. Cette méthode teste aussi la primalité de N .

1.2.2 Lemme de Gauÿ

C'est ainsi qu'on désigne l'énoncé suivant :

Lemme 1.7 Soient a et b deux entiers tels que pgcd(a, b) = 1 et a divise bc. Alorsa divise c.

Démonstration On part d'une relation de Bézout 1 = au + bv et on en tire enmultipliant par c l'égalité c = auc+ bcv. Mais a divise bc, donc a divise bcv et aussic = auc+ bcv.

Lemme 1.8 Soit p un nombre premier et b et c deux entiers. Si p divise le produitbc alors p divise b ou p divise c.

Démonstration On suppose p premier. Le pgcd(p, b) qui est un diviseur positifde p vaut p si p | b et 1 si p - b. On suppose que p divise bc et pas b. Alors par lelemme de Gauÿ p divise c.

Le lemme 1.8 qui est un cas particulier utile du lemme de Gauÿ, est aussi connusous le nom de lemme d'Euclide.

Proposition 1.9 Soient a, b et c des entiers positifs. On a les égalités :

1. a(b ∧ c) = ab ∧ ac.2. a(b ∨ c) = ab ∨ ac.

Démonstration

1. On procède par double divisibilité. Il y a une divisibilité évidente, c'est a(b ∧c) | ab ∧ ac. En e�et (b ∧ c) | b donc a(b ∧ c) | ab, et de façon symétriquea(b∧ c) | ac. Donc a(b∧ c) est un diviseur commun à ab et ac et divise ab∧ ac.Réciproquement on part d'une relation de Bézout b∧c = ub+vc et on multipliepar a pour avoir a(b ∧ c) = uab + vac. Ainsi on voit que ab ∧ ac qui divise abet ac divise aussi a(b ∧ c) = uab+ vac.

2. On utilise le 1., pour calculer :

a(b ∨ c) = abc

b ∧ c=

ab ac

a(b ∧ c)=

ab ac

ab ∧ ac= ab ∨ ac .

1.2.3 L'anneau des entiers est factoriel

Le théorème fondamental de l'arithmétique est l'existence et l'unicité de la fac-torisation en un signe et un produit de puissance de nombre premier de tout entiernon nul a ∈ Z. L'existence est évidente à démontrer et facile à comprendre. Toutela subtilité de ce théorème réside dans l'unicité qu'il faut commencer par dé�nir, etqui ne se démontre pas sans le lemme d'Euclide.

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10 Anneaux

Théorème 1.10 Soient a ∈ Z un entier non nul �xé. Il existe un unique entier N ,une unique famille strictement croissante de N nombres premiers p1 < p2 < · · · <pN , une unique famille de N entiers strictement positifs n1, · · · , nN avec ni > 0, etun unique signe ε ∈ {±1} tels que

a = εN∏i=1

pnii .

Démonstration Le signe ε est évidemment le signe de a. Il existe et il est unique.Donc quite à multiplier par ε on peut supposer a > 0 et ε = 1. Pour l'existencede N , des pi et des ni il su�t de montrer que tout entier est produit d'un nombre�ni de nombre(s) premier(s) (non nécessairement distincts deux à deux) ; puis deregrouper correctement les premiers pi en utilisant l'associativité de la multiplication.On établit cette existence par récurrence sur a. L'initialisation s'obtient avec 1 = 1.Supposons que l'on sache factoriser les entiers inférieur ou égaux à a− 1 en produit�ni de nombres premiers. Si a est premier il est factorisé en a = a. Sinon il admetune factorisation non triviale a = bc avec 1 < b < a et 1 < c < a. Par récurrence onsait factoriser b et factoriser c et on en tire une factorisation de a = bc.

Passons à l'unicité. Pour ce, on se donne deux écritures :

a =N∏i=1

pnii =

M∏j=1

qmj

j ,

pour deux entiers N,M ∈ N, deux familles �nies strictement croissantes de Npremiers pi et M premiers qj et deux familles �nies d'exposants ni et mj. Soit Pl'ensemble des nombres premiers divisant a. On commence par constater l'égalitéensembliste P = {p1, p2, · · · , pN}. En e�et si p divise a alors il divise le produit∏N

i=1 pnii et donc par le lemme d'Euclide 1.8 il divise l'un des pi, par exemple pt.

S'agissant de deux nombres premiers la divisibilité p | pt donne l'égalité p = pt ; d'oùl'inclusion de P dans {p1, p2, · · · , pN}. Comme l'inclusion réciproque revient à direque chaque pi divise a on a bien l'égalité P = {p1, p2, · · · , pN}. Par symétrie on aaussi {p1, · · · , pN} = P = {q1, · · · , qM}. On obtient alors directement N = M etaussi avec nos conventions d'ordre strict sur les pi et qi les égalités ∀i, pi = qi carpi et qi sont tous les deux le iime élément de P pour l'ordre archimédien. Il reste àdémontrer pour tout i l'égalité ni = mi. Mais par le lemme d'Euclide 1.8 pi ne divisepas le produit

∏j 6=i p

nj

j et donc pni+1i - a. On a donc une dé�nition intrinsèque de ni

avec ni = max{k ∈ N, pki | a}. Forcément on a aussi mi = max{k ∈ N, pki | a} = ni ;ce qui conclut la démonstration du théorème 1.10.

Les entiers ni = max{k ∈ N, pki | a} = vpi(a) qui interviennent dans cettedémonstration s'appellent les valuations pi-adique de a.

Dé�nition 1.11 Soit p un nombre premier et a ∈ Z un entier non nul. On appellevaluation p-adique de a et on note vp(a) l'entier vp(a) = max{k ∈ N, pk | a} (on atoujours p0 = 1 | a). Cela dé�nit une application vp : Z \ {0} −→ N.

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Arithmétique de base dans Z. 11

Remarque Dans la formulation usuelle du théorème 1.10, on ne précise pas l'ordred'écriture des facteurs premiers pi divisant a et on parle � d'unicité à l'ordre des fac-teurs premiers près �. Clairement les deux énoncés sont équivalents. L'énoncé choisiici tire avantage de l'ordre archimédien canonique qui en plus simpli�e agréablementla démonstration. La notion d'unicité à permutation près demande aussi un e�ortde compréhension supplémentaire et est lourde à formaliser. On devra néanmoinsfaire cet e�ort dans le cadre plus général des anneaux factoriels qui, a priori, sontdénué d'ordre naturel (par exemple pour la dé�nition 6.4).

En corollaire du théorème 1.10, ou si l'on préfère du lemme d'Euclide 1.8, lesvaluations p-adiques véri�ent les propriétés :

Corollaire 1.12 Soient a, b deux entiers non nuls et p un nombre premier.

1. vp(ab) = vp(a) + vp(b).

2. a | b ⇐⇒ ∀p premier vp(a) ≤ vp(b).

3. vp(a ∧ b) = min{vp(a), vp(b)}.

4. vp(a ∨ b) = max{vp(a), vp(b)}.

Démonstration

1. Par dé�nition de vp on peut écrire a = pvp(a)a′ et b = pvp(b)b′ avec p - a′ etp - b′. On a donc ab = pvp(a)+vp(b)a′b′. Par le lemme d'Euclide p - a′b′ et doncpvp(a)+vp(b)+1 ne divise pas ab. Cela donne bien vp(ab) = vp(a) + vp(b).

2. Si a | b alors pour tout premier p on a pvp(a) | a | b et donc vp(a) ≤ vp(b).Réciproquement si pour tout p on a vp(a) ≤ vp(b) on obtient par le théorème1.10 b = ±a

∏p|b p

vp(b)−vp(a), d'où l'équivalence.

3. Soit ip = min{vp(a), vp(b)}. Il s'agit de montrer que vp(a∧ b) = ip. Par le point2 ci-dessus on a

∏p p

ip | a et∏

p pip | b donc

∏p p

ip | a∧b et donc ip ≤ vp(a∧b).Réciproquement comme a ∧ b divise a et b on a vp(a ∧ b) ≤ ip.

4. Par dé�nition on a a ∨ b = (ab)/(a ∧ b). Par le point 1 ci dessus on en déduitvp(a ∨ b) = vp(a) + vp(b)−min{vp(a), vp(b)} = max{vp(a), vp(b)}.

1.3 Congruences modulo un entier

1.3.1 Relation d'équivalence

Dé�nition 1.13 Soit E un ensemble. On appelle relation d'équivalence sur Ela donnée d'un sous-ensemble R ⊂ E × E véri�ant :

1. Ré�exivité : ∀x ∈ E (x, x) ∈ R

2. Symétrie : ∀x, y ∈ E (x, y) ∈ R ⇒ (y, x) ∈ R

3. Transitivité : ∀x, y, z ∈ E ((x, y) ∈ R et (y, z) ∈ R)⇒ (x, z) ∈ R

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12 Anneaux

Terminologie-Notations

1. L'usage est de noter x ∼ y pour (x, y) ∈ R et de dire que x et y sont équivalentpour la relation R ou ∼.

2. L'ensemble des éléments y ∈ E tels que x ∼ y s'appelle la classe de x, et senote parfois x ⊂ E.

3. L'ensemble dont les éléments sont les classes d'équivalence sous une relation ∼est un sous-ensemble de l'ensemble P(E) de toutes les parties de E s'appellel'ensemble quotient de E pour ∼ et se note parfois E/ ∼.

4. L'application x 7→ x est une surjection de E sur E/ ∼ et s'appelle la projec-tion canonique de E sur E/ ∼.

5. Le choix d'un, et d'un seul, élément xi ∈ xi dans chacune des classes produitce qu'on appelle un système de représentants dans E de E/ ∼. Soit S ⊂ Eune partie de E. Alors S est un système de représentant dans E de E/ ∼ si etseulement si la restriction à S de la projection canonique réalise une bijectionentre S et E/ ∼.

Exemples

1. Sur tout ensemble l'égalité est une relation d'équivalence.

2. La relation de congruence modulo 10 dans Z, par dé�nition :

x ≡ y[10] ⇐⇒ 10 | (x− y).

3. La colinéarité des vecteurs dans tout K-espace vectoriel, par dé�nition

u ∼ v ⇐⇒ ∃λ ∈ K, λ 6= 0 λu = v.

1.3.2 Calcul modulaire dans les entiers

L'exemple de relation d'équivalence qui nous intéresse dans cette section est larelation de congruence modulo un entier n dans Z.

Dé�nition 1.14 Soit n ∈ N un entier on dit que deux entiers a et b sont congrusmodulo n et on écrit a ≡ b[n] lorsque n | (a− b).

Proposition 1.15 Soit n > 0 un entier non nul.

1. La congruence modulo n est une relation d'équivalence.

2. Soit Z/nZ l'ensemble quotient de Z pour la congruence modulo n. Alors l'ensem-ble {0, 1, · · · , n − 1} est un système de représentants dans Z de Z/nZ quicontient donc n éléments.

3. Tout intervalle d'entiers de longueur n forme un système de représentant dansZ de Z/nZ.

4. Les formules a+ b := a+ b et a× b := a× b dé�nissent deux loi de compositioninterne sur l'ensemble des classes Z/nZ.

5. Ces opérations + et × sur Z/nZ héritent des propriétés 1 à 8 de la proposition1.1, avec 0 comme neutre additif, 1 comme neutre multiplicatif et −x commeopposé additif de x.

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Arithmétique de base dans Z. 13

Démonstration

1. Soit n �xé dans N et soient a, b et c dans Z. Alors n divise a − a ; si n divisea− b il divise b− a ; et si n divise simultanément a− b et b− c alors n divisea− c. Ainsi la congruence modulo n est une relation d'équivalence.

2. Tout entier est congru modulo n au reste de sa division euclidienne par n donc{0, 1, · · · , n− 1} représente au moins une fois chaque classe de Z/nZ. Si x > ysont dans {0, 1, · · · , n − 1} alors 0 < x − y < x < n et donc n - (x − y) desorte que {0, 1, · · · , n− 1} représente une et une seule fois toutes les classes deZ/nZ.

3. Soit I = {a, a + 1, · · · , a + n− 1} un tel intervalle. Alors l'application x 7→ xest une injection de I dans Z/nZ pour la même raison que dans le point 2.Comme ces deux ensembles �nis ont le même nombre d'éléments cette injectionest surjective.

4. Il faut s'assurer que ces formules dé�nissent bien des lois de composition in-ternes sur l'ensemble Z/nZ c'est-à-dire des applications Z/nZ × Z/nZ −→Z/nZ. En e�et la formule (a, b) 7→ a+ b dé�nit correctement une applicationZ × Z −→ Z/nZ mais a priori pas une application Z/nZ × Z/nZ −→ Z/nZ.Prenons a ≡ a′[n] et b ≡ b′[n]. Alors a′ = a + kn et b′ = b + ln pour deuxentiers k et l. Et donc a′ + b′ = a + b + n(k + l) ≡ a + b[n]. Donc la classea+ b dépend seulement des classes a et b dans Z/nZ et pas du choix de leurreprésentants a et b dans Z. Cela démontre que (a, b) 7→ a+ b est bien uneloi de composition sur Z/nZ. De même si a′ = a + kn et b′ = b + ln alorsa′b′ = ab + n(al + bk + kln) ≡ ab[n] et la multiplication aussi est loi de com-position sur Z/nZ.

5. Il su�t d'utiliser la propriété analogue dans Z et de la réduire modulo n.Comme le résultats des opérations modulo n ne dépend pas du choix desreprésentants, chaque formule dans Z donne la formule analogue dans Z/nZ.

Remarque Ces propriétés font de l'ensemble Z/nZ un anneau commutatif uni-taires. On dit que c'est l'anneau quotient de Z par l'idéal nZ. On reviendra sur cesnotions dans un cadre plus général.

1.3.3 Théorème des restes chinois

L'énoncé élémentaire de ce théorème dans Z est le suivant :

Théorème 1.16 Soient a1, a2, · · · , an ∈ N des entiers deux à deux premiers entreeux, soit a =

∏ni=1 ai et soient x1, x2, · · · , xn ∈ Z des entiers arbitraires. Il existe un

x dans Z tel que ∀i, x ≡ xi[ai]. De plus la classe de congruence de x modulo a estunique.

Démonstration Par le lemme d'Euclide 1.8 les facteurs premiers de a1 ne divisentpas b1 =

∏ni=2 ai et donc pgcd(a1, b1) = 1. En partant d'une relation de Bezout

1 = ua1 + vb1 on obtient un entier e1 = 1− ua1 qui véri�e e1 ≡ 0[ai] pour tout i > 1et e1 ≡ 1[a1]. On procédant de la même façon on dé�nit des ei ∈ Z tels que ei ≡ 1[ai]

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14 Anneaux

et ∀j 6= i, ei ≡ 0[aj]. Alors l'entier x =∑n

i=1 xiei véri�e le système de congruencede l'énoncé. Soit y une autre solution de ce système de congruence. Alors pour touti l'entier ai divise y − x. Donc y − x est multiple du ppcm des ai qui est a puisqueles ai sont premiers entre eux.

De façon plus conceptuelle ce théorème donne un isomorphisme d'anneaux entrel'anneau Z/aZ et l'anneau produit

∏i Z/aiZ. On reviendra sur ces notions lorsqu'on

disposera des dé�nitions générales d'anneaux produits et d'anneaux quotient.

Fin du chapitre préliminaire

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Chapitre 2

Anneaux commutatifs

La structure d'anneau est celle qui évoque les notions de � calcul algébrique �au sens commun et d'arithmétique. En outre, elle débouche directement sur desapplications pratiques intéressantes, comme l'interpolation polynomiale et le calculmodulaire, que nous développerons au chapitre 4, des méthodes de factorisationdes polynômes, qui seront vues au chapitre 6, et encore les transformées de Fourierdiscrètes, dont les applications actuelles sont innombrables, mais que nous n'avonspas incluses dans ce cours. Elle contient en�n, comme cas particulier, la structurede corps qui fait l'objet du cours de � Corps � du Master.

2.1 Anneaux

2.1.1 Dé�nitions et premières propriétés

Dé�nition 2.1 (Anneau) Un anneau est un ensemble A sur lequel se trouventdé�nies deux lois de composition, (la première notée additivement +, la secondemultiplicativement ×) véri�ant les conditions suivantes :

1. l'addition est associative : ∀x, y, z ∈ A, (x+ y) + z = x+ (y + z).

2. il existe un neutre noté 0 pour l'addition et tel que : ∀x ∈ A, x+0 = 0+x = x.

3. tout élément de A admet un opposé additif : ∀x ∈ A, ∃y ∈ A, x+y = y+x = 0.

4. l'addition est commutative : ∀x, y ∈ A, x+ y = y + x.

5. la multiplication est associative : ∀x, y, z ∈ A, (x× y)× z = x× (y × z).

6. Il existe un neutre multiplicatif (l'élément unité de l'anneau) noté 1 et tel que :∀x ∈ Z, x× 1 = 1× x = x.

7. la multiplication est distributive à droite et à gauche par rapport à l'addition :∀x, y, z ∈ A, (x+ y)× z = x× z + y × z et z × (x+ y) = z × x+ z × y.

Si le produit est commutatif, on dit que l'anneau est commutatif.

Remarques

1. Le fait que A possède un élément unité est un point essentiel de la notiond'anneau (certains anciens manuels parlent alors � d'anneaux unitaires �) ;actuellement un anneau � non unitaire � s'appelle un pseudo-anneau ; nousn'en considérerons pas.

15

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16 Anneaux

2. Un ensemble G muni d'une seule loi de composition interne véri�ant les pro-priétés 1 à 4 de la dé�nition 2.1 s'appelle un groupe commutatif (additif sila loi est notée additivement). Les groupes généraux font l'objet du cours� Groupes �. Dans ce cours nous rencontrerons essentiellement des groupescommutatifs qui du point de vue strict de la théorie des groupes sont moinssubtils.

3. Bien que les dé�nitions 2.1 soient générales, nous supposerons dès le 2.2 que lesanneaux considérés sont commutatifs (c'est-à-dire que leur seconde loi elle aussiest commutative). On devra cependant observer les précautions élémentairesde calcul dans un anneau non commutatif (comme celui des matrices de type(n, n) à coe�cients dans C).

Notations

Somme de x et y ∈ A : x+ y

Neutre de l'addition : 0 ou 0A

Opposé de x : −xProduit de x et y : xy

Élément unité : 1 ou 1A. On n'impose pas d'avoir 1 6= 0 ; si 1 = 0, alors A = {0}(cf. proposition 2.2).

Proposition 2.2 Soit A un anneau quelconque ; on a les propriétés suivantes :

1. 0x = x0 = 0, pour tout x ∈ A2. (−x)(−y) = xy et (−x)y = x(−y) = −(xy), pour tout x, y ∈ A (règles des

signes)

3. un élément x ∈ A est dit inversible dans A s'il existe x′ ∈ A, tel que xx′ =x′x = 1. L'ensemble des éléments inversibles forme un groupe pour la multi-plication (ce groupe est noté A×) 1.

Démonstration

1. On a (0+0)x = 0x = 0x+0x, d'où 0x = 0 ; de même, x(0+0) = x0 = x0+x0,d'où x0 = 0.

2. On a xy + (−x)y =(x+ (−x)

)y = 0y = 0, d'où (−x)y = −(xy) ;

de même, xy + x(−y) = x(y + (−y)

)= x0 = 0 ; il en résulte que l'on a

(−x)(−y) = −(x(−y)

)= −

(−(xy)

)= xy.

3. Si x et y sont inversibles, il existe x′, y′ ∈ A tels que xx′ = x′x = yy′ = y′y = 1.On a xyy′x′ = 1 et y′x′xy = 1, donc xy est inversible (le produit sur A, restreintà A××A×, est une loi de composition sur A×) ; si x est inversible on véri�e queson inverse est unique (on le notera désormais x−1) et est inversible (d'inversex) ; en�n 1 est inversible et est l'élément neutre pour la loi ; A× est donc bienun groupe multiplicatif (abélien si A est commutatif).

1. Ne pas confondre A× avec A− {0}. En particulier Z× désigne {−1 ; 1} !

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Anneaux commutatifs. 17

Corollaire 2.3 (Ce qui se passe si 1 = 0) Si 1 = 0 alors A = {0} (= {1}) etA× = A.

Dé�nition 2.4 (Anneau intègre) On dit que l'anneau A est intègre si 1 6= 0 etsi chaque fois que xy = 0 alors x = 0 ou y = 0.

Dé�nition 2.5 (Corps) Si un anneau commutatif A est tel que 1 6= 0 et tel quetout élément non nul est inversible, on dit que c'est un corps (dans le cas d'un corps,on a donc 1 6= 0 et A× = A− {0}).

Dé�nition 2.6 (Sous-anneau) Soit A un anneau ; un sous-ensemble B de A estdit un sous-anneau de A si pour tout x, y ∈ B , xy ∈ B, si pour tout x, y ∈ B ,x− y ∈ B, et en�n si 1 ∈ B.

Remarque On véri�e que B est un anneau pour la restriction des deux lois decomposition aux éléments de B.

2.1.2 Un exemple fondamental : A[X]

Soit A un anneau commutatif. La construction de A[X] étant supposée connue,elle ne sera pas rappelée ici. De même pour l'anneau des polynômes à plusieursindéterminées : A[X, Y ], A[X, Y, Z], . . . , A[X1, . . . , Xn]. On rappelle que l'on peutfaire cette construction de telle sorte que A soit un sous-anneau de A[X].

Rappel des propriétés élémentaires des polynômes Soit A un anneau com-

mutatif ; considérons A[X]. Tout P ∈ A[X] s'écrit de façon unique P =N∑i=0

aiXi,

ai ∈ A, N ≥ 0 ; pour simpli�er, on écrit parfois P =∑i≥0

aiXi, avec la convention

ai = 0 pour i > N (ou, si l'on préfère, ai = 0 pour tout i assez grand, ou encore :les ai sont presque tous nuls).

On appelle degré de P =∑i≥0

aiXi ∈ A[X], l'indice n ≥ 0, s'il existe, tel que

an 6= 0 et ai = 0 pour tout i > n. On a par exemple :degré(P ) = 0 ⇐⇒ P = a, a ∈ A− {0}.

Si n n'existe pas, c'est que P = 0 ; dans ce cas on a�ecte au degré la valeursymbolique −∞. On note d(P ) ∈ N ∪ {−∞} le degré de P . Si n = d(P ) 6= −∞, onpeut écrire P = anX

n + an−1Xn−1 + · · ·+ a0, avec an 6= 0 ; dans ce cas (i.e. P 6= 0),

on dit que le coe�cient dominant de P est an ; si an = 1, on dit que P est unitaire.

Proposition 2.7 (Propriétés du degré d'un polynôme)On a les propriétés suivantes (pour tout P, Q ∈ A[X]) :

1. d(P +Q) ≤ max{

d(P ), d(Q)}

d(P +Q) = max{

d(P ), d(Q)}, si d(P ) 6= d(Q) ;

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18 Anneaux

2. d(PQ) ≤ d(P ) + d(Q)

pour P et Q non nuls, d(PQ) = d(P ) + d(Q) si le produit des coe�cientsdominants de P et Q est non nul

(par dé�nition, on a les règles suivantes d'opérations sur N ∪ {−∞} :−∞+ (−∞) = −∞ ; pour tout n ∈ N, n > −∞, n+ (−∞) = −∞).

Division euclidienne généralisée dans A[X]

Proposition 2.8 (Division euclidienne dans A[X]) Soient U, V ∈ A[X] ; onsuppose V non nul et de coe�cient dominant inversible dans A. Alors il existedes polynômes Q et R de A[X], uniques, tels que l'on ait : U = V Q + R, avecd(R) < d(V ) dans N ∪ {−∞}.

Démonstration On pose V = bmXm + · · · + b1X + b0, m ≥ 0, bm ∈ A×. On fait

la démonstration par récurrence sur le degré n de U , avec m �xé :Pour les n ∈ N∪{−∞}, tels que n < m, il su�t de prendre Q = 0 et R = U . On

peut donc considérer que le premier pas de la récurrence est montré pour au moinsune valeur de n ∈ N ∪ {−∞}, puisque m 6= −∞ par hypothèse.

On admet la propriété pour tous les polynômes U de degré majoré strictementpar n, avec ici n ≥ m, et on pose U = anX

n + · · ·+ a1X + a0 ; on considère alors :

U ′ = U − anb−1m Xn−mV

= anXn + · · ·+ a1X + a0 − anb−1m Xn−m(bmX

m + bm−1Xm−1 + · · ·+ b0)

= anXn + · · ·+ a1X + a0 − anXn − anb−1m bm−1X

n−1 − · · · − anb−1m b0

Le polynôme U ′ est de degré < n : il existe donc Q′ et R′ tels que U ′ = V Q′ +R′,d(R′) < d(V ) (hypothèse de récurrence) et

U = U ′ + anb−1m Xn−mV = V (Q′ + anb

−1m Xn−m) +R′ .

On a bien le résultat en prenant Q = Q′ + anb−1m Xn−m et R = R′.

L'unicité est immédiate :si l'on suppose U = V Q+R = V Q′ +R′, avec d(R) < d(V ) et d(R′) < d(V ), alorsV (Q−Q′) = R′ −R, et on a d(R′ −R) ≤ max(d(R), d(R′)) < d(V ) par hypothèse ;mais par ailleurs, on a d(R′ −R) = d(V (Q−Q′)) et ici le coe�cient dominant deV est inversible.

Si l'on suppose Q−Q′ 6= 0, le produit des coe�cients dominants de V et deQ−Q′ n'est pas nul (le véri�er), et on a d(V (Q−Q′)) = d(V ) + d(Q−Q′) (propo-sition 2.7 page 17), soit, avec ce qui précède :

d(V ) + d(Q−Q′) < d(V )

ceci est absurde car, comme on a V 6= 0, et que Q−Q′ a été supposé non nul, cetteinégalité est dans N. D'où Q = Q′ et R = R′.

Remarque En général, on ne peut pas en déduire un algorithme d'Euclide si An'est pas un corps.

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Anneaux commutatifs. 19

Exemple U = X3 + 3X2 + 5X + 1 et V = X2 + 2 dans Z[X] ; on trouve alorsU = (X + 3)(X2 + 2) + 3X − 5, mais il n'y a plus de division euclidienne de X2 + 2par 3X − 5 car 3 n'est pas inversible dans Z.

2.2 Idéal d'un anneau commutatif

Dé�nition 2.9 (Idéal) Soit A un anneau commutatif. On appelle idéal de A toutepartie a de A qui a les propriétés suivantes :

1. a est un sous-groupe additif de A ; c'est-à-dire a 6= ∅ et pour tout x, y ∈ a ona x− y ∈ a.

2. Pour tout a ∈ A et tout x ∈ a alors ax ∈ a

Remarques

1. Pour qu'un idéal a soit un sous-anneau de A, il faut que 1 ∈ a ; or si 1 ∈ a,alors a1 = a ∈ a pour tout a ∈ A, donc a = A (et c'est le seul cas).

2. L'ensemble {0} est un idéal de A appelé l'idéal nul.

Dé�nition 2.10 (Idéal engendré par une partie P de A) Si A 6= ∅ est unensemble non vide d'idéaux de A, alors on véri�e que l'intersection de ces idéaux,⋂a∈A

a, est un idéal de A (le véri�er). On a donc une notion d'idéal engendré par une

partie P : on appelle idéal de A engendré par P ⊆ A, l'idéal⋂

a⊇P, a idéal de A

a qui

est noté (P ) (autrement dit, on prend ici pour A l'ensemble des idéaux a de A quicontiennent P ; cet ensemble A est bien non vide puisque A ∈ A).

Proposition 2.11 (Caractérisation d'un idéal engendré par une partie)

(P ) =

{ n∑i=1

aixi, n ≥ 0, xi ∈ P, ai ∈ A}

(sommes �nies quelconques de n termes (n ≥ 0) de la forme aixi, xi ∈ P , ai ∈ A).

Démonstration Soit b =

{ n∑i=1

aixi, n ≥ 0, xi ∈ P, ai ∈ A

}. Si x ∈ P , x =

1x ∈ b, donc P ⊆ b. Montrons alors que b est un idéal de A :

si x, y ∈ b, on peut écrire x =n∑i=1

aixi et y =m∑j=1

a′jx′j, n, m ≥ 0, xi, x′j ∈ P ,

ai, a′j ∈ A ; il est clair que x + y est de la forme voulue et est donc dans b ; on a

−x = −n∑i=1

aixi =n∑i=1

(−ai)xi (règle des signes) ∈ b ; en�n 0 s'écrit comme somme

de zéro termes. Si x ∈ b et si a ∈ A alors ax = a

n∑i=1

aixi =n∑i=1

(aai)xi ∈ b. On

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20 Anneaux

a donc montré l'inclusion (P ) ⊆ b, car b est un idéal contenant P(autrement dit,

b ∈ A, soit⋂a∈A

a ⊆ b).

L'inclusion opposée est immédiate par dé�nition d'un idéal (expliciter les détails).

Remarques

1. Si P est �nie, P = {α1, . . . , αr} ; on déduit du résultat précédent que (P )est égal à {a1α1 + · · · + arαr, ai ∈ A}, ce que l'on peut écrire sous la forme(P ) = Aα1 + · · · + Aαr ; en pratique on écrit aussi (P ) = α1A + · · · + αrA,mais ceci est moins correct bien que consacré par l'usage 2 (dans Z notamment,ainsi que dans les anneaux � numériques �).

2. Si a et b sont deux idéaux de A, on note a+b l'idéal engendré par a et b. On aa+b = {a+b, a ∈ a, b ∈ b} (se déduit immédiatement de la proposition 2.11).La notation a + b désigne aussi (en notation additive) le sous-groupe de Aengendré a et b : il se trouve que si a et b sont des idéaux de A, le sous-groupede A engendré par a et b est aussi un idéal de A.

Dé�nition 2.12 (Idéal principal) On dit qu'un idéal a est principal s'il est en-gendré par P = {α}, α ∈ A (on écrit alors a = (α) = Aα = αA).

Exemples

1. Si K est un corps, alors K[X] est un anneau où tout idéal est principal : ene�et, soit a un idéal de K[X] ; on peut supposer a 6= (0) car l'idéal nul estengendré par 0. Étant non nul, a possède au moins un élément Q 6= 0 de degréminimum d (dans N) parmi tous les éléments non nuls de a. Montrons qu'on aa = (Q) ; l'inclusion (Q) ⊆ a étant évidente, prenons P ∈ a et considérons ladivision euclidienne de P par Q dans K[X] : P = QS + R, d(R) < d ; commeR = P − QS et que P,Q ∈ a, on a R ∈ a ; si l'on avait R 6= 0, R serait unélément non nul de a de degré < d, ce qui est contraire à la dé�nition de d.Donc R = 0, et P = QS ∈ (Q) (i.e. a ⊆ (Q)).

2. Idéaux de Z. La même démonstration que ci-dessus en remplaçant la divisioneuclidienne des polynômes par la division euclidienne de Z montre que lesidéaux de Z sont principaux. Comme pour tout entier n on a l'égalité nZ =−nZ les idéaux de Z sont exactement les nZ pour n ∈ N. Plus généralement unanneaux dans lequel on peut faire une division euclidienne est dit euclidien.Cette preuve démontre que les idéaux des anneaux euclidiens sont principaux.

2.2.1 Inversibles et idéaux

Proposition 2.13 (Idéal égal à l'anneau) Un idéal a de A est égal à A tout en-tier si et seulement si a contient un élément inversible de l'anneau.

2. C'est correct à cause de la commutativité de A ; dans le cas contraire aA et Aa peuvent êtredistincts (notions d'idéaux à droite, d'idéaux à gauche et d'idéaux bilatères, non évoquées ici)

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Anneaux commutatifs. 21

Démonstration Si a = A, a contient 1 qui est inversible.Si a contient u ∈ A×, alors, en considérant u−1 ∈ A, u−1u ∈ a par dé�nition d'un

idéal ; donc 1 ∈ a et on sait que cela entraîne a = A.

Corollaire 2.14 (Idéaux d'un corps) Si A est un corps, alors l'ensemble desidéaux de A est constitué des deux idéaux distincts (0) et A.

En e�et, si a est un idéal non nul de A, a contient un élément a 6= 0 ; or cet élémentest inversible par dé�nition d'un corps.

2.2.2 Idéaux premiers et maximaux

Dé�nition 2.15 (Idéal premier. Idéal maximal.) Soit A un anneau commutatif ;on appelle :

1. idéal premier, tout idéal p de A tel que p 6= A et tel que pour tout x, y ∈ Avéri�ant xy ∈ p, alors x ou y est dans p ;

2. idéal maximal, tout idéal m de A tel que m 6= A et tel que tout idéal aintermédiaire entre m et A (i.e. m ⊆ a ⊆ A) est nécessairement égal à mou à A.

Théorème 2.16 (Théorème de Krull) Soit A un anneau commutatif, alors toutidéal a distinct de A est contenu dans un idéal maximal de A.

Démonstration C'est une conséquence immédiate du lemme de Zorn qui lui-même est équivalent à l'axiome du choix. Ces notions de théorie des ensemblesne sont pas développées dans ce cours. On propose donc au lecteur d'admettre cerésultat qui est l'application de l'axiome du choix la plus utile dans la théorie desanneaux. Les étudiants qui sont intéressés par ces questions ensemblistes peuventconsulter avec pro�t le premier chapitre du livre de G. et M.-N. Gras � Algèbrefondamentale Arithmétique � de la bibliographie.

Remarques

1. Si K est un corps, son seul idéal maximal est (0).

2. L'anneau {0} est le seul anneau à ne pas avoir d'idéaux maximaux.

Corollaire 2.17 (Une caractérisation de A×) Soit A un anneau commutatif etsoit U le complémentaire dans A de la réunion de tous les idéaux maximaux de A.Alors U = A×.

En e�et, soit x ∈ A×, il est clair que x n'est contenu dans aucun idéal maximal.Inversement, soit x ∈ U , x supposé non inversible ; alors Ax 6= A (car 1 /∈ Ax) et Axest contenu dans un idéal maximal, d'après le théorème de Krull, ce qui est absurde(x ∈ U). Donc x ∈ A×.

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22 Anneaux

2.3 Homomorphismes et quotients d'anneaux (cascommutatif)

2.3.1 Homomorphismes

Dé�nition 2.18 (Homomorphisme d'anneaux) Soient A et B deux anneaux.Une application h de A dans B est un homomorphisme d'anneaux si les troisconditions suivantes sont réalisées :

1. h est un homomorphisme de groupes additifs (i.e. h(a+ b) = h(a) +h(b), pourtout a, b ∈ A),

2. h(ab) = h(a)h(b), pour tout a, b ∈ A,3. h(1A) = 1B (1A et 1B désignent les éléments unités respectifs de A et B).

Un isomorphisme d'anneaux est un homomorphisme d'anneaux bijectif.

Dé�nition 2.19 (Noyau d'un homomorphisme) Soit h : A −→ B un homo-morphisme d'anneaux. On appelle Noyau de h et on note Ker(h) le sous-ensemblede A image réciproque de {0} par h, autrement dit

Ker(h) = {a ∈ A, h(a) = 0}.

Théorème 2.20 Le noyau d'un homomorphisme h : A −→ B est un idéal de A.

Démonstration Pour commencer 0A ∈ Ker(h) = {a ∈ A, h(a) = 0B}, doncKer(h) 6= ∅. Puis si x, y ∈ Ker(h) alors h(x− y) = h(x)− h(y) = 0B, donc (x− y) ∈Ker(h) ce qui démontre que Ker(h) est un sous-groupe de A. Soit alors b ∈ A, etsoit a ∈ Ker(h) ; alors h(ab) = h(a)h(b) = 0Bh(b) = 0B, donc ab ∈ Ker(h) qui estdonc un idéal.

Corollaire 2.21 Si h est un homomorphisme d'un corps K dans un anneau B telque 1B 6= 0B, alors h est injectif et Im(h) est un sous-corps de B (i.e. un sous-anneauqui est un corps).

En e�et, Ker(h) = (0K) ou K (les seuls idéaux d'un corps) ; comme h(1K) = 1B etque l'on a 1B 6= 0B, 1K /∈ Ker(h), et de ce fait la seule possibilité est Ker(h) = (0K),donc h est injectif.

Remarques� L'image d'un homomorphisme d'anneaux h : A −→ B est un sous-anneau deB (le démontrer).

� h est injectif si et seulement si Ker(h) = (0) : ceci est déjà impliqué par lastructure de groupe. En e�et si h est injectif le seul antécédent pour h de 0Best 0A donc Ker(h) = (0A). Réciproquement si Ker(h) = (0) et si x, y ∈ Avéri�ent h(x) = h(y) alors h(x− y) = 0 et donc (x− y) ∈ Ker(h), puis x = y.

Proposition 2.22 Soit h : A −→ B un homomorphisme d'anneaux ; alors la re-striction de h à A× est un homomorphisme de groupes de A× dans B×.

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Anneaux commutatifs. 23

Démonstration Si a ∈ A×, on peut écrire aa−1 = 1A donc h(aa−1) = h(1A) = 1B,soit h(a)h(a−1) = 1B, ce qui fait que h(a) ∈ B× (son inverse, que l'on doit donc noterh(a)−1, est h(a−1)) ; on véri�e que la restriction de h à A× est un homomorphismede groupes multiplicatifs.

Proposition 2.23 Soit h : A −→ B un isomorphisme d'anneaux de A sur B ; alorsl'application réciproque h−1 : B −→ A est un isomorphisme d'anneaux.

Démonstration Soit b, b′ ∈ B. Comme h est surjective il existe a, a′ ∈ A telsque h(a) = a et h(a′) = b′. Il suit h−1(b + b′) = h−1(h(a) + h(a′)) = h−1(h(a +a′)) = a + a′ ; car h est un morphisme de groupe. Mais comme h et h−1 sont desbijections réciproques on a a = h−1(b) et a′ = h−1(b′) et cela démontre que h−1 est unmorphisme de groupe. On véri�e exactement de la même façon que h−1(bb′) = aa′.Comme h(1A) = 1B on a h−1(1B) = 1A. Donc h−1 est un morphisme d'anneaux.

2.3.2 Quotients

La notion de quotient est essentielle à l'algèbre et intervient pour toutes lesstructures usuelles. Étant donné un anneau A on peut décrire, à isomorphismesprès, tous les anneaux images de A par un homomorphisme d'anneaux à partir desseuls idéaux de A. En e�et un tel anneau image est isomorphe à l'anneau quotient deA par le noyau de l'homomorphisme considéré. On va dé�nir et étudier ces notions.

Théorème 2.24 Soit A un anneau commutatif, et soit a un idéal de A. Alors ilexiste un anneau A′ et un homomorphisme d'anneaux h de A dans A′ tels queKer(h) = a.

Démonstration L'idéal a permet de dé�nir la relation de congruence modulo asur l'ensemble A par la formule x ≡ y a ⇐⇒ x−y ∈ a. C'est clairement une relationd'équivalence. Considérons l'ensemble quotient des classes d'équivalence pour cetterelation de congruence, notons-le A/a, et soit q la projection canonique de A sur A/a.Montrons que l'on peut dé�nir sur A/a l'addition et la multiplication des classes Xet Y par X + Y = q(x + y) et XY = q(xy), pour x ∈ X, y ∈ Y ; pour cela, il fautvéri�er que chacune de ces dé�nitions sont indépendantes du choix des représentantsx et y :

si x′ ≡ x a et y′ ≡ y a, on a x′ − x ∈ a et y′ − y ∈ a, soit x′ = x+ a, y′ = y + b,a, b ∈ a. On a alors pour l'addition x′ + y′ = x + a + y + b = x + y + a + b et pourla multiplication x′y′ = (x + a)(y + b) = xy + xb + ya + ab ; or les derniers termesa+ b et xb+ ya+ ab sont dans a, donc x′ + y′ ≡ x+ y a et x′y′ ≡ xy a.

On véri�e que 0 = a est neutre pour cette addition, l'associativité et la commu-tativité de cette addition, le fait que q(−a) est l'opposée de q(a) pour cette addition,l'associativité de ce produit, le fait que q(1) est l'élément unité dans A/a, et en�nla distributivité du produit par rapport à l'addition dans A/a.

Par construction q est bien un homomorphisme d'anneaux, Ker(q) = a, et enoutre q est surjectif.

Corollaire 2.25 (Image de A×) L'image par q : A −→ A/a, de A×, est un sous-groupe de (A/a)×.

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24 Anneaux

Remarque Il existe une unique structure d'anneau sur l'ensemble quotient A/a,telle que q : A −→ A/a soit un homomorphisme d'anneaux. On appelle A/a l'anneauquotient de A par a et q s'appelle encore l'homomorphisme canonique. En�n, si ∼ estune relation d'équivalence sur A, il existe sur A/∼ une structure d'anneau telle que qsoit un homomorphisme d'anneaux, si et seulement si ∼ est la relation d'équivalenceassociée à l'idéal de A noyau de q (le véri�er). Cette remarque justi�e a posteriorile point de départ de la démonstration du théorème.

Dé�nition 2.26 (Écriture congruentielle.) Soit a un idéal de A ; pour a, b ∈A), on écrit souvent a ≡ b mod a (qui signi�e donc a − b ∈ a). On a alors lesrègles suivantes qui traduisent les propriétés de l'homomorphisme d'anneaux q : sia ≡ b mod a et a′ ≡ b′ mod a, alors a± a′ ≡ b± b′ mod a et aa′ ≡ bb′ mod a

Écrire les détails a�n de s'habituer au calcul congruentiel qui sera indispensableultérieurement.

2.3.3 Théorème de factorisation des homomorphismes

Théorème 2.27 (Diagramme commutatif) Soit h : A −→ B un homomor-phisme d'anneaux commutatifs et soit a un idéal de A contenu dans Ker(h).Alors, il existe un unique homomorphisme d'anneaux h∗ de A/a dans B tel que lediagramme suivant soit commutatif (i.e. h = h∗ ◦ q) :

A

q��

h // B

A/ah∗

=={{{{{{{{

Figure 2.1 : Diagramme commutatif

Démonstration L'hypothèse a ⊂ Ker(h) permet de dé�nir l'homomorphisme h∗.En e�et soit x ∈ A et soit x+a sa classe de congruence. Alors l'ensemble image directeh(x + a) est réduit au singleton {h(x)} parce que h est compatible avec l'additionet que h(a) ⊂ h(Ker(h)) = (0). Ainsi la formule X 7→ h(x) pour tout x ∈ Xdonne une application bien dé�nie h∗ : A/a −→ B. D'autre part la commutativitédu diagramme qui revient à h = q ◦ h∗ force à dé�nir h∗ par cette formule : ondoit avoir h∗(q(x)) = h(x). Cela donne l'existence et l'unicité de l'application h∗

faisant commuter le diagramme. Il reste à s'assurer que h∗ est un homomorphismed'anneaux. On a

h∗(q(x) + q(y)

)= h∗

(q(x+ y)

)(dé�nition de l'addition dans A/a)

h∗(q(x+ y)

)= h(x+ y) (car h∗ ◦ q = h)

h(x+ y) = h(x) + h(y) (h homomorphisme d'anneaux)

h(x) + h(y) = h∗(q(x)

)+ h∗

(q(y)

)

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Anneaux commutatifs. 25

donc h∗(q(x) + q(y)

)= h∗

(q(x)

)+ h∗

(q(y)

)et h∗ est compatible avec l'addition.

On a

h∗(q(x)q(y)

)= h∗

(q(xy)

)(dé�nition du produit dans A/a)

h∗(q(xy)

)= h(xy) (car h∗ ◦ q = h)

h(xy) = h(x)h(y) (h homomorphisme d'anneaux)

h(x)h(y) = h∗(q(x)

)h∗(q(y)

)donc h∗

(q(x)q(y)

)= h∗

(q(x)

)h∗(q(y)

); en�n, h∗

(q(1A)

)= h(1A) = 1B.

Corollaire 2.28 (Isomorphisme canonique d'anneaux) Si a = Ker(h), alorson a l'isomorphisme canonique d'anneaux

A/Ker(h) ' Im(h).

Démonstration Soit x ∈ A tel que q(x) ∈ Kerh∗. Alors par construction x ∈Ker(h) et donc x ∈ a d'où q(x) = 0. Il suit h∗ injectif. Par construction aussi l'imagede h∗ est égale à l'image de h.

Exemple Les anneaux Z/nZ, n ∈ Z : comme nZ est un idéal de Z, Z/nZ est unanneau (anneau des � entiers modulo n �) ; si n = 0, Z/0Z ' Z, si n = 1, Z/Z ' {0}.Dans les autres cas, on obtient l'anneau �ni ayant |n| ≥ 2 éléments étudié en section1.3.

Théorème 2.29 (Z/pZ si p premier) Si p est premier, alors Z/pZ est un corps.

Démonstration On considère, pour a ∈ Z/pZ �xé, a 6= 0, l'application x 7−→ a xde Z/pZ dans lui-même ; si a x = a y, ceci implique a(x − y) ≡ 0 mod p ; commea 6= 0, p - a, donc p|(x − y) (lemme d'Euclide 1.8) et x = y : cette application estinjective, donc surjective puisque Z/pZ est �ni, et il existe x0 tel que a x0 = 1. Ainsitout a 6= 0 est inversible, et Z/pZ est un corps (noté Fp).

Remarque S'interdire la notation Zn pour l'anneau Z/nZ ; elle est malheureuse-ment utilisée dans certains ouvrages ; or pour n = p premier, Zp désigne � l'anneaudes entiers p-adiques �, et Z(p) désigne � le localisé en p � de l'anneau Z.

2.3.4 Caractérisation des idéaux premiers, maximaux

Passons maintenant à une caractérisation de premier et maximal, en termes dequotients :

Théorème 2.30 Soit A un anneau commutatif, et soit a un idéal de A :

1. a est premier si et seulement si A/a est intègre ;

2. a est maximal si et seulement si A/a est un corps.

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26 Anneaux

Démonstration

1. Supposons a premier. On a a 6= A, donc A/a 6= {q(0)} ; soient q(x), q(y) ∈ A/atels que q(x)q(y) = q(0) ; alors q(xy) = q(0) et xy ∈ a ; par dé�nition x ou yest dans a, autrement dit q(x) = q(0) ou q(y) = q(0), et ceci démontre queA/a est intègre. Inversement, si A/a est intègre, on a a 6= A et si l'on supposeque xy ∈ a (x, y ∈ A), alors q(xy) = q(0) soit q(x)q(y) = q(0), qui impliqueq(x) = q(0) ou q(y) = q(0), soit x ∈ a ou y ∈ a, et a est premier.

2. Supposons a maximal. On a a 6= A, donc A/a 6= {q(0)}. Soit q(x) 6= q(0) dansA/a ; on a x /∈ a et l'idéal a+Ax est donc égal à A, et on peut écrire 1 = y+ax,y ∈ a, a ∈ A, d'où q(1) = q(ax) = q(a)q(x) et q(x) est inversible ; donc A/aest un corps. Inversement, si A/a est un corps, on a aussi a 6= A ; soit b unidéal de A tel que a $ b ⊆ A ; montrons que b = A. Soit b ∈ b − a ; on aq(b) 6= q(0), donc q(b) est inversible et il existe a ∈ A tel que q(a)q(b) = q(1),soit ab = 1 + c, c ∈ a, puis 1 = ab− c ∈ b, d'où b = A.

Corollaire 2.31 (Idéal (0)) Dans un anneau A, l'idéal (0) est premier si et seule-ment si l'anneau est intègre, et maximal si et seulement si l'anneau est un corps.

En e�et, on a A/(0) ' A.

Corollaire 2.32 Un idéal maximal est un idéal premier.

En e�et, un corps est intègre.

2.4 Anneaux de polynômes

On va établir une propriété � universelle � des anneaux A[X], à savoir que tousles homomorphismes d'anneaux A[X] −→ B peuvent se décrire très simplement :

Théorème 2.33 (Prolongement des homomorphismes à A[X])Soit A[X] l'anneau des polynômes à coe�cients dans l'anneau commutatif A.

Soit B un anneau quelconque. On suppose donnés :

1. un élément β ∈ B quelconque,

2. un homomorphisme d'anneaux f de A dans B quelconque.

Alors il existe un homomorphisme h et un seul de A[X] dans B, tel que h prolongef et tel que h(X) = β. 3

Tout homomorphisme d'anneaux h de A[X] dans B est obtenu de cette manière.

3. Si B n'était pas commutatif, il faudrait rajouter la condition supplémentaire que β commuteaux éléments de f(A).

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Anneaux commutatifs. 27

Démonstration

1. Construction de h. Soit P =∑i≥0

aiXi, ai ∈ A ; on associe à P l'expression∑

i≥0

f(ai)βi (c'est un élément de B : d'une part cette somme a un sens car

f(ai) = 0 pour tout i assez grand et, d'autre part, f(ai)βi ∈ B pour tout i) ; les

coe�cients ai d'un polynôme étant uniques, on a bien dé�ni une application,que l'on appelle h.

Véri�ons que h est un homomorphisme : soient P =∑i≥0

aiXi et Q =

∑i≥0

biXi ;

alors :

h(P +Q) = h

(∑i≥0

(ai + bi)Xi

)(dé�nition de + dans A[X])

=∑i≥0

f(ai + bi)βi (dé�nition de h)

=∑i≥0

(f(ai) + f(bi))βi (f est un homomorphisme)

=∑i≥0

f(ai)βi +∑i≥0

f(bi)βi

= h(P ) + h(Q).

Calculons h(PQ) :

h(PQ) = h

[(∑i≥0

aiXi

)(∑j≥0

bjXj

)]

= h

(∑i,j≥0

aibjXi+j

),

par dé�nition du produit dans A[X] et propriétés des sommations : attention,les indices de sommation étant � muets �, ils doivent être pris distincts dansles sommations multiples ; on en déduit en calculant le coe�cient de chaquemonôme Xk (ce calcul est nécessaire car h n'est dé�ni que pour un polynôme

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28 Anneaux

� bien écrit �) :

h(PQ) = h

[∑k≥0

( ∑i,j,i+j=k

aibj

)Xk

]

=∑k≥0

f

( ∑i,j,i+j=k

aibj

)βk

=∑k≥0

( ∑i,j,i+j=k

f(ai)f(bj)

)βk (f est un homomorphisme)

=∑k≥0

∑i,j,i+j=k

f(ai)f(bj)βi+j (distributivité dans B)

=∑k≥0

∑i,j,i+j=k

f(ai)βif(bj)β

j (commutativité dans B) 4

=∑i,j≥0

f(ai)βif(bj)β

j .

Cette somme sur i, j est le produit développé dans B de∑i≥0

f(ai)βi par∑

j≥0

f(bj)βj. Cela démontre

h(PQ) = h(P )h(Q) .

En�n on a h(1A) = f(1A) = 1B.On a donc bien un homomorphisme d'anneaux tel que la restriction à A véri�eh(a) = f(a) pour tout a ∈ A (en e�et a est le polynôme constant a + 0X +0X2 + · · ·), et tel que h(X) = β (X est le polynôme 0 + 1X + 0X2 + · · ·). Ceciassure l'unicité de h lorsque f et β sont donnés.

2. Soit maintenant h un homomorphisme d'anneaux quelconque de A[X] dans B.Pour montrer que h est de la forme précédente, il su�t de trouver f et β. Il estclair qu'il su�t, d'une part, de poser h(X) = β, et, d'autre part, de remarquerque la restriction f de h à A ⊂ A[X] est un homomorphisme d'anneaux de Adans B. En pratique, on représente un tel homomorphisme h : A[X] −→ Bpar les quantités f et β qui le dé�nissent, sous la forme symbolique :

A[X] −→ Ba ∈ A 7−→ f(a)X 7−→ β (en explicitant f(a) et β).

Cas particuliers

1. Évaluation. C'est le cas où A est un sous-anneau de B et où f est l'identitésur A :

A[X] −→ Ba ∈ A 7−→ aX 7−→ β

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Anneaux commutatifs. 29

dans ce cas, h(P ) se note P (β) et s'appelle l'homomorphisme d'évaluation enβ ∈ B.

2. Réduction modulo un idéal a de A. Dans ce cas, B = A/a[X] et f = q :A −→ A/a :

A[X] −→ A/a[X]a ∈ A 7−→ q(a)X 7−→ X

autrement dit à X on associe encore X et à a ∈ A sa classe q(a) modulo a.

Exemple On prend A = Z et a = nZ, n ∈ N ; dans certaines questions, onest amené à prendre n premier, car Z/nZ est alors un corps.

Application à la notion de racine On suppose ici que l'anneau A est un sous-anneau de l'anneau B, et on considère l'homomorphisme d'évaluation en β ∈ B(cas 1) :

A[X] −→ Ba ∈ A 7−→ aX 7−→ β

pour lequel l'image de P ∈ A[X] a été notée P (β).

Dé�nition 2.34 (Racine d'un polynôme) Soit P ∈ A[X] ; on dit que β ∈ B estracine de P dans B si P (β) = 0 (i.e. l'évaluation en β est nulle).

Proposition 2.35 (Factorisation d'un polynôme par X − β) Si β ∈ B estracine de P ∈ A[X] dans B, alors il existe Q ∈ B[X] tel que P = (X − β)Q.

Démonstration Comme X − β est unitaire, on peut e�ectuer la division eucli-dienne généralisée dans B[X] de P (considéré comme élément de B[X])par X − β ;on obtient P = (X − β)Q + R, Q, R ∈ B[X] et d(R) < 1 ; donc R ∈ B et l'homo-

morphisme d'évaluation h en β donne 0(

= P (β))

= (β − β)Q(β) +R(β) = R (car

R(β) = R ici), d'où R = 0 et P = (X − β)Q.

Corollaire 2.36 (Racines d'un polynôme dans un anneau intègre) Si B estintègre, si β1, . . ., βn sont n racines distinctes de P ∈ A[X], dans B, alors on aP = (X − β1) . . . (X − βn)Q, Q ∈ B[X]. Par conséquent, si P 6= 0, le nombre deracines distinctes de P dans B est majoré par le degré de P .

En e�et, par récurrence sur n (le cas n = 1 étant déjà prouvé) :si P = (X − β1) . . . (X − βk)Q′, Q′ ∈ B[X],alors : P (βk+1) = (βk+1 − β1) . . . (βk+1 − βk)×Q′(βk+1) = 0 ;comme βk+1− β1 6= 0, . . ., βk+1− βk 6= 0, l'intégrité de B entraîne Q′(βk+1) = 0,

d'où Q′ = (X − βk+1)Q dans B[X], d'où le résultat.

Remarque Dans B = Z/8Z, P = X2 − 1 a pour racines 1, 3, 5, 7 (4 racinesdistinctes pour P de degré 2 ; mais Z/8Z n'est pas intègre !).

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30 Anneaux

Remarque Le corollaire 2.36 sert en théorie des groupes pour décrire la structure(en tant que groupe) de tous sous-groupes �nis des groupes multiplicatifs k× descorps k (commutatifs). Cette structure est la plus simple possible pour un groupe�ni : on dit que ces groupes sont cycliques. Par dé�nition un groupe cyclique estun groupe engendré par un seul élément et on démontre que de tels groupes sontisomorphes au groupe additif de l'anneau Z/nZ où n est le nombre d'élément dugroupe de départ. La preuve de la cyclicité des sous-groupes �nis de k× demanded'être familiarisé avec la notion d'ordre des éléments d'un groupe et utilise aussi unpeu d'astuce combinatoire. Hormis le corollaire 2.36 cette preuve relève purementde la théorie des groupes et n'a pas sa place dans ce cours ; mais puisque l'on adémontré dans le théorème 2.29 page 25 que, pour p premier, Z/pZ est un corps(noté Fp), on peut énoncer :

Proposition 2.37 ((Z/pZ)× pour p premier)Soit p un nombre premier ; le groupe multiplicatif (Z/pZ)× est un groupe cyclique

à p− 1 éléments.

Fin du deuxième chapitre

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Chapitre 3

Produits d'anneaux. Théorèmes

chinois

3.1 Produits d'anneaux

Dé�nition 3.1 (Produit direct) Soient A1, . . . , An, n groupes commutatifs (resp.anneaux commutatifs) non nécessairement distincts de neutres additifs OAi

(resp. etd'unités 1Ai

, i = 1, . . . , n). On considère le produit cartésien A = A1×· · ·×An noté

aussin∏i=1

Ai. On peut le munir des lois produits muni des deux lois de composition

suivantes :

somme : (x1, . . . , xn) + (y1, . . . , yn) = (x1 + y1, . . . , xn + yn), pour tout xi, yi ∈ Ai,et tout i = 1, . . . , n ;

produit : (x1, . . . , xn)(y1, . . . , yn) = (x1y1, . . . , xnyn), pour tout xi, yi ∈ Ai, et touti = 1, . . . , n (si les Ai sont des anneaux).

A est appelé le produit direct de A1, . . . , An (en tant que groupe ou anneaux suivantla structure donnée aux Ai).

Véri�er à titre d'exercice, que l'on obtient bien ainsi un groupe commutatif (resp.anneau commutatif) dont le neutre additif est 0A = (0A1 , . . . , 0An) (resp. et l'élémentunité est 1A = (1A1 , . . . , 1An) ).

Proposition 3.2 ((A1 × · · · ×An)×) Si A = A1 × · · · × An, alors A× = A×1 ×

· · · ×A×n considéré comme sous-ensemble de A1× · · · ×An (et donc l'identité est unisomorphisme de groupes commutatifs).

Démonstration Soit a ∈ A× ; posons a = (a1, . . . , an), ai ∈ Ai pour i = 1, . . . , n ;par hypothèse, il existe b = (b1, . . . , bn), bi ∈ Ai pour i = 1, . . . , n, tel que ab = 1A,soit (a1b1, . . . , anbn) = (1A1 , . . . , 1An), d'où aibi = 1Ai

pour i = 1, . . . , n, ce qui traduitl'inversibilité des ai dans Ai pour chaque i (i.e. ai ∈ A×i , soit a ∈ A×1 × · · · × A×n ).

Inversement si a = (a1, . . . , an) avec ai ∈ A×i pour tout i, il est immédiat de voirque b = (a−11 , . . . , a−1n ) est inverse de a dans A (a−1i étant l'inverse de ai dans Aipour chaque i).

31

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32 Anneaux

On s'intéresse à la situation inverse ; autrement dit, on cherche à reconnaîtredans quels cas un anneau commutatif A donné est isomorphe à un produit directd'anneaux.

Proposition 3.3 (Idéaux principaux d'un produit d'anneaux) Si A = A1 ×· · · × An , alors, pour chaque i = 1, . . . , n,

ai = {0A1} × · · · × Ai × · · · × {0An},considéré comme sous-ensemble de A, est un idéal de A qui est l'idéal principalengendré par ei = (0A1 , . . . , 1Ai

, . . . , 0An) ∈ A. En outre les ei, i = 1, . . . , n, ont lespropriétés suivantes :

1. ei 6= 0A, pour tout i,2. eiej = 0A, quels que soient i, j, i 6= j (orthogonalité),

3.n∑i=1

ei = 1A,

4. e2i = ei, quel que soit i (idempotence).

Les véri�cations sont élémentaires et sont laissées au lecteur à titre d'exercice (àfaire impérativement).

Remarques1. La propriété 4 est impliquée (logiquement) par 2 et 3, car :

ei

n∑k=1

ek = ei (d'après 3),

d'où :

ei =n∑k=1

eiek = e2i (d'après 2).

2. On a ei = 1, pour au moins un i ∈ {1, . . . , n}, si et seulement si n = 1.

On peut donc partir d'une dé�nition qui repose sur les considérations ci-dessus :

Dé�nition 3.4 (Système fondamental d'idempotents orthogonaux) Soit Aun anneau commutatif. On dit qu'une famille {e1, . . . , en} d'éléments de A constitueun système fondamental d'idempotents orthogonaux lorsque les propriétéssuivantes sont véri�ées :

1. ei 6= 0A, pour tout i = 1, . . . , n,2. eiej = 0A, quels que soient i, j = 1, . . . , n, i 6= j,

3.n∑i=1

ei = 1A,

(ceci implique donc la propriété d'idempotence des ei).

Théorème 3.5 Soit A un anneau commutatif dans lequel il existe un système fon-damental d'idempotents orthogonaux {e1, . . . , en}. Alors il existe n anneaux A1, . . .,An tels que A ' A1 × · · · × An.

0. On suppose Ai 6= {0} pour tout i ; ceci n'est pas restrictif car B×{0} ' B pour tout anneauB.

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Produits d'anneaux. Théorèmes chinois. 33

Démonstration Dans A considérons les idéaux ai = Aei, i = 1, . . . , n ; on peutmunir ai d'une structure d'anneau de la manière suivante 1 : la loi de groupe est cellequi existe sur ai (comme sous-groupe de (A,+)), la multiplication est la restrictiondu produit sur A à ai×ai qui dé�nit bien une loi de composition sur ai car (aei)(bei) =abe2i = abei pour tout a, b ∈ A (véri�er que l'on obtient un anneau d'élément unitéei) ; les anneaux ai ne sont pas des sous-anneaux de A (sauf si n = 1, car alorse1 = 1A par 3) : si on avait 1A ∈ ai, on aurait 1A = uei, u ∈ A, soit, avec j 6= i(si n ≥ 2), 1Aej = ueiej = 0, soit ej = 0, ce qui n'est pas. On note désormais Ai,i = 1, . . . , n, ces nouveaux anneaux.

Pour montrer l'isomorphisme A 'n∏i=1

Ai, on a le choix entre dé�nir

h :n∏i=1

Ai −→ A ou h′ : A −→n∏i=1

Ai

Nous allons suivre la règle générale qui consiste à dé�nir plutôt les applicationsen partant du produit cartésien (c'est plus canonique), mais ici il se trouve que ladé�nition de l'application inverse est aussi canonique et a un intérêt pratique ; ils'agit des applications suivantes :

h :n∏i=1

Ai −→ A

(a1e1, . . . , anen) 7−→n∑i=1

aiei, pour tout a1, . . . , an ∈ A ;

h′ : A −→n∏i=1

Ai

a 7−→ (ae1, . . . , aen), pour tout a ∈ A.

Faisons donc la démonstration à l'aide de h (en exercice refaire intégralement ladémonstration à partir de l'application h′, puis démontrer que h′ = h−1) :

Si x = (a1e1, . . . , anen), y = (b1e1, . . . , bnen),

h(x+ y) =n∑i=1

(ai + bi)ei

= h(x) + h(y)

h(xy) = h(

(a1b1e1, . . . , anbnen))

=n∑i=1

aibiei

1. Situation entièrement nouvelle, où l'on dé�nit un anneau dont l'ensemble sous-jacent est unepartie (remarquable) de l'anneau A, sans obtenir pour autant un sous-anneau de A ; à étudier avecsoin.

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34 Anneaux

or h(x)h(y) =n∑i=1

aiei

n∑j=1

bjej

=∑i,j

aibjeiej

=n∑k=1

akbkek (en utilisant l'orthogonalité, puis l'idempo-tence)

en�n h(

(e1, . . . , en))

=n∑i=1

ei

= 1A (propriété 3) (noter que (e1, . . . , en) est bien l'élé-ment unité de A1 × · · · × An)

On a donc un homomorphisme d'anneaux. Si a ∈ A, on écrit a = a1A = an∑i=1

ei =

n∑i=1

aei, et a = h(

(ae1, . . . , aen)); alors, si h

((a1e1, . . . , anen)

)= 0A, on a

n∑i=1

aiei =

0A, d'où 0A =

(n∑i=1

aiei

)ek = akek, ceci pour tout k = 1, . . . , n. On a donc montré

que h était un isomorphisme d'anneaux.

Remarque Dès qu'un anneau A contient un système fondamental d'idempotentsorthogonaux {e1, . . . , en}, avec n ≥ 2, alors A n'est pas intègre.

Abordons maintenant le résultat essentiel, dit des restes chinois, et qui reposesur la dé�nition suivante :

Dé�nition 3.6 (Co-maximalité) Soit A un anneau commutatif et soient a et bdeux idéaux de A ; on dit que a et b sont co-maximaux si a + b = A (autrement dita et b engendrent A).

Théorème 3.7 (Théorème des restes chinois) Soit A un anneau commutatif etsoient a et b deux idéaux co-maximaux de A. Soient a et b deux éléments de A donnésarbitrairement. Alors il existe x ∈ A tel que l'on ait :

x ≡ a mod a et x ≡ b mod b.

Démonstration (revoir les notations congruentielles, très utiles ici, car on manip-ule les deux quotients A/a et A/b simultanément). On a a + b = A, donc il existeα ∈ a et β ∈ b tels que 1 = α + β ; soit alors x = aβ + bα et montrons que x a lespropriétés requises : on a x ≡ aβ mod a (car α, donc bα, est dans a) ; or β = 1− α,d'où x ≡ a(1 − α) mod a, soit x ≡ a − aα ≡ a mod a (car aα ∈ a). De même,x ≡ bα mod b, soit, de façon analogue, x ≡ b(1− β) ≡ b− bβ ≡ b mod b.

Corollaire 3.8 Soient a1, . . . , an, n ≥ 2, des idéaux de A, co-maximaux deux à deux(i.e. ai + aj = A, pour tout i, j = 1, . . . , n, i 6= j). Soient a1, . . . , an des éléments

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Produits d'anneaux. Théorèmes chinois. 35

quelconques de A. Alors il existe x ∈ A tel que l'on ait x ≡ ai mod ai, pour touti = 1, . . . , n.

Il s'agit d'une simple induction à partir du cas n = 2 (qui donne en même tempsune méthode pratique 2). Supposons avoir trouvé y ∈ A véri�ant les congruencesy ≡ ai mod ai pour tout i = 2, . . . , n ; il est clair que si l'on peut trouver x ∈ Avéri�ant les congruences x ≡ a1 mod a1 et x ≡ y mod a2 ∩ . . . ∩ an, x sera bien unesolution au problème posé. Il su�t donc de prouver que a1 et a2 ∩ . . . ∩ an sontco-maximaux : par hypothèse on a A = a1 + ai pour i = 2, . . . , n ; donc 1 = b′i + bi,

b′i ∈ a1, bi ∈ ai, i = 2, . . . , n ; donc on a 1 =n∏i=2

(b′i + bi) ≡n∏i=2

bi mod a1, mais

n∏i=2

bi ∈ a2 ∩ . . . ∩ an, d'où le résultat. Ces résultats (dits aussi � d'approximations

simultanées �) permettent d'énoncer le théorème suivant :

Théorème 3.9 (Isomorphisme des restes Chinois) Soient a1, . . . , an, n ≥ 2,des idéaux de A, co-maximaux deux à deux.

Alors l'homomorphisme canonique h : A→ A/a1 × · · · × A/an, dé�ni pour touta ∈ A par h(a) =

(qa1(a), . . . , qan(a)

)(où, pour un idéal a de A, qa désigne l'homo-

morphisme canonique A → A/a), est surjectif et a pour noyau a1 ∩ . . . ∩ an . Il enrésulte que les anneaux A/a1 ∩ . . . ∩ an et A/a1 × · · · × A/an sont canoniquementisomorphes.

Démonstration On véri�e que h est un homomorphisme d'anneaux ; il s'agit dele factoriser. On a h(a) = 0 = (. . . , qai(0), . . .) si et seulement si qai(a) = qai(0) pouri = 1, . . . , n, soit si et seulement si a ∈ a1 ∩ . . . ∩ an . Le point essentiel est alors la

surjectivité : soit(qa1(a1), . . . , qan(an)

), ai ∈ A, i = 1, . . . , n, un élément quelconque

du produit direct ; d'après le théorème des restes chinois général, il existe x ∈ A telque qai(x) = qai(ai), pour tout i = 1, . . . , n ; x est bien un antécédent de l'élémentdonné.

Nous allons appliquer ce procédé de décomposition en produit direct, aux an-neaux Z/mZ.

3.2 Étude des anneaux Z/mZ

3.2.1 Étude générale

Le théorème 1.16 des restes Chinois dans Z est en fait un cas particulier duthéorème 3.7 comme on va le voir dans l'énoncé et la démonstration qui suit 3 :

2. Nous en verrons d'autres au chapitre 4.3. Voir aussi page 39 pour une autre démonstration directe n'utilisant pas le théorème 3.7

page 34.

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36 Anneaux

Théorème 3.10 Soient m1, . . . ,mn, n ≥ 1, n entiers non nuls étrangers deux àdeux 4. Alors on a l'isomorphisme canonique d'anneaux :

Z/m1 . . .mnZ ' Z/m1Z× · · · × Z/mnZ.

Démonstration Dans l'anneau Z, pour i, j �xés, i 6= j, les idéaux ai = miZ etaj = mjZ sont co-maximaux : en e�et, puisque mi et mj sont étrangers, il existeune relation de Bézout de la forme λimi + λjmj = 1, λi, λj ∈ Z ; ainsi 1 est biendans ai + aj (λimi ∈ ai, λjmj ∈ aj) donc l'idéal ai + aj est l'anneau tout entier. Lethéorème précédent donne l'isomorphisme :

Z/a1 ∩ . . . ∩ an ' Z/a1 × · · · × Z/an = Z/m1Z× · · · × Z/mnZ;

il ne reste plus qu'à voir que m1Z ∩ . . . ∩mnZ = m1 . . .mnZ :L'inclusion �⊇ � étant triviale, démontrons l'autre par induction sur n ≥ 1 ; pour

n = 1, l'assertion est évidente ; supposons la vraie au rang k, 1 ≤ k < n, et montrons-la pour le rang k + 1 : on a déjà m1Z ∩ . . . ∩mkZ = m1 . . .mkZ (par hypothèse, lesmiZ sont co-maximaux deux à deux pour i = 1, . . . , k) ; soit alors x ∈ m1 . . .mkZ ∩mk+1Z ; on a x = m1 . . .mkλ = mk+1µ, λ, µ ∈ Z, et comme mk+1 est étranger àchaque mi, i = 1, . . . , k, mk+1 est étranger à m1 . . .mk et d'après le théorème deGauss, mk+1 divise λ, d'où λ = mk+1λ

′, λ′ ∈ Z, soit x = m1 . . .mkmk+1λ′. D'où le

résultat.

Remarque On utilise le fait que mk+1 étranger à m1, . . . ,mk implique mk+1

étranger à m1 . . .mk ; ceci se retrouve au moyen (analogue à une partie de la preuvedu corollaire 3.8 page 34) des relations de Bézout correspondantes : si 1 = uimk+1 +

vimi, ui, vi ∈ Z, i = 1, . . . k, il vient 1 =k∏i=1

(uimk+1 + vimi) qui se développe sous la

forme umk+1 + vm1 . . .mk (et ceci n'utilise pas le fait que les mi, i = 1, . . . , k sontétrangers deux à deux).

Corollaire 3.11 Écrivons l'entier m > 1 sous la forme m = pn11 × · · · × pnr

r , r ≥ 1,où les pi sont des nombres premiers distincts, i = 1, . . . , r, et les entiers ni ≥ 1.Alors on a l'isomorphisme d'anneaux :

Z/mZ ' Z/pn11 Z× · · · × Z/pnr

r Z.

Corollaire 3.12 On a l'isomorphisme de groupes (voir la proposition 3.2 page 31) :

(Z/mZ)× ' (Z/pn11 Z)× × · · · × (Z/pnr

r Z)×.

Étudions maintenant les groupes multiplicatifs (Z/mZ)×, points de départ de pro-priétés arithmétiques intéressantes. Commençons par une description sommaire desclasses inversibles des anneaux �nis Z/mZ,m ≥ 1. Notons pour simpli�er, a la classede a ∈ Z dans Z/mZ (m ≥ 1) et [0,m[ l'ensemble {a ∈ Z, 0 ≤ a < m} ; on a alorsle résultat suivant :

4. En pratique n ≥ 2, mais pour n = 1 l'énoncé reste correct, car alors la condition � étrangersdeux à deux � est vide puisqu'il y a zéro paires d'entiers distincts, et l'énoncé se réduit bien àZ/m1Z ' Z/m1Z.

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Produits d'anneaux. Théorèmes chinois. 37

Lemme 3.13 (Classes inversibles de Z/mZ) L'ensemble (Z/mZ)× des inversibles

de Z/mZ est en bijection avec l'ensemble{a ∈ Z, a ∈ [0,m[ et (a,m) = 1

}. Ainsi

(Z/mZ)× ={a ∈ Z/mZ, a ∈ [0,m[ et (a,m) = 1

}.

Comme Z/mZ est en bijection avec [0,m[ (système exact de représentants desclasses), il su�t de montrer que pour a ∈ [0,m[, a est inversible si et seulement si(a,m) = 1 :

1. Supposons a inversible (a ∈ [0,m[) ; alors il existe b tel que a b = 1, soitab ≡ 1 mod mZ, donc il existe λ ∈ Z tel que ab = 1 + λm ; ceci entraîne biena et m étrangers.

2. Si (a,m) = 1 (a ∈ [0,m[), il existe u, v ∈ Z tels que ua+ vm = 1, d'où a u = 1dans Z/mZ.

Noter que pour m = 1, 0 et 1 sont étrangers.

3.2.2 La fonction d'Euler

Dé�nition 3.14 (Indicateur d'Euler) Pour tout m ∈ N− {0}, on pose ϕ(m) =|(Z/mZ)×| ; la fonction ϕ s'appelle la fonction (ou indicateur) d'Euler.

Par le lemme 3.13 page 37 on a :

ϕ(m) = |{a ∈ [0,m[, (a,m) = 1}|.

Pour m = 1, Z/Z est l'anneau réduit à {0} pour lequel 0 = 1 ; 0 est ici inversiblecar 0 × 0 = 1 (bien entendu dans tout anneau où 1 6= 0, ceci ne peut être). Doncϕ(1) = 1.

Proposition 3.15 (Expression de ϕ(m)) Si m = pn11 . . . pnr

r , r ≥ 1, pi premiersdistincts, ni ≥ 1, i = 1, . . . , r, alors on a :

ϕ(m) = pn1−11 (p1 − 1)pn2−1

2 (p2 − 1) . . . pnr−1r (pr − 1).

Démonstration On utilise le corollaire 3.12 page 36 qui conduit immédiatementà l'égalité ϕ(m) = ϕ(pn1

1 )ϕ(pn22 ) . . . ϕ(pnr

r ), comme on le voit par dénombrement d'unproduit cartésien d'ensembles �nis. Il reste donc à calculer ϕ(pn), pour tout nombrepremier p et tout n ≥ 1, ce qui est immédiat si l'on tient compte du lemme précédentqui donne ici

(Z/pnZ)× ={

1, 2, . . . , p− 1, p+ 1, . . . , a, . . . , pn − 1}

={a, a ∈ [0, pn[, a non divisible par p

}.

Comme l'ensemble des multiples de p (compris entre 0 et pn − 1)est l'ensemble {0, p, 2p, 3p, . . . , (pn−1 − 1)p}, il a donc pn−1 éléments, et soncomplémentaire en a donc ϕ(pn) = pn − pn−1 = pn−1(p− 1).

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38 Anneaux

Exemples

1. On a ϕ(2) = 1, ϕ(3) = 2, ϕ(4) = 2(2− 1) = 2, ϕ(5) = 4, ϕ(6) = ϕ(2)ϕ(3) = 2,ϕ(7) = 6, ϕ(8) = 4, ϕ(9) = 6, ϕ(10) = 4, . . .

2. ϕ(`n) = ϕ(`)ϕ(n), dès que ` et n sont étrangers.

3. Si n est impair, ϕ(2n) = ϕ(n).

3.2.3 Structure des groupes (Z/mZ)×, m ≥ 2

Par le corollaire 3.11 l'étude de la structure de (Z/mZ)× se ramène à celle desgroupes (Z/pnZ)× (p premier, n ≥ 1). On va énoncer le théorème suivant ; maisune preuve complète, malgré son intérêt arithmétique, nous entraînerait trop loin enthéorie des groupes.

Théorème 3.16 (Structure de (Z/pnZ)×) La structure de (Z/pnZ)× est la suiv-ante :

1. Si p = 2 et n = 1 (resp. 2), (Z/2nZ)× est un groupe cyclique à 1 (resp. 2)éléments ;

2. si p = 2 et n ≥ 3, (Z/2nZ)× est produit direct interne du sous-groupe cycliqueà 2 éléments engendré par −1 et du sous-groupe cyclique à 2n−2 éléments en-gendré par 5 ;

3. si p 6= 2, (Z/pnZ)× est un groupe cyclique à (p− 1)pn−1 éléments.

3.2.4 Relèvement des classes inversibles

Dé�nition 3.17 (Diviseur saturé) Soit m ∈ N − {0}, et soit n un diviseur de

m ; nous dirons que n est un diviseur saturé de m si n etm

nsont étrangers.

Le mot saturé vient du fait que si p est un diviseur premier de n, alors n est divisiblepar la puissance de p maximum divisant m ; par exemple, les diviseurs saturés de72 = 8× 9 sont ±1, ±8, ±9, ±72, et les diviseurs non saturés sont ±2, ±3, ±4, ±6,±12, ±18, ±24, ±36.

Si d | m, il existe un plus petit multiple D de d qui soit un diviseur saturé de m :en e�et, si d = ±pν11 . . . pνrr , pi nombres premiers distincts, νi ≥ 1, i = 1, . . . , r, il su�tde prendreD = ±pn1

1 . . . pnrr , où ni ≥ νi, est l'exposant de pi dans la décomposition de

m en facteurs premiers, i = 1, . . . , r (et on véri�e qu'il n'y a pas d'autres solutions).Nous dirons que D (choisi positif) est le diviseur saturé de m associé à d.

Théorème 3.18 (Cas de deux entiers étrangers) Soit m ∈ N − {0}, et soit dun diviseur de m. Si a ∈ Z est étranger à d, alors il existe dans la classe a+ dZ unentier étranger à m.

Démonstration Soit D le diviseur saturé de m associé à d ; on a donc, dans N,m = D∆, avec d | D, D et ∆ étant étrangers ; on peut donc appliquer le théorèmedes restes chinois avec D et ∆ : il existe x ∈ Z tel que l'on ait x ≡ a mod D etx ≡ 1 mod ∆ ; on a bien x ∈ a + dZ, puisque d | D, et x est étranger à m pour

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Produits d'anneaux. Théorèmes chinois. 39

les raisons suivantes : si p premier divise x et m, on a p | D ou p | ∆, or si p | D,la congruence x ≡ a mod D implique p | a, ce qui n'est pas, donc p | ∆, ce qui estabsurde car x ≡ 1 mod ∆ conduit à p | 1.

Corollaire 3.19 L'application partant de (Z/mZ)× et à valeur dans (Z/dZ)×, quià la classe u+mZ (u étranger à m) associe la classe u+dZ, est un homomorphismede groupes surjectif 5.

Remarque Un homomorphisme de groupe (commutatif) est une application

f : G −→ H,

compatible avec les lois de groupes de G et H c'est-à-dire, en notation multiplicative,telle que f(gg′) = f(g)f(g′) pour tout g, g′ ∈ G. Si on note 1G et 1H les élémentsneutre respectifs des groupes G et H on dé�nit Ker(f) = {g ∈ G, f(g) = 1}. Ondémontre alors que f est injective si et seulement si Ker(f) = {1G}. S'agissantde groupe �nis on peut même dire mieux, en e�et dans ce cas on a l'égalité entrecardinaux

#f(G) =#G

# Ker(f),

où f(G) ⊂ H désigne l'image (�nie) de f . Pour voir cette égalité on utilise l'équiv-alence (évidente) f(g) = f(g′) ⇐⇒ g−1g′ ∈ Ker(f) qui en particulier montre quetout élément de l'image de f a exactement #ker(f) antécédents distincts par f .

3.2.5 Complément

Démonstration directe du théorème 3.10 page 35. On considère donc n entiersm1, . . . ,mn > 0, étrangers deux à deux. L'application canonique :

Z −→n∏i=1

Z/miZ

x 7−→ (. . . , qmi(x), . . .)

a pour noyau{x ∈ Z, x ≡ 0 mod mi pour i = 1, . . . , n

}=

n⋂i=1

miZ = mZ, où

m = m1 . . .mn. On a donc, par factorisation, l'injection canonique :

Z/mZ −→n∏i=1

Z/miZ.

Mais ici |Z/mZ| = m et

∣∣∣∣∣n∏i=1

Z/miZ

∣∣∣∣∣ =n∏i=1

|Z/miZ| = m ; or toute injection d'un

ensemble �ni dans un ensemble de même cardinal est aussi surjective. D'où le résul-tat.

5. Résultat non démontrable � élémentairement �.

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40 Anneaux

Mais ceci n'est pas généralisable si les quotients considérés ne sont pas �nis,ce qui sera le cas des quotients de la forme C[X]/(X − a) (isomorphes à C) quiseront considérés dans le chapitre 4, et cette démonstration directe n'est donc passigni�cative de la situation modulaire.

Fin du troisième chapitre

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Chapitre 4

Méthodes modulaires dans les

anneaux principaux

Ce chapitre présente essentiellement des applications de la décomposition des an-neaux en produits d'anneaux ; ces applications ont e�ectivement une utilité pratiquedans le domaine de l'ingénierie mathématique. Il n'y a pas de notions théoriquesnouvelles mais il faut savoir pratiquer (numériquement parlant) les méthodes etalgorithmes proposés, qui ne reposent que sur le calcul congruentiel.

Dans tout ce chapitre, on suppose que A est un anneau principal (c'est-à-direque A est intègre et que ses idéaux sont principaux ; en pratique, il s'agit de Z,ou de K[X] où K est un corps (cf. chapitre 2, dé�nition 2.12 page 20). Dans lechapitre 6, nous montrerons qu'un anneau principal a toutes les propriétés arithmé-tiques classiques qui sont, plus généralement, celles des � anneaux factoriels � ; maisnous n'avons pas besoin ici de ces aspects arithmétiques, puisqu'en fait les méth-odes modulaires sont valables dans un anneau quelconque, pourvu que l'on sachecaractériser la co-maximalité de deux idéaux ; nous allons donc seulement indiquercomment se traduit la co-maximalité dans le cas principal.

4.1 Co-maximalité dans un anneau principal

Pour simpli�er, tout idéal (principal) est noté (a), a ∈ A, au lieu de aA ; par abusd'écriture, une congruence de la forme y ≡ x mod (a) s'écrit souvent y ≡ x mod a,surtout dans les calculs numériques.

Dé�nition 4.1 (Éléments étrangers) Soient a, b ∈ A, A principal ; on dit que aet b sont étrangers si leurs seuls diviseurs communs sont les éléments inversiblesde A (i.e. si a = ds, b = dt, d, s, t ∈ A, alors nécessairement on a d ∈ A∗).

Le lien entre les notions d'idéaux co-maximaux et d'éléments étrangers, dansun anneau principal, est donné par le résultat suivant :

Lemme 4.2 Dans un anneau principal, deux idéaux (a) et (b) sont co-maximaux siet seulement si a et b sont étrangers.

41

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42 Anneaux

Démonstration

=⇒ : Supposons que (a) + (b) = A et posons 1 = ua+ vb, u, v ∈ A ; soit d ∈ A undiviseur commun à a et b : on a a = ds, b = dt, s, t ∈ A, d'où 1 = uds+ vdt =(us+ vt)d qui implique d ∈ A∗ ; donc a et b sont étrangers.

⇐= : Supposons a et b étrangers et considérons l'idéal (a) + (b). Comme l'anneauA est principal, il existe d ∈ A tel que (a) + (b) = (d) ; mais on a a ∈ (a) + (b),b ∈ (a) + (b) (puisque (a) + (b) est aussi l'idéal engendré par a et b), d'oùa = ds, b = dt, s, t ∈ A ; par hypothèse on a donc d ∈ A∗, d'où (a) + (b) = A(co-maximalité).

Comme cela a déjà été évoqué pour A = Z, on a aussi la simpli�cation suivante :

Lemme 4.3 Dans un anneau A (non nécessairement principal), si deux idéaux prin-cipaux (a) et (b) sont co-maximaux, alors (a) ∩ (b) = (ab).

Une inclusion étant triviale, considérons x ∈ (a) ∩ (b), et posons x = as = bt, s,t ∈ A ; écrivons 1 = ua+ vb, u, v ∈ A, ce qui conduit à x = x(ua+ vb) = uax+ vbx,d'où (en remplaçant x par bt, puis par as) x = uabt + vbas = (ut + vs)ab, d'oùx ∈ (ab).

Proposition 4.4 Si les idéaux (a1), . . . , (an) de A sont co-maximaux deux à deux 1,alors

n⋂i=1

(ai) =

(n∏i=1

ai

).

Immédiat par récurrence : si (a1) ∩ . . . ∩ (ak) = (a1 . . . ak), on utilise (cf. chapitre 3,démonstration du corollaire 3.8 page 34) le fait que (a1) ∩ . . . ∩ (ak) = (a1 . . . ak) et(ak+1) sont co-maximaux, auquel cas :(

(a1) ∩ . . . ∩ (ak))∩ (ak+1) = (a1 . . . ak) ∩ (ak+1) = (a1 . . . ak+1).

On peut donc énoncer (cf. chapitre 3, théorème 3.9 page 35) :

Proposition 4.5 (Cas des anneaux principaux) Soit A un anneau principal etsoient a1, . . . , an des éléments de A étrangers deux à deux ; alors on a l'isomorphismecanonique :

A/(a1 . . . an)'−→A/(a1)× · · · × A/(an)

qui à la classe de a ∈ A modulo (a1 . . . an) associe le n-uple des classes de a moduloles (ai), i = 1, . . . , n.

Remarque On a obtenu la stricte généralisation du cas A = Z, traité au chapitre 3(cf. théorème 3.10 page 35), au cas d'un anneau principal A quelconque.

1. ou encore (par le lemme 4.2 page 41), si a1, . . . , an sont étrangers deux à deux, lorsque A estprincipal.

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 43

Corollaire 4.6 (Système de congruences) Toujours si a1, . . . , an sont des élé-ments de A étrangers deux à deux, tout système de congruences de la forme :

x ≡ x1 mod (a1)...

x ≡ xn mod (an),

où x1, . . . , xn sont n éléments arbitraires de A, admet toujours des solutions ; l'ensem-ble de toutes les solutions est donné par

x = x′ + λa1 . . . an, λ ∈ A,

où x′ est une solution particulière arbitraire.

En e�et, l'existence n'est autre que la surjectivité de l'homomorphisme canonique

A/(a1 . . . an)→n∏i=1

A/(ai) ; quant au fait que deux solutions di�èrent d'un multiple

de a1 . . . an, il s'agit de l'injectivité de cet homomorphisme.

Remarque Dans certains cas, la solution particulière x′ pourra être � relativementcanonique �.

Problèmes modulaires Nous appellerons problème modulaire, tout problèmequi est équivalent à la résolution d'un système de congruences de la forme précédente(nous allons en voir plusieurs exemples).

L'essentiel étant de calculer une solution x′, nous allons développer les deuxméthodes qui permettent l'obtention systématique de la solution x′, à partir despropriétés de l'anneau A. Ces méthodes sont :

1. la méthode des idempotents ;

2. la méthode des développements � multi-adiques �.

4.2 Méthode des idempotents

Soient a1, . . . , an, des éléments étrangers deux à deux de A, et soit q l'homomor-phisme canonique A→ A/(a1 . . . an) ; on sait que cet anneau quotient admet un sys-tème de n idempotents orthogonaux qui sont de la forme q(e1), . . . , q(en), e1, . . . , en ∈A, et qui sont les images réciproques, dans l'isomorphisme canonique rappelé dans laproposition 4.5 page 42 (voir également dans le chapitre 3 la proposition 3.3 page 32

et le théorème 3.5 page 32), des éléments(q1(0), . . . , qi(1), . . . , qn(0)

), i = 1, . . . , n,

où l'on désigne comme d'habitude par qi les homomorphismes canoniques A →A/(ai), i = 1, . . . , n.

Utilisons la notation congruentielle : des représentants e1, . . . , en ∈ A des idempo-tents de A/(a1 . . . an) (les q(ei), i = 1, . . . n) sont donc caractérisés par les congruen-ces suivantes dans A :

ei ≡ 0 mod (aj) pour tout j 6= iei ≡ 1 mod (ai)

}i = 1, . . . , n. (4.1)

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44 Anneaux

Il s'agit donc d'un problème modulaire particulier.Fixons i ; les premières congruences équivalent à :

ei ∈⋂j,j 6=i

(aj),

et la proposition 4.4 page 42 implique que ei est de la forme

ei = αi∏j,j 6=i

aj = αia1 . . . ai . . . an, αi ∈ A, (4.2)

où le symbole signi�e l'omission du facteur correspondant. Les secondes congruen-ces conduisent alors à :

αia1 . . . ai . . . an ≡ 1 mod (ai). (4.3)

Or, dans A/(ai), les qi(aj), j 6= i, sont inversibles : en e�et, pour i 6= j, ai et ajsont étrangers par hypothèse, donc (ai) + (aj) = A, et il existe λi, λj ∈ A tels que1 = λiai + λjaj, d'où qi(λj)qi(aj) = qi(1).

La classe qi(a1 . . . ai . . . an) est donc inversible dans A/(ai) (i.e. a1 . . . ai . . . an est� inversible mod ai �), et il existe αi ∈ A tel que l'on ait la congruence écrite (c'estn'importe quel représentant de l'inverse de a1 . . . ai . . . an modulo ai).

Remarques

1. Comme on calcule qi(αi), il en résulte que le représentant αi ∈ A est dé�nimodulo (ai) seulement, ce qui implique que ei = αia1 . . . ai . . . an est bien dé�nimodulo a1 . . . an.

2. La détermination e�ective de αi dépend fortement de la nature de A ; onreviendra sur cette question.

Si l'on dispose de e1, . . . , en, les problèmes modulaires dans A sont immédiats etsystématiques, comme on l'a déjà vu (cf. chapitre 3, démonstration du théorème 3.5page 32) :

Corollaire 4.7 (Solution d'un système de congruences) Soient a1, . . . , an ∈A étrangers deux à deux. Tout x ∈ A véri�ant les congruences simultanées suiv-antes (où x1, . . . , xn sont arbitraires dans A) :{

x ≡ xi mod (ai), i = 1, . . . , n,

est donné par la formule suivante :

x =n∑i=1

xiαia1 . . . ai . . . an + λa1 . . . an, λ ∈ A, (4.4)

où, pour i = 1, . . . , n, αi est inverse de a1 . . . ai . . . an modulo (ai).

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 45

En e�et, puisque q(1) =n∑i=1

q(ei), on a q(x) =n∑i=1

q(x)q(ei) =n∑i=1

q(xei) ; mais

comme x ≡ xi mod (ai), on a xei ≡ xiei mod (aiei), soit xei ≡ xiei mod (a1 . . . an)

d'après l'expression (cf. (4.2) page 44) des ei ; d'où q(x) =n∑i=1

q(xiei), ou encore :

x ≡n∑i=1

xiαia1 . . . ai . . . an mod (a1 . . . an).

4.3 Applications classiques

Elles vont se situer au niveau des quotients des anneaux (principaux) Z et K[X](où K est un corps). Commençons par une situation numérique :

4.3.1 Exemple dans Z/mZDéterminons les idempotents de Z/180Z correspondant à la décomposition :

Z/180Z ' Z/4Z× Z/9Z× Z/5Z.

On résout les congruences suivantes :e1 = α1 × 9× 5 ≡ 1 mod 4e2 = α2 × 4× 5 ≡ 1 mod 9e3 = α3 × 4× 9 ≡ 1 mod 5

soit 45α1 ≡ 1 mod 420α2 ≡ 1 mod 936α3 ≡ 1 mod 5

⇐⇒

α1 ≡ 1 mod 4

2α2 ≡ 1 mod 9α3 ≡ 1 mod 5

⇐⇒

α1 ≡ 1 mod 4α2 ≡ 5 mod 9α3 ≡ 1 mod 5

d'où e1 ≡ 45 mod 180, e2 ≡ 100 mod 180, e3 ≡ 36 mod 180.

Remarques

1. Lorsque l'inverse de b modulo a (dans Z, a et b étrangers) n'est pas évidentnumériquement, on devra rechercher (par l'algorithme d'Euclide dans Z) la� relation de Bézout � 1 = ua + vb qui donne un représentant de cet inversepar le coe�cient v.

2. Le nombre d'idempotents à trouver dans Z/mZ dépend de la décompositionchoisie pour m en facteurs étrangers. Par exemple, ici, on peut également direZ/180Z ' Z/36Z× Z/5Z (36 et 5 sont étrangers) et le système d'idempotentsne comporte alors que 2 éléments q(e′1), q(e

′2). La décomposition la plus � �ne �

correspond au cas où les ai (i = 1, . . . , n) sont les puissances des nombres

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46 Anneaux

premiers qui factorisent m (ici 22, 32, 5). On démontrera, à titre d'exercice,que si q(e1), . . . , q(en) sont les idempotents correspondant à la décomposition la

plus �ne

(Z/mZ =

n∏i=1

Z/prii Z, ri ≥ 1, pi premiers distincts

), alors les autres

systèmes d'idempotents s'obtiennent en e�ectuant les sommes de q(ei) quicorrespondent aux regroupements opérés ; par exemple, ici, Z/36Z × Z/5Zcorrespond au regroupement de Z/4Z et Z/9Z, ce qui fait que (le véri�er) :

e′1 ≡ e1 + e2 ≡ 145 mod 180e′2 ≡ e3 ≡ 36 mod 180

4.3.2 Les polynômes d'interpolation simple

On considère A = K[X], où K est un corps quelconque (commutatif).Soient x1, . . . , xn, n éléments distincts de K, �xés, et soient y1, . . . , yn, n valeurs

arbitraires de K. On cherche les polynômes P de K[X] tels que P (xi) = yi pour touti = 1, . . . , n (polynômes dont le graphe de la fonction polynomiale associée contient(ou passe par) les points (xi, yi), i = 1, . . . , n).

On remarque que la condition P (xi) = yi est équivalente à P ≡ yi mod (X−xi).En e�et, on a, par dé�nition, X ≡ xi mod (X − xi), d'où :

P(

= P (X))≡ P (xi) (= yi) mod (X − xi)

En outre, les X − xi sont étrangers deux à deux (en e�et, on a X − xi− (X − xj) =

xj−xi qui est dans K× pour tout j 6= i ; d'où1

xj − xi(X−xi)−

1

xj − xi(X−xj) = 1

(co-maximalité) et le fait que les xi soient distincts est donc bien une conditionnécessaire et su�sante pour que les X − xi soient étrangers deux à deux). D'oùl'isomorphisme canonique :

K[X]/ (

(X − x1) . . . (X − xn))' K[X]

/(X − x1)× · · · ×K[X]

/(X − xn)

(4.5)qui conduit au résultat suivant :

Théorème 4.8 Soit K un corps et soient x1, . . . , xn des éléments distincts de K.Soient y1, . . . , yn arbitraires dans K. Alors il existe un unique polynôme P ∈ K[X],de degré d ≤ n − 1, tel que P (xi) = yi, pour tout i = 1, . . . , n. Ce polynôme estdonné par

P =n∑i=1

yi∏jj 6=i

X − xjxi − xj

·

Démonstration Ici la formule donnée pour P su�t à prouver l'existence (car ona trivialement P (xi) = yi pour tout i = 1, . . . , n) ; cependant il est intéressant demontrer qu'il s'agit encore d'un problème modulaire 2. En utilisant des notations

2. et qu'on obtient cette formule sans avoir à la deviner.

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 47

semblables à celles utilisées en (4.1) page 43, on doit déterminer des ei ∈ K[X],i = 1, . . . , n, tels que :

ei ≡ 0 mod (X − xj) pour tout j 6= iei ≡ 1 mod (X − xi)

}i = 1, . . . , n

ce qui conduit à (cf. (4.2) page 44) :

ei = λi(X − x1) . . . (X − xi) . . . (X − xn), λi ∈ K[X]

puis la congruence ei ≡ 1 mod (X − xi), qui devient ici, avec X ≡ xi mod (X − xi)(cf. (4.3) page 44) :

λi∏jj 6=i

(xi − xj) ≡ 1 mod (X − xi)

d'où, par exemple λi =1∏

jj 6=i

(xi − xj)(solution de degré minimum 0).

D'où ei =∏jj 6=i

X − xjxi − xj

qui est un représentant de degré minimum (n − 1) pour

tout i (choix canonique ici des ei). Ces représentants canoniques s'appellent aussiles � multiplicateurs de Lagrange � et sont évidemment bien connus en analysenumérique.

Le reste du théorème est alors immédiat, l'unicité de P (de degré ≤ n−1) venant

de (4.4) page 44 qui dit que toute solution P est de la forme P = P0 +Λn∏i=1

(X−xi),

Λ ∈ K[X], où P0 désigne par exemple le polynôme de degré ≤ n − 1 de l'énoncé(le module

n∏i=1

(X − xi) étant de degré n, il faut bien prendre Λ = 0 pour avoir une

solution de degré ≤ n− 1 (unicité donc)).

Nous allons voir maintenant que l'on peut généraliser très facilement la situationprécédente à une situation modulaire plus précise

4.3.3 Polynômes d'interpolation avec conditions aux dérivées

On est seulement obligé de supposer que dans le corps K, n1K = 0 a lieu si etseulement si n = 0 (i.e. K est de � caractéristique � nulle, voir chapitre 5, dé�ni-tion 5.17 page 64).

Exemple Prenons K = F2 (pour lequel 2.1 = 0) et cherchons P tel que l'on ait lesconditions suivantes :

P (0) = 0, P (1) = 0, P ′(0) = P ′′(0) = 1

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48 Anneaux

on a déjà P = X(X − 1)Q, Q ∈ F2[X], d'où P ′ = −Q + X(X − 1)Q′ (car (X2)′ =2X = 0), P ′′ = −Q′ + (−Q′ + X(X − 1)Q′′) = X(X − 1)Q′′ ; d'où P ′′(x) = 0 pourtout x ∈ F2, et une impossibilité à résoudre le problème posé.

Posons maintenant le problème général suivant :Existe-t-il P ∈ K[X] véri�ant les conditions de dérivations suivantes ? (où P (0) =

P , et où P (i) est la i-ème dérivée formelle de P ) :

P (0)(xi) = y0iP (1)(xi) = y1i

...P (νi)(xi) = yνii

i = 1, . . . , n (4.6)

où les νi ≥ 0 sont �xés, les xi étant donnés distincts dans K, et où les y`ii sontdes éléments arbitraires dans K (ils ont été indexés, pour i = 1, . . . , n, par l'indicesupérieur `i, `i = 0, 1, . . . , νi).

Fixons i et, en supposant que l'on a une solution P , considérons le reste Pi de ladivision euclidienne de P par (X − xi)νi+1 :

P = Pi + (X − xi)νi+1Qi, d(Pi) ≤ νi (4.7)

on véri�e par le calcul, et en utilisant (4.6) page 48, que

P (`i)(xi) = P(`i)i (xi) = y`ii

pour tout `i tel que 0 ≤ `i ≤ νi.Or, d'après la formule de Taylor pour les polynômes, il existe un unique polynôme

Pi de degré ≤ νi véri�ant les conditions de dérivations précédentes

P(`i)i (xi) = y`ii , 0 ≤ `i ≤ νi

c'est le polynôme :

Pi = y0i +1

1 !y1i (X − xi) + · · ·+ 1

νi !yνii (X − xi)νi (4.8)

(c'est ici que le choix de la caractéristique 0 s'impose : il faut pouvoir écrire les1

`i !étant entendu qu'il y a là un abus d'écriture :

1

`signi�e, pour tout entier ` > 0,

l'inverse de `.1K dans K×) 3.Le polynôme P véri�e donc les congruences simultanées :

P ≡ Pi mod (X − xi)νi+1 (cf. (4.7) page 48), i = 1, . . . , n (4.9)

où les Pi sont maintenant donnés de façon numériquement explicite via (4.8) page 48 ;il s'agit donc bien d'un problème modulaire que l'on sait résoudre si les (X − xi)νi+1

sont étrangers deux à deux, ce qui est le cas ici puisque les xi sont choisis distincts(le fait que les X−xi soient étrangers deux à deux entraîne cette propriété pour despuissances arbitraires grâce au lemme suivant).

Lemme 4.9 Soient P et Q deux éléments étrangers d'un anneau principal A ; alors,pour tout entier m ≥ 1 et tout entier n ≥ 1, Pm et Qn sont étrangers.

3. La formule (4.8) page 48 montre que l'on peut améliorer l'hypothèse sur la caractéristiquede K ; lorsque celle-ci est non nulle, c'est un nombre premier p (cf. chapitre 5, proposition 5.18page 65) et le problème d'interpolation est possible si νi ≤ p− 1, i = 1, . . . , n.

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 49

Démonstration Par hypothèse, il existe u, v ∈ A tels que uP + vQ = 1 ; on élèveà la puissance m+ n− 1 et on obtient une expression de la forme :

m+n−1∑k=0

SkPkQm+n−1−k = 1

avec Sk ∈ A pour tout k = 0, . . . ,m+ n− 1 ; on en déduit :

Qn

m−1∑k=0

SkPkQm−1−k + Pm

m+n−1∑k=m

SkPk−mQm+n−1−k = 1

c'est-à-dire V Qn + UPm = 1, avec U , V ∈ A (les exposants dans les deux sommessont tous positifs). Donc Pm et Qn sont étrangers. CQFD.

Le problème modulaire posé trouve sa solution dans l'isomorphisme canoniquecorrespondant, à savoir :

K[X]/ n∏

i=1

(X − xi)νi+1 'n∏i=1

K[X]/(X − xi)νi+1 (4.10)

Théorème 4.10 Soit K un corps de caractéristique nulle et soient x1, . . . , xn ∈ Kdonnés distincts. Alors quels que soient les éléments y`ii de K, 0 ≤ `i ≤ νi, νi ≥ 0,donnés pour i = 1, . . . , n, il existe un unique polynôme P ∈ K[X] tel que d(P ) ≤

−1+n∑i=1

(νi+1) et tel que P (`i)(xi) = y`ii , pour tout `i, 0 ≤ `i ≤ νi, et tout i = 1, . . . , n.

4.3.4 Calcul des idempotents

On suit à nouveau (4.1) page 43 : des représentants ei ∈ K[X] sont tels que

ei = Λi

∏jj 6=i

(X − xj)νj+1, Λi ∈ K[X] (cf. (4.2) page 44)

etΛi

∏jj 6=i

(X − xj)νj+1 ≡ 1 mod (X − xi)νi+1 (cf. (4.3) page 44)

On constate que si νi 6= 0, on n'a plus X ≡ xi mod (X − xi)νi+1 (en particulier, Λi

ne sera pas un élément de K). Le calcul de Λi reste cependant accessible facilement :on peut déjà trouver une relation de Bézout

U(X − xi)νi+1 + V∏jj 6=i

(X − xj)νj+1 = 1

dans laquelle le polynôme V donne Λi ; mais on a d'autres possibilités, compte tenude la forme particulière des polynômes, qui sont plus agréables :

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50 Anneaux

Fixons i et posons X − xi = T (évaluation K[X] −→ K[T ], qui à X associeT + xi, et qui ici est un isomorphisme). Notons Λ l'image de Λi dans K[T ], Q cellede∏jj 6=i

(X − xj)νj+1, et posons νi = ν ; on a :

Q =∏jj 6=i

(T + xi − xj)νj+1

et on doit résoudre la congruence :

ΛQ ≡ 1 mod T ν+1 dans K[T ]

Première méthode : On peut inverser modulo T ν+1 chaque facteur T + xi − xjde la façon suivante : on pose xj−xi = u qui est non nul puisque xi 6= xj pouri 6= j ; l'égalité(

1− T

u

)(1 +

T

u+ · · ·+

(T

u

)ν)= 1−

(T

u

)ν+1

conduit à

q(T − u)−1 = q

(−1

u

(1 +

T

u+ · · ·+

(T

u

)ν))dans K[T ]/T ν+1

soit

q(X − xj)−1 = q

(− 1

xj − xi

(1 +

X − xixj − xi

+ · · ·+(X − xixj − xi

)ν))dans K[X]/(X − xi)ν+1

D'où q(Q)−1 en calculant∏jj 6=i

q(X − xj)−(νj+1).

Deuxième méthode : On développe Q sous la forme explicite u0 + · · ·+urTr ; on

a u0 =∏jj 6=i

(xi − xj)νj+1 qui est non nul par hypothèse, et on utilise le résultat

suivant :

Lemme 4.11 Soit P ∈ K[T ] et soit m un entier arbitraire, m ≥ 0. Pourtout polynôme Q dont le terme constant u0 = Q(0) est non nul, il existe S,M ∈ K[T ] tels que :

P = QS +M, M ≡ 0 mod Tm+1

Ceci s'établit par récurrence. L'égalité étant triviale pour m = 0 :

S = −P (0)

Q(0), M = P − P (0)

Q(0)Q

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 51

supposons la établie au niveau `−1 ; écrivons P = QS ′ +M ′, M ′ ≡ 0 mod T `,et posonsM ′ = a`T

`+ · · ·+a`+tT `+t, t ≥ 0. Considérons S = S ′+a`u0T ` ; alors :

P −QS = P −QS ′ −Qa`u0T `

= M ′ − (u0 + · · ·+ urTr)a`u0T `

= a`T` + · · ·+ a`+tT

`+t − a`T ` − (u1T + · · ·+ urTr)a`u0T `

≡ 0 mod T `+1

Remarque Cet algorithme classique est souvent appelé la � division selonles puissances croissantes � de P par Q, mais il ne s'agit pas d'une divisioncomme la division euclidienne. Nous dirons aussi que le polynôme S est ledéveloppement limité formel (ou développement T−adique) à l'ordre m de la

fraction rationnelleP

Q; on peut en e�et écrire :

P

Q= S +

M

Q= S + Tm+1M

Q(avec Q 6≡ 0 mod T )

(égalité dans K(T ), où S, M ′ sont dans K[T ]). Autrement dit, il s'agit d'unanalogue de la � division décimale � 4, si l'on se place dans le cadre de l'anneaudes séries formelles, K[[T ]], dont on peut démontrer qu'il contient tous les

éléments de K(T ) dont le dénominateur est étranger à T ; ici, pourP

Qil existe

une unique série formelle∑i≥0

aiTi, ai ∈ K, égale à

P

Q(= PQ−1, où Q−1 est

alors l'inverse du polynôme Q dans ce nouvel anneau K[[T ]]) que l'on tronqueà partir de Tm+1 pour obtenir S.Dans ce cadre de calculs formels, on perçoit assez facilement la similitudeavec le cas de l'algorithme d'approximation décimale d'un rationnel < 1 (par

exemple, on a219

627= 0, 34928 . . .) qui est lui-même une série de la forme∑

i≥0

δi(10−1

)i, δi ∈ {0, 1, . . . , 9} (convergente pour la métrique usuelle), la

� convergence � dans le cas de K[[T ]] ayant un sens dans le cadre de la � topolo-gie T−adique �, facile à dé�nir, et pour laquelle K[[T ]] n'est autre que lecomplété de K[T ] 5. Ceci résout notre problème car alors Λ n'est autre que le

développement limité formel de1

Qà l'ordre ν.

Exemple Résoudre la congruence :

Λ(T 3 − 2T + 1

)≡ 1 mod T 4

4. digressions qu'il n'est pas demandé d'approfondir !5. comme R est le complété de Q pour la métrique usuelle.

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52 Anneaux

On utilise la disposition habituelle :

1 1− 2T + T 3

−1 + 2T − T 3 1 + 2T + 4T 2 + 7T 3 = Λ

2T − T 3

− 2T + 4T 2

4T 2 − T 3

− 4T 2 + 8T 3

7T 3

− 7T 3

0

(on cherche à éliminer à chaque étape, le monôme de plus petit degré ; on omet lestermes en T i, i ≥ 4, car la valeur exacte de M n'est pas nécessaire).

On aurait pu également écrire (dans K[[T ]]) :

1

1− 2T + T 3=

1

1− (2T − T 3)= 1 + (2T − T 3) + (2T − T 3)2 + (2T − T 3)3 + · · ·≡ 1 + 2T − T 3 + 4T 2 + 8T 3 mod T 4

≡ 1 + 2T + 4T 2 + 7T 3 mod T 4,

puisque le développement formel de1

1−Xest bien connu.

4.4 Calculs par développements multi-adiques

L'inconvénient majeur de tout calcul modulaire, via le calcul d'un système fonda-mental d'idempotents, est que si l'on souhaite passer du produit A/(a1)×· · ·×A/(an)au produit A/(a1)×· · ·×A/(am),m > n (toujours en supposant tous les ai étrangersdeux à deux) on doit recommencer tous les calculs d'idempotents. On peut déjà direque le calcul modulaire par les idempotents est à envisager lorsque l'on a plusieursproblèmes à résoudre avec le même système de ai, i = 1, . . . , n ; par exemple sil'on doit résoudre des systèmes de congruences de la forme

x ≡ xi mod (ai), i = 1, . . . , n

pour un grand nombre de données (xi)i, puisqu'alors on aura seulement à calculern∑i=1

xiei modn∏i=1

ai.

En revanche, si on a un problème modulaire susceptible d'évoluer quant au nom-bre d'idéaux (ai) (par exemple si l'on veut rajouter des points d'interpolation a�nd'obtenir un polynôme d'interpolation plus précis), on utilisera la méthode que nousallons décrire maintenant.

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 53

4.4.1 Développements multi-adiques

Soit A un anneau principal, et soit à résoudre le système de congruences simul-tanées : (

Sn

) {x ≡ xi mod (ai), i = 1, . . . , n

où les ai ∈ A sont étrangers deux à deux, et les xi ∈ A arbitraires.Considérons, pour 1 ≤ k < n, le système partiel :(

Sk

) {x ≡ xi mod (ai), i = 1, . . . , k

D'après le corollaire 4.6 page 43, la solution générale de (Sk) est donnée par

x = uk + λka1 . . . ak, λk arbitraire dans A

où uk est une solution particulière de (Sk).L'idée est alors de montrer, par induction, que l'on peut déduire uk+1 (donc la

solution générale de (Sk+1)) de uk et des données supplémentaires xk+1, ak+1, le cask = 1 étant trivial (x = u1 + λ1a1, avec u1 = x1).

On a alors les équivalences suivantes :

{x est solution de (Sk+1) ⇐⇒

{x est solution de (Sk)x ≡ xk+1 mod (ak+1)

⇐⇒{x = uk + λka1 . . . ak, λk ∈ Ax ≡ xk+1 mod (ak+1)

⇐⇒{x = uk + λka1 . . . ak, λk ∈ Aλka1 . . . ak ≡ xk+1 − uk mod (ak+1)

⇐⇒{x = uk + λka1 . . . ak,λk = αk(xk+1 − uk) + λk+1ak+1, λk+1 ∈ A

(où αk est un inverse arbitraire de a1 . . . ak modulo ak+1).On a donc obtenu l'équivalence suivante :

x est solution de (Sk+1)m

x = uk + αka1 . . . ak(xk+1 − uk) + λk+1a1 . . . akak+1

λk+1 arbitraire dans A ; il su�t alors de prendre

uk+1 ≡ uk + αka1 . . . ak(xk+1 − uk) mod a1 . . . akak+1

En pratique, il su�t donc de traiter les congruences au fur et à mesure, à condition, àchaque étape (i.e. à chaque k), de bien écrire la solution générale correspondante.

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54 Anneaux

4.4.2 Exemples

1. Résoudre le système de congruences suivant dans Z :x ≡ 1 mod 4x ≡ −1 mod 9x ≡ 3 mod 5

On écrit donc x = 1 + 4λ1, λ1 ∈ Z, puis 1 + 4λ1 ≡ −1 mod 9, soit :

4λ1 ≡ −2 mod 9

Un représentant de q9(4)−1 est 7, d'où λ1 ≡ −2 × 7 ≡ 4 mod 9, et on écritλ1 = 4 + 9λ2, d'où x = 1 + 16 + 36λ2 = 17 + 36λ2. La dernière congruenceconduit à 17 + 36λ2 ≡ 3 mod 5, ou encore 2 + λ2 ≡ 3 mod 5, soit :

λ2 ≡ 1 mod 5

En posant λ2 = 1 + 5λ, on obtient �nalement x = 53 + 180λ, λ arbitrairedans Z.

Remarque Avec les idempotents calculés en 4.3.1 page 45, on aurait à écrire :

x ≡ 1× e1 − 1× e2 + 3× e3 ≡ 45− 100 + 108 ≡ 53 mod 180

2. Pour les polynômes d'interpolation, la méthode est également très e�cace :Trouver le polynôme P de R[X], de degré minimum, tel que :

P (−1) = 1, P ′(−1) = 0, P ′′(−1) = 2P (0) = 2,P (1) = −1, P ′(1) = 0

Ce problème modulaire est relatif aux ai suivants (qui sont étrangers) (cf. théo-rème 4.10 page 49) :

a1 = (X + 1)3, a2 = X, a3 = (X − 1)2

et équivalent au système de congruences suivant (cf. (4.8) page 48) :P ≡ 1 + 0× (X + 1) + 2

(X + 1)2

2mod (X + 1)3

P ≡ 2 mod XP ≡ −1 + 0× (X − 1) mod (X − 1)2

Posons P = 1 + (X + 1)2 + Λ1(X + 1)3, Λ1 ∈ R[X] ; on a à résoudre :

Λ1(X + 1)3 + 1 + (X + 1)2 ≡ 2 mod X ⇐⇒ Λ1 + 2 ≡ 2 mod X

(car X + 1 ≡ 1 mod X)

⇐⇒ Λ1 ≡ 0 mod X

⇐⇒ Λ1 = XΛ2

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Méthodes modulaires dans les anneaux principaux. 55

d'où :P = 1 + (X + 1)2 + Λ2X(X + 1)3, Λ2 ∈ R[X]

La congruence P ≡ −1 mod (X − 1)2 conduit à :

Λ2X(X + 1)3 ≡ −2− (X + 1)2 mod (X − 1)2

Posons T = X − 1 ; on obtient :

Λ2(1 + T )(2 + T )3 ≡ −2− (2 + T )2 mod T 2, soit

Λ2(1 + T )(8 + 12T ) ≡ −2− (4 + 4T ) ≡ −6− 4T mod T 2

Λ2(8 + 20T ) ≡ −6− 4T mod T 2

(noter les calculs du type � développements limités �). On calcule alors le

développement limité formel de−6− 4T

8 + 20Tmodulo T 2 :

−6 − 4T 8 + 20T

6 + 15T −3

4+

11

8T

11T

− 11T + · · ·

0 + · · ·

d'où Λ2 ≡ −3

4+

11

8T mod T 2 ; en réexprimant Λ2 dans R[X], il vient :

Λ2 ≡ −3

4+

11

8(X − 1)

≡ −3

4− 11

8+

11

8X

≡ −17

8+

11

8X mod (X − 1)2

d'où

P ≡ 1 + (X + 1)2− 17

8X(X + 1)3 +

11

8X2(X + 1)3 mod

((X + 1)3X(X − 1)2

)soit �nalement :

P =1

8(16−X − 32X2 − 18X3 + 16X4 + 11X5)

Fin du quatrième chapitre

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56 Anneaux

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Chapitre 5

Anneaux commutatifs intègres.

Caractéristique d'un anneau

Nous revenons à des considérations générales sur les anneaux commutatifs quis'inscrivent essentiellement dans la suite du chapitre 2, et qui visent les objectifssuivants : montrer qu'un anneau intègre peut être vu comme un sous-anneau d'uncorps, classi�er les anneaux en fonction de leur � caractéristique �.

5.1 Diviseurs de 0, intégrité (rappels)

Dé�nition 5.1 (Diviseur de 0) Soit A un anneau commutatif. Soit x ∈ A ; ondit que x est un diviseur de 0 s'il est non nul et s'il existe y ∈ A, y 6= 0, tel quexy = 0.

Dé�nition 5.2 (Anneau intègre) On dit que A est un anneau intègre si on a1 6= 0 (i.e. A 6= {0}) et si A est sans diviseurs de 0 (cf. chapitre 2, dé�nition 2.4page 17).

Proposition 5.3 Soit A un anneau commutatif intègre et soit a un idéal principal,a 6= (0). Alors a = Aa = Ab équivaut à b = ua, u ∈ A×.

Démonstration Si Aa = Ab, alors b = ua, u ∈ A, et de même, a = vb, v ∈ A ;donc a = vua, et (1− vu)a = 0 ; comme a 6= (0), on a a 6= 0 donc, comme il ne peuty avoir dans A de diviseurs de 0, il vient 1− vu = 0, et u ∈ A×.

5.2 Construction du corps des fractions d'un an-neau intègre

5.2.1 Construction

Soit A un anneau commutatif intègre ; on pose S = A− {0} et on remarque queS a les propriétés suivantes :

57

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58 Anneaux

1. pour tout x, y ∈ S, xy ∈ S (en e�et, xy = 0 entraînerait, par intégrité, x = 0ou y = 0, ce qui n'est pas)

2. 1 ∈ S (car 1 6= 0 par hypothèse)

3. 0 /∈ SDe telles parties véri�ant 1, 2, 3 sont dites des parties multiplicatives de l'anneau,ou encore multiplicativement stables.

Sur le produit cartésien A×S on dé�nit la relation suivante (a, b ∈ A, s, t ∈ S) :

(a, s) ∼ (b, t) si et seulement si at− bs = 0 dans A

Lemme 5.4 (Relation d'équivalence sur A× S) Cette relation binaire est unerelation d'équivalence sur A× S.

� On a (a, s) ∼ (a, s) car as− as = 0.� Si (a, s) ∼ (b, t), on a at− bs = 0 soit bs− at = 0 qui traduit (b, t) ∼ (a, s).� Si (a, s) ∼ (b, t) et si (b, t) ∼ (c, u), on a donc at− bs = 0 et bu− ct = 0 d'oùatu − bus = 0 et bsu − cts = 0, ce qui donne, en ajoutant, atu − cts = 0 ;comme t ∈ S, t 6= 0, et A étant intègre, on a au− cs = 0, d'où (a, s) ∼ (c, u).

On appelle KA l'ensemble des classes de A× S modulo cette relation d'équivalence(KA = (A × S)/R, si R désigne cette relation). On note la classe de (a, s) par

a

s(a ∈ A, s ∈ S).

Remarque On reconnaît la notation fractionnaire : on a donca

s=b

tsi et seule-

ment si at− bs = 0 (pour a, b ∈ A, s, t ∈ S).On va dé�nir sur KA une structure d'anneau :

Dé�nition 5.5 (Addition) On posea

s+b

t=at+ bs

stpour tout

a

setb

t∈ KA.

Lemme 5.6 (Addition sur KA) Cette dé�nition a un sens et dé�nit une loi decomposition sur KA.

Elle a un sens car st ∈ S (propriété 1 de S). Montrons alors que la dé�nition ne

dépend pas du choix des représentants des classes : sia′

s′=

a

set

b′

t′=

b

ton doit

montrer quea′t′ + b′s′

s′t′est la même classe que

at+ bs

st(sachant que a′s− as′ = 0 et

b′t− bt′ = 0).Calculons :

(a′t′ + b′s′)st− (at+ bs)s′t′ = a′stt′ + b′tss′ − as′tt′ − bt′ss′

= (a′s− as′)tt′ + (b′t− bt′)ss′

= 0

ce qui donne l'égalité des deux classes.

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Anneaux commutatifs intègres. Caractéristique d'un anneau. 59

Dé�nition 5.7 (Multiplication) On posea

s

b

t=ab

stpour tout

a

setb

t∈ KA.

Lemme 5.8 (Multiplication sur KA) Cette dé�nition a un sens et dé�nit uneloi de composition sur KA.

Comme précédemment et avec les mêmes notations auxiliaires, on doit calculer :a′b′st− abs′t′ = b′tas′ − abs′t′ = as′(b′t− bt′) = 0.

Théorème 5.9 (Corps KA) Muni de ces deux lois de composition, KA est uncorps (commutatif) contenant un sous-anneau canoniquement isomorphe à A.

1. Étude de l'addition

(a

s

b

t

c

u∈ KA

):

Associativité : (a

s+b

t

)+c

u=

at+ bs

st+c

u

=(at+ bs)u+ cst

stu

=atu+ bsu+ cst

stu

=a(tu) + (bu+ ct)s

s(tu)

=a

s+

(b

t+c

u

)

Commutativité : Évidente.

Neutre : Le neutre est0

1car

a

s+

0

1=a+ 0s

s1=a

s(ici on utilise le fait que

1 ∈ S, mais ce n'est pas crucial car0

s=

0

1pour tout s ∈ S).

Opposé : L'opposé dea

sest−as

cara

s+−as

=as− ass2

=0

s2=

0

1· On note

comme d'habitude l'opposé par −a

2. Étude de la multiplication :

Associativité : Évidente.

Commutativité : Évidente.

Unité : L'unité est1

1car

a

s

1

1=a

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60 Anneaux

Distributivité :

a

s

(b

t+c

u

)=

a

s

(bu+ ct

tu

)=

abu+ act

stua

s

b

t+a

s

c

u=

absu+ acst

s2tu

=s(abu+ act)

sstu

=abu+ act

stu(par dé�nition)

3. Étude des éléments inversibles de KA :

Sia

s6= 0

1c'est que a1−s0 6= 0, soit a 6= 0 ; donc a ∈ S, s

a∈ KA, et on remarque

quea

s

s

a=

1

1; KA est bien un corps commutatif

(remarquer que

1

16= 0

1

4. Existence d'un sous-anneau de KA isomorphe à A :

Considérons l'application h : A→ KA dé�nie par h(a) =a

On a h(a+ b) =a+ b

1=a

1+b

1h(ab) =

ab

1=a

1

b

1et h(1) =

1

1· Donc h est un

homomorphisme d'anneaux ; calculons son noyau : si h(a) =0

1alors

a

1=

0

1,

soit a = 0. Si on pose A′ ={a

1, a ∈ A

}, on vient de prouver l'isomorphisme

A ' A′ (A′ étant l'image de h, c'est un sous-anneau de KA).

5.2.2 Conséquences

On � identi�e � en pratique A′ et A en notant a les éléments de la formea

1; de

cette façon � A ⊆ KA �, et un élément quelconquea

sde KA s'écrit

a

1

1

ssoit

a

1

(s1

)−1que l'on peut écrire as−1 en vertu de l'identi�cation faite.

On peut dire que dans le corps KA, tous les éléments de A−{0} y sont inversibles(dans KA et non dans A !). On appelle KA le corps des fractions de l'anneau intègreA.

Exemples Le corps des fractions de Z, noté Q, est le corps des rationnels, celuide K[X] (où K est un corps), noté K(X), est le corps des fractions rationnelles enune indéterminée.

Remarque Tout anneau intègre peut donc être considéré comme inclus dans uncorps (en fait comme sous-anneau d'un corps), et de ce fait calculer dans un anneauintègre revient à calculer dans un corps d'une certaine manière.

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Anneaux commutatifs intègres. Caractéristique d'un anneau. 61

Théorème 5.10 (Prolongement d'un homomorphisme à KA) Soient A et Bdes anneaux (commutatifs) ; on suppose A intègre. Soit h un homomorphisme de Adans B ; on suppose que h(S) ⊂ B× (S = A − {0}). Alors il existe un uniquehomomorphisme h de KA dans B qui prolonge h.

Démonstration On dé�nit h par h(as

)= h(a)h(s)−1 ; on véri�e que ceci a un

sens : sia

s=b

talors at − bs = 0 et h(a)h(t) = h(b)h(s), mais par hypothèse h(s),

h(t) ∈ B×, donc h(a)h(s)−1 = h(b)h(t)−1, d'où h(as

)= h

(b

t

)· On a :

h

(a

s+b

t

)= h

(at+ bs

st

)= h(at+ bs)h(st)−1

= h(at)h(s)−1h(t)−1 + h(bs)h(s)−1h(t)−1

= h(a)h(s)−1 + h(b)h(t)−1

= h(as

)+ h

(b

t

)h

(a

s

b

t

)= h

(ab

st

)= h(ab)h(st)−1 (car st ∈ S)= h(a)h(b)h(s)−1h(t)−1

= h(as

)h

(b

t

)

En�n h

(1

1

)= h(1) = 1B.

Donc h est un homomorphisme : il prolonge bien h, car h(a) = h(a

1

)= h(a)

pour tout a ∈ A.L'unicité de h résulte du fait que

a

s= as−1 dans KA et que tout homomorphisme

prolongeant h prend la valeur h(a)h(s)−1 sura

s∈ KA.

Corollaire 5.11 (Prolongement d'un homomorphisme injectif à KA) Si Aest intègre, si L est un corps, alors tout homomorphisme injectif h de A dans L seprolonge de façon unique en un homomorphisme injectif de KA dans L.

5.3 Étude des anneaux principaux

On dit qu'un anneau commutatif est un anneau principal s'il est intègre et sitous ses idéaux sont principaux.

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62 Anneaux

Exemples L'anneau Z et tous les anneaux K[X] pour tout corps K.Le résultat suivant est extrêmement important en pratique :

Théorème 5.12 Soit A un anneau principal. Alors tout idéal premier non nul deA est maximal.

Démonstration Remarque préliminaire : Si A est un corps (qui est évidemmentun anneau principal) il n'existe pas d'idéaux premiers p 6= (0) ; dans ce cas, (0)est d'ailleurs premier et maximal (et c'est le seul cas car si A n'est pas un corps,(0) est premier, parce que A est intègre, mais non maximal). L'énoncé n'est doncintéressant que si l'anneau principal A n'est pas un corps.

Soit p premier, p 6= (0) ; on a donc p 6= A. Soit alors a un idéal tel que p $ a ⊆ A ;on va prouver que a = A. Posons p = Ax, a = Ay, x, y ∈ A ; comme p ⊆ a, on ax = uy, u ∈ A ; mais p étant premier, y ou u est dans p, et comme, par hypothèse,p $ a, y /∈ p (sinon on aurait a = p) ; on a donc u ∈ p, soit u = vx, v ∈ A, d'oùx = vxy et x(1 − vy) = 0 ; comme A est intègre, on a x = 0 ou vy = 1 ; or x = 0entraîne p = (0) qui est exclu, d'où vy = 1, soit y ∈ A×, et a = A.

Proposition 5.13 (Idéal premier de Z) Dans Z, un idéal premier non nul estde la forme pZ, p étant un nombre premier (p ∈ {2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, . . .}).

Démonstration Soit p un idéal premier 6= (0) de Z ; comme Z est principal,p = nZ, n ∈ N, et n 6= 0, 1 (car p 6= (0) et p 6= Z). Si n n'est pas premier, on peutécrire n = n′n′′, n′ > 1, n′′ > 1, et dans Z/nZ, on aurait n′ n′′ = 0, soit, par exemple,

n′ = 0 (intégrité), d'où n′ multiple de n, ce qui est absurde puisque n′ =n

n′′< n.

Donc n est un nombre premier. On sait alors que pZ (p premier) est un idéal premierpuisqu'on sait que Z/pZ est un corps (pZ est bien maximal).

Corollaire 5.14 (Caractérisation de Z/nZ corps) Pour que Z/nZ, n ≥ 0, soitun corps, il faut et il su�t que n soit un nombre premier.

Pour que Z/nZ soit intègre, il faut et il su�t que n soit ou bien nul ou bien premier(autrement dit, tous les Z/nZ intègres sont des corps sauf pour n = 0 où Z/nZ ' Zqui n'est pas un corps).

Les corps Z/pZ, p premier, sont notés Fp : ce sont des corps �nis à p éléments.

Remarque Disons à titre de complément que pour tout n ≥ 1, et pour toutpremier p, il existe un corps �ni à pn éléments (admis) ; deux corps �nis à pn élémentssont isomorphes. Ceci justi�e le fait que les corps �nis soient notés Fpn , p premier,n ∈ N − {0}. De ce fait, on s'interdira la notation Fn pour Z/nZ, n non premier,puisque dans ce cas Z/nZ n'est pas un corps (et F est l'initiale de � �eld �). Cesaspects sont traités dans le cours � Corps � (Master 1).

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Anneaux commutatifs intègres. Caractéristique d'un anneau. 63

5.4 Les nombres transcendants et algébriques

Soit L un corps, et soit K un sous-corps de L. Soit α ∈ L et soit hα : K[X]→ Ll'homomorphisme d'évaluation en α. Soit a = Ker(hα) ; on a donc, par factorisation,K[X]/a ' Im(hα) qui est un sous-anneau de L, donc intègre ; il en résulte queK[X]/a est intègre, donc que a est un idéal premier de K[X]. Soit Pα un polynômeengendrant a (K[X] étant principal) ; comme K[X] est lui-même intègre, deux casse présentent :

1. ou bien (Pα) = (0)

2. ou bien (Pα 6= (0) (et (Pα) est un idéal maximal de K[X])

Dé�nition 5.15 Dans le cas (Pα) = (0), on dit que α ∈ L est transcendant sur K.Dans le cas (Pα) 6= (0), on dit que α ∈ L est algébrique sur K.

Exemples Les nombres complexes√

2, i sont algébriques sur Q . On démontreque les nombres e et π ne sont pas algébriques sur Q (leur transcendance fut trèsdi�cile à prouver : celle de e par Hermite en 1873, celle de π par Lindemann en1882).

On démontre facilement que l'ensemble des nombres complexes algébriques surQ est dénombrable et que son complémentaire dans C (i.e. l'ensemble des nombrestranscendants) est non dénombrable (résultat de Cantor). On démontre que l'ensem-ble des nombres complexes algébriques (sur Q) constitue un sous-corps de C. Toutceci est largement développé dans le cours � Corps �.

5.5 Caractéristique d'un anneau

5.5.1 Cas général

Proposition 5.16 (Homomorphisme caractéristique) Soit A un anneau (onpeut même se dispenser ici de la commutativité). Il existe un et un seul homomor-phisme d'anneaux unitaires de Z dans A. Cet homomorphisme s'appelle l'homomor-phisme caractéristique.

h : Z −→ A

n 7−→ n1A =

1A + 1A + · · ·+ 1A; n fois si n > 0

0A; si n = 0−1A + (−1A) + · · ·+ (−1A); −n fois si n < 0

Démonstration On dé�nit h par une double récurrence en posant h(0) = 0A,puis h(n + 1) = h(n) + 1A pour n > 0 ; et h(n) = h(n + 1) + (−1A) pour n < 0. On obtient bien ainsi h(1) = 1A, h(2) = 1A + 1A, . . . et aussi h(−1) = −1A,h(−2) = −1A + (−1A), . . . Cela donne l'existence de l'application h : Z −→ A,telle que décrite dans l'énoncé. On doit véri�er que h est un morphisme d'anneauxunitaire et que c'est le seul de Z dans A.

Par construction h(1) = 1A. Soient m,n ∈ Z. Pour démontrer h(m + n) =h(m) + h(n), comme les additions dans Z et dans A sont commutatives, il su�t

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64 Anneaux

de considérer le cas n ≥ 0 et le cas m < 0 et n < 0. Pour n ≥ 0 on procède parrécurrence sur n. L'initialisation à n = 0 étant immédiate on traite l'hérédité. Onsuppose démontré pour un certain k ≥ 0 l'égalité h(m + k) = h(m) + h(k). Alorson a h(m + k + 1) = h(m + k) + 1A par construction de h, et donc par récurrenceh(m+k+1) = h(m)+h(k)+1A = h(m)+h(k+1) de nouveau par construction de h.Cela démontre l'égalité h(m+ n) = h(m) + h(n) pour n ≥ 0. Le cas m < 0 et n < 0se traite de façon similaire, par récurrence sur −n. On peut déduire de l'additivitéde h, ou bien de sa dé�nition par récurrence, l'égalité h(−m) = −h(m). En e�et onh(−m) + h(m) = h(−m + m) = h(0) = 0A et donc h(−m) + h(m) + (−h(m)) =h(−m). Pour démontrer l'égalité h(mn) = h(m)h(n), on distingue les cas m ≥ 0et m < 0. Lorsque m = 0 on a h(mn) = h(0) = 0A = 0Ah(n) = h(m)h(n). Pourm > 0 on procède par récurrence sur m l'hérédité s'obtenant avec h((k + 1)n) =h(kn + n) = h(kn) + h(n) = h(k)h(n) + h(n) par l'hypothèse de récurrence aurang k ; puis h((k + 1)n) = (h(k) + 1A)h(n) par distributivité dans A et comme parconstruction h(k) + 1A = h(k+ 1) on obtient bien l'hypothèse de récurrence au rangk+ 1. Pour m < 0 on procède aussi par récurrence sur −m. L'initialisation s'obtientavec le cas m = 0. Ensuite si on suppose l'hypothèse de récurrence pour un certaink ≤ 0 alors au rang k − 1 on a h((k − 1)n) = h(kn − n) = h(kn) + (h(−n)) =h(kn) − h(n) par additivité de h. Par l'hypothèse au rang k on obtient ensuiteh((k − 1)n) = h(k)h(n) + (−1A)h(n) = (h(k) + (−1A))h(n) par distributivité dansA. Par construction h(k − 1) = h(k) + (−1A) et on a bien établi l'hypothèse derécurrence au rang k − 1.

Cela démontre que h est bien un homomorphisme d'anneaux unitaires h : Z −→A.

Pour l'unicité si f est un homomorphisme d'anneaux unitaires f : Z −→ A, alorsla dé�nition des homomorphismes impose f(1) = 1A = h(1). L'additivité de f su�tensuite à démontrer par récurrence sur n l'égalité h(n) = f(n) pour n ≥ 0. Ensuiteon a vu que si n < 0 alors f(n) = −f(−n) = −h− (−n) = h(n) par additivité de fet h. .

Soit c = Ker(h) ; on a donc c = cZ, c ≥ 0, et l'anneau Z/cZ est canoniquementisomorphe à l'image de h qui est aussi le plus petit sous-anneau de A. On remarqueque si A 6= {0}, alors 1 /∈ c et de ce fait c 6= 1.

Dé�nition 5.17 (Caractéristique d'un anneau) Le nombre c ainsi déterminés'appelle la caractéristique de A. Pour la détermination pratique de c on utilise lacaractérisation suivante :

1. Si {n ∈ N, n1A = 0} = {0} alors c = 0.

2. Si {n ∈ N, n > 0, n1A = 0} 6= ∅ alors c = min{n ∈ N, n > 0, n1A = 0}.En théorie des groupe cet entier c, si il est non nul, s'appelle aussi l'ordre additifde 1A ; et on dit que 1A est d'ordre in�ni si c = 0.

Remarque Pour l'existence et l'unicité de l'homomorphisme caractéristique h,on utilise seulement que h est un morphisme de groupes additifs véri�ant h(1) =1A. Plus généralement, étant donné un groupe G et g ∈ G, on peut dé�nir ensuivant exactement cette démarche la fonction � puissance de g � qui est l'unique

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Anneaux commutatifs intègres. Caractéristique d'un anneau. 65

homomorphisme de groupe f : Z −→ G tel que f(1) = g (le cas particulier étudié iciest G = A et g = 1A). On démontre aussi que tous les homomorphismes de groupespartant de Z s'obtiennent ainsi. Comme on va le voir l'anneau Z est universel, ausens où le plus petit sous-anneau de tout anneaux est un quotient de Z. Mais enréalité le groupe additif Z lui-même est universel et permet de décrire par produitset quotients tous les groupes commutatifs (qui doivent se comprendre comme desZ-modules). Ces points seront sûrement développés dans le cours � Groupes � dela licence et aussi � Modules sur les anneaux principaux � du master.

Considérons les anneaux Z/0Z ' Z, Z/1Z = {0}, Z/2Z, . . ., Z/nZ, . . . Danschacun d'eux, l'unité 1A est respectivement d'ordre in�ni, 1, 2, . . ., n, . . . Il enrésulte que pour un anneau A, il existe un unique sous-anneau de A isomorphe àl'un des anneaux ci-dessus ; cet unique sous-anneau A1 = Im(h) de A s'appelle lesous-anneau premier de A (ici premier est à prendre au sens de relation d'ordre, carc'est le plus petit : véri�er que A1 est égal à l'intersection des sous-anneaux de A).

5.5.2 Cas des anneaux intègres et des corps

Proposition 5.18 (Caractéristique d'un anneau intègre) Si A est un anneauintègre, sa caractéristique est soit 0 soit un nombre premier p. En conséquence, Acontient un sous-anneau canoniquement isomorphe à Z (si c = 0) ou à Z/pZ (sic = p premier).

Démonstration Si A est intègre, tout sous-anneau de A est aussi intègre, doncle sous-anneau Im(h) engendré par 1A, est intègre, et on sait que Im(h) ' Z/cZ ; orles seuls Z/cZ intègres sont Z (c = 0) et Z/pZ (c = p premier).

Corollaire 5.19 (Corps) Si L est un corps, L contient un sous-corps canonique-ment isomorphe soit à Q soit à Fp (p premier).

En e�et, si c = 0, d'après le corollaire 5.11 page 61, l'injection Z → L se prolongeen un unique homomorphisme injectif de KZ = Q dans L.

Dé�nition 5.20 (Sous-corps premier) L'unique sous-corps d'un corps L, iso-morphe à l'un des corps Q ou Fp (p premier), s'appelle le sous-corps premierdu corps L.

Remarques Si A est un anneau intègre de caractéristique nulle, alors A contientZ mais ne contient pas Q en général (pour le savoir, appliquer le théorème de pro-longement 5.10 page 61, autrement dit, voir si Z − {0} est contenu dans A×). Parexemple Z lui-même ; en revanche, Q[X] contient Q mais n'est pas un corps.

5.5.3 Caractéristique d'un produit d'anneaux

SoientA1, . . . , An des anneaux de caractéristiques respectives c1, . . . , cn. On dé�nitA par A = A1 × · · · × An et on note 1A = (1A1 , . . . , 1An) l'unité de l'anneau produitA.

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66 Anneaux

Proposition 5.21 (Caractéristique d'un produit d'anneaux) Si l'un des an-neaux Ai est de caractéristique 0, l'anneau A est de caractéristique 0. Si les ci sonttoutes non nulles, alors la caractéristique de A est égale à ppcm

i=1,...,n(ci)

1.

Démonstration On calcule λ1A = λ(1A1 , . . . , 1An) = (λ1A1 , . . . , λ1An), pour λ ∈N, qui est égal à (0, . . . , 0) si et seulement si λ1A1 = 0 pour tout i = 1, . . . , n. Sipour au moins un j, 1 ≤ j ≤ n, Aj est de caractéristique 0, on a donc λ1Aj

= 0si et seulement si λ = 0, et A est de caractéristique 0 (1Aj

est d'ordre in�ni dans(Aj,+)). Si tous les Ai sont de caractéristique non nulle, λ1A = 0 si et seulement siλ est multiple de ci pour i = 1, . . . , n. D'où le résultat.

Fin du cinquième chapitre

1. En fait, comme on a en réalité ppcm(a, 0) = 0 pour tout a ∈ Z (voir chapitre 6, remarquepage 70), la formule vaut en général.

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Chapitre 6

Divisibilité dans les anneaux

intègres. Anneaux factoriels

C'est le chapitre fondamental qui aborde l'arithmétique proprement dite.Dans tout le chapitre, on suppose que A est un anneau commutatif intègre dont

l'élément unité est noté 1.

6.1 Dé�nitions et notations

Dé�nition 6.1 (Divisibilité) Dans A on dit que b divise a (ce que l'on note b | a),s'il existe c ∈ A tel que a = bc. On remarque que b | a si et seulement si Aa ⊆ Ab .Par exemple 0 | 0.

Dé�nition 6.2 (Irréductibilité) Cette notion concerne les éléments de A−A× :on dit que a ∈ A−A× est irréductible si toute relation de la forme a = bc, b, c ∈ A,implique nécessairement b ∈ A× ou c ∈ A× (remarquer que l'on peut toujours écrirea = a × 1, ou même a = (au−1)u, pour tout u ∈ A×, mais ces décompositions sontsans intérêt du point de vue de la factorisation de a dans A). On dira qu'un élémenta ∈ A − A× est réductible s'il n'est pas irréductible, soit s'il existe b et c ∈ A − A×(i.e. b et c non inversibles) tels que a = bc. On remarquera que 0 est réductible.

Remarques

1. Par dé�nition, tout élément b de A divise 0 ; cependant b n'est pas un � diviseurde zéro � au sens de la section 5.1 du chapitre 5 (simple facétie de vocabulaire).

Si l'on prend l'inclusion des idéaux(

(a) ⊆ (b))comme dé�nition de la divisi-

bilité (b | a), on voit que le cas a = b = 0 n'a rien de pathologique.

2. En ce qui concerne l'irréductibilité, elle est souvent énoncée sur A (ou surA − {0}), ce qui conduit alors à l'énoncé suivant : � un élément a ∈ A (ouA − {0}) est dit irréductible s'il est non inversible et si la relation a = bc, b,c ∈ A, implique b ∈ A× ou c ∈ A× �.

Ceci ne change pas le résultat (l'ensemble des éléments irréductibles est lemême dans les deux cas), cependant cela change la façon de voir la négation

67

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68 Anneaux

d'irréductible : en e�et, dire que a ∈ A (ou A − {0}) n'est pas irréductibleéquivaut à :

a ∈ A× ou (il existe b, c ∈ A− A× tels que a = bc)⇐⇒

a ∈ A× ou (a ∈ A− A× est réductible)

Autrement dit, la négation de � irréductible dans A (ou A − {0}) � n'est pas� réductible � au sens de la dé�nition 6.2. Simple question de logique. Onpréférera la dé�nition 6.2 qui répartit en fait les éléments de A selon troissous-ensembles disjoints :Le sous-ensemble A×, qui contient au moins 1 ; le sous-ensemble des élémentsréductibles, qui contient au moins 0 ; et le sous-ensemble des éléments irré-ductibles (qui est vide si A est un corps).

3. Les dé�nitions concernant la divisibilité et l'irréductibilité restent valablesmême si A n'est pas intègre, mais pas celles qui suivront.

Dé�nition 6.3 (Association) On dit que deux éléments a, b ∈ A sont associéss'il existe u ∈ A× tel que a = bu.

Dé�nition 6.4 (Factorialité) On dit que A (commutatif intègre) est factoriellorsque la propriété suivante est véri�ée :

Tout a 6= 0 de A s'écrit a = up1 . . . pn, n ≥ 0, u ∈ A×, pi irréductible de A pouri = 1, . . . , n, et, si l'on a deux décompositions analogues a = up1 . . . pn = vq1 . . . qm,n, m ≥ 0, u, v ∈ A×, pi, qj irréductibles de A pour i = 1, . . . , n, j = 1, . . . ,m,alors m = n et il existe une permutation σ de {1, . . . , n} telle que qi et pσ(i) soientassociés, pour i = 1, . . . , n.

Dans l'ensemble des éléments irréductibles de A, soit P un système exact dereprésentants des classes pour l'association dans A (ceci a un sens car l'associé d'unirréductible est encore irréductible, donc le sous-ensemble des irréductibles de A estune réunion de classes) ; pour abréger, on appellera P un � système d'irréductibles �de A. Lorsqu'un tel système P est �xé, la factorialité de A équivaut à dire que toutélément a 6= 0 de A s'écrit de façon unique (à l'ordre près des facteurs) a = up1 . . . pn,n ≥ 0, u ∈ A×, pi ∈ P pour i = 1, . . . , n. Dans tout anneau factoriel, on fera unefois pour toutes le choix d'un tel système P .

Remarque Dans la factorisation a = up1 . . . pn de a ∈ A − {0}, certains pi ∈ Ppeuvent se répéter ; il est donc normal d'écrire a = upα1

1 . . . pαkk , k ≥ 0, αi ≥ 1, les

pi ∈ P étant distincts cette fois. Pour avoir une écriture encore plus souple et quin'introduise pas un ordre particulier dans l'écriture des pi 1, on écrit a = u

∏p∈P

pαp ,

en convenant du fait que les αp ∈ N sont presque tous nuls (i.e. tous sauf un nombre

�ni). Par exemple, dans Z, si l'on prend P = {2, 3, 5, 7, 11, . . .}, alors −20 = u∏p∈P

pαp

avec u = −1, α2 = 2, α3 = 0, α5 = 1, αp = 0 pour p = 7, 11, . . . Ceci introduit lanotion de valuation qui va être développée dans la section 6.2.

1. Ce qui n'a pas de sens dans un anneau général, le cas de Z induisant en erreur, à cause deson ordre naturel.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 69

6.2 Propriétés des anneaux factoriels

Dé�nition 6.5 (Valuation d'un anneau factoriel) Soit A un anneau factorielet soit p ∈ P un irréductible de A. Comme tout a ∈ A−{0} s'écrit de façon unique

u∏q∈P

qαq 2, u ∈ A×, αq ∈ N, il en résulte que αp est unique (αp ≥ 0) et que, en

associant à a la valeur αp, on dé�nit une application de A− {0} dans N, notée vp,et appelée la valuation p-adique de A.

Lemme 6.6 (Valuation d'un produit) On a : vp(ab) = vp(a) + vp(b), pour touta, b ∈ A− {0}.

En e�et, écrivons a = u∏q∈P

qvq(a), b = v∏q∈P

qvq(b), u, v ∈ A× ; alors :

ab = uv∏q∈P

qvq(a)+vq(b)

Par unicité de l'écriture de ab sous la forme analogue w∏q∈P

qvq(ab), w ∈ A×, on

obtient w = uv et, surtout, vp(ab) = vp(a) + vp(b), pour tout p ∈ P .Soit maintenant KA le corps des fractions de A. On étend vp à K

×A de la façon

suivante : soit x ∈ K×A , x = ab−1, a, b ∈ A − {0} ; montrons que si l'on posevp(x) = vp(a) − vp(b) on dé�nit une application : soit x = a′b′−1 une autre fractionreprésentant x ; on a donc a′b− ba′ = 0, soit a′b = ba′ dans A, ce qui donne vp(a′b) =vp(b

′a), soit vp(a′) + vp(b) = vp(b′) + vp(a), soit vp(a)− vp(b) = vp(a

′)− vp(b′), d'oùl'invariance de la dé�nition de vp sur K

×A . Bien entendu, ici vp(x) ∈ Z.

Remarque Par commodité, on prolonge vp à KA en posant vp(0) = +∞ ; vp estalors à valeurs dans l'ensemble Z ∪ {∞} sur lequel on étend les opérations et lesrelations habituelles en posant : n+∞ =∞, n <∞, pour tout n ∈ Z.

Théorème 6.7 (Valuation d'une somme) Dans l'anneau factoriel A, on a, pourtout x, y ∈ KA, et tout p ∈ P,vp(x+ y) ≥ min{vp(x), vp(y)}, et vp(x+ y) = min{vp(x), vp(y)} lorsque vp(x) 6= vp(y).

Démonstration On peut supposer x et y non nuls, sinon le résultat est immédiat.Posons vp(x) = α, vp(y) = β, puis x′ = p−αx, y′ = p−βy ; il vient immédiatement

vp(x′) = vp(y

′) = 0. Posons x′ =a

b, y′ =

c

d, a, b, c, d ∈ A (non nuls par hypothèse) ;

comme vp(x′) = 0, on a vp(a) = vp(b), et on peut représentera

bde telle sorte que

p ne divise ni a ni b

(de même pour

c

d

)· Supposons par exemple α ≥ β ; on a

x + y = pαa

b+ pβ

c

d= pβ

(pα−βa

b+c

d

)= pβ

(pα−βad+ bc

bd

), et pα−βad + bc ∈ A

(car α− β ≥ 0, donc pα−β ∈ A) ;

2. Ici, l'indice q est � muet � (i.e. ne �gure pas dans l'expression) ; il ne faut pas utiliser l'indicep, p ayant été �xé au départ.

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70 Anneaux

1. si α > β, vp(x+y) = vp(pβ)+vp(p

α−βad+bc)−vp(bd) = β+vp(pα−βad+bc) car

vp(b) = vp(d) = 0 ; l'élément pα−βad + bc de A n'est pas multiple de p (sinonbc le serait, par di�érence ; or vp(bc) = vp(b) + vp(c) = 0), d'où le résultat dansce cas : vp(x+ y) = β qui est bien égal à min{vp(x), vp(y))} ;

2. si α = β, le même calcul que ci-dessus conduit à vp(x+y) = β+vp(ad+bc) ≥ βcar ad + bc est dans A, donc de valuation positive ou nulle (on ne peut riendire de plus précis ici car ad+ bc pourrait être divisible par une puissance non

nulle de p (exemple :7

2+

2

3=

25

6, avec p = 5, sans parler de la simple relation

vp

(x+ (−x)

)=∞).

Dé�nition 6.8 Soit A un anneau factoriel, et soient a, b ∈ A non nuls. On appellesuccessivement :

1. pgcd de a et b, tout élément de A de la forme u∏p∈P

pmin{vp(a),vp(b)}, u ∈ A×

2. ppcm de a et b, tout élément de A de la forme v∏p∈P

pmax{vp(a),vp(b)}, v ∈ A×

(tous les produits écrits existent).

Remarque Si par exemple b = 0, a 6= 0, on voit que la formule dé�nissant les pgcda un sens et donne pgcd(a, 0) = ua, u ∈ A× (en e�et, on a min{vp(a),∞} = vp(a)pour tout p ∈ P) ; en revanche, comme max{vp(a),∞} =∞, celle donnant les ppcm

n'est pas dé�nie car et le produit∏p∈P

p∞ n'a pas de sens, et ceci pour deux raisons :

p∞ n'a pas de sens et le produit est in�ni dès que P l'est ; cependant, de même quel'on a posé vp(0) =∞, on peut admettre que ceci caractérise 0, et que la factorisationsymbolique p∞ représente 0 quel que soit p. Ceci explique que, de toutes façons, onpose ppcm(a, b) = 0, dès que a = 0 ou b = 0, et de même pgcd(a, b) = 0 dès quea = 0 et b = 0.

Remarquons que les nombres pgcd(a, b), a, b �xés, constituent exactement uneclasse d'équivalence pour la relation d'association. On verra, dans certains cas, queles classes pour l'association ont un représentant canonique (par exemple les nombrespositifs (ou 0) pour A = Z, les polynômes unitaires (ou le polynôme nul) dans le casA = K[X], où K est un corps). Dans le cas contraire il n'est pas possible de parlerdu pgcd (ou ppcm) de a et b.

En�n, on dé�nit de façon analogue les pgcd et ppcm de n éléments d'un anneaufactoriel A (n ≥ 2).

Dé�nition 6.9 (Éléments étrangers) Dans un anneau factoriel A, on dit que aet b sont étrangers (ou premiers entre eux) si les pgcd de a et b sont inversibles.Par exemple, a et 0 sont étrangers si et seulement si a ∈ A×.

Remarque On dé�nit de façon analogue le fait que n éléments de A sont étrangersdans leur ensemble (peu utilisé si n ≥ 3, car c'est di�érent d'être étrangers deux àdeux).

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 71

Théorème 6.10 Soit d (resp. m) un pgcd (resp. un ppcm) de a et b ∈ A (A facto-riel) ; alors d et m ont les propriétés suivantes

1. {c ∈ A, c | a et c | b} = {c ∈ A, c | d}

2. {c ∈ A, a | c et b | c} = {c ∈ A, m | c}

3. (ab) = (dm).

Lemme 6.11 (Lien entre divisibilité et valuation) Si x, y ∈ A, alors x | y siet seulement si vp(x) ≤ vp(y), pour tout p ∈ P.

On a x | y si et seulement si il existe z ∈ A tel que y = zx ; si ceci a lieu, ona vp(y) = vp(z) + vp(x) ≥ vp(x) (dans N ∪ {∞}) pour tout p ∈ P . Inversement,supposons vp(y) ≥ vp(x) pour tout p ∈ P ; si y = 0, on a x | y, et si x = 0, l'hypothèseimplique vp(y) = ∞ pour tout p ∈ P , et x = y = 0 (on obtient 0 | 0) ; dans les cas

restants, il su�t de poser z =∏p∈P

pvp(y)−vp(x), qui est dans A car vp(y) ≥ vp(x) (dans

N) pour tout p, et vp(x)− vp(y) = 0 pour presque tout p ; on voit alors que xz et ysont associés, donc que x | y.

Les deux premières justi�ent les terminologies de � pgcd � et � ppcm �.

Démonstration du théorème 6.10 page 71 Les points 1 et 2 résultent del'utilisation systématique de ce lemme (écrire les détails). Quant à 3, pour a et bnon nuls, on remarque facilement que pour deux entiers quelconques α, β ∈ N, on atoujours l'égalité : min{α, β}+ max{α, β} = α + β ; donc ici, on a :

vp(dm) = vp(d) + vp(m)

= min{vp(a), vp(b)}+ max{vp(a), vp(b)} (par dé�nition de d et m)

= vp(a) + vp(b) = vp(ab) pour tout p ∈ P

d'où les relations ab | dm et dm | ab, soit ab et dm associés. Si a = 0 ou b = 0,l'égalité est évidente puisque m = 0.

Théorème 6.12 Soient a, b deux éléments arbitraires d'un anneau factoriel A. Sil'idéal engendré par a et b est principal, alors tout générateur de cet idéal est unpgcd de a et b.

Démonstration En e�et, si (a,b) = (c), c ∈ A, il est clair que l'on a a = ca′,b = cb′, a′, b′ ∈ A, d'où c | d ; si d est un pgcd de a et b, écrivons a = da′′, b = db′′,a′′, b′′ ∈ A, et c = as + bt, s, t ∈ A, alors il vient c = d(a′′s + b′′t), et d | c, ce quiconduit au résultat.

Corollaire 6.13 (Si l'idéal engendré est A) Si (a, b) = A, alors a et b sontétrangers.

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72 Anneaux

RemarqueSi l'idéal engendré par a et b n'est pas principal, cette propriété peut tomber en

défaut : par exemple, dans Z[X], dont on prouvera la factorialité à la section 6.4,les éléments a = X + 1 et b = X − 1 sont étrangers ; un pgcd est donc égal à 1,mais (X + 1,X − 1) n'est pas égal à A (c'est un idéal maximal de A comme onpeut le véri�er facilement). Dans un anneau factoriel non principal, il n'y a pasnécessairement de relation de Bézout entre a, b et un pgcd.

Théorème 6.14 Soit A un anneau factoriel.

1. Si un élément irréductible p de A divise ab (a, b ∈ A), alors p divise a ou pdivise b.

2. Si c ∈ A divise ab et est étranger à b, alors c divise a.

Démonstration On remarque d'abord que la relation p | c (c ∈ A) équivaut àvp(c) ≥ 1. Comme vp(ab) = vp(a) + vp(b), si p | ab on a vp(a) + vp(b) ≥ 1 ; or a etb étant dans A, on a vp(a) ≥ 0, vp(b) ≥ 0, donc ou bien on a vp(a) ≥ 1, ou bienvp(b) ≥ 1, c'est-à-dire p | a ou p | b (cf. lemme 6.11 page 71).

Pour le second point, il su�t de montrer que vp(a) ≥ vp(c) pour tout p ∈ P .Par hypothèse, on a min{vp(a) + vp(b), vp(c)} = vp(c), d'où vp(a) + vp(b) ≥ vp(c) et,par hypothèse, on a aussi min{vp(b), vp(c)} = 0. Si vp(b) = 0 alors vp(a) ≥ vp(c) ; sivp(b) > 0, nécessairement vp(c) = 0, d'où vp(a) ≥ vp(c) dans tous les cas.

Remarque La seconde propriété s'appelle aussi le théorème de Gauss, en arith-métique.

Corollaire 6.15 Dans un anneau factoriel A, si p ∈ A, on a l'équivalence suivante :p est irréductible si et seulement si (p) est un idéal premier 6= (0).

En e�et, supposons p irréductible et prenons un produit ab, a, b ∈ A tel que ab ∈ (p) ;on a ab = pc, c ∈ A, et alors p | a ou p | b, donc a ∈ (p) ou b ∈ (p). On a en�n(p) 6= A car sinon on aurait p ∈ A× ce qui est absurde, et de même, on a (p) 6= (0)car p 6= 0.

Si l'on suppose (p) premier 6= (0), on a p /∈ A×, sinon on aurait (p) = A, ce quin'est pas, et si l'on peut écrire p = rs, r, s ∈ A, ceci donne rs ∈ (p), soit r ∈ (p) ous ∈ (p) ; or, par exemple, r ∈ (p) signi�e r = ap, a ∈ A, ce qui donne p = rs = aps,soit as = 1 puisque A est intègre et que l'on a (p) 6= (0) ; d'où s ∈ A×.

Remarques

1. L'implication : (p) premier non nul entraîne p irréductible, est vraie dans toutanneau intègre (la démonstration ci-dessus n'utilisant que l'intégrité).

2. On remarquera également que le fait que les éléments irréductibles soient deséléments de A−A× (par dé�nition) est cohérent avec la notion d'idéal premier.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 73

6.3 Cas des anneaux principaux

On rappelle que � A est un anneau principal � veut dire � A est commutatifintègre et ses idéaux sont principaux �.

Théorème 6.16 (Factorialité d'un anneau principal) Un anneau principal estfactoriel.

Démonstration Il y a deux parties : il faut d'abord prouver que tout élémenta 6= 0 de A se factorise en un produit de la forme u

∏p∈P

pαp (u ∈ A×, αp ∈ N, presque

tous nuls, p parcourant un système d'irréductibles P de A), puis ensuite montrerl'unicité des décompositions.

1. Supposons qu'il existe des a 6= 0 de A non factorisables (sous la forme ci-dessus). On appelle F l'ensemble des idéaux (a) de A tels que a ne soit pasfactorisable ; on vient donc de supposer F non vide. On ordonne F par inclu-sion.Soit une chaîne d'éléments de F de la forme particulière suivante :

(a1) $ (a2) $ · · · $ (ai) $ · · · (�nie ou non),

et soit a la réunion de ses éléments. On a déjà vu que, dans une telle situation,a =

⋃i≥1

(ai) est un idéal de A (le revoir en exercice). Puisque A est principal,

on a a = (a), a ∈ A ; donc a ∈⋃i≥1

(ai), et il existe n ≥ 1 tel que a ∈ (an), et

on a donc les inclusions (a) ⊆ (an) (car a ∈ (an)) et (an) ⊆ (a) (car (an) ⊆ apar dé�nition d'une réunion), ce qui donne (an) = (a).Ceci veut dire que toute chaîne du type précédent est nécessairement limitéeà un certain indice n ; donc ces chaînes sont nécessairement �nies, car on asupposé leurs éléments distincts.On a donc prouvé que dans F il était impossible d'écrire des chaînes in�niesd'éléments distincts de F : elles sont toutes �nies.On peut a�rmer que parmi ces chaînes il en existe une, notée :

(a1) $ (a2) $ · · · $ (an)

qui n'est pas prolongeable dans F (i.e. telle que l'on ne puisse pas trouver(an+1) ∈ F telle que (an) $ (an+1)) : en e�et, si toute chaîne d'éléments de Fétait prolongeable, on pourrait construire une chaîne in�nie, ce qui n'est pas.Conservons une telle chaîne non prolongeable, et retenons que si (b) est un idéalde A tel que (an) $ (b), par dé�nition d'une chaîne non prolongeable, on a(b) /∈ F ; ceci veut dire, par dé�nition de F , que b est factorisable. Utilisonscette remarque à partir de l'élément an : l'élément an de la chaîne trouvéen'est ni inversible, ni irréductible (car tout irréductible ou tout inversible estfactorisable de façon triviale) 3 ; donc, dans A, il existe b, c /∈ A× tels que

3. Il est donc réductible au sens de la dé�nition 6.2 page 67 (revoir 3 page 68).

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74 Anneaux

an = bc ; ceci entraîne (an) $ (b) et (an) $ (c) (les inclusions résultent desrelations b | an et c | an, et le fait qu'elles soient strictes provient du fait queb et c sont non inversibles) ; d'après ce que l'on a dit juste avant, b et c sontfactorisables, ce qui entraîne que leur produit est factorisable (i.e. que an estfactorisable), ce qui est absurde. Donc F est vide.

2. Démontrons l'unicité des décompositions, par récurrence sur n dans l'égalité

up1 . . . pn = vq1 . . . qm (m ≥ n ≥ 0, u, v ∈ A×, pi, qj ∈ P).

Remarque on n'a pas le droit d'utiliser le théorème de Gauss, qui supposeA factoriel.

Le cas n = 0 entraîne u = vq1 . . . qm ∈ A×, d'où 1 = u−1vq1 . . . qm, et m = 0(sinon les qj seraient dans A×), puis u = v.

Supposons n ≥ 1 et la propriété vraie au rang n − 1, et considérons l'égalitéup1 . . . pn = vq1 . . . qm (m ≥ n) ; supposons que p1 soit distinct de tous lesqj, j = 1, . . . ,m ; dans ce cas considérons les idéaux (p1, qj) pour tout j :ils sont de la forme (bj), bj ∈ A, et on peut écrire p1 = bjcj, cj ∈ A pourj = 1, . . . ,m. Comme p1 est irréductible, bj ou cj est dans A× ; si cj ∈ A×,(p1) = (bj) et qj ∈ (p1), soit qj = p1dj, dj ∈ A, et comme qj est irréductibleon a dj ∈ A× (puisque c'est impossible ici pour p1), et, pour cet indice j, qj etp1 sont associés, donc égaux par dé�nition de P , or ceci n'est pas ; donc c'esttoujours bj qui est dans A×, pour j = 1, . . . ,m, et (p1, qj) = A.

On peut donc écrire pour tout j, 1 = λjp1 + µjqj, λj, µj ∈ A, soit (en util-isant les congruences) µjqj ≡ 1 mod p1, ce qui donne, par multiplication de

ces m congruences,m∏j=1

µjqj ≡ 1 mod p1 ; or q1 . . . qm ≡ 0 mod p1 (puisque

q1 . . . qm = uv−1p1 . . . pn) et ceci est absurde car ceci conduit à 0 ≡ 1 mod p14.

Donc p1 est l'un des qj et, après simpli�cation, on est ramené à l'hypothèse derécurrence ; d'où la conclusion.

Citons un résultat important en pratique :

Corollaire 6.17 Dans un anneau principal A, tout élément irréductible p engendreun idéal maximal de A, et inversement.

Ceci résulte du fait que l'idéal (p) est premier non nul (corollaire 6.15 page 72) etl'anneau A principal (théorème 5.12 page 62 du chapitre 5).

Corollaire 6.18 Si a, b sont deux éléments quelconques d'un anneau principal A,si d est un pgcd de a et b, alors il existe u, v ∈ A tels que d = ua+ vb.

Ceci résulte de la factorialité de A jointe au résultat du théorème 6.12 page 71.

4. On peut aussi utiliser la co-maximalité : (p1), (qj) co-maximaux⇒ (p1),∏(qj) co-maximaux,

ce qui conduit à λp1 + µq1 . . . qm = 1, d'où p1|1, ce qui est absurde.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 75

Exemples Les anneaux Z, K[X] (où K est un corps) sont principaux (grâce auxrésultats 2 page 20 et 1 page 20 du chapitre 2) ; de même, on a montré que l'anneaudes entiers de Gauss, {a+ bi, a, b ∈ Z}, est principal. Ces anneaux sont donc facto-riels. Le problème est donc, lorsqu'un anneau est factoriel, de trouver ses élémentsirréductibles : leur détermination systématique peut parfois être extrêmement di�-cile ; analysons un peu di�érents cas, en laissant à titre d'exercice (que l'on devrarédiger avec soin) les démonstrations qui sont très faciles :

Cas de Z : Dans ce cas on peut prendre pour P l'ensemble des nombres premiers(positifs) {2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, . . .} ; établir leur liste jusqu'à 100 pourse convaincre du fait qu'il n'existe pas de caractérisation � simple � du k-ièmenombre premier.

Cas de K[X] (K étant un corps) : Dans ce cas, un moyen simple pour avoir despolynômes non associés est de les prendre unitaires (coe�cient dominant égalà 1) (en e�et, on démontrera pour cela que A× = K× ici). Mais P n'est pasforcément mieux constructible que pour le cas de Z (par exemple, dansQ[X], lacaractérisation des polynômes irréductibles est très di�cile). Citons cependantdeux exemples pour lesquels le résultat est bien connu :

1. A = C[X]. Montrer que dans ce cas, on peut prendre pour P , l'ensemble{X − z, z ∈ C}.

2. A = R[X]. Montrer que dans ce cas, on peut prendre pour P , l'ensembleP = P1 ∪ P2, où{

P1 = {X − a, a ∈ R}P2 = {X2 + bX + c, b, c ∈ R, b2 − 4c < 0}

Bien que les résultats soient simples dans ces deux cas, on sera obligé, pourleur démonstration, d'admettre le di�cile théorème de d'Alembert, à savoirque dans C[X] tout polynôme de degré d ≥ 1 admet au moins une racine dansC.

Le corollaire 6.18 admet l'énoncé réciproque suivant :

Théorème 6.19 Soit A un anneau factoriel dans lequel tout pgcd est donné par unerelation de Bézout (i.e. pour tout a, b ∈ A, il existe u, v ∈ A tels que pgcd(a, b) =au+ bv). Alors A est un anneau principal.

Démonstration Soit a un idéal non nul de A(

(0) étant principal), et soit a ∈ a,

a 6= 0. Considérons les chaînes �nies, d'idéaux principaux, de la forme suivante(n ≥ 0) :

(a) $ (a1) $ · · · $ (an) ⊆ a

Ceci induit les relations de divisibilité an | an−1 | . . . | a1 | a, et les nombresa1, a2, . . ., an sont donc des diviseurs de a non associés deux à deux. Comme A estfactoriel, on peut écrire

a = u∏i=1

pαii , u ∈ A×, pi irréductibles distincts de A, αi ≥ 1

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76 Anneaux

le nombre de diviseurs (considérés à association près) de a est �ni : en e�et, si b | a,

b = v∏i=1

pβii , v ∈ A×, 0 ≤ βi ≤ αi, l'un au moins des βi étant strictement inférieur

à αi (sinon a et b sont associés) ; ce nombre de diviseurs (à association près) est

même majoré par N =∑i=1

αi. Donc n est majoré par N .

Considérons une chaîne de la forme précédente, avec n maximum, et montronsque a = (an), ce qui achèvera la démonstration : si (an) $ a, il existe b ∈ a − (an),auquel cas nous avons :

(an) $ (an) + (b) ⊆ a

or par hypothèse, si d est un pgcd de an et b, il existe u, v ∈ A tels que uan+vb = d,d'où (an) + (b) = (d) (comme an, b ∈ (d) une inclusion est triviale, et la relation deBézout signi�e que d ∈ (an) + (b)), ce qui contredit le caractère maximal de n. Ona donc (an) = a.

Conclusion L'arithmétique, en nombres, dans un anneau factoriel A, est identiqueà l'arithmétique usuelle (caractéristique des anneaux principaux), sauf en ce quiconcerne l'existence des relations de Bézout qui suppose A principal.

Remarque Dans Z, les � nombres premiers � sont précisément les irréductiblespositifs. La dénomination de � premier � (utilisée pour Z) est dangereuse pour unanneau quelconque ; en e�et, si un idéal principal (p) est premier 6= (0), p est irré-ductible, comme on l'a prouvé, mais la réciproque peut être fausse si l'anneau n'estpas factoriel (par exemple, dans {a + b i

√5, a, b ∈ Z}, 3 est irréductible mais (3)

n'est pas premier (cf. ci-dessous)). On s'interdira donc de parler de nombre pre-mier dans un anneau quelconque à la place d'élément irréductible. On peut dire, enconclusion, que la notion d'élément irréductible est sans intérêt si l'anneaun'est pas factoriel ; s'il n'y a pas factorialité, ce sont les idéaux premiers qui jouentun rôle essentiel (ils ne sont donc plus principaux a priori, et l'arithmétique dans untel anneau est extrêmement délicate). Pour mieux faire comprendre ce qui se passe,considérons l'anneau précédent, noté Z[ i

√5], et établissons quelques propriétés :

1. 3 est irréductible (exercice).

2. (3) n'est pas premier. En e�et, supposons (3) premier et considérons x = 1 +i√

5 et x = 1− i√

5 ; on a xx = 1+5 = 6 ∈ (3) ; on doit donc avoir pour un signeε convenable, 1 + ε i

√5 ∈ 3Z[ i

√5], ce qui conduit à 1 + ε i

√5 = 3(a+ bi

√5),

a, b ∈ Z, ce qui est absurde (on obtient 1 = 3a).

3. les idéaux p = (3, 1 + i√

5) et p = (3, 1 − i√

5) sont premiers. On considèrepour cela l'homomorphisme composé Z → Z[ i

√5] → Z[ i

√5]/(3, 1 + i

√5)

dont on montre qu'il est surjectif et de noyau 3Z (écrire les détails) ; on a doncZ[ i√

5]/p ' F3, ce qui prouve que p est même maximal (idem pour p).

4. on considère la notion de produit d'idéaux dans un anneau A : si a et b sontdeux idéaux de A, on désigne par a b l'idéal engendré par les produits ab,a ∈ a, b ∈ b ; on véri�e facilement que a b est un idéal de A contenu dans a∩b,et que si a = (a1, . . . , ak), b = (b1, . . . , bk), alors ab = (. . . , aibj, . . .)1≤i,j≤k.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 77

Considérons ici pp = (3, 1+ i√

5)(3, 1− i√

5) = (9, 3(1+ i√

5), 3(1− i√

5), 6) ;comme 3 ∈ pp (3 = 9 − 6 par exemple) et comme 9 et 6 sont multiples de 3,on a : pp = (3, 3 + 3 i

√5, 3− 3 i

√5) = 3(1, 1 + i

√5, 1− i

√5) = 3Z[ i

√5]. On

a donc obtenu l'égalité suivante : pp = (3).

5. les idéaux p et p ne sont pas principaux. En e�et, si c'était le cas, on auraitp = (α), p = (α) 5, soit pp = (αα) = (3), d'où 3 = ααu, u ∈ Z[ i

√5]×, ce qui

précisément voudrait dire que 3 est réductible (en e�et, ni α ni α ne peuventêtre dans A× par dé�nition d'idéal premier).

En résumé, dans l'anneau Z[ i√

5], le nombre 3 est irréductible comme nombremais non au sens (nouveau) des idéaux, ce qui relativise la notion d'irréductibledans un anneau non factoriel (c'est Kummer, notamment pour essayer de démontrerle � Théorème de Fermat �, qui a � forcé � des éléments irréductibles non � pre-miers � à s'écrire comme produits � convenables �, créant ainsi (de façon incorrecte)de nouveaux � nombres � (qu'il appelait des nombres idéaux, au sens commun duterme), et c'est Dedekind qui a montré que ceci devenait correct à condition deremplacer les nombres par la notion d'idéal (cette fois au sens mathématique). Ceciconduit à dé�nir une catégorie d'anneaux (les anneaux de Dedekind) pour laquelletout idéal 6= (0) s'écrit de façon unique comme produit d'idéaux premiers. Mal-heureusement, dans un anneau de Dedekind, les idéaux n'étant pas principaux engénéral, l'arithmétique dans un tel anneau est particulièrement délicate. C'est lacatégorie la plus naturelle après celle d'anneaux principaux (qu'elle contient) pouraborder les problèmes intéressants de théorie des nombres qui sortent du cadre dece cours.

6.4 Cas des anneaux A[X], avec A factoriel

On suppose que l'on a �xé une fois pour toutes un système d'irréductibles P deA.

Dé�nition 6.20 (Valuation et contenu d'un polynôme de KA[X]) Soit KA

le corps des fractions de l'anneau factoriel A. Si f ∈ KA[X], on pose, pour p ∈ P,vp(f) = min

i{vp(ai)}, où f =

∑i≥0

aiXi, ai ∈ KA ; on a vp(f) ∈ Z ∪ {∞}. On appelle

alors contenu de f 6= 0 tout élément de la forme C(f) = u∏p∈P

pvp(f), u ∈ A× (c'est

un élément de K×A ) ; on pose C(0) = 0. Au lieu d'écrire C(f) = u∏p∈P

pvp(f), on écrira

en pratique C(f) ∼∏p∈P

pvp(f) (relation d'association).

Remarque Cette fonction vp sur KA[X] prolonge la fonction valuation p-adiqueque l'on a dé�nie sur KA (cf. dé�nition 6.5 page 69).

5. Car p, d'après sa dé�nition, est bien {x, x ∈ p} ; donc si p = (β), p = (β), d'où β et αassociés (on peut donc prendre β = α).

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78 Anneaux

Exemple Dans Q[X], si f = 2X2 − 4

3X + 6, alors on a C(f) ∼ 2

Remarque Véri�er que pour un autre choix de P , les contenus ne sont pas mod-i�és.

Proposition 6.21 (Propriétés du contenu) Le contenu a les propriétés élémen-taires suivantes, indépendantes du choix de celui-ci :

1. si f ∈ KA, alors C(f) ∼ f ; si f = u ∈ A×, alors C(u) ∼ 1

2. si f ∈ KA[X], on a f ∈ A[X] si et seulement si C(f) ∈ A ; si f 6= 0, et si

c ∈ K×A est tel que c ∼ C(f), alors C

(f

c

)∼ 1

3. si f ∈ A[X], alors C(f) est un pgcd de l'ensemble des coe�cients de f 6(cf. re-marque page 70 lorsque f = 0).

Lemme 6.22 (Lemme de Gauss) La fonction vp dé�nie sur KA[X] est telle quepour tout f , g de KA[X], on a :

vp(fg) = vp(f) + vp(g) (donc de façon équivalente C(fg) ∼ C(f)C(g)).

Démonstration Le cas f = 0 ou g = 0 étant immédiat, supposons fg 6= 0.

Posons f ′ =

(∏p∈P

p−vp(f)

)f et g′ =

(∏p∈P

p−vp(g)

)g ; il est clair que vp(f ′) =

vp(g′) = 0 pour tout p ∈ P (ceci entraîne f ′, g′ ∈ A[X]).

Comme fg = f ′g′∏p∈P

pvp(f)+vp(g), le lemme sera prouvé si l'on montre vp(f ′g′) = 0,

pour tout p ∈ P .Utilisons l'homomorphisme de réduction modulo p :

A[X] −→ A/pA[X]

f 7−→ f

Si vp(f ′g′) > 0, c'est que f ′g′ = 0 dans A/pA[X], donc que f ′ g′ = 0 ; or commeA/pA est intègre (pA étant premier d'après le corollaire 6.15 page 72), A/pA[X] estintègre et on a f ′ = 0 ou g′ = 0, ce qui signi�e vp(f ′) ≥ 1 ou vp(g

′) ≥ 1, ce qui estabsurde.

Corollaire 6.23 (Une propriété du contenu) Soit h ∈ A[X], de contenu in-versible ; si h = fg, avec f , g ∈ A[X], alors C(f) ∼ C(g) ∼ 1.

6. On remarquera que C(f) = u∏p∈P

pmin

i{vp(ai)}

, u ∈ A×, est exactement la dé�nition des

pgcdi{ai}, étendue à KA de façon naturelle, mais avec le phénomène (que l'on analysera) que, par

exemple, pgcd

(1

2,1

3

)= ±1

6dans Q.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 79

En e�et, on a par hypothèse vp(h) = 0 pour tout p ∈ P , et donc on a :

vp(h) = 0 = vp(f) + vp(g)

d'autre part, dès que f et g sont dans A[X], on a vp(f) ≥ 0, vp(g) ≥ 0, auquelcas on a nécessairement vp(f) = vp(g) = 0 ; d'où le résultat.

On a le résultat essentiel suivant :

Théorème 6.24 (Factorialité de A[X]) Soit A un anneau factoriel, de corps desfractions KA. Alors l'anneau A[X] est factoriel, et ses éléments irréductibles sontles irréductibles de A et les polynômes de A[X] qui sont de contenu inversible et quisont irréductibles dans l'anneau (factoriel) KA[X].

Démonstration Caractérisons d'abord les irréductibles de A[X]. On utilisera con-stamment le fait que A[X]× = A× et que KA[X]× = K×A (le revéri�er). Pour lespropriétés des contenus, se reporter à la proposition 6.21 page 78.

Lemme 6.25

1. Les éléments p, irréductibles dans A, sont irréductibles dans A[X]

2. les polynômes Q de A[X], de contenu inversible, irréductibles dans KA[X], sontirréductibles dans A[X]

1. Dans ce cas p reste non inversible dans A[X], et si p = fg, f , g ∈ A[X], on aévidemment f , g ∈ A, d'où f ∈ A× ou g ∈ A×, donc f ∈ A[X]× ou g ∈ A[X]×.

2. Un tel Q est non constant (car irréductible dans KA[X]) ; si Q = fg, f , g ∈A[X], l'irréductibilité dansKA[X] implique que f ou g est dansKA[X]× = K×A ;mais on a 1 ∼ C(Q) ∼ C(f)C(g) et, par hypothèse, C(f), C(g) ∈ A, doncC(f), C(g) ∈ A×, et C(f) ∼ C(g) ∼ 1, d'où f ∈ A× ou g ∈ A×.

Lemme 6.26 Un élément h irréductible dans A[X] est, soit un irréductible de A,soit un polynôme de contenu inversible, irréductible dans KA[X].

Soit h un élément irréductible de A[X].

1. Si h ∈ A, on a h /∈ A[X]× = A× (irréductibilité dans A[X]). Écrivons h = fg,f , g ∈ A ; par hypothèse f ou g est dans A[X]× = A×.

2. Si h /∈ A, on écrit h = C(h)h′, ce qui implique C(h′) ∼ 1 ; comme h ∈A[X], C(h) ∈ A et h′ ∈ A[X] est non constant. Par irréductibilité dans A[X],C(h) ∈ A[X]× = A× (h′ ne pouvant être dans A×) ; donc C(h) ∼ 1. Écrivonsh = fg, f , g ∈ KA[X] ; on a h ∼ f ′g′, où f ′ = f/C(f), g′ = g/C(g) (carC(f)C(g) ∼ C(h) ∼ 1), et f ′, g′ ∈ A[X] ; par irréductibilité dans A[X], f ′ oug′ est dans A×, donc f ou g est dans K×A = KA[X]×.

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80 Anneaux

Remarque Ces deux lemmes conduisent à la propriété suivante : si Q est unpolynôme non constant de contenu inversible dans A[X], alors Q est irréductibledans KA[X] si et seulement s'il est irréductible dans A[X]. Démontrons maintenantla factorialité proprement dite de A[X].

Soit f ∈ A[X] f 6= 0 ; considéré dansKA[X] qui est factoriel, on a f = aQ1 . . . Qr,a ∈ K×A , Qj irréductibles de KA[X] ; on peut écrire

f = ac1 . . . crQ′1 . . . Q

′r, Q′j = Qj/cj ∈ A[X], avec cj = C(Qj)

les Q′j étant de contenus inversibles, et f = a′Q′1 . . . Q′r, a

′ ∈ K×A ; comme f ∈ A[X],C(f) ∼ C(a′) ∼ a′, donc a′ ∈ A. On décompose a′ dans A (factoriel) sous la formea′ = up1 . . . pn, u ∈ A×, pi irréductibles de A. D'après le lemme 6.25 page 79, les piet les Q′j sont des irréductibles de A[X], et f est bien le produit d'un inversible etd'irréductibles de A[X].

Supposons avoir up1 . . . pnQ1 . . . Qr = vq1 . . . qmR1 . . . Rs, u, v ∈ A×, pi, qk irré-ductibles dans A, Qj, R` polynômes non constants irréductibles dans A[X]. D'aprèsle lemme 6.26 page 79, les Qj et R` sont de contenu inversible et irréductiblesdans KA[X] ; donc en utilisant la factorialité dans KA[X], on obtient (puisqueup1 . . . pn, vq1 . . . qm ∈ K×A ) : r = s et Rσ(k) = ukQk (ou σ est une permutationde {1, . . . , r}) ; mais :(

C(Rσ(k)) ∼ C(uk)C(Qk))

implique(C(uk) ∼ 1

)soit uk ∈ A×, et Rσ(k) et Qk sont associés dans A[X]. Donc il vient :

up1 . . . pnQ1 . . . Qr = vq1 . . . qmu1 . . . urQ1 . . . Qr

soit up1 . . . pn = (vu1 . . . ur)q1 . . . qm dans A, avec vu1 . . . ur ∈ A×, et on conclut avecla factorialité de A.

Corollaire 6.27 Si A est factoriel, alors A[X1, . . . , Xn] est factoriel.

Application pratique 7 Soit Q ∈ KA[X] non constant. Supposons que l'on veuilledémontrer que Q est irréductible dans KA[X]. Quitte à diviser Q par C(Q) ∈ K×A ,on peut supposer Q de contenu inversible (donc Q ∈ A[X]) (on remplace donc Qpar un associé dans KA[X], ce qui ne change pas le problème posé). D'après laremarque précédente de la page 80, l'irréductibilité de Q dans KA[X] est équivalenteà celle (plus facile) de Q dans A[X] (uniquement si Q ∈ A[X] et est de contenuinversible, ce qu'on a supposé). On essaye alors d'écrire Q = fg, f , g ∈ A[X], f, g nonconstants (de contenus inversibles nécessairement) et de trouver une contradiction.On a bien simpli�é le problème (grâce au lemme de Gauss) car on a pu remplacerl'ensemble des coe�cients pour f et g (le corps KA) par un ensemble plus petit(l'anneau A) dans lequel on dispose de méthodes e�caces qui n'existent pas dans lecorps KA ; donnons les plus classiques (on suppose donc Q ∈ A[X] non constant, decontenu inversible) :

7. À étudier avec un soin tout particulier.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 81

(1) Par identi�cation : On écrit Q = fg, f , g ∈ A[X], non constants,

f =m∑i=0

aiXi, g =

n∑j=0

bjXj, ai, bj ∈ A, m, n ≥ 1,

m = d(f), n = d(g)

puis on écrit les relations entre les coe�cients ai et bj qui résultent de l'égalitéQ = fg, et on essaye de trouver une contradiction. On doit faire ceci autantde fois qu'il y a de couples (m,n), m ≥ 1, n ≥ 1, m ≥ n (par raison desymétrie), tels que m + n = d(Q). La méthode peut donc devenir très lourdesi d(Q) est � trop grand � ; en outre la contradiction peut être très di�cile àobtenir car les systèmes obtenus ne sont pas linéaires mais diophantiens. Enrevanche, si l'on ne sait rien a priori sur Q, la méthode peut permettre detrouver une factorisation de Q en polynômes irréductibles de A[X]. À ce sujet,le cas m = 1 est particulier, car on a alors f = uX − v, u, v ∈ A, u 6= 0, et untel cas se produit si et seulement si

v

uest racine de Q dans KA ; on recherche

donc d'abord si Q a des racines dans KA, en notant la propriété suivante :

Proposition 6.28 (Racine dans KA) Siv

u, u, v étrangers dans A, u 6= 0,

est racine, dans KA, de :

Q = anXn + an−1X

n−1 + · · ·+ a1X + a0 ∈ A[X]

alors u | an et v | a0

En e�et, si Q(vu

)= 0, il vient immédiatement :

anvn + an−1v

n−1u+ · · ·+ a1vun−1 + a0u

n = 0

soit anvn = −u(an−1vn−1+· · ·+a1vun−2+a0u

n−1) et, comme u est étranger à v(donc à vn), u | an ; de même, on a a0un = −v(anv

n−1+an−1vn−2u+· · ·+a1un−1)

qui conduit à v | a0.(2) Par réduction modulo a : On utilise un homomorphisme de la forme :

A[X] −→ A/a[X]

où, par dé�nition, l'image de tout a ∈ A est la classe de a modulo l'idéal a ;on note h l'image d'un polynôme h ∈ A[X] dans A[X]→ A/a[X].

On fait les hypothèses suivantes sur Q (de contenu inversible) :

1. l'image du coe�cient dominant de Q est non nulle et non diviseur de zérodans A/a ;

2. le polynôme Q est irréductible dans A/a[X] (cf. 3 page 68 8).

8. Dans cette situation très générale, A/a n'est pas nécessairement intègre, et s'il l'est, il n'estpas nécessairement factoriel.

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82 Anneaux

Alors le polynôme Q est irréductible dans A[X].

Supposons en e�et que Q = fg, f , g ∈ A[X], f , g /∈ A[X]× = A× ; commeQ est de contenu inversible, f et g sont nécessairement de degré ≥ 1 (sinonQ = ag, a ∈ A, implique a ∈ A× d'après le corollaire 6.23 page 78). Écrivons :

Q = aQXd(Q) + · · · ; f = afX

d(f) + · · · ; g = agXd(g) + · · · (6.1)

en termes de coe�cients dominants et de degrés de polynômes (par dé�nition,aQ, af , ag sont dans A− {0}) ; on aura alors :

Q = aQXd(Q) + · · · ; f = afX

d(f) + · · · ; g = agXd(g) + · · · (6.2)

D'après (6.1) et le fait que Q = fg, on a aQ = afag, ce qui donne aQ = af ag ;mais, par hypothèse, aQ est 6= 0 et non diviseur de zéro dans A/a, ce quiimplique que af et ag sont 6= 0 et non diviseurs de zéro ; on a en particulieraQ, af , ag ∈ A/a − {0}, ce qui prouve que l'écriture (6.2) est bien en termesde coe�cients dominants, et donc que d(Q) = d(Q), d(f) = d(f), d(g) = d(g)dans A/a[X].

Il faut maintenant démontrer que Q = f g est bien une vraie décomposition deQ, autrement dit que ni f ni g ne sont inversibles (le gros piège étant que si A/an'est pas intègre, certains polynômes de A/a[X] de degré ≥ 1 sont inversibles :par exemple 2X + 1 dans Z/4Z[X], puisque (2X + 1)2 = 4X2 + 4X + 1 = 1).Supposons par exemple qu'il existe h ∈ A/a[X] tel que f h = 1 ; comme d(f) =d(f) ≥ 1, c'est que, nécessairement, le produit des coe�cients dominants def et h donne 0, et af (celui de f) serait diviseur de zéro, ce qui est absurded'après ce qu'on a montré.

Remarque Dans le cas (fréquent) où a est un idéal premier p de A, aQ estnon diviseur de zéro si et seulement si aQ 6= 0 (i.e. aQ /∈ p), donc :

1 ⇐⇒ 1′ : d(Q) = d(Q)

(3) Critère d'Eisenstein : On a le résultat suivant très utile en pratique :

Théorème 6.29 (Critère d'Eisenstein) Soit A un anneau factoriel, soit pun élément irréductible de A et soit Q = anX

n + an−1Xn−1 + · · ·+ a1X + a0

un polynôme de A[X] de degré n ≥ 1 ; on suppose que Q véri�e les hypothèsessuivantes (Q étant toujours de contenu inversible) :

1. le coe�cient dominant an est étranger à p (i.e. vp(an) = 0)

2. pour tout i, 0 ≤ i ≤ n− 1, ai est divisible par p (i.e. vp(ai) ≥ 1)

3. le coe�cient a0 n'est pas divisible par p2 (i.e. vp(a0) = 1)

alors Q est irréductible dans A[X].

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 83

Démonstration Supposons qu'il existe f , g ∈ A[X] (non constants, néces-sairement) tels que Q = fg. On considère la réduction modulo p = pA :A[X] −→ A/p[X] (ici p est un idéal premier d'après le corollaire 6.15 page 72) ;on a donc Q = f g = anX

n (on a an 6= 0 par hypothèse), et on véri�e facilementque f et g ne sont pas constants car d(f) + d(g) = n (A/p est intègre) d'oùd(f) = d(f), d(g) = d(g). Comme p est premier, on peut utiliser le corpsdes fractions K de A/p, et la relation f g = anX

n est alors une égalité dansK[X] qui est factoriel ; an étant dans K×, on en déduit f = λXα, g = µXβ, λ,µ ∈ K×, α ≥ 1, β ≥ 1, α + β = n.

On a λ =a

s, a, s ∈ A, a, s /∈ pA, et de même, µ =

b

t, b, t ∈ A, b, t /∈ pA ; il

vient alors s f = aXα et t g = bXβ. Notons u0, v0 ∈ A les termes constants def et g ; ceux de f et g sont donc u0 et v0, et les relations précédentes donnents u0 = 0 et t v0 = 0 (car on a α ≥ 1, β ≥ 1). Comme A/p est intègre, et commeon a s 6= 0, t 6= 0, il vient u0, v0 ∈ pA ; le terme constant de Q est a0 = u0v0 quiserait divisible par p2, ce qui est contraire à l'hypothèse. D'où l'irréductibilitéde Q.

(4) Méthode numérique dans certains anneaux : La méthode que nous al-lons décrire ne peut s'utiliser que si A× est �ni. Donc en pratique ce seraZ, ce que nous supposons pour simpli�er.Soit Q ∈ Z[X] de contenu inversible et de degré n > 1 ; supposons qu'il existe

un diviseur f de Q dans Z[X] de degré d(f) = d, d ≤ n

2(ceci n'est pas une

restriction car si Q = fg, f ou g a cette propriété).Soient n0, n1, . . ., nd, d+ 1 entiers arbitraires distincts ; posons

Q(ni) = ri ∈ Z, et r = (r0, . . . , rd) ∈ Zd+1

On dira que s = (s0, . . . , sd) ∈ Zd+1 divise r si si | ri pour chaque i = 0, . . . , d.On forme tous les vecteurs s divisant r (comme Z× = {±1}, ce nombre de di-viseurs est �ni). On a alors la possibilité de former les polynômes fs, polynômesd'interpolation des d + 1 points : (ni, si), i = 0, . . . , d. On a d(fs) ≤ d,pour tout s ; on a alors le résultat suivant :

Proposition 6.30 (Polynôme divisant Q) Le polynôme f divisant Q et de

degré d ≤ n

2est nécessairement l'un des fs.

En e�et, on a f(ni) = ti ∈ Z, i = 0, . . . , d, et la décomposition Q = fg conduità Q(ni) = f(ni)g(ni), d'où ti | ri pour i = 0, . . . , d ; autrement dit :

t = (t0, . . . , td) divise r = (r0, . . . , rd)

donc ft a été construit tel que ft(ni) = ti, pour tout i = 0, . . . , d ; on a donc :f(ni) = ft(ni) pour d + 1 valeurs distinctes ni ; on a nécessairement f = ft(unicité du polynôme d'interpolation de degré ≤ d pour d + 1 points (cf.chapitre 4, théorème 4.8 page 46).Par exemple, si Q = X4 +X + 1 dans Z[X], on peut prendre n0 = −1, n1 = 0,

n2 = 1, auquel cas r =(Q(−1), Q(0), Q(1)

)= (1, 1, 3), ce qui donne 16

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84 Anneaux

diviseurs s de r ; cependant s et −s conduisent à fs et f−s = −fs, et on peutse limiter aux s suivants :

(1, 1, 3) (1, 1, 1) (−1, 1, 3) (−1, 1, 1)(1, 1,−3) (1, 1,−1) (−1, 1,−3) (−1, 1,−1)

Ayant véri�é que Q n'a pas de racine rationnelle (i.e.±1), on peut ne retenirque les polynômes fs de degré 2 exactement :X2 +X + 1, −2X2 − 2X + 1, −X2 −X + 1, . . .On véri�e alors que Q est irréductible.Cette méthode, qui exige un très grand nombre de calculs élémentaires, prendtoute sa valeur si on la programme (auquel cas on factorise facilement lespolynômes de degré ≤ 5).

.

6.5 Anneaux euclidiens

On a vu dans le chapitre 1 que les propriétés arithmétiques de Z provenaientdirectement de l'existence de l'algorithme d'Euclide reposant sur une division eu-clidienne. Dans cette section on va étudier les anneaux sur lesquels on peut dé�nirune division analogue et qui vont être susceptibles de la même démarche ; cepen-dant ils ne représentent pas une nouvelle catégorie d'anneaux (ils seront forcémentprincipaux), le seul intérêt est que les di�érents attributs arithmétiques les concer-nant (pgcd, relations de Bézout, . . .) s'obtiennent algorithmiquement de façone�ective, donc précieuse en pratique.

Dé�nition 6.31 (Anneau euclidien) Soit A un anneau commutatif intègre ; ondit que A est euclidien s'il existe une fonction ϕ : A − {0} → N véri�ant lesconditions suivantes :

1. si b | a, a 6= 0, alors ϕ(b) ≤ ϕ(a)

2. si b ∈ A− {0}, alors pour tout a ∈ A, il existe q ∈ A, r ∈ A, tels que

a = bq + r avec r = 0 ou ϕ(r) < ϕ(b).

Exemples Pour A = Z, on a ϕ(a) = |a| (cf. remarque 3 page 87) ; pour A = K[X](où K est un corps), on a ϕ(Q) = d(Q) (cf. remarque 2 page 87) ; si A = Z[ i ], alorsϕ(u+ iv) = u2 + v2.

Lemme 6.32 (ϕ(a) pour a ∈ A×) On a a ∈ A× si et seulement si ϕ(a) = ϕ(1).

⇒ : Si a ∈ A×, on a a | 1, et d'après 1, ϕ(a) ≤ ϕ(1) ; comme 1 | a, on a aussiϕ(1) ≤ ϕ(a).

⇐ : Si ϕ(a) = ϕ(1), en utilisant 2, on a 1 = aq + r, avec r = 0 ou (r 6= 0 etϕ(r) < ϕ(a) = ϕ(1)) ; mais si r 6= 0, la relation r = 1− aq = 1(1− aq) conduità ϕ(1) ≤ ϕ(r), ce qui est absurde. On a donc r = 0, soit aq = 1, et a ∈ A×.

Théorème 6.33 Tout anneau euclidien est principal.

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 85

Démonstration Logiquement, elle est identique à celle utilisée pour Z ou K[X](cf. chapitre 2, dé�nition 2.12 exemple 1 page 20 de ce cours) :

Soit a un idéal non nul de A ; alors ϕ(a−{0}) est une partie non vide de N dont leminimum est atteint pour au moins un a ∈ a−{0}. Soit alors x ∈ a ; on a x = aq+r,q, r ∈ A, avec r = 0 ou (r 6= 0 et ϕ(r) < ϕ(a)) ; si r 6= 0, r = x − aq ∈ a − {0}de façon évidente, et on a donc ϕ(r) ≥ ϕ(a) par dé�nition de a, ce qui est absurde.Donc nécessairement r = 0 et x ∈ (a), ce qui prouve l'inclusion a ⊆ (a), d'où l'égalitépuisque a ∈ a.

La division euclidienne conduit à l'algorithme d'Euclide que nous rappelonsbrièvement (mais avec un degré de généralité optimal) :

Théorème 6.34 (Algorithme d'Euclide dans un anneau euclidien) Si A estun anneau euclidien, il existe un algorithme d'Euclide pour tout couple (a, b), a,b ∈ A, conduisant (via le dernier reste rn) à un pgcd de a et b, et à une relation deBézout.

Démonstration Posons, pour a ∈ A, b ∈ A donnés :

r−1 = a

r0 = b

et considérons les divisions euclidiennes successives (par décalage vers la gauche descouples de � restes � (ri−1, ri) ) tant que c'est possible :

r−1 = q0r0 + r1, q0 ∈ A, ϕ(r1) < ϕ(r0)r0 = q1r1 + r2, q1 ∈ A, ϕ(r2) < ϕ(r1)

...ri−1 = qiri + ri+1, qi ∈ A, ϕ(ri+1) < ϕ(ri)

...rn−2 = qn−1rn−1 + rn, qn−1 ∈ A, ϕ(rn) < ϕ(rn−1)rn−1 = qnrn + 0, qn ∈ A

(6.3)

Si r0 = 0, le tableau ci-dessus est donc vide 9 ; sinon, vu la stricte décroissance desϕ(ri), à partir de ϕ(r0) > 0, il existe un reste (non nul) rn, d'indice maximum n ≥ 0(i.e. rn+1 = 0). Appelons d cet entier rn

Si le tableau (6.3) est vide, c'est que n+1 = 0 (nombre de lignes) et d = r−1 = a.On a le résultat suivant :

Lemme 6.35 (Lien entre a, b et ri) Pour tout i, −1 ≤ i ≤ n+1, on a : il existeui, vi ∈ A tels que ri = uia+ vib.

Pour i = −1, r−1 = u−1a+ v−1b, avec u−1 = 1, v−1 = 0.Pour i = 0, r0 = u0a+ v0b, avec u0 = 0, v0 = 1.

9. Et le � dernier � couple de restes (rn, rn+1) obtenu est donc (pour n = −1) (r−1, r0) (i.e. les� initialisations �).

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86 Anneaux

À partir des relations (i ≥ 0) :

ri−1 = ui−1a+ vi−1b

ri = uia+ vib

supposées comme hypothèse de récurrence, prouvons le stade suivant (i.e. pour ri etri+1, donc pour ri+1) ; on a (milieu du tableau (6.3)) :

ri−1 = qiri + ri+1

d'où, pour trouver ui+1, vi+1 ∈ A tels que :

ui−1a+ vi−1b = qi(uia+ vib) + ui+1a+ vi+1b

il su�t de prendre les valeurs suivantes :

ui+1 = −qiui + ui−1

vi+1 = −qivi + vi−1

D'où, pour i = n, l'existence 10 de u = un, v = vn tels que

rn = d = ua+ vb

Pour ceux qui font des programmes, ceci conduit à l'algorithme suivant, valablequels que soient a, b ∈ A (résultats dans D, U , V ) :

D := a ; DD := b ;U := 1 ; UU := 0 ;V := 0 ; V V := 1 ;

tant que DD 6= 0 faire

début∣∣∣ Q := D ÷DD ;∣∣∣ X := U −Q ∗ UU ; U := UU ; UU := X ;∣∣∣ Y := V −Q ∗ V V ; V := V V ; V V := Y ;∣∣∣ Z := D −Q ∗DD ; D := DD ; DD := Z ;

fin

Lemme 6.36 (Lien entre a, b et d) Le nombre d divise a et b.

On montre, par récurrence descendante sur i, n+ 1 ≥ i ≥ 0, que d = rn divise ri etri−1 :

� Pour i = n+ 1, comme rn+1 = 0, d = rn divise trivialement rn+1 et rn (= d).� Si l'on suppose que d divise ri et ri+1, n ≥ i ≥ 0, la relation ri−1 = qiri + ri+1

montre que d divise ri−1 et ri.

10. Noter que pour i = n + 1, on obtient rn+1 = 0 = un+1a + vn+1b (voir sur des exemplesnumériques, ce que sont un+1 et vn+1).

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Divisibilité dans les anneaux intègres. Anneaux factoriels. 87

D'où le résultat pour i = 0.On a donc obtenu le résultat très fort suivant, avec en plus un algorithme de

calcul pour tout objet mathématique dont l'existence est a�rmée :

Théorème 6.37 (Résultat-clef) Soit A un anneau euclidien, pour tout a, b ∈ A,il existe d, u, v ∈ Z véri�ant les propriétés suivantes (y compris si a = 0 ou b = 0) :

1. d | a et d | b2. d = ua+ vb.

Remarques

1. Prouver qu'un anneau principal donné A n'est pas euclidien est en généralextrêmement di�cile : en e�et, ceci n'est plus à proprement parler un problèmealgébrique, mais un problème d'arithmétique non trivial (la non existence deϕ supposant un degré de complexité de A di�cile à maîtriser).

2. Pour les anneaux Z, Z[ i ], la fonction ϕ est dé�nie sur A par ϕ(0A) = 0et est multiplicative (ϕ(ab) = ϕ(a)ϕ(b) pour tout a, b ∈ A) et ϕ(1) = 1(autrement dit, c'est un homomorphisme de monoïdes multiplicatifs, de (A,×)dans (N,×)) ; le cas de K[X] rentre dans le cas précédent si l'on pose ϕ(Q) =2d(Q) (par exemple), auquel cas � ϕ(0) = 2−∞ = 0 �, ϕ(1) = 20 = 1.Lorsque ϕ est multiplicative et lorsque ϕ(a) = 0 ⇐⇒ a = 0, le point 1 dela dé�nition 6.31 page 84 est automatiquement véri�é, et le point 2 s'énonceainsi : si b ∈ A− {0}, pour tout a ∈ A, il existe q, r ∈ A tels que a = bq + r,avec ϕ(r) < ϕ(b).

3. Dans la dé�nition 6.31 page 84, point 2, les éléments q et r de A ne sont pasnécessairement uniques ; par exemple, on pourra écrire, dans Z, pour a = 8,b = 3 : 8 = 3×2+2 (r = 2) ou 8 = 3×3−1 (r = −1), et dans tous les cas on aϕ(r) < ϕ(b). Donc la dé�nition générale ne donne pas directement la divisioneuclidienne telle que nous l'avons dé�nie dans Z, cette dernière résultant d'unchoix plus précis de r assurant notamment son unicité.On peut utiliser cette division euclidienne plus générale pour atteindre plusvite (peut-être) un pgcd dans Z :Par exemple, pour a = 21, b = 13, on a :

21 = 13× 2 − 513 = −5× (−3) − 2−5 = −2× 2 − 1 (ou −2× 3 + 1)

au lieu de :21 = 13× 1 + 813 = 8× 1 + 58 = 5× 1 + 35 = 3× 1 + 23 = 2× 1 + 1

d'où un calcul plus rapide des � coe�cients de Bézout � dans le premier algo-rithme.

Fin du sixième chapitre

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