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Combes Joseph - DAMASCIUS LECTEUR DU PARMÉNIDE (1975).pdf

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    DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE Author(s): Joseph COMBS Source: Archives de Philosophie, Vol. 38, No. 1 (JANVIER-MARS 1975), pp. 33-60Published by: Centre Svres Facults jsuites de ParisStable URL: http://www.jstor.org/stable/43036209Accessed: 19-05-2015 13:50 UTC

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  • Archives de Philosophie 38, 1975, 33-60.

    DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE

    par Joseph COMBES

    RSUM : Relativement aux hypothses du Parmnide, le dernier Diadoque de Vcole d'Athnes institue une aportique radicale, qui d-crypte la constitution de tout discours et de tout ordre de ralit jusque dans les marches de l'imaginaire et partir des antinomies de V ineffabilit dont Vme est Vinstance. Ses ana- lyses s'organisent en proposant une structure originale , qui est celle d'une arch-logie fondamentale o le no-platonisme s'accomplit et o l'essence de la philosophie nous fait signe . Prludant la publication d'un volume , cet article vise dans les textes les moments essentiels de cette pense .

    SUMMARY : Referring to the hypotheses of the Parmenides, Damascius, the last diadochos of the Athens school , elucidates the structure of all discourse and of all order of reality from the antinomies of the ineffable present in the soul . His analysies build up into the an original structure as a fundamental archeo- logy into which neoplatonism finds its achievement and where philosophy beckons to us. The present article which will be followed by a book considers the essential moments of that thought.

    Ni exercice vain o Platon se mesurerait en virtuosit pure aux sophistes, ni jeu gratuit de socit pour amateurs d'nigmes comme le sont parfois les philosophes, ni rcital acadmique ou morceau de concours, pas mme caricature de l'ristique o avec un supplment d'acribie le vide se combat- trait lui-mme, le Parmnide , dans son genre aportique et sous une apparence formelle, est l'une des rares uvres o le discours philosophique se radicalise comme en son commence- ment, dans sa pure chance de natre et dans la rigueur de ses conditions minimales. A propos de la simple question : - si l'Un est , s'il n'est pas , quelles seront les consquences? - le Parmnide a offert son Kaip au no-platonisme, qui a lu en lui la charte de sa formulation et de son dveloppement. En postulant que ce jeu logique a un enjeu mtaphysique,

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  • 34 J. COMBS

    que la puissance dialectique x s'y dploie dans la chasse l'tre (ei t)v to vto 0fpav)2, qu'elle y constitue la science des tout-premiers principes (xfv tcov 7ipcoxiaxcov pxv maxf||iriv)3, Yarch-logie fondamentale (on pourrait presque dire l'archologie, au sens husserlien), les no- platoniciens, Proclus et Damascius notamment4, y ont vu l'essence de la philosophie et mme de toute thologie.

    Nous voudrions ici prsenter aussi brivement que possible la lecture damascienne des hypothses platoniciennes. Elle dveloppe partir de l'ineffabilit de l'Un tout l'univers des ordres signifiants, et selon une structure remarquable que nous essaierons de dgager et de formaliser.

    Avec la lre hypothse, Platon dit l'indtermination de l'Un en numrant ce qu'il n'est pas. Dans sa littralit, le texte poursuit cette indtermination au long d'une succes- sion d'attributs ngatifs, qui pourraient tre pris pour des privations. En effet, et bien que Platon groupe deux deux les contraires qu'il exclut de l'Un - ce qui pourrait suggrer que l'Un tient distance toute opposition - , Platon limine en fait l'un aprs l'autre tous les termes, et le procd risque de dsigner l'Un comme un reste sans cesse diminu qui tendrait vers la privation absolue.

    Certains no-pythagoriciens au 1er sicle avant notre re se seraient peut-tre dj carts de cette exgse5. Plotin la rejette nettement en assimilant l'Un de la lre hypothse l'Un de la lre hypostase6, suivi en cela par tous les no- platoniciens. L'Un n'est pas le rsultat, mais le principe de l'limination des termes, car sa transcendance dissout a priori toute opposition de contrarit et de contradiction. Proclus attribue Syrianiis le mrite d'avoir justifi cette interprtation en montrant que les attributs affirms dans la 2e hypothse ne sont nis dans la lre que pour rvler la transcendance du 1er dieu7. Rien n'empchera alors Proclus dans son Commentaire de reconduire le procd de

    1. PftocLUS, Thologie Platonicienne , Saffrey et Westerink, 1968, L. I, chap. 9, p. 39, 1. 7.

    2. Ibid., p. 40, 1. 9-10. 3. Ibid ., p. 38, 1. 7. 4. Proctlus, In Parmenidem , Cousin, 1864, I, col. 635, 1. 28 - 643. 1. 5 ; VI,

    col. 1051, 1. 38 - 1052, 1. 2 ; Thol. Plat., L. I, chap. 8-11. Damascius, Dubitationes et Solutiones , Ruelle, 2 tomes, 1889.

    5. Voir A. J. Festugire, La rvlation d'Herms Trism giste, T. IV, Paris, 1954, p. 22-23 ; p. 52-53. H. D. Saffrey : Proclus, Thologie Plat., p. lxxvi. 6. Enn., V, 1, 8. 7. In Parm., VI, 1062, 1. 11-20.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 35

    rnumration ngative, puisqu'il fera dcouler celle-ci d'un pouvoir surabondant de ngation, qui, la racine de l'esprit, est l'indice de la simplicit absolue de l'Un. La lre hypothse ne nie pas par dfaut (icai sM,ei'/iv), comme la 5e, mais par excellence (icaO' Tcspoxrjv)8. Ainsi l'Un pur n'est pas Vautre du mme , comme dans la ngation du Sophiste, ni Y indtermination du Tout comme dans celle du Philbe , mais YAnonyme sur-ngatif , qui transcende l'opposition des principes de toute opposition, tels que dtermination (npaq) et indtermination (rceipa).

