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Charlemagne

Date post: 13-Mar-2016
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Depuis le Moyen Âge, la légende embellit la personnalité de ce génial politique, bon guerrier, amateur de belles lettres et d’art antique. Excellent diplomate aussi.
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SAUVONS L’HISTOIRE ALL 6,80 €/BEL 5,95 €/CAN 9,25 $CAN/ DOM 6,20 €/ESP 6,20 €/GR 6,20 €/ITA 6,20 €/LUX 6,00 €/MAR 55,00 DH/MAY 7,50 €/PORT CONT 6,20 €/CH 10,20 FS/TOM AVION 1500,00 XPF/TOM SURFACE 850,00 XPF/TUN 6,20 TND T 05067 - 765 - F: 5,20 E
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SAUVONS L’HISTOIRE

ALL 6,80 €/BEL 5,95 €/CAN 9,25 $CAN/ DOM 6,20 €/ESP 6,20 €/GR 6,20 €/ITA 6,20 €/LUX 6,00 €/MAR 55,00 DH/MAY 7,50 €/PORT CONT 6,20 €/CH 10,20 FS/TOM AVION 1500,00 XPF/TOM SURFACE 850,00 XPF/TUN 6,20 TND

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Ancien journaliste, éditeur, écrivain, il a publié une biographie de Charlemagne (Puf, 2008) ainsi que Les Trésors du Moyen Âge (éditions Molière, 2007).

Historienne, elle s’intéresse à l’Antiquité et à la naissance des nations modernes. Elle est l’auteur de nombreuses biographies dont une Clotilde et une Radegonde (Pygmalion).

Docteur en histoire et docteur ès-Lettres, il a publié une trentaine d’ouvrages historiques dont, très récemment, une biographie de Charlemagne (Perrin, 2010).

Maître de conférences en histoire médiévale à Paris X-Nanterre, il vient de sortir Les Barbares expliqués à mon fils (Seul, 2010).

Le Net, c’est pas très net !Deux Français sur trois sont des internautes. Pour le

meilleur et pour le pire. Au chapitre de l’Histoire, la

Toile véhicule nombre d’erreurs plus ou moins graves

qu’il n’est pas toujours facile de relever.

Carolus Magnus, du mythe à la réalitéLa France le revendique, l’Allemagne également, et

même l’Europe ! Qui est-il en vérité, ce grand empereur

franc dont la barbe n’a jamais été fleurie ?

Déchu, le favori d’Henri IV en perd la têteMaréchal, duc et pair du royaume, Charles de Gontaut-

Biron nie farouchement avoir participé à un complot

contre le roi. Il sera malgré tout décapité.

Enigma : comment le code a volé en éclatsLes Polonais cherchaient à percer le chiffre de la

Wehr macht. La solution vient d’un officier allemand

qui frappe à la porte de l’ambassade de France à Berlin.

Laval, le père la rigueurSuppression des niches fiscales, diminution des dépen-

ses publiques… C’était, il y a soixante-quinze ans, le

programme du gouvernement pour réduire les déficits.

Pau, héritière des lords anglaisLes Britanniques ont été les premiers à apprécier les

charmes du climat palois et la beauté époustouflante des

paysages. La ville lui doit son visage actuel.

Notre sélection d’expositions, de films, de pièces de théâ-

tre. À ne pas manquer : les Journées du Patrimoine.

Claude MonetRouen et Paris mettent à l’honneur ce peintre autant

apprécié du public que des amateurs. Ses toiles sont un

hymne aux ciels changeants des bords de mer.

Spécial religions

Louis-Philippe échappe à un attentat

La franc-maçonnerie est une société secrète

Pierre

Heinz

Le cheval d’Henri IV

G. L

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Maître de conférences à Reims, elle est l’auteur, dans la collection Cursus, chez Armand Colin, d’un ouvrage sur l’Europe barbare (476-714) en libraire ce mois-ci.

Historienne, elle consacre ses travaux à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Son dernier ouvrage s’intitule Henri IV lettres d’amour (Tallandier, 2010).

Historien, spécialisé dans le Renseignement, il a fait paraître Naissance et évolution du renseignement dans l’espace européen (SHD, 2006).

Journaliste financier, directeur de la rédaction du magazine Challenges, il est coauteur de Ces 200 familles qui possèdent la France.(Hachette, 2004).

Dossier : Charlemagne p. 15Du mythe à la réalité

Débat : Sauvons l’Histoire p. 6Le Net, c’est pas très net !

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15 août 778, col de Roncevaux, Pyrénées. Alors que l’armée de Charles fait retraite au terme d’une campagne espagnole peu glorieuse contre l’émir de Cordoue, l’arrière-garde, ralentie par les bagages et le butin pris lors du pillage de Pampelune, tombe dans une embuscade. Tendue non par

les Sarrasins, comme le prétend la légende, mais par les Basques (voir Historia n° 728). Ce défilé de montagne étroit en terrain boisé où il faut avancer en file indienne, se prête admirablement à une attaque. Décidés à faire main basse sur le butin, les Basques ont laissé passer le gros des troupes conduites par Charles, lequel

a déjà atteint Saint-Jean-Pied-de-Port lorsqu’ils déclenchent leur attaque. Les cavaliers francs se défendent héroïquement. Pas un ne survit. Parmi les tués figurent Anselme, comte du Palais, Eggihard le sénéchal, et le comte de la Marche de Bretagne, Roland. Si les deux premiers sont bien identifiés, Roland, archétype du

Ma n c h e

M e r d u N o r d

M e r

M é d i t e r r a n é e

O C É A N

A T L A N T I Q U E

ASTURIES

MARCHE D’ESPAGNE

SEPTIMANIE

ROYAUME LOMBARD 774

SAXE 777-757

FRISE

AUSTRASIE THURINGE

BOURGOGNE

BRETAGNE811

AQUITAINE

NEUSTRIE

GASCOGNE

Paris

ÉMIRAT DE CORDOUE

Lübeck

Aix-la-Chapelle Cologne

Lyon Genève

Toulouse

Bordeaux

Roncevaux

Reims

Tournai

Metz

Strasbourg

Poitiers Nantes

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gues

Pio

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preux et modèle des chevaliers, demeure, pour l’historien, indéchiffrable. Sa chanson de geste fera de lui un « neveu », mot souvent employé pour cousin, de Charles. Ce n’est pas impossible, si l’on suppose que la « belle Aude », sa fiancée, ou épouse, pourrait être cousine du roi, l’une des tantes

de Charles portant ce prénom. Le gouvernement de la Marche de Bretagne, frontière à risques avec l’Armorique, est souvent confié à des parents du souverain. Éginhard ne faisant mention de Roland que pour évoquer sa mort tragique, peut-être faut-il croire la tradition qui voit en lui un jeune homme brave et

inexpérimenté. Voilà tout ce que l’on peut supputer. Sans sa mort et celle des autres, difficile à passer sous silence en raison de la qualité des victimes, nous ne saurions rien de l’affaire. Mortifié par cette défaite, Charles fera inscrire dans les Annales qu’il « rentra en France ». Sans incident. Anne Bernet

M e r B a l t i q u e

Me r A d r i a t i q u e

CARINTHIE 788

ÉTATS DE L’ÉGLISE

SERBES

CROATES

AVARS 786

MORAVES

TCHÈQUES

SORABES 805

VÉLÈTES

ABODRITES

BAVIÈRE 788

Leipzig

DUCHÉ DE BÉNÉVENT

Rome

Naples

Royaume franc à l’avènement de Charlemagne

Conquêtes de Charlemagne

Marches et États indépendants en 814

100 km

Venise

On se l’approprie, ce souverain dont la légende s’est

Français ? Alleman

Jean Verdon« Les romantiques, qui firent de l’Empereur un Français, pensaient en hommes de leur temps. Or, le sentiment national n’existait pas en 800. »

Ainsi Charles de France appelé Charlemagne, Exarque de Ravenne, empereur d’Allemagne », écrit Victor Hugo dans La Légende des siècles

à propos de l’un des personnages les plus illustres du Moyen Âge. Et l’auteur romantique de faire de celui-ci le père de l’Europe. La dynastie capétienne a manifesté, dès les origines, un véritable culte à l’égard de Charlemagne. Culte qu’amplifient les Valois (1328 à 1589), dont l’héritier de la couronne prend le nom de Charles. Le royaume des Francs, que son père le roi Pépin lui a transmis, comporte une partie de la Gaule et une partie de la Germanie, ainsi que le note le biographe Éginhard. L’Empereur l’accroît considérablement. Les domaines sur lesquels il règne, finissent par recouvrer grossièrement les six pays du traité de Rome de 1957, à savoir l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et la Belgique. Il n’est, par conséquent, pas interdit de se demander dans quelle mesure Charlemagne est un empereur français, allemand ou européen. Une telle question en engendre immédiatement deux autres qui tiennent au fait, bien connu de tout médiéviste, que les façons de penser, d’agir des hommes du Moyen Âge sont bien différentes des nôtres. Dans quelle mesure en effet peut-on avoir le sentiment d’être français, allemand ou d’appartenir à une Europe telle que nous la concevons de nos jours ? Tout d’abord, il n’existe pas de conscience nationale au VIIIe siècle unissant tous les peuples de Francie occidentale ou de Francie orientale. Le sentiment national français, par exemple, résulte d’une très lente construction durant tout le Moyen Âge, ainsi que le montre l’historienne Colette Beaune dans Naissance

de la nation France. Les romantiques, qui au XIXe siècle ont voulu faire de Charlemagne un souverain français, pensaient en hommes de leur temps. L’Empereur est-il alors un Européen ? Certes, il a étendu ses territoires à de nombreux pays : Saxe, Bavière, Lombardie, duché de Spolète, marches bretonne et espagnole ; Bohême, royaume des Avars, duché de Bénévent, Bretagne qui lui versent tributs. Mais cette Europe n’a rien à voir avec celle que nous connaissons. Jacques Le Goff, se demandant si l’Europe est née au Moyen Âge, montre bien que l’Empire de Charles est, avant tout, un État franc, auquel ont été agglomérés un ensemble de territoires conquis par les armes, tout comme Napoléon le fera. Sur ces territoires vivent divers peuples ayant leurs caractères propres, pratiquant de plus ou moins bon gré une religion commune. L’œuvre de Charlemagne fut d’ailleurs éphémère dans la mesure où son empire a été partagé à la mort de son fils Louis le Pieux. Charlemagne est avant tout un empereur franc ; un Franc d’Austrasie, c’est-à-dire d’une région qui se situe à l’est de la Gaule, à l’ouest de la Germanie. Il se considère comme proche du peuple franc. « Il portait le costume national des Francs », écrit Éginhard, et dédaigne ceux des autres nations qu’il se refuse à mettre. Il transcrit de très anciens poèmes barbares narrant l’histoire des vieux rois et, par ailleurs, ébauche une grammaire de la langue nationale. Le prestige qui l’entoure est tel que beaucoup ont souhaité en profiter et qu’il a été considéré de façon abusive comme Français, Allemand, Européen voire comme saint.Jean Verdon, professeur honoraire des universités, vient de

publier Information et Désinformation au Moyen Âge (Perrin).

D. R

.

emparée très tôt. Il fait même partie du patrimoine. Un tort ?

Menno Aden« Karl, c’est certain, est né d’ancêtres germani-ques. Il pense en Germain. Et l’Empire d’Occident qu’il fonde reste jusqu’au bout allemand. »

Quand Chlodwig, duc des Francs, se fait baptiser à Reims le 25 décembre 498, une colombe serait descendue sur sa tête en signe de consécration

royale reçue avec le baptême. Toujours est-il que par cet acte officiel, les Germains, qui jusqu’alors faisaient des incursions en Gaule, ont enfin leur État. Chlodwig, le Clovis des Français, devint roi – mais de quoi ? De la France ? La France fait remonter sa fondation à ce baptême. Elle a célébré en 1996 son 1500e anniversaire. Cette date fait d’elle le plus ancien État d’Europe, la mère de l’Europe. Tel était le message politique donné par cette célébration. Mais l’Allemagne aurait eu tout autant le droit de fêter cet anniversaire, car les Francs ne sont pas des Français. Ce sont des Germains assez grossiers, tout à fait conformes au cliché qu’on nous applique, à nous les Allemands. Historiquement, cette célébration française est-elle une usurpation ? Nous arrivons trop tard pour convaincre quiconque que l’empire de Chlodwig fut l’embryon de l’Allemagne. Pourtant, l’empire de Karl le Grand, Charlemagne pour les Français, en est issu. Et celui-ci était, c’est certain, allemand. La Vita Caroli, rédigée par Éginhard, originaire de la région du Main, est plantée en sol germanique. Aix-la-Chapelle est en terre allemande. Le biographe présente Karl comme un costaud, né d’ancêtres germaniques solides. L’Empereur pensait et sentait en Germain. Certes, pas encore en « Allemand », terme apparu seulement en 1100. Le biographe écrit : « Il était éloquent et pouvait exprimer ce qu’il voulait dans une langue claire et fleurie. Et il ne se contentait pas de la langue héritée de ses pères, il s’efforçait d’apprendre aussi des langues étrangères. Parmi elles, il apprit si bien le latin qu’il s’habitua à prier

aussi bien en latin que dans sa langue maternelle. »Sa description des anciens territoires germains est parfaitement conforme à celle donnée par Tacite dans sa Germania. Ce passage est une preuve importante de l’unité linguistique des tribus allemandes à l’époque de Karl et déjà au temps d’Arminius. « Karl était très éloquent et avait un riche vocabulaire dans sa langue maternelle, mais pas seulement dans celle-ci. Il fit collecter les vieilles chansons [en langue germanique] pour en garder la mémoire. À sa demande, on commença à rédiger une grammaire franque. Il donna aux mois des noms dans sa propre langue » (Chap. 25).L’Empire chrétien d’Occident fondé par Karl resta jusqu’au bout allemand. Avec cela, notre peuple encore trop jeune avait assumé une tâche qui fut souvent trop lourde à porter. Mais l’Allemagne en était fière et la France un peu jalouse. Les rois de France, particulièrement François Ier, se sont souvent efforcés de s’emparer du titre. Ce n’est qu’en 1806 que Napoléon força le souverain du Saint-Empire romain germanique à l’abandonner. Cela fit l’effet d’un rectificatif intervenu après mille ans au cours desquels l’Empire ne fut pas français. Allemands et Français sont des peuples bien jeunes encore. Devons-nous nous disputer sur notre âge ? Ce serait manquer de maturité. Avec le baptême de Clovis, la France est devenue la mère de l’Europe. Mais son père s’appelait Karl, Charles, c’était un fils du peuple germanique. De cette mère et de ce père, on peut dire que l’Europe est née. Menno Aden (nom d’origine frisonne), professeur de droit des

affaires et de Droit international, président de la Société de

politique économique et de droit administratif de Hambourg.

d ? Européen ?

D. R

.

ploie à lancer ces stations jumelles, y a attiré les élégantes de la cour et de la ville. En 1860, usant de son influence, il obtient le prolongement de la ligne Paris-Saint Lazare-Lisieux-Pont-l’Évêque. Même l’impératrice Eugénie, qui préfère Biarritz, y fait néanmoins un séjour, accompagnée de la princesse Mathilde et de la princesse de Metternich. Il est alors vivement recommandé de passer, chaque année, quelques semaines en bord du littoral. Selon les autorités médicales de l’époque, l’air de la mer a toutes les propriétés pour stimuler et assainir le sang, donc tout l’organisme. Une propagande très en vogue en Angleterre et que la ro-mancière Jane Austen, en 1817, ne se prive pas de moquer dans son dernier roman, Sanditon : « L’air marin et les bains de mer réunis […] étaient antispasmodiques, antiphtisi-ques, antiseptiques, antibiliaires et antirhumatismaux. Nul ne pouvait attraper un rhume au bord de la mer, nul ne manquait d’appétit au bord de la mer, nul n’y manquait d’en-train, nul n’y manquait de force. L’air ou les bains, suivant les cas, guérissaient, calmaient, relaxaient. Ils fortifiaient et tonifiaient, juste ce qu’il fallait, semblait-il. Si l’air marin échouait, les bains de mer étaient le remède certain, et si les bains se révélaient néfastes, le seul air marin était évidem-ment désigné par la nature pour la guérison. »

Trouville, la plage du Tout-Paris, a toutes ces ver-tus. Son climat doux et son sable fin la rendent encore plus attractive. Et on aime s’y retrouver, l’été, entre soi, dans ses magnifiques palaces du bord de mer. Mais cette transfor-mation n’est pas du goût de tous. Monet finit par s’en lasser. Boudin aussi, qui, vers 1875, écrit à un ami : « Cette plage de Trouville, qui naguère faisait mes délices n’a plus l’air à mon retour que d’une affreuse mascarade, il faut presque du génie pour tirer parti de cette bande de fainéants poseurs. » Prochain décor pour Monet : Étretat et sa côte sauvage.

L’ermite de Giverny a la cote : le musée des Beaux-Arts de Rouen l’expose avec Pissaro et Gauguin jusqu’au 26 septembre, et le Grand Palais à Paris lui consacre une rétrospective du 22 septembre au 24 janvier 2011.

Claude Monet amoureux fervent des bords de mer

par Élisabeth Couturier

Il y a des dates qui, dans une existence, comptent plus que d’autres : en 1845 quand ses parents quittent Paris pour aller vivre au Havre, Claude Monet, alors âgé de 4 ans, ne soupçonne pas à quel point cela va changer sa vie. De même qu’il n’imagine pas combien l’invention du train va rendre irrésistiblement attirantes les stations balnéai-res de la côte normande que, plus tard, il affectionnera tant. Pour le futur pape de l’impressionnisme, ce déménagement au bord de la mer est déterminant. C’est là que son destin se joue. Le jeune Monet est fasciné par les ciels changeants du Havre et, dans ce cadre idyllique, montre très tôt des dispositions artistiques. De plus, il a la chance de faire ses gammes auprès de Jacques-François Ochard, professeur de dessin au collège et ancien élève de David. Dès 16 ans, Monet ambitionne de devenir dessinateur humoriste. Doué pour la caricature, il expose ses premières œuvres à la boutique locale du papetier Gravier qui les vend dix ou vingt francs. Elles côtoient les petites marines d’un peintre havrais, Eugène Boudin, dont la rencontre modifie le cours de sa carrière : « Vous avez du talent, lui dit son aîné, mais j’espère que vous ne vous en tiendrez pas là. » C’est en l’observant que le jeune Monet a la révélation de ce qu’est la peinture : « Ce fut tout à coup comme un voile qui se déchire. »

L’élève va, dès 1859, parfaire son apprentissage dans différents ateliers parisiens où il rencontre, entre autres, Sisley, Renoir et Bazille. Ce qui ne l’empêche pas, durant plusieurs étés, de continuer à accompagner Boudin sur ses lieux de prédilection, aux alentours du Havre, mais aussi à Honfleur, puis, plus tard, à Trouville et Deauville où, encouragé par son mentor, il peint la société huppée qui se presse sur les planches et sur les plages. On peut y rencontrer amateurs d’art et collectionneurs. Ces petites villes balnéaires sont à la mode. Le duc de Morny, qui s’em-

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Les nuages et les drapeaux. Ils sont peints

à touches larges et assez libres. Le but est de transcrire le vent qui, chaque minute, change la configuration du ciel et modifie la lumière. Les drapeaux mettent une note vive dans une composition dominée par des tons beige, blanc et bleu clair.

Le groupe au premier plan. Un couple, dont la

femme, vêtue de blanc, est assise dans une chaise pliante, croise un autre couple tout aussi élégant. Monet souligne ainsi que la promenade qui longe la plage est le théâtre des mondanités du Tout-Paris.

La perspective. L’artiste a choisi une composition

qui privilégie les lignes de fuite, ce qui donne une grande profondeur à la scène. Cette construction confère une place prépondérante aux éléments naturels (ciel et nuages) qui figurent le décor grandiose d’une comédie humaine.

L’hôtel des Roches Noires. Ce prestigieux

palace, construit en 1866, est le rendez-vous de la haute société du Second Empire. Marcel Proust le fréquentera entre 1880 et 1915. Marguerite Duras en fera le décor de trois de ses films. Il sera modifié, en partie, en 1924 par Mallet-Stevens.

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. Huile sur toile, 81 x 58 cm, 1870, musée d’Orsay.

Historia rétablit chaque mois une vérité historique, en allant à l’encontre d’une notion aussi communément admise qu’erronée.

Col

l. K

har

bin

e-T

apab

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. Les réunions de loges restent interdites au profane.

Des rites initiatiques pour être admis dans le saint des saints, des signes de reconnaissance et des mots de passe. Tout est occulte et se fait dans le plus grand mystère

La franc-maçonnerie est une société secrète

La franc-maçonne-rie n’a jamais caché son exi stenc e ni ses buts. Elle appa-raît en Écosse puis en Angleterre au XV IIe siècle et se

définit comme un ordre initiatique essentiellement philosophique et phi-lanthropique. Elle cherche par la dif-fusion d’un enseignement ésotérique, sans dogmes, à faire progresser l’hu-manité. Ses membres sont encouragés à la bienfaisance et à l’amélioration spirituelle et morale. La franc-maçon-nerie rattachée aux corporations de maçons, s’est donné des origines lé-gendaires et symboliques remontant au temple de Salomon, aux pyramides égyptiennes ou aux bâtisseurs de ca-thédrales. Assez vite cependant, les loges regroupant quelques dizaines de membres, n’ont plus de liens avec le métier de maçon. Elles réunissent des artisans, des petits commerçants et ressemblent plus à des sociétés amica-les de bienfaisance et d’entraide. Elles se structurent à Londres en s’organi-sant en « obédiences » ou en « grande loge » regroupant plusieurs loges.

C’est la naissance de la maçon-nerie spéculative ou philosophique qui se répand en Europe et dans ses co-lonies. De nombreux bourgeois, philo-sophes ou écrivains comme Goethe ou Voltaire, y adhèrent. La Grande Loge française est créée en 1738. La répu-tation de société secrète se fonde sur

les rites et rituels nombreux qui y sont institués. Ils ne sont ni écrits, ni im-primés, comportent des mots de passe et surtout une initiation qui consiste en une série d’épreuves. Devenu frère ou sœur, l’« apprenti » ne devra pas parler pour s’imprégner du savoir des plus anciens. Il essaiera ensuite de devenir « compagnon » pour accéder enfin à la « maîtrise ». Dans le lieu de réunion ou « temple », les membres de la loge présentent à tour de rôle des tra-vaux de réflexion symboliques, philo-sophiques, sociaux ou d'actualité qui sont discutés.

La franc-maçonnerie rencon-tre dès sa création une série d’oppo-sitions politiques et religieuses qui n’ont cessé de la stigmatiser et de la discréditer. Bien que de nombreuses loges soient d’inspiration chrétienne, l’Église a considéré que les francs-maçons propageaient le relativisme en matière de religion. Plusieurs bulles papales les menacent même d’excommunication. Politiquement, les monarchies du XVIIIe siècle luttè-rent contre ce qu’elles considéraient comme une remise en cause des fon-dements de leur autorité, avec la récla-mation de plus de liberté et d’égalité. Les marxistes condamnèrent un mou-vement bourgeois, le PCF demanda même à ses adhérents de quitter leur loge. Les milieux d’extrême droite et antisémites se joignirent également à cette hostilité, fustigeant un complot maçonnique. Le régime de Vichy la

considéra comme un ennemi et les nazis déporteront les francs-maçons, tuant entre 80 000 et 200 000 d’entre eux. Aujourd’hui, la franc-maçon-nerie est vue comme un vaste réseau social construit dans l'intérêt de ses membres, pouvant entraîner favori-tisme, conflits d’intérêt et pratiques douteuses. Cette thèse est accréditée par certains scandales impliquant des loges. Discrète et non secrète, la franc-maçonnerie l’est pourtant de moins en moins puisque des ministres vont jusqu’à révéler publiquement qu’ils en font partie. Olivier Tosseri


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