Classification histologique-voies de cancérogénèse
Marie-Aude Le Frère-BeldaAnatomopathologiste
Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
Cancers de l’endomètre
• Epidémiologie– Cancer gynécologique le plus fréquent en France– 5ème rang des cancers chez la femme– Incidence: 6500 nouveaux cas estimés en 2010– Post ménopause (âge moyen au diagnostic 68 ans)– Survie globale à 5 ans : 76%– Survie à 5 ans pour un stade localisé (70% des cas):
95%– Nombre de décès secondaires à un cancer de
l’endomètre en 2010: 1900
Pourquoi classer les cancers de l’endomètre?
• Aspects histologiques différents• Grades histologiques différents pour un type
histologique donné• Anomalies moléculaires différentes selon
l’histologie
Pronostic différent
Prise en charge thérapeutique différente
Pourquoi classer les cancers de l’endomètre?
• Prise en charge thérapeutique déterminée en fonction du risque de récidive
• Risque de récidive dépend:– Du type histologique– Du grade histologique– Du stade (classification FIGO 2009)
Pourquoi classer les cancers de l’endomètre?
• Exemple : 3 groupes à risque différents déterminés pour les tumeurs limitées au corps utérin (classification de l’European Society
for Medical Oncology (ESMO), 2009) avec un traitement adapté à chacun des groupes
Comment classer les cancers de l’endomètre
Classification histologique(OMS modifiée, WHO)
– Adénocarcinomes endométrioïdes• Villoglandulaires• Sécrétoires• À cellules ciliées• Avec différenciation malpighienne
– Adénocarcinomes séreux– Adénocarcinomes à cellules claires– Adénocarcinomes mucineux– Carcinomes épidermoïdes– Carcinomes de type mixte– Carcinomes indifférenciés
Classification histogénétique(basée sur des données clinico-pathologiques, moléculaires ou génétiques)
Type I
• Adénocarcinomes endométrioïdes
• Adénocarcinomes mucineux
Type II
• Adénocarcinomes séreux• Adénocarcinomes à cellules
claires• Carcinosarcomes
Classification histogénétiqueCaractéristiques Type I Type II
Répartition 70-80% 20-30%
Terrain Excès d’oestrogènes exogène ou endogène (obésité)
Absence d’excès oestrogénique
Statut ménopause Pré et péri-ménopause Post ménopause
Précurseur Hyperplasie atypique Carcinome intra-épithélial
Grade histologique Bas Elevé
Invasion myométriale Variable, souvent superficielle
Variable, souvent profonde
Type histologique ADK endométrioïde ADK séreuxADK à cellules claires
Evolution Indolente Agressive
Classification histogénétiqueCaractéristiques Type I Type II
Caractéristiques moléculaires
Positivité des RO et RPInactivation de PTEN (50%)Instabilité des microsatellites (20-40%)Mutations de Kras (15-30%)Mutations β-caténines (20%)
AneuploïdieMutations de p53 (80-90%)Surexpression de HER2 et de EGFRInactivation de p16 (40%)Mutations de E-Cadhérine (60-90%)
Adénocarcinomes de l’endomètreMacrocopie
Adénocarcinome de l’endomètreMacroscopie
Adénocarcinomes de l’endomètre de type I
Adénocarcinomes endométrioïdesAspects cliniques
• >75% des carcinomes de l’endomètre• Surviennent essentiellement après la
ménopause, âge moyen:59 ans• Rares avant 40 ans (1-8%); cancers alors de bas
grade et peu invasifs. Parfois contexte de maladie des ovaires polykystiques.
• Souvent révélés par des métrorragies et rarement asymptomatiques
• Diagnostic cytologique peu fiable• Diagnostic histologique (curetage, biopsies)
Adénocarcinomes endométrioïdesHistologie
Adénocarcinomes endométrioïdesGrade (OMS)
Grade 1 <5% de zones tumorales solides
Grade 2 6-50% de zones tumorales solides
Grade 3 >50% de zones tumorales solides
• Les territoires de différenciation malpighienne ne sont pas comptéescomme des zones solides.
• En cas d’atypies nucléaires marquéesles lésions sont surgradées.
Adénocarcinomes endométrioïdesGrade (OMS)
Grade 1 Grade 2
Grade 3
Adénocarcinomes endométrioïdesHistologie
Inflexion malpighienne Embole tumoral
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Mutations de PTEN– Anomalie génétique la plus souvent retrouvée
dans les ADK endométrioïdes (30-54%)– PTEN code pour une phosphatase qui est
impliquée dans la régulation, en particulier via AKT, d’une voie de signalisation intervenant dans la prolifération cellulaire et l’apoptose
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Mutations de PTEN (suite)– Retrouvées dans les 3 grades des ADK
endométrioïdes– Retrouvées dans 20-48% des hyperplasies
endométriales sans et avec atypies– Auraient un rôle important dans la survenue des
hyperplasies de l’endomètre mais ne seraient pas impliquées dans leur progression vers un ADK
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Mutations PIK3CA (sous-unité catalytique de PI3K)– Retrouvées associées ou non à une mutation de
PTEN– Rares dans les hyperplasies complexes avec atypies
(contrairement aux mutations de PTEN)– Présentes dans 40% des ADK endométrioïdes– Retrouvées dans les 3 grades
• Mutations p53– Rares dans les ADK endométrioïdes (10%)– Retrouvées essentiellement dans les grades 3 (50%)
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Instabilité microsatellite– Elle correspond à des modifications de longueur dans le
tissu tumoral de séquences DNA courtes répétées appelées microsatellites comparativement au tissu normal du patient.
– Elle s’observe lorsqu’il existe une altération des gènes (mutation ou hyperméthylation du promoteur) codant pour des protéines intervenant dans la réparation des mésappariement des bases pendant la réplication du DNA
– DNA mismatch repair genes : MLH1, MSH2, MSH6, PMS2– Elle contribue à la tumorigénèse
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Instabilité microsatellite (suite)
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Instabilité microsatellite (suite)– Syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal carcinoma)
• mutation germinale d’un gène MMR– 20% des cancers endométriaux sporadiques
• Hyperméthylation du promoteur du gène MLH1 le plus souvent (avec absence d’expression en IHC)
– Parfois retrouvée dans l’hyperplasie endométriale atypique associée au cancer
– Il a été décrit des hyperméthylations de MLH1 dans des hyperplasies complexes atypiques sans instabilité microsatellite.
Syndrome de Lynch• Cause la plus fréquente de cancer endométrial
familial• Mutation germinale d’un gène MMR (MSH6,
MSH2, MLH1, PMS2 par fréquence décroissante)• Transmission autosomique dominante• Le plus souvent : carcinomes endométrioïdes • Plus rarement :carcinomes à cellules claires ou
carcinomes indifférenciés• Discuté pour les carcinomes séreux et
carcinosarcomes.
HNPCCHNPCCMSIMSILynch
Syndrome de Lynch• A rechercher
– chez les patientes<50 ans– quel que soit l’âge chez une patiente dont un apparenté au premier degré a été atteint
d’un cancer colorectal ou du « spectre HNPCC » (endomètre, intestin grêle, urothélium, voies biliaires, estomac, ovaire)
• Immunohistochimie=test de screening (sensibilité:91% et spécificité:63% pour la détection MSI si les 4 marqueurs sont utilisés)
• Si IHC anormale (perte d’expression nucléaire avec témoin interne positif) : recherche MSI et recherche de mutation ou d’hyperméthylation des gènes MMR
• 1/5 à 1/3 des carcinomes endométrioïdes présentent une perte d’expression des protéines MMR– Cas sporadiques: le plus souvent hyperméthylation du promoteur de MLH1– HNPCC: mutations de MSH6, MSH2, MLH1, PMS2
Souvent perte en couplet de l’expression protéique (MLH1 avec PMS2 et MSH2 avec MSH6)
Immunohistochimie
MLH1 non exprimé MSH6 exprimé
Adénocarcinomes endométrioïdesAnomalies moléculaires
• Mutations de KRAS– 10-30% des cancers
endométriaux– Dans les 3 grades– Dans l’hyperplasie
endométriale complexe avec atypies
• Mutations de CTNNB1 (code pour la β-caténine)
– 15-20% des carcinomes endométrioïdes
Adénocarcinomes de l’endomètre de type II
Adénocarcinomes de type séreuxCaractéristiques
• 1 à 10% des K de l’endomètre• Surviennent typiquement après la
ménopause plutôt 7O ans• Pas de contexte d’hyperoestrogénie le plus
souvent• Macroscopie : utérus souvent petit et
atrophique avec une tumeur bourgeonnante ou parfois un polype
Adénocarcinomes de type séreuxCaractéristiques
• Microscopie: architecture souvent papillaire avec importantes atypies nucléaires et parfois des calcifications
• Autre composante tumorale souvent associée• Carcinome intra-épithélial souvent associé• Tendance à une infiltration myométriale profonde et
à de nombreux d’emboles tumoraux lymphatiques• Stade clinique souvent déjà avancé avec des
métastases ovariennes, péritonéales et ganglionnaires
• Tumeurs agressives (33 à 50% de survie au stade I)
Adénocarcinomes de type séreuxHistologie
Adénocarcinomes de type séreuxHistologie
p16 Carcinome intra-épithélial
Adénocarcinomes de l’endomètre de type IIAnomalies moléculaires
• Mutations de p53– Dans 90% des ADK séreux– Dans 75% des carcinomes intra-épithéliaux– En IHC:
• 75% des ADK séreux ont une surexpression de p53 (accumulation de la protéine p53 suite à la mutation)
• Les autres n’expriment pas la p53 (protéine tronquée ou changement conformationnel secondaires à la mutation mais non détectables en IHC)
• Inactivations de p16– En IHC: marquage intense et diffus
Adénocarcinomes à cellules clairesCaractéristiques
• 1-6% des cancers de l’endomètre• Age: après la ménopause vers 70 ans• Macroscopie: non spécifique• Microscopie: – cellules claires car cytoplasme contient du glycogène
(PAS +)– Architecture papillaire, tubulo-kystique ou solide,
grade nucléaire élevé– Infiltration myométriale souvent importante– Fréquence des emboles tumoraux intra-vasculaires– Tumeurs agressives
Adénocarcinomes à cellules clairesHistologie
Conclusion
Classification des carcinomes de l’endomètre en 2 groupes (type I et type II) est pratique mais un peu rigide– Formes histologiques mixtes (séreux et
endométrioïdes)– Carcinomes à cellules claires appartiennent au type II
mais ont des propriétés cliniques, IHC et moléculaires distinctes des carcinomes séreux
– Caractéristiques moléculaires hybrides entre les 2 types
Conclusion
X Matias-Guiu, J Prat. Histopathology 2013, 62, 111-123