    Damascius poursuit cette entreprise de radicalisation de la lre hypothse. Ce n'est pas selon l'ordre de l'numration qu'il nie les attributs de l'Un, - et il n'en retrouve la suite ordonne qu' propos de la 2e hypothse, une fois que, changs de signe, ils s'affirment comme les matrices de l'Un-Tout. Mais d'abord Damascius les exclut tous ensemble par la critique globale de la notion de l'Un, en librant le pouvoir qu'elle contient de transcender vers le Rien par excellence, au-del du Rien du Tout et du Tout du Rien, au-del de l'opposition de l'tre et du nant, defl'opposition mme du nant de l'tre et de l'tre du nant, vers l'absolument Ineffable (rcvxri appiiov, 7rpprjxov). Platon, dit Damascius, nous a conduits ineffablement par la mdiation de l'Un vers l'Ineffable dont il s'agit maintenant au-del de l'Un9. L'Un sera toujours en porte--faux l'gard de l'Ineffable. Avec un sens extraordinairement aigu de la critique du langage, Damascius creuse sans rpit la dnivellation, de manire dlivrer l'Ineffable de toute relation, y compris mme de l'ineffabilit dans la mesure o l'inconnaissable, comme un dernier retranchement d'un connaissable ignor, pourrait encore abriter une nature susceptible d'attribut10. Nous sommes donc ici dans un tat d'hyper-inconnaissance (TCepyvoia)11, et devant une telle abolition de sens, une vaipscn qui n'est elle-mme absolument rien12, notre pense est prise de vertige (7iepiTpe7i|xs0a13).

    Elle se remet encore tourner sur elle-mme, quand, en-de de l'Ineffable, elle essaie de se rapprocher de l'Un dans sa simplicit, car l'Un demeure au plus prs de l'Inef- fable, si l'on peut dire, recouvert de son ombre dans le

    8. Thol. Plat., I, 12, Saffrey, p. 57, 1. 24. 9. Dubitationes , 5, p. 7, 1. 15-17. 10. 6, p. 10, 1. 21-24. 11. 29, p. 56, 1. 8. 12. 25, p. 42, 1. 2. 13. 4, p. 7, 1. 3 ; et passim .

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  • 36 J. COMBS

    sanctuaire de son silence14. C'est le symbole pythagoricien de son anonymat15. Il s'clipse continuellement la pense, ne compose en aucun ordre ni comme terme ni comme limite dtermine, et ne se laisse pressentir que dans le mouvement qui replie le tout vers le simple. Nous n'allons vers lui que sur la voie d'une ngation vectorielle, ne l'approchant que dans la diffrence16 d'o il s'est dj chapp vis--vis de tout horizon, car le purement Un est encore au-dessus de cette simplification dont le dernier degr sera l'tre, celui que nous appelons l'uni (viaov) 17. Telle est la transcen- dance de l'Un, qui surmonte toute opposition dans l'opposi- tion. En ce sens, on pourrait la dire transcendance au 1er degr, et transcendance au 2e degr celle de l'Ineffable qui surmonte l'opposition de toute opposition possible. L'Un n'en est pas moins insaisissable. Et de mme que l'Ineffable ne parle pas travers le schme de la ngation de l'Un, bien que celui-ci nous parle de l'Ineffable, de mme l'Un n'est pas dvoil par le schme de 1' involution et de la d-construction du Tout. La notion de l'Un doit tre sans contraire oppos, absolument une, et la concentration (auvaipeai ), qui aboutit l'uni, est impuissante nous la fournir 18. Sans doute nous ne chercherions pas l'Un, s'il ne s'agitait en nous comme une trace (%vo) de sa notion indivise 19. Mais, ports par son exigence intrieure, nous sommes amens dclarer irrductible la distance de l'Un-en-nous l'Un-en-soi20. En repliant le cercle galement partir de tous ses points vers le milieu, nous obtenons certes une image affaiblie du centre invisible21, mais la limite toute reprsentation du centre finit par s'abolir en mme temps que celle du cercle. L'Un ne s'indique nous que dans la vection vers lui de notre pense divise, comme ce qui lui imprime son mouvement et sa direction, tel le centre vers lequel se htent les rayons22. Cependant l'Un fuit toute synthse de pense et de nom, et toute distinction, comme celle du connaissant et du connu ))23. Non objet de savoir, mais de notre tourment

    14. 29, p. 56, 1. 9-10. 15. 46, p. 92, 1. 15-17 ; 49, p. 100, 1. 1-3 ; 52 bis, p. 104, 1. 17. 16. 26, p. 47, 1. 11. 17. 26, p. 47, 1. 21-23. 18. 26, p. 47, 1. 14-15. 19. 29, p. 54, 1. 18. 20. 5, p. 9, 1. 3-10. 21. 29, p. 54, 1. 25 p. 55, 1. 1. 22. 29, p. 54, 1. 22-23. 23. 5, p. 8, 1. 24-25.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 37

    (d) f||xTspov 7t 0i na)21. Sa connaissance est contradictoire. Dans la mesure o elle s'approche, elle se dissout dans l'in- connaissance de l'union25. C'est seulement de loin que nous nous imaginons l'Un connaissable et qu'il nous fait signe a26. Notre pense, duelle par essence, ou bien se sup- prime, ou bien dualise l'Un et le fait plusieurs. Disloque par la guerre titanique27, elle est voue aux enfantements aportiques 28, qui mentent l'Un pour le dire dans une vrit qui est toujours son dmenti. Elle ne fait un qu'en faisant deux et trois, qu'en divisant et qu'en se divisant. Et cet tat (rcGo) qui est le sien, elle s'efforce de le porter dans ce qu'il y a de plus saint et de plus indivisible 29. Mais c'est nous qui nous divisons envers l'Un et qui lui prtons avec nos propres tats les prdicats diviss en nous30.

