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Cahen (C.)_L'Historiographie Arabe_des Origines Au VIIe s. H

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L'historiographie arabe: des origines au VIIe s. H. Author(s): Cl. Cahen Reviewed work(s): Source: Arabica, T. 33, Fasc. 2 (Jul., 1986), pp. 133-198 Published by: BRILL Stable URL: http://www.jstor.org/stable/4056821 . Accessed: 13/12/2012 10:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . BRILL is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Arabica. http://www.jstor.org This content downloaded on Thu, 13 Dec 2012 10:20:41 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions
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L'historiographie arabe: des origines au VIIe s. H.Author(s): Cl. CahenReviewed work(s):Source: Arabica, T. 33, Fasc. 2 (Jul., 1986), pp. 133-198Published by: BRILLStable URL: http://www.jstor.org/stable/4056821 .

Accessed: 13/12/2012 10:20

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L'HISTORIOGRAPHIE ARABE: DES ORIGINES AU VIje s. H.

PAR

CL. CAHEN

Introduction'

IL y a des civilisations sans histoire, ou tout au moins indifferentes tant a se rememorer les faits et gestes des ancetres qu'a leguer les leurs

'a la posterite. Tout autre est le cas des civilisations qui se sont succedees depuis l'Antiquite autour de la Mediterranee et dans le Proche Orient semitique ou autre. L'ecriture, apparue relativement tot, facilitait evi- demment l'enregistrement des faits ou usages. La vue des ruines des monuments anciens evoquait le deroulement des temps et la succession des peuples. Le Coran est plein d'allusions 'a ce passe et, dans le cadre d'un plan divin, presente "a sa maniere une vue historique du monde. La poesie entretenait et magniflait le souvenir des exploits des divers petits groupes sociaux. Les arabes devenus musulmans n'auront pas a decou- vrir un certain sens de l'histoire, bien qu'ils n'aient pas de prime abord ecrit d'ouvrages que nous puissions baptiser d'historiques.

Par la suite, une litterature historiographique s'est assez vite deve- loppee. Fait apparemment etrange, bien qu'elle soit une des branches les plus volumineuses et les plus distinguees de la production litteraire arabe, elle ne figure nulle part dans les categories d'etudes et de sciences qui composent les corpus officiels: caractere d'ailleurs herite de l'Antiquite classique. C'est donc en dehors de ce cadre que nous devrons nous interroger sur sa signification socio-culturelle.

Nous ne pretendons certes pas donner un repertoire complet de la litterature historiographique, dont chacun de nous d'ailleurs connalt inegalement les periodes et les regions. II faut seulement d'entree de jeu souligner que les criteres dans le choix des meuvres a citer - et afortiori le cas echeant a publier - ne sont pas tout a fait les memes que pour les

' Le present article est une version un peu allegee du chapitre publie en traduction anglaise dans le volume II-2 de la Cambridge History of Arabic Literature. Je remercie les editeurs anglais d'avoir bien'voulu me donner l'autorisation demandee.

Arabica, Tome xxxiii, 1986, Fascicule 2

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ceuvres proprement litteraires. Si naturellement la valeur intellectuelle ou artistique peut partout etre consideree, si inversement on peut s'interesser a la portee documentaire d'une ceuvre quelconque, il va de soi que l'interet majeur d'une ceuvre historiographique est dans le temoignage qu'elle apporte pour la reconstitution d'un passe. Dans ces conditions une ceuvre en elle-meme mediocre peut etre de grand interet; et la premiere place est toujours a donner a celle qui conserve des temoignages directs et non aux compilations posterieures (sous reserve que'celles-ci peuvent conserver des temoignages originaux perdus). II faut bien avouer que, s'il y a maintenant un progres en ce sens, tel n'a pendant longtemps pas 'te le cas; et cela ici complique un peu notre tache.

Une difficulte liminaire ici pour nous est de delimiter le contenu de ce chapitre. D'une civilisation a une autre le contenu des notions ne se correspond pas exactement, et dans le cas qui nous occupe, il sera difficile de ne pas empieter quelque peu sur des genres que nos modernes ne considereraient pas comme faisant partie de l'histoire, ou peut-etre de n'en pas laisser de cote d'autres qu'ils y auraient inclus2.

Bien entendu nous sommes obliges de partir des ouvrages conserves jusqu'a nous dont Brockelman et Sezgin nous fournissent le repertoire a la date ou ils ecrivaient. Sezgin a meme fait l'effort, en particulier pour les historiens primitifs, de relever les ouvrages qui ne nous sont connus qu'au travers d'autres, posterieurs. Certes la conservation d'un ouvrage, son utilisation dans d'autres temoignent en quelque faqon de leur importance ou de leur role dans le developpement de l'historiographie. I1 va de soi pourtant qu'il y entre aussi une bonne part de hasard, sans parler de ce qu'au cours des siecles les vicissitudes de l'histoire elle-meme ont pu aboutir a la destruction, a l'oubli, ou au contraire a une valorisation d'ouvrages qui de leur temps etaient envisages differem- ment: nous essayerons de corriger ces deformations, en rendant par exemple leur importance a des ouvrages que nous ne possedons plus.

I1 est impossible de commencer ce chapitre sans rendre d'abord hommage au maltre livre de Franz Rosenthal, History of Muslim Historiography, Ire ed. 1952, 2e ed. 1968, auquel, malgre quelques etudes

2 I1 faut bien dire que nous rencontrons ici un defaut que Sezgin (desormais cite G.A.S.,- vol. I seul utilise ici) malheureusement a herite de Brockelman (cite G.A.L.): d'une part la matiere est rangee souvent plus en consideration de classifications modernes et non de celles que pouvaient effectuer les interesses eux-memes; d'autre part, I'ensemble de l'auvre de chaque auteur etant reunie au chapitre ou l'on a juge bon de le situer, ceux de ces ouvrages qui ressortissent a d'autres genres manquent trop souvent, sans qu'aucun renvoi soit donne, dans les sections ou ils conviendraient.

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recentes, nous devons l'essentiel de nos connaissances et de nos idees. Si neanmoins j'ai envisage d'ecrire ici cet expose, c'est qu'evidemment un deuxieme auteur peut toujours 'a certains egards presenter avec le premier quelques differences utiles. Franz Rosenthal s'interesse a l'histoire essentiellement en specialiste de la culture musulmane globale et si certes il n'en ignore pas les evolutions ni les differenciations ni les motivations, ce n'est pas a les suivre qu'il s'attache principalement. C'est cet effort que j'essayerai de faire ici, en m'aidant aussi, pour la periode des origines surtout, d'etudes recentes et d'abord des chapitres concernant l'histoire dans la Geschichte des Arabischen Schrifttums, vol. I 1962, de Fuat Sezgin. D'autre part, en tant qu'historien professionnel, je m'interroge sur les ouvrages historiographiques arabes en usager, en tant qu'ils sont les sources de nos enquetes pour ecrire l'histoire des peuples musulmans. Peut-etre donnerai-je donc alors quelques points de vue particuliers, surtout pour le milieu du Moyen-Age, oiu je les ai le plus frequentes3.

Rosenthal montre les differences qui existent entre notre conception de l'histoire et celle des auteurs musulmans medievaux; mais ce qui serait peut-etre de plus de portee serait de comparer l'historiographie musul- mane avec celles des peuples voisins de meme epoque, particulierement des diverses chretientes.

Le mot qu'on a pris l'habitude de considerer comme signifiant par excellence ?histoire>> est le mot ta'rih, dont l'etymologie est peu claire; mais on designe sous ce nom aussi bien des recits historiques que des dictionnaires biographiques, et par contre des ouvrages de ces deux genres existent qui ne s'intitulent pas ta'rih. D'autres mots interviennent que nous retrouverons: ahbar, sira, tabaqdt etc., qui s'appliquent a des ouvrages analogues a d'autres qualifies de ta'rih. Ce dernier mot ne semble pas apparaltre avant la periode oiu la discipline historique est pleinement constituee, soit au IP siecle de l'Hegire4.

I. Les debuts jusqu'd Tabarli

Les origines de l'historiographie arabo-musulmane sont difficiles a preciser. I1 est seulement evident qu'elles ne sont pas separables de celles

3 Je dois aussi au point de depart signaler aux orientalistes qui ne le connaitraient sans doute pas tous, le recent bel ouvrage de Bernard Guenee, Histoire et culture historique dans l'Occident me'dieval, 1981, qui certes ne contient pas un mot sur l'Orient ni sur la litterature arabe, mais qui comparativement, pour la confection de notre questionnaire, est infiniment suggestif.

4 Voir infra p. 145.

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des autres genres litteraires et culturels des deux premiers siecles de l'Islam, en particulier hadit, magdzi et slra. Si le hadit peut occasion- nellement fournir des materiaux a l'historiographie, 1'esprit en est evidemment bien difffrent . I1 en va differemment des magazi et de la sira: Sezgin a parfaitement montre que les magazi sont la continuation islamisee des 'ayyam al-Arab; dans un cas comme dans l'autre on a affaire au desir de transmeftre a la posterite le souvenir d'un episode glorieux ou important; dans un cas comme dans I'autre aussi ce souci se rattache au besoin de connaltre ou reconstituer les genealogies familiales et tribales qui depuis l'Islam pouvaient avoir l'interet pratique de justifier des pensions et autres avantages. Si les magazi et la sira se rapportent encore exclusivement a la vie et a la periode du Prophete, on comprend aisement qu'ait pu s'eveiller pour la periode subsequente le besoin de noter egalement ceux des evenements susceptibles d'avoir des conse- quences du meme ordre ou de donner lieu a des interpretations interes- sant les problemes qui se posent alors a la Communaute naissante. I1 faut signaler specialement a cet egard quelques opuscules exhumes ces derniers temps par les chercheurs preoccupes de reconstituer l'evolution premiere des idees islamiques6. Comme l'on sait, les premiers conflits entre musulmans sont indissociablement politiques et religieux, et par consequent, les premiers ecrits qui les concernent contiennent frequem- ment des aperqus historiques par exemple sur les luttes entre 'All et Mu'awiya etc. Certes, l'historiographie se developpera progressivement de faqon plus autonome; mais il est mal niable qu'il s'y rencontrera longtemps encore diverses preoccupations de ce genre.

I1 est peu vraisemblable que tout au debut, dans les temps encore elementaires de l'ecriture arabe, les traditions considerees aient pu etre transmises autrement que par voie orale ou tout au plus par quelques notes tout a fait succinctes. Le moment decisif de la formation d'un vrai genre litteraire doit etre, comme pour le hadit etc., le califat de'Abd al- Malik.

Quoiqu'il en soit la methode d'information ne peut etre a ce stade que celle du hadit, comme d'ailleurs des magdzi, c'est-a-dire du rassemble- ment de recits recueillis aupres d'individus temoins des faits ou d'inter- mediaires les ayant appris d'eux et les rapportant d'apres eux. Dans la mesure ou elle subsistera longtemps dans certains secteurs de l'histoire,

I Le but en est en general de constituer des prec&dents pour la pratique juridique ou autre.

6 En particulier, Michael Cook, Studies in early Islam, 1981.

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[5] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 137

c'est ce que nous appellerons la methode des traditionnistes, muhadditin. Par ailleurs il va de soi qu'un auteur interroge d'abord par facilite et par preference les informateurs issus de son groupe socio-politique: a cet egard il pourra y avoir des differences entre les ecrits nes dans le milieu de Medine, de Damas autour des.Omayyades, ou de l'Iraq dans les amsar de Basra et de Kuffa. En Iraq, o1u se trouvaient de nombreux groupes tribaux relativement eloignes du pouvoir central, les auteurs pouvaient se rattacher a l'un ou l'autre de ces groupes, et donc reproduire leurs versions respectives: on a donc voulu voir dans telle ou telle l'interprete des Asd, des Tamim etc'. Mais il ne faut pas exagerer: les tribus etaient juxtaposees, parfois entremelees, et il etait difficile, sinon peut-etre au narrateur tout a fait primitif, du moins rapidement a leurs successeurs de ne pas ajouter, voire occasionnellement combiner, a la version de leur groupe celle de groupes voisins8.

Ce qui est ecrit dans ces conditions peut etre en gros reparti en deux genres qui ne s'excluent pas. I1 s'agit d'opuscules limites, les uns se rapportant a des episodes speciaux, ahbar, les autres a des themes qui peuvent d'ailleurs etre lies a des episodes. On ne s'occupe qu'exception- nellement d'inserer de tels recits dans une trame chronologique quel- conque.

La reconstitution de ces petits ouvrages primitifs, a quoi se limitent a peu pres la periode omayyade et le debut-meme de la periode abbaside, est difficile, parce que des qu'ils ont ete integres a des ouvrages plus larges et mieux composes, ce sont ces derniers que l'on a recopies, oubliant les precedents, qui ont donc peu a peu disparu9: on reverra a cet egard le role de Tabarl'0. Cependant la encore, de certaines ignorances la responsabilite incombe pour une part a la negligence des modernes; a la fin du Moyen Age en Egypte I'etat d'esprit qui se developpe alors d'une recherche d'authenticite par un retour aux sources montrera, particu- lierement pour Ibn Hagar (Isdba), la possibilite de retrouver encore quelques vieux ouvrages, et il semble que dans les periodes intermediaires

C'est l'idee qu'avait developpee Wellhausen dans ses Prolegomena, 1899. 8 C'est ce qu'a particulierement montre A. Noth dans son article Character... 9 Beaucoup d'entre eux n'avaient dfi etre ecrits qu'a un exemplaire unique, a l'usage du

Prince ou du groupe auxquels ils etaient destines, ou sur des papyrus morceles et fragiles. Voir encore N. Abbott, Studies in literary papyri.

10 Une difficulte supplementaire est souvent due au fait que les auteurs n'avaient pas donne de titre precis a leurs opuscules, ou que les copistes les modifiaient, ou citaient indifferemment sous un meme titre un opuscule complet ou un chapitre, seulement. On peut souvent s'aider des titres donnes au IVe siecle dans le Fihrist, voir infra p. 148.

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I'historiographie syrienne aura parfois mis a profit de telles possibilites (Ibn 'Asakir, D)ahabi...).

Pour nous cependant l'essentiel de notre connaissance reside dans les citations faites, surtout par Tabarl et occasionnellement par d'autres auteurs de son siecle, des ouvrages dont ils avaient tire leur documenta- tion. Il s'agit surtout bien evidemment de ceux qui donnent des citations nominatives et plus ou moins textuelles, plus que de ceux qui les resument sans en general les nommer. Le principal probleme, que nous retrouverons, sera alors de savoir si les citations sont fideles et surtout comment sont choisis les extraits utilises. On peut s'en faire une idee en comparant les citations donnees par divers auteurs du meme original, et exceptionnellement avec cet original lorsque le hasard nous l'a conserve

Les caracteres de la production historiographique primitive signifient egalement, meme si cela n'est jamais explicitement dit, que l'histoire est une des formes principales sous lesquelles prennent conscience de leur identite tant les petites collectivites regionales ou confessionnelles, que la grande Communaute, 'Umma, dans son ensemble. D'oiu l'insistance qu'il faut mettre sur l'obligation ofu nous sommes de ne pas considerer l'historiographie comme un genre en soi, separe des autres par une demarcation tranchee. Cet aspect pourra dans certains cas s'attenuer avec le temps et les historiens acquerir certaine autonomie, le ton apparemment detache des ouvrages le masquer plus ou moins, mais il ne doit jamais etre oublie.

II est d'ailleurs renforce en Islam comme en Chretiente par la tendance de beaucoup de savants a cultiver simultanement plusieurs disciplines, meme si la posterite ne garde pas pour eux un egal souvenir de toutes. Meme quand il y a division du travail, il est difficile de croire, par exemple pour un homme comme Tabari, que l'auteur de l'Histoire et celui du Commentaire coranique ne sont pas la meme personne. Au surplus les methodes de travail qui separent les disciplines sont moins differentes qu'elles ne le seraient aujourd'hui.

C'est vers le milieu du second siecle abbaside que s'elaborent, on le sait, les premiers grands ouvrages de fiqh. A cote de ceux qui procedent methodiquement par questions et reponses, il en est d'autres, en particu- lier ceux qui ont un objet administratif plus ou moins precis, tel le plus fameux, le Kitab al-harag d'Ab u Y usuif, qui inserent dans leur expose des traditions relatives au comportement de tel ou tel calife ou gouverneur,

11 Quelques references dans G.A.S., surtout p. 303 et suiv.

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surtout, bien entendu, de 'Umar b. al-Hattab, forcement le premier organisateur de l'Etat musulman. C'est dire qu'il circulait des lors un certain nombre de traditions de ce genre en meme temps que de hadits prophetiques. De ces traditions, plus ou moins authentiques, d'autres auteurs, d'orientation d'esprit differente, mais non etrangers aux pre- occupations juridiques, pouvaient constituer de petits corpus relatifs a un evenement ou a un sujet. Les deux premiers qui nous soient parvenus sont le Kitab al-ridda de Watima (iranien?) 12 et le Waq'at Siffin de Nasr b. Muzahim al-Minqaril3. II est possible qu'on ait traite de meme de quelques califes 14, a la faqon dont en tout cas le fit bientot de maniere plus au point pour 'Umar b. 'Abd al-Aziz, Ibn'Abd al-Hakam, dans un esprit anti-abbaside et pro-omayyade. Le choix'nemme de ces sujets laisse percer les preoccupations politico-religieuses. I1 n'est pas etonnant qu'en milieu shi'ite on ait ecrit sur la personne de Husayn et sur le drame de sa mort 15; on a aussi un peu raconte la revolte de Muhtar. Plus generale- ment un auteur 16 s'est applique a reparler des diversesfitna des premiers temps 1. II se peut, mais cela est pour le moment une hypothese gratuite, que ces ecrits soient quelque peu lies a la fermentation connexe de l'avenement des Abbasides.

Vers cette meme epoque se perfectionne et se complete la litterature des futu'h/conquetes. Le nom principal est ici celui d'al-Waqidi, celui-la meme qui avait ecrit son recueil des Magazi, dont les futah etaient en quelque sorte une suite. Nous connaissons mal ce second travail d'al- Waqidi, qui n'aboutit encore qu'a des opuscules detaches sur quelques- unes des conquetes. Les recits qui nous sont parvenus sont de toute evidence des remaniements romances ulterieurs, mais le fait qu'ils lui aient ete attribues signifie qu'il etait considere, a cet egard, comme I'autorite principale 18. La consideration de l'histoire des conquetes

12 En tout cas ne a Fasa et marchand de tissus. A vrai dire, il s'agit d'une reconstitution par Hoenerbach d'apres l'Isaba d'Ibn Hagar, G.A.S., 315.

13 Ed. Le Caire, 1962. I1 en avait existe et en existera d'autres sur ce sujet. Voir infra. 14 Peut-etre deja 'Awana; il est difficile de dire en quel sens exactement sont utilises dans

les titres les mots sira et siydr. Pour Mu'awiya, 'Ali b. Mugahid, G.A.S., 312; Hasimi, G.A.S., 313, al-ta'rih wal-siydr; al-Nawfali, G.A.S., 312.

15 Presque tous les petits traites de Mada'ini, G.A.S., 314. Auparavant surtout Abui Mihnaf, G.A.S., 310.

16 Nu'aym b. Hammad, Kitdb al-Fitan, Br. Mus. Or. 9449. 17 Sur les Zubayrides, Nadr b. Hadid, G.A.S., 313; sur les Azraqites, Abui Nadr

al-Gahdami, G.A.S., 310-311. 18 On attribue a un autre auteur certains ouvrages analogues, voir G.A.S., 296d; les

futuh sont aussi le principal theme de l'Histoire longtemps conservee de Sayf b. 'Umar.

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n'avait pas seulement une raison de curiosite anecdotique ou de fierte de la Communaute ou de tel de ses groupes qu'on y mettait en valeur, mais aussi de preciser pour les consequences pratiques a en tirer les modalites juridiques de la constitution, morceau par morceau, de l'Empire. Ce caractere ressort clairement du fait que beaucoup des traditions qui se trouvent dans les ouvrages historiques se trouvent de meme dans les traites juridiques. Tel est deja tres nettement le caractere de l'ouvrage d'Ibn 'Abd al-Hakam sur la conquete de l'Egypte et secondairement 'a partir d'elle sur celle du Maghreb et de l'Andalus 19 Tel est plus generalement plus tard le caractere de l'illustre expose d'al-Baladuri sur les Conquetes et meme a la fin certaines des institutions qui s'y etaient developpees: le fameux chapitre sur les origines de la monnaie musul- mane, a peu pres le seul dont nous disposions sur ce sujet, devait etre reutilise de siecle en siecle jusqu'a nos jours.

Ce n'est guere avant le milieu du deuxieme siecle de l'hegire que nous rencontrons quelques ouvrages capitaux, autrement dit vers le meme moment o'u s'elabore la Sira, ou se constituent les premiers recueils juridiques dont nous verrons d'ailleurs les parentes avec l'histoire.

C'est 'a la veille de la chute des Omayyades que travaille al-Zuhrl, traditionniste qui deborde sur l'histoire, et a pour nous l'interet essentiel d'etre presque le seul syrien 'a nous etre un peu connu20. En Iraq c'est vers l'avenement des Abbasides qu'ecrivent 'AwaLna 2 et Abfi-Mihnaf22.

En meme temps quelques auteurs commenqaient a se preoccuper de relier les divers episodes dans une trame suivie, forcement un peu plus attentive 'a une chronologie, voire a inserer l'histoire musulmane commenqante dans le deroulement general de l'histoire humaine, en particulier des cycles de ces prophetes dont avait parle le Coran et dont Mahomet etait l'aboutissement ultime. Il est possible, a en juger par des citations eparses, que deja Ibn Ishaq ait travaille en ce sens.

Pour l'histoire anteislamique le point de depart se trouvait evidemment dans le Coran, mais celui-ci ne fournissait pas la matiere de l'expose complet dont la connaissance etait plus ou moins sous-entendue. Neces- sairement il fallait se renseigner dans les traditions et les Ecritures des

19 Voir R. Brunschvig, <<Ibn 'Abd-al-Hakam et la conquete de I'Afrique du Nord)), AIEO 6/1942.

20 G.A.S., 280-283. 21 G.A.S., 307. 22 G.A.S., 308; voir Bibliographie, Sezgin. W. Fisher, <<Die Prosa des Abiu Mihnaf?>,

dans Islamvissenchaftliche, Abhandlungen Fritz Meier, 1974.

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populations non musulmanes qui avaient fait l'objet des revelations anterieures. Bien entendu on ne voit pas qu'aucun auteur arabo- musulman ait jamais lu 1'Ancien ou le Nouveau Testament dans la langue originelle, ni connu les Histoires universelles chretiennes compo- sees au cours des quelques siecles pr&cedant l'Islam. Quelques indigenes convertis pouvaient en principe les leur traduire, comme ils allaient le faire pour la litterature philosophique et scientifique. Mais il ne semble pas qu'en matiere historique on ait eprouve de besoins aussi larges et aussi exigeants. Dans 1'ensemble on dut se contenter des recits colportes oralement par des indigenes convertis qui n'avaient pas forcement eu eux-memes de contact direct avec les Livres Sacres, et ne les distinguaient guere en tout cas des apocryphes qui circulaient alors en Orient. Ainsi se consitua toute une litterature d'Isrdiliyydt23 et de Qisas al-Anbiyd'/recits des prophetes24

Les Arabes n'en continuaient pas moins a s'interesser a leurs aieux de la periode de la gahiliya/Ignorance, qui avaient d'ailleurs eu des rapports avec les autres peuples abrahamiques. D'oui une double litterature consacree d'une part aux croyances antiques, d'autre part aux genealo- gies tribales. Litterature qu'illustre avant tout le nom de Hisam al- Kalbi25.

Enfin les Perses, qui se souvenaient de leurs ancetres et cherchaient naturellement a les valoriser aux yeux de leurs nouveaux maitres, traduisaient a l'usage de ceux-ci en particulier leur ancien Livre des Rois: travail probablement inaugure des le debut des Abbasides par Ibn Muqaffa' 26.

Des lors des auteurs de langue arabe conqurent des histoires oui la periode islamique etait precedee pour les uns d'une histoire biblique, pour les autres d'une histoire perse; et naturellement on en vint vite 'a l'idee de juxtaposer ces deux histoires, ce qui impliquait un difficile travail de concordance chronologique large. I1 ne semble pas etre necessaire de supposer 'a tout cela des influences precises des litteratures

23 E.I.2. 24 E.I.2 (Kisas); parmi les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Wahb b.

Munnabih, ed. G. R. Khoury, 1972 (epoque omayyade), et Ibn Lah;'a (voir la discussion entre Kister et Khoury dans B.S.O.A.S., 1974 et 1976, et voir aussi les etudes de Khoury sur Ibn Lahi'a).

25 Hisam al-Kalbi, Gamharat al-Nasab, Kitdb al-Asndm, E.I.2; la Gamhara a e edit6e par Caskel, edition sur laquelle voir Kister et Plessner dans Oriens n? 25-26, p. 48-68.

26 Ibn al-Muqaffa', E.I.2. Voir aussi la Nihdya publiee par Grignaschi dans le B.E.O. de Damas, 22, 1969, p. 15-67.

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non arabes, tout au plus une certaine ambiance; le progr's r'sulta d'exigences ressenties dans le milieu arabo-musulman lui-meme.

On remarquera que les heritages recherches ou recueillis sont a peu pres totalement indifferents a l'histoire grecque, bien que non a la science grecque; a fortiori 'a 'histoire romaine. Les debuts de l'historiographie arabo-musulmane furent trop tardifs en Occident27 pour que cela pfut inflechir cette evolution.

Ce qui vient d'etre dit implique naturellement que la quasi totalite des historiographes primitifs ont ete des Arabes, tout au plus des mawadli iraqiens arabises. L'entree d'un important personnel civil et militaire khurasanien rapidement arabise entraine sous les Abbasides l'apparition d'auteurs iraniens a partir du IIle siecle H. qui peuvent conserver cependant ou developper quelques habitudes specifiques. Ainsi pourront coexister diverses tendances que nous retrouverons.

C'est a la jonction de ces periodes qu'apparait, du moins pour nous, un genre tout de suite marque par un chef-d'ceuvre. Il etait utile pour le public curieux de pouvoir retrouver tous les renseignements possibles sur les personnages notables des deux siecles musulmans ecoules, soit pour leur place dans l'histoire soit pour preciser leur autorite dans la transmission des traditions. Tel fut le besoin ressenti par Ibn Sa'd dont l'ouvrage, ofu les personnages etudies etaient ranges par generations, fut pour cette raison nomme Tabaqdt. Ce volumineux recueil est pour nous d'un prix inestimable non seulement pour ses qualites intrinseques mais parce qu'il est bien souvent le seul a nous fournir ces renseignements avant les changements de mentalite qui les altereront dans les ceuvres posterieures28. Deux generations plus tard, un autre ouvrage a certains egards comparable devait etre compose par al-Baladuri, auteur que nous retrouverons; compare aux Tabaqat d'Ibn Sa'd le Kitdb Ansdb al- Asrdf/Livre des notables se distingue par l'attention portee essentielle- ment sur les personnalites des califes omayyades et de leur entourage 29.

Nous savons mal quand et comment se fit jour l'idee de composer une histoire suivie. II se peut que l'on ait entendu parler des histoires de ce type possedees par d'autres peuples, mais le besoin peut avoir ete ressenti aussi de maniere autonome. De toute faqon il se posait un probleme

27 OU l'on conservera longtemps, en milieu chretien, l'aeuvre de Paul Orose. 28 Ed. Sachau et autres, 1904, et E.I.2. 29 Deux entreprises d'edition: d'une part une de la Ligue Arabe dont n'a paru que le

vol. I par Hamidullah, Le Caire 1959; d'autre part en Israel, vol. IV A, ed. Schlossinger, J6rusalem 1938 et Kister 1975, vol. IV B, vol. V, ed. Goitein, Jerusalem 1936. Certaines parties ont e traduites, Levi della Vida et Olga Pinto, Rome 1938.

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[I 1] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 143

delicat, car il fallait, entre les ahbadr sur lesquels on etait amplement renseigne, intercaler des exposes pour lesquels on manquait de matiere preparee. Sans doute proceda-t-on encore en interrogeant quand il etait temps les temoins survivants. Mais seule une etude minutieuse des chroniques posterieures conservees, et en particulier de Tabari, permet- trait de distinguer les sources orales ou ecrites dont les premiers auteurs ont pu faire usage: etude beaucoup trop partiellement faite jusqu'ici pour que nous puissions faire autre chose que d'en indiquer la necessite30. La plus ancienne chronique conserve a ce jour est celle d'Ibn Hayyat, que nous retrouverons, mais il avait eu apparemment quelques precur- seurs31.

Naturellement les premiers auteurs n'avaient pu s'interesser qu'aux premiers evenements et leurs successeurs progressivement enregistrerent les evenements suivants. Mais il est symptomatique de constater qu'une priorite fut presque toujours accordee dans la consideration historique aux evenements des premieres decennies de l'Islam et que en raison de la masse des traditions recueillies a leur sujet elles devaient occuper souvent dans les ouvrages une place proportionnellement plus grande que les periodes suivantes. La raison premiere de cette preference reside evi- demment dans le fait que pour la formation et la vie de la communaute musulmane ce sont ces premiers evenements qui ont pose les problemes politico-religieux fondamentaux dont la solution conditionne encore l'evolution ulterieure.

C'est une banalite que de dire que dans la plupart des civilisations ayant une litterature historique, celle-ci ne se preoccupe le plus souvent que ((des guerres et des rois>>. Cela est vrai, bien qu'avec de serieuses reserves, de la litterature historique arabo-musulmane. Les guerres exterieures et les dissensions interieures occupent donc dans la plupart des ouvrages une place presque exclusive. Mais ce primat a une portee particuliere en ce que beaucoup de ces dissensions ont precisement une portee politico-religieuse durable.

Au total, si nous considerons l'ensemble du deroulement historique tel que nous le presentent les chroniques posterieures, nous sommes obliges de constater que certains evenements meme des plus importants, n'avai- ent pas trouve d'historien. Tel est le cas surprenant de la <"revolution

30 I1 a pu des cette epoque, etre utilises aussi des documents, comme l'Edit de 'Umar b. 'Abdal-'Aziz, reproduit dans sa Sira par Ibn 'Abd al-Hakam; voir H.A.R. Gibb dans Arabica, 1964.

31 E.I.2.

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144 CL. CAHEN [12]

abbaside>>. Naturellement il y avait eu des ecrits polemiques, sans doute des recits partiels, mais il semble bien que le premier expose d'ensemble ait ete celui d'un certain Ibn Nattah, quelque trois quarts de siecle apres les faits32* On a suppose que cet ouvrage nous est parvenu dans le manuscrit anonyme decouvert et publie par Abdalaziz al-Durl et Mutal- labi sous le titre d'Ahbar Al Abbas33. I1 se peut; il faut seulement souligner que cet ouvrage, pour nous tres original, parait reposer sur une documentation en grande partie differente de celle que nous ont trans- mise les auteurs iraqiens, et dont jusqu'ici l'utilisation ulterieure ne s'est retrouvee que dans un autre anonyme, lui khurasanien, de deux siecles posterieurs 3. L'anonyme de Dfiri attribue les titres des Abbasides au califat dans le fait qu'ils etaient les heritiers du mouvement de Muham- mad b. al-Hanafiyya et d'Abcu Hasim: ce qui est apparemment la verite pour les premiers Abbasides, mais que le troisieme, al-Mahdi, avait conteste en proclamant le droit de la famille pour elle-meme.

Les auteurs d'ahbar, comme ceux de recueils de hadits - ce sont d'ailleurs souvent les memes - appartiennent a des tendances ou partis differents, et c'est la sans doute frequemment la raison pour laquelle ils ont ecrit a propos de ces evenements dans lesquels se separent ces tendances et partis. C'est pourquoi ils se considerent les uns les autres comme plus ou moins valables. Neanmoins il ne faut pas exagerer. Si vives que soient alors les querelles, elles n'ont pas encore abouti a des sectes aux delimitations tranchees comme ce sera le cas plus tard. On sait bien que ceux qu'on appellera sunnites acceptent des traditions sur l'autorite de personnalites classees ulterieurement comme shi'ites, et reciproquement. Cela veut dire qu'il n'y a pas pour le moment de distinction fondamentale entre la documentation dont font usage les partisans des Omayyades, ceux des Abbasides ou les premiers shieites. Peu a peu seulement 'a mesure que seront composes des ouvrages plus amples et plus synthetiques pourront-ils commencer a apparaitre comme destines a des milieux plus speciaux 3.

L'organisation chronologique de l'expose historique aboutit bientot a la repartition annalistique, c'est-a-dire que les faits sont enumeres annee par annee. Ce systeme existait dans les litteratures anteislamiques et dans les litteratures europeennes medievales. I1 serait peut-etre paradoxal de

32 Peut-etre avec des devanciers partiels, voir G.A.S., 309-310. 33 Ed. Duri et Mutallabi, Beyrouth 1971. 34 Voir infra p. 161. 3 C'est ce qu'a bien montre Petersen pour Ali et Mu'awiya.

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[13] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 145

dire que les auteurs arabes - d'ailleurs jamais tous - n'ont pas abouti 'a leur formule sans une plus ou moins vague conscience de cette ambiance generale. I1 ne semble pas cependant qu'elle soit indispensable pour expliquer leur evolution. Notons d'abord evidemment qu'il s'agit mainte- nant d'annees lunaires et non solaires. Precisement on sait que les arabo- musulmans ont tres tot adopte pour leur administration la datation par l'ere de l'hegire; les plus vieux papyrus en font foi. Dans ces conditions, si certes une grande partie des informations des historiens est originelle- ment d'ordre oral sans datation precise, toutes les fois oiu malgre tout ils rencontrent des documents officiels ecrits, ceux-la ils les rencontrent dates et ils en feront donc usage dans leur texte tout naturellement avec leur date. Les deux plus anciens temoignages que nous ayons de l'expose annalistique date du milieu du IIIe siecle H.: il s'agit d'une part de la chronique de Hallfa b. Hayyat, recemment retrouvee et publiee, et de celle perdue d'Abu' Hassan al-Ziyadi dont le fait qu'on l'appelle Ta'rih 'ala-l-sinin/par annees signifie bien qu'on ressentait la une nouveaute36. Desormais la presentation annalistique gagnera la plus grande partie de l'historiographie, meme dans le cas d'ouvrages dont la forme de docu- mentation ne l'exigeait pas si clairement. La repartition annalistique n'exclut pas d'ailleurs d'autres indications chronologiques, par regnes ou par duwal (pl. de dawla)/cycles d'ou dynastie. La repartition annalistique facilite la confrontation entre ouvrages, on retrouve facilement les memes evenements. Dans certains pays cependant, en Iran, en Egypte, on garde un gou't pour traiter de l'histoire plus synthetiquement par regnes sans autres separations chronologiques.

On peut dire que maintenant un genre historique autonome est constitue, meme lorsqu'il est cultive par des auteurs qui ecrivent aussi en d'autres genres. L'habitude s'est prise assez vite de -designer ce genre par le nom de ta'r4h. Neanmoins ce mot, dont l'etymologie refere probable- ment a la datation lunaire et ne semble pas avoir de lien avec aucune des langues semitiques anteislamiques, n'a pas les frontieres precises du terme europeen correspondant ((histoire>>. Nous verrons qu'il s'applique a des ouvrages de categories tres diverses; nous pouvons mal dire quand il apparait, mais l'un des premiers cas surement attestes est le Ta'rih de Buhari, qui est une enumeration des autorites et transmetteurs de hadits. Reciproquement il arrivera encore a certains ouvrages d'etre designes indiff6remment par les mots de ta'rlh, ahbar, ou autres encore.

36 G.A.S., 316.

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146 CL. CAHEN [14]

C'est de toute maniere dans cette periode qu'ecrivent les principaux auteurs dont se serviront ulterieurement Tabarl et autres, aboutissant a al-Mada'ini, 'a travers lequel souvent seront connus ses predecesseurs37. En general, il s'agit d'Iraqiens, la chute des Omayyades ayant compromis la transmission des traditions syriennes 38. C'est a cette epoque que paraissent les premieres histoires urbaines dont on reparlera plus loin.

Un peu paradoxalement, si le point culminant de cette historiographie est atteint vers 300 H. avec Tabarl, celui-ci avait ete precede par quelques auteurs, d'ailleurs ignores de lui, qui avaient cherche a fournir au public de leurs milieux des exposes d'ensemble plus rapides et synthetiques; mais dont les sources en gros devaient etre les memes: Ibn Qutayba, Ya'quibi, Abu^ Hanifa Dinawarl etc. Ibn Qutayba, dont la celebrite aupres de la posterite repose surtout sur son petit ouvrage historique le Kitab al-ma'drif, mais dont on a mis en relief de notre temps les autres activites theologiques etc., se preoccupait surtout de donner au public cultive de Bagdad et aux scribes gouvernementaux le schema general de ce qu'ils avaient besoin de savoir. Ibn Qutayba est donc de ceux qui contribuent a constituer sur les divers plans de la connaissance, histoire comprise, une sorte d'orthodoxie moyenne telle qu'on pouvait la conce- voir apres al-Mutawakkil. Ce n'est pas un erudit, et son ceuvre implique donc qu'il disposait de quelques ouvrages generaux, ceux que nous avons vus ou autres39.

Tout differents sont Abu' Hanlfa al-Dinawarl et Ya'qufbl. L'un et l'autre sont de tendance shi'ite, a une epoque ou, il est vrai, le shi'isme ordinaire n'est pas encore clairement delimite et remplit les bureaux du califat lui-meme. Abfu Hanlfa est un Iraqien d'esprit ouvert, qui entre autres sciences a cultive la botanique. Son petit ouvrage historique al- Ahbar al-tiwdl/Les longues nouvelles, est caracteristique d'une tendance que l'on retrouvera tout au long de l'historiographie persane, en quel- que langue que ce soit: s'interesser presque exclusivement a l'histoire iranienne, preislamique et islamique, et ce musulman passe presque totalement sous silence l'histoire du Prophete de l'Islam et celle des conquetes arabes40.

Haytham b. 'Adi, G.A.S., 206 et 271; Ibn Abi Sayba, G.A.S., 108; sur ce dernier, Heinrich Schutzinger, <<Ibn Abi Shayba und sein ta'rix>> (ms. Berlin 9409), Oriens XXIII- XXIV, 1974. Sur al-Mada'ini, voir ibid., G. Rotter, Bibliographie.

38 Voir cependant Zuhri et G. Rotter, <<Abu Zur'a al-Dimashqi und das Problem der fruhen arabischer Geschischtsreibung in Syrieno dans Die Welt des Orient VI/1971.

39 Ibn Qutayba, E.I.2. Et la these de Gerard Lecomte. Ibn Qutayba a &crit aussi, dans le domaine historique, les 'Uyu2n al-Tawdrih.

40 Abfi Hanifa, E.I.2.

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[15] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 147

Al-Ya'qufb;, un arabe, bien qu'une partie de sa carriere se soit deroulee en Iran, a au contraire un esprit cecumenique. Bien qu'il n'ait ecrit qu'a la fin de sa vie sa Geographie, dans laquelle il s'interesse a toutes les regions du monde musulman dont il lui a ete impossible de raconter l'histoire dans son Histoire, le premier volume de cet ouvrage, qui traite de la periode preislamique sans chronologie precise, y enumere tous les peuples ayant eu alors plus ou moins de civilisation: les Israelites, les premiers Chretiens, la Syrie, l'Assyrie, Babylone, les Indiens, les Grecs, les Romains, les Perses, les peuples du Nord, y compris les Turcs, les Chinois, les Egyptiens, les Berberes, les Abyssins, les Bedja, les Noirs soudaniens, enfin les Arabes de l'Arabie preislamique (rien sur l'Occident europeen); il a aussi ecrit un opuscule traitant de l'influence du temps sur les hommes. Le second volume de son histoire donne l'histoire du Califat jusqu'en 259/87241.

Rappelons que c'est aussi a cette epoque qu'a ecrit al-Bal'aduri que Tabari n'a pas plus connu, et qui travaille selon la meme methode et en gros les memes sources.

L'importance de Tabari fait qu'on le considere en general comme le moment tournant entre l'historiographie vieille et la nouvelle historio- graphie qui le suivra. A vrai dire il y a plutot chevauchement d'une ou deux generations que ligne de demarcation chronologique. La methode traditionaliste atteint avec Tabari son apogee en meme temps que, par impossibilite de faire desormais plus, elle en est le chant du cygne. Elle est en un sens quelque peu anachronique, si on compare l'ceuvre de Tabari a celles d'Ibn Qutayba, de Ya'qub; ou d'Abu Hanifa Dinawari.

Si etrauge que cela puisse paraitre puisque Tabari a paru pendant des generations et a un certain point jusqu'a nos jours comme incarnant a lui seul toute l'histoire du moins pour les siecles le precedant, nous n'avons sur lui aucune monographie. Ses dimensions sans doute decouragent la recherche. Si son Histoire est son principal titre de gloire aupres de la posterite, il n'en est pas moins celebre aussi comme l'auteur du premier grand tafsir/commentaire coranique, ainsi que comme juriste, pour ne pas parler de curiosites mineures. Si certes un auteur, lorsqu'il passe d'un genre a un autre, change dans une certaine mesure de maniere et de documentation, il serait tout de meme paradoxal de pretendre qu'il n'est plus du tout le meme homme, en particulier lorsque ce qu'il ecrit peut

41 Al-Ya'quibi, comme geographe voir Miquel, La geographie humaine du monde musulman, 2' ed., 1973, passirnsurtout I, 285; E.I. 1. II s'interesse aux themes astrologiques des califats successifs. Sur le shi'isme de Ya'quibi voir Y. Marquet dans Arabica XIX, 1972.

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148 CL. CAHEN [16]

avoir une large portee aux yeux de la Communaute. C'est incontesta- blement dans cet esprit qu'il faudra etudier Tabari, dont, faute jusqu'ici d'une telle etude, le peu que nous dirons est forcement insuffisant42.

La reputation de Tabari a engendre des contresens. La methode traditionaliste dont il fait usage consiste en son point de depart dans la collection de temoignages individuels sur des faits particuliers. Mais au temps de Tabari il va de soi qu'il ne lui est plus possible de proceder lui- meme 'a de tels interrogatoires lorsqu'il s'agit des faits anciens, il ne le peut que pour les faits recents. Or de maniere 'a premiere vue etrange c'est justement sa propre periode que Tabari nous expose le plus sobrement, parce que, dans sa methode il n'a pas a y faire les confrontations qui se presentent a lui pour les temps anterieurs. Pour ceux-ci on pourrait evidemment penser qu'il est le dernier maillon d'une chalne de trans- missions orales. Mais cela est tres exceptionnel. Avant lui, si aucun auteur n'a fait un aussi immense effort de documentation, plusieurs cependant, on l'a vu, avaient deja realise des compilations ecrites, et c'est donc essentiellement sur une documentation ecrite que travaille Tabari. Les chalnes de transmetteurs (isnadd) sont reelles, mais elles reproduisent, au dernier maillon pres, les isnads de ses predecesseurs. Dans certains cas il tient du dernier, dont il a ecoute les lectures, une autorisation formelle (igaza) de transmission, dans d'autres cas il reproduit les donnees d'ouvrages qui etaient dans le domaine public. De toute maniere l'enumeration des transmetteurs commence par le dernier, le plus recent, puis remonte aux precedents, la difficulte parfois etant la de distinguer la compilation ecrite premiere des temoignages individuels qu'elle a collec- tionnes. On peut pour ce faire s'appuyer, comme l'ont vu quelques chercheurs modernes43, sur ce que savent encore des precurseurs de Tabarl des erudits medievaux comme Ibn al-Nadim dans sont Fihrist ou meme beaucoup plus tard Ibn Hagar surtout dans sont Isaba. Ce que nous avons dit plus haut des premiers auteurs d'ahbar ou de ta'rih repose essentiellement sur des enquetes de ce genre, dont on ne peut cependant dire qu'il en existe encore de complete et achevee. I1 ne peut y en avoir de

42 E.I.; G.A.L., 148 sq; G.A.S., 323 sq. Il vient juste de paraitre (1986) une traduction anglaise des dernieres annees (279-302 H) de l'Histoire de Tabari, icr volume paru d'une serie de 38 annoncee: The History of al-Tabari, vol. XXXVIII, The Return of the Caliphate to Baghdad, trad. de Fr. Rosenthal, avec une introduction et des notes precieuses. Une etude globale sur Tabari est annoncee pour le vol. I.

43 Dj. Ali, <<Mawarid ta'rikh al-Tabari>, Magallat al-Magma' al-'Ilmi al-'Irdqi, 1 1950, II 1951, III 1954, VIII 1961. Cite dans G.A.S., 324.

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[17] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 149

valable que reposant sur la consideration correlative de l'Histoire et du Tafsir.

On remarquera que Tabar; parait avoir ignore ou neglige certains de ses contemporains ou predecesseurs immediats. Dans le cas de Ya'qfubi ou d'Abfu Hanlfa, cela peut tenir a leurs tendances et au fait que la forme synthetique de leur expose excluait le travail selon sa methode propre. On est un peu plus etonne dans le cas d'un Balad'r, qui travaille comme lui, mais en somme sur les memes sources, qu'il connaissait donc directement.

Un probleme fondamental est evidemment de savoir si les citations de Tabari sont entierement fideles. Lorsque des comparaisons nous sont possibles avec d'autres compilateurs ou quelques originaux, la reponse est positive. Cela ne signifie cependant pas que ces citations soient completes: il peut en exclure parce qu'elles en doublent d'autres ou parce qu'elles expriment des tendances qui ne lui conviennent pas, par exemple comme il a ete montre de Sayf b. 'Umar. Tabari est un loyal sujet abbaside, et s'il peut utiliser des sources d'autres tendances lorsqu'elles ne sont pas en contradiction avec les versions admises dans la communaute sunnite, il s'en abstient dans le cas contraire44. Pour Tabari comme pour la plupart des autres historiens, l'expose qu'il donne des faits passes doit orienter ses lecteurs vers les attitudes qu'il souhaite leur voir prendre dans les questions contemporaines.

En somme, ce que la posterite jusqu'a nos jours a vu dans I'meuvre de Tabarl, c'est un monumental corpus de tout ce qu'on pouvait savoir dans l'esprit du second siecle abbaside. Ce travail dispensait evidemment ses successeurs d'un pareil effort, ce qui explique la lente disparition de la plupart des ceuvres anterieures.

II y a cependant une grande restriction 'a faire. Tabari en toute bonne foi traite de toute l'histoire musulmane, ou du moins le croit. En fait, bien qu'il ait un peu voyage en Syrie et en Egypte, il parle beaucoup moins de ces pays que de la moitie orientale de l'empire. Surtout, ce qui est remarquable, il ignore pratiquement tout de l'Occident musulman, ce que ne manqueront pas de remarquer des lecteurs comme 'Arib (voir infra) auquel le prestige de Tabari I'aura cependant fait connaitre par dessus les distances lointaines. Pour l'historien moderne Tabari est evidemment, pour les trois siecles d'histoire dont il parle, la base de toute recherche, mais il doit etre complete par tout ce qu'on peut trouver dans des auteurs independants de lui en tout ou partie.

44 Voir ce qu'a montre Petersen a propos de Sayf b. 'Umar, index.

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150 CL. CAHEN [18]

II. Periode classique

Le prestige de Tabari etait tel que desormais beaucoup d'historiens se situeront par rapport a lui; et cependant il marque, on l'a vu, la fin d'un genre. Certains auteurs pendant des siecles chercheront a le resumer, avant de le continuer. Quelques-uns essayeront encore de le completer occasionnellement par des extraits directs des sources anciennes, mais dans l'ensemble ils s'abriteront derriere son autorite. Ceux qui ecrivent l'histoire des temps suivants prennent souvent comme point de depart la fin de Tabari, sous reserve que, on 1'a vu, les dernieres annees de celui-ci sont insuffisamment developpees. Certes ils ont recours pour ces periodes nouvelles, entre autre source d'information, a des recits de temoins survivants ou a des souvenirs personnels; et l'Qn peut a cet egard dire qu'ils continuent la methode des muhadditfin. Mais pour l'essentiel leur methode maintenant est autre. Les administrations musulmanes 'taient tres bureaucratiques et paperassieres. En particulier on y conservait des doubles de la correspondance des califes et souverains, ainsi que des lettres qui leur etaient adressees et tout specialement des communiques expedies grace au service postal officiel (le barnd) par les fonctionnaires et informateurs provinciaux. Tout cela permettait de constituer une sorte de journal de chancellerie, oiu les faits etaient enonces dans leur ordre chronologique ou du moins dans l'ordre de l'arrivee des communiques qui les concernaient1. Bien que nous ne puissions donner aucun ren- seignement concret a ce sujet, il est certain que les historiens avaient acces a ces archives et pouvaient y transcrire ce qu'ils souhaitaient: tout particulierement si leur travail avait un caractere tant soit peu officiel ou en tout cas etait bien vu du prince ou du vizir. Certes Tabarl, ou les auteurs auxquels il avait dfu ces informations, avait eu acces a des documents. Mais les choses sont maintenant inversees: hier on inserait ces documents dans un schema d'ensemble qui ne leur devait rien, maintenant on insere les recits occasionnels des temoins dans un schema tire des archives2.

1 I1 peut en resulter quelques desordres en fin et debut d'annee, quelquefois des communiques d'un debut d'annee etaient inseres negligemment dans la liasse precedente. Surtout, un evenement de du 7-Hikga pouvait ne parvenir a la connaissance du destinataire qu'en muharram, et l'historien le classait dans l'annee suivante, ou parfois, croyant a une erreur de classement, le reportait au muharram precedent, parfois, s'il s'inspirait de sources anterieures, il pouvait meme citer sans s'en apercevoir, deux fois le meme fait. Et entre deux ouvrages, il peut y avoir discordance de date (sans parler des erreurs d'eriture). Voir aussi infra.

2 La conservation durable d'une partie au moins de telles archives est illustree par l'usage qu'en fera encore au debut du XV' siecle, Qalqasandi dans son Subh al-A's'a-.

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[19] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 151

A Bagdad la succession de Tabari qui avait ete un particulier, mais acquerait une valeur officielle, fut prise par une lignee de continuateurs dont la position etait, elle, quasi officielle, et que l'on considerait comme suffisants sans qu'il ffit besoin de leur donner d'associes ni de rivaux: lorsqu'il y aura d'autres ceuvres, c'est qu'elles viendront d'autres regions ou d'autres milieux. Fait assez remarquable, le metier d'historiographe sera exerce pendant plus d'un siecle et demi par des membres d'une famille de Harran appartenant a la secte des Sabiens, c'est-a-dire par des non musulmans, la conversion a l'Islam n'intervenant qu'a la fin de la quatrieme generation. Le premier fut un mathematicien, Hasan b. Tabit b. Sinan; de l'ceuvre originale de celui-ci, qui atteignait I'annee 3603, rien ne nous est directement parvenu, si ce n'est un recueil relatif aux Qarmates probablement forme de morceaux decoupes dans son aeuvre4. Mais il n'y a aucun doute qu'elle est la source presque exclusive de toute l'historiographie iraqienne voire occasionnellement d'auteurs chretiens de langue arabe 5. Elle semble avoir consiste en une combinaison de deux sortes d'exposes provenant sans doute de communiques differents, les uns donnant des exposes suivis d'une categorie de faits, les autres l'enonce de faits au jour le jour, dont il est vraisemblable que nous avons presque la reproduction dans la partie conservee de la chronique d'al- Hamadani qu'on retrouvera dans un instant. Nous ne savons pas exactement ce que le neveu d'Ibn Tabit, Abfu Ishaq al-Sabi continua de l'ceuvre de son oncle. Abu' Ishaq etait en tout cas bien place pour le faire, en qualite de secretaire califal - Miskawayh les cite indifferemment comme <le chroniqueur>> -, mais ce qu'il a fait a ete incorpore a lk'euvre generale de son petit fils Hilal al-Sabi. Cependant nous sommes a la periode de la tutelle bfiyide et Abiu Ishaq, jete en prison par 'Adud al- Dawla n'obtint sa grace qu'a la condition de composer une histoire de la dynastie necessairement agrementee de quelques contre-verites. Cepen- dant il semble bien qu'un ouvrage recemment decouvert sur l'histoire regionale complexe des provinces sud-caspiennes dans la premiere moitie du quatrieme siecle H., soit plus ou moins identique au premier volume de ce Kitab al-Tdgi6, qui devait etre utilise aussi plus tard dans l'histoire du Tabaristan du Persan Ibn Isfandyar; la precision et l'importance des

I D'apres ce que disent les auteurs posterieurs, comme al-'Azimi. 4 Ed. Zarraq, 1980. s Voir infra p. 163-64. 6 De l'un des titres de'Adu6d al-Dawla, Tdg al-Milla. Sur ce manuscrit difficile, voir

S. M. Khan dans Arabica XII 1966, qui en a prepare une edition, et W. Madelung <<Ab6 Ishaq al-Sabi on the Alids of Tabaristan and Gilan>> dans JNES XXVI/1967.

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152 CL. CAHEN [20]

renseignements qu'on y trouve doit nous mettre en garde contre l'appre- ciation defavorable que l'on risquerait d'avoir a priori de 1'ckuvre d'Abfu Ishaq.

Quoi qu'il en soit la chronique fut continuee par Hilal jusqu'en 447 'a la veille de sa mort. I1 en a survecu trois annees qui consistent en un journal de chancellerie du type defini plus haut 7. Cependant les extraits con- serves, surtout semble-t-il sur les faits non iraqiens, dans le Mir(at al- Zamdn de Sibt b. al-Gawzi montrent qu'il y avait aussi des recits plus synthetiques et suivis. Enfin la chronique fut continuee jusqu'en 479 par le fils de Hilal, Gars al-Ni'ma Muhammad qui devait mourir sans enfants: cette partie, particulierement remarquable, a ete pratiquement reproduite dans la section correspondante du Mireat. Elle laisse de cote les petits faits emiettes au jour le jour, mais donne, dans l'ordre des communiques requs, des exposes d'une rare qualite8. Enfin, bien que nous ne soyons plus dans la famille, nous pouvons considerer comme une reprise d'ensemble de la chronique continuee jusqu'a son temps l'aeuvre de Muhammad b. 'Abdalmalik al-Hamadani (debut IVe/Xe siecle)9. Etrangement celle-ci nous est parvenue jusqu'ici uniquement dans sa premiere partie et dans un manuscrit maghrebin, qui en montre la diffusion 10.

Cependant ailleurs d'autres continuations avaient ete faites de Tabari. On reparlera de celles de 'Arib en Espagne 1 I et de celle du turc d'Asie Centrale transfere en Egypte par les Ihsidides, al-Fargani 12. Par ailleurs c'est sur la base de Tabari puis de la Chronique que Miskawayh composa

13 jusqu'en 373 ses Takadrib al-umam cette fois conserv'es

7 Ed. trad. Amedroz, comme derniere partie de The eclipse of the abbaside Caliphate dont on reparlera dans un instant.

8 L'essentiel s'en trouve maintenant donne dans I'edition de cette partie du Mir(at par Ali Sevim citee infra, Ankara 1967. Basee malheureusement sur une insuffisante critique des manuscrits, et qui omet les faits syro-egyptiens etrangers A l'histoire turque (voir ma note dans Arabica 1970).

9 Voir infrap. 171. 10 Ed. Kanaan, Takmil, 1961.

Voir infra p. 167. 12 Voir infra p. 162 ce qui sera dit du K. al-'Uyun anonyme. J'ai exprime dans les

Melanges Gibb l'idee que le titre de l'histoire de Damas d'Ibn al-Qalanisi (voir infra) signifiait qu'elle etait une continuation damasquine de Tabari, et ne pouvait en tout cas pas etre, quoiqu'en ait pense Amedroz, une continuation de Hilal. La perte des debuts du manuscrit interdit toute preuve decisive.

II Ed. trad. Margoliouth dans son The eclipse of the abbaside Caliphate, 6 vols + index, 1920-21.

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[21] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 153

Miskawayh etait essentiellement un philosophe 14, ou plus largement un passionne de la culture, sous toutes les formes qu'elle avait alors. Pour nous ici il est un historien que du point de vue de sa documentation nous devons classer a cote des Sabi. La <<Chronique>> est en effet sa base d'information, qu'il a completee par des enquetes dans les archives et par des conversations avec ses amis de Bagdad. Mais c'est plus qu'un historien ordinaire. I1 s'interroge comme d'autres mais plus clairement sur l'utilite de l'histoire. A celle-ci il donne le role d'une sorte de vaste fiirstenspiegel reelle et experimentale. Bien entendu c'est du point de vue des princes qu'il se place, eux qui doivent tirer de l'histoire les le9ons sur le bon et le mauvais gouvernement. Mais il lui arrive d'etre entraine par la narration au-dela de ces enseignements. Pour nous surtout il est un homme qui a rencontre les problemes d'une saine administration et les pages qu'il consacre au regime de l'iqtd' comptent parmi les plus intelligentes de toute l'historiographie medievale. Une longue vie devait le conduire jusque vers 430, mais ces Tagdrib avaient ete composes des 380, dans cette ambiance de l'epoque biiyide otu des hommes comme lui ou Abfu Hayyan al-Tawhidi pouvaient dans les cercles cultives des cours discuter librement de presque tout. Qu'il s'agit de choses ou d'autres, la presentation de Miskawayh se distingue par un effort de synthese et d'explication, qui etait indispensable a l'utilisation des donnees trop brutes et morcelees de la Chronique. I1 faut croire que la valeur de l'ouvrage realise fut sensible a des milieux larges, puisqu'un siecle plus tard un homme aussi different de Miskawayh que le vizir califal Abu' Suga' al-Rudrawari dans l'ambiance seldjuqide, jugea utile de continuer les Tagdrib, et le fit au total a peu pres de la meme maniere. Le fait que dans la tradition manuscrite l'ceuvre double ainsi constituee est raccro- chee, a la date oiu elle s'interrompt, a la chronique de Hilal al-S&ba, montre que pour les utilisateurs l'ensemble constituait une meme famille.

Le siecle qui commence avec Tabarl est sinon le seul du moins l'un des deux ou trois plus beaux moments de l'historiographie, en Iraq et ailleurs. Le nom le plus, d'une certaine fa9on, celebre, de son temps et jusqu'a nos jours, est celui de Masfudi. D'une grande famille arabe, esprit passionnement curieux en toutes choses, infatigable voyageur, il est, dit- il, entre autre l'auteur de trois ouvrages historiques: une grande Histoire, enorme compilation qui a dfu lui servir de mine a lui-meme, mais qu'il n'a

'4 Citons tout de meme sur celui-ci la these de M. Arkoun; et specialement sur son ceuvre historique, I'article du meme dans Essais sur la Pensee islamique, Maisonneuve- Larose, 3e ed. 1984, p. 51-86.

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peut-etre jamais mise au net et publiee, et dont le volume a de toute maniere decourage les copistes et les lecteurs; une Histoire moyenne, egalement perdue, et enfin les Prairies d'Or15/Mur"g al-Dahab qui ont immediatement et durablement assure sa gloire. Ce dernier ouvrage encore volumineux comprend d'abord une vaste introduction geogra- phique etc., ou' l'auteur combine les donnees de la science d'alors 'a ses propres observations sur terre et sur mer. Les volumes suivants donnent califat par califat l'histoire des trois premiers siecles musulmans, sans soucis d'exhaustivite, ni d'ordre strictement chronologique, mais avec l'intention de caracteriser, episode par episode, l'histoire de ces souve- rains. Ses sources sont 'a peu pres les memes que celles de Tabari et autres, mais l'usage qu'il en fait est beaucoup plus personnel. Le style est simple, la narration alerte et parfois captivante, d'oiu son succes.

A vrai dire, Maseu'di etait, d'apres les indications donnees par lui- meme, l'auteur d'un grand nombre d'autres ecrits dont les biographes et bibliographes medievaux affectent d'ignorer la plupart. C'est qu'ils etaient le plus souvent ostensiblement shl'ites, bien que sans doute de la tendance duodecimaine moderee qui dominait 'a Bagdad de son temps, 'a la veille de la conquete bufyide, alors que les Prairies centrees, non sur les imams, mais sur les califes abbasides, pouvaient etre lues par tout le monde 16. Mas'iidi a ete frequemment cite par les historiens, mais on ne peut dire que les Prairies aient exerce une influence sur la structure et la conception de l'historiographie proprement dite.

Autant Tabarl avait ete prolixe, autant Hamza al-Isfahanl au milieu du Xe siecle chercha 'a etre succinct dans son expose d'une histoire univer- selle englobant tous les peuples '.

D'un autre genre releve al-Sfili. Courtisan et precepteur de califes, il raconte dans son ouvrage au titre significatif de Kitab al-Awraq/Livre des

15 Les Prairies d'Or ont e connues en Europe, depuis le siecle dernier, par 1'edi- tion/traduction de Barbier de Meyinard et Pavet de Courteille, 11 vols, 1861-1871. Une ed./trad. plus moderne par Ch. Pellat est en cours de publication; le texte arabe a Beyrouth, la traduction et les notes a Paris par la Societe Asiatique. On a conserve aussi de Mastudi le petit traite historique peut-etre tronque connu sous le non de Tanbih, ed. De Goeje, dans BGA VIII.

16 Mastudi a fait l'objet ces derniers temps de travaux approfondis, par Shboul, Khalidi et Ch. Pellat. On en trouvera la meilleure synthese (avec des apports originaux) dans l'article de ce dernier dans E.I.2. Mas'tidi a parfois e considere comme primairement geographe, mais il est evident qu'il est fondamentalement historien, ou si l'on veut, humaniste historien.

17 Ed. Gottwaldt, 1844.

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[23] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 155

feuillets, sans autre pretention, des morceaux d'histoire, des souvenirs personnels, des recits de temoins, avec force additions de poemes, voire des souvenirs de joueurs d'echecs. On l'a, toutes proportions gardees, compare a Saint-Simon1"8

L'importance croissante prise par le vizirat fait ecrire des histoires des vizirs: celles, incompletement conservees, d'Ibn Abdus al-Gahsiyari 19,

que continuera, au siecle suivant, Hilal al-Sabi20, tous deux entrant dans des details administratifs du plus haut interet. Du second on peut peut- etre aussi ici faire allusion aux Rusum Ddr al-Hildfa21. Sur une categorie sociale differente voir les Histoires des Cadis de Waqi' (Basra, Kuffa etc. 22), al-Kindi (Egypte) 23, d'autres pour 1'Espagne24.

L'accentuation des luttes doctrinales suscite l'apparition d'ouvrages consacres a l'etude des sectes et schismes, a commencer par les Maqdlat al-Isldmiyyin25 d'al-AsMaril et les Firaq al-Si"a attribues a Nawbahti26, qui, bien qu'essentiellement doctrinaux comportent naturellement des renseignements historiques. Assez special est le Kitdb al-Bad' wa'l- Ta'rih/Le livre de la creation et de l'histoire, expose d'histoire universelle comparee selon les diverses religions, par al-Mutahhar al-Maqdisi27.

C'est vers cette epoque que nait un genre nouveau sans equivalent ailleurs, celui des histoires de villes a forme de dictionnaires biographi- ques. A vrai dire il avait existe des auparavant et il existera encore un peu des histoires de villes dont le nom n'impliquait et n'impliquera aucun caractere de ce type. Le Kitab Bagddd d'Ibn Abi Tahir Tayffir est a vrai dire, du moins pour le volume conserve, une histoire generale du Califat autour de cette ville, sa capitale. L'histoire de la Mecque d'Azraqi anterieure a Tabari et les autres chroniques mecquoises28 qui lui font suite, se presente comme une histoire de la ville; l'histoire de Mossoul d'al-Azdi, qui doit pas mal a Tabari, est une histoire generale de la

18 Ed. Hayworth-Dunne, I Londres 1934, II Le Caire 1935, III Le Caire 1936, trad. M. Canard, Alger 1946, avec precieuses annotations.

19 Ed. Mzik, 1926 et ed. au Caire, 1947; additions de D. Sourdel dans Arabica II, 1955. 20 Ed. Amedroz, 1901. 21 Voir Sourdel dans R.E.L 1960. 22 Ed. Bagdad, 1960. 23 Voir infra p. 162. 24 Voir infra p. 166. 2 SEd. Ritter, 1929, 1930, 1933. 26 Ed. Ritter, 1931. Cf. GAS, 539. 27 Ed. Cl. Huart, Paris 1899-1919. 28 Ed. des principales par F. Wuistenfeld, Die Chroniken der Stadt Mekka, 1858-1861.

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156 CL. CAHEN [24]

haute-Mesopotamie29; I'histoire de Qumm30, dans sa moitie conservee, est un expose tres fouille de son administration. L'histoire de Bukhara est une histoire 'a peu pres generale de la dynastie samanide31. D'autres ouvrages, dont nous ne connaissons que le nom, nous ne pouvons pas toujours dire nettement a quel genre ils appartiennent32.

Les histoires a forme de dictionnaires sont tout autre chose. I1 s'y agit principalement de donner le repertoire alphabetique de toutes les notabi- lites de la ville au cours de son histoire: en realite presque uniquement des notabilites appartenant aux milieux religieux. Ce caractere signifie un certain orgueil de groupe, mais il repond sans doute plus utilitairement au besoin de retrouver la trace des savants dont I'autorite est invoquee dans l'enseignement local pour les traditions etc. Le dictionnaire est en general precede d'un chapitre rappelant les vertus et enenements histori- ques de la ville, traduisant donc une forme de patriotisme local. La plus ancienne Histoire de ce genre a nous etre parvenue est celle d'Ispahan d'Abiu Nu'aym al-Isfahani33; le plus illustre, le Ta'rih Bagddd d'al-Hatib al-Bagdadi, avec lequel desormais toutes les grandes villes voudront rivaliser. Mais il en avait existe d'autres auparavant par exemple pour Merw, aboutissant a celle d'al-Mustagfiri dont un resume nous est conserve34

Selon les auteurs ces dictionnaires sont purement religieux, sans meme rapporter sur les personnages autre chose que des faits d'ordre religieux, ou bien sont plus ouverts a l'histoire generale (voir infra). L'allure d'enumeration detachee de la plupart des ouvrages peut donner l'im- pression d'une grande impartialite; en realite, si l'on etudie minutieuse- ment ce qui est dit et ce qui ne l'est pas, les noms cites et les noms tus, on s'aperroit que l'auteur appartient a un groupe ou a une tendance.

Les dictionnaires de villes ne sont pas les seuls dictionnaires, mais les autres sont plus volontiers nommes Tabaqdt. Sans parler des repertoires de poetes, qui sont plutot des anthologies, le besoin est peu a peu ressenti,

29 Ed. 1967. 30 Ed. Djalal al-Din Tihrani (de la seule moitie existante), 1934; cf. A. K. S. Lambton

dans BSOAS, 1947-48. 31 Ed. trad. Schefer, 1892, trad. angl. R. N. Frye, 1954. Ces deux derniers ouvrages ne

nous sont connus que par leur traduction persane ulterieure. 32 II a existe une histoire de Damas d'un certain Ruba'i, qu'utilisera Ibn'Asakir. Peut-

etre identique a al-Sumaysati, mentionne par Dahabi, an 455. 3 Ed. Sven-Dedering, 1931-34. De meme epoque l'histoire du Gurgan de Sahmi,

Hyderabad 1950 et celle de Qazvin, inedite. 34 Ed. Frye, 1960. II existe aussi, entre autres, une petite histoire de Wasit, GAS, 349, Md.

Awad, qui procede par tabaqdt.

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[25] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 157

a mesure que se constituent et que se distinguent nettement les ecoles juridico-religieuses, d'avoir des dictionnaires speciaux des docteurs de chacune d'elles. Plus tard on y joindra des catalogues d'ecrivains, de savants, etc. L'epoque classique ne fait qu'entamer ce processus, qui se developpera aux siecles suivants. Le premier important exemple est la Hilyat al-Awlyd' d'Abut Nu'aym al-Isfahani, dictionnaire des soufis et autres mystiques dont le but est de travailler a l'integration dans la communaute de ce groupe d'hommes longtemps contestes. Chez les shicites la discipline s'appelle plutot 'ilm al-rigal dont l'un des premiers representants est Nagasi3s.

La methode de documentation de tels dictionnaires comporte evidemment un retour partiel ou une simple fidelite a celle des tradition- nistes, soit par interrogatoires individuels directs, soit par l'intermediaire d'opuscules anterieurs. Parmi ceux-ci il faut signaler - mais je ne sais depuis quelle epoque - des masihas oiu un docteur enumere avec plus ou moins de developpement les sayhs dont il a ete l'auditeur ou dont il a obtenu l'igaza. I1 est probable qu'il existait chez les cadis ou au gouvernement des documents permettant de reconstituer les titulaires des principales fonctions. Et lorsqu'il y aura des congregations elles auront sans doute quelques listes completes ou non de leurs membres; mais on ne voit pas quel equivalent il pouvait y avoir aux plus hautes epoques.

Quant au chapitre introductif de ces Histoires il faut le rapprocher de la litterature des fadd'il, consacree a vanter les merites de telle ville ou de telle region, en general plus folklorique que vraiment historique35bis*

* *

L'historiographie en general n'etait pas destinee particulierement aux ecrivains. Elle devait pouvoir etre facilement consultee par des lecteurs de disciplines et de cultures diverses. Dans l'ensemble les auteurs font donc usage d'un style simple exposant le plus clairement possible ce qu'ils pensent avoir a dire. Les exceptions ne font a peu pres que confirmer la regle. Les prefaces et dedicaces tendent a etre redigees en un style digne du haut protecteur auquel elles s'adressent. Des episodes particuliere- ment emouvants peuvent etre soulignes de la meme maniere. Lorsqu'ils

" Sur cette litterature, voir recemment les Cahiers d'onomastique arabe publies par l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes (Jacq. Sublet, etc) 1980.

3 5bis Cf. infra, partie III, p. 177.

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158 CL. CAHEN [26]

ont ete l'objet de poemes, on en fait volontiers citation. Les panegiriques de princes entonnent volontiers la grande trompette, tels le Tdgl36 d'al- Saibi pour'Adhud al-Dawla (Tag al-milla), et l'histoire de Mahmud par al-'Utbi37. I1 s'agit ka d'un iranien, et il est difficile de ne pas sentir d'influence de la litterature persane volontiers fleurie et poetique dans l'historiographie comme ailleurs. Cette influence, comme la personnalite' de Saladin, rendent probablement aussi compte du style qu'aura plus tard 'Imad al-din al-Isfahani38. Les auteurs de ce genre concoivent sans doute l'histoire comme integree 'a la litterature et veulent y etaler toute leur virtuosite. Cependant il ne faut pas exagerer: outre qu'ils sont peu nombreux, ils ne conqoivent jamais, du moins avant l'epoque mamluke leurs acrobaties litteraires comme devant ni masquer, ni fausser les faits concrets qui sont le sujet de leurs exposes. Naturellement chaque auteur dans le detail a ses habitudes de style quelquefois influencees par la langue courante locale, et surtout la fidelite avec laquelle il reproduit citations et documents aboutit dans les cas extremes 'a une mosaique de styles plutot qu'a un style. L'indifference 'a l'appret litteraire se traduit dans la simplicite des titres, si tant est que les premiers auteurs en aient meme toujours donnes. Par la suite certains titres s'orneront 'a la maniere litteraire alors en progres, le premier exemple fameux etant celui des Prairies d'or de Mas'itdi, mais bien plus tard encore des ouvrages aussi importants que ceux d'Ibn al-Atir ou Dahabi s'appelleront simplement al-Kamilfi'l-ta'rih ou Ta'rih al-Islam.

Comme dans toutes les disciplines l'un des soucis premiers des auteurs etait forcement de se procurer au moins un exemplaire d'un des ouvrages ou avaient ete traites avant eux les sujets qui les interessaient. Cela etait un peu plus facile qu'en Europe parce que la diffusion du papier et l'extension d'une certaine culture 'a des milieux aises plus larges avaient fait multiplier les copies des ouvrages repondant 'a leurs curiosites. Et comme en Europe les voyages ft talab al-'ilm ((pour chercher la science?) permettaient de combler certaines lacunes. N'exagerons pas cependant: il est facile de constater que dans l'ensemble, meme pour des matieres d'interet general comme le droit, la litterature, bien souvent, se frag- mentait en ecoles regionales. A fortiori pour l'histoire, oui ce qui interesse auteurs et lecteurs colle plus a la region petite ou grande, et oiu il est frequemment impossible de trouver des exposes de ce qui s'est passe

36 Voir supra p. 151. 37 Voir infra p. 161. 38 Voir infra p. 173 et 179.

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[27] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 159

ailleurs, d'oui une certaine disproportion entre les ecrits emanant des grands centres bien informes et ceux dont 1'horizon se borne 'a leur petit terroir. On comprend aisement aussi que de volumineux ouvrages aient ete bien moins copies, quelle qu'en fuit la valeur, que des opuscules meme mediocres, et par consequent d'acces beaucoup plus malaise. Les hasards du commerce, de la guerre, voire des malhonnetetes individuelles etaient parfois cause que les volumes successifs d'un meme ensemble ne se trouvassent point au meme endroit; et il arrivera 'a certains auteurs de preciser ce qu'ils en savaient. On comprend facilement dans ces condi- tions que pour nous-memes les ouvrages les plus importants aient ete quelquefois les plus longs a decouvrir.

Les auteurs ne nous ont guere dit comment ils avaient eu acces aux ouvrages qu'ils allaient utiliser. Quelques uns, tres riches, multipliaient les achats de livres; le plus souvent ils les lisaient dans des bibliotheques de princes, de mosquees, plus tard de madrasas. Ils pouvaient y entrer comme maitre ou etudiant d'un maitre, ou avaient pu copier tant bien que mal ce que le maitre lisait et dictait. D'autres fois ils avaient obtenu d'un prince la faveur de l'acces a sa bibliotheque privee. I1 resultait de cela que les textes dont ils allaient se servir resultaient pour eux parfois moins d'un choix competent que du hasard d'un fonds. Cependant des auteurs s'efforcaient de faire savoir a leur lecteurs ce dont il fallait en principe faire usage, et ce dont en fait ils s'etaient servi.

Un ouvrage une fois compose mettait forcement un certain temps a etre vraiment connu, et beaucoup ne l'etaient jamais que dans un petit cercle sur un manuscrit unique. Cela dependait du nombre des copistes, lie a la reputation de l'auteur et 'a ses possibilites de paiement. I1 peut etre utile de considerer les delais et les aires de diffusion, et nous en reverrons un ou deux exemples. On peut etre aide dans ce genre de recherche par l'examen des certificats de lecture souvent apposes a un manuscrit par ses utilisateurs ou proprietaires.

Naturellement, a cote de l'historien travaillant directement sur la matiere premiere, il continue a y en avoir d'autres racontant le passe. Ces derniers ne semblent pas avoir jamais fait de recherches d'archives, a supposer qu'elles aient ete possibles dans des regimes qui ne devaient pas les conserver tres longtemps39; on ne voit pas non plus qu'ils se soient interesses aux inscriptions epigraphiques ni, sauf exception, aux

39 On conservait des documents financiers, qui ont pu servir par exemple dans les histoires des vizirs, mais cela n'interessait pas les auteurs d'exposes evenementiels.

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160 CL. CAHEN [28]

monnaies40. Leurs sources consistent donc dans un ou plusieurs ouvra- ges legues par les generations anterieures. Bien souvent ils se contentent d'un guide principal, quitte 'a inserer quelques additions ponctuelles. En general on distingue les informations tenues d'un temoin par voie orale, introduites par haddatana/(un tel) m'a raconte, et les citations d'ceuvres ecrites, couramment introduites par qala/il dit. Mais il faut prendre garde a eviter un contresens: a premiere vue on pourrait etre tente de considerer l'auteur ou les auteurs ainsi cites comme la source principale du compilateur, alors que c'est frequemment le contraire. Certes un auteur comme Tabari nomme toutes ses sources pour tous les evene- ments; d'autres auteurs, sans changer de guide, peuvent distinguer les passages oui ils le resument de ceux ou ils tiennent a le citer textuellement. Mais bien souvent le guide principal, precisement parce qu'il ne change pas, n'a pas besoin d'etre nomme, ou l'a ete une fois pour toutes, et lorsqu'on rencontre un autre nom c'est qu'il s'agit d'une addition occasionnelle d'autre origine ou d'une variante exceptionnelle41.

On a deja a propos de Tabari evoque la question de l'objectivite des historiens. Le ton est toujours neutre, jamais polemique; et lorsqu'il nous est possible de verifier une citation, elle est honnetement reproduite. I1 est cependant difficile de croire qu'a des degres divers, nos historiens soient indifferents aux problemes de leur temps et par consequent aux conclu- sions que le lecteur pourra tirer de ce qu'ils lui ont expose du passe. Ils peuvent donc omettre ce qui leur parait devoir l'orienter dans un mauvais sens. Cela est evident pour les premieres guerres civiles de l'Islam mais cela est non moins vrai pour les historiens posterieurs, ainsi que cela a ete clairement montre par l'analyse comparee qui a ete faite4lbis des histoires de Damas d'Ibn al-Qalanisi et d'Ibn'Asakir.

* *

Si primordiale qu'elle soit, l'historiographie iraqienne n'est pas unique et ne resume pas toutes les aeuvres. Le morcellement politique plus ou moins pousse selon les moments, le desir des princes regionaux d'etre celebres, encouragent la naissance et l'essor d'une historiographie regio- nale ou locale. De toute maniere les dimensions du monde musulman

40 Ce n'est pas a dire qu'ils ne se soient pas interesses a l'histoire monetaire, mais ils le font d'apres leurs sources ordinaires et rarement d'apres l'examen de monnaies reelles.

41 Naturellement les quelques auteurs cherchant a faire l'histoire la plus universelle possible doivent selon les periodes et les regions juxtaposer plusieurs guides principaux.

4lbiS Cf. Th. Bianquis, Bibliographie.

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[29] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 161

confronte'es aux moyens de communications du temps rendent utile de disposer, comme pour d'autres disciplines, d'exposes d'histoire adaptes aux besoins et aux idees des lecteurs de chaque pays. Dans le cas de l'Iran ce processus aboutira pour l'historiographie comme pour d'autres genres a l'abandon de l'arabe au profit du persan. On a vu que rapidement il avait ete fait en cette langue une traduction de Tabari: a vrai dire un abrege ou des extraits oui l'on a laisse tomber ce qui offre peu d'interet direct pour l'Iran. C'est, il est vrai, en arabe que sont ecrites les Histoires de Qumm et de Bukhara42. C'est en arabe encore qu'al-'Utbi ecrit, mais dans une langue d'ecole artificiellement fleurie pour un prince qui ne la comprenait pas bien, sa Vie, ou plutot son panegirique de Mahmud de Ghazna43. Mais c'est en persan que Bayhaqi donnera l'histoire des Ghaznevides suivants44.

En arabe restent normalement composees les histoires d'interet plus universel que pour le moment desirent encore avoir certains milieux iraniens, mais histoires dans lesquelles est accentue l'aspect iranien. Tel est le cas de celle du fameux ecrivain al-Ta'alabi, qui commence par l'ancienne histoire perse45 avant de traiter de la periode musulmane. Seuls ont ete retrouves jusqu'ici les volumes I et III, sur les quatre que contenait l'original. La paternite du troisieme, longtemps contestee, ne peut plus guere faire de doute46. Pour la periode traitee l'expose n'est guere qu'un demarquage de Tabari. Plus importante a notre point de vue est l'Anonyme publie par Gryaznevitch47, qui pour ce qui s'en est conserve ne depasse pas le debut du deuxieme siecle de l'hegire, mais qui date apparemment du debut du Xje. Comme al-Ta'alabi, l'auteur est un khurasanien. A la difference du pr&cedent, il a utilise, directement ou non, I'histoire abbaside originale attribuee a Ibn Nattah48 ou quelque ceuvre apparentee, qui devait survivre dans sa region. Voir aussi ce qui a ete dit plus haut des dictionnaires locaux.

42 Voir supra p. 156. 43 I1 faut encore se contenter de l'edition, avec commentaires de Manini, Le Caire 1869.

L'aeuvre a d'ailleurs e rapidement adaptee en persan par Manini, d'oiu la traduction anglaise de Reynolds, 1858.

44 Et les histoires de Qumm et de Boukhara seront elles-aussi bient6t traduites en persan. C'est en persan que Gardizi ecrit sa breve mais substantielle histoire des dynasties de l'Asie Centrale, Zayn ul-ahbdr, Md. M. Qazvini, 1930.

4S Ed./trad. Zotenberg, Paris 1900. 46 Voir la these de Sorbonne de Khayati (1975). 41 Ed. fac-simile et commentaires, Moscou, 1967, Arabskii Anonim. 48 Voir supra. Pour le dernier representant de l'historiographie arabe en Iran voir infra,

ch. III p. 174.

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162 CL. CAHEN [30]

L'historiographie en Egypte, apres des tatonnements de type hadit et ahbar, avait eu un beau debut avec les freres Ibn 'abd al-Hakam (supra p. 139-40) mais il ne s'y etait agi encore que des temps des debuts de l'Islam ou, dans le cas de la Vie de 'Umar b. 'abd al-'Aziz d'un episode geographiquement plus large, mais chronologiquement tres reduit, et evoque pour des raisons de reaction anti-abbaside49. Il ne semble pas que l'idee se soit fait encore jour de suivre l'histoire de l'Egypte dans les generations suivantes. Elle a dfu apparaitre pendant la periode oiu l'Egypte a acquis une autonomie momentanee avec les Tulunides, mais meme l'histoire de ceux-ci n'a ete ecrite qu'au IVeixe siecle, par al- Madani, Ibn al-Daya et al-Burlawi al-Madinl, peut-etre encouragee par les Ihsidides 50. C'est en gros dans cette periode aussi qu'ecrivent Ibn Yfunfis, que nous ne connaissons que par citations, al-Kindi qui nous a expose l'histoire des gouverneurs et des cadis d'Egypte 51. A cheval sur la fin des Ihsidides et les debuts des Fatimides ecrira Ibn ZuIlaq, que nous retrouverons.

C'est d'autre part en Egypte presque certainement qu'est composee la Continuation de Tabari par al-Fargani, sous les Ihsidides. Nous ne la connaissons que par des citations dont les plus importantes se trouvent dans le K. al-'Uyuin wa7l-haqadiq compose par un anonyme au siecle suivant. De cet ouvrage nous ne connaissons que deux volumes, l'un traitant des annees 86/705-227/848 publie depuis un siecle, l'autre des annees 256/870-350/961 publie recemment par 0. Saidi 52. Cette derniere partie consiste essentiellement en une combinaison d'emprunts 'a Miska- wayh et a al-Fargani. L'origine egyptienne de l'ouvrage a l'epoque fatimide est encore soulignee par la connaissance, certes limitee, mais exceptionnelle en Orient, qu'a l'auteur de l'histoire du Maghreb ou du moins de l'Ifriqiya53.

L'installation des Fatimides donne a l'Egypte une independance cette fois totale et durable, qu'accompagne naturellement une historiographie autonome. C'est au temps du deuxieme calife, al-'Aziz, qu'ecrit Ibn Zfilaq54; son histoire qui a probablement la forme d'annales ne nous est pas directement parvenue, mais est la source principale des auteurs

4 Voir supra p. 139. 50 G.A.S., 357; G.A.L., 149 et suppl., 220. 'I Ed. Guest, 1912.

52 Ed. De Goeje et De Jung, Fragmenta Historicorum Arabicorum, 1879-1881; 0. Saidi, 2 vols, Damas, 1972, 1973.

53 D'apres les biographies d'Ibn al-Gazzar; voir infra p. 168. 5 Ibn Zuilaq, voir E.I.2, G.A.L., Becker Studient etc. Ibn Muyassar et Maqrizi.

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[31] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 163

posterieurs, jusqu'a et surtout Maqrizi. La releve est prise par al- Musabbihi, qui, membre de la famille fatimide et haut officier du regime, en ecrit une histoire plus ou moins officielle. Celle-ci se presente sous la forme d'un journal, comme celle de son contemporain Hilal al-Sabi et de ses prdecesseurs, sans qu'il y ait apparemment 'a supposer d'influence, mais 'a cause de la parente d'organisation archivistique. Comme pour Hilal, l'ouvrage etait donc volumineux, et la difficulte d'en tirer quelques idees d'ensemble explique sans doute qu'il n'en ait peut-etre jamais existe plus d'un exemplaire; et il n'est pas sur que meme ainsi l'ouvrage ait survecu jusqu'a Maqrizi au complet55. Le volume contenant les deux annees 417-418 existe a l'Escurial, sans que nous puissions savoir s'il y en avait d'autres la avant l'incendie du XVIIe siecle. Malgre son grand interet il avait ete relativement neglige jusqu'a ces tout derniers temps, ou il vient d'etre edite par Thierry Bianquis et A. Fuad Sayyid56.

Au milieu du Ve/XIe siecle travaillait en Egypte al-Qudal'i, iranien d'origine, d'obedience doctrinale incertaine. La reputation qu'il eut s'accorde mal avec la nature des opuscules qui nous sont seuls parvenus sous son nom. Mais Maqrizl dans son Itti"az atteste avoir tire grand profit d'al-Qudd'i pour ses renseignements archeologiques et pour l'histoire en general de l'Egypte de cette periode 7.

Nous avons vu que pour l'histoire ancienne les historiens de langue arabe avaient utilise un ou deux anciens ouvrages pehlevis traduits pour eux. Pour les premiers siecles islamiques il n'est ecrit qu'en arabe, rien ne l'est en persan. Plus tard des auteurs arabes seront traduits en persan, et il naitra et croitra une historiographie persane. On constate que meme alors rienx ne sera traduit en arabe. Meme les auteurs de langue arabe et de naissance iranienne negligeront les ouvrages d'histoire en persan, a de tres menues exceptions pres. Si bien qu'il se constitue deux lignes paralleles de documentation, qui s'ignorent et ne s'interpenetrent pas.

Dans les pays semitiques et en Egypte, le processus est different. Si la langue syriaque se maintient sur le plan litteraire, la masse des habitants adopte I'arabe comme langue courante; quant aux Coptes, qui n'avaient eu de litterature que limitee, ils s'arabisent vite presque totalement. Le

ss II a sans doute et utilise encore au VIIe/XIIIe siecle par Ibn Muyyasar, que connaitra Maqrizi.

56 Damas, 1980, 2 vols.; et par I'americain W. Milward, Le Caire, 1980, id., moins bonne mais qui inclut les vers omis par les deux autres auteurs; ceux-ci sont maintenant publies par Husayn Nassar, Le Caire 1984, comme partie 2 de 1'ed. Bianquis.

" Itti'az, vol. II, an 440.

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grec de meme reduit a des Hlots disparait meme chez les fideles de 1'Eglise <<melkite>>. L'historiographie syriaque subsiste, connait meme un dernier et remarquable essor aux XIIe et XIIe siecles chez les monophysites, dans les regions de haute Mesopotamie oui les chretiens forment des communaute compactes; en Iraq, chez les nestoriens, il survit peu au XIe siecle. II y aura en arabe une historiographie nestorienne, mais limitee au domaine de l'histoire ecclesiastique 58. Chez les monophysites il y a au IVe/Xe siecle, la petite histoire universelle d'Agapius/Mahbub de Man- big59, dont, pour la periode islamique, les sources sont arabo-musul- manes, et qui n'aura d'ailleurs pas d'heritiere. Beaucoup plus remarqua- ble est l'historiographie arabe chretienne d'Egypte. Elle commence a peu pres avec Eutychius/Sacid b. Bitriq60, au IVe/Xe siecle, lui aussi auteur d'une histoire universelle vite reputee bien que relativement sommaire. Son neveu Jean/Yahya, de maniere beaucoup plus developpee, avait entrepris une histoire de son temps, lorsque la persecution d'al-Hakim I'amena a se rendre a Antioche, depuis quelques temps reconquise par les Byzantins. I1 savait ou apprit 1a le grec. De ces circonstances est issu un ouvrage original sans equivalent dans la litterature medievale. I1 y combine la connaissance du monde musulman dans sa partie fatimide et dans sa partie syro-mesopotamienne et iraqienne et du monde byzantin jusqu'a son domaine europeen. Le prestige de l'ouvrage qui, pour la Syrie, n'avait pas d'equivalent, le fit utiliser meme par les auteurs musulmans de ce pays. Le manuscrit qui nous I'a transmis s'arrete en 1028, mais les auteurs musulmans paraissent le connaitre jusqu'au milieu du siecle61. Le ton general de l'ouvrage est remarquablement laic, et il n'y avait donc guere de difficulte pour des musulmans a l'utiliser. I1 faut souligner que le fait d'avoir ete ecrit a Antioche ne 1'empechait pas de I'avoir ete en arabe, langue qui, meme apres la reconquete byzantine, restait 1a largement majoritaire62.

Le cas est exactement inverse pour l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie que composa, sur la base de biographies d'usage interne, Severe/Sawirus b. al-Muqaffa' en addition 'a 'histoire des patriarches de

S8 Voir infra p. 173. 59 Ed. Cheikho, 1912. 60 G.A.S., 329, Graf, 34-35. 61 Ed. Cheikho dans le C.S.C.O., et meilleur mais inacheve par Vasiliev et Kratch-

kowsky avec traduction dans la Patrologie orientale; I'edition de la suite est prevue. II y a peu d'historiographie syrienne; voir cependant dans Dahan, dans Lewis-Holt, op. cit.

62 La presentation de l'ouvrage est moins annalistique que celle de ses contemporains iraqiens.

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I'epoque chretienne byzantine; ouvrage qui devait etre apres lui continue de patriarcat en patriarcat jusqu'au XIIIe siecle. La multiplicite des auteurs et la diversite des patriarcats expliquent que les notices succes- sives aient une physionomie assez differente, les unes se cantonnant dans l'histoire ecclesiastique, temporelle et spirituelle, les autres lui associant des recits de l'histoire egyptienne generale. Plus tard il sera ecrit par des chretiens d'Egypte une ou deux histoires generales ne se distinguant des histoires musulmanes que par l'insertion aux dates voulues de notices sur les patriarches63. Les auteurs syriaques redigeront d'habitude deux histoires paralleles, l'une laique, I'autre ecclesiastique.

Un probleme particulier aux auteurs chretiens reside dans le besoin qu'ils ont d'utiliser une chronologie simultanement islamique et chre- tienne, celle-l'a dans 1'ere d'Alexandre chez les monophysites et dans celle des Martyrs chez les Coptes. Mais leur effort n'ira presque jamais plus loin qu'a indiquer la concordance des annees, sans meme se preoccuper du decalage entre les calendriers solaire et lunaire.

I1 est facile de comprendre que l'Arabie, presque toujours morcelee politiquement et meme confessionnellement, n'ait pu preter matiere a un expose d'ensemble proprement historique. Un interet special s'est par contre assez rapidement attache a l'histoire des Villes saintes et 'a celle de la region toujours importante et originale du Yemen. On a dit plus haut un mot des histoires de La Mecque, avec al-Azraqi 64, et ses successeurs65; nous sommes moins renseignes sur celles de Medine, dont nous n'avons que des citations dans des ouvrages de basse epoque66. Pour le Yemen, l'ouvrage le plus ancien du meme genre conserve est celui de 'Abdallah al-Razi67, pour Sanea. Mais il faut faire une place hors ligne l'aceuvre d'al-Hamdani68, lui aussi avant tout yemenite, mais qui ne dedaigne pas de regarder I'ensemble de l'Arabie69. On ne peut certes le definir comme un historien a proprement parler. Mais il melange histoire, geographie, genealogies tribales, antiquites preislamiques, etc. C'est un ouvrage de

63 Voir infra p. 178 et 189-90. 64 Voir supra p. 155. 65 Tels que Ibn Shabba (aussi auteur d'une histoire de Basra), al-Faqihi, etc., G.A.S.,

345-6. 66 En particulier SamhCidi. 67 A. Fuad Sayyid 104, debut XIIe siecle. L'edition recemment donnee de cet ouvrage,

imprimee a Damas, ne parait etre commercialement accessible qu'au Yemen. Sur l'ouvrage voir recemment I'article de G. R. Khoury dans Die Welt des Islams, XX, 1-2, 1980.

68 A. Fuad Sayyid 68; E.I.2. Al-Hamdani est aussi l'auteur d'un ouvrage sur les metaux precieux en Arabie, ed. Chr. Toll, 1972.

69 Lier a ce que nous avons vu plus haut d'al-Hisim al-Kalbi.

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haute qualite, dont on a pu reconstituer maintenant l'essentiel. L'auteur s'efforce entre autre chose de montrer le passage de l'ancien Yemen au Yemen musulman, bien qu'evidemment il n'ait plus pu lire les textes anciens, et n'ait dispose que de traditions d'epoque islamique, celles-ci du moins encore relativement fraiches.

Cependant on sait aussi qu'il s'est constitue au Yemen, dans des frontieres fluctuantes, une principaute de confession zaydite. Celle-ci alors a donne lieu a une litterature specifique consacree aux imams, 'a commencer par al-Hadi ila'l-Haqq70, dont des biographies ont ete composees par'Al' b. M. al-'Alawi et Abui Ga'far al-K ufi.

* *

L'Occident musulman a par rapport a l'Orient de particulieres specifi- cites, qui n'excluent ni des differences internes, ni tout de meme une grande parente dans l'evolution culturelle et la formation des genres litteraires. La conquete en ayant ete posterieure a celle de l'Orient et ayant ete le fait de groupes d'hommes detaches de 1'ensemble ethno- culturel du Proche Orient, il est comprehensible que les debuts de l'historiographie y aient ete un peu en retard sur ceux de l'Orient, qui pduvait cependant proposer des modeles. Les ouvrages qu'elle produit sont les uns propres a l'Ifriqiya ou 'a 'Espagne, d'autres communs a l'Espagne et au Maroc, que l'histoire a souvent associes, d'autres enfin a l'ensemble de l'Occident, dans la periode ofu les empires almoravide et almohade l'auront plus ou moins unifie.

Les premiers auteurs a s'etre soucies de l'histoire de l'Occident sont des Egyptiens, ce qui se comprend si l'on pense au role joue par eux (et les Syriens) dans l'occupation et l'organisation des nouveaux regimes. Ce sera encore plus tard aupres d'eux que les musulmans d'Occident iront rechercher les enseignements juridiques et historiques dont ils eprouve- ront alors le besoin. Rappelons seulement ici l'ceuvre d'Ibn 'Abd al- Hakam. Les rapports de l'Espagne avec la Syrie sont attestes par la connaissance de l'Orient que trahit la petite chronique latine dite Anonyme de Cordoue (milieu du VIIIe siecle). Par la suite, la coupure politique entre l'Orient et l'Occident se traduira dans l'historiographie occidentale par une indifference quasi totale a l'histoire de l'Orient apres la periode du Prophete; I'historiographie etait encore trop mal constituee

70 G.A.S., 346, A. Fuad Sayyid, 82-83. Des citations abondantes du premier ouvrage se trouvent dans le manuscrit faussement attribue, du moins en partie, a Muslim al-Lagi sur lequel voir infra p. 178.

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au moment de I'avenement des Umayyades d'Espagne, qui ne conser- vaient que vaguement les traditions de leurs ancetres de Damas.

Le premier historien ne en Espagne a s'etre interesse 'a l'histoire de ce pays, Ibn Habib, le fit encore 'a la maniere des traditionnistes. Dozy lui a fait une mauvaise reputation, qui est exageree. Au IVe/Xe siecle dans la periode de gloire du Califat de Cordoue, travaillent Ibn al-Qu'tiyya (fils de la Gothe) et l'auteur anonyme des Ahbadr magmu'a/(recits d')evenements rassembles qui s'interessent surtout aux hautes epoques. La petite continuation, recentree sur l'Espagne, que donne'Arib 'a Tabari temoigne de l'interet porte aussi 'a 'historiographie orientale, comme pourrait le faire plus largement al-Iqd al-Farid d'Ibn'Abdrabbihi. Et l'on voit apparaitre avec al-Faridi des dictionnaires comparables a ceux d'Orient71

Ibn Hazm, le poete philosophe, s'interesse aux genealogies tribales traditionnelles ainsi qu'a l'histoire des sectes d'un point de vue umayyade. Et Abd Allah, le dernier ziride de Grenade, ecrira ses Memoires 72. 1 reste que, d'apres les historiens musulmans posterieurs eux-memes, les premiers fondateurs d'une veritable histoire d'Espagne furent au Xe siecle les deux iraniens arabises immigres, Razi pere et fils, que les chretiens de langue latine devaient connaltre sous le nom de Moro Rasis 73. Pour nous l'auteur le plus important est, dans la premiere moitie du Xie siecle, Ibn Hayyan qui apres avoir plus ou moins mis au point des exposes monumentaux de l'histoire de l'Espagne musulmane, en a donne un condense encore large, le Muktabas, dont on a peu a peu retrouve et publie quatre volumes 7.

Nous n'avons presqu'aucun moyen de savoir en quoi ont pu consister les debuts de l'historiographie arabe en Ifriqiya, a fortiori au Maroc. Un prince aglabide, Mohammad b. Zyadallah, et un fils du grand juriste Sahnufn avaient ecrit sur la dynastie et son temps des ouvrages qui ont disparu et ne paraissent pas avoir ete grandement utilises par les auteurs posterieurs7 5. Sans doute un peu fortuitement, la plus ancienne chroni-

7' Pour toutes les references relatives a ces auteurs voir maintenant G.A.S., 361 et suiv. 72 Memoires de'Abd Allah le Ziride dans Andalus III 1935, IV 1936, et VI 1941. Sans

doute faudrait-il citer egalement ici al-Warraq, espagnol d'origine, auquel sont dus surtout d'importants renseignements historico-geographiques sur le Maghreb et le Sahara qu'utili- sera al-Bakri. On peut citer aussi Ibn Sa&id al-Qurtubi, auteur d'un int&ressant traite sur les divers peuples civilises, ed./trad. Blachere, <<Livre des categories des Nations>>, 1936.

73 G.A.S., 362 et Pellat dans Lewis-Holt. 74 Vol. I, Levi-Provencal et 'Abd al-Hamid al-'AbbAdi (Alexandrie, 1950), vol. II, 3,

Antuna (Paris 1937), vol. III, Garcia Gomez (Madrid 1950), IV, Chalmeta, 1979. 7 Zyadallah et le fils de Sahnfin: Talbi <<Aghlabides... >, p. 9-10.

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que conservee, a vrai dire assez courte, est celle consacree aux Rus- tamides kharidjites ibadites de Tahert (Algerie occidentale) vers la fin du IXe siecle par un nomme Ibn Sagir76 qui n'etait d'ailleurs probablement pas de leur obedience doctrinale. L'avenement des Fatimides et plus tard leur retrait sont sans doute responsables de la disparition de quelques ouvrages anterieurs a eux ou contemporains. Le K. Iftitah al-Da'wa77 de leur grand docteur le Cadi al-Nu'man est un ouvrage capital pour les debuts de la dynastie, mais ne va pas plus loin. La Sifra78 de l'ustad Gawdar n'est guere en fait qu'un recueil, d'ailleurs fort precieux, de sa correspondance officielle. Aux yeux de la posterite, Ibn Khaldufn compris, le fondateur veritable de l'historiographie maghrebine est, au debut du Ve/Xle siecle, Ibn Raqiq de Qayrwan. Sous le nom de celui-ci, on a publie recemment une fraction d'oeuvre concernant une partie des Aglabides79; si la parente de ce texte avec Ibn Raqiq est certaine, son authenticite directe n'est pas prouvee 8. D'Ibn Raqlq dependent Ibn Hammad et Ibn al-Abbar; Ibn Saraf le continue. Abfu Salt continue Ibn Saraf81.

II ne semble pas qu'il y ait eu de vraie historiographie en Sicile bien que d'autres branches de la culture arabo-musulmane y aient ete representees. Amari a releve des informations dans la chronique dite de Cambridge, qui attend une identification. C'est pour un des princes de l'Espagne morcelee du Xle siecle qu'un peu plus tard ecrit sur le Maghreb le geographe historien al-Warraq, dont l'aeuvre perdue sera utilisee bientot par al-Bakrl, lui conserve82.

II semble que les Maghrebins aient plus vite attache d'importance a la litterature biographique. Temoins les Tabaqat d'Abufl-'Arab83 a la fin du vijIe siecle et, entre autres sous les premiers Zirides, une partie au moins de l'oeuvre perdue du docteur Ibn Gazzar84, qu'ont utilisee divers auteurs maghrebins posterieurs ainsi que l'Anonyme des 'Uyun cites supra85. De ce siecle, avant l'unite almohade, citons deja encore ici un ouvrage auquel nous devons, nous, attacher un interet particulier, l'Histoire de Qayrwan

76 Ibn Sagir, G.A.S., 356. 7 Ed. Dachraoui, Tunis 1975. 78 Ed. Kamil Hussein, Le Caire 1954, trad. Canard, Alger 1958. 7 Tdrih Ifriqiya wal-Magrib, &d. M. Kaabi, Tunis 1968. 80 Talbi dans Arabica XIX, 1972. 81 Idris, La Berberie orientale sous les Zirides, p. XV-XVII. 82 Voirsupra p. 167 n. 72. 83 Ed. Ben Cheneb, Alger 1920. 84 G.A.L., 238 et suppl. I, 424. 8 'Uyuin, p. 162.

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de'-Abd-al-'Aziz ibn Saddad, qui a vrai dire couvrait l'histoire de l'Ifriqiya entiere probablement depuis la conquete arabe. L'ouvrage pour le moment ne s'est pas retrouve, bien qu'il ne soit pas impossible qu'il existe encore en Orient. L'auteur a la fin de ses jours avait dfu emigrer en Syrie, il y avait emporte son manuscrit et presque tout ce que les historiens orientaux sauront de l'Ifriqiya jusqu'au debut des Almohades viendra de lui, depuis Ibn al-Atir86 et de son disciple Ibn Hallikan a Nuwayri et meme Ibn al-Furat a la fin du xive siecle87.

Du Maroc rien ne nous est parvenu avant le Vle/XIIe siecle. S'il y a dans une certaine mesure une historiographie propre a chaque

region, il peut y avoir aussi tendance a ce qu'il y en ait une par communaute politico-ideologique. Mais il faut ici distinguer: ces com- munautes desirent, comme tous les groupements d'autres genres, avoir leur repertoire de docteurs et d'autorites. Ainsi aurons-nous des diction- naires ibadites, shi'ites, mu'tazilites etc. Mais pour ce qui est d'une veritable histoire de la communaute, elle n'est realisable specifiquement que si les adeptes n'en sont pas trop disperses et meles aux autres; elle s'impose plus ou moins par contre dans le cas d'une organisation politique, et alors se confond partiellement avec l'historiographie regio- nale. Nous avons parle en ce sens du Yemen, du Maghreb central, des Qarmates; il y a eu, nous dit-on, un historien des Zen's88. Les Fatimides, avant la constitution formelle de leur Etat, ont une pre- histoire que raconte, on l'a vu, le Qadi Nueman. Celui-ci ne parait guere avoir ete connu en dehors des milieux isma'iliens; par contre cette histoire avait ete racontee aussi par un certain Ibn ahi Muhsin, que la plupart des historiens d'Orient paraissent avoir utilisee (le plus longue- ment Ibn al-Dawadari)89

On voit facilement, par tout ce qui precede, combien, comme nous l'avons suggere deja plus haut, la consideration de l'histoire penetre dans de nombreux secteurs de la vie culturelle et sociale. I1 en resulte naturellement qu'il y a des exposes historiques dans des ouvrages de genres tres divers.

86 L'ouvrage avait ete repere par Ibn Zafir (cf. infra) mais qui n'en avait fait qu'un usage reduit.

87 'Abd al-'Aziz b. Saddad, E.I.2. 88 II n'y a pas d'historiographie proprement dite des Kharidjites d'Orient; cependant

beaucoup de traditions evidemment kharidjites se trouvent, a une epoque un peu anterieure a Tabari, dans le Kdmil et le Fddil d'al-Mubarrad, 1lre ed. Wright, Leipzig 1864. G.A.L., 109, suppl. I 168. II n'y a d'historiographie ni des Nusayris ni des Druzes.

89 Vol. VI, ed. Roemer, 1960.

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Les tenants des diverses ?sectes> e'prouvent naturellement le besoin de connaitre leur histoire ou plutot une histoire idealisee. Ce d'sir donne naissance a un genre que nous dirions agiographique, celui des mandqib qui se developpera a mesure que croitront les congregations placees sous l'invocation d'un saint patron ancien; mais des les temps classiques on a entre autre une Vie d'al-Hallag90. La comparaison de la Sira de 'Umar b. 'Abd al-'Aziz9', politique mais historique, dont il a ete question plus haut, avec les manaqib composes trois siecles et demi plus tard par Ibn al- Gawzi92, permet de suivre et de mesurer le chemin parcouru de l'un a l'autre meme dans un cas relativement <(laic>>. Par ailleurs les sectes exaltent leurs martyrs ou leurs simples victimes: ainsi AbuYl-Farag al- Isfahani dans sa jeunesse ecrit-il un inventaire des Alides mis a mort, les Maqa-til al-Talibiyyin 9 3

Nous ne pouvons deborder sur tous les genres, mais les frontieres de l'histoire sont vagues. D'autre part il n'est pas peut-etre inutile d'evoquer la place qu'occupent l'histoire et la culture historique dans des disciplines ou des genres litteraires peripheriques. On se bornera a faire allusion au tafsir, afortiori lorsqu'il est entre les mains d'un historien comme Tabari, ou a des commentaires d'autres genres comme, chez les shicites, celui du Nahg al-balaga par Ibn ab;'l-Hadid94, qui puise d'ailleurs abondamment dans Tabari. Allusion aussi a l'adab et a ses variantes comme les historiettes d'al-farag ba'd al-Nidda par Tanufhi ou analogues. Allusion encore aux recueils de poesie dont les pieces citees peuvent parler histoire et ou elles sont souvent precedees de notices explicatives.

Sans doute faut-il insister un peu plus sur un autre genre, celui des siyar ou siyasat al-muluk. A vrai dire, on l'a vu, c'est toute l'histoire qui, traitee par certains auteurs, est une vaste siydsa 9. De format plus reduit, les nombreux opuscules de ce genre, de tradition surtout perse, et qui sont destines en principe a la formation illustree des princes, se compo- sent surtout d'historiettes dont on peut tirer des conclusions educatives: les unes sont imaginaires, mais d'autres sont puisees au materiau de l'histoire. Certes il n'y a la aucune recherche de recit historique suivi ni

90 Pour tout ce qui concerne al-HallIg, voir Massignon La Passion d'al-Halladj, 2' ed., Paris 1978.

91 Voir supra p. 139, 143 n. 30 et 162. 92 Voir infra p. 172. 93 Ed. A. Saqr, Le Caire 1949. 94 Voir E.I.2 s.v. 1s Voir supra p. 139.

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[39] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE .171

date, et la maniere dont ces historiettes sont narrees n'est pas tout a fait celle qu'aurait un historien: mais il est interessant de constater que la vertu educative est tenue pour renforcee si elle s'appuie sur un recit considere comme reel.

III. Periode post-classique

Le milieu du XIe siecle marque dans l'historiographie, comme dans la production culturelle en general, une coupure due aux bouleversements politiques qui, non seulement modifient les frontieres mais donnent le pouvoir a une aristocratie etrangere aux traditions, voire souvent a la langue arabe. L'historiographie resiste cependant mieux que d'autres genres, parce que la matiere s'en renouvelle naturellement sans qu'il y ait besoin d'un effort de renouvellement intellectuel.

Les malheurs du califat, de l'Iraq et de Bagdad, expliquent la mediocrite et le retrecissement d'horizons de la production historique avant le redressement relatif de la fin du XIIe siecleI. On2 nous dit qu'apres al-Hamadani (supra)3 vinrent al-Ragunl (surtout pour des biographies?), puis le hanbalite Ibn al-Haddad dont nous ne connaissons directement rien. La maniere dont bientot un historien de la valeur d'Ibn al-Atir cite globalement parmi ses sources les <<Iraqiens>> suggere bien qu'il y en avait plusieurs, mais se recopiant probablement les uns les autres, sans qu'aucun s'en detachat vraiment4. I1 faut cependant men-

1 Sur 1'ensemble de cette periode, voir Cl. Cahen, Syrie du Nord... p. 48, et <<The Historiography of the Seljuqid Period?, p. 59-78, dans Lewis-Holt.

2 Voir De Slane dans sa traduction d'Ibn Halliqan, I, 290. A vrai dire l'identite de I'auteur ou des auteurs designe(s) sous ce nom par les

utilisateurs posterieurs de ses (ou de leurs) ouvrages est incertaine. Le chroniqueur du XVe siecle al-'Ayni, pour la periode qui nous interesse ici, juxtapose des paragraphes succincts empruntes a la petite chronique d'al-'Azimi et d'autres de meme caractere de M. b. 'Abd al-Malik qui peuvent difficilement appartenir au meme ouvrage que la continuation de Tabari vue precedemment. Par contre les recits circonstancies donnes par Ibn al-Furat, exceptionnellement sans nom d'auteur, sur les evenements mesopotamiens du debut du VIe/XIIe siecle, qui ressemblent de tres pr&s a ceux d'Ibn al-Atir, pourraient d'autant mieux etre attribues a al-Hamadani, qu'ils se limitent au debut du siecle apres lequel s'arretait, nous le savons, son Histoire. Du meme caractere sont les quelques extraits conserves par Sibt b. al-Gawzi (periode de Maliksah), Kamal al-din, et autres indiques dans mes travaux precites.

4 Entre autres citons pour la fin du Ve/XI' siecle le cadi al-Simnani, auteur d'une chronique arrangee mois par mois, Syrie du Nord p. 72, n. 1; Baba al-Qasi, G.A.L., 220, et art. de Serjeant. Dans un tout autre genre G. Makdisi a exhume une sorte de journal d'un religieux bagdadien, Ibn Banna.

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tionner au milieu du siecle l'encyclopediste Ibn Hamdun, qui au dou- zieme et dernier livre de sa Tadkira, donne un expose valable et circonstancie d'histoire generale dont il a peut-etre reuni les materiaux aussi en Syrie s. C'est probablement a la demande d'un prince syrien qu'a la meme epoque l'iraqien exile al-Imrani composa le resume d'histoire califale qui nous est parvenu6.

A la fin du siecle paralt un ouvrage plus important, mais dont les limites sont d'autant plus symptomatiques. Ibn al-Gawzi etait un docteur de cette ecole hanbalite qui se developpait alors en Iraq et un peu en Syrie. Predicateur qui enhousiasmait les foules, auteur d'ouvrages de genres tres varies fourmillant de renseignements et d'observations pole- miques sur la vie religieuse, morale et sociale, ecrivain infatigable, il nous a donne entre autres un gros ouvrage historique, le Muntazam, qui est une volumineuse histoire du monde musulman jusqu'a son temps . La premiere moitie demarque normalement Tabarl, et la suite fait de meme de ses continuateurs; mais il y ajoute de plus en plus, sur la vie et les conflits sociaux-religieux de Bagdad, des developpements empruntes a des informateurs hanbalites et a son experience personnelle. L'extreme inegalite des chapltres et des paragraphes donne l'impression d'un ouvrage un peu bacle et inacheve; de toute facon ce qui est caracteris- tique est la reduction de l'horizon 'a Bagdad ou au plus aux affaires l'interessant directement; a peine y a-t-il deci dela quelques mots sur la lutte contre les Croises. Tel quel le Muntazam n'a guere ete utilise par les auteurs posterieurs que grace a l'insertion plus methodique qu'en a faite le petit-fils de l'auteur, $ibt b. al-Gawzi dans son Mir'at (voir infra). Du point de vue de la technique de l'expose le Muntazam se presente a nous comme le premier exemple d'un genre qui devait ensuite se repandre largement, et qui consiste en l'addition chaque annee aux evenements de notices necrologiques sur les notables decedes. Les materiaux de ces notices sont empruntes au grand dictionnaire biographique, mais classes la en ordre chronologique au lieu de l'etre alphabetiquement. Le Muntazam a ete continue pour les demie'res annees du siecle par al- Qadis;, que connaissait Sibt, mais qui est perdu.

Par ailleurs, le prestige du Ta'rih Bagddd a encourage une lignee d'auteurs a en donner des continuations atteignant leur temps: d'abord

I Une edition de la periode seldjuqide en a e preparee comme these de Sorbonne par Ismet Kayaoklu.

6 Ed. Samarra'i 1973, Al-Inbd'fl ta'rih al-Hulafd. 7 Voir E.I. 2.

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[41] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 173

Sam'ani au XIe siecle, puis Dubayti parallelement, Ibn al-Naggar au XIII . Sam'ani d'autre part est l'auteur d'un remarquable ((outil de travail>>: la multiplicite des noms d'auteurs connus seulement par leur nisba (nom d'origine) rendait de plus en plus difficile de les distinguer et d'identifier les lieux d'oiu ils tiraient leur nom; Sam'ani dans son Kitab al- ansab donne un repertoire general que l'on peut aussi 'a certains egards rapprocher de dictionnaires geographiques, mais en ajoutant pour chaque localite les noms des plus importants auteurs qui en avaient tire leur nisba8.

La communaute chretienne nestorienne, de son c6te, s'interesse a son histoire ecclesiastique desormais redigee en arabe par Mari b. Sulayman et des continuateurs9.

I1 est assez surprenant de constater que les Grands Seldjuqides n'ont eu de leur temps, ni en arabe ni meme en persan, de veritables historiens specifiques; leur histoire ne nous est en fait accessible qu'au travers soit de l'historiographie iraqienne subsistante, soit d'ouvrages, de l'une ou l'autre langue, posterieurs au milieu du XIIe siecle et l'un d'eux au moins redige hors de leur domaine propre 'a la demande d'un prince se rattachant tout au plus a leurs traditions. De cette derniere histoire seldjuqide l'auteur, 'Imad al-din al-Isfahani, que nous retrouverons, avait fait sa carriere dans les pays arabes de Mesopotamie et de Syrie mais etait de naissance un iranien, ce qui lui permettait, bien qu'il n 'ecrivit qu'en arabe, d'utiliser indifferemment, fait assez exceptionnel, des sources des deux langues: pour les premiers temps la litterature iraqienne, pour la suite les memoires du vizir persan Anushirvan, pour la fin les informations contemporaines qui lui etaient accessibles en Syrie. Ainsi qu'on le reverra, son style trop fleuri decourageait les lecteurs ordinaires, tout en enthousiasmant les specialistes; c'est pourquoi son compatriote egalement bilingue al-Bundari donne de l'ceuvre une version alle'gee, la seule qui ait 'ete' publie'e10.

L'autre histoire generale des Seldjuqides en arabe qui nous est parvenue, les Ahbar al-Salguqiya dufe a un ou probablement deux auteurs mal determinesI 1, est en tout cas sous sa forme definitive originaire d'Iran du nord-ouest, ofu l'arabe restait plus courant. Elle a du' etre ecrite

8 Ed. fac-simile Margoliouth dans Gibb Memorial Series; &d. imp. en cours. ' Ed. Gismondi, Rome 1903, reedition Rome 1980. 10 Ed. Houtsma, Leyde 1888, vol. II. Al-Bundari, que nous retrouverons tout a l'heure,

avait traduit par ailleurs en arabe le Shdhndmeh. " Lewis-Holt, 69-71; voir aussi Madelung, Yemenite manuscripts...

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174 CL. CAHEN [42]

pour un atabek d'Azerbaydjan, et a en tout cas des informations propres a cette province. C'est a ces deux ouvrages arabes que les historiens ulterieurs ignorant le persan ont duf l'essentiel de ce qu'ils ont su des Seldjuqides du XIIe siecle'2*

Sans doute est-ce ici aussi le lieu de citer les Masa'rib al-Tagarib qu'Ibn Funduq (Alu b. Zayd al-Bayhaqi)' , l'auteur de la tres remarquable petite Histoire de Bayhaq en persan, composa, cette fois en arabe, comme suite aux Tagarib de Miskawayh. Ibn al-Atir connaissait encore l'ouvrage, mais nous n'en savons rien d'autre.

Desormais si l'arabe reste en Iran utilise pour la religion et le droit, il n'y aura plus d'ouvrage historique en Iran autre qu'en persan. Sans doute est-ce encore en arabe, langue que ses hautes fonctions aupres de Galal al-din Mangubertil l'obligeaient a savoir, qu'al-Nasawi ecrira peu apres 1230 la remarquable biographie de son maitre defunt; mais c'est que les aventures de celui-ci lui avaient fait trouver la mort en pays arabe, ofu l'auteur, qui s'y etait fixe, ecrivait maintenant pour des lecteurs et commanditaires 4 arabophones.

L'image de la Syrie est assez differente. Plus morcelee politiquement que jamais, au moins dans sa moitie septentrionale, elle a, dans chaque centre, de petits milieux litteraires oiu maints petits notables se targuent d'ecrire, et souvent ecrit d'histoire, mais dans un horizon strictement local. Cet emiettement, et sans doute souvent aussi des aspects de style dialectal, expliquent que la posterite n'ait a peu pres rien conserve des ouvrages dont nous ne connaissons que les noms dans de rares et maigres citations d'auteurs posterieurs 15. La demiere grande histoire redigee en Syrie est celle de Yahya d'Antioche, qui paradoxalement l'a composee en

12 Ainsi que le contenu du Malikndmeh qu'un anonyme avait compose en persan pour Alp-Arslan sur les origines de la dynastie. Les Ahbdr ont e edites par Moh. Iqbal, 1933. Des le temps de Toghrol Beg un certain Ibn Hassul avait presente au sultan, en priant qu'on le lui traduisit, un opuscule en arabe destine, en refutation du Tdai d'Abui Ishaq al-Sbi, a exalter les qualites des Turcs; ed. dans Belleten, 1943. Mentionnons pour l'Iran du nord- ouest le pot-pourri de Mas'fid b. Namdar etudie par Cl. Cahen et Minorsky dans J.A. 236, 1949 (reproduit dans le recueil des Variorum Reprints consacre a Minorsky); et l'histoire de Bab al-Abwab transcrite plus tard par Munaggim Basi, voir Minorsky, A history of Sharvan and Darband in the 10th-ilth century, 1958.

13 Lewis-Holt, p. 58. 14 Ed. trad. Houdas, 1895 et H.A. Hamdi, Le Caire 1953; trad. russe par Bunyatov,

1973; Nasawi connaissait le Kdmil d'Ibn al-Atir, mais n'a guere eu a s'en servir. II Voir a cet egard, en general, mon ouvrage, La Syrie du Nord... p. 38-68, et Sami

Dahan, <<The origins of syrian historiography>> dans Lewis-Holt, Historians of the Middle East. La disparition de ces ouvrages peut etre due aussi au fait que leurs auteurs, petits personnages sans protection princiere, ne disposaient pas de beaucoup de copistes.

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[43] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 175

milieu chretien byzantin; mais, on le rappelle, il etait d'origine un chretien d'Egypte, et il ecrivait en arabe, langue devenue d'ailleurs presque aussi usuelle 'a Antioche que dans les provinces musulmanes 16.

Aussi bien sa chronique a-t-elle ete connue des auteurs syriens, grace auxquels nous savons qu'elle debordait sensiblement la duree du manus- crit conserve (462?). Ensuite, il faut attendre un siecle ou plus pour retrouver rien de notable. Tout au plus peut-on, sans pretendre a l'exhaustivite, citer quelques noms: par exemple Abfu Galib al-Ma'arrl 17,

de l'illustre famille de Ma'arrat al-Nu'man qui avait donne dans la premiere moitie du Xle siecle le grand poete Abu^ 'ala' al-Ma'arrl; et dans le premier quart du VIe/XIIe siecle Hamdan b. 'Abderrahim auquel avait ete due une histoire des Francs au milieu desquels il avait exerce la medecine 8. Un peu plus tard, nous rencontrons deux auteurs apparemment plus importants, mais dont les ceuvres maitresses n'en ont pas moins elles-aussi disparu: 'Ali b. Munqid de l'illustre famille des Munqidites dont nous reparlerons tout a l'heure, et al-'Azimi. II est probable que la chronique de 'All b. Munqid est a la base de diverses informations de chroniques posterieures'9, mais elle eut assez vite la reputation d'etre mal faite, et sans doute avait-elle des relents de shi'isme: d'ofu sans doute sa non conservation. D'al-'Azimi nous avons conserve une chronique sommaire d'ailleurs utile20, mais il en avait compose une beaucoup plus grande souvent citee entre autre dans la Bugya de Kamal al-din b. al-'Adim (voir infra); il donnait le point de vue d'un alepin sans affichage d'appartenance religieuse particuliere 2. Enfin il y a exceptionnellement lieu de descendre ici jusqu'a la fin du VIe/Xiie siecle, oiu la petite chronique connue sous le nom de Bustan parait bien se rattacher encore a ces familles d'auteurs alepins ou syriens du nord22.

Different est le tableau de la Syrie centrale et meridionale a pareille epoque, sans doute en raison de l'unite relative que lui avait donnee la domination fatimide et que lui conserverent pendant un demi-siecle les Atabeks de Damas. Dans ce domaine nous ne connaissons a vrai dire

16 Voir supra p. 164. 17 Syrie du Nord... p. 44 et n. 3. 18 Syrie du Nord... p. 41-42. Deja au XIIIe siecle, il n'etait plus possible de trouver de

son histoire plus que quelques feuillets epars. '9 Probablement le Bustdn cite infra. 20 Edition de la periode 455-535 par nous-memes dans le Journal Asiatique, 1937; la

partie anterieure encore plus sommaire a e connue par Mukrimin Halil dans son Histoire seldjuqide (en turc), Istanbul 1934.

21 Syrie du Nord... p. 42-43. 22 Voir mon edition dans B.E.O., 1937: Bustdn al-gdmi' li-gami' Hawddit al-Zaman.

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176 CL. CAHEN [44]

qu'un ouvrage, mais de premiere importance, la Chronique de Damas oui Ibn al-Qalanisi raconte l'histoire de sa vie et de sa province du milieu du IVe siecle a 555/1160. La grande valeur documentaire de l'ouvrage n'empeche pas l'auteur d'oublier certains episodes genants23.

Enfin on peut rapprocher de ces groupes l'histoire de Mayafariqin d'Ibn al-Azraq al-Fariqi dans le Dyar Bakr, dont la chronique impor- tante existe en deux versions qui ont jusqu'ici pour leur dernier siecle (jusqu'en 572/1176-77) decourage les editeurs24.

I1 est evident que toutes celles de ces chroniques qui se limitent pratiquement a la periode de la vie de l'auteur reposent essentiellement sur des sources orales ou l'experience propre de celui-ci. Tel est aussi bien le cas des demieres sections des chroniques qui remontent, elles, a un passe plus lointain. Particulierement remarquable est a cet egard la chronique damasquine du haut fonctionnaire Ibn al-Qalanisi, tres vi- vante dans sa narration souvent de style influence par le dialecte. Par contre, bien entendu, pour les periodes anterieures, cette chronique, comme celles d'Ibn al-Azraq et probablement d'al-Azimi, avait des sources litteraires plus ou moins connaissables25; et par endroit les auteurs ont pu avoir acces a quelques documents d'archives.

On ne sait oiu classer la famille des Munqidites, dont plusieurs membres taquinerent Clio, parmi lesquels 'Ali (voir supra). Son plus illustre representant Usama (488-584), est l'auteur d'un ouvrage unique en son genre pourtant reste inconnu de toute la tradition arabe, mais aujourd'hui fameux, le Kitdb al-ittibar26, <Instruction par les exemples>>: Usama y egrenne sans aucun souci de chronologie, avec beaucoup de

23 Edition Amedroz, Leyde 1908; trad. angl. H.A.R. Gibb, The Damascus chronicle of the Crusade, 1932 (avec quelques lacunes), trad. franc., Roger Le Tourneau, Damas de 1075 d 1155. Exemples d'episodes omis dans Syrie du Nord... p. 38. Excellente analyse comparee avec Ibn'Asakir par Thierry Bianquis, op. cit.

24 Quelques extraits publies par Amedroz en notes a son edition d'Ibn al-Qalanisi, par Minorsky, B.S.O.A.S., 1948 XII/4; et quelques autres. La section relative aux Marwanides, utilis&e par H. Brown a e publiee recemment par B.A.L. Awad, Beirut, 1974. I1 y a aussi des citations d'Ibn al-Azraq dans Sibt b. al-Gawzi; voir infra, seul auteur de nous connu a l'avoir utilise, encore que dans un texte un peu different.

I1 est possible mais non certain qu'il ait existe une histoire de Mossul. 25 Amedroz, qui recherchait des manuscrits de Hilal al-Sbi, s'etait imagine que la

Chronique de Damas dont le titre commence par le mot payl... ocontinuation)), reposait sur Hilal, mais cette opinion n'est plus soutenable (voir mon article dans les Melanges Gibb, 1965).

26 Premiere edition par H. Derenbourg, Paris 1893, avec traduction francaise. Nouvelle trad. franc. Andre Miquel, 1983; plusieurs edit. trad. en d'autres langues europeennes, en anglais Hitti.

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[45] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 177

spontaneite, les souvenirs d'une vie mouvementee qui I'avait promene, parfois dans des conditions romanesques, de son pays natal Shayzar sur l'Oronte au Dyar Bakr, puis en Egypte sous les derniers Fatimides pour aboutir en dernier lieu au service de Saladin; on s'est particulierement interesse aux souvenirs concernant ses rapports de petites guerres et de petites amities avec les Francs de l'Orient latin dans les deux ou trois decennies suivant la premiere Croisade.

Dans le genre biographique, Ibn Asakir a dote la ville de Damas d'un immense dictionnaire, emule de celui dont al-Hatib avait dote Bagdad au siecle precedent, et meme un peu plus ouvert que lui sur les aspects non religieux de la vie. Au siecle suivant la tendance sera encore plus marquee, dans la Bugya d'Ibn al-'Adim dont on reparlera27.

On peut signaler ici aussi les fadd'il de Jerusalem composes dans l'ambiance de la reconquete de Saladin.

L'historiographie du deuxieme siecle fatimide nous est tres mal connue. D'une part il semble que le declin du regime ait decourage la production d'oeuvres majeures; d'autre part la catastrophe de la conquete ayyubide finale entraina sans doute la perte, la disparition ou la dissimulation d'aeuvres dont quelques-unes seulement devaient reappa- raitre, sinon pour nous, du moins pour certains auteurs d'epoque mamluke tardive. Deux histoires plus ou moins generales du regime paraissent avoir mene une existence parallele mais mutuellement inde- pendante. Nous ne savons rien de celle qu'avait ecrite vers le milieu du Xlle siecle un auteur connu seulement par son titre de cour, al- Muhannak, si ce n'est qu'elle a ete la source principale d'Ibn Zafir a la fin du siecle et encore d'Ibn Muyassar au debut du regime mamluk28; aucun auteur posterieur n'en parle plus. C'est le cas inverse pour celle d'Ibn Tuwayr qui joint a un recit assez detaille des evenements du XIe siecle jusqu'a la conquete ayyubide un expose methodique et approfondi des institutions du regime defunt telles que devaient les connaitre selon lui les nouveaux maitres; tel est sans doute le sens du titre Nuzhat al-maqlatayn fi ahbar al-dawlatayn. Aucun auteur posterieur n'en parle, malgre son considerable interet, avant la fin du XIVe si,cle; a ce moment il semble bien que, sans la citer explicitement, Ibn Khaldufn l'utilise, et Ibn al- Furat, particulierement large dans le choix de ses sources, lui fait des emprunts considerables d'oui il tire l'essentiel de ses connaissances sur

27 I n'y a pas encore d'edition complete. 28 Voir mon article dans le Bulletin de lInstitut francais d'archeologie orientale, 1937.

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le deuxieme siecle fatimide. Ainsi feront apres lui Maqrizi et Ibn Tagribirdi; puis le silence retombe sur lui avec le declin de l'historio- graphie egyptienne a tel point que, jusqu'a une epoque recente, on ne savait meme plus quand avait vecu l'auteur29.

L'accroissement du pouvoir des vizirs d'Egypte au detriment de celui des califes explique que l'on voit eclore des monographies sur al-Afdal, al-Maemufn al-Batihi, Talai' b. Ruzzik 30, plus ou moins liees aux rivalites politiques, mais riches d'enseignement sur la vie administrative. Elles etaient encore accessibles au temps de Maqrizi, mais aucune ne parait s'etre directement conservee jusqu'a nous. A cote de ces monographies, il faut citer, plus sommaire mais plus generale, I'Histoire des Vizirs du haut fonctionnaire de chancellerie du debut du XIIe siecle, Ibn al-Sayrafi3l.

L'historiographie chretienne de langue arabe en Egypte se continue, non seulement dans l'Histoire des Patriarches d'Alexandrie, mais avec un ouvrage special qu'explique l'immigration armenienne: celui d'Abfu Salih sur les Eglises d'Egypte32*

I1 a naturellement existe sous les Fatimides comme ailleurs des dictionnaires biographiques, dont Maqrizi pour son Muqaffa' pourra encore tirer quelques profits33.

La periode fatimide correspond au Yemen a la domination des Sulayhides, vassaux plus ou moins fideles, qui n'exclut pas la persistance de noyaux zaydites et d'une communaute shafi'ite. Cette derniere est representee par le dictionnaire biographique de 'Umar b. 'Ali b. Samura al-Ga'di34. Les deux autres groupes ont chacun leur litterature35; on citera ici seulement la chronique, de contenu mal determine, de Muslim al-Lagi36 et celle plus litteraire du poete Umara37.

29 Cl. Cahen, art. cit. 30 Un opuscule sur Dirgham a e utilise par Ibn al-Furat, voir Annales Islamologiques,

1974. 31 Al-Isdra ild man ndla 'I-wizdra, ed. A. Mukhlis, BIFAO, XXV, 1924. Mentionnons

aussi le resume d'histoire fatimide d'al-Rawhi, et le nom du Hafiz al-Silafi, traditionniste shafi'ite de souche iranienne etabli pendant deux tiers de siecle a Alexandrie, de qui beaucoup d'auteurs paraissent tenir ce qu'ils savent du passe de l'Egypte (y compris d'Ibn 'abd al-Hakam).

32 Ed. trad. Evetts, The churches and monasteries in Egypt, 1895. 33 On a publie recemment le dictionnaire abrege d'al-Mundiri d'epoque ayyubide, mais

qui remonte au passe fatimide. 3 Ed. Fu'ad Sayyid, Le Caire 1957. 3S Voir Ayman Fu'ad Sayyid, op. cit. Sources... 36 Voir W. Madelung, <<The identity of two yemenite mss.?) dans J.N.E.S. 32, 1973,

p. 179. 37 Ed. trad. H. Cassels Kay, Londres 1892; cf. H. Derenbourg, 1904.

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[47] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 179

Le prestige de Saladin et le fait que, au milieu de princes turcs, il etait, lui, de culture arabe, ont contribue a grouper autour de lui un cercle d'ecrivains. Nous avons deja parle de 'Imad al-din al-Isfahani a propos de l'histoire des Seldjuqides qu'il avait d'ailleurs ecrite en Syrie apres son entree au service de Saladin. Mais presque toute son ceuvre est destinee a ecrire l'histoire de ce prince. La piece maltresse en est le Barq al- Sdm/l'Eclair syrien, histoire de la carriere de son heros, tenue a jour et continuee jusqu'a la fin du regne, incluant donc le recit de la reconquete de Jerusalem et de la Syrie/Palestine sur les Francs et la resistance a la troisieme Croisade. Le style est ce qui pouvait paraitre digne du Sultan celebre, mais qui, on l'a vu, etait aussi bien celui de son histoire seldjuqide. Il ne faudrait cependant pas croire que les fioritures nuisent au souci de l'exactitude, qui n'est pas contestable. En outre, l'auteur, principal redacteur de la correspondance de son maitre, en donne complaisamment de tres nombreux exemples, qui ont pour nous valeur d'authentiques documents de chancellerie. La posterite a considere le Barq comme la source fondamentale de l'histoire de Saladin, a tel point que les auteurs posterieurs la demarquent presque a l'exclusion de toute autre. La reputation de 'Imad comme styliste n'etait pas moindre; neanmoins il devait a cet egard fatiguer les copistes, car nous n'avons conserve de son original que trois morceaux38, et l'ensemble avait ete abrege par le meme Bundari que nous avons vu au travail sur l'histoire seldjuqide. De cet abrege meme il n'a ete retrouve que quelques annees (tout recemment)39. Et ce qu'on a presque toujours connu est l'arran- gement fait au siecle suivant par Abu^ Sama (voir infra).

De cette aeuvre fondamentale 'lmad al-din a detache un opuscule particulier consacre a la prise de Jerusalem; directement mieux conserve en raison de ses dimensions plus modestes et de l'importance de son sujet40. D'autre part ayant survecu neuf ans a son maitre il avait compose, en deux livraisons successives, une continuation du Barq, qu'Abfu Sama nous a conservee. I1 avait par ailleurs compose une

38 Deux analyses par H.A.R. Gibb dans <<Al-Barq al-Shami the history of Saladin by the Katib 'Imad al-din al-Isfahani>>, WZKM LII, 1953; le troisieme dans une bibliotheque marocaine (communication d'al-Shayyal vers 1960).

39 Ed. Shoshen, Beyrouth 1972; cf. mon article dans Outremer, Me1anges Prawer, 1983. 40 Al-Fath al-Qussi fi'l-Fath al-Qudsi, ed. Carlo de Landberg, Leyde 1888; trad.

partielle et etude par Jorg Kraemer, Der Sturz des Konigreichs Jerusalem, Wiesbaden, 1952; trad. fran4. par Henri Masse, mise au point par Ch. Pellat, 1972.

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180 CL. CAHEN [48]

anthologie de poetes de son temps, dans la tradition de la Yatima de Ta'alabi, agrementee de notices sur ces poetes et leurs poemes41.

A cote de 'Imad al-din il faut citer son collegue et ami connu sous le nom de al-Qadi al-Fadil qui bien qu'egyptien de naissance, se plaisait aussi aux acrobaties stylistiques qui devaient contribuer a la gloire de leur commun maitre. On trouve dans le Barq autant de citations de la correspondance officielle d'al-Fadil que de celle de 'Imad al-Din. Par ailleurs, al-Fadil, plus specialement attache a l'administration interieure, tenait en ordre, comme plus ou moins toutes les chancelleries, un journal des evenements et des decisions, auquel il desira donner forme publiable: tache dans laquelle il fut aide par l'historien Abfu Galib al-Saybani, connu pour un abrege et une continuation de Tabari. Le journal de chancellerie d'al-Fadil etait encore accessible au temps de Maqrizi42. De sa correspondance un certain nombre de manuscrits nous sont parvenus, qui donnent des selections diverses43.

Tout different, sinon dans l'objet du moins dans la maniere, est le Cadi originaire de Mossul Baha' al-din b. Saddad. Celui-ci, qui devait plus tard etre le vizir venere des heritiers de Saladin 'a Alep et venait d'ecrire un traite sur la guerre sainte, etait entre au service du prince qui l'incarnait. I1 decida d'en ecrire la biographie. L'ouvrage qui, lui, nous est parvenu directement en meme temps que dans la compilation d'Ab u Sama, n'est pas moins bien informe que ceux de ses illustres emules, mais est au contraire d'eux, remarquable par la sobriete du style qui ne nuit pas a4 la densite du contenu44.

La periode consideree correspond en gros a l'apogee de la secte des Assassins en Syrie. Nous n'en avons pas conserve d'histoire generale emanant d'elle, mais du moins avons-nous une biographie, a vrai dire tardive et semi-legendaire, du grand maitre contemporain de Saladin, Sinan45.

Si le morcellement politique encourage les histoires locales, la succes- sion des dynasties ou, chez certains esprits, le maintien d'un interet pour

41 Sur al-'Imad en general voir le plus recemment E.I. 2. 42 Syrie du Nord... p. 52. 43 Voir Helbig, Al-Qddi al-Fddil, Berlin 1909, a completer par la these de Sorbonne,

1980, de Hafsi. 44 Ed. trad. franc. dans Les Historiens des Croisades, Orientaux III; trad. angl. Conder,

1890. - Parmi les auteurs secondaires plus ou moins lies a Saladin citons encore Ibn Dahhan,

Syrie du Nord... p. 54. 45 Voir Stanislas Guyard dans J.A. 1877.

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[49] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 181

la communaute musulmane dans son ensemble, encourage une nouvelle forme d'ouvrages. Certes, on pourra essayer de combiner dans un expose chronologique 1'expose des evenements du monde musulman tout entier: tache difficile dont nous ne verrons qu'un seul veritable exemple reussi. Dans la mesure oiu l'on pouvait se referer 'a des histoires speciales de princes ou de dynasties ou du moins 'a des histoires regionales, le plus commode pour la documentation etait de simplement mettre bout a bout dans un recueil general des histoires particulieres. C'est un peu ce qu'avait fait des les environs de 500/1100 Baba al-Qasi. C'est plus clairement ce que fit peu apres l'auteur du Mugmal al-tawdrih 46 persan. Dans le domaine arabe un excellent exemple est donne a la fin du Vle/Xle siecle par al-Duwal al-Munqata'a/Les dynasties separees d'Ibn Zafir al- Azdi47. Plus largement c'est la formule qu'appliqueront plus tard des esprits aussi larges que Nuwayrl, Rasid al-din (en persan) et meme Ibn Khaldufn.

I1 faut ici croyons-nous attirer l'attention sur un genre de chroniques que, par assimilation a des homologues a Byzance comme d'ailleurs dans les autres litteratures d'Orient et d'Occident, nous appellerons les <<Chroniques breves>>. II va de soi qu'entre le public indiff6rent et les specialistes, il pouvait y avoir des gens interesses a la lecture de resumes historiques, et meme des savants desireux de pouvoir consulter vite des especes d'aide-memoire. Pour cette categorie d'utilisateurs il faut com- poser des extraits ou epitomes qui, certes, peuvent difflicilement etre consideres comme des ceuvres litteraires, mais qui tiennent leur place dans la diffusion de la culture historique; il nous montre a tout le moins ce que les auteurs jugeaient le plus utile de faire connaitre a leurs contemporains. Il est bien evident aussi que pour l'historien moderne il est rare qu'ils apportent des informations qu'il ne possede pas par ailleurs; il ne faut cependant pas eliminer le cas oiu ils peuvent avoir conserve des lambeaux de sources perdues48. Ces chroniques breves ne sont pas elles-memes toutes analogues; il en est qui ont l'air de notes elementaires qui ne peuvent vraiment etre comprises qu'a la lumiere de ce qui a ete appris ailleurs plus explicitement49; d'autres operent des

46 Ed. Bahar, Teheran 1936. 4 Le chapitre relatif aux Fatimides a &te edite par A. Ferre pour l'IFAO en 1974. Sur

les Seldjuqides, chapitres recemment decouverts, voir Madelung, voir article cite n. 12 et mon article dans Lewis-Holt, p. 59.

48 Voir par exemple les premieres annees du Bustdn donne par moi dans le BEO, 1937; peut-etre comportent-elles des souvenirs de l'histoire perdue de'AlI b. Munqid.

4 Voir la suite (inedite) de ce meme Bustdn ecrite par al-Gazari vers 1300. Voir mon article dans S.M. Stern Memorial Volume (Israel Orient. St II, 1972).

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182 CL. CAHEN [50]

selections mais conservent a ce qui a 'te choisi le caractere d'un expose suivi lisible". Les auteurs de ces chroniques breves sont souvent les memes que ceux de chroniques plus developpees; souvent, lorsque la chronique breve est posterieure a l'ouvrage plus long de l'auteur, ils allongent le recit des dernieres annees51. I1 ne faut d'ailleurs pas croire que la chronique breve soit toujours le resume de la chronique longue; il y a dans une certaine mesure deux lignes d'ouvrages independantes et la chronique breve peut prendre la suite d'autres chroniques breves ante- rieures sans reference aux ouvrages plus developpes de l'auteur; la chronique breve est parfois anterieure parfois posterieure a la chronique longue 52. L'apparente multiplication des chroniques breves a l'&poque post-classique temoigne peut-etre d'une certaine democratisation de cette forme de culture53.

L'epoque des Ayyubides est pour l'historiographie syro-djazireenne un siecle de gloire, qui se continuera sous les premiers Mamluks, mais alors en parallele avec une historiographie egyptienne qui finalement prendra la premiere place. C'est que la place de la Syrie dans l'histoire generale du Proche-Orient acquiert une signification internationale, c'est vers elle que regarde les derniers arabophones d'Iran pour qui Bagdad n'est plus le meilleur centre, vers elle aussi que se tourne ceux d'Occident, d'Espagne surtout, decourages par la Reconquista chretienne. Certes il y a aussi l'Egypte, mais, outre que l'activite des souverains qui la possedent en commun avec la Syrie, se deroule surtout dans cette province, la chute du regime fatimide et l'accaparement de toutes les bonnes places par les nouveaux venus de la proche Asie porteurs d'autres traditions retardent le developpement d'une culture egyptienne commune, qui ne se realisera que sous les Mamluks.

Le premier auteur capital que nous rencontrons est encore en un sens un survivant du siecle precedent. Ibn abi Tayyi etait le dernier represen- tant d'une grande famille shieite d'Alep, qui avait vu cependant la plupart de ses coreligionnaires se convertir au sunnisme officiel. II devait a son pere une abondante documentation directe ou puisee aux petites chroni-

50 Par exemple Dahabi dans ses Duwal. sl C'est le cas de la chronique breve d'Ibn abi'l-Dam. 52 Ibn Wasil a ecrit son Ta'rlh Sdlisi avant son gros Muffarig; Ibn abi'l-Dam sa

chronique breve apres sa chronique longue; Ibn al-Nazif a copie toute la premiere partie de sa chronique breve sur le Bustdn, al-Makin b. al-'Amid la sienne jusqu'a la mort de Saladin, sur le Ta'rih Sdlihi d'Ibn Wasil.

53 Naturellement il y avait peu de raisons de recopier, s'il y en avait eu, des chroniques breves des anciennes epoques.

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[51] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 183

ques locales dont nous avons parle. Ses Ma'adin al-dahab/Mines d'or sont une histoire universelle du monde musulman, qu'a quelques extraits pres dans 'Izz al-din b. Saddad, nous ne connaissons a peu pres bien que pour le VP/XIP siecle. Ce qu'il dit des regions exterieures a la Syrie et dans une certaine mesure a l'Egypte n'est guere que le demarquage des sources usuelles connues, par exemple, pour les Seldjuqides, de 'Imad al- din, qu'il met aussi largement a contribution pour le regne de Saladin. Par contre il y a un interet considerable a ce qu'il nous apprend de l'histoire de la Syrie du Nord (pour Damas il s'inspire de 'Ibn al- Qalanisi) et de certains moments de l'histoire egyptienne. Cela est si vrai qu'un auteur comme le sunnite Abfu Sama, qui omet de nommer Ibn abi Tayyi dans l'enumeration liminaire de ses sources, ne peut s'empecher de le citer constamment dans l'expose qu'il consacre aux regnes de Nufr al-din et du debut de Saladin. Plus important encore pour nous est l'expose de l'histoire de la premiere moitie du VIe/XIIe siecle, bien qu'il ne nous ait ete conserve qu'a travers la chronique tardive d'Ibn al-Furat, longtemps negligee, et dont l'edition-traduction esperee n'a pas encore vu le jour.

Ibn abi Tayyi avait fait suivre son grand ouvrage d'une biographie du f'ils de Saladin qui gouvernait Alep, al-Malik al-Zahir, avec lequel il semble avoir ete en termes corrects. I1 avait rencontre Yaquft (voir infra) qui lui consacra une notice conservee par Safadi, mais qui a disparu surement non par hasard, des manuscrits de l'Irsad54.

La petite ville de Hama devait etre jusqu'au debut du XIVe siecle un centre historiographique notable, aboutissant au prince Abu'l-Fida. Le premier representant de cette lignee etait d'ailleurs deja un prince, Sahinsah b. 'Umar, neveu de Saladin et prince de cette ville. Son Midmar al-Haqadiq55 est en gros, pour la partie recemment retrouvee, un abrege de 'Imad al-din, accru de quelques traditions de famille et elargi a une documentation bagdadienne incertaine.

Le cadi Ibn abi'l-Dam, dont nous avons conserve un traite sur la fonction de cadi, avait par ailleurs compose une vaste histoire universelle, dont nous ne possedons malheureusement que de rares extraits 56, bien qu'un exemplaire complet paraisse en avoir existe a l'Escurial jusqu'a

54 Ibn abi Tayyi, voir Syrie du Nord..., et E.I. 2. ss Muh. b. 'Umar b. Sahingdh; ed. Habachi, 1968. 56 Par exemple dans la premiere partie du Muffarig d'Ibn Wasil, son cous

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184 CL. CAHEN [52]

l'incendie du XVIIe siecle5. I1 parlait lui aussi de Bagdad 58, et, semble-t- il, s'etait deci-dela interesse a la Sicile. II est l'auteur d'une chronique abregee, al-Ta'rih al-Muzzdfari59, dediee a al-Muzaffar de Ham&a, que nous possedons, mais qui n'a pour nous de valeur documentaire que pour les toutes demieres annees (voir infra). Elle etait posterieure a la grande Histoire, mais il n'est pas stur qu'elle s'en soit inspiree.

Ce sont encore des auteurs originaires de Hama qu'Ibn Nazlf et Ibn Wasil, ce dernier dont nous parlerons plus loin. Ibn Nazif, dont la carriere se deroula surtout au service du seigneur de Qal'at Gaebar, avait lui aussi, on ne sait trop sur la base de quelle documentation, redige une grande histoire et une histoire plus breve. La premiere est perdue et il n'est meme pas sur qu'elle ait jamais ete mise en circulation. La seconde, dont le manuscrit a ete recemment publie en facsimile 60, est tres succincte jusqu'au XIIe siecle, et repose la sur le Bustan (voir supra), mais la suite a une information originale, par exemple sur la Sicile et sur l'Asie Mineure turque61.

Mais le plus grand auteur de la periode est incontestablement Ibn al-Atlr, certainement l'un des quelques plus grands historiens arabo- musulmans. D'une famille aisee de Gazirat, Ibn 'Umar, qui donnait en meme temps deux freres, l'un vizir d'un petit Ayyubide, I'autre litterateur connu, il paralt n'avoir pas eu besoin de s'occuper de gagner sa vie, si ce n'est par les avantages que lui valut sans doute la faveur des Zenghides de Mossul dont il etait le fidele serviteur. I1 semble surtout s'etre preoccupe de mettre a la disposition de ses coreligionnaires des outils de travail leur fournissant les connaissances essentielles dont ils pouvaient avoir besoin. Certes cette preoccupation se nuance d'autres dans son Histoire des Atabeks de Mossul, qui a pour but de mettre en valeur Ntur al-din en face de Saladin62; mais c'est l'idee de depart du Kdmilfi'l-Ta'rih63, qu'il termina sous la protection de Badr al-din Lu'lu', heritier des Zenghides. Une grande qualite d'Ibn al-Atir est la clarte de son style, son souci de l'explication qui l'amene le cas echeant a assouplir ou deborder le cadre

" Voir ma note dans Andalus, 1962. 58 Par exemple aux origines de la futuwwa d'al-Nasir. 5 Le manuscrit que le vieux catalogue de Aya Sofya lui attribue est en realite une

chronique persane de la dynastie mongole muzaffaride du XIVe siecle! 60 Ed. Gryaznevitch, Moscou 1960. 61 Voir la Bibliotheca arabo-sicula d'Amari et l'article de H. Gottschalk sur la bataille

de Yasi Tshaman dans WZKM 1960. 62 Ed. Recueil des Historiens des Croisades, Orientaux II. 63 L'edition princeps par Tomberg, 1851-76, reste la plus usuellement citee.

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[53] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 185

rigoureusement annalistique de 1'expose. Ce qu'il a surtout de remar- quable est I'ampleur de sa documentation. Pour les epoques proches de la sienne, iH a forcement utilise les archives de Bagdad, de Mossul, peut-etre de Damas, etc.; il a d'autre part, surtout pour le domaine iranien (il ignorait le persan), interroge les marchands, les ambassadeurs. Pour les siecles anterieurs il a naturellement pris comme base Tabarl, mais en le completant a l'occasion et en en donnant un resume synthetique; nous ne pouvons savoir s'il etait en cela aide par des resumes anterieurs. Pour la periode du IVe au VP siecle H., il a connu la lignee des auteurs iraqiens dont nous avons parles, jusqu'au Muntazam. I1 y adjoint le syrien Ibn al-Qalanisi. Remarquable est surtout la large utilisation qu'il a fait le premier en Orient de sources occidentales, non seulement de'Abd al-'Aziz b. Sadd&d64, emigre a Damas, mais de 1'espagnol R&zi65. De tous il sait sans longueur extraire 1'essentiel et instituer eventuellement les confron- tations necessaires.

Dans le tiers de siecle qui suit Ibn al-Atir, trois auteurs capitaux sont egalement a citer. Sibt b. al-Gawzi, petit-fils par la fille d'Ibn al-Gawzi, et qui est comme lui un predicateur entraineur de foules, mais installe en Syrie au service des Ayyubides de Damas et rattache au madhab shafi'ite. Son Mir'at al-zaman66 est loin de montrer une intelligence egale au Kdmil, ce qui d'ailleurs lui laisse quelquefois echapper des renseigne- ments censures par ses predecesseurs67. II copie assez servilement ses sources, dont le Muntazam de son aieul, et il est particulierement precieux pour nous dans la periode 448-479 H. oiu il transcrit mot a mot l'importante ceuvre du fils de Hilal al-Sabi (voir supra)68. D'autre part, pour la periode de sa vie propre, il donne en detail des renseignements originaux sous la reserve de quelques emprunts au Memoires de son ami Sa'd al-din69. La plus grande partie de son ceuvre est centree sur l'Iraq oiu avaient ecrit les plus importants historiens70; mais epousant l'evolution

64 Filiation demontree par Brockelmann, Das Verkiltnis von Ibn al-Athir zu Tabaris... 1890.

65 Ibn Zafir a connu un manuscrit de cet auteur, mais ne I'a que tres sommairement mis a profit.

66 Ed. en helio-gravure, Jewett 1907; l'edition imprimee de Hyderabad repose malheu- reusement sur la precedente.

67 Le meilleur exemple de moi connu est le recit de l'intervention des Seldjuqides de Rum au secours des Fatimides en 1075.

68 Cette partie a ete &ditee par Ali Sevim, Ankara 1970, mais sans critique suffisante des manuscrits et avec omission des paragraphes (surtout Syrie et Egypte) qui ne lui paraissaient pas concerner l'histoire turque. Voir ma note dans Arabica 1972.

69 Voir infra p. 190. 70 I pr&cise qu'il n'a pu se procurer le demier volume de Hilal.

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186 CL. CAHEN [54]

generale, devient de plus en plus une histoire essentiellement syrienne qu'il continue jusqu'en 653, a la veille de sa mort. C'est lui qui introduisit en Syrie l'usage inaugure par son grand-pere d'ajouter a l'expose des evenements les principales notices necrologiques de l'annee, en y intro- duisant maladroitement le recit des evenements auxquels est liee la mort des chefs politiques, ce qui rompt l'expose; l'usage fera desormais tache d'huile a Damas d'abord, puis dans tout l'Etat des Mamluks. La repartition mecaniquement annalistique fera du Mir'at, plus que du Kdmil, la source preferee de beaucoup d'historiens posterieurs71.

Abu' Sama, autre damasquin, nous est connu par deux ouvrages: d'abord le K. al-Rawdatayn/Livre des deux jardins, dans lequel il expose l'histoire des regnes de Nu^r al-dln et de Saladin. Ce qui en a fait le succes est qu'il y reunit les versions de 'Imad al-dln (stylistiquement simplifie), d'Ibn Saddad, parfois d'Ibn abl Tayyi, d'Ibn al-Atlir sans parler des abondants extraits de la correspondance de 'Imad et de son ami al- Fadil72. Plus tard, il a ecrit une Continuation qui pour le debut s'inspire tres largement de Sibt b. al-Gawzi, mais devient ensuite beaucoup plus personnelle 73

Ibn Wasil, malgre l'existence de bons manuscrits aisement accessibles, a t relativement et injustement neglige jusqu'a il y a peu. Originaire de Hama, \mais etabli en Egypte sous le regne du dernier Ayyubide al-Salih, il avait compose d'abord pour ce prince une histoire generale atteignant l'annee de son avenement 635/1237. C'etait un resume et une continua- tion de Tabarl, peut-etre par intermediaire. Il ignorait encore le Kdmil. Le succes progressif de celui-ci et du Mir'at firent plus tard tomber cet ouvrage dans l'oubli, mais il eut son heure de notoriete, comme en temoigne par exemple l'utilisation fondamentale qu'en fit le chretien Ibn al-Amid 74. Ensuite Ibn Wasil se mit a composer, au lendemain de la chute des Ayyubides, une histoire generale detaillee de leur dynastie, le Mufdrrig al-kuruib, la source fondamentale pour l'histoire de cette periode. L'auteur, d'esprit ouvert, parle de sujets varies et ne s'interdit pas de deborder l'horizon politique de la dynastie. Son style est simple et clair. On comprend mal qu'il ait fallu attendre le milieu du present

71 Le Mir'at existe en deux versions qui ont embarrasse les auteurs de catalogues (voir ma note dans Arabica 1957): une version originale dont un grand nombre de feuilles ont et rapidement perdues, et une version un peu allegee par son continuateur Yunini.

72 Ed. 1387 H.; nouvelle ed. entreprise par Abbas Hilmy. Tres larges extraits et trad.

franq. dans Historiens des Croisades, Orientaux IV et V. 73 Ed. Le Caire, 1947. 74 Voir ma note dans les Meanges Ayalon, sous presse.

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[55] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 187

siecle pour entreprendre une edition, qui n'est pas encore achevee, et que seuls des extraits aient ete traduits en langue occidentale 7. I1 connait maintenant le Kdmil et la Zubda, mais doit 1'essentiel de sa documenta- tion, semble-t-il, a ses nombreuses relations.

I1 est interessant de se rendre compte des delais qui etaient necessaires a la diffusion d'une ceuvre historique a quelque distance de son lieu de composition. La continuation de Tabari par Fargani, aujourd'hui perdue, a ete en son temps connue en Egypte et en Syrie, mais ne parait l'avoir jamais ete ni au Maghreb ni en Iraq. Lorsque Ibn Wasil achevait en Egypte en 645/1247 son Ta'rih Sdli ifil ignorait encore le Kdmil d'Ibn al-Atir compose en 626, qu'il connaltra quinze ans plus tard pour son Mufarrig. Pour celui-ci il ne paralt pas avoir soupsonne l'existence du Mir'at al-Zamdn de Sibt b. al-Gawzi, acheve en 653; Sibt b. al-Gawzi de son cote avait connu l'histoire des Atabeks d'Ibn al-Atlir mais non le Kdmil. Et, on l'a dit, il se maintiendra pendant des generations des lignees distinctes d'historiens meme entre deux regions relativement aussi proches que Damas et Le Caire.

Pendant ce temps a Alep sont elaborees deux des ceuvres egalement interessantes de Kamal al-din b. al-'Adim et 'Izz al-din b. Saddad. Le premier, d'une grande famille autrefois shicite mais convertie au siecle precedent, est l'auteur de deux ouvrages connexes: la Zubda et la Bugya. La Zubda est une histoire evenementielle d'Alep et de sa region, de plus en plus developpee a mesure qu'on approche des temps de l'auteur. Pour le Vle/XIe siecle les sources sont a peu pres les memes que celles d'Ibn abi Tayyi, mais il les utilise autrement; il parait d'ailleurs avoir ignore son predecesseur shi'ite. L'expose est sobre, et les sources sont rarement nommees76. La Bugya est beaucoup plus ample, et l'on ne peut assurer qu'elle ait jamais ete terminee; a la fin du Moyen Age en tout cas, on ne disposait deja plus que d'une dizaine de volumes disperses. Nous en possedons neuf, dont un seul en double exemplaire. La Bugya se presente exterieurement comme les autres grands dictionnaires de villes, dont il apporte pour Alep en partie l'equivalent. Mais l'esprit et la methode sont tres differents. L'auteur fait aux princes et aux notables politiques une

75 Ed. Shayyal, 3 vols. 1945 et suiv.; suite par Rabie, 2 vols. parus, 2 autres attendus. Des extraits ont et traduits deja dans la Bibliotheque des Croisades de Michaud et Reynaud, puis par Blochet, en notes a ses traductions d'Ibn al-'Adim et de Maqrizi. J'ai souligne l'importance de l'euvre dans ma Syrie... 1940. Gabrieli lui a donne une place dans ses traductions d'historiens arabes des Croisades. Une traduction francaise est en cours par B. Halff.

76 Ed. Sami Dahan, 2 vols. Damas IFEA, 1948-68.

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188 CL. CAHEN [56]

grande place, et il rassemble la, en nommant ses sources, tous les materiaux qu'il synthetise dans la Zubda. Le premier volume traite de geographie et desfadd'il. La Zubda qui est depuis longtemps connue mais n'a ete que recemment publiee au complet, a 'te traduite en frangais de maniere inegale77. De la Bugya on reparle periodiquement de l'urgente necessite de donner au moins une edition phototypique de tout le manuscrit, puisqu'il est unique et d'ecriture lisible.

'Izz al-din b. Saddad qui, refugie en Egypte apres l'invasion mongole, devait y ecrire une histoire du regne du sultan Baybars, avait avant sa fuite d'Alep compose l'essentiel de son Ahldq. L'ouvrage, qui devait avoir des continuateurs, mais n'avait pas de precurseurs donne en trois parties une geographie historique et administrative de la haute Mesopotamie, ofu il avait exerce de hautes fonctions, de la Syrie du Nord avec Alep, dont il decrit tous les monuments, enfin, moins completement, de la Syrie du sud qui n'avait que tardivement ete unifiee politiquement avec Alep. Pour leg renseignements historiques generaux qu'il donne, il s'inspire largement d'Ibn al-Atir, qu'il continue jusqu'a son propre temps778; il connait aussi Ibn abl Tayyl. L'edition entreprise par morceaux n'est complete que depuis tres peu79.

Il n'est pas besoin de commentaires pour souligner le primat de la Syrie a cette epoque pour la litterature historiographique. Encore faut-il ajouter qu'elle voit paraitre des dictionnaires d'un type nouveau. Yaquit est surtout connu comme l'auteur d'un immense et precieux dictionnaire de toutes les localites citees dans la litterature historique, localites dont il rappelle plus ou moins l'histoire 80. Surtout il nous a donne dans l'Irdd8I un dictionnaire richement et intelligemment informe de tous les principaux representants passes de la vie des lettres et de l'esprit, d'apres des sources que nous sommes loin de toutes connaitre. A Alep travaille l'Egyptien de naissance Ibn al-Qifti, auteur d'opuscules historiques que

77 Zubda al-talabfl ta'r4h Halab. Dans les Historiens des Croisades, Orientaux III et par Blochet, dans la Revue de l'Orient latin.

78 C'est ainsi, je crois, qu'il faut le comprendre et non comme l'indication qu'il aurait compose une continuation du Kdmil dont il n'y a, en tout cas, aucune trace.

'9 Al-A'laq al-Hatirafi2ikr al-Sdm wa'l-Gazira; les parties syriennes ont e editees par S. Dahan, 3 vols. 1953-63, et la partie sur Alep traduite en frangais par D. Sourdel 1953, et le reste de la Syrie du Nord par Anne-Marie Edde-Terrasse, 1983. La section relative a la Djazira vient d'etre publiee, Damas, 1978, et a e analysee par moi dans la REI 1934.

80 Bulddn, premiere edition en Europe par F. Wiistenfeld 1866-73; autres ed. en Orient. 81 Mu'g'am al-udabd' al-musammd bi Irsad al-arib ild ma'rifat al-adib, 7 vols ed.

Margoliouth, Leyde 1907-26.

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[57] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 189

la conquete mongole devait disperser82, mais surtout d'une Histoire des Savants, mine de renseignements sur la vie scientifique depuis sa transmission des Grecs aux Arabes83. Au milieu du siecle, plus en detail mais limitee a un domaine professionnel unique, le damasquin Ibn abi 'Usaybiea compose une utile histoire des medecins, oiu il ne s'interdit pas les allusions a l'histoire generale84; il avait d'ailleurs lui aussi compose une petite chronique de son temps85. Enfin on ne saurait, bien que l'ceuvre n'ait ete terminee que vers 680/1280, ne pas mentionner ici pour finir le dictionnaire d'Ibn Hallikan, dans sa jeunesse eleve d'Ibn al-Atir; I'auteur y donne a l'intention d'un public cultive mais non specialiste une serie de notices sur les personnages historiques de toutes categories. La solide information en meme temps que l'art de choisir l'essentiel et l'agrement du style ont assure aux Wafayat un succes qui ne s'est pas dementi jusqu'a notre temps86.

* *

L'Egypte fait dans cette periode assez maigre figure. I1 semble qu'il faille tout de meme mentionner deux auteurs qui ont travaille sous les derniers Ayyubides et les tout debuts de l'epoque mamluke, qu'ils n'abordent pas dans leurs ouvrages. Ibn Muyassar, dont nous ne possedons, incompletement, I'histoire de l'Egypte que dans une copie de la main de Maqrizi, est pour nous precieux comme etant la seule source directement conservee de l'histoire des derniers Fatimides87. I1 con- tinuait jusqu'aux Ayyubides inclus mais l'existence pour cette periode de sources meilleures ou peut-etre utilisees par lui-meme, explique que nous en ayons la beaucoup moins de citations explicites. Al-Makin b. al-'Amld etait un chretien qui a redige une histoire generale de l'Antiquite et des temps islamiques, ceux-ci d'apres un resume de Tabari, peut-etre le Ta'rih Salihi d'Ibn Wasil. I1 donne beaucoup plus de details sur la

82 On lui attribue une histoire seldjuqide qui aurait existee a Kazar (d'apres Gibbons, Foundation of the ottoman Empire).

83 Ed. J. Lippert, 1903. 84 Ed. Aug. Muller, 2 vols, Le Caire 1882. 85 D'apres les citations qu'en donne Ibn al-Furat. 86 Premiere ed. trad. De Slane, 1842-71. 87 H. Masse, Annales dEgypte, 1921; nouvelle ed. A. Fuad Sayyid, IFAO 1982. Nous

ne savons pas clairement dans quelle mesure les lacunes du manuscrit sont de Maqriz; ou lui etaient anterieures; des conclusions pourraient etre atteintes par une comparaison avec Nuwayri, qui copie en general, pour cette partie, Ibn Muyassar. Voir mon article dans BIFAO, 1937.

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190 CL. CAHEN [58]

periode ayyubide, qui est celle de sa propre vie et ou il occupait des fonctions lui donnant facile acces aux archives d'Egypte. Comme on vient de voir, il se sert d'historiens musulmans, et ne differe d'eux que par la mention combinee des eres de l'Hegire et des Martyrs et par l'adjonction de notices sur les patriarches coptes. Ce caractere non confessionnel (sauf pour ces notices) explique qu'il ait 'a son tour ete demarque par des successeurs musulmans88.

Chretien ou musulman, on s'interesse au passe devenu legendaire de l'Egypte pharaonique. Nous nous bornerons 'a citer ici l'ouvrage edite et traduit au XVIWe siecle par Vattier sous le titre de l'Egypte du Murtuda, fils du Gaphiphe89, qui a dui sa reputation au fait que le manuscrit original a ete perdu et que l'auteur est reste non-identifie jusqu'a tout recemment90

Si les Memoires d'Usama restent uniques en leur genre dans la litterature historique arabe, la periode ayyubide nous a cependant legue plus ou moins completement trois Memoires dignes d'interet. Le medecin 'Abd al-Latif al-Bagdadi, qui ecrivit un peu en tous genres, a compose des sortes de Memoires pour servir 'a l'histoire de son temps, qui ne nous sont parvenus que fragmentairement dans les ouvrages de deux damasquins, Ibn abl Usaybi'a, dans l'histoire des medecins dont nous avons parlee, et Dahabi. Abd al-Latif n'a pas de pretentions 'a l'erudition historique, mais associe dans ses memoires des renseignements hautement person- nels et des exposes generaux91. Le prince malheureux al-Malik al-Naisir Daiwuid a laisse une correspondance que ses fils ont integree 'a une sorte de petits memoires posthumes92. Sa'd al-din Guwayni, de la famille des quatre fameux ?(fils du shaykh>>93 a raconte ce qu'il a vu aupres des Ayyubides; un certain nombre d'extraits figure chez Sibt b. al-Gawzl et Dahabi94.

L'historiographie yemenite qui connaltra de grands developpements

88 Voir I'article dans E.I. 2 sous al-Makin, et, pour ses rapports avec Ibn al-Rahib, I'article sur celui-ci. Ed. Erpennius 1625 jusqu'en 512; ed. trad. lat.; trad. franq. Vattier, 1657; ed. Cl. Cahen, ans 602-658 dans BEO 1958.

89 Redition avec commentaire par Gaston Wiet, 1969. 90 L'identification a e apportee par Youssef Ragueb dans Arabica XXI, 1973. 91 Ed. trad. Cl. Cahen dans Melanges Minorski et dans BEO 1970. 92 Une ed. a e preparee par S. Beheiry dans sa these de Sorbonne, 1970.

E.I. 2 art. Awlad al-Saykh. 94 Trad. Cl. Cahen dans Bul. Fac. Lettres Strasbourg 1950, reproduit dans ses Peuples

Musulmans.

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[59] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 191

dans les siecles suivants, se resume pour la periode ayyubide dans l'aeuvre d'al-Huguri95.

L'invasion mongole et la chute du califat de Bagdad ont fait disparaf- tre ce qui avait pu exister d'historiographie bagdadienne avant 656/1258. Le principal auteur a ete Ia Ibn al-Sa"i dont un fragment concernant les premieres annees du siecle a ete seul jusqu'ici retrouve et publie96. En gros l'auteur y juxtapose des exposes d'histoire generale empruntes surtout au Kdmil, et une chronique detaillee de l'histoire, surtout interieure, bagdadienne. II ne semble pas etre remonte au dela du califat d'al-Nasir. Un ou deux manuscrits de son aeuvre devait survivre au debut du VIIIe/XIVe siecle si l'on en juge par ce qu'en conservent Dahabi 'a Damas et Ibn al-Fuwati 97 en domaine mongol. On a vu d'autre part que l'on continue a Bagdad la composition du dictionnaire biographique, et que des histoires resumees du califat pouvaient tenter des auteurs de pays varies, tels l'Andalou Du'l-Riyasatayn b. Daya98.

La formation des empires almoravide et almohade, en donnant a l'Occident musulman, Andalus et Maghreb, une plus ou moins complete unite, cree peut-etre des conditions favorables a un certain elargissement de l'horizon historiographique. II est vrai que les ouvrages qui y sont composes sont en general encore plus ignorants des choses de l'Orient que ceux d'Orient des choses de l'Occident; a cet egard il n'est peut-etre tout de meme pas sans interet de voir l'Espagnol d'origine fixe a Tunis, al-Bayasi, s'occuper des revoltes au sein de la communaute orientale du meurtre de 'Uthman au regne de Harufn al-Rashid99. Cependant a mesure qu'en Espagne le domaine musulman se retrecit, nombreux sont dans 1'elite cultivee ceux qui emigrent en Orient; ainsi fera plus tard Ibn Khaldufn, ainsi fait au temps des Ayyubides le geographe-historien- litterateur Ibn Sa'Id dont le Mugrib, que l'on retrouve et publie par morceaux, est une des compositions historiques les plus originales et les plus ouvertes du temps 0

" Voir Madelung, The identity of two yemenite manuscripts, qui demontre aussi que un certain Muslim al-Lagi que l'on placait en ce siecle est en realite de la periode sulayhide. Voir supra n. 36.

96 Par Anastase Marie et Mustapha Djawad. 9 Ed. Must. Djawad, Bagdad 1351 H.; Ibn al-Sa'i avait aussi compose un opuscule sur

les femmes des califes. 98 Ed., Madrid. 99 G.A.S. I, 346-7. 100 E.L 2; c'est par son intermediaire que l'on connait la section d'Ibn Zflaq relative

aux Ihsidides, ed. Tallquevist. Le Mugrib avait e commence par le grand-pere et le pere de I'auteur qui le continua et le mit au point.

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192 CL. CAHEN [60]

En Occident on a decouvert en ce siecle la petite histoire des debuts des Almohades par Baydaq10l. Mais l'ouvrage sur lequel repose une large partie de ce que nous savons du XIIe et du XIIe siecle, tant pour le Maghreb que pour l'Espagne, le Baydn d'Ibn 'Idari, est un peu posterieur a la periode dont nous devons nous occuper ici. Dans l'ensemble, ce qui a ete ecrit dans l'intervalle, ressortit plutot aux genres de la biographie et des dictionnaires: au Maghreb, al-Malikil02; en Espagne, al-Faradi, et son continuateur al-Baskuwal 103, ce dernier connu rapidement aussi en Orient 104. Beaucoup d'informations historiques sont a tirer de la Daki'ra d'Ibn Bassam'05

Les Ibadites nous ont laisse de cette periode une histoire de leur passe par Abu' Zakaryya106; et Dargini107 et autres ont donne des diction- naires biographiques de leurs coreligionnaires.

On a deci-dela suggere sommairement quelques points de comparaison entre diverses branches de l'historiographie proche-orientale. II y aurait sans doute lieu d'approfondir la comparaison entre 1'historiographie arabe et 1'historiographie persane, qui renalt dans la derniere des periodes ici etudiees non sans retrouver peut-etre quelques traditions anterieures a sa periode d'arabisation. Sans doute pourra-t-on mieux le faire pour les temps suivants ou elle atteindra son plein developpement. Elle assimile a beaucoup d'egards l'historiographie de langue arabe, meme pour le genre des dictionnaires biographiques, de meme que l'historiographie arabe avait fait quelques emprunts a des genres iraniens comme les fiirstenspiegel. Par contre l'historiographie persane se distin- gue le plus souvent par une tendance a un style plus orne, parfois un peu imaginatif, une disposition moins annalistique au benefice de groupe- ments par regnes.

Plus largement ainsi qu'il a ete indique en introduction, il conviendrait de degager de ce qui a ete dit en ce chapitre des elements de confrontation avec les historiographies des civilisations voisines, en particulier de la byzantine; entre les deux, les litteratures chretiennes d'Orient, les unes integrees au domaine musulman, et dont on a un peu parle, les autres exterieures comme l'armenienne et la georgienne. Plus loin, le synchro-

101 Ed. Levi-Provengal, Documents inedits d'histoire almohade. 102 Ed. trad. Idris. 103 G.A.L., 412; G.A.L., 415. 104 Pour quelques autres auteurs: Ibn al-Abbar, al-Dabbi etc. voir G.A.L., 415-416... 105 ElI. 2, G.A.L., 414. 106 Ed. Masqueroy, 1878. 107 G.A.L., 410.

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[61] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 193

nisme donnerait peut-etre encore quelque interet a e'voquer l'historio- graphie de l'Occident chretien. L'historiographie arabe, en raison du domaine geographique qu'elle occupe, a un volume et une diversite superieures. Quelques genres, comme celui des dictionnaires biographi- ques, sont jusqu'a un certain point sa creation autonome. Peut-etre faudrait-il aussi porter a son credit la penetration d'une certaine culture historique dans les autres branches de la culture et de la conscience sociale. L'historiographie partout traduit a sa maniere certains aspects du monde conceptuels oiu elle se forme et nous ne pouvons pas nous engager ici dans une comparaison a ce point de vue; disons seulement un mot de la maniere dont elle exprime ce qu'elle veut dire ou sous-entendre, et ses methodes d'information. Bien entendu l'historiographie byzantine, heritiere de l'historiographie antique, n'a pas eu la phase de jeunesse par laquelle est passee l'historiographie arabe dans sa phase des tradition- nistes. Une confrontation large n'a donc de sens qu'aux siecles classiques et post-classiques oiu il ne paralt pas y avoir eu d'influence mutuelle.

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

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194 CL. CAHEN [62]

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INDEX

Abbaside(s): 137 et passim ABD ALLAH le Ziride: 167 et n. 72 ABD AL-LATIF AL-BAGDADI: 190 ABD AL-MALIK: 136

ABU ALA AL-MA'ARRi: 175 ABULL- ARAB: 168

ABUL-FARAG AL-ISFAHANi: 170 ABOL-FIDA: 183 ABU GA FAR AL-KUFi: 166 ABU GALIB AL-MXARRI: 175 ABU GALIB AL-SAYBANi: 180 ABC HANiFA DiNAWARi: 146 et n. 40;

147; 149 ABO HASIM : 144 ABO HAYYANAL-TAWHiDi: 153 ABC ISHAQ AL-SABi: 151 et n. 6; 152;

158; 174, n. 12 ABU MIHNAF: 139, n. 15; 140 et n. 22 ABO NADR AL -GAHDAMI : 139, n. 17 ABO NU AYM AL-ISFAHANi: 156; 157 ABO SALIH 178 ABO SALT: 168 ABU SAMA 179; 180; 183; 186 ABU SU6A AL-RUDRAWARi: 153 ABU YUSUF: 138 ABC ZAKARIYYA: 192 ABC ZUR A AL-DIMASQi: 146, n. 37 adab: 170 ADUD AL-DAWLA: 151 et n. 6; 158

AL-AFDAL: 178 AGAPIUS (= Mahbub de Manbig): 164

Aglabide(s): 167; 168 ahbdr: 135; 137; 143-145; 148; 162 Alep, Alepins: 175 et passim Alexandrie: 164; 178 et n. 31 AL- ALAWi ('A1i b. M.): 166 'ALi: 136; 144, n. 35 Alides: 151; 170 Almohade(s): 166; 168; 169; 191; 192 Almoravide(s): 166; 191 ALP-ARSLAN: 174, n. 12 amsdr: 137 Andalus: 140; 191 Antioche: 164; 174 ANUSHIRVAN: 173 'ARiB: 149; 152; 167 AL-AS'ARi: 155 Assassins: 180 'AWANA :139, n. 14; 140 AL- AYNi: 171, n. 3 'ayydm al-'Arab: 136 Ayyubide(s): 177; 178, n. 33; 182; 184-

186; 189-191 AL-AZDi:155

AL- AZiMI: 151, n. 3; 171, n. 3; 175; 176 AL- AZiZ: 162 ALAZRAQi : 155; 165 Azraqites: 139, n. 17

B BABA AL-QASi: 171, n. 4; 181 BADR AL-DiN LUOLUO: 184

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[63] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 195

Bagdad: 153 et passim AL-BAGDADi: voir al-Hatib al-B. AL-BAKRi: 167, n. 72; 168 AL-BALADURi: 140; 142; 147; 149 barid: 150 Basra: 137; 155; 165, n. 65 AL-BASKUWAL: 192

AL-BAYASi: 191

BAYBARS: 188

BAYDAQ: 192

Bayhaq: 174 BAYHAQi: 161

BUHARI: 145 Bokhara: 156; 161 et n. 44 AL-BUNDARi: 173 et n. 10; 179 AL-BURLAWi AL-MADINi: 162 Bfuyide(s): 151; 153; 154

C Chretiens, Chretiente: 138, passim Communaute: voir Umma conqu&es: voir futuih Coptes: 163; 165; 190 Coran: 133; 140 Cordoue: 167 Croisade(s), Crois&s: 172; 177; 179

D AL-BABBI: 192, n. 104 DAG,NI : 192 DAHABi: 138; 156, n. 32; 158; 182, n. 50;

191 Damas: 137 et passim dawla, p1. duwdl: 145 dictionnaire(s) biographique(s): 135 et

passim Dirgham: 178, n. 30 Druzes: 169, n. 88 DUOL RIYASATAYN B. DAYA: 191

DUBAYTi : 173 Dydr Bakr: 176; 177

E Egypte, Egyptien(s): 137 et passim Espagne, Espagnol(s): 152; 166-168; 182;

191; 192 EUTYCHIUS (= Sa&id b. Bitriq): 164

F fada'il: 157; 177; 188 ALFADIL (al-Qadi): 180; 186 AL-FAQIHi :165, n. 65 AL-FARADi: 192

AL-FARGANi: 152; 162; 187 AL -FARIDi: 167 Fatimides: 162; 163; 168; 169; 175; 177

et n. 33; 181, n. 47; 182; 185, n. 67; 189

fiqh: 138 fitna: 139 Francs: 175; 177; 179 futuih (conquetes): 139 et n. 18; 140; 146 futuuwwa: 184, n. 58

G Gdhiliyya: 141 GALAL AL-DiN MANGUBERTi: 174 GARDIZi: 161, n. 44 OARS AL-NI'MA MUHAMMAD: 152 GAWDAR (Ustad): 168 AL-GAZARi: 181, n. 49 Ghazn&vides: 161 Grenade: 156

H AL-HADi ILA'L-HAQQ: 166 hadit: 136; 139; 144; 145; 162 AL-HAKIM: 164 AL-HALLAG: 170 et n. 90 Hama: 183; 184; 186 HAMDAN B. ABDERRAHiM: 175 AL-HAMADANi (Muhammad b. 'Abdal-

Malik): 151; 152; 171 et n. 3 AL-HAMDANi: 165 et n. 68 HAMZA AL-ISFAHANi: 154 hanbalite: 171; 172 Harran: 151 HARUJN AL-RASiD: 191

HASIMi: 139, n. 14 AL-HATIB AL-BAGDADi: 156; 177 HAYTAM B. 'ADi: 146, n. 37 HILAL AL-SABi: 151; 152 et n. 12; 153;

155; 163; 176, n. 25; 185 et n. 70 HISAM AL-KALBi: 141 et n. 25 AL-HUGURi: 191

HUSAYN: 139

Ibadite(s): 168; 169; 192 IBN AL-ABBAR: 168; 192, n. 104 IBN 'ABD AL-HAKAM: 139; 140 et n. 19;

143, n. 30; 162; 166; 178, n. 31 IBN ABD AL-MALIK: 171, n. 3 IBN ABDRABBIHi: 167 IBN 'ABDUS AL-GAHSIYARi: 155 IBN ABiL-DAM: 182, n. 51-52; 183

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196 CL. CAHEN [64]

IBN ABi-L-HADiD: 170 IBN ABi SAYBA: 146, n. 37 IBN ABi TAHIR TAYFUR: 155 IBN ABi TAYYI: 182; 183 et n. 54; 186;

187; 188 IBN ABi 'USAYBIA: 189; 190

IBN AL- ADiM: voir Kamal al-din b. IBN AL- AMID: voir AL-MAKiN IBN AHi MUHSIN: 169 IBN 'ASAKIR: 138; 156, n. 32; 160; 176,

n. 23; 177 IBN AL-ATiR 158; 169; 171 et n. 3; 174

et n. 14; 184;.185; 186; 187; 188; 189 IBN AL-AZRAQ AL-FARiQI: 176 et n. 24 IBN BANNA: 171, n. 4

IBN BASSAM: 192

IBN DAHHAN: 180, n. 44

IBN AL-DAWADARI: 169 IBN AL-DAYA: 162 IBN FUNDUQ ('A1i b. Zayd al-Bayhaqi):

174 IBN AL-FURAT: 169; 171, n. 3; 177; 178,

n. 30; 183; 189, n. 85 IBN AL-FUWATi: 191

IBN AL-GAWZI: 170; 172; 185 IBN GAZZAR: 162, n. 53; 168

IBN HABIB: 167 IBN AL-HADDAD: 171

IBN HAGAR: 137; 139, n. 12; 148 IBN HALDUN: 168; 177; 181; 191 IBN HALLIKAN: 169; 171, n. 2; 189 IBN HAMDUN: 172 IBN HAMMAD: 168 IBN AL-HANAFIYYA: 144

IBN HASSUL: 174, n. 12 IBN HAYYAN: 167 IBN HAYYAT: 143, 145 IBN HAZM: 167 IBN IDARi: 192 IBN ISFANDYAR: 151 IBN ISHAQ: 140 IBN LAHi A: 141, n. 24 IBN MUGAHID: 139, n. 14 IBN MUNQID ('A1i): 175; 176; 181, n. 48 IBN MUQAFFA: 141 et n. 26 IBN MUYASSAR: 162, n. 54; 163, n. 55;

177; 189 et n. 87 IBN AL-NADiM: 148 IBN AL-NAGGAR: 173 IBN NATTAH: 144; 161 IBN AL-NAZiF: 182, n. 52; 184 IBN AL-QALANISi: 152, n. 12; 160; 176

et n. 24; 183; 185

IBN AL-QIFTi: 188 IBN QUTAYBA: 146 et n. 39; 147 IBN QUTIYYA: 167 IBN AL-RAHIB: 190, n. 88 IBN RAQiQ: 168 IBN SABBA: 165, n. 65 IBN SA D: 142

IBN SADDAD ( Abd al-'Aziz): 169; 185 IBN SADDAD (Baha al-din): 180; 186 IBN SADDAD (CIzz al-din): 183; 187; 188 IBN SAGiR: 168 IBN AL-SAi: 191 et n. 97 IBN AL-SA iD: 191

IBN AL-SA'iD AL-QURTUBi: 167, n. 72 IBN AL-SAYRAFi :.178 IBN SA RAF: 168 IBN TABIT B. SINAN (Hasan): 151 IBN TAGRIBIRDI: 178 IBN TUWAYR: 177 IBN 'UMAR: 184

IBN WASIL: 182, n. 52; 183, n. 56; 184; 186; 187; 189

IBN YUNUS: 162 IBN ZAFIR AL-AZDi: 169, n. 86; 177; 181;

185, n. 65 IBN ZOLAQ: 162 et n. 54; 191, n. 100 IBN ZYADALLAH: 167 et n. 75 Ifriqiya: 162; 166; 167; 169 igaza: 148; 157 Ibhidides: 152; 162; 191, n. 100 'IMAD AL-DIN AL-I$FAHANI : 158; 173; 179

et n. 38; 180 et n. 41; 183; 186 AL-IMRANi: 172 'iqtd': 153 Iran, Iranien(s): 142 et passim (voir aussi

Perse) Iraq, Iraqien(s): 137 et passim AL-ISFAHANi: voir Abui NuWaym, Abful-

Farag, Hamza et 'Imad al-din isma'ilien: 169

isnad: 148 Ispahan: 156 Isrdiliyydt: 141

J Jerusalem: 177; 179

K KAMAL AL-DiN B. AL- ADiM: 171, n. 3;

175; 177; 187 et n. 75 Kharedjites: 168, 169, n. 88 Khurasan, Khurasanien: 142; 144; 161 AL-KINDi: 155; 162

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[65] L'HISTORIOGRAPHIE ARABE 197

Kufa: 137; 155

M Ma'arat al-Nuwman: 175 MADA'INi: 139, n. 15; 146 et n. 37 AL-MADANi: 162 madab (shafi'ite): 185 magazi: 136; 139 Maghreb: 140; 162; 166; 167, n. 72; 168;

169; 187; 191; 192 MAHBUB DE MANBIG: voir Agapius AL-MAHDi: 144 MAHMUD DE GHAZNA: 158; 161 MAHOMET (Le Prophete): 136; 140; 146;

166 AL-MAKiN B. AL-AMiD: 182, n. 52; 186;

189 AL-MALIK AL-NASIR DAWUD: 58 MALIK SAH: 171, n. 3 AL-MALIK AL-ZAHIR: 183 AL-MALIKi: 192 Mamluks, mamluke: 158; 177; 182; 186;

189 AL-MA'MUN AL-BATiHi: 178 mandqib: 170 MANiNi: 161, n. 43 AL-MAQDISi (al-Mutahhar): 155 MAQRiZI : 162, n. 54; 163 et n. 55; 178;

180; 187, n. 75; 189, n. 87 MARI B. SULAYMAN: 173 Maroc: 166; 167; 169. Voir aussi Maghreb Marwanides: 176, n. 24 ma.iha: 157 MASOUD B. NAMDAR: 174, n. 12 MASOUDi : 153; 154 et n. 15 et 16; 158 mawdli: 142 Mayaffariqin: 176 La Mecque: 155; 165 Medine: 137; 165 melkite (Eglise): 164 Merw: 156 Mesopotamie, m6sopotamien: 156 et

passim AL-MINQARI (Nasr b. Muzahim): 139 MISKAWAYH: 151; 152; 153; 162; 174 Mongol(s): 188; 189; 191 monophysites: 164; 165 MORo RASIS: voir RAZi Mossul: 155; 176, n. 24; 180; 184; 185 MU'AWIYA: 136; 139, n. 14; 144, n. 35 AL-MUBARRAD: 169, n. 88 muhadditun (tradionnistes): 137; 140; 150;

167; 178, n. 31

AL-MUHANNAK: 177 MUHTAR: 139 MUNAGGIM BASI: 174, n. 12 AL-MUNDIRi: 178, n. 33 Munqidites: 175; 176 AL-MUSABBIHI: 163 MUSLIM AL-LA6i: 166, n. 70; 178; 191,

n. 95 AL-MUSTAGFIRi: 156 AL-MUTAWAKKIL: 146 mu'tazilite: 169 MUZAFFAR (de Hama): 184

N NADR B. HADiD: 139, n. 17 NAGASi: 157 AL-NASAWi: 174 et n. 14 AL-NASIR: 184, n. 58; 191 NAWBAHTi: 155 AL-NAWFALi: 139, n. 14 Nestoriens: 164, 173 nisba: 173 NU AYM B. HAMMAD: 139, n. 16 AL-NU MAN (Qadi): 168-169 NUR AL-DiN: 183; 184; 186 Nusayris: 169, n. 88

NUWAYRi: 169; 181; 189

0 Omayyade(s): 137 et passim Orient Latin: 177 Oronte: 177 OROSE (Paul): 142, n. 27

p Perse(s), persan: 141 et passim Prophete: voir Mahomet,

Q AL-QADI AL-FADIL: voir al-Fadil AL-QADISi: 172 Qayrwan: 168 Qal'at G&abar: 184 QALQASANDi: 150, n. 2 Qarmates: 151; 169 Qazvin: 156, n. 33 Qisas al-Anbiyd: 141 AL-QUDAi : 163 Quimm: 156; 161 et n. 44

R AL-RA6UNI: 171 RASiD AL-DiN: 181

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198 CL. CAHEN [66]

AL-RAWHi: 178, n. 31 RAzi, pere et fils (Moro Rasis): 167; 185 AL-RAzi ('Abdallah): 165 RUBA-i: 156, n. 32 Rustamides: 168

S Les SABi: 153 Sabiens: 151 SA D AL-DiN GUWAYNi: 185; 190 SAFADi: 183 Sahara: 167, n. 72 SAHINSAH B. 'UMAR: 183 SAHMi: 156, n. 33 SAHNON: 167 et n. 75 SA iD B. BITRIQ: voir Eutychius SALADIN: 158; 177; 179; 180 et n. 44;

182, n. 52; 183; 184; 186 AL-SALIH: 186 SAMANI: 173 Samanide(s): 156 SAMHODi: 165, n. 66 San'a: 165 SAWIRUS (Severe) B. AL-MUQAFFA: 164 sayh (s): 157 Seldjuqides: 153; 172, n. 5; 173; 174; 179;

181, n. 47; 183; 185, n. 67; 189, n. 82 shafi'ite: 178; 185 Shayzar: 177 Shi'isme, shi'ite(s): 144 et passim SIBT B. AL-GAWZi: 152; 171, n. 3; 172;

176, n. 24; 185; 186; 187; 190 Sicile: 168; 184 AL-SIMNANi: 171, n. 4 SINAN: 180 sira: 135; 136; 139, n. 14; 140 siydr: 139, n. 14; 170 siydsat (al-muluk): 170 Sulayhides: 178; 191, n. 96 al-SOLi: 154 AL-SUMAYSATi: 156, n. 32 sunnisme: 144 et passim syriaque: 163; 164; 165 Syrie, syrien: 137 et passim

T AL-TA'ALABi: 161; 180 tabaqat: 135; 142; 156 et n. 34 TABARi: 137; 138; 143; 145-148 et n. 42;

149-152 et n. 12; 153-155; 160-162; 167; 169, n. 88; 170; 171, n. 3; 172; 180; 185; 186; 187; 189

Tabaristan: 151 tafsir: 147; 170 Tag al-Milla: voir 'AdUid al-Dawla Tahert: 168 TALAI B. RUZZiK: 178 TANUHi: 170 ta'rih: 135; 145; 148 TOOROL BEG: 174, n. 12 traditionnistes: voir muhaddituin Tulunides: 162

U UMAR B. ABD AL- AZiZ: 139; 143, n. 30;

162; 170 'UMAR B. ALI B. SAMURA AL-GA Di: 178 'UMAR B. AL-HATTAB: 139 UMARA: 178 Umma (Communaute): 136; 138; 140; 148 USAMA B. MUNQID: 176; 190 AL- UTBi: 158; 161 'UTMAN: 191

w WAHB B. MUNNABIH: 141, n. 24 WAQI : 155 AL-WAQIDi: 139 AL-WARRAQ: 167, n. 72; 168 Wasit: 156, n. 34 WATIMA: 139

y YAHYA (Jean) D'ANTIOCHE: 164; 174 YA QUBi: 146; 147 et n. 41; 149 YAQOT: 183; 188 Yasi TSaman: 184, n. 61 Yemen, yemenite: 165; 166; 169; 178; 190 YUNINi: 186, n. 74

z Zaydite(s): 166; 178 Zengs: 169 Zenghides: 184 Ziride(s): 167, n. 72; 168 AL-ZIYADI (Abfi Hasan): 145 Zubayrides: 139, n. 17 AL-ZUHRi: 140

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