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BHDG-3-2013

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    BULLETIN HEIDEGGRIEN (Bhdg)

    - Secrtaires:Sylvain CAMILLERI (Universit catholique de Louvain/Universit deMontpellier III)Christophe PERRIN(Universit catholique de Louvain)

    - Comit scientifique:Jeffrey Andrew BARASH(Universit de Picardie Jules Verne)Rudolf BERNET(Katholieke Universiteit Leuven)

    Jean-Franois COURTINE(Universit Paris-Sorbonne)Steven CROWELL(Rice University)Dan DAHLSTROM (Boston University)Franoise DASTUR (Universit de Nice Sophia-Antipolis)Gnter FIGAL(Albert-Ludwigs-Universitt Freiburg)

    Jean GRONDIN(Universit de Montral)Theodore KISIEL(Northern Illinois University)Jean-Luc MARION(Acadmie franaise)Richard POLT (Xavier University)

    Claude ROMANO (Universit Paris-Sorbonne)Hans RUIN(Sdertrn University)

    Thomas SHEEHAN (Stanford University)Peter TRAWNY (Bergische Universitt Wuppertal)

    Jean-Marie VAYSSE(Universit de Toulouse-Le Mirail) Helmut VETTER(Universitt Wien)Holger ZABOROWSKI (Philosophisch-Theologisch Hochschule Vallendar)

    - Comit de rdaction:

    Diana AURENQUE(Karl-Ruprechts-Universitt Tbingen)Vincent BLOK (Radboud University Nijmegen)Cristian CIOCAN(Universitatea din Bucureti)Guillaume FAGNIEZ (Universit libre de Bruxelles/Bergische Universitt

    Wuppertal)Franois JARAN(Universitat de Valncia)

    JulienPIERON (Universit de Lige)Mark SINCLAIR(Manchester Metropolitan University)

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    Christian SOMMER(Archives Husserl de Paris, CNRS/ENS)Sverin YAPO(Universit de Cocody)

    - Correspondants locaux:Victoria BRIATOVA (- )Wenjing CAI(University of Copenhagen)Richard COLLEDGE(Australian Catholic University)

    Tziovanis GEORGAKIS ()Takashi IKEDA(University of Tokyo)Francesco PAOLO DE SANCTIS(Universit Ca Foscari Venezia)Marcus SACRINI (Universidade de So Paulo)

    Young-Hwa SEO (Seoul National University)

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    SOMMAIRE DU BHDG 3

    LIMINAIRES............................................................................................................. 4I. Martin Heidegger et Jonas Cohn, cte cte et dos dos dans unpoque fatidique. Rencontres en manuscrits, lettres et documents , parMargret HEITMANN............................................................................................ 4II. Chronique du 46ecolloque annuel du Heidegger Circle,4-6 mai 2012,Emory University , par Andrew J. MITCHELL............................................. 30

    BIBLIOGRAPHIEPOURLANNE2012................................................... 34

    1. Textes de Heidegger ..................................................................................... 342. TraductionsdetextesdeHeidegger ............................................................ 343. Collectifs et numros de revues .................................................................. 374. tudes gnrales ............................................................................................ 445. tudes particulires....................................................................................... 506. Supplments bibliographiques aux livraisons prcdentes ..................... 75

    RECENSIONS........................................................................................................ 82

    INSTRUMENTUM............................................................................................ 141

    * Les secrtaires du Bhdg remercient le Centre dtudes phnomnologiques delUniversit catholique de Louvain (dir. Mme Danielle Lories) et le Centredhermneutique phnomnologique de lUniversit Paris-Sorbonne (dir. MM.Claude Romano, Jean-Claude Gens et Michael Foessel) daccueillir cette publication sur leursite respectif.

    ** Il est possible de se procurer des tirs--part du Bhdg en crivant ladresse :[email protected]. Nota bene : le numro ISSN de la versionimprime diffre de celui de la version lectronique.

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    BULLETIN HEIDEGGRIEN III

    Organe international de recension et de diffusion des recherchesheideggriennes pour lanne

    2012

    LIMINAIRES

    I.MARTIN HEIDEGGER ETJONAS COHN,CTE CTE ET DOS DOS DANS UN POQUE FATIDIQUE.RENCONTRES EN MANUSCRITS,LETTRES ET DOCUMENTS1

    Orientation philosophique, attitude politique, origine : tout ou presquespare Jonas Cohn (1869-1947) et Martin Heidegger. Ces deux-l auraient trsbien pu ne jamais se croiser. Leurs existences sont pourtant lies parlUniversit de Fribourg o, cte cte et dos dos, ils ont exerc pendant delongues annes. Le premier en tant que professeur extraordinaire suivant leplan 2 charg de cours en philosophie et en pdagogie, le second en qualitdassistant, puis de professeur ordinaire de philosophie et recteur.

    Deux philosophes en concurrence

    En novembre 1926, Edmund Husserl informe Cohn quil accderabientt lmritat et quil entend le soutenir dans sa demande justifiedobtenir un Ordinariat personnel. Dans la commission de nomination pour la

    Fond par Sylvain Camilleri & Christophe Perrin.Ont collabor ce Bulletin : Mmes Diana Aurenque, Victoria Briatova, Wenjin Cai,Margret Heitmann, Cathy Leblanc, Virginie Palette, Young-Hwa Seo, Claudia Serban ;MM. Vincent Blok, Sylvain Camilleri, Cristian Ciocan, Andre de Macedo Duarte,

    Tziovanis Georgakis, Karsten Harries, Takashi Ikeda, Franois Jaran, Andrew J.Mitchell, Francesco Paolo de Sanctis, Christophe Perrin, Quentin Person, MarcusSacrini, Mark Sinclair, Christian Sommer, Ovidiu Stanciu, Laurent Villevieille,Kazunori Watanabe, Sverin Yapo. Le symbole signale les publications recensesde lanne.1Je remercie Sylvain Camilleri pour la traduction franaise de ce texte.2N. d. T. : Ladjectifplanmssigsert signifier que les dpenses lies au poste concerntaient intgres au budget. La situation dun professeur suivant le plan nest doncpas des plus prcaires, mais elle nen demeure pas moins dlicate et quelque peufrustrante sur le plan acadmique comme sur le plan financier, car la personne nestpas titulaire dune chaire en particulier et na doncni le traitement ni les prrogativesdes professeurs rguliers.

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    rattribution de sa chaire sige galement Otto Immisch, un professeur dephilologie classique en poste depuis 1914, qui avait t Recteur pendant les

    annes 1924-1925. Le mme Immisch faisait dj partie du comit facultairequi, en 1916, avait dcid de faire de Husserl le successeur de Heinrich Rickert,celui-ci se prparant reprendre la chaire laisse vacante par la mort de sonmatre Wilhelm Windelband lUniversit de Heidelberg. lpoque, Rickertstait prononc en faveur de Cohn, mais ni lui ni Georg Simmel, autrecandidat potentiel, navait de relle chance dtre lu3. Cohn ressentit commeune affront immrit et comme une lourde injustice 4que son nom naitjamais t plac sur la liste de la Facult. Une injustice qui nchappa pas nonplus Husserl qui, peu de temps aprs, se fit son avocat auprs de Paul Natorp

    lorsquune poste de professeur extraordinaire de philosophie fut mis auconcours Marbourg :

    et : navez-vous pas pens J. Cohn ? Certes pas un historien (en dpit deses connaissances remarquables de la littrature philosophiqueuniverselle), mais pourtant, en tant que philosophe, un trs estimable ettrs subtil mdiateur des orientations sud-ouest-allemande etmarbourgeoise [du no-kantisme], un homme avec une trs grandehauteur de vue, dune riche ducation tous gards, en qute dune vision

    systmatique du monde toute preuve. Ses Prsuppositions et buts de laconnaissance5 contiennent dexcellents chapitres et je minstruis aussibeaucoup du reste de ses crits philosophiques6.

    Ce que cet extrait de lettre ne dit pas, cest quen 1917 dj, Natorp, enqute dune personne la fois comptente et charismatique pour le posteprcit, stait enquis auprs de Husserl de la rputation de Heidegger. Mais

    3Voir la lettre de Heinrich Rickert Jonas Cohn date du 23 dcembre 1915, lettreconserve sous la cote B 186-017 au Jonas Cohn-Archiv (dsormais abrvi JCA), lui-mme partie du Salomon Ludwig Steinheim-Institut fr deutsch-jdische Geschichtesitu Essen.4Selon lbauche dune rponse date du 27 dcembre 1915, conserve sous la mmecote que celle indique ci-dessus.5Sic !Le titre exact est le suivant : Voraussetzungen und Ziele des Erkennens. Untersuchungenber die Grundfragen der Logik, Leipzig, Engelmann, 1908. Erkennens, donc, et non

    Erkenntnis.6 Lettre Husserl Paul Natorp date du 8 juin 1917. Copie communique par les

    Archives Husserl de lUniversit catholique de Louvain.

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    celui-ci avait alors t jug trop inexpriment pour loccuper7. Toujours est-ilque les chemin de Cohn et de Heidegger se croisaient une premire fois sur la

    voie acadmique.Ce qui devait donc se reproduire dix ans plus tard. La proposition de

    Husserl dattribuer Cohn un Ordinariat personnel choua en 1926. Et lorsqueHonecker la renouvela en 1928, il fut contraint de la retirer au motif queHeidegger, tout juste arriv, ne lui accordait pas son soutien. La Commissiontait majoritairement davis que Cohn ne reprsentait quune faible valeurajoute, car il navait jamais reu aucun appel valable dune autre Universit. Cequi tait alors un fort handicap. Les actes personnels de Cohn contiennent unenote dans laquelle Heidegger se prononce clairement contre lui 8 . Et Cohn

    confie en 1928 : La proposition de Husserl de me nommer au rangdOrdinariuspersonnel a t retire sous le creux prtexte que lon ne voulaitpas froisser Heidegger, qui aurait alors pu se sentir contraint de travailler avecmoi 9.

    Il serait cependant exagr de tenir Heidegger pour entirementresponsable de ce revers. Car ds le dpart, Cohn devait compter sans lesoutien dImmisch et mme avec son veto inamovible. Leurs conceptionsrespectives de la formation pdagogique des enseignants du suprieur taienttrop opposes pour esprer une quelconque entente. En 1920, Immisch le

    signifiait en stigmatisant Simmel comme le reprsentant de la dialectiquesempiternelle et de la discrimination infinie , et en le rendant responsable de lamisre de la formation lenseignement10. Polmique aussi bien dirige contreCohn, quoique son nom ne soit pas cit. Celui-ci ne pouvait donc rien attendredImmisch, ni en 1916, ni en 1927. Aprs laccession de Husserl lmritat, ildemeura ainsi isol, lun des derniers reprsentants des vues nokantiennes lUniversit de Fribourg.

    7 Cf. E. Husserl, Briefwechsel, Bd. V, Die Neukantianer, K. Schuhmann (d.),Dordrecht/Boston/Londres, Kluwer, 1994, Bd. V, p. 151.8 Generallandesarchiv Karlsruhe, 235/1871: Personalakte Jonas Cohn. Voir J.Fahrenberg & R. Stege, Beziehungen zwischen Philosophie und Psychologie an derFreiburger Universitt. Zur Geschichte des PsychologischenLaboratoriums/Instituts , in J. Jahnke et al. (ds.), PsychologiegeschichteBeziehungen zuPhilosophie und Grenzgebieten, Vienne/Munich, Profil, 1998, pp. 251-266, ici p. 258.9Varia IGelesenes und Gedachtes, p. 345 (JCA).10Lettre dOtto Immisch Jonas Cohn date du 15 janvier 1920 (JCA, B-103-002).