    Voulant enfanter l'Un, la pense retombe toujours au- dessous de lui dans ses drivs31. C'est ce que Proclus, cit par Damascius, aurait nomm dans son Monobiblon l'axiome ineffable 32. La pense ne pense ce qu'elle pense qu' partir de l'impensable et de l'indistinct radical vers lequel elle s'efforce en arrire d'elle-mme. Elle n'est expansive qu'en disant son involution secrte en lui, de mme que la plante ne dveloppe sa tige et ne dploie ses rameaux qu'en poussant sa racine en sens inverse. A sa manire, la plante dit au jour le mystre de sa nuit. Analogue est l'essence de la pense et la naissance du discours, une espce de rvlation en porte--faux et, en ce sens, toujours pseudonyme par rapport ce qui est sans nom. Mais l'axiome ineffable (l'Un pur est inconnaissable) s'articule ce que Proclus aurait encore appel l'axiome exprimable 3S, savoir qu'il n'est de connaissance que de l'Un-Tout, de l'Un qui se constitue comme Tout, de l'Un qui se plurifie ou du Tout qui s'unifie, de l'Un qui s'organise, se donne des ordres, se fait pour nous principe d'ordres. (Serait-ce la pr- vrit de Hegel ?) La lre hypothse a dsign la d-constitution absolue avec

    24. 6, p. 11, 1. 7. 25. 29, p. 55, 1. 26-27 ; 27, p. 48, 1. 26-27. 26. 29, p. 55, 1. 22-23. 27. S 25 bis, p. 44, 1. 25 : 29, p. 57, 1. 22-23. 28. 27, p. 50, 1. 17-18. 29. 29, p. 57, 1. 23-24 ; 28, bis p. 54, 1. 13-14. 30. 2, p. 4, 1. 18-19 ; 4, p. 7, 1. 6 ; 6, p. 10, 1. 6 ; 6, p. 11, 1. 1 ; 7, p. 12, 1. 17-18 ; et passim . 31. 29, p. 57, 1. 14-15. 32. 29, p. 57, 1. 16. 33. 29, p. 57, 1. 17.

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  • 38 J. COMBS

    l'Ineffable et elle a dcrit la d-construction radicale avec l'Un.

    La 2e hypothse s'articule la lre, comme l'axiome expri- mable l'axiome ineffable. Le Tout provient d'une exigence de dvoiler l'Un, qui s'occulte plus profondment en se retirant dans l'Ineffable. C'est dans l'aportique de l'Un que s'enracine le principe de toute procession. Cherchant penser l'Un pur, nous ne parvenons penser que l'Un- Principe, et l'avatar ncessaire du discours se produit partir de ce qui lui fait chec. Autant de ngations dans la lre hypothse platonicienne, autant d'affirmations dans la 2e, comme le remarque Proclus aprs Syrianus34 : Tout ce qu'on nie de l'Un procde de lui, il faut qu'il ne soit rien de tout ce qui est pour que tout soit partir de lui 35. Ainsi la thologie ngative se dtend et se renverse dans l'ontologie. Les ngations par excs de l'au-del du dtermin et de l'indtermin se retournent dans les affirmations par dfaut de l'indtermin et du dtermin toujours relatifs. L'ontologie dcrit ainsi la procession des tres exemplaires et divins. Elle dit les figures divines comme rapports inverss l'ineffabilit de l'Un, et, en ce sens, elle est thologie spculative ou onto-thologie. En de de l'Un indiffrenci, son procd est celui de la complexification de l'Un-Multiple par auto-dtermination, selon le jeu antithtique de sa fonction dterminante (rcpa) et de sa fonction infinie (wteipov), jeu gnrateur des mixtes. Cosmos dialectique dit Proclus de cette 2e hypothse, qui progresse depuis le haut jusqu' la limite infrieure de l'Un-qui-est, travers tous les genres moyens36, selon la loi triadique de ce qui est d'abord indistinct (SiKpixov) (l'tre), de ce qui est en train de se distinguer (8iaKpiv|ievov) (la vie), de ce qui est enfin distingu (Sicuceicpinvov) (la pense) 37.

    Mais le danger, qui menace le discours ontologique, c'est l'oubli de son origine aportique. Damascius s'est attach fortement le conjurer. Sans la ventilation de la lre hypo- thse, les affirmations de la 2e, arrtes sur leur flux, fixeraient la divergence des sries dans le mauvais infini. Damascius

    34. Proclus n'ignore pas que la 2e hypothse comporte aussi des ngations, mais ce sont des ngations relatives, qui composent dans l'intelligible avec les affir- mations, comme dans le Sophiste. En niant, elles affirment quelque dtermination compensatrice. Au contraire, les ngations de la lre hypothse sont absolues au- del de toute dtermination et indtermination.

    35. In Parm ., VI, 1076, 1. 29-32. 30. Proclus, Thol, Plat ., I, 11, Saffrey, p. 53, 1. 20-22. 37. Ibid., p. 54, 1. 18-22.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 39

    souligne que procder n'est pas se sparer. L'indistinct est dans le distinct S8. Sous la dtermination des ordres, il y a la dynamique de l'Un qui se fait principe de Tout. Car, si pour Damascius comme pour Proclus il s'agit bien de constituer les diacosmes de l'tre en donnant un contenu chaque triade, il lui importe surtout de remonter au fonde- ment mme de tout dveloppement triadique. Il ne lui suffit pas pour cela d'entrer dans l'intelligence des ordres de constitution, ni du jeu des principes et des causes intelli- gibles (tels que limite, monade, pre, subsistance, - ind- termination, dyade indfinie, mre, puissance, - mixte, acte, esprit, triade), mais il lui faut engendrer l'ide mme de fonction et de principe. Tout se joue dans l'aportique de la dtermination de l'Un. Nous ne disons pas l'Un pur, nous disons l'Un dans son auto-constitution comme principe et cause de tout, premier de srie. Mais comment voquer travers le registre de nos distinctions l'exemplarit de cette expression originelle qui confine l'inexprimable ?

    Io) Nous disons l'Un dans la vection anticipe vers lui du Tout qui n'est pas encore dessin, en indiquant par l que tout ne peut subsister que par lui et en lui. Il est ainsi dans son indistinction l'Un-Tout avant le Tout (sv jtvxa up juxvTcov)39, sans dtente, dans sa manence (novf))40, improcessible (rcpTov)41, ne provenant pas de l'Ineffable par procession mais par manence (|ir| Jtpov jt toC ppf|Too St TtpoSou, XX 8i |iovi1)4-, et ne commenant aucune procession43. Tel est l'Un-Tout (t v jivxa), comme premier principe. Dans la suite des analogies, il autorise les fonctions de subsistance (imap^i), limite, monade, pre.

    2) Nous disons l'Un dans sa vection vers tout selon l'infinit, car l'Un a comme dj bu le Tout44, et le porte en lui sur le mode de la pluralit pure (t 7t^f10o)46. Damascius lve la pluralit la hauteur d'une hnade et l'appelle mme t aTOJtXf0o

  • 40 J. COMBS

    de l'Un. En mettant l'accent sur le Tout, nous disons le Tout-Un (t 7ivxa 8v) selon la puissance infinie d'coulement Cpcn)47 que libre l'Un. Il s'agit du Tout vectoriel avant le Tout ralis. En lui se manifestent le moment de la dualit, la phase de la procession, enfin avec son caractre propre le Chaos48. Le Tout vient aprs l'Un ; il est non-Un, non comme ngation de l'Un, mais comme position (Gai) de ce qui est autre que l'Un sans se sparer de lui49. La possibilit de procder est consubstantielle ce 2e principe50. Cause anticipatrice de toute procession51, il fonde les fonctions d'indtermination (icsipia), de puissance, de dyade indfinie, de mre.

    3) Nous disons enfin l'Un en intgrant la fluxion infinie du Tout-Un par la limite de l'Un-Tout dans un mouvement de conversion du Tout vers l'Un. Nous dsignons ainsi parmi les principes le premier qui soit compos (7ip(oxriv crvGeiov). Ce 3e principe plusieurs selon le 2e, un selon le 1er, est l'unifi (t rvcojisvov) de l'Un et du Tout ; il est encore appel l'tre (supra-substantiel) sous lequel l'Un se prsente avec l'aspect de l'unifi52. C'est le mixte universel (t Xov jiiktv)53, ou le Tout sous le rapport de l'unification archtype qui lie dans un seul acte la limite et l'illimitation. Il surmonte a priori toute contrarit par son indivisibilit (t SiapsTov)54, rendant possible en mme temps l'preuve de l'Un dans la pluralit , c'est--dire l'union (svcn), et l'preuve du plusieurs dans l'un , c'est--dire la distinction (Siducpiai)55. Il anticipe de manire indivise tous les lments (aToixea) qui seront projets et dploys en mme temps que composs en vertu de sa procession auto-constituante (auGimocrcaTov aToC TipoSov)56. Il est l'unit concrte de tout avant tout (7cpovco|xa)57. Racine unique de tout 58, il fonde tous les mixtes et il autorise les fonctions d'acte, d'esprit, de triade. C'est pourquoi le thologien le proclame le premier Mtis,

    47. 56, p. 118, 1. 15 ; 121, p. 313, 1. 7-10 : %X)Ol Kai rceipia TO v..., 3CE1IEVOV v . 48. 53, p. 106, 1. 27 p. 107, 1. 1. 49. 28, p. 50, 1. 22 p. 51, 1. 3. 50. 47, p. 95, 1. 5. 51. 48, p. 99, 1. 7 ; 48, p. 98, 1. 4-5. 52. 54, p. 110, 1. 26 p. 111, 1. 2. 53. 55, p. 114, 1. 21. 54. 55, p. 114, 1. 27. 55. 55, p. 114, 1. 18-20. 56. 55, p. 114, 1. 22. 57. 54, p. 108, 1. 15; 57, p. 120, 1. 2 : VG)|ia TV TTVTOV, Tip TtVTCOV JE

    5v Tfv iiiyvujivoov . 58. 53, p. 107, I. 7.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 41

    qui porte la semence des dieux et que les dieux eux-mmes appellent source (jtriyfi) de tous les diacosmes-sources (tfv jtriyacov rrvicov iaKajicov) 59.

    Telle est la triade exemplaire des premiers principes. Elle est en soi indcomposable, supra-substantielle, antrieure toute distinction et l'univers divis ; elle enveloppe tout, mais nous ne l'exprimons que dans la division de notre langage60. Damascius y insiste : il faut prendre garde l'Un indivisible de la triade61. C'est un principe gal de distribution qui ne se dnivelle pas rellement en se distri- buant. Ainsi, le Principe de l'ontologie hrite sa manire, sur le mode de l'indistinction, quelque trace de l'Ineffable de la thologie ngative. L'Un ne peut se produire comme principe que dans l'unit dynamique de la triade sur fond d'indistinction. La triade est l'expression exemplaire de l'Un. Selon la dynamique du Principe, ce modle se rptera dans la procession des triades de l'un-tre substantiel (ou des ordres intelligibles), de la vie (ou des ordres intelligibles- intellectuels), de l'esprit (ou des ordres intellectuels), selon la dtente de l'Un, retenue sous sa mesure. Il s'agit d'une dialectique descendante qui reproduit chacun de ses degrs le rapport manence-procession-conversion partir de l'Un- Principe qui dit travers toutes les dterminations son inadquation et sa diffrence originelle l'gard de l'Ineffable. Cette dialectique crit pour ainsi dire l'Absolu l'envers, en distribuant dans la complexification des ordres les attributs que niait Platon dans la lre hypothse. Damascius les retrouve tous, les uns aprs les autres. Sans doute il n'innove pas quant au contenu qu'il leur donne, car les figures divines qu'il rpartit ainsi sont les mmes que celles que Proclus dtermine dans sa Thologie Platonicienne, et suivant le mme ordre. Mais il a le gnie de souligner les mouvements fondamentaux, les flux de ce dveloppement en connexion avec sa mthode toute de souplesse et de rigueur critique. Mais suivre la procession des triades et des diacosmes divins jusqu'aux mes universelles au seuil du devenir nous retien- drait ici trop longuement.

    Il est temps de passer la 3e hypothse. Damascius souligne la diffrence de contexte. Nous ne sommes plus dans l'immu-

    59. 53, p. 107, 1. 13-15 ; cf. 190, p. 67, 1. 1-3 (jnyi TV 7tt1Y

  • 42 J. COMBS

    tabilit paradigmatique qui gardait les oppositions dans le plein de l'tre comme de simples diffrenciations dans l'homogne. Le 3e Un est celui qui descend dans le devenir rel62 et qui s'loigne des dieux. Il ne s'agit pas maintenant de l'Un divin, prcise bien Damascius, mais de l'un humain (t v0p7i8iov sv)63. Il ne ramasse pas tout le temps ni tous les genres ensemble dans une composition simultane, comme l'Ame universelle du Time , divisible et indivisible sans succession. L'me humaine au contraire ne peut penser la distinction des genres qu'en la dployant dans le cours du temps sous des points de vue alterns. Elle est soumise au rgime de la division progressive. Sa synthse mme passe par le dtour temporel. L'me se fait successivement un et non-un, plusieurs et non-plusieurs, tout et non-tout, parties et non-parties, le mme et l'autre, et ni le mme ni l'autre, et ainsi de tous les contraires64.

    Aussi chercher ce qu'est l'me particulire, c'est chercher savoir quelle ngativit structure son procs. Selon Damas- cius, les ngations introduisent ce qu'il y a de meilleur dans son caractre 65. Il faut donc les interroger.

    Io) Elles ne dcoulent pas de la lre hypothse66, du moins directement, car le pouvoir de nantisation, transcendante qui est le propre de l'Un pur ne dfinit pas l'me intrinsque- ment, mme s'il retentit en elle et si c'est elle qui l'nonce du fond de sa finitude.

    2) Ces ngations ne sont pas davantage tires de la nature de l'Un dmiurgique67 qui constitue le 3e ordre de la triade des intellectuels (2e hypothse)68, car bien que cette nature se prsente effectivement comme ni une ni multiple, elle ne souffre pour autant dans son immanence, du fait de sa propre identit et diffrence, nulle dcompres- sion, et sa ngativit reste sature.

    3) Ce n'est pas non, plus en vertu seulement de l'opposition interne l'me de l'un et du multiple que celle-ci se dfinit d'abord comme non-un et comme non-plusieurs, au sens o l'on entend l des limites radicales : car, ce n'est pas la mme chose qu'tre non-un et que dtruire l'un pour engendrer le plusieurs 69. Ce n'est pas non plus la mme chose qu'tre

    62. 398, p. 247, 1. 25. 63. 400, p. 252, 1. 24-25. 64. 399, p. 248, 1. 26 p. 249, 1. 1. 65. 412, p. 266, 1. 6-7. 66. 399, p. 248, 1. 6-7. 67. Ibid., 1. 12-15. 68. Cf. 301, p. 169 320, p. 186. 69. 399, p. 248, 1. 9-10.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 43

    non-plusieurs et que dtruire le plusieurs pour engendrer l'un. Les ngations extrmes sont donc ici manifestement anticipes 70, et c'est en transgressant sa propre division interne et successive que l'Un de l'me pose de lui-mme ses propres limites ngatives, qui rendent possibles ses gn- rations et ses destructions (yevaei Kai nXeia). C'est en transgressant son devenir sur ses propres limites que l'me s'en rend capable. Elle en domine ainsi les contradictions. Son ne-pas-tre-un, son ne-pas-tre-plusieurs, son ne-pas-tre, son tre-rien constitue la limite structurale de ses divisions, et c'est en rintgrant cette limite que l'me devient un et plusieurs, devient tout , soit pour descendre, soit pour remonter le devenir.

    Le 3e Un inaugure une structure d'tre originale, dans laquelle les ngations extrmes (non-un, non-plusieurs) supportent les mdiations (un et plusieurs) qui sont, quant elles, en partie affirmatives et ngatives. Ensuite la mdia- nit (jisaxri) de l'me rclame les opposs, le divisible et l'indivisible, le dans-le-temps et le sans-le-temps, par cons- quent l'affirmation et la ngation 71. Sa structure n'est jamais sature par aucun de ses contenus mdiatiss, et chacun implique la dialectique entire.

    Il rsulte des analyses prcdentes que l'Un de l'me se dfinit par une ngativit propre, non emprunte, constitu- tive d'un sujet (orcoKeijaevov) 72 bien spcifique par le type de mlange qui se ralise en lui entre le divisible et l'indi- visible. Je veux indiquer, dit Damascius, que ce mlange est auto-constituant (x jiyjia xoxo a0D7iaxaxov) dans l'me, savoir celui de l'un et du non-un, de l'tre et du non-tre. Car c'est partir de cet Un qu'il se dveloppe, et il n'est pas reu de termes dj tablis 73. Il pourra conclure plus loin : Cela prouve donc que notre me est auto-constituante (auBimarxaxo), mme si l'auto-constitution est en elle affaiblie 74. Il ne s'agit pas en effet d'un para- digme, mais d'un principe qui devient, en fusionnant dans son devenir un et non-un . Car l'un de l'me n'est pas une chose et le non-un une autre, de mme l'tre et le non-tre, le dans-le-temps et le sans-le-temps 75. Il faut se garder

    70. 399, p. 248, 1. 12. 71. 412, p. 266, 1. 7-9. 72. 399, p. 249, 1. 21-22. 73. 399, p. 250, 1. 1-3. 74. 399, p. 250, 1. 11-12. 75. 399, p. 251,1. 19-21.

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  • 44 J. COMBS

    d'carteler l'me entre substance et devenir 76. Tout entire en toutes ses parties (Xt| yp 81' /r|)77, elle couple son tre et son devenir dans une hypostase simple, (v &kX f TiocrrcTei) 78, mais selon des degrs divers de concentration. On doit la considrer comme une seule nature amphibie (nav (pcriv n

  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 45

    le prsent qui commence et celui qui finit, non comme une limite qui se dplacerait au fur et mesure de la succession, mais comme un principe stable et capable de relier (crcaGepv Kai GDveKTiKv)87 tout le devenir et de lui donner sa double orientation, car il est le point d'o part la procession et o aboutit la conversion de l'me88. Ni mue, ni en repos, dans l'instantan, l'me refuse tous les contraires et se rend capable de les articuler et de les composer. Et que personne ne s'imagine que par l'instantan les ngations introduisent les genres infrieurs (dans l'me), car elles introduisent les genres suprieurs en mme temps que les infrieurs 89. L'instantan ne se confond avec aucun. Il est au milieu et toujours prsent partout 90. C'est dire qu'il n'est nulle part dans le cours chronologique des actes ni dans l'ordre logique des genres opposs. Principe de composition, il ne compose pas lui-mme. Principe de division entre le mouve- ment et le repos, il ne se laisse pas diviser. Grce lui l'me peut raliser son devenir comme sur son axe fondateur, soit pour le dployer, soit pour le convertir, de mme qu'elle le rend possible en le transgressant par ses limites radicales de non-un et de non-plusieurs.

    A l'intersection des coordonnes que sont, pour ainsi dire, son instantan et sa structure ngative, l'Un de l'me se pose comme un centre (Ksvxpov)91, qui distancie tous les contraires, se rend capable de les susciter et de les drouler dans le tissu de ses affirmations et ngations compenses. L'me est l'instance mdiatrice des genres qu'elle n'est pas, car dans son indivisibilit elle se donne la loi qui lui permet de produire temporellement les oppositions et de les dpasser. Que peut bien tre l'instantan, demande Damascius, sinon l'ternel dans le temps (x aiviov eyxpovov) 92. En suite de quoi, il peut dclarer que l'me est le temporel qui se fait en quelque sorte ternel, l'engendr qui se substantialise, mais aussi l'ternel qui se temporalise, l'tre qui se tisse dans le devenir 93. L'me est l'instantan de tout son devenir. Dans la suite de ses mdiations, son instance file les rseaux d'an et de plusieurs sur sa structure ngative de non-un

    87. 412, p. 267, 1. 23. 88. Ibid., 1. 24-25. 89. 399, p. 250, 1. 28-29. 90. 407, p. 264, 1. 19. 91. 405, p. 262, 1. 24. 92. Ibid., 1. 28-29. 93. Ibid., p. 263, 1. 21-23 (x is y/povov acovexa rc Kai oatxai x

    yevrjxv . Kai au x a&viov xpovexai, Kai x v xfi yevaei ai)i7rXKexai).

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  • 46 J. COMBS

    et de non-plusieurs. L'un auto-constituant de l'me (auBu- nGT aio v to TT1 '}/i)xt* ev)94 pose ses limites et celles de son exprience sur fond de matire et sur fond d'absolu : - sur fond de matire, si celle-ci est ngation de l'un et du plusieurs par dfaut, - sur fond d'absolu, si l'Ineffable pur est ngation de l'un et du plusieurs par excs. On pourrait dire que l'hypostase de l'me combine ces deux apostases de dcons- truction. En elle, le conflit des ngations se redouble et se fait structure et fondement. Ainsi, sur l'axe de l'instantan qui troue le temps dans les deux sens de sa bi-polarit, l'me peut procder et se convertir selon une certaine convertibilit d'antitypie entre la matire et l'absolu. Entre l'ineffable par privation et l'Ineffable par transcendance, elle est le Xyoq qui parle l'instance et la limite de leur rapport. Puisant son pouvoir dans l'exigence en elle du nant mystique, mais en proie la distension du rien privatif, au foyer de toute contradiction, elle invente le discours, le dtour des mots o l'Absolu vole en clats. L'un de l'aine est le rien qui parle dans le temps le lien de l'Un qui ne parle pas au-del du temps et de l'ternit. Pour cela il a fallu que l'me projette sa propre logique au niveau de la 2e hypothse sous la forme d'un discours hypostasi et quasi absolu dans lequel l'Ineffable se renverse en quelque sorte selon les structures ternelles et paradigmatiques de la constitution de l'Un en Tout travers la dynamique du Principe.

    Mais si toute opposition est le fait de l'me, il va de soi que le rapport l'Ineffable ne peut tre dit qu'invers, de telle faon que les ngations de la lre hypothse se retournent dans les affirmations de la 2e, les unes et les autres tant profres successivement. Il va de soi enfin que pour constituer et habiter instantanment son discours le 3e un retrouve le mode ngatif pour se convertir vers ses prdcesseurs 95.

    Quel est l'objet de la 4e hypothse ? Proclus observe que la 3e a clos la procession de l'incorporel et du spar, et que la 4e introduit le mode d'tre divis dans les corps, insparable de la matire et dpendant des dieux dans sa distribution96. Telle est, rappelle-t-il, l'acception que les Pythagoriciens donnaient aux autres (ta aXXa), par opposition l'Un spar et incorporel97, acception qui reparat dans

    94. 417, p. 274, 1. 13-14. 95. 412, p. 266, 1. 5-6. 96. Thol. Plat., I, 12, Saffrey, p. 57, 1. 14-17. 97. In Parm., VI, 1059, 1. 8-11 ; VI, 1048, 1. 6-8.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 47

    le Phdon 98. Ce sont les mmes rfrences que cite Damascius pour prciser que l'on a appel autres (aXXa) cet tre-dans- la-matire (x v ')Xv v, x svu,ov) pour le distinguer des des espces dites en soi (rcp vxiSiapeaiv xv auxcv slScv A,eyo|ava)v)99. Le mme (x aux) est caractristique de Yen-soi de l'espce intelligible. Il est un et paradigmatique selon la subsistance, jusque dans l'me, car l'tre descend en elle pour s'unir troitement son devenir dans un mlange subsistant par soi. L'me est ainsi plus une que non-une100, et l'un de l'me est auto-constituant101.

    Mais l'tre ne franchit pas la limite infrieure de l'me. Aussi le devenir pur qui est le pur divis apparat en de comme Vautre que l'un dans l'absence de Y tre, par une sorte d'effet de rtrospective. La 4e hypothse ne conduit donc pas un 4e un proprement dit qui viendrait aprs l'un de l'me, mais la nature des autres 102, toujours lie l'exil hors de l'intelligible. Cela constitue un mode original de participation non-ontologique, travers lequel nous visons l'un et le mme de l'essence sur le mode des autres10*. Nous ne projetons ainsi leur nature qu'en la rfrant au retrait de l'tre, en conjuguant pour ainsi dire le prsent de cette nature sur le mode du pass toujours antrieur de l'essence. Tel est le principe de la constitution des formes du devenir ou des espces matrielles (vtaov siSv). Il ne s'agit pas l des formes sensibles, qui seront l'objet de la 6e hypothse. Les sviAa de la 4e sont des espces non encore mles la matire (outcd xr ),r aujaTreipupjasvcov)104, et par la mdiation de l'me elles ne participent des essences intelligibles que comme des indices de leur absence. Ce sont les formes que se donne cette absence sur fond de devenir. Les articulations du devenir ne rayonnent que de manire diffuse de l'clips des paradigmes, comme des images en creux et inverses, qui n'existent que dans l'action de tomber en de de leurs modles. L'action de tomber (bktuxcgi) hors de la subsistance de la forme en retire en passant un profit, ainsi l'absence de lumire, que nous appelons ombre, profite en passant de la lumire, car s'il n'y avait pas de lumire, il n'y aurait pas d'ombre 105. C'est le s'tant-

    98. Ibid., 1059, 1. 19. 99. Dubitaciones, 417, p. 274, 1. 9-12. 100. Ibid., 1. 8-9. 101. Ibid., 1. 13-14. 102. Ibid., 1. 16-17. 103. Ibid., 1. 15. 104. 435, p. 292, 1. 15. 105. 7, p. 12, 1. 7-8.

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  • 48 J. COMBS

    loign de l'un (i Ttoaxv xo v)106 qui dfinit la nature des autres. L'abstention de l'tre, disons son apo-stasie, rejette les autres dans leur propre loignement et en fait en quelque sorte les apo-stats de l'un. Telle est l'espce qui devient et prit, l'espce matrielle, sublunaire, dans son tout et dans ses divisions, et cette espce est minemment non-un 107. Certes, on doit dire qu'elle est pose par l dans quelque rapport l'un, car l'un est la cause que les autres sont autres 108. Mais dans ce qui devient et prit l'un est comme import de l'extrieur (t v sTceaaKxov), telle la chaleur dans la pierre 109. Aussi sa trace peut-elle s'effacer, lorsque le substrat se met en route vers sa dispersion. Il n'en demeure pas moins vrai que l'espce matrielle dans le monde sublunaire joue le rle d'une causalit adjuvante (aovaixiov), dj prcise par Platon dans le Phdon no, comme le rappelle d'ailleurs Proclus111. A ce titre, elle n'est donc pas en dehors des principes112. La nature des autres de la 4e hypothse est la nature trangre au caractre mono-eidtique (t voeiS) de l'espce en soi, la nature pluriforme (7tXi0osi8i) et infinie (rceipov) , qui participe aussi bien la limite et selon le tout et selon la partie113. Ce n'est pas la matire elle-mme (vXr[)9 bien que la dno- mination de i XXa puisse convenir d'une manire gnrale la matire comme aux espces matrielles114. Mais la matire ne participe mme pas de la pluralit ni de l'infinit115 pas plus que des autres dterminations, comme le montrera le commentaire de l'hypothse suivante.

    La 5e hypothse prsente la matire absolument informelle. C'est la nature des autres sans aucune participation carac- trise, antithse du Premier dont elle imite les ngations116, mais sur le mode de la privation. Nous ne la pensons que d'une manire vectorielle, en descendant les degrs d'unifica- tion de la substance jusqu' la limite infrieure, sur laquelle nous la postulons en l'appelant d'ailleurs improprement

    106. 418, p. 274, 1. 24. 107. Ibid., 1. 24-26. 108. 419, p. 275,1. 12-13. 109. 418, p. 275, 1. 4-5. 110. Phdon , 99 b. 111. In Parm., VI, 1059, 1. 19-20. 112. Dubitai iones, 418, p. 275, 1. 7-8. 113. 423, p. 279, 1. 24-26. 114. 417, p. 274, 1. 10 ; 306, p. 172, 1. 16-19. 115. 423, p. 279, 1. 23-24. 116. 425, p. 281, I. 13-15.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 49

    le dernier un (x axaxov v)117. Car l'Un transcende et englobe la substance, mais ici-bas il s'est comme impos lui-mme une distanciation vers le pire, une extraversion, jusqu' manquer de la substance (axe SsaGai xfj ocra)118. C'est l'tat de la matire, une sorte de lie et de dpt, couche tale en attente des formes, de la mme manire que le vide est le rceptacle des corps119. L'informe (x veSeov) de la matire sublunaire ne peut tre qu'infr, selon la divergence pure, le distanci en de de tout ( srcixdSe Siaaxv)120. La matire ici-bas s'est dj tout entire carte (nava rj5r| arcsaxri) et elle dmontre ainsi son extrme laideur (cdc>%oq) m.

    Mais son paradoxe, c'est qu'elle n'est pas sans subsistance (ok vTcapKxo)122. Dans sa distorsion mme, elle demeure sauve du nant. Comment est-ce possible ? En tant que tout autre , elle diffre des espces matrielles123 et elle ne participe d'aucune espce d 'un, depuis l'un imit de la qualit jusqu' l'un de l'tre substantiel, en passant par les intermdiaires que sont l'un de l'me, l'un dmiurgique, l'un des genres antrieurs comme le m et le en-repos, la figure, le tout et les parties, le nombre124. Parmnide nie tout cela de la matire, et cependant il la conoit avec quelque trace125. Or, au-del de l' un-tre substantiel, il y a la triade des principes exemplaires, et l'Un pur qui ne peut tre qu'Ineffable. Il reste donc que la matire soit pose selon cet Ineffable mme126, dans l'inversion extrme, comme quelque dernire trace de l'Un (xi axo eaxaxov i'xvo)127. Le mme-pas-un de la matire, qui est en de des autres-que-l'un , l' autre-mme-pas-un (x XXo ou5 cv)128, ne peut tre dit en dernier ressort que selon l'Ineffable de l'Un pur. Telle est la subsistance paradoxale de la matire, qui l'exclut la fois de toute participation positive et de tout rejet dans l'impossible. Prcipit (iopp^) de la premire cause 129, dernier cho (axaxov

    117. Ibid., 1. 24. 118. Ibid., p. 282, 1. 4. 119. Ibid., 1. 6. 120. Ibid., 1. 14-15. 121. Ibid., 1. 26-27. 122. 426, p. 282, 1. 28. 123. Ibid., p. 283, 1. 4. 124. Ibid., 1. 16-21. 125. 426, p. 283, 1. 22-23. 126. Ibid., 1. 29. 127. 425, p. 282, 1. 2. 128. 426, p. 283, 1. 15-16. 129. Ibid., 1. 2.

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  • 50 J. COMBS

    nfixTina) de l'absolument Premier 130, elle est un rien (oSv), qui n'est pas le nant du vide, mais qui manque de tout. Pure antitypie de l'Anonyme sur-ngatif, elle en rpercute l'ineffabilit, mais sur le mode de la pauvret et de la passivit. Dans l'intervalle de cette rpercussion se produit la rencontre (avoSo) des espces matrielles et de la matire. C'est alors que des espces quelque chose s'lance en avant vers la matire, ce qu'il est convenu d'appeler le en-puissance 1S1. Le en-puissance n'est donc pas un caractre intrinsque de la matire, mais un pisode qui s'ajoute elle132.

    Tandis que les autres de la 4e hypothse subissaient encore toutes les affirmations de l'tre de l'Un dans son loignement, les autres de la 5e subissent les ngations de l'Un pur dans sa dnonciation de tout sens133. Entre la matire et l'Un pur, il y a, comme le disait Proclus, une similitude de dissimi- litude (vjioiov |K>iTT)Ta)134 l'gard de tout. Mais c'est dans le dnuement complet que la matire est dernire136, spare de tout ce qui la prcde136, et c'est par sa rsistance qu'elle concourt la constitution du paratre, comme un principe de d-construction insupplable.

    Ainsi se clt le groupe des hypothses nonc affirmalif : si l'Un est. Damascius peut alors proposer leur conclusion commune137: Si l'Un est, il est aussi rien (oi)5v), comme le prouvent la lre et la 5e hypothses ; il est encore tout (navra), comme le prouvent la 2e et la 4e ; enfin, il est et il n'est pas la fois, comme le montre la 3e qui est la mdiane de l'en- semble pentadique 138. A ce degr de l'analyse, la structure du groupe est la suivante :

    130. 428, p. 285, 1. 16-17. 131. 427, p. 285, 1. 11-12. 132. Ibid., 1. 14. 133. 431, p. 287, 1. 22-23. 134. Thol. Plat., I, 12, Saffrey, p. 57, 1. 18-24. 135. Dubitationes , 431, p. 288, 1. 13. 136. Ibid., 1. 12. 137. Sur la base platonicienne de Parm., 160 b. 138. Dubitationes , 431, p. 289, 1. 1-4. Cette conclusion s'accorde avec celle

    de Proclus (Thol. Plat., Saffrey, p. 57, 1. 21 p. 58, 1. 7). A. d. Chaignet rapproche cette disposition de la forme de composition po-

    tique que les mtriciens appellent la Pentade (dans son Damascius. Fragment de son commentaire sur la troisime hypothse du Parmnide , Paris, Leroux 1897, p. 14).

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 51

    2re hypothse : l'Ineffable, ni un ni plusieurs, /V (Rien par excs)

    / hypothse : l' Un-Etre, un et plusieurs, ! YJ (Tout par exemplarit) )j3e hypothse : l'me humaine, ni un ni plusieurs, un et ' '( plusieurs (Rien et Tout) ' l 4e hypothse : les espces matrielles, un et plusieurs 'V (Tout par copie)

    v5e hypothse : la matire, ni un ni plusieurs, (Rien ineffable par privation)

    On voit que la structure de l'me (non-un, non-plusieurs, un et plusieurs) se dploie dans l'ensemble des ordres avec la correspondance deux deux des extrmes (non-un et non-plusieurs) selon la loi de Yantitypie, et avec la corres- pondance deux deux des moyens (un et plusieurs) selon la loi de Y exemplarit. J.Trouillard l'a lumineusement montr.

    Si l'on considre maintenant les hypothses nonc ngatif (si l'Un n'est pas), faut-il croire avec le Philosophe de Rhodes, Plutarque d'Athnes, Syrianus, Proclus139, qu'elles constituent toutes la vrification ngative des prcdentes, en exposant les impossibilits fondamentales qui renvoient la vrit des principes, comme autant de balises infranchis- sables que se donneraient les ordres de ralit ? Damascius ne le pense pas : elles n'aboutissent pas toutes aux impos- sibles 140. Il est sans doute loin de nier que l'objectif (ctkotc) du Parmnide, comme l'a fortement soulign Proclus, est de prsenter, en drivation de l'aveu de l'Un transcendant, l' auto-dmonstration de l'tre-de-l'un, qui dploie ses ordres de manire telle que sa propre affirmation se renforce des impossibles mmes que susciterait sa ngation.

    Mais Damascius prend occasion de la 6e hypothse pour faire remarquer que la frontire absolue que Parmnide a trace entre l'tre et le non-tre, le rel et l'irrel, ne passe pas entre le oui et le non des noncs si l'Un est, si l'Un n'est pas, qui commandent aux deux groupes d'hypothses. Les hypothses du groupe ngatif ne sont pas toutes contra- dictoires celles du groupe affirmatif. Ne concluant pas toutes l'absurde, elles n'ont pas toutes pour but de dmon- trer par la voie ngative la vrit des autres. Seules, la 7e (le nant vide de l'un ) et la 9e (le nant vide du plusieurs)

    139. In Parm., VI, 105G, 1. 3-10 ; VI, 1056, 1. 22 1057, 1. 5 ; VI, 1061, 1. 12-13. Thol. Plat., I, 10, Saffrey, p. 41, 1. 13-23 ; I, 12, p. 58, 1. 11-22.

    140. DubUationes, 460, p. 322, 1. 9 ; 433, p. 290, 1. 2-3.

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  • 52 J. COMBS

    sont habilites tre les fