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Date post: 21-Jan-2016
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Rapin
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André Rapin Martine Schwaller Henri Duday Pierre Caillat Contribution à l'étude de l'armement celtique : la tombe 163 d'Ensérune (Hérault) In: Revue archéologique de Narbonnaise, Tome 20, 1987. pp. 155-183. Abstract The restoration and the analysis of metallurgy inclosed in grave n° 163 in Ensérune, allows a thorough study of a whole closed find dating back to the early 3rd century B.C. and allows the comparison of the classifications of black glazed ceramic material with those of classical Celtic warrior weapons. The very quality and variety of this equipment brings back a keen interest for a new and thorough study of the Ensérune necropolis and raises the issue of early and well established trade exchanges with the Celtic world. Résumé La restauration et l'analyse du mobilier métallique contenu dans la tombe 163 d'Ensérune permet l'étude exhaustive d'un ensemble clos daté du début du IIIe siècle av. notre ère et la confrontation des classements du matériel céramique à vernis noir avec ceux d'un armement de guerrier de type celtique. La qualité et la diversité même de cette panoplie relancent l'intérêt d'une étude complète de la nécropole d'Ensérune et posent le problème d'échanges commerciaux précoces et bien établis avec le monde celtique. Citer ce document / Cite this document : Rapin André, Schwaller Martine, Duday Henri, Caillat Pierre. Contribution à l'étude de l'armement celtique : la tombe 163 d'Ensérune (Hérault). In: Revue archéologique de Narbonnaise, Tome 20, 1987. pp. 155-183. doi : 10.3406/ran.1987.1309 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ran_0557-7705_1987_num_20_1_1309
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André RapinMartine SchwallerHenri DudayPierre Caillat

Contribution à l'étude de l'armement celtique : la tombe 163d'Ensérune (Hérault)In: Revue archéologique de Narbonnaise, Tome 20, 1987. pp. 155-183.

AbstractThe restoration and the analysis of metallurgy inclosed in grave n° 163 in Ensérune, allows a thorough study of a whole closedfind dating back to the early 3rd century B.C. and allows the comparison of the classifications of black glazed ceramic materialwith those of classical Celtic warrior weapons. The very quality and variety of this equipment brings back a keen interest for anew and thorough study of the Ensérune necropolis and raises the issue of early and well established trade exchanges with theCeltic world.

RésuméLa restauration et l'analyse du mobilier métallique contenu dans la tombe 163 d'Ensérune permet l'étude exhaustive d'unensemble clos daté du début du IIIe siècle av. notre ère et la confrontation des classements du matériel céramique à vernis noiravec ceux d'un armement de guerrier de type celtique. La qualité et la diversité même de cette panoplie relancent l'intérêt d'uneétude complète de la nécropole d'Ensérune et posent le problème d'échanges commerciaux précoces et bien établis avec lemonde celtique.

Citer ce document / Cite this document :

Rapin André, Schwaller Martine, Duday Henri, Caillat Pierre. Contribution à l'étude de l'armement celtique : la tombe 163d'Ensérune (Hérault). In: Revue archéologique de Narbonnaise, Tome 20, 1987. pp. 155-183.

doi : 10.3406/ran.1987.1309

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ran_0557-7705_1987_num_20_1_1309

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CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE L'ARMEMENT CELTIQUE :

LA TOMBE 163 D'ENSÉRUNE (Hérault)

André RAPIN, Martine SCHWALLER

L'armement recueilli dans la nécropole à incinération du 2e Age du Fer d'Ensérune constitue un des éléments les plus originaux de cet ensemble; une étude complète de ces sépultures passe désormais par le traitement en laboratoire sinon de la totalité, du moins des pièces ou groupes métalliques les plus significatifs. Ce travail, proposé dès 1982 par l'Institut de Recherches Archéologiques et Paléométallurgiques de Compiègne, a conduit à retenir, dans un premier temps, la tombe 163 : les résultats exceptionnels obtenus lors de la restauration de cette panoplie justifient aujourd'hui une publication exhaustive de cet ensemble clos.

L'intérêt de la tombe 163 avait été mis en évidence dans les travaux publiés par H. Gallet de Santerre à propos des fouilles du quartier Ouest (1). Rappelons qu'à ce jour, plus de 500 tombes ont été découvertes sur le site; dans son ouvrage de synthèse consacré à Ensérune, J. Jannoray analyse l'essentiel des informations provenant des fouilles du début du siècle (2), et propose une étude des usages funéraires au 2e Age du Fer qu'il convient de compléter par les données fournies par les découvertes récentes. Les phases d'ensevelissement de cette nécropole, traditionnellement divisées en trois groupes (3), recouvrent une fourchette chronologique placée entre le 2e tiers du ve s. et le milieu du iip siècle avant J.-C.

Il ne s'agit pas dans la présentation de la tombe 163, d'évoquer l'ensemble des problèmes que seule une approche globale de la nécropole pourrait tenter de résoudre, mais de reprendre la somme des informations sur cette sépulture à la lumière du synchronisme inédit fourni par l'association du mobilier céramique méditerranéen, importé ou non, et du matériel métallique celtique.

I. - CIRCONSTANCES DE LA DÉCOUVERTE

La totalité des informations de ce chapitre est extraite soit des publications récentes (4), soit des notes recueillies au moment de la fouille (5). L'habitation (maison A) qui recouvrait la tombe 163, appartient à un vaste quartier de la ville qui s'étend à l'extrémité ouest de Y oppidum et qui s'est superposé à la nécropole lors de la désaffection de celle-ci dans le courant du nr siècle avant notre ère (fig. 1).

(1) H. Gallet de Santerre, Fouilles dans le quartier Ouest d'Ensérune, Insula n° X, R.A.N., 1, 1968, p. 39-83. (2) H. Gallet de Santerre, Sur quelques sépultures et rites funéraires d'Ensérune, Mélanges d'Archéologie et d'Histoire offerts à André

Piganiol, II, 1966, p. 1027-1036. (3) J.J. Jully, Une coupe attique à tige à figures rouges de la nécropole d'Ensérune (sépulture 1945-41), et la datation des «phases

d'ensevelissement » de cette nécropole, RAC, 55-56, 1975, p. 303-316. Le découpage classique a été donné par J. Jannoray (phase 1 jusqu'au premier quart du iv* s.; phase 2 : 375-325 av. J.-C; phase 3 : 325-250 av. J.-C). Quelles que soient les séquences retenues la tombe 163 appartient indiscutablement à la phase finale de la nécropole reconnue par l'ensemble des auteurs.

(4) H. Gallet de Santerre, Fouilles dans le quartier Ouest... (5) Ces notes ont été rassemblées et mise en forme par M. l'abbé J. Giry, conservateur du Musée d'Ensérune au moment de ces

fouilles.

Revue Archéologique de Narbonnaise, 20, 1987, p. 155-183.

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156 A. RAPIN, M. SCHWALLER

Diverses phases d'occupation se sont succédées dans ce secteur jusqu'à l'abandon définitif du site dans la première moitié du premier siècle de notre ère. Ces constructions ont fréquemment provoqué l'écrêtement, voire la destruction partielle ou totale des sépultures sous-jacentes.

La maison A se compose d'un ensemble de pièces regroupées autour d'un impluvium central, dispositif unique à Ensérune; 17 tombes (dont 13 sous une seule pièce) ont été fouillées dans l'aile nord-ouest de cette unité d'habitation. La sépulture 163 a été retrouvée en 1959 à l'angle des murs

Fig. 1. Plan de situation de la tombe 163 dans le quartier ouest d'Ensérune.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 157

est et sud de la pièce 6, protégée par un seuil monolithe, remanié cependant lors des tranchées de reconnaissance pratiquées par F. Mouret.

II. - DESCRIPTION DE LA TOMBE 163

Les notes et photographies prises en cours de fouille, permettent de restituer les dispositions de la tombe (fig. 2 et 3) :

î

Fig. 2 et 3. Restitution graphique du dépôt funéraire.

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158 A. RAPIN, M. SCHWALLER

Le loculus, qui s'ouvre à 1,35 m sous le niveau du sol actuel, est creusé dans le terrain naturel, un tuf : il a une forme à peu près circulaire et des contours réguliers. Son diamètre maximum nord-sud est de 1,44 m. La distance séparant les parois est et ouest ne dépasse pas 1,49 m. La profondeur totale de la tombe est de 80 cm environ.

Un lambeau de couverture semble avoir été conservé lors des aménagements postérieurs; les fouilleurs ont observé en effet « un dispositif de pierres de taille variable » (5), déposées sur le comblement de la fosse. Celle-ci était remplie de cendres très noires, en masses homogènes, contenant cependant des fragments d'os humains calcinés. Plusieurs éléments de crâne ont été identifiés en surface.

Au centre de la cavité, à une profondeur de 20 cm environ, a été installée une pierre calcaire de grande taille (longueur : 0,77 m, largeur : 0,54 m, hauteur : 0,16 m), légèrement inclinée vers le Sud.

Dans les niveaux supérieurs du comblement, alors que le bloc est encore en place, l'essentiel du mobilier d'accompagnement se concentre dans la partie sud-ouest du loculus (fig. 2).

Le mobilier métallique, disposé contre la paroi sud, est amalgamé (inv. 59/223, 225, 226) : une grande épée en fer dans son fourreau, bouterolle vers l'Ouest, un fragment de fer de lance avec douille, un umbo de bouclier, plusieurs fragments de chaînette en bronze.

Au Nord de cet ensemble (fig. 4), un plat à vernis noir (inv. 59/202) a été déposé. Contre le bord de la cavité, à l'Ouest, une série de quatre vases disposés à plat ou légèrement inclinés (fig. 5) :

une grande coupe à vernis noir (inv. 59/200 ou 201), une coupelle à vernis noir (inv. 59/204), avec, entre ces deux vases, un uf d'oie, une petite urne en céramique modelée (inv. 59/206), enfin une petit vase à parfum à pâte jaune, couché (inv. 59/207).

Fig. 4. Partie sud de la fosse en cours de fouille.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 159

Fig. 5. — Les vases d'accompagnement.

La dalle centrale épaisse de 16 cm recouvrait directement l'ossuaire, un cratère « à poucier » (inv. 59/199) (fig. 6). Celui-ci contenait les ossements brûlés (6) ainsi que quelques pierres rougies par le feu. Au même niveau, contre la paroi est (fig. 3), un ensemble composé de quatre vases et divers fragments a été individualisé. Du Nord au Sud :

— un fragment de coupe à vernis noir (inv. 59/208), — éléments de faune (os de mouton) (7), — une coupe à vernis noir (inv. 59/200 ou 201), — une coupe en céramique tournée à pâte jaune (inv. 59/205) coiffant un vase en céramique

modelée (inv. 59/217) qui contenait des « ossements d'oiseau ». Au Nord et au Sud du loculus, des fragments épars : tessons d'amphores massaliètes (inv. 214,

215 et 216), une lèvre de cratère en calice (inv. 59/209), enfin des éléments appartenant à un orle de bouclier. La couche profonde contenait également de nombreux restes de faune (épaule de mouton, lapin) ainsi qu'une grande quantité de languettes en os taillé.

L'analyse du mobilier inventorié (ou non) et réuni dans le même ensemble après la fouille, révèle un certain nombre de pièces qui n'apparaissent à aucun moment dans les croquis, photos et notes de chantier : il s'agit en particulier de la coupelle à vernis noir répertoriée sous le numéro 59/203 et de plusieurs têtes et éléments de clous en fer.

Nous reviendrons plus loin sur le problème d'homogénéité que présente cette tombe et sur les possibilités d'intrusions accidentelles et de confusions de matériel.

(6) Rappelons que la totalité des ossements n'est pas contenue dans l'ossuaire mais que le rapport de fouille mentionne des éclats dans le comblement (fragments de crâne).

(7) Voir plus loin les déterminations de faune établies par P. Caillât.

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Fig. 6. — Le cratère ossuaire en cours de dégagement.

III. — ÉTUDE DU MOBILIER CÉRAMIQUE

III. 1. Les vases à vernis noir81

• le vase ossuaire : — Inv. 59/199 (fig. 7). — Cratère appartenant à la série dite « à poucier ». — Hauteur : 30,7 cm, diamètre maximum à l'ouverture : 27,4 cm, diamètre de la panse : 44 cm, diamètre du pied :

14 cm. — Panse godronnée dont la hauteur (12,8 cm) est très voisine de celle du col (11,8 cm). Celui-ci porte en légère

gravure, une guirlande florale surpeinte. — Pied à tige, anses protubérantes et droites se rattachant au niveau de la lèvre. — Pâte orange clair très fine, recouverte d'un vernis noir terne. — Ce cratère a été largement réparé au plomb, sous le pied, à la jonction de la panse et du pied, de la panse

et du col et en deux points sur la lèvre. Les différentes proportions et caractéristiques ci-dessus, tendent à assimiler cet exemplaire à la

forme 3521c(9) (voir forme 40B de N. Lamboglia) (10).

(8) Nous tenons à remercier tout particulièrement M. J.P. Morel qui a bien voulu nous donner ses conclusions sur l'ensemble de ces productions.

(9) J.P. Morel, Céramique campanienne : les formes, B.E.F.A.R., p. 268. (10) N. Lamboglia, Per una classifïcazione preliminare délia ceramica campana, Actes du Ier Cong, inter. Et. Lig., 1950, Bordighera,

1952, p. 185.

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D,

Fig. 7. — Mobilier de la tombe 163 : la céramique à vernis noir.

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162 A. RAPIN, M. SCHWALLER

Production « précampanienne » qui apparaît dans le dernier quart du IVe siècle. Nombre de ces cratères, forme très courante à Ensérune, ont été classés dans la catégorie « campanienne » alors qu'ils appartiennent sans aucun doute à des séries attiques; ce n'est pas le cas de notre exemplaire issu indiscutablement d'un atelier italien.

• Grande coupe à bord rentrant très infléchi : — Inv. 59/200 (fig. 7). — Hauteur : 8 cm, diamètre à l'ouverture : 23,6 cm, diamètre maximum de la panse : 25,4 cm. — Pâte rouge brique, dure, vernis intérieur et extérieur mat, traces de feu sur la panse. Intérieur de la vasque

décoré de cinq palmettes inscrites dans un cercle. Amorce de graffite sous le pied réservé.

• Grande coupe à bord rentrant très infléchi :

— Inv. 59/201 (fig. 7). — Forme identique à la précédente. — Hauteur : 7,8 cm, diamètre à l'ouverture : 22,2 cm, diamètre maximum de la panse : 23,6 cm. — Pâte rouge brique, dure, vernis noir très mat et écaillé. — Intérieur de la vasque décoré de cinq palmettes inscrites dans un double cercle. — Graffite incertain sous le pied.

• Grande coupe incomplète :

— Inv. 59/208 et 59/212, 213. — Forme identique à la précédente. — Le diamètre total de cette pièce est estimé à environ 26 cm. — Pâte rouge brique, dure, vernis noir très mat.

Les trois exemplaires que nous venons de décrire peuvent sans aucun doute être rattachés à la série F2762 (variante al à cl)(11). Ces productions sont datées de la fin du ive siècle (ou autour de 300) et sont attribuées à des ateliers du Golfe du Lion.

• « Plat à poisson » :

— Inv. 59/202 (fig. 7). — Hauteur : 4,1 cm, diamètre maximum : 26,7 cm. — Patère à dépression centrale marquée, lèvre très pendante. — Pâte rose/orange pâle, fine, vernis brunâtre très écaillé, métallescent sous le pied. — Sillons réservés près du bord et autour de la cupule centrale.

Ce type de plat est situé par B.A. Sparkes et L. Talcott dans le dernier quart du ive siècle (12). Il est identique à la forme 1 121a proposée par J.-P. Morel (13) et datée également de la seconde moitié du ive siècle. La technique du plat de la tombe 163 n'en fait en aucun cas une production attique.

• Coupelle :

— Inv. 59/204 (fig. 7). — Hauteur : 3,3 cm, diamètre maximum : 7,5 cm. — Coupelle à bord bombé et lèvre épaissie légèrement rentrante. — Pâte à cœur très rouge. Vernis brun écaillé qui porte à l'extérieur des traces de feu.

(11) J.P. Morel, op. cit., p. 218-219 et pi. 70. (12) B.A. Sparkes, L. Talcott, The Athenian Agora, Black and Plain Pottery, XII, 1970, p. 311 et pi. 37. (13) J.P. Morel, op. cit., p. 84 et pi. 1.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 163

Ce vase se rapproche des exemplaires proposés dans la série 2714(14), datée de la seconde moitié du ive siècle. La pâte proche de celle des grandes coupes à bord rentrant, tend à en faire une production régionale.

• Bol:

— Inv. 59/203 (fïg. 7). — Hauteur : 5,8/5,9 cm, diamètre à l'ouverture : 14,4 cm. — Bol large, pied relativement étroit à deux pans, bord peu rentrant, très légèrement faceté portant de fines traces

de lissage. — Pâte beige clair à orange, vernis noir très épais couvrant la totalité du vase, présentant des inégalités et traces

de doigt aux abords du pied. Ce vase porte deux trous de réparation sur la panse et une rosette à huit pétales en relief au centre de la vasque.

Certaines caractéristiques techniques, pâte, dimension, timbre, rapprochent cette coupe des séries produites par l'atelier des petites estampilles dans le courant du premier quart du nr siècle. Cependant, le profil tendu de la vasque n'appartient pas aux formes préférentielles de cet atelier (27a et 27b) et se rapproche davantage des exemplaires décrits dans la typologie récente dans la classe 2764 (15), pour laquelle une fabrication régionale est proposée vers le milieu du me siècle (16).

• Fragments divers :

Lèvre de cratère : — Inv. 59/209 (fig. 7). — Pâte claire orangée, vernis noir opacifié ayant subi fortement le feu. — Sillon réservé sous la lèvre, décorée d'une arabesque.

Ce fragment appartient à un cratère dit « en calice » de forme Lamb. 40A(17) repris par J.-P. Morel (18) sous le numéro 4631. Cet exemplaire est attribué à une série précampanienne placée vers le milieu du ive siècle C'est l'élément le plus ancien attesté dans cette tombe. Isolé dans le loculus, il peut avoir été mêlé accidentellement au comblement ou provenir plus simplement d'une sépulture antérieure détruite comme c'est fréquemment le cas à Ensérune lors des creusements de tombes postérieures. Fragment d'anse de cratère à poucier :

— Inv. 59/210 (fig. 7). — Pâte rouge brique, épais vernis noir vacuole.

Fragment de fond de coupe — Inv. 59/211. — Présence de guillochis. — Pâte orange dure et fine, vernis noir très brillant.

Bord de coupe légèrement aplati : (fig. 7, 1) — Diamètre non déterminé. — Pâte rouge brique, vernis noir écaillé et brûlé.

(14) J.P. Morel, op. cit., p. 209 et pi. 67. (15) J.P. Morel, op. cit., p. 219 et pi. 70. (16) Ce vase (inventorié dans la T. 163) n'apparaît à aucun moment dans la description de la tombe en cours de fouille; la datation

basse confirme vraisemblablement la présence d'un élément intrusif dans un ensemble remarquablement homogène. (17) N. Lamboglia, op. cit., p. 184. (18) J.P. Morel, op. cit., p. 323 et pi. 140.

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164 A. RAPIN, M. SCHWALLER

Fond annulaire : (fig. 7, 2) — Diamètre du pied : 7,1 cm. — Pâte orange dure, vernis noir inégal et écaillé (19).

III.2. Les vases en céramique tournée à pâte claire

• Coupe, à anse latérale, pied annulaire :

— Inv. 59/205 (fig. 8). — Pâte beige clair, légèrement micacée. — Hauteur : 10,6 cm, diamètre : 15,3 cm.

• Cinq fragments de céramique tournée à pâte beige clair dont une anse de coupe fortement brûlée

— Inv. 59/218.

• Petit vase (balsamaire) à pâte jaune pâle:

— Inv. 59/207 (fig. 8). — Hauteur : 7,1 cm. Diamètre maximum : 5,8 cm.

• Amphores massaliètes :

— Inv. 59/214 : col d'amphore à pâte beige en deux fragments dont l'un est très brûlé et fissuré. — Diamètre estimé : 15,3 cm. — Lèvre très émoussée, mince et arrondie (fig. 8). — Inv. 59/215 : fragment de col à lèvre aplatie. — Pâte brun clair brûlée. — Diamètre maximum estimé : 15-16 cm (fig. 8).

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Fig. 8. — Mobilier de la tombe 163 : - 206, 217, 219 : céramique non tournée; - 205, 207 : céramique tournée à pâte claire; - 215, 216 : amphore massaliète; - 1 : éléments de tabletterie. (19) Les fragments 59/210, 211, 1 et 2, ne sont pas signalés dans les notes de fouille.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 165

111.3. La céramique non tournée

• Petite urne à anse latérale :

— Inv. 59/206 (fig. 8). — Décorée de trois protubérances en haut de la panse. — Pâte grise à gros dégraissant calcaire, surface brute. — Hauteur : 9 cm; Diamètre : 6,7 cm.

• Urne à fond plat :

— Inv. 59/219 (fig. 8). — Urne à carène douce, lèvre légèrement éversée. — Pâte brun/orangée à très gros et abondant dégraissant de calcaire blanc. — Nombreuses traces de flamme qui ont cependant totalement épargné certains fragments. — Hauteur non déterminée. Diamètre du bord : 11,2 cm, diamètre du fond : 7,5 cm. — 5 fragments, dont une anse, peuvent ête rattachés à ce récipient.

• Urne modelée :

— Inv. 59/217 (fig. 8). — Ce vase en dix-sept fragments n'est pas reconstituable intégralement. — Les dimensions relevées en cours de fouille sont : hauteur : 14 cm et diamètre : 13 cm. — Pâte beige à brun clair, très gros dégraissant de calcaire blanc portant d'importantes traces de feu.

111.4. Divers

Eléments en os travaillé, brûlés (fig. 8, 1). Les longues séries en dent de peigne (plus de 1,40 m linéaire) portent, par endroit, la trace de rivets de bronze. Deux d'entre eux sont conservés. Ces fragments peuvent être attribués à des appliques sur coffret ou autre objet similaire passé sur le bûcher. Les formes sont très variables : lamelles droites, dents de peigne, grecques, cercles pointés, languettes courbes...

IV. - LE MOBILIER MÉTALLIQUE

IV.l. Circonstances de la restauration (20)

Les recherches comparatives consécutives à la découverte de Gournay-sur-Aronde (21) (Oise) nous amenèrent tout naturellement au Musée d'Ensérune où se trouve un des plus importants mobiliers celtiques de France, non publié à ce jour. La sélection de la tombe 163 fut le résultat d'un choix déterminé par trois raisons essentielles.

Cette tombe de guerrier contient dans son mobilier métallique des éléments de panoplie en tout point comparables à ceux des dépôts les plus profonds du sanctuaire de Gournay; notamment un

(20) Restauration et études assumées par l'Institut de Recherches Archéologiques et Paléométallurgiques (I.R.A.P.), 21, rue des Cordeliers, 60200 Compiègne.

(21) La publication d'une première partie de ce mobilier métallique découvert depuis 1977 est actuellement en cours. Le mobilier de cette sépulture d'Ensérune s'intègre dans l'étude comparative du 2e volume de Gournay-sur-Aronde : Gournay II — Boucliers, lances et cinétique des dépôts, André Rapin et Jean-Louis Brunaux.

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166 A. RAPIN, M. SCHWALLER

umbo de bouclier à ailettes demi-circulaires associé à une chaîne de suspension d'un type pratiquement inédit, sinon très inhabituel dans le matériel celtique (22).

— Le fait que la corrosion ait soudé tous ces éléments en un seul bloc de rouille plus ou moins fracturé, rendait cet ensemble particulièrement fiable, ce qui est loin d'être le cas pour un grand nombre de sépultures de cette nécropole.

— Enfin l'association de cette panoplie métallique classique avec un riche ensemble de céramiques dont certaines sont des importations d'Italie, donc connues et relativement bien datables, permet de confronter les classements chronologiques du matériel méditerranéen avec ceux du matériel celtique occidental. La datation de cette panoplie d'Ensérune pourrait en conséquence donner une assise chronologique plus fiable aux centaines d'armes des sanctuaires de Picardie (23).

IV.2. L'épée et son fourreau (fig. 10 et 11)

Longueur de la lame : Largeur de la soie :

Longueur totale : Longueur bouterolle :

664 mm 112 mm

710 mm 176 mm

ÉPÉE Largeur de la lame : Epaisseur maximum :

FOURREAU Largeur entrée : Largeur bouterolle : Largeur extrémité :

53 mm 11 mm

60 mm 50 mm 44 mm

Brisés en cinq fragments et encombrés en surface à la fois par l'adhérence du reste du matériel métallique (fig. 9) et par l'épaisseur des produits de corrosion dépassant parfois les 15 mm, l'épée et son fourreau ont demandé un très long travail de dégagement et de remontage.

Les premières radiographies montrèrent en effet que l'épaisse couche d'oxydes et de concrétions contenait également du matériel inconnu et non inventorié. De telles révélations ne pouvaient que ralentir le travail de décapage afin de préserver ces informations dissimulées dans la rouille.

C'est cependant le surcroît d'attention ainsi imposé qui augmenta l'acuité de la technique de recherche de l'épiderme mise au point à Compiègne et qui permit la mise au jour de l'ornementation.

IV.2.1. L'épée (fig. 10)

Son étude métrologique a pu se faire grâce aux radiographies (24) d'une part, et à l'observation des différentes fractures d'autre part, car la lame et le fourreau ne pouvaient être désolidarisés. Le léger dégagement de la lame à l'entrée du fourreau permet cependant d'observer sa structure nervurée et son épaisseur, ainsi que le léger biseautage des tranchants aiguisés jusqu'à la garde.

(22) Ce type de chaîne dite « échelle » semblerait une spécificité du Nord de la Gaule au me siècle avant notre ère. Voir à ce propos une première synthèse sur ces chaînes : V. Kruta et A. Rapin, Une sépulture celtique à Rungis (Val-de-Marne), dans Cahiers de la Rotonde, n° 10, 1986, ainsi que A. Rapin : Le système de la suspension des fourreaux d'épées laténiens au HP siècle avant J.-C, dans Actes du Colloque de Bologne; Celti ed Etruschi nell'Italia centro settentrionale dal Ve secolo a. c. alla romanizzazione — Bologna 1987 — A cura di Daniela Vitali, Atti del colloquio internazionale, Bologna 12-14 aprile 198S.

(23) La particularité des sanctuaires celtiques de Picardie réside dans le fait qu'ils se situent au centre d'une région où les rares sépultures découvertes n'ont jamais livré de panoplie dans leur dépôt funéraire.

(24) Nous devons les radiographies de l'épée d'Ensérune à M™ Nicole Varin de 1'I.R.A.P. dont la longue spécialisation dans la recherche des décors a permis de disposer de clichés de qualité.

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Fig. 9. — Le matériel métallique avant sa restauration.

L'arête médiane, visible sur les différentes fractures, se poursuit jusqu'à l'extrémité sans pour autant que celle-ci soit très effilée, car elle se termine en arc légèrement brisé (visible à la radiographie) à la manière de la plupart des épées de la phase moyenne de la civilisation laténienne. Autre caractéristique des épées de cette phase, la croisière est fixée sur le haut de la lame par un léger décrochement de celle-ci, ce qui l'empêche de glisser vers le bas (fig. 10).

La soie, incomplète du côté du pommeau, présente par contre des caractéristiques anciennes avec sa section losangique prolongeant la lame, sur quelques centimètres et se transformant peu à peu en section ovalaire puis circulaire (25). Ajoutées à ces données structurelles, ses dimensions respectables en font une arme de taille, lourde et puissante, dont le maniement devait exiger une force physique conséquente.

A notre demande, quatre têtes de clou, provenant de la tombe 163 mais non inventoriées, sont parvenues au laboratoire dans un deuxième temps. La restauration de ce matériel, souvent négligé à tort, parce qu'apparemment sans grand intérêt, confirma leur appartenance supposée à la poignée de l'épée, du fait de leurs dimensions et surtout par leur ornementation exceptionnelle (fig. I lb).

Chacune de ces têtes de clou était en effet ornée de motifs en relief probablement obtenu par matriçage. Sur l'un d'entre eux particulièrement bien conservé (fig. 1 lb), trois peltes juxtaposées sur le minuscule cercle de 1 5 mm de diamètre étonnent par la précision géométrique de leur élaboration. De plus, le petit piquetage qui souligne le triangle concave central évoque les techniques ornemen-

(25) L'épée d'Epiais Rhus (Val-d'Oise) dont la fabrication remonte à la deuxième moitié du iv siècle avant J.-C, présente les mêmes caractéristiques de dimensions et de structure; V. Kruta, B. Lambot, J.M. Lardy et A. Rapin, Les fourreaux d'Epiais Rhus (Val-d'Oise) et de Saint-Germainmont (Ardennes) et l'Art celtique du iv siècle avant J.-C, Gallia, 42, 1984, fasc. 1.

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Fig. 10. — L'épée dans son fourreau après restauration.

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taies propres à l'orfèvrerie (26). Lorsque ces têtes de clou sont découvertes en place en sépulture, elles sont associées par paires, et révèlent la structure composite de la poignée.

Celles d'Ensérune devaient être ainsi couplées pour former un rivetage assemblant les éléments périssables de la garde de la poignée. Ces rivets, aux dimensions standardisées, sont assez fréquents dans les sépultures à différents emplacements de la poignée et, sur quelques pièces exceptionnellement conservées provenant de la zone danubienne (27), les têtes en sont également ornées.

Enfin, au cours du décapage, de légers effondrements de l'épiderme ont permis d'envisager la technique d'élaboration de ces têtes décorées. Il est en effet difficile d'imaginer que l'opération de rivetage ait pu avoir lieu par l'intermédiaire de l'écrasement d'une surface si délicatement ornée. Il est plus vraisemblable que ces ornements, obtenus par l'emboutissage ou le matriçage d'un petit disque en tôle de fer mince, ont été posés et sertis après coup comme des enjoliveurs (fig. 1 lb). C'est certainement la partie antérieure, légèrement plus large, qui était ornée des motifs de peltes que l'on rencontre deux fois sur les rivets d'Ensérune, alors que la partie postérieure était simplement décorée de plusieurs moulurations concentriques.

En résumé, une arme de taille, large, longue et nervurée et ornée comme on en rencontre fréquemment dans la phase ancienne de la civilisation laténienne mais certains détails, croisière et extrémité distale émoussée, montrent son appartenance à la phase suivante.

IV.2.2. Le fourreau (fig. 10 et lia)

La présence d'une lame d'épée présentant une arête médiane laissait supposer une structure de fourreau avec nervure médiane correspondante, que la radiographie semblait confirmer. Or les fourreaux ayant cette particularité sont en général ornés par le motif symétrique de la paire de griffons affrontés (28). Cependant, contre toute attente, les radiographies ne permettaient pas de vérifier cette hypothèse avec certitude. C'est donc à un décapage extrêmement prudent que revenait la responsabilité de cette vérification. Une première incrustation blanchâtre, difficile à distinguer des inclusions fortuites de grains de calcaire captés par la rouille, apparut néanmoins assez vite. Son aspect différent, sa structure alvéolaire vérifiée à la loupe binoculaire, et la présence d'un minuscule clou de fer la traversant confirmait la présence de corail blanchi par l'incinération. Une deuxième vérification sur le cliché radiographique permettait enfin de percevoir d'autres petits clous semblables et la silhouette probable des deux petits griffons affrontés que le décapage allait confirmer et dégager (29).

D'autres éléments incrustés dans l'entrée du fourreau sont apparus au-dessus et en-dessous du motif central. Sur le rebord supérieur du fourreau six petits blocs quadrangulaires soulignent l'entrée campaniforme. Ils sont fixés sans l'intermédiaire apparent du rivetage utilisé sur les griffons. La répartition symétrique de ces petits clous de fer montre qu'ils n'ont pas été utilisés systématiquement.

(26) Les techniques ornementales propres à l'orfèvrerie s'étendent de plus en plus à la décoration des parures en fer à partir du IIIe siècle avant J.-C. C'est le cas notamment des fibules à pied globulaire et des fourreaux surtout du fourreau d'épée de Cernon-sur-Coole dont une nouvelle étude vient d'être publiée par P.M. Duval et V. Kruta : Le fourreau celtique de Cernon-sur-Coole, Gallia, 44, 1986, fasc. 1, fig. 9, pi. 11.

Si ce n'était une différence de longueur de 8 cm, les deux fourreaux de Cernon et d'Ensérune sont très proches par la morphologie générale, notamment celle de la bouterolle et de la pièce de suspension ainsi que par la richesse du décor. La section lenticulaire (sans nervure) de la lame et sa longueur plus restreinte en feraient peut-être une arme plus tardive que celle d'Ensérune.

(27) De ce point de vue le matériel hongrois, souvent très bien conservé, offre de bons éléments de comparaison, entre autres celui de la nécropole de Kosd, tombe 22, où le motif ornemental correspond précisément à celui qui orne la pièce de suspension du fourreau de Cernon-sur-Coole.

(28) J.M. De Navarro, The finds from the site of La Tène, I, Scabbards and the Swords found in them, London, 1972, p. 65 à 124 et 216 à 238. L'auteur a classé ces motifs en trois types et celui d'Ensérune correspond au Type II.

(29) Aux diverses appellations qui les désignent dans la littérature : « dragons », « lyre zoomorphe », ou « pseudo-hippocampes », nous préférons « paire de griffons » si l'on se réfère à l'origine orientale probable du motif. A. Rapin, Le fourreau d'épée à « lyre zoomorphe » des Jogasses à Chouilly (Marne), Etudes Celtiques, XXII, 1985, p. 9 à 25.

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Fig. 11. a) l'entrée du fourreau et son décor de corail; b) les rivets décorés associés à la poignée : élaboration du décor et hypothèse de montage du rivet.

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Ils n'existent pas sur la partie inférieure du bec, ni sur « l'oreille » des griffons, pas plus que sur la partie terminale de la queue spiralée de l'animal fantastique (30).

Cette absence, ajoutée à une plus forte dégradation de la partie inférieure du décor, explique peut-être l'apparition fugitive de six petits motifs de peltes groupés par trois sous chaque animal fantastique. Leur présence éphémère, à peine perceptible pendant le décapage, n'a pu être confirmée du fait d'un effondrement général de l'épiderme à cet endroit, d'où leur représentation en pointillés sur la planche (fig. lia).

Nous sommes en présence d'un motif typologiquement bien connu sous l'appelation « Type II »(31) ou « lyre zoomorphe ». En revanche, l'élaboration aussi luxueuse d'un tel motif sur un fourreau d'épée reste exceptionnelle et n'a pour l'instant qu'une seule correspondance sur le haut d'un fourreau de Bavière à Ering (R.F.A.)(32). Ce mode d'incrustation est fréquent dans la phase ancienne de la civilisation laténienne sur des objets de prestige, casques, oenochoës, etc.. L'intérêt que présentent les incrustations de corail pour la datation a parfois été évoqué à propos des parures ornées de cette matière nécessairement importée (33). La comparaison avec le reste de la panoplie de Ering présente un intérêt tout aussi grand, d'autant que le montage des pièces de corail correspond apparemment à la même technique. De plus, l'assemblage des motifs rigoureusement semblables obéit aux mêmes concepts esthétiques. Or il se trouve que la panoplie bavaroise comprend deux éléments sensibles à la chronologie : pas de ceinturon métallique mais des restes d'anneaux creux, un umbo de bouclier bivalve etc., autant d'arguments en faveur de l'ancienneté de cet ensemble et par là même de celui d'Ensérune.

La décoration du fourreau ne s'arrête cependant pas là et la présence de gravures obliques et rectilignes souvent soupçonnées à différents endroits du corps du fourreau a pu être vérifiée vers le bas, près de la bouterolle (fig. 10). Ce type d'ornementation rectiligne gravée correspond à un des caractères archaïsants du fourreau car il se rencontre de temps à autre sur les fourreaux de la Tène Ancienne (34).

La bouterolle elle-même n'échappe pas au souci ornemental et ses deux pattes circulaires de fixation étaient également décorées de motifs en relief, probablement emboutis, comme pour les têtes de rivets de la poignée de l'épée. Un de ces motifs un peu moins dégradé a pu cependant être identifié : il s'agit du tricelle, très couramment utilisé à cet emplacement. Le reste de la bouterolle, notamment l'extrémité circulaire ajournée, ne présentait pas de trace de décor, probablement plus par dégradation que par absence initiale de celui-ci (35).

Sur le revers, la pièce de suspension présentait sur ses deux pattes circulaires de fixation, des traces, elles aussi très éphémères, d'un décor curviligne complexe probablement assez proche de celui

(30) Certains fourreaux sont ornés de ces motifs par l'intermédiaire d'appliques rivetées : sépulture W25 de Villeperot, ou le fourreau de Ouroux-sur-Saône qui ne comporte plus que les rivets de fixation : A. Bulard, Fourreaux ornés d'animaux fantastiques affrontés découverts en France, Etudes Celtiques, XVI, 1979, p. 27 à 52. D'autres sont en cours de découverte grâce à la restauration.

(31) J.M. de Navarro, The finds..., note 29. (32) W. Kramer, Die Grabfunde von Manching und die Latenezeitlichen Flachgrâber in Siidbayern, Die Ausgrabungen in Manching,

9, Suttgart, 1985, p. 147 et 148, fig. 20 et pi. 78 et 112. La documentation publiée sur ce fourreau de Ering montre une épée aux dimensions et à la structure rigoureusement semblables

à celle d'Ensérune. Malheureusement sa restauration ancienne et incomplète ne permettent pas de comparaisons plus poussées. Aussi avons-nous souhaité en savoir plus en sollicitant le laboratoire de Mainz pour une reprise des restaurations de cet ensemble. Nous remercions vivement M. Ulrich Schaaff d'avoir organisé et programmé cette restauration à notre demande. Les résultats devraient être intégrés dans l'étude de synthèse en cours par V. Kruta qui devrait suivre cette publication.

(33) Un arrêt des importations de corail en provenance de la baie de Naples pourrait être mis en rapport avec la prise de contrôle par les Romains de l'Apulie et de la Campanie en 272 avant J.-C. V. Kruta, Le corail, le vin et l'arbre de vie, observation sur l'art et la religion des Celtes du v au w siècle avant J.-C, Etudes Celtiques, XXIII, 1986, p. 32.

(34) Il reste cependant difficile de juger du caractère rectiligne du décor sur un si petit fragment. Un décor curviligne tel celui de Cernon-sur-Coole pourrait aussi bien donner une image parcellaire rectiligne sur un faible secteur.

(35) Quelques fragments d'un décor très riche subsistent sur la bouterolle du fourreau de Cernon-sur-Coole, dont l'extrémité est pratiquement superposable à celle d'Ensérune.

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situé aux mêmes emplacements sur le fourreau de l'épée de Cernon-sur-Coole (36). Celle d'Ensérune présente en outre sur le pontet une légère dépression longitudinale en forme de gorge.

En définitive, le fourreau, comme l'épée, présente des caractéristiques anciennes, plus dans la technique ornementale utilisée que dans les thèmes choisis, et des aspects plus récents, dans les proportions générales de la bouterolle ajourée en particulier. L'élaboration de cet ensemble témoigne probablement d'une des toutes premières manifestations du changement entre phase ancienne et phase moyenne de la civilisation laténienne.

IV.3. Le fer de lance (fig. 12)

Longueur totale actuelle : Longueur de la douille :

180 mm 84 mm

Largeur maximum : Diamètre de la douille :

45 mm 16 mm

Longueur totale restituée minimum : 210 à 220 mm

En grande partie enfoui dans les oxydes du fourreau auquel il adhérait sur une face, le fer de lance était soudé également à Y umbo sur l'autre face. L'extrémité distale manque sur au moins 4 cm et la cassure fraîche suppose une fracture relativement récente, probablement la même qui a emporté l'ailette et une partie de la coque de Y umbo.

Les données métrologiques montrent qu'il s'agit d'une arme légère dont l'empennage très mince prolonge une nervure centrale relativement grêle. Cette même gracilité se retrouve dans les proportions de la douille et surtout dans son diamètre. La grande majorité des fers de lance de la Tène moyenne possède une douille dont le diamètre moyen se situe autour de 20 mm. De ce fait, la minceur relative de la hampe qui devait s'emboîter dans le fer de lance d'Ensérune, ne pouvait s'accommoder des manipulations et des chocs répétés d'un combat d'estoc. Par contre, son utilisation comme trait est plus probable, soit un javelot, soit une javeline. De tels fers, fréquents dans les tombes de guerriers de la Tène ancienne, accompagnent en général un fer de lance plus grand.

Malgré sa taille relativement modeste, l'arme présente une ornementation qui se rencontre habituellement sur des fers plus conséquents : le décor gravé, ou plutôt ce qu'il en reste, se déroule en deux temps à partir d'une double ligne annulaire située à l'emplacement des clous latéraux. Dans la partie inférieure, les éléments les plus visibles du décor forment une sorte de guirlande festonnée dont l'intérieur est garni d'une rangée de cercles croissants et décroissants. Entre les deux rivets et dans l'espace disponible dans le creux d'un feston se devinent les restes d'un motif de pelte qui se répète d'une manière symétrique dans la partie supérieure. A partir de là et vers la flamme, le décor devait s'enrouler sur la douille d'une manière dissymétrique autant que l'on puisse en juger par les quelques rares traces qui subsistent.

L'ornementation des douilles de fer de lance semble être un fait relativement rare, probablement en écho à la rareté des restaurations. Elle paraît cependant moins systématique que celle des fourreaux. Le petit nombre d'exemplaires décorés n'autorise pas pour l'instant une typologie très précise de ces armes décorées. Cependant, les publications récentes (37) pourraient situer les décors symétriques sur des exemplaires moins anciens que celui d'Ensérune.

Enfin, les rebords de l'empennage sont altérés par des échancrures dont certaines pourraient apparemment ne pas être fortuites. Des traces analogues se rencontrent effectivement sur les lances

(36) Les pièces de suspension des deux fourreaux ne diffèrent que par la longueur légèrement supérieure du pontet de celle d'Ensérune (marque d'ancienneté relative de ce dernier si l'on prend en compte l'évolution de cet élément du fourreau liée à celle du ceinturon).

(37) Mitja Gustin, La tomba n° 6 di Dobova et l'ornamento délie lance La Tène (PI. XC-XCI, fig. 1 et 2). Popoli e faciès culturali celtiche a nord et a sud délie Alpi dal V al I secoloe A.C., Atti del Colloquio Internationale, Milano, 14/16 nov. 1980, vol. II, Milano, 1983.

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Fig. 12. Fer de lance. Un fragment de Y umbo adhère encore à la base de l'empennage. Développement du décor fragmentaire de la douille.

du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde, mais le contexte est différent et il est probable qu'elles aient une autre origine à Ensérune. Peut-être faudrait-il y voir les traces fortuites d'un outil, du genre pelle à feu, survenues lors des manipulations du foyer d'incinération et de son contenu incandescent.

IV.4. Le bouclier

Deux éléments métalliques témoignent de sa présence : un umbo incomplet auquel il manque une ailette et une partie de la coque, et un orle en partie écrasé et tordu.

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IV.4.1. L'umbo (fig. 13a)

Il appartient au type des umbos à ailettes curvilignes et demi-circulaires isolé dans le matériel du fond du fossé de Gournay. Avec sa coque de 9,6 cm de hauteur, il se classe dans la série des grands umbos de ce type dont la hauteur standard moyenne se situe aux environs de 8 cm (38).

Son passage dans le foyer d'incinération a provoqué sur une partie de sa surface une passivation naturelle (39), notamment sur l'ailette conservée dont l'épiderme s'est assez facilement dégagé sous les oxydes. Or, sur la surface de l'ailette ainsi que sur l'extérieur de la coque, des fragments de tissu minéralisé, à mailles très fines, ont subsisté. La présence de tissu à cet emplacement suppose que ce dernier n'a pu être au contact de Y umbo qu'après l'incinération. Peut-être s'agit-il des traces d'un sac d'emballage des restes incinérés ou d'un vêtement ayant servi à cet usage car il est peu probable que quelques fragments de vêtement appartenant au défunt aient survécu à une combustion violente (40).

IV.4.2. L'orle (fig. 13b)

Longueur : 220 mm Diamètre : 8 mm Ouverture : 3 à 4 mm

Malgré ses dimensions modestes, il s'agit apparemment d'une gouttière complète. Le remontage des six fragments a permis de mettre en évidence aux deux extrémités l'élargissement des pattes qui pincent le plat du bouclier. Celui-ci, très aminci sur les bords, ne devait faire que 3 ou 4 mm d'épaisseur, au niveau de l'emboitement de l'orle.

L'aspect actuel de l'orle montre à l'évidence son passage au feu ne serait-ce que par les fragments de charbon de bois qui y adhèrent encore. De plus, les déformations qu'il a subies applatissement et torsion à 180° peuvent s'expliquer par une combustion très vive du bouclier dressé à la verticale sur le bûcher funéraire. L'effondrement latéral des planches de part et d'autre de la spina, du fait de l'épaisseur de celle-ci et de sa combustion plus lente, aurait provoqué l'applatissement et la torsion de l'orle incandescent et donc maléable (fig. 13c).

IV.5. La chaîne de ceinturon (fig. 14)

C'est la présence de cette chaîne avec son type particulier de maillons qui attira initialement notre attention sur le matériel de la tombe 163. Ces chaînes « échelles »(41) très rarement identifiées dans le matériel celtique abondent, depuis la découverte de Gournay-sur-Aronde, dans le quart nord-est de la France où on en dénombre actuellement plus de 20 exemplaires.

Le fait qu'elle soit en bronze ajoutait au côté insolite de son excentricité géographique. En cela, elle pouvait être mise en parallèle avec le seul exemplaire identifié avec certitude en Celtique orientale dans le matériel de la tombe 60 de Karaburna(42) à Belgrade dont les éléments incomplets sont également de bronze.

(38) De l'étude en cours des umbos de bouclier de Gournay-sur-Aronde, il ressort que la hauteur de la coque est un des critères déterminant de leur évolution morphologique. La hauteur de 8 cm correspond à la hauteur standard de ce type (cf. Gournay II, op. cit., note 21).

(39) Ce type de protection consécutive à un passage au feu bien que non systématique se recontre assez fréquemment sur le mobilier en fer issu des incinérations. La surface dégagée présente souvent un aspect rougeâtre caractéristique de l'hématite : oxyde de fer anhydre et stable.

(40) De telles pratiques funéraires ont déjà été observées dans certains cas dans la zone danubienne, tombe 41 de Brezice (Renseignements fournis par M. Gustin que nous remercions).

(41) En France, la seule publication faisant état de ce type de chaîne date du xixe siècle. Trouvée dans le cimetière celtique de Saint-Maur, dans la banlieue parisienne. L'auteur l'appelle chaîne de Vaucanson. A. Maitre, Le cimetière gaulois de Saint-Maur-des-Fossés, RA, 3' série, XI, 1888, p. 237, fig. 1 à 10.

(42) J. Todorovic, Praistorijska Karaburma, Beograd, 1972, t. 60.

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Fig. 13. Le bouclier, a) Vumbo avec traces de tissus minéralisés; b) l'orle présente une double torsion; c) hypothèse relative à l'incinération des armes expliquant la torsion de l'orle.

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Fig. 14. Les éléments subsistant de la chaîne de ceinturon. Les crochets de jonction avec les anneaux évoquent des têtes de bovins stylisés.

Cependant, malgré l'état fragmentaire de la chaîne d'Ensérune et même, dans certains cas, la fusion partielle du métal pendant l'incinération, il est possible d'observer que la technique utilisée pour son élaboration diffère sensiblement de celle constatée sur les fragments de son homologue yougoslave et sur les exemplaires en fer du Nord de la France. En effet, dans ces derniers cas, la robustesse du fil permet la succession d'un simple maillon à chaque articulation, alors que les fils

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de bronze, de section nettement plus faible, utilisés pour la chaîne d'Ensérune, ont obligé l'artisan à doubler le nombre de maillons à chaque articulation (fig. 14).

De plus, si l'extrême fragmentation n'a pas permis le remontage complet de l'ensemble des deux éléments du ceinturon, le schéma de montage reste cependant tout à fait classique et conforme au système standardisé au début de la Tène moyenne, à savoir :

un élément court qui mesure actuellement 13,5 cm avec ses deux anneaux de diamètre différent et de section losangique; un élément long, le plus incomplet puisqu'il mesure seulement au total 25 cm, soit la moitié de sa longueur initiale.

Ce qui fait la qualité exceptionnelle de cette chaîne se situe au niveau de son ornementation, unique à ce jour pour les ceinturons métalliques masculins. Le décor se trouve sur un maillon de liaison entre l'anneau initial et la chaîne proprement dite. Cet anneau intermédiaire représente deux têtes de bovidés stylisées obtenues par fonte à la cire perdue. Leur simplification géométrique au niveau du mufle, des cornes et des oreilles ainsi que le décor ternaire du bouton du crochet terminal sont conformes à l'esthétique qui prévaut au début de la phase appelée « Style Plastique ». La chaîne pourrait de ce fait se situer chronologiquement dans les toutes premières manifestations de cette phase stylistique, si on la compare à ses équivalents féminins ornés de ces mêmes têtes de bovidés.

IV.6. Les Fibules (fig. 15a)

C'est encore un apport capital à mettre au compte de la restauration. En effet, cet élément du mobilier archéologique si sensible aux variations chronologiques était enfoui dans les oxydes et donc totalement inexistant avant la restauration.

Malheureusement, leur extrême fragmentation et les déformations subies pendant une incinération qui a dû être très violente n'ont pas permis d'utiliser pleinement leur potentiel d'information.

Cependant, le simple décompte de ce qui peut constituer l'ornement terminal du pied permet d'en dénombrer un minimum de quatre : deux du type dit à « gros pied globulaire », c'est-à-dire avec un pied orné d'une grosse perle sphérique en fer, deux à perles plus discrètes assez proches du type dit de Duccov. L'une des deux premières portait même sur la sphère un décor en léger relief de deux rangées d'esses couchées.

Par leur présence, ces fibules attestent et confirment l'horizon chronologique précédemment évoqué, qu'il sera utile de confronter avec celui des céramiques d'importation de la sépulture.

IV.7. Eléments divers (fig. 15b)

Les petits éléments métalliques épars dans le remplissage de la sépulture présentent moins d'intérêt, notamment pour ce qui est des deux clous dont on ne peut pas dire grand chose sinon que leur section carrée pourrait permettre de les associer aux ailettes de Y umbo. En effet, celle qui est conservée montre un trou rectangulaire qui pourrait correspondre à la section du plus grand des clous (fig. 15b).

Une petite applique circulaire à bord légèrement relevé présente un tout petit clou central permettant de la fixer sur un support de bois ou même de cuir.

Enfin un grand nombre de minuscules petits fragments de ce qui reste d'une résille en fer et dont il n'a pas été possible de faire le moindre remontage. L'intérêt de cette résille réside dans le fait que des techniques semblables étaient utilisées pour l'ornementation d'objets en matériaux périssables. Tel était le cas par exemple de la magnifique ornementation en bronze de la cruche de

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r *¦

Fig. 15. a) fragments de fibules dissimulés dans l'épaisse gangue de produits de corrosion; b) fragments divers rivets et éléments d'une résille (casque ? ...).

clous,

Brno Malomerice (43), un des chefs-d'uvre de ce « Style Plastique », précédemment évoqué. Une résille de fer semblable orne également la base de la calotte du casque d' Amfreville (44), objet de prestige s'il en est.

(43) Ces bronzes ajourés ont fait l'objet de nombreuses restitutions et publications dont la plus connue est celle de Ole Klindt Jensen, Bronzekedelen fra Bra, Aarhus, 1953, fig. 17 et pi. IV et VI. Voir également, note 33, V. Kruta, Le corail, le vin..., fig. 14, p. 27.

(44) A. Duval, L. Lehoczky, U. Schaaff, Zum Keltischen Helm von Amfreville, Archâologisches Korrespondenzblatt, 16, 1986, p. 83. La restauration à Mainz de ce casque a révélé les éléments d'une résille en fer garnie d'émail rouge. Celle-ci est fixée sur le timbre du casque par de petits clous semblables à ceux de la résille d'Ensérune. Par ailleurs, les motifs de celle-ci sont parfaitement compatibles avec le schéma d'un niveau de type de Waldalgesheim.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 179

De minuscules clous de fixation se recontrent à deux reprises sur les éléments de cette résille qui pouvait là aussi orner un objet composite en bois ou en cuir (ou tout autre matériau) (coffret, récipient, casque, ...).

Les caractéristiques de ce mobilier métallique richement orné en font un ensemble très homogène dont la situation chronologique pourrait se placer entre les dernières séquences de la phase ancienne de la civilisation laténienne et le début de sa phase moyenne attestée par la présence de la chaîne de ceinturon, de Yumbo de bouclier et des fibules. En terme de chronologie absolue, ces derniers éléments pourraient se situer dans le deuxième quart du iip siècle avant notre ère.

La confrontation de cette première approche avec celle issue de l'étude du mobilier céramique et surtout les comparaisons plus approfondies avec les restes du matériel celtique contemporain devraient être du plus grand intérêt pour l'établissement d'un nouveau point d'ancrage chronologique à l'intérieur de ce iip siècle.

V. - LE GESTE FUNÉRAIRE

La restitution des modes de crémation et d'ensevelissement à partir des données de cette fouille ancienne est évidemment incomplète. L'analyse des documents, la confrontation avec l'ensemble de la nécropole nous permettent cependant de proposer certaines conclusions.

V.l. L'incinération

Plusieurs ustrina ont été reconnus dans la nécropole d'Ensérune, dont un très vaste à près de 30 m de cette sépulture. Des plaques rubéfiées plus réduites ont parfois été localisées près des tombes (45) : vestiges d'incinération en place ou proches du lieu d'ensevelissement, traces de foyers. La description des abords de la tombe 163 ne révèle pas de dispositif semblable.

Les observations passionnantes faites au cours du travail de restauration du mobilier métallique confirment le passage de l'équipement dans le bûcher déjà largement évoqué par l'amalgame de nombreux éléments : fusion des maillons de chaîne, éclatement des fibules, altération des surfaces, ... Le corail ornant le fourreau a lui-même été blanchi par l'incinération de même que les décors de tabletterie. L'orle portait incrustés des fragments de bois brûlé; sa torsion permet de proposer une restitution de la place du bouclier sur le bûcher (fig. 13c). Les traces de tissu observées sur Yumbo évoquent l'existence d'un sac ou vêtement d'emballage du dépôt une fois les objets incinérés (46).

Certains éléments en terre cuite ont également subi l'action du feu : une anse de coupe en céramique à pâte claire (inv. 59/218) ainsi qu'un fragment de lèvre d'amphore massaliète jointif à un tesson vierge de toute trace de feu.

V.2. Le dépôt funéraire

Une part relativement faible des ossements incinérés de cette sépulture individuelle (170 g) a été prélevée sur le bûcher et disposée dans le vase cinéraire. Ce poids doit cependant être analysé avec prudence car seuls, semble-t-il, les éléments les plus importants ont été conservés par les fouilleurs (voir ci-dessous, chap. VII. 1). Par ailleurs, de nombreuses esquilles ont été réparties parmi les cendres

(45) J. Jannoray, op. cit., p. 77, 80, 226 et 228. (46) Voir ci-dessus chap. IV.4.1. et note 41.

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180 A. RAPIN, M. SCHWALLER

dans le comblement du loculus. Cette fosse a été largement remplie par les déchets du foyer qui contenait en particulier d'abondants fragments de charbon de bois et des galets brûlés au milieu des cendres. Des éléments de petite taille, clous, rivets, désolidarisés de leur support au moment de la crémation, ont été mêlés à ce comblement.

Si la disposition en plan des objets dans la tombe est rétablie, la profondeur relative du mobilier reste incertaine de même que la position des éléments « annexes » traités avec moins de précision dans les relevés de fouille : tessons, métaux épars, faune, ...

Le vase ossuaire occupe une position centrale, les récipients d'accompagnement se trouvant répartis contre les parois de la fosse. Il est recouvert par un bloc déposé intentionnellement à cet emplacement : en effet, un effondrement de couverture aurait provoqué un écrasement du cratère en l'absence de toute terre d'infiltration intermédiaire.

Comme dans la majorité des cas au cours de la dernière phase de la nécropole d'Ensérune, c'est un vase importé qui a été choisi pour recevoir les cendres du défunt. En effet, par le choix des types de vases, la tombe 163 apparaît comme extrêmement classique : choix du cratère à pouciers, forme préférentielle dans sa fonction de vase ossuaire, objet retenu pour la tombe mais déjà largement utilisé auparavant car ébréché et solidement réparé.

Autour de cet élément central les vases d'accompagnement se répartissent en plats de présentation (plats et coupes) et formes fermées contenant peut-être des liquides. La faune a parfois été observée dans les récipients comme ces fragments de volaille contenus dans une urne en céramique modelée. Mais l'essentiel de la faune est concentré au fond du loculus : ces os sont extrêmement nombreux et appartiennent à des espèces variées, autre caractéristique de cette phase de la nécropole. L'étude de ces restes osseux (VII.2) a permis de différencier un certain nombre de vestiges apparemment consommés avant d'être disposés, des offrandes alimentaires proprement dites, présentes par quartiers entiers.

La présence d'un œuf d'oie n'est pas non plus exceptionnelle à Ensérune. Des coquilles d'œufs, voire des œufs complets ont été fréquemment décrits dans les publications antérieures (47) : signification symbolique ou simple reflet de la nourriture des vivants.

La transformation de la nécropole en secteur d'habitat a sans aucun doute largement perturbé les couches superficielles des tombes et entraîné la disparition quasi totale d'éventuels systèmes de couverture. Les fouilleurs de la tombe 163 mentionnent cependant un aménagement de pierres bouchant partiellement le contenu de la fosse : fait, semble-t-il, exceptionnel, car les publications anciennes ne font guère état de ce type de dispositif. L'examen détaillé des notes de fouille, recueillies par F. Mouret en particulier permettrait probablement de déceler d'autres exemples de ces chapes. Il en est de même pour l'ensemble des observations concernant le rite faites à propos de la sépulture que nous analysons : il paraît en effet délicat et hasardeux de tirer davantage de conclusions à partir de ce seul ensemble sans le remettre en perspective dans l'étude de la totalité de la nécropole.

VI. - DATATION ET CONCLUSIONS

La confrontation entre les indications fournies par le mobilier céramique et celles données par l'armement, constitue certainement l'élément le plus intéressant de cette étude.

Les caractéristiques même de la tombe (ossuaire d'importation, nombreux vases d'accompagnement en céramique tournée ou modelée, offrandes alimentaires, ...) rattachent cet ensemble à la

(47) J. Jannoray, op. cit., p. 233-235. H. Gallet de Santerre, Sur quelques sépultures..., p. 1029-1032.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE 181

dernière phase d'utilisation de ce secteur de la nécropole que les historiens et archéologues d'Ensérune ont situé entre le dernier tiers du ive s. et le milieu du me s. avant notre ère. L'analyse de la série de vases à vernis noir (III. 1) permet d'affiner cette fourchette.

Nous avons vu plus haut que le choix de la forme du cratère « à poucier » comme vase ossuaire est loin d'être isolé à Ensérune. En effet, dans cette dernière phase, ce type de récipient est retenu pour cet usage particulier dans la majorité des cas (on trouve également, mais en moins grand nombre, des cratères attiques du style de Kertch, des vases originaires du monde celtique, des urnes en céramique grise de la côte catalane, et dans une moindre mesure encore des urnes en céramique modelée). La production de cette forme est attestée à partir de la seconde moitié du ive s. Notre exemplaire présente de nombreuses réparations au plomb : il s'agit là par conséquent d'une utilisation secondaire et non pas d'une acquisition à vocation exclusivement funéraire.

Le reste du mobilier céramique à vernis noir confirme amplement la première fourchette proposée et oscille généralement entre les dernières années du ive siècle et le début du me siècle. Si l'on admet un décalage entre la production et la première utilisation de ces vases, et une perduration sur le site lui-même comme en témoignent les réparations très importantes, il est parfaitement concevable de situer l'ensevelissement de cette tombe au début du nr s. av. J.-C.

L'analyse du mobilier métallique est plus complexe : les proportions de l'épée et son fourreau (bouterolle, croisière de fixation, arête médiane du fourreau, ...) rattacheraient cette panoplie à la phase moyenne de la civilisation laténienne (48). En revanche les caractéristiques de la section de la soie sont plus conformes à des normes de fabrication connues sur des armes soignées de la phase ancienne de la civilisation laténienne. L'ornementation exceptionnelle de la chaîne de ceinturon en bronze place la conception de cet élément au début de la phase stylistique appelée Style Plastique. Il résulte de l'ensemble de ces données une juxtaposition d'observations non pas contradictoires mais qui caractérisent parfaitement une période de transition entre les dernières productions de la phase ancienne et le début de la phase moyenne de la Tène.

La présence à Ensérune d'une panoplie de guerrier de type celtique complète dans une tombe n'est pas un fait rare : seul le mobilier de la tombe 163 a été restauré mais le simple examen des ensembles sûrs identifiés dans les fouilles les plus récentes permet d'affirmer que le cas de cette sépulture est loin d'être isolé. Un comptage rapide permet d'avancer un pourcentage de l'ordre de 20 % de tombes concernées par un équipement militaire relativement complet. Ce chiffre semble rejoindre les données proposées pour le reste du monde celtique au me s. av. J.-C.

Dans le cadre strictement languedocien, un tel ensemble reste cependant unique, phénomène dû en partie au hasard des découvertes : en effet, les nécropoles du IIe Age du Fer restent quasiment inconnues dans cette région.

Traditionnellement la présence en Languedoc de population de type celte, Volques Tectosages et Arécomiques, est placée vers le milieu du me s. av. J.-C. C'est vers cette date que cessent les incinérations à l'emplacement de la nécropole du IIe Age du Fer. C'est dans le courant de la deuxième moitié du nr s. que s'est reconstruite la ville d'Ensérune et que les quartiers d'habitation recouvrent progressivement et détruisent en partie l'ancienne nécropole désaffectée. L'analyse de la documentation archéologique présente à Ensérune démontre que dès le ve s. av. notre ère, existaient entre le monde celtique et les habitants de cette partie occidentale du Languedoc des liens, des contacts, qui seront au fil du temps de plus en plus étroits bien avant l'installation de Volques au courant du me s. Il s'agit probablement non pas d'échanges belliqueux mais de relations économiques favorisées également par la circulation de groupes humains attirés par le mercenariat dès le ive s. av. J.-C. Dès cette époque, le foyer central de rayonnement du monde celtique est l'Italie du Nord où les celtes sont établis au contact direct avec le monde méditerranéen grec et étrusque. L'étude de la répartition des objets (parures et armes décorées) atteste de la diffusion à grande échelle de ces

(48) Cf. supra, chap. IV.2.1.

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182 A. RAPIN, M. SCHWALLER

productions, le Languedoc et Ensérune étant ouverts à ces circuits par des voies peut-être terrestres, comme ils sont ouverts au monde méditerranéen par des voies maritimes. Les recherches récentes menées dans la nécropole ligure d'Ameglia ont mis au jour une série de tombes contenant des fourreaux ornés de la paire de dragons associés à des coupes à vernis noir issues de l'atelier des petites estampilles (49) parfaitement contemporaines de notre exemple.

La présence dans la tombe d'Ensérune d'une chaîne de ceinturon dont le seul équivalent en bronze a été retrouvé à Belgrade constitue un fait exceptionnel (cf. chap. IV.5). Elle peut être compatible avec les déplacements progressifs Est-Ouest des populations danubiennes sensibles en Gaule au mc s. av. J.-C.

Dans l'état actuel de nos connaissances, il convient cependant de nuancer considérablement le phénomène de « celtisation » de cette partie du Languedoc : le dépôt d'armes dans les tombes s'il peut être révélateur de comportements, de structures sociales nouvelles, ne signifie pas nécessairement appartenance à une ethnie celtique des populations qui emploient ces armes. L'observation de la culture matérielle d'Ensérune à partir du nr s. montre une continuité dans ce milieu ibère de plus en plus ouvert aux influences extérieures et fondamentalement composite.

A. RAPIN, M. SCHWALLER

VII. — ÉTUDES COMPLÉMENTAIRES

VII.l. Les restes osseux humains (par Henri Duday)

Cette étude porte sur 170 g d'ossements incinérés conservés en fragments relativement importants (rappelons que la totalité des ossements n'a pas été recueillie en cours de fouille).

Identifications : — Crâne : fragment de frontal (suture coronale béante),

fragment d'occipital (astérion droit, suture ouverte), fragment de pariétal, fragment d'os wormien, quatre fragments crâniens indéterminés.

Toutes les sutures sont ouvertes : — Condyle mandibulaire gauche, — Corps de la troisième vertèbre cervicale sur lequel le listel est soudé, — Arc neural 9e, 10e ou 11e vertèbre thoracique, — Extrémité distale de phalange proximale ou moyenne de la main, — Nombreux fragments de diaphyses d'humérus, de fémur, de tibia, de radius; (l'épiphyse distale d'un fémur

était soudé à la diaphyse). Le sujet contenu dans cette tombe est un adulte robuste.

VII.2. La faune (par Pierre Caillât)

La faune est représentée par 1 1 1 restes dont 62 ont été identifiés. Sept individus ont pu être isolés : 2 suidés, 2 ovicaprins, 1 mouton, 1 lapin et 1 coq.

(49) Anna Durante, La necropoli preromana di Ameglia, RE Lig., XLVIII, 1982, 1-4, p. 148-164. Anna Durante, Corredi tombali con dementi tipo la Tène dal sepolcreto di Ameglia, Atti del Colloquio internazionale, Bologna, 1985, p. 413-432.

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L'ARMEMENT CELTIQUE DE LA TOMBE 163 D'ENSERUNE

Répartition des espèces

183

Espèces

sus sp.

Ovicaprinae ind.

Ovis aries

Oryctolagus cuniculus

Gallus gallus

Nombre de restes

31

4

10

7

10

%

50

6,4

16,1

11,2

16,1

Nombre minimum d'individus

2

2

1

1

1

%

28,5

28,5

14,2

14,2

14,2

Les Suidés Les deux individus de cette famille sont des jeunes. Le premier, âgé d'environ 6-8 mois, est représenté par son squelette à peu près complet. Notons ici que parmi les

49 restes indéterminés, 16 fragments de côtes et 13 fragments de vertèbres lui sont probablement attribuables. Seuls deux os portent des traces de décarnisation : le radius droit et le fémur droit. Il est possible que ce jeune porc (ou sanglier) ait été consommé.

Le second, plus âgé (entre 1 et 3 ans), n'est représenté que par deux os : un coxal et un fémur gauches. Le fémur porte des traces d'intervention humaine au niveau du col. Ces incisions signifient peut-être plus une désarticulation qu'une consommation.

Les Ovicaprinés

Ovicaprinés indéterminés : deux individus très jeunes représentés par des éléments de membres antérieurs : le premier, probablement nouveau-né, par son humérus et son radius gauches; le second, âgé de 3-4 mois, par son humérus et son radius droits. Ces quatre restes ne portent aucune trace de décarnisation.

Ovis aries : cet individu, âgé d'1 an/1 an et demi, est représenté par son seul membre postérieur gauche, presque complet. Seul le fémur porte, dans sa partie proximale (face médiale), des traces d'intervention humaine. Il est possible ici de faire la même remarque que pour le fémur gauche du jeune suidé.

Orytolagus cuniculus (le lapin) Les sept vestiges représentant cette espèce sont des éléments épars du squelette (crâne, membres antérieurs et

postérieurs, vertèbres). Aucune trace de décarnisation n'a été relevée.

Gallus Gallus (le coq) Lui aussi est représenté par des éléments épars de son squelette : membres antérieurs et postérieurs, os de la ceinture

scapulaire (clavicule, coracoïdes). C'est le tarsométatarsien droit avec son ergot qui a permis d'attester la présence de ce coq. Tout comme pour le lapin, aucune trace d'intervention humaine n'est visible.

Dans la mesure où les vestiges fauniques contenus dans cette tombe peuvent être considérés comme étant des offrandes alimentaires, il est possible de faire certaines remarques.

Nous pouvons supposer que les individus représentés par plusieurs éléments de leur squelette (le plus jeune suidé, le lapin et le coq) ont été préalablement consommés avant d'être déposés.

Les individus représentés par des os de leurs seuls membres constitueraient les offrandes alimentaires proprement dites. Notons que le suidé âgé de 1 à 3 ans n'est représenté que par son membre postérieur gauche, tout comme le mouton. La présence des deux très jeunes ovicaprins n'est attestée que par leurs membres antérieurs : le droit pour l'un, le gauche pour l'autre. Ces vestiges de membres ne portant pas de trace d'intervention humaine (exception faite pour les deux fémurs), il est possible d'estimer que ces « épaules » et ces « cuissots » ont été déposés intacts dans la tombe.

Enfin, mis à part le lapin et le coq qui sont des adultes, les animaux représentés sont tous des individus juvéniles.