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    Heidegger proposCohn : faits et conjectures

    Le jugement que Heidegger portait sur Cohn ne nous est pas connu.Du moins les documents existants ne donnent-ils aucun lment permettant desen faire une ide claire et distincte. Toutefois, sa rcusation de la jeune etdernire gnration nokantienne telle que lincarnait Richard Hnigswald, amiet proche collaborateur de Cohn, laisse peu de doute ce sujet. propos decelui qui avait quitt Breslau pour rejoindre la Bavire en 1930, Heidegger crit,dans une lettre en date du 25 juin 1933 adresse au Dr. Robert Einhauser,Syndikusde lUniversit de Munich:

    Hnigswald vient de lcole du nokantisme, laquelle reprsente unephilosophie parfaitement taille pour le libralisme. Lessence de lhommeest ici dissoute dans une conscience en gnral flottant librement et celle-ci se dilue finalement dans une Raison logique universelle. Dans cette

    voie, des motifs en apparence rigoureusement philosophico-scientifiquesfont quon ne considre plus lhomme pris dans son enracinementhistorique et dans la tradition populaire de son origine plongeant dans lesol et le sang. Par l un retrait conscient de tout questionnementmtaphysique, et lhomme ne vaut plus que comme serviteur duneculture universelle du monde indiffrente. Cette attitude fondamentale estcelle qui a donn naissance aux crits de Hnigswald, mais aussi bien sr toute son activit de cours. Sajoute cela que Hnigswald dfend en cemoment mme une ide du nokantisme empreinte dune sagacitdangereuse et dune dialectique abrutissante. Le danger consiste avanttout en ceci que cette agitation donne limpression dobjectivit et descience rigoureuse au plus haut point et trompe et dsoriente ainsibeaucoup de jeunes gens. Il me faut aussi, aujourdhui encore, qualifier descandale la nomination de cet homme lUniversit de Munich, scandalequi ne trouve dexplication que dans le fait que le systme catholique se

    prend daffection pour ces gens prtendument neutres idologiquement,car ils ne menacent pas leurs intentions et sont objectif-libraux ausens familier du terme11.

    Sans vouloir prter Heidegger des penses quil na pas exprimes, onvoit mal comment, du moins lors de la priode concerne, il aurait pu avoir deCohn une opinion fondamentalement diffrente de celle-ci. Cela dit, plusieurs

    11GA16, p. 132-133.

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    annes auparavant, Heidegger semble stre intress momentanment sestravaux. Cest effectivement lui qui, en 1920, attire lattention de Rickert sur le

    fait que Cohn projette dcrire une dialectique allusion sans quivoque larflexion qui dbouchera sur la Thorie de la dialectiquepublie en 192312. Il nestpas exclu que les deux collgues se soient entretenus de leur travaux respectifsautour de 1920. Mais il nous semble plus probable que Heidegger ait lu par lui-mme le texte de Cohn intitul Le tragique et la dialectique de lagir, paru en1918 dans un recueil en hommage Johannes Volkelt13, o le jeune assistant deHusserl avait consult par ailleurs un texte dEduard Spranger quil cite denombreuses reprises dans ses manuscrits de lpoque14.

    Quoi quil en soit, cet intrt fut certainement limit, car quelques

    annes plus tard, en 1927, Heidegger ne semblait plus voir en Cohn uninterlocuteur philosophique de valeur, au point que Husserl dt insister pourque son futur successeur lui envoie un exemplaire dtre et temps: Il sy attendet tient pour une vidence que vous le ferez, car il vous a envoy sa dialectique.Cest une ncessit incontournable que vous lui envoyiez un exemplaire; dfaut de quoi, il se sentirait trs gravement insult 15. Comme nous le verrons,il y a tout lieu de penser que Cohn finit par recevoir lexemplaire en question.

    Lorsque, au semestre dhiver 1911/1912, Heidegger abandonne sestudes de thologie et sinscrit la Facult de sciences naturelles et

    mathmatiques de lUniversit de Fribourg, Cohn, de vingt ans plus g,frquente linstitution depuis son habilitation sous la direction de Windelband

    alors Strasbourget Rickert en 189716. Ce dernier tait intervenu pour quilreste Fribourg, en tant que professeur extraordinaire partir de 1901, puis entant que professeur extraordinaire suivant le plan partir de 1919, toujours cheval entre la philosophie et la pdagogie. Cohn stait libr de la tutelle de son ancien matre Rickert lorsquil publia sa Thorie de la dialectique en 1923.

    12Voir la lettre de Rickert Cohn date du 10 avril 1920 (JCA, B-186-022). Cf. J. Cohn,Theorie der Dialektik. Formenlehre der Philosophie, Leipzig, Meiner, 1923.13Cf. J. Cohn, Das Tragische und die Dialektik des Handelns , in P. Barth et al.(ds.), Festschrift Johannes Volkelt zum 70. Geburtstag, Munich, Beck, 1918, pp. 25-39.14Cf. E. Spranger, Zur Theorie des Verstehens und zur geisteswissenschaftlichenPsychologie , in Festschrift Johannes Volkelt zum 70. Geburtstag, pp. 357-403. Heideggercite ce texte en GA60, p. 134 et p. 306, et y fait allusion en GA63, p. 14 et p. 103.15 Lettre de Husserl Heidegger date du 25 mai 1927, in Edmund Husserl,Briefwechsel, Bd. IV, Die Freiburger Schule, E. Schuhmann (d.),Dordrecht/Boston/Londres, Kluwer, 1994, p. 143.16 Cf. J. Cohn, Beitrge zur Lehre von der Wertungen, Habilitationsschrift derphilosophischen Fakultt zu Freiburg im Breisgau. Sonderabdruck aus: Zeitschrift frPhilosophie und philosophische Forschung, NF, 110, 2, pp. 219-262.

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    Toutefois, ds la parution de Prsuppositions et buts du connatre(1908), celui-ci nestait pas priv de le critiquer. Dans une lettre date du 3 mars 1908, il

    sexcuse pour son ergotage , quil demande Cohn dinterprter commelexpression de son vif intrt, mais il signifie en mme temps quelutraquisme de son ancien tudiant remet en question ce que la philosophiede lidalisme allemand a, depuis 1781, labor de plus profond et de plusoriginal , et quil na pas dautre choix que de prendre parti pour HermannCohen contre Cohn dans la polmique amicale qui les oppose17. En revanche,lorsque Cohn se met prparer sa Thorie de la dialectique, Rickert sintresse denouveau son travail et sinterroge mme sur lopportunit de qualifier sonpropre principe htrologique de dialectique au sens de Cohn. Quant la

    Science de la valeurque Cohn fait paratre en 193218, Rickert dit esprer en tirerprofit pour son propre travail :

    La parution de luvre de votre vie est pour moi trs bienvenue, car jesuis actuellement occup rassembler mes ides en vue dun cours sur les Problmes fondamentaux de la philosophie []. Et je veuxnotamment tenter de my expliquer sur les points qui me sparent despenseurs rputs proches de moi, comme vous ltes. [] Cest dans cecadre que, sur des points dcisifs, je mattacherai aussi votre uvre.

    Nous ne parviendrons cependant pas nous mettre daccord propos dela dialectique . La ngation [Negation] demeure pour moi, et ce en toutescirconstances, purement ngative, et je ne parviens pas comprendrecomment la ngation [Verneinung], lorsque elle nest pas seulement priseen tant que dngation [Verneinung], pourrait de quelque manire nousencourager dans la pense19.

    Les lettres de Cohn Rickert nont pas tretrouves. En revanche, lestrente-deux lettres de Rickert Cohn couvrant une priode stalant de 1897 1936 documentent une relation collgiale et amicale. Cette relation sest mme

    tendue jusqu la sphre familiale, Rickert ayant accept dtre le parrain du

    17Lettre de Rickert Cohn date du 3 mars 1908 (JCA, B-186-007). ce sujet, nousnous permettons de renvoyer notre tude "Wir leider doch wahrlich nicht an einemZuviel von Verstand und Nachdenken". Jonas Cohn und seine Zeitgenossen inMaterialen und Briefen aus dem Nachlass , in B. E. Klein & C. E. Mller (ds.),

    MemoriaWege jdischen Erinnerns. Festschrift fr Michael Brocke zum 65. Geburtstag, Berlin,2005, pp. 421-476, en particulier pp. 470-475.18Cf. J. Cohn, Wertwissenschaft, Stuttgart, Frommann, 1932.19Lettre de Rickert Cohn date du 12 dcembre 1932 (JCA, B-186-027).

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    fils de Cohn, Hans. Par la suite, Cohn fut nanmoins conduit rompre toutcontact personnel avec son ancien matre en raison de son indulgence

    lendroit du national-socialisme. Si Rickert prit soin de rester bonne distancede cette anomalie politique, Cohn ne revint pourtant jamais sur sa dcision.

    Le degr de proximit de Heidegger avec lancien mentor de Cohnsatteste quant lui dans une correspondance couvrant les annes 1912-193320.La question de savoir sil est possible de tirer des lettres qui la composent desinformations difiantes, non pas seulement quant aux rapports personnelsentre les deux hommes, mais encore quant dventuelles convergences depense, ne se laisse pas facilement trancher au premier abord. Rickert a biensr jou un rle dterminant dans le choix du jeune docteur de shabiliter sous

    sa direction avec un travail sur le Trait des catgories et de la signification de DunsScot lequel lui est dailleurs ddi21. Mais laffaire sest trs vite complique.Ladmiration de Heidegger pour Rickert, mais aussi pour Windelband et pourEmil Lask, quil connaissait la perfection, nest jamais alle sans une forme decritique qui na cess de saccentuer au fur et mesure quil laborait sa proprepense22. La correspondance entre Heidegger et Rickert sinterrompt sur unelettre du 29 mai 1933. Le second remercie le premier, devenu entre tempsrecteur de lUniversit de Fribourg, pour les vux quil lui a adresss loccasion de son anniversaire, et espre bientt le recevoir afin quils

    sentretiennent des choses qui [les] tiennent tous deux cur23

    .Les mentions de Cohn dans luvre de Heidegger sont marginales. Au

    cours dune discussion du clbre article de Windelband Quest-ce que laphilosophie ? dans son cours du semestre dt 1919, Heidegger rfre cetautre texte phare du chef de file du nokantisme de Bade quest Le Sacr.Esquisse dune philosophie de la religion, et cite dans ce contexte lessai deCohn Religion et valeurs culturelles qui sen inspire24. Mais il ne prendmalheureusement pas la peine de dire ce quil en pense. Plus tt encore, dans lecompte rendu de 1912 intitul Nouvelles recherches sur la logique ,

    20 Martin Heidegger-Heinrich Rickert, Briefe 1912-1933 und andere Dokumente, A.Denker (d.), Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 2002.21GA1, p. 190.22Ce point est bien mis en lumire par Michael Steinmann dans son article Der frheHeidegger und sein Verhltnis zum Neukantianismus , Heidegger-Jahrbuch, 1, 2006, pp.259-293, en particulier p. 264. Les cours du KNS 1919, du WS 1919/1920, du SS 1920et du WS 1920/1921, entre autres, en tmoignent.23Martin Heidegger-Heinrich Rickert, Briefe 1912-1933, p. 74.24GA56/57, p. 145. Voir J. Cohn, Religion und Kulturwerte, Berlin, Kant-Gesellschaft,1914.

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    Heidegger rdige une note o il juge que Prsuppositions et buts du connatre deCohn se laisse reconduire la perce de Rickert dans la seconde dition (1904)

    de Lobjet de la connaissance25. L aussi, il se contente de citer le travail de Cohnsans le commenter. On ne peut tre qutonn que ces deux collgues naientpas davantage chang ; dautant que lun comme lautre portaient Lask enhaute estime et quils ntaient pas loin dapprcier Karl Jaspers de la mmemanire. Rappelons en effet que Cohn et Heidegger ont recens la Psychologieder Weltanschauungen la mme poque, et que tous deux ont relev de manireparticulirement prcoce linfluence de Lask et de Husserl sur Jaspers26. Pourrevenir Lask, que Rickert tenait pour le plus dou de ses disciples, notons queCohn lui a manifest tout autant dintrt que Heidegger, si ce nest plus. Il

    rdige une notice ncrologique trs rapidement aprs sa mort sur le front en191527, lui consacre un bref et nanmoins important excursus dans sa Thorie dela dialectique28, et salue la premire dition par Eugen Herrigel de ses critspublie en 192429. Lask avait soutenu une thse avec Rickert en 1902 sur Fichteet lidalisme de lhistoire, avant de shabiliter avec Windelband en 1905 avectravail de philosophie du droit.

    Dans une lettre de 1902, Lask remercie Cohn de lui avoir conseilldabandonner la voie des tudes juridiques, mais galement de lavoir aid dansla rdaction du premier chapitre de sa dissertation doctorale. Tous deux

    apprciaient Simmel, que Lask avait entendu Berlin, au point que ce dernierconfie Cohn en 1902 : Mon apprciation de Simmel sest considrablementaccrue, je le compte dsormais parmi les sommits de la philosophie 30. Leslettres de Lask Cohn tmoignent de relations amicales, mais galement dun

    25GA1, p. 34 n.26J. Cohn, Zu Karl Jaspers Psychologie der Weltanschauungen(1919) , Kant-Studien, 26,1921, pp. 74-90. De Jaspers, Cohn recensera galement Die Idee der Universitt (1921)pour la revue Logosfonde par Rickert (13, 1924/1925, pp. 131-132), et les trois tomesde sa Philosophie(1932) pour les Kant-Studien(36, 1932, pp. 142-147). Quant la longuerecension de Heidegger (GA 9, pp. 1-44), dont la rdaction stale de 1919 1921, onsait quelle tait destine paratredans un journal de Gttingen mais quelle ne futrendue publique que dans les annes 1970.27J. Cohn, Der Denker Emil Lask , Vossische Zeitung, Berlin, 562, 3 novembre 1915.28 J. Cohn, Theorie der Dialektik, Voraussetzungen der Erkenntnis. Exkurs: Lasksmetagrammatische Prdikationstheorie , pp. 152-154.29J. Cohn, Zu Emil Lask, Gesammelte Schriften , Kant-Studien, 29, 1924, pp. 482-488.30Lettre de Lask Cohn date du 20 octobre 1902. Originale au Fonds Emil Lask dela Bibliothque universitaire de Heidelberg sous la cote Heid. Hs. 3820, fol. 71f. Copieau JCA sous la cote B-128 (Zusatz).

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    certain nombre de dsaccords philosophiques. Les lettres de Cohn Lask sontperdues, mais le second est cit plus dune fois dans les manuscrits du premier.

    Windelband, Rickert, Lask et Husserl ont grandement influenc lapense et la carrire de Cohn, au moins autant quils ont pes sur cellesHeidegger. Curieusement, ils nauront pourtant jou aucun rle dans lesrelations personnelles quont entretenus ces deux-l. Ce qui reste nos yeux unsrieux motif dinterrogation.

    Les quatre lettres de Heidegger Cohn

    Les lettres de Cohn Heidegger nont pas t conserves. Il en va

    autrement des quatre lettres de Heidegger Cohn rdiges entre 1923 et 1931.Le 23 fvrier 1923, Heidegger remercie Cohn pour ses vux loccasion de sanomination au poste de professeur extraordinaire lUniversit de Marbourg.Ce poste, Heidegger lavait obtenu aprs avoir soumis Natorp une esquissede sonAristoteles-Buchen prparation31, alors quon lui reprochait de navoir passuffisamment publi. Cest au prtexte de terminer ce livre et de travailler deconcert avec Nikola Hartmann ses cours pour les prochaines annes quildcline loffre de Cohn et de Paul Hoffmann dcrire un volume sur La

    philosophie mdivale pour la collection Natur und Geistesgeschichte de

    lHistoire de la philosophiepublie par lditeur Teubner. Il recommande Cohnde se rabattre sur le Professeur Bernhard Geyer ou le Dr. Johannes Bernhardt32.Heidegger se libre ainsi dun engagement pris auprs de Cohn et Hoffmanndeux ans plus tt. Dans une lettre date du 15 mai 1921, Hoffmann annonce Cohn quil se rendra bientt Fribourg afin de discuter avec Heidegger et luide la contribution de ce dernier33. Cohn tait manifestement trs impliqu dansldition de cette collection, sans toutefois en tre officiellement nomm co -directeur. La mme anne, Teubner lui manifeste toute sa gratitude en mme

    31Comme on le sait, ce texte rdig en 1922, dont Gadamer prit connaissance asseztt et qui fut galement adress Georg Misch en vue dun poste lUniversi t deGttingen, restera clbre sous le nom de Natorp-Bericht . Son titre initial tait :Phnomenologische Interpretationen zu Aristoteles. Anzeige der hermeneutischen Situation.Dabord dit par H.-U. Lessing dans la sixime livraison du Dilthey-Jahrbuch (1989),prfac par Gadamer, il a t repris rcemment en GA62, pp. 341-375. Comme on lesait aussi, cet Aristoteles-Buchne verra jamais le jour, quoi quon en retrouve la tracedans plusieurs enseignements des annes 1920 et que certains soutiennent qutre ettempsnest pas sans rapport avec ce projet.32Lettre de Heidegger Cohn date du 23 fvrier 1923 (JCA, B-082-001).33Lettre de Hoffmann Cohn date du 15 mai 1921 (JCA, B-097-007).

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    temps quil regrette dapprendre que Heidegger se retire du projet, jugeanttoutefois les raisons avances tout fait comprhensibles34.

    Heidegger est de retour Fribourg lorsquil assure Cohn en 1930 quille soutiendra dans la commission visant attribuer une place dassistant au seinde lInstitut de psychologie 35 . Entre 1903 et 1933, cet Institut dpendaitentirement de la Facult de philosophie. Cohn y travaillait comme assistant,Rickert puis Husserl en furent les directeurs. la demande de Husserl, Cohndevint en 1920 le co-directeur du Laboratoire de psychologie, et le restalorsque Heidegger succda Husserl dans ses fonctions en 1928. Cest cetitre que Cohn avait introduit en 1931 une requte visant transformer le postedassistant volontaire de sa collaboratrice Olga Marum en un poste dassistant

    rmunr. Dans une lettre date du 18 janvier 1931, Martin Honeckerlinforme qu sa connaissance, seuls le Sminaire dhistoire et le Sminaire dephilosophie I disposent de postes dassistant suivant le plan. Les autresInstituts, eux, nont droit qu un amanuensis. Il lui dconseille alorsexpressment de solliciter un poste dassistant qui serait pleinement intgr aubudget. Si vous le faites, explique-t-il, 1) au regard de la situation financire deltat, un refus de la part du Ministre est craindre ; et 2) vous devez vousattendre rencontrer lopposition de la Facult elle-mme 36. Honecker prieCohn de traiter sa lettre avec la plus grande confidentialit 37. Suite aux

    dmarches de Cohn, il fut dabord dcid que la jeune Dr. Marum seraitddommage au titre dassistante auxiliaire par un montant de 200 marks. Le22 fvrier 1933, cette somme tombait 100 marks, mais le 29 mars de la mmeanne, lindemnit dcide initialement tait rtablie. Les papiers personnels deCohn nous apprennent cependant que cela ne dura gure : Le 13 avril [1933],Mademoiselle le Dr. Olga Marum est venue nous voir une dernire fois. Je luiavais obtenu du gouvernement prcdent une rmunration de 100 marks,mais elle a lui a t retire par le nouveau. Dans ces conditions, elle ne voulaitplus rester 38. En 1932 dj, une majorit de la commission facultaire avait

    refus sa demande, effectue travers Cohn et soutenue par Honecker, de

    34 Lettre de lditeur Teubner Cohn date du 9 mai 1924 (JCA, DO-067). Lacollection sinterrompra avec le septime volume, rdig par Cohn lui -mme (DiePhilosophie im Zeitalter des Spezialismus, 1925). Les responsables de part et dautrenarrivaient plus sentendre.35Lettre de Heidegger Cohn date du 11 novembre 1930 (JCA, B-092-003).36Lettre de Honecker Cohn date du 18 janvier 1931 (JCA, B-100-001). Honeckertait sans doute le dernier membre de la Facult sur lequel Cohn pouvait compter.37Ibid.38VariaII, p. 11.

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    shabiliter39. Aussi, ds cet pisode, son avenir Fribourg tait compromis.Cette viction exabruptocontraint Olga Marum migrer vers lAngleterre. Elle

    dcdera en 1944 dans une offensive des forces ariennes allemandes contreLondres.

    Heidegger tait de jure Directeur de lInstitut de psychologie. Maisjamais il ne manifesta de rel intrt pour cet tablissement. Son prdcesseur,qui ntait autre que Husserl, laissait dj le soin Cohn officiellementqualifi dans le domaine de la psychologie exprimentale depuis 1911, mais quiavait refus en 1913 un poste de professeur extraordinaire en la matire degrer tout ce qui le concernait.

    La dernire lettre de Heidegger Cohn est date du 3 octobre 1931. Il

    linforme quil a choisi le Dr. Werner Gottfried Brock comme nouvel assistant,un jeune docteur venant de Gttingen et projetant de shabiliter Fribourg40.Cohn reut ses tats de service dans les jours suivants.

    Cohn lecteur et critique dtre et temps (1927)

    Luvre publie de Cohn ne recle aucune mention de son jeunecollgue. Il en va autrement dans ses crits privs, en particulier dans sesjournaux intimes et dans divers carnets, o le nom de Heidegger revient de

    nombreuses reprises. Cohn sy explique entre autres assez longuement avectre et temps41. Des extraits recopis sont suivis dune considration critiquesur Heidegger . Nous en restituons ici tout ce que nous avons t en mesurede dchiffrer, cest--dire la quasi-totalit des pages concernes :

    Il y a un abme entre ce que Heidegger offre rellement et ce quil ditaccomplir. Il veut au minimum prparer une ontologie gnrale, et mmedj en livrer une partie il fait lexpos dune modalit dtermine delexprience vcue et considre tout partir de celle-ci.Son intention est la suivante : reconduire l tre abstrait, driv deschoses subsistantes devenues indiffrentes aux yeux de lhommepurement thorique qui se tient en face delles, lexistence rale delhomme qui se comporte de manire interrogative vis--vis de lui-mme,au Dasein reconnatre l tre universel comme affaiblissement de

    39Ibid., p. 7.40Lettre de Heidegger Cohn date du 3 octobre 1931 (JCA, B-082-004).41Tagebuch Gedanken eigene und angeeignete (26. 4. 19276. 7. 1930), pp. 54-57, 68-91pour les extraits, et pp. 92-101 pour la critique.

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    lexistence et en mme temps comme ordonn lexistence dans son tout.Ce geste ne relve pas dune simple thorie gntique; au contraire :

    travers lui, cest aussi la faiblesse de la valeur cognitive du vieux conceptdtre qui doit tre reconnue. Celle-ci nembrasse justement pas ce qui estau plein sens du terme et plus encore, elle ne surgit pas lorsque nous

    vivons authentiquement dans la vrit , mais lorsque nous vivons inauthentiquement , dans la non-vrit .Cette discrimination entre un comportement authentique et uncomportement inauthentique estaprs le retour aux fondements delexprience vcue la seconde caractristique. Linauthentique deHeidegger est la quotidiennet , lintrieur de laquelle le Dasein

    succombe au souci ainsi quau On elle est en ralit angoisse

    , ltrepour la mort, cela qui (dans la mesure o la mort est toujours ma mort,personne ne pouvant me lter) reste strictement ferm sur lui-mme.Partant de cette obturation qui forme une totalit, le Vivant danslAuthentique se rsout ce qui lui est offert ici et maintenant ensachant quil est redevable la mort.Deux choses encore sont claires :1) La modalit (incontestablement vraie et tout aussi incontestablementconceptualise ici magistralement) de lexprience vcue que Heideggernomme authentique , nest pas la seule modalit supra-quotidienne

    quil est possible de concevoir. La thorie pure, le dvouement uneuvre ou une communaut, ou encore labandon absolu linstant, quicre une indiffrence son propre mourir, bien quon en ait conscience,et que cette conscience forme la trame obscure (cf. Horace) est uneattitude supra-quotidienne qui existe elle aussi.2) Dans le quotidien dj, la dchance au bavardage , la curiosit ainsi qu lquivoque nest en aucun cas la seule maniredont lhomme sextrait de son individuit [Einzelheit]. Avec la question etle discours, le monde ambiant et le monde commun sont trs largement ouverts . Lhomme nest historique quavec le discours et traversle langage et non, comme le veut Heidegger, travers la naissance ,par le biais laquelle il est bien plutt rattach ce quon pourrait appelerun fil de la vie. Si Heidegger devait argumenter que la naissance dun Dasein englobe le savoir propos de la naissance, il faudrait luirtorquer que chacun ne sait de son commencement que ce que lui en ditle discours, en particulier celui de ses semblables quil interroge (tandisque la fin dans langoisse serait donne en soi ).

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    Il est tout aussi erron de dire que le futur authentique est fini, quil setermine avec la mort individuelle. Il nest pas mme besoin de penser la

    gloire et lesprit pour voir cela il suffit dinvoquer le quotidien oulordinaire par excellence : la vieille dame qui prend soin dun enfant,le vieux paysan qui plante des arbres. Ils se soucient tout naturellementde ce dont lexistence se prolongera au-del de la leur. Peut-treHeidegger objectera : oui, mais alors la fin est l avec la mort de cetenfant, cest--dire de cet hritage. Mais cela serait faux. Ils ont la srieimprvisible de survivants devant eux (quoiquils ne laient pas de maniresi indtermine et si implicite ou indicible) ils voient dans un futurindtermin (non pas un futur positivement infini, qui ne peut pas seterminer

    mais cependant dans un futur dont la fin ne se laisse pas

    prvoir, dont la fin ne laisse envisager daucune faon).Toutefois, de telles considrations ne nous placent-elles pas en pleinmilieu de rflexions empiriques ? O sont les essences et la vision desessences ? Oui, o sont-elles chez Heidegger lui-mme ? Heidegger

    veut maintenir le vivre existentiel tout entier dans le concept existentiel . Le vivre en tant que tel est individuel et noffre aucunegarantie duniversalit. Une modalit du vivre se laisse opposer uneautre. Heidegger ne peut pas dmontrer que les expriences vcuesfondes par lui sur lanalogie sont les seules se prsenter ; de fait, on

    peut aisment faire la preuve du contraire, et cela satteste mmeconcrtement. Et cest dans cette confusion que Heidegger pousse sesmodalits de lexprience vcue dans la conscience en quoi il utilisepour leur description des expressions laudatives, et inversement pour ladescription des autres modalits de lexprience vcue des expressionsdprciatives.Certes, il nie que des expressions telles que quotidiennet , dchance ou dfense contiennent quelque chose de dprciatif mais que tel ne soit pas le cas, sinon pire, nest quillusion. Uneproposition comme : Lorigine ontologique de ltre du Daseinnest pas"moindre" que ce qui en jaillit, mais demble, elle lexcde en puissance,et tout "jaillir", dans le champ ontologique, est dgnration 42 olattitude purement thorique qui jaillit est dvalorise et mmeoblitre suffit le trahir. Linterprtation de la Conscience [Gewissen]nen reste pas moins dcisive. Cette interprtation ne comprend pas laconscience partir de la responsabilit dtermine et de lide deresponsabilit qui en est au fondement. Elle se rattache plutt langoisse

    42Cf. Sein und Zeit, p. 334 (N.d.T.)

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    indtermine devant la fin ainsi qu la dette originelle quinspire lafinitude. Si lon peut encore considrer cela comme une interprtation du

    phnomne , force est de reconnatre que seule une modalit trsprcise de sa manifestation est prise en vue. En fait, se dcouvre peut-treici un fondement exprientiel pour lancienne doctrine de la culpabilitoriginelle, de la chute dans le pch. Quand bien mme, cest la vraieresponsabilit consciente de son sens et de sa porte morale qui se tient ct de cette sourde angoisse de la Conscience. Il est arbitraire de dclarerla pense authentique et vraie.La limite de la phnomnologie devient alors claire : elle est incapablede se prouver de quelque manire quil soit possible de faire la preuvede quelque chose

    la validit universelle des connexions indiques dans

    le phnomne, et elle ne peut pas davantage sexpliquer la lgitimit duchoix de ces phnomnes (lorsque les phnomnes ne rpondent passeulement deux-mmes, mais doivent tre reprsentatifs).La monstration du phnomne livre du matriel, rend attentif, pose desquestions. La reconduction des concepts aux phnomnes prmunit desconstructions vides (pas toujours, comme en tmoigne lexemple donn p.85 !). Mais chaque description se tient sous certains points de vue,lesquels mettent en lumire une tche essentielle et sont par ailleursncessaires au parachvement scientifique de la thorie. Quelque chose

    nest essentiel que pour quelque chose, dans un certain contexte ousous un certain point de vue. Il faut se dbarrasser de lgarant flau delessence-fantme !Contre lapprciation de Heidegger qui snonce ainsi:

    AngoisseIndividuitauthentiqueVrit +CuriositDchanceOninauthentiqueNon-vrit

    il sen laisse tablir une autre:

    ExigutCaptivittre-chargTroubleIndividuitAmplitudeDlivranceLgretClartTotalit et Universalit

    Je pourrais galement, comme le fait Heidegger, inverser vrit et non-vrit , et jaurais pour cela de bons appuis de Platon Spinoza,Kant et Hegel etc. mais je men abstiens dessein, car lopposition

    vrit/non-vrit ne ressort aucune de ces sries mais, en dpit desobjections totalement hors-sujet de Heidegger, appartient primairement

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    au jugement, lorsquil est question dune vrit distincte. Aussi la normeidale de la vrit se prsente-t-elle comme ce Tout du connatre

    unanimement reconnu que lon qualifie aussi, avec une certaineemphase, de vrit. Heidegger crit au lieu de cela [des mots illisibles], ce quelon peut dsigner comme authenticit de la vie et considre demanire purement arbitraire et manifestement fausse que cetteauthenticit nest possible que dans la sphre des modalits delexprience vcue privilgies par lui.Si lon observe de ce point de vue, alors se pose le problme de ladcision entre ces genres dapprciation. Il faut revenir la cohrence dela doctrine des valeurs (qui nest certainement pas liquide par le simple

    fait quon en parle avec mpris). Nous napprofondirons pasce point ici

    il suffira de se rappeler que la prsupposition dun tel retour est laptitudedu vivre se confronter ses propres tats et finalement lui-mme.De tout cela il nest nulle part question chez Heidegger. Il d-personnalise,d-je-ise ou dsegotise [ent-icht] tout lexpression Dasein est pour luicaractristique. Son monde est un monde sans-tte, irrflchi, quuneconscience fantomatique continue pourtant dhabiter. un vrai mondede spectres. ce propos justement, il existe chez lui une haine de tout cequi est hellnique.Pour le satisfaire, il faut lui opposer la manire indirecte dargumenter, la

    mentalit tout inhibe par la tradition de lglise catholique. Comme lesrformateurs, il cherche la vrit dans les commencements. Toutefois,dans la mesure o les sources sont dj impures , il remonte au

    vivre lui-mmeil est un anabaptiste radical de la pense. Mais il ne vapas assez loin il reste prisonnier de langoisse un Kierkegaard sans ledogme de Kierkegaard et par l plus incomprhensible encore que leDanois. Osera-t-on suggrer quil ne se comprend peut-tre pas lui-mme ? Il ne vit (du moins en tant que penseuret cest seulement ainsiquil nous intresse) pas dans langoisse, mais plutt de tellemanire quilse confronte langoisse prise au srieux. Si seulement il tait conscientde cela, il pourrait se librer.Heidegger ne dmontre en rien que ses nomenclatures et ses mises enlumire sont exhaustivesde fait, trs souvent, elles ne le sont pas. Aussilouverture de ltre-dans-le-monde , cest--dire la possibilit de sesavoir dans un monde perceptible et susceptible de connaissance, doit-elle se constituer travers conciliation (aptitudes et tonalits affectives)et comprendre (cest--dire sapprhender dans le vivre et apprhender

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    le vivre). Ici manquent lappel lactivit du se-tourner-et-se-dtourner etlaptitude objectiver son propre tat.

    Heidegger construit tlologiquement en partant de cette connexionvcue (mais prise arbitrairement comme la seule essentielle) de la vie, quise laisse circonscrire entre les termes de la srie Dasein-souci-angoisse-mort. Il semploie ensuite camoufler ces constructions sous desexpriences vcues. Mais le rayon de ce qui est pris en considration restetoujours limit par lattitude primaire.Comme toute terminologie, celle de Heidegger occulte ce quelle ne veutpas direforce serait de reconnatre que cette terminologie ne dcouvrecependant pas grand-chose dintressant43.

    Cohn na jamais publi ses remarques critiques. Et cela nentrait sansdoute pas dans ses plans ; ce qui explique lapproximation et lobscuritrelatives de certaines lignes que nous venons de citer. De toute vidence, il taitloin de saisir le dessein du projet heideggrien. Allons plus loin : sacomprhension est pour le moins lacunaire et souvent greve de lourdscontresens. Sa critique nen demeure pas moins typique dune rceptionnokantienne dtre et temps, qui seffraie notamment du sort rserv la penserigoureuse et scientifique qui prdominait jusque-l sur la scne philosophique.

    Il semblerait par ailleurs que Cohn nait jamais communiqu Heidegger ce quil pensait de son trait. En tout cas, ses carnets ne donnentaucune indication en ce sens. Ceux-ci montrent en revanche que Cohn estsouvent revenu sur sa critique. Dans une rflexion de novembre 1927 sur leproblme de lexistence il crit par exemple: Aussitt que lhomme examineson existence, il nest plus quexistant conditionnplus que "dans le temps"(qui, contrairement aux affabulations de Heidegger, ne se termine pas pour luiavec sa propre vie) 44. Rminiscence, donc, de la critique formule plus haut,qui laisse penser que lanalyse heideggrienne du temps et de son problmefut parmi celles qui le laissrent perplexe et mme insatisfait au plus haut point.

    Autres notices de Cohn concernant Heidegger (1929-1941)

    En lien plus ou moins direct aux remarques que nous venons derestituer, on trouve dans les journaux intimes et les carnets de Cohn biendautres mentions et analyses de Heidegger.

    43Tagebuch Gedanken, pp. 92-100.44Ibid., p. 110 (entre Problem der Existenz , 12 novembre 1927).

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    Tout dabord dans une discussion de la confrence de Paul Tillich Philosophie et destin , prononce lors de sa nomination lUniversit de

    Francfort en juin 192945. Cohn y assiste et, quelques semaines plus tard, en faitune occasion dimaginer une discussion idelle avec Tillich et Heidegger.

    Tandis que Tillich soutient que la philosophie a une histoire et reste autonomedans sa dpendance mme celle-ci, Heidegger affirmerait pour sa part queseul le penseur existe rellement, que lui seul a un destin et par l mme unehistoire : en sorte que Heidegger dconstruit, jusqu ce quil bute sur le "rocdorigine" mais expulser la volont hors de lhistoire conduirait reconduirela distinction romantique entre une histoire inconstruite et une histoireconstruiteHeidegger ne peut le vouloir aussi suis-je enclin voir dans ce

    tournant une simple esquive, si ce nest le dbut dune nouvelle tape chezHeidegger 46. Cohn tente ici de rapprocher Heidegger de sa propre analyse,selon laquelle seule vaut lhistoire de lhomme, lhistoire qui se retrouve dansune biographie, si bien que lhistoire gnrale, universelle, perd tout son sens.

    Ailleurs, Cohn note que lanalyse de la connaissance naturelle est pourlpistmologie ou thorie de la connaissance importante et irremplaable,aucun homme sens ne le contestera seul Heidegger semble ici ne pas lereconnatre mais peut-tre cela nest-il que faade (?) et restrictionprovisoire 47. Il reviendra sur cette remarque en 1934 et notera en marge :

    Heidegger ne le reconnat pas effectivement, car il est un ennemi de la sciencela science entraverait la tyrannie instaure par le fait du Prince 48.

    Le 11 dcembre 1930, Cohn assiste Fribourg la confrence Delessence de la vrit, dans la version dj prononce la mme anne Brmeet Marbourg49. Ds le lendemain, il note dans son journal :

    Formellement : Rhtorique qui se dissimule derrire la simplicit.Violence faite aux auditeurs, qui par consquent veulent tre violents.

    45La confrence sera presque immdiatement publie : P. Tillich, Philosophie undSchicksal , Kant-Studien, 34, 1929, pp. 300-311.46 Tagebuch Gedanken, pp. 226-227, ici p. 227 (entre Tillich: Philosophie undSchicksal (ideelle Diskussion nach einem Vortrag) , 9 juillet 1929).47Ibid., pp. 234-235, ici p. 235 (entre Zeit, Behandlung des Zeitsproblems , 30septembre 1929).48Ibid.49Cf. M. Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit , in GA 9, pp. 177-202. Sur lesdiffrentes versions, on consultera C. Bremmers, Schriftenverzeichnis (1909-2004) ,Heidegger-Jahrbuch, 1, 2006, pp. 491-492.

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    L-derrire : nergie, tension, confiance en soi, mais aussi et justementtravail magistral sur la forme.

    Mthode : tymologisanteprendre les mots dans leur archi-signification( dvoilement ou dsocculation tre-manifest des pchsdonc :lorsque la vrit [est] ltre-manifestessence originelle de la vrit dumystre la vrit doit rintgrer sa quintessence dans son essence). Cerseau de transversalits conceptuelles sappuyant sur le sens littral desmots est pour ainsi dire jet au visage de lauditeur jamais loccasionnest donne de contrler, de marquer une pause, de rflchir aucunepreuve, aucune justification pas plus de dduction que dedmonstrationnulle part il nest pris en considration que la dialectique

    ne produit quune mince logique, que la destruction doit prcder lacombinaison. (Par consquent : pas du tout scolastique, pluttmystique)50.

    Aprs un examen impartial de la confrence elle-mme, Cohn aboutit la conclusion suivante :

    Deux choses ont t souligns raison et avec une grande acuit : 1) queseule la vrit en totalit existe. 2) que le mystre reste entier, et quedonc la connaissance de la vrit embrasse la connaissance du mystre.

    Mais il manque quelque chose : toute mdiation par la connaissancescientifique est bannie [] Quun jugement puisse et doive tre vrai que des jugements contiennent une dcision, cela nest voqu nulle partet encore moins reli lide dune vrit englobante. Plus importantencore : la dialectique de la vrit [nest] pas reconnue comme dialectiquedu je ! La libert nest pourtant pas un mediummais un activumpar ola manire dont la vrit se tient par rapport la libert devient unproblme.En repensant la confrence, beaucoup de choses mapparaissent releverde la charlatanerieil faut cependant reconnatre que la substance est lmais en lieu et place de lauthentique lutte pour la vrit [] on ne trouveque le travail du rhteur, qui veut rendre le peru ou lintuitionn pathtique51.

    50Tagebuch Hauptbuch (8. 7. 193030. 4. 1933), p. 19-22 (entre Heidegger, VomWesen der Wahrheit [Vortrag] , 12 dcembre 1930).51Ibid.

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    En 1932, Cohn prcisera en marge de cette entre consacre Delessence de la vrit : Ny a-t-il pas une certaine hystrie une certitude

    mise en scnederrire tout cela ? (remarque accessoire pour la chose mmemais pas pour lapprciation de Heidegger en tant que personne) Je ne veuxpas affirmer cela inconditionnellement, mais jai cette impression ici et l52.

    La tentative entreprise par Cohn de sexpliquer lsotrisme duphilosopher heideggrien se rencontre dans bien dautres entres de ses carnets.En 1931, il sinterroge par exemple sur la Doctrine de la vrit en tant quemtaphysique dveloppe par Heidegger . En 1932, il se demande galement : Nest-ce pas une mauvaise habitude du parler qui ressurgit lorsque Heideggeret Jaspers traitent des abstractacomme des sujets concrets ? (Dasein, existence,

    historicit, etc.) Ou le dsir de mythe ne dnote-t-il pas ici dune nausabondemythologie de pontifes ? 53.

    La mme anne, cest--dire en 1932, Cohn lit le livre de Julius Kraft DeHusserl Heidegger, alors tout juste paru54. Dans son exemplaire personnel, ilgriffonne quelques notes montrant quil dfend en quelque sorte Heideggercontre les attaques de lauteur:

    Certes, la polmique contre Heidegger rvle bien quelques tautologies,analyses arbitraires et autres trivialits maladroites restes jusque-l dans

    lombre mais par ailleurs elle se facilite bien trop la tche ni lequestionnement, ni la mthode, ni les concepts fondamentaux ne sontvraiment analyssil manque la mise en lumire des prsuppositions tuespar la pense par o Kraft se tient totalement lextrieur de ce quilcritique [] Ce nest pas une manire de faire !55

    Inform par des tudiants, Cohn a aussi comment ce que Heideggerprofessait dans son cours du semestre dt 1932 sur Le commencement de la

    philosophie occidentale56. Cest du moins que ce que laisse penser cette rflexionconsigne dans son principal carnet :

    52Ibid.53Ibid., p. 137 (entre sans titre, 14 fvrier 1932).54 J. Kraft, Von Husserl zu Heidegger. Kritik der phnomenologischen Philosophie, Leipzig,Buske, 1932.55Tagebuch Hauptbuch, p. 252 (entre sans titre, 28 juin 1932).56 Cf. M. Heidegger, Der Anfang der Abendlndische Philosophie (Anaximander undParmenides), GA35. Saisissons loccasion pour rappeler que les tudiants qui suivaient la fois les cours de Cohn et ceux de Heidegger taient nombreux penser quil nyavait aucune commune mesure : Heidegger produisait de loin la plus forte impression.

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    Il se murmure que Heidegger a dans son cours interprt lquivalenceparmnidienne entre tre et pense en utilisant la formule : Penser est

    exister et ici naturellement, exister est pens dans le sens prgnantque lui donnent Kierkegaard ainsi que la Philosophie de lexistence. Jelaisse entirement de ct la question de linterprtation (que Parmnidenait pas compris lexister de cette manire est cependant clair) etconsidre le sens de la proposition. Il apparat alors que la formule Penser est exister signifie quelque chose de trs diffrent de cetteformule quest Exister est penser . Bien entendu, il est absurde decomprendre le est comme identit toutefois, si lon ne lentendaitpas ainsi, alors la premire proposition devrait signifier : la pense

    (vritable, et non vide) requiert lintervention de lexistence, garante de cequi est pensmais la seconde devrait alors signifier : seul celui qui pensea lexistence (pleine, consciente). La premire proposition serapprocherait de Fichte, la seconde de Hegel. Et il est nouveau videntque, lorsque celui qui fait usage de propositions avec est ne sempressepas de clarifier le sens de ce est en elles, son propos demeure danslobscurit et laisse se rpandre le soupon de faux-monnayage57.

    Prs dun an plus tard, Cohn rdige dans son journal quelques lignes propos de Lauto-affirmation de lUniversit allemande. A-t-il assist en personne au

    discours de rectorat ? Rien ne permet den tre certain, mais cest unepossibilit quon ne peut exclure. Toujours est-il quil sefforce de faire preuvedobjectivit dans ce quil en dit. Nous lisons en effet:

    Mrites : quil ne fait pas croire la victoire, mais quil appelle audiscernement quil conoive le peuple comme essence historico-spirituelle plus exactement, quil ne recommande pas de croire desmythes, mais quil pose la question de lexistence.Mais : la rsolution reste vide le simple rattachement historique la

    philosophie grecque est totalement insuffisant. Que la spcialisation soitle destin de lindividu, que ltudiant soit plac dans une communaut detravail pour la connaissance, quil doive dabord apprendre enquter (etnon pas seulement questionner) et ainsi sduquer et se former aucun mot propos de tout cela. Le Service du travail et le Service

    On consultera ce sujet les tmoignages de Hans Jonas dans le chapitre 3 de sesErrinerungenet dHeinrich Wiegand Petzet dans le chapitre 1 de Begegnung und Gesprchemit Heidegger.57Tagebuch Hauptbuch, p. 252 (entre sans titre, 13 septembre 1932)

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    de dfense incombent ltudiant en tant que membre du peuple, maisce qui lui incombe en tant qutudiant, cest le Service du savoir

    mentionner ce dernier et t donner la bonne orientation ; or, le Service du savoir est dans ce discours partout menac (si Heidegger nela pas alin)58.

    Le tournant politique de Heidegger conduit Cohn rechercher lessources de sa philosophie de lexistence. cette occasion, il croit dcouvrir queson jeune collgue mlange une approche nationaliste, quil puise dans lapense qui court de Feuerbach Nietzsche, une approche religieuse, quilhrite de celle qui va de Schelling Kierkegaard. Et il commente ce

    rapprochement de la manire suivante :

    La manire dont Heidegger se comporte vis--vis de ces deux approches(pour autant que Heidegger vaille la peine quon lui consacre une enquteplus prcise) mriterait dtre examine plus fondmais pour quun telexamen soit possible, il faudrait que Heidegger dvoile sa philosophie.Des hommes honntes ne peuvent pas envisager srieusement de sentenir aux rumeurs []59.

    Les dclarations de Cohn allant au-del de la simple valuation

    philosophique sont tout particulirement appuyes. La raison en est quil nepouvait faire silence plus longtemps propos de la mutation politique delAllemagne national-socialiste qui avait conduit son renvoi et qui avait parailleurs renforc la position de Heidegger lintrieur du systme. Aussi lesparoles se durcissent-elles au fur et mesure, par exemple en 1934 :

    Heidegger ou : le revirement du scepticisme absolu en un dogmatismeabsolu, de la solitude absolue en lasservissement absolu de la masse (supposer que Heidegger la conduise) ou la philosophie comme

    justification des puissants60.

    Et ailleurs :

    58Tagebuch In tenebris lux(13. 5. 19332. 1. 1935), pp. 51-52 (entre sans titre, 27 juillet1933).59Ibid., p. 54 (entre sans titre, 22 aot 1933).60Ibid., p. 111 (entre HeideggerCharakteristik im Stile der Gtzendmmerung ,24 janvier 1934).

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    Cela sonne profond [de dire] que le nant nantise, que le tempstemporalisemais le seul sens qui peut se tenir l-dedans est que nant et

    temps sont expliciter dans leur concrtion (car le fait queux, abstracta,sacquittent dactivits rales, Heidegger lui-mme ne veut pas lavancer).Indpendamment de cette protestation contre le caractre premptoire decette faon stationnaire de penser [] il me semble que de tellespropositions ne sont que tautologies et identits vides, et que Hegel a djdit avec toute la moquerie ncessaire tout ce quil tait ncessaire de dire propos de leur vacuit. Lorsquon demande ce que fait Heidegger etquon rpond: il heideggrianise alors on sefforce dexprimer par lde manire paradoxale que ce quil fait diffre radicalement de ce que

    veulent les philosophes en gnral

    mais personne ne sera en mesure detirer de cela une quelconque connaissance positive de son intention et desa prestation61.

    Cohn reviendra encore quelque fois dans ses carnets sur Heidegger,mais il ne dira rien de nouveau son propos. Sa dernire mention date de mai1941, en lien son thique. Il formule quelques ides au sujet du thme Prsent et ternit et nonce quant lhistoire du problme du temps:

    Jusquici, Heidegger na pas encore fait la preuve de la fcondit de sa

    pense dictatoriale il me faut cependant rserver le jugement que jeporte sur lui, car il est trs probable quil nait pas encore dit son derniermot. Ce serait trop savancer de dclarer quil ne le dira point, car je ne

    vois pas comment il peut le dire62.

    Bien quentran par un effort constant dapprcier objectivement lestravaux de Heidegger, Cohn ralise au fur et mesure des annes quunrapprochement entre son no-kantisme dune part et lontologie fondamentaleainsi que linterprtation de la philosophie daprs lhistoire de ltre dautre

    part, est tout simplement impossible.

    Suites de lpisode du rectorat

    Les notes personnelles de Cohn attestent quil soblige dcrire entoute neutralit les vnements qui ont conduit son renvoi en 1933/1934 en

    61Ibid., pp. 209-210 (entre Heidegger "heideggert" , 19 juillet 1934).62Ibid., p. 120 (entre Gegenwart und Ewigkeit , 16 et 17 mai 1941).

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    raison de la Loi pour la protection de la fonction publique applique par lerecteur de lUniversit de Fribourg qutait alors Heidegger. Et quoique cette

    loi lait isol sur le plan public comme sur le plan priv, il continue de seproccuper du destin de ceux qui lentourent jusqu ce quil soit contraint dequitter lAllemagne en 1939.

    Quant au rapport quentretint Heidegger avec le national-socialisme entant que professeur dUniversit puis recteur, inutile de rappeler quil estrichement document et quaujourdhui, il fait lobjet dpres controverses. Ilnest gure discutable que, dans leur grande majorit, les enseignants dusuprieur ne sont pas intervenus en faveur de leurs collgues juifs. Pour le casde Fribourg en particulier, rcits et documents se recoupent pour montrer que

    les Professeurs acceptrent sans trop la commenter et sans grandeprotestation officielle la rvocation des enseignants juifs, suivant ainsi latendance nationale []. Et il ntait pas rare que le contact avec leurs ancienscollgues soit rompu du jour ou lendemain 63. Dans une lettre adresse Hannah Arendt pendant lhiver 1932/1933, Heidegger conteste les accusationsdiffamatoires qui circulent contre lui. Non seulement nest-il pas antismite,mais il a aid des tudiants juifs et entretient une relation personnelle avec plusdun juif, dont Edmund Husserl bien sr, mais galement Georg Misch etErnst Cassirer64. Son collgue Cohn nest pas cit. En 1933, ce dernier crit

    dans son journal : Anne de la rvolution national-socialiste et la finprmature de mon activit denseignement. Je ne veux pas faire de la politiquedans ce carnet mais seulement dire combien, en dehors du rle de ce quonappelle idologie de la race, je suis affect par leffondrement de lUniversitallemande. Lun comme lautre ne me prennent paspar surprise mais je mesuis pourtant lourdement tromp propos de lenvergure [du mouvement] etde la faible rsistance qui lui a t oppose 65.

    63B. Martin, Die Entlassung der jdischen Lehrkrfte an der Freiburger Universittund die Bemhungen um ihre Wiedereingliederung nach 1945 , in Schicksale: jdischeGelehrte an der Universitt Freiburg in der NS-ZeitUniversittsbltter, 129, 34, 1995, p. 12.Les informations concernant Cohn la p. 3 de cet article sont rectifier. Celui- ci nestpas professeur ordinaire de philosophie mais professeur extraordinaire suivant le plande philosophie et de pdagogie. Et il nest pas mort en 1945 aux tats -Unis, mais en1947 en Angleterre.64Cf. M. Heidegger, Trostloses Unverstndnis (WS 1932/1933) , lettre Hannah

    Arendt, in GA16, pp. 68-69.65Varia II, p. 9.

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    En avril 1933, le doyen Wilibald Gurlitt informe Cohn personnellementqu linstar de tous ses collgues juifs, il est suspendu provisoirement. Aprs

    une visite au recteur de lpoque Wilhelm von Mllendorf, Cohn se concentrasur ses travaux scientifiques. Considr comme un opposant au nouveaurgime, Mllendorf ne tint pas plus dune semaine avant que de fortespressions politiques ne provoquent sa dmission et quil soit suggr queHeidegger prenne sa place. Ce dernier sera nomm recteur le 21 avril 1933. Le5 mai de la mme anne, la suspension de Cohn est soudainement leve 66. Aprs une conversation tlphonique avec Heidegger, qui tait le nouveaurecteur, javais repris mon travail denseignant et recommenc mes cours etmes exercices le 5 mai. Je parlais devant un auditoire restreint mais attentif

    sans aucune perturbation . Aprs quon lui ait appris le 15 juillet 1933 que laloi pour le rtablissement des fonctionnaires sappliquait son cas, Cohn avaitbien sr saisi la possibilit de se dclarer dans les trois jours et de faire valoirses tats de service acadmiques ; mais sans succs67. Au mois daot, Cohn futinform quil serait mis la retraite le 1 dcembre 193368. Il recommanda sescinq derniers tudiants Martin Honecker. Indpendamment de la questionfinancire , crit-il dans lun de ses carnets, je me flicite de ne plus devoirenseigner dans une Universit devenue si diffrente de celle que jai serviependant 36 annes de ma vie. Je dis cela sans haine contre la gnration qui

    vient. Peut-tre cela est-il ncessaire, peut-tre cela est-il dune certaine manireune bonne chose 69.

    Cohn fait partie des 313 professeurs ordinaires, 109 professeursextraordinaires et 400 professeurs honoraires suspendus pour des raisonspolitiques et raciales ds la premire anne suivant laccession du national-socialisme au pouvoir. La chaire devenue vacante aprs sa suspension futrebaptise chaire de Science politique de lducation et attribue GeorgStieler. Les documents existants montrent que Heidegger joua un rle depremier plan dans la refonte de cette chaire. Le 3 novembre 1933, il demande

    son Ministre de tutelle de bien vouloir attendre avant de rattribuer la chairede professeur extraordinaire de philosophie et de pdagogie, car je suis

    66Cf. J. Cohn, Dokumente, Auszug Schreiben von Der Minister des Kultus, desUnterrichts und der Justiz Abt. Kultus und Unterricht Betr.: Wiederherstellung desBerufsamtentums vom 28. April 19133 (JCA, DO-026).67Cf. J. Cohn, Dokumente Brief Der Rektor der Albert-Ludwigs-Universitt, Betr.:

    Wiederherstellung des Berufsbeamtentum vom 15. Juli 1933 (JCA, DO-027).68Cf. J. Cohn, Dokumente Brief Der Rektor der Albert-Ludwigs-Universitt, Betr.:

    Wiederherstellung des Berufsbeamtentum vom 24. August 1933 (JCA, DO-029).69Varia II, p. 12.

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    convaincu que le caractre densemble de cette chaire doit tre repens dan s lesens dun enseignement portant sur le domaine largi de la pdagogie

    politique 70. Enfin, il se prononce pour que cette nouvelle chaire bnficiedsormais dun poste de professeur ordinaire.

    Aprs quelques difficiles tractations avec la Facult, Cohn fut autoris organiser lexamen oral de ses trois derniers doctorants entre mai et aot 193471.

    Au mois davril de cette mme anne, le 27 pour tre exact, Heidegger avaitrenonc sa fonction de recteur de lUniversit.

    Pendant ce temps, la situation ne cesse de se durcir. Cohn sen faitlcho en 1935: Lorientation du national-socialisme a des consquencestoujours plus importantes. Cest lanne des lois de Nuremberg et de la

    constitution de la Wehrmacht. Les difficults conomiques saccroissent. Jecherche me sauver de la situation pour moi et pour nous tous toujours plustroite et presque insupportable dans lhumain et le supra-national, dans le Vraiet lternel. Beaucoup dindividus isols et latmosphre sociale de Fribourg engnral allgent la pesanteur de cette situation mais elle reprend souventlavantage malgr tout72.

    En 1938, les choses empirent. Cohn se voit interdire tout contact aveclUniversit. Il na plus le droit de sy rendre. Mme laccs la bibliothque luiest refus73. Il note pourtant dans son journal : Nous envisageons de rester au

    pays 74

    . Mais aprs les pogromes du mois de novembre, il commence raliserquil na plus gure le choix: il doit quitter lAllemagne et se prparer migreren Angleterre. Sans tarder, il prend ses dispositions et se met en route avec safamille le 28 mars 1939 pour Birmingham, o il demeurera jusqu la fin de sa

    vie. Aprs avoir, quelques mois seulement aprs son arrive, fait don de sabibliothque au Selly-Oak-College o son fils avait trouv un poste, Cohnrdigea presque coup sur coup trois monographies 75 quil ne vit jamaisparatre, quelques essais, et tint des confrences dans des cercles privs. Il se

    70GA16, p. 186.71Varia II, p. 19.72Ibid., p. 28.73Lettre du Recteur Otto Mangold Cohn date du 17 novembre 1938 (JCA, DO-032).74Varia II, p. 55.75 1) Wirklichkeit als Aufgabe, dit et postfac par J. v. Kempski, Stuttgart,Kohlhammer, s. d. (1955), 363 p. ; 2) Selbst-berschreitung. Grndzuge der Ethik,entworfenen aus der Perspektive der Gegenwart, dit par D.-J. Lwisch, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1986, 314 p. ; 3) Volkscharakter und Menschheitsorganisation(dactylographi), 290 p. (JCA).

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    souciait constamment de ses parents et de ses proches rests en Allemagne,dont beaucoup taient ports disparus ou avaient t interns. Toute

    correspondance tait devenue impossible et les seules nouvelles quil recevaitvenaient duniversitaires amis migrs en Isral ou en Amrique du Nord.Quelques mois avant sa mort, en 1946, il crivait encore : Notre vie tous etparticulirement la mienne est lie au pays. Nous prparons notre retour, quenous esprons pour le dbut de lanne76. Et en juillet 1946, il adresse unelettre au recteur de lUniversit de Fribourg, le Professeur Arthur Allgeier, danslaquelle il annonce son prochain retour et offre ses services 77. Mais Cohn nereverra jamais lAllemagne : il meurt le 14 janvier 1947 Bournville, en

    Angleterre. Il repose au cimeterre de Gnterstal Fribourg, sa tombe fait face

    celle de Husserl.Nous prendrons le lien Husserl pendant les annes troubles comme

    dernier exemple des trajectoires inverses de Cohn et de Heidegger. Husserlavait lui aussi t touch par la promulgation de la loi visant congdier tousles membres de lUniversit de race juive. Bien que cette loi ft abroge vers lafin du mois davril 1933, Heidegger, pour des raisons quon ne sexplique pas

    vraiment, ne tenta point dentrer nouveau en contact direct avec son ancienmatre. Son assistant entre 1931 et 1934, Werner Brock, faisait office demessager quand le mot devait passer78. On connat galement la lettre dElfride

    Heidegger Malvine Husserl date du 29 avril 1933, pour le moins difficile interprter 79 . Les lois raciales de Nuremberg pour la protection du sangallemand et de lhonneur allemand furent promulgues en septembre 1935. Lemme mois, Cohn rend visite Husserl, amaigri, vieilli, mais ouvert,intellectuellement tourment et dune extrme amabilit 80 . Ce futprobablement loccasion de parler ouvertement de tout 81 : de leur travauxrespectifs, du sort qui leur tait fait, de leur avenir, peut-tre mme deHeidegger. Il nest pas du tout sr que Cohn et Husserl se soient vusrgulirement les annes suivantes, mais lon sait en revanche que le premier

    76Varia II, p. 140.77Lettre de Cohn au Prof. Dr. Arthur Allgeier date du 27 juillet 1946 (JCA, DO-038).78GA16, p. 91 sq.79Ibid., pp. 87-88.80Tagebuch Klarheit aus der Flle (4. 1.19352. 5. 1937), pp. 128-130, ici p. 128 (entre Besuch bei Husserl , 24 septembre 1935).81 Husserl avait averti ses interlocuteurs ds 1933 que les lettres qui lui taientadresses ne devaient contenir lexpression daucune opinion politique, sacorrespondance tant surveille. Voir par exemple la lettre Dorion Cairns date du20 mai 1933 (Briefwechsel, Bd. IV, p. 32).

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    dailleurs pour tous les repas durant le colloque. Les frais de ce dernier ont tpris en charge par de gnreuses contributions du Emory Conference Center

    Subvention Fund, du bureau du doyen, de lUniversit elle-mme comme duDpartement de philosophie. Le programme du colloque a t compos partir de soumissions examines en double aveugle et de trois panels invits,dont je dirai un mot ci-dessous. Il reste disponible en ligne ladresse duHeidegger Circle:http://www.heideggercircle.org/2012.html.

    Aprs un discours dinauguration du doyen dEmory College, RobinForman, le colloque a dbut vendredi 4 mai au matin par une premire tableronde sur la libert et la nature, table ronde regroupant Raoni Padui (VillanovaUniversity) et Hans Pedersen (Indiana University of Pennsylvania), ainsi que

    leur rpondant : Pol Vandevelde (Marquette University), puis par unecontribution de Jess Adrin Escudero (Universidad Autnoma de Barcelona)sur linterprtation heideggrienne de la rhtorique dAristote, aussittcommente par Catriona Hanley (Loyola College). Laprs-midi a t consacre deux autres tables-rondes, lune sur lhermneutique heideggrienne, animepar James Risser (Seattle University) et Catherine Homan (Emory University)avec pour rpondant Michael Steinmann (Stevens Institute of Technology),lautre sur Derrida et Heidegger, durant laquelle Adam Knowles (New Schoolfor Social Research) et Franois Raffoul (Louisiana State University) se sont

    exprims, avant une discussion ouverte par Geoffrey Bennington (EmoryUniversity).

    Cest avec une contribution sur lhabiter et la diffrence ontologique,comme avec la rponse faite par William McNeill (DePaul University) sonauteur, Christopher Ruth (Villanova University), qua commenc la deuximejourne du colloque, bientt entirement consacre aux panels invits. Lepremier de ceux-ci, La philosophie heideggrienne du droit , se justifiait parla publication lan pass, dans le tome 86 de la Gesamtausgabe, du sminaire de1934 donn par Heidegger sur la Rechtsphilosophie de Hegel. Avec cette parution

    capitale, rappelons que ce sont tous les cours magistraux et les sminaires tenuspar Heidegger durant sa priode rectorale qui sont dsormais consultables, ensorte quune complte valuation de sa relation au national-socialisme estdsormais possible. Courtoisie oblige, la parole a dabord t donne JuliaIreland (Whitman College), dont la traduction anglaise avec William McNeilldu cours donne par Heidegger en 1934/1935, Hlderlins Hymnen "Germanien"und "Der Rhein", est annonce aux presses de lIndiana University. J. Ireland aainsi pu faire partager lincroyable dcouverte que, par hasard, elle a faite aux

    Archives littraires allemandes de Marbach, savoir quune rfrence abrge

    http://www.heideggercircle.org/2012.htmlhttp://www.heideggercircle.org/2012.htmlhttp://www.heideggercircle.org/2012.htmlhttp://www.heideggercircle.org/2012.html
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    au national-socialisme dans le manuscrit de Heidegger sur Hlderlin a parerreur t transcrite comme une rfrence aux sciences naturelles . Le

    deuxime confrencier tait Christophe Perrin (Universit Paris-Sorbonne), quisest propos de reconstruire la comprhension que Heidegger a du droit cette poque notamment dans le sminaire sur Hegel et le cours de 1935,

    Einfhrung in die Metaphysik. C. Perrin a alors soulign le rle du dans laconception heideggrienne de la loi et a conclu en reliant ces vues laconception que, aprs-guerre, le penseur de Messkirch se fera de la dans Der Spruch des Anaximander. Cest lditeur du volume 86 de laGesamtausgabelui-mme, Peter Trawny (Bergische Universitt Wuppertal), quilest enfin revenu de conclure. Prsentant le sminaire sur Hegel de Heidegger

    comme le premier cas dune philosophie politique chez lui, une philosophie quine sera jamais complte, P. Trawny la reli au cours qui en est contemporain,celui sur les hymnes de Hlderlin dj cit, autant qu la philosophie de CarlSchmitt. La boucle tait boucle et le panel fut salu avec enthousiasme.

    Organis par Ingvild Torsen (Florida International University), unsecond panel, intitul Poser la question de ltre : sur la pense de ThomasSheehan , a t ddi au travail fourni par le professeur de Stanford Universitypour justifier une comprhension de la pense heideggrienne en termes designification. On le sait, Thomas Sheehan soutient que being is meaning,

    qutre, cest signifier, et, textes lappui, il ne le fait pas sans aplomb niprovocation. Le panel trouvait son origine dans certaines publications rcentesde lauteur, parmi lesquelles un article paru dans la premire livraison de larevue Gatherings: The Heidegger Circle Annual, le journal officiel du Cerclerevuedisponible pour achat en version papier ladresse http://www.lulu.com/ettlchargeable gratuitement sous forme lectronique pour tous les membres duCercle, aussi bien que ses contributions frquentes sur le forum du HeideggerCircleo il avance, discute et dfend ses positions devant chacun laccs auforum du Heidegger Circleest lui aussi gratuit une fois adhrant au Cercle. Aprs

    un expos de Thomas Sheehan lui-mme, Kate Withy (GeorgetownUniversity), Charles Guignon (University of South Florida) et Richard Polt(Xavier University) lui ont tous offert une rponse, chacun ciblant un aspectdiffrent de sa position pour ainsi ouvrir une discussion aussi anime querflchie parmi lassistance.

    Portant pour sa part sur Le cinquantime anniversaire de "Zeit undSein" , le dernier panel invit a clbr sa manire la confrence magistraledonne par Heidegger en 1962. Richard Capobianco (Stonehill College) sestdabord propos de montrer que, derrire les expressions dtre et dtre

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    lui-mme dans la lettre du texte, Heidegger avait lesp rit Ereignis. Puis,orateur de marque, le rvrend pre William Richardson (Boston College) a

    largi lhommage rendu la prface rdige par Heidegger au livre de rfrencequi demeure le sien :Martin Heidegger. Through Phenomenology to Thought. Dans unecommunication qui avait pour titre Observer les toiles : le temps, ltre ettout le reste , prenant justement le motif de lastre comme fil directeur, il sestplu rappeler le rle de la mort dans la pense heideggrienne en mme tempsque plus dun souvenir philosophique et personnel. Le ton tant propice laconvivialit, celle-ci ne pouvait qutre de mise lors du banquet du colloque aurestaurant South City Kitchen, largement apprci pour sa cuisine du Sud etlexcellence de son vin.

    Dernier jour du colloque, le dimanche a vu se poursuivre lesinterventions de grande qualit lors de deux tables rondes : le premier surHeidegger et le langage, durant lequel Krzysztof Ziarek (University at Buffalo)et David Nowell-Smith (Universit-Paris VII) ont parl et John Lysaker(Emory University) leur a rpondu, le second sur Heidegger et saint Paul, qui apermis Sophie-Jan Arrien (Universit Laval) et Julie Kuhlken (MisericordiaUniversity) de prsenter leurs vues et Scott Campbell (Nazareth College) deles interroger. Disons-le, de son dbut sa fin, lhumeur du colloque fut lacollgialit spontane, Stimmung qui a servi la pense la plus affte et les

    discussions les plus enthousiastes. Nomettonsenfin ni davouer quil nauraitpas t possible si Becca Hansen et Ronald Mendoza ne nous avaient passecond, ni dindiquer quune copie imprime des actes du colloque estdisponible pour 15 dollars amricains l aussi ladressehttp://www.lulu.com/.

    Andrew J.MITCHELLTraduit de langlais par Christophe Perrin

    http://www.lulu.com/http://www.lulu.com/http://www.lulu.com/
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    BIBLIOGRAPHIE POUR LANNE 2012

    1. Textes de Heidegger

    1.1. HEIDEGGER (Martin), Briefwechsel mit seinen Eltern und Briefe an seineSchwester und ihre Familie, dit par HEIDEGGER(Jrg) & DENKER(Alfred),Fribourg, Karl Alber, 256 p.

    1.2. HEIDEGGER (Martin), Der Ursprung des Kunstwerkes. Mit der "Einfhrung"von Hans-Georg Gadamer und der ersten Fassung des Textes (1935), dit etprfac par HERRMANN (Friedrich-Wilhelm von), Francfort-sur-le-Main,

    Klostermann, Rothe Reihe 48, 118 p.1.3. HEIDEGGER(Martin), Die Geschichte des Seyns, GA 69, dit par TRAWNY

    (Peter), Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 230 p. (nouvelle dition)1.4. HEIDEGGER(Martin),Erluterungen zu Hlderlins Dichtung, GA 4, dit par

    HERRMANN (Friedrich-Wilhelm von), Francfort-sur-le-Main, Klostermann,208 p. (nouvelle dition)

    1.5. HEIDEGGER(Martin), Gelassenheit, Stuttgart, Klett-Cotta, 71 p. (nouvelledition)

    1.6. HEIDEGGER (Martin), Seminare: Platon AristotelesAugustinus, GA 83,dit par MICHALSKI(Mark), Francfort-sur-le-Main, Klostermann, 682 p.

    1.7. HEIDEGGER(Martin), Zerklftung des Seins , Heidegger-Studien, 28, pp.9-19.

    2. TraductionsdetextesdeHeidegger

    Traductions anglaises2.1. HEIDEGGER (Martin), Basic Problems of Phenomenology. Winter Semester

    1919/1920, trad. de CAMPBELL (Scott M.), Londres/New York,

    Continuum, Athlone Contemporary European Thinkers, 208 p.

    Outre les ditions ou rditions des textes de Heidegger en langue originale comme endautres langues, la prsente bibliographie prend en compte toutes les monographies et tous lesarticles de revues ou de collectifs portant explicitement sur Heidegger ou, tout le moins, surlun de ses concepts-cls. Ainsi les traductions douvrages des commentateurs ne sont paslistes. Que lon veuille bien excuser les invitables oublis inhrents tout exercice viseexhaustive. Pour y remdier, les auteurs sont invits nous indiquer directement leurs travaux ladresse suivante:[email protected] bene: les signes xp. et pp. x-

    y signalent des nombres de page et des paginations inconnues.

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]
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    2.2. HEIDEGGER (Martin), Bremen and Freiburg Lectures. Insight Into That WhichIs and Basic Principles of Thinking, trad. de MITCHELL (Andrew J.),

    Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, Studies inContinental Thought, 224 p.

    2.3. HEIDEGGER (Martin), Contributions to Philosophy (of the Event), trad. deROJCEWICZ (Richard) et VALLEGA-NEU (Daniela),Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, Studies inContinental Thought, 456 p.

    2.4. HEIDEGGER (Martin), Four Seminars,trad. de MITCHELL (Andrew J.) &RAFFOUL(Franois), Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press,Studies in Continental Thought, 144 p.

    Traductions chinoises2.5. HEIDEGGER (Martin), Duiya li shi duo de de xian xiang xuejieshi: xian xiang

    xueyanjiu dao lun [Interprtations phnomnologiques dAristote. Introduction larecherche phnomnologique], trad. de ZHAO (Wei-guo), Pkin, Hua xia chu banshe, 181 p.

    2.6. HEIDEGGER (Martin)/JASPERS (Karl), Hai de ge er yuya si bei er siwangfushujian [Correspondance 1920-1963], trad. de LI (Xue-tao), Shanghai,Shanghai ren min chu ban she, 413 p.

    2.7. HEIDEGGER (Martin), Zhexuelungao cong ben you er lai [Contributions laphilosophie. De lvnement], trad. de SUN (Zhou-xing), Pkin, Shang wu yinshuguan, 586 p.

    Traductions corennes2.8. HEIDEGGER (Martin), Eoneo roui Dosang eoseo [Acheminement vers la parole],

    trad. de SHIN(Sang-Hee), Seoul, Ghil, 440 p.2.9. HEIDEGGER (Martin), Geunbon gaenyeomdeul [Concepts fondamentaux], trad.

    de PARK(Chan-Kook), Seoul, Ghil, 228 p.

    2.10.HEIDEGGER(Martin), Niche 2 [Nietzsche II], trad. de PARK(Chan-Kook),Seoul, Ghil, 523 p.

    2.11.HEIDEGGER(Martin), Sayu ui Gyeongheom eurobuteo[Lexprience de la pense],trad. de SHIN(Sang-Hee), Seoul, Ghil, 354 p.

    Traductions espagnoles2.12.HEIDEGGER (Martin), Herclito, trad. de MSMELA (Carlos), Buenos

    Aeres, El hilo de Ariadna, Sophia/Biblioteca Internacional MartinHeidegger, 456 p.

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    Traductions franaises2.14.HEIDEGGER (Martin), LEurope et la philosophie allemande , trad.

    de FAGNIEZ(Guillaume),tudes sur Heidegger, Philosophie, 116, pp. 13-222.15.HEIDEGGER (Martin), Ontologie. Hermneutique de la factivit, trad. de

    BOUTOT(Alain), Paris, Gallimard, Bibliothque de philosophie, 176 p.2.16.HEIDEGGER (Martin), Phnomnologie de la vie religieuse, trad. de GREISCH

    (Jean), Paris, Gallimard, Bibliothque de philosophie, 415 p.

    Traductions italiennes2.17.HEIDEGGER (Martin), Fenomenologia dellintuizione e dellespressione. Teoria

    della formazione del concetto filosofico, trad. de CANZIONERI (Armando),Macerata, Quodlibet, 192 p.

    2.18.HEIDEGGER (Martin), Hebel. Lamico di casa, trad. de GAGLIARDI(Francesco), revue par CIMINNO(Luigi) & DOROWIN (Hermann), Foligno,

    Aguaplano, 48 p.2.19.HEIDEGGER (Martin), La storia dellEssere, trad. de CIMINO (Antonio),

    Milan, Marinotti, I temi del pensiero, 206 p.

    2.20.HEIDEGGER (Martin), Soggiorni. Viaggio in Grecia, trad. De SCAPPINI(Thomaso), Milan, Bompiani, 73 p.2.21.HEIDEGGER (Martin), Teoria dellintuizione e dellespressione. Teoria della

    formazione del concetto filosofico, trad. de COSTA (Vincenzo), Macerata,Quodlibet, 184 p.

    Traductions portugaises2.22.HEIDEGGER (Martin), Plato: o sofista, trad. de DOS SANTOS CASANOVA

    (Marco Antnio), Rio de Janeiro, Forense Universitria, 735 p.

    2.23.HEIDEGGER (Martin), Problemas Fundamentais da Fenomenologia, trad. deDOS SANTOS CASANOVA(Marco Antnio), Rio de Janeiro, Vozes, 496p.

    Traduction russe2.24.HEIDEGGER (Martin), Zollicon Seminars, trad. de GLUKHOVA (Irina),

    Moscou, European Humanities University, Conditio Humana, 408 p.

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    Traduction tchque2.25.HEIDEGGER (Martin), Anaximandrv vrok, trad. de CHVATK (Ivan),

    Prague, Oikmen, 88 p.

    3. Collectifs et numros de revues

    En allemand3.1. DENKER (Alfred) & ZABOROWSKI(Holger) (ds.), Heidegger-Jahrbuch, VI,

    Heidegger und Husserl, Fribourg/Munich, Karl Alber, 296 p. Der Briefwechsel zwischen Edmund Husserl und Martin Heidegger ,pp. 9-39 ; CRISTIN (Renato), Phnomenologische Ontologie.

    Heideggers Auseinandersetzung mit Husserl (1916-1928) , pp. 43-68 ;HELD (Klaus), Husserl und Heidegger ber den Anfang derPhilosophie , pp. 69-86 ; HOPKINS (Burt), Entformalisierung undPhnomen bei Husserl und Heidegger , pp. 87-107 ; BERNET (Rudolf), Phnomenologische Begriffe der Unwahrheit bei Husserl undHeidegger , pp. 108-130 ; ALWEISS(Lilian), The "Truth" of Solipsism ,pp. 131-152 ; NEUMANN (Gnther), Phnomenologie der Zeit und derZeitlichkeit bei Husserl und Heidegger , pp. 153-186 ; SALLIS (John), The Import of Intentionality , pp. 187-199 ; DAHLSTROM (Daniel),

    Husserl and Heidegger on Bedeutung, pp. 200-217 ;JAMME (Christoph), Eine Urlaubslektre und ihre Folgen. Husserl liest Heidegger , pp.218-232 ; SEPP (Hans-Reiner), Husserl, Heidegger und die Differenz ,pp. 233-248 ; CROWELL (Steven), Reason and Will. Husserl andHeidegger on the Intentionality of Action , pp. 249-268 ; WALDENFELS(Bernhard), Indirekte Beschreibung , pp. 269-284

    3.2. FRIESEN (Hans), LOTZ (Christian), MEIER (Jakob) & WOLF (Markus)(ds.), Ding und Verdinglichung. Technik- und Sozialphilosophie nach Heidegger und

    der kritischen Theorie, Paderborn, Fink, 361 p. Vorwort, pp. 7-11 ; Ding, Artefakt und Technikphilosophie : ZOGLAUER(Thomas), Zur Ontologie der Artefakte , pp. 13-30 ; KORNWACHS(Klaus), Technik Arbeit Verdinglichung , pp. 31-44 ; ZIMMERLI(Walter Ch.), Kolonialisierung revisited. Aspekte einer Philosophie dertechnologischen Zivilisation , pp. 45-63 ; Heideggers Technikphilosophie unddie kritische Theorie : SCHSSLER (Ingeborg), Machenschaft und Gestell.Heideggers zweifache Auslegung der Technik , pp. 65-98 ; LCKNER(Andreas), Heideggers Dinge , pp. 99-110 ; MEIER(Jakob), Ist Technik

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    Praxis? Zur Mglichkeit der Frage nach der Technik , pp. 111-126 ;AICHELE(Alexander), NaturTechnikDing. Heideggers aristotelische

    Dynamik , pp. 127-140 ; AURENQUE (Diana), Heideggers Ethik derPhnomene. Die moderne Technik als Gefahr und Rettung , pp. 141-154 ;FRIESEN (Hans), Heideggers im Spannungsfeld von Provinz undGrossstadt , pp. 155-178 ; SCHMIDT (Christian), Technikkritik alsGesellschaftskritik? Zur Stellung der Technikkritik bei Marx undHeidegger , pp. 179-190 ; LOTZ (Christian), Warentausch und Technikals Schematisierung von Gegenstndlichkeit bei Adorno und Heidegger ,pp. 191-208 ; Verdinglichungs- und Technikkritik in der kritischen Theorie :

    WESCHE (Tilo), Dialektik oder Ontologie. Adornos und Heideggers

    "Grundsatzkontroverse" , pp. 211-228 ; GUZZONI (Ute), "WreSpekulation ber den Stand der Vershnung erlaubt". berlegungenzum Verhltnis von Mensch und Ding bei Adorno und Heidegger , pp.229-242 ; HENNING (Christoph), Von der Kritik warenfrmigen Arbeitzur Apotheose der Marktgesellschaft. Verdinglichung in Marxismus und

    Anerkennungstheorie , pp. 243-272 ; WOLF (Markus), Verdinglichungkritisieren. Was, warum, und wie? , pp. 273-298 ; STAHL (Titus), Verdinglichung und Herrschaft. Technikkritik als Kritik der sozialerPraxis , pp. 299-324 ; BIEBRICHER (Thomas), Marcuse und Habermas:

    (Neue) Wissenschaft, (neue) Technik? , pp. 325-344 ; PETERSON(Richard), Technology, Reification, and Violence , pp. 345-360

    3.3. FIGAL (Gnter)&RAULFF (Ulrich),Heidegger und die Literatur, Francfort-sur-le-Main, Klostermann, Heidegger Forum, 160 p. STRAU (Botho), Heideggers Gedichte. Eine Feuerprobe unsererkommunikativen Intelligenz , pp. 9-16 ; DI CESARE (Donatella), bersetzen aus dem Schweigen. Celan fr Heidegger , pp. 17-34 ;SCHMIDT (Dennis J.), Von der Wahrheit sprechen. Homer, Platon und

    Heidegger , pp. 35-54 ; HILLER (Marion), Heidegger und die Literaturoder Der Ursprung des Kunstwerksin seinsgeschichtlicher Dimension , pp.55-72 ; KREUZER (Johann), Wozu Dichter? Das Gesprch mit Rilkeund Hlderlin , pp. 73-92 ; FIGAL (Gnter), Am Rande derPhilosophie. Martin Heidegger liest Ernst Jnger , pp. 93-106 ; WILD(Markus), Heidegger, Staiger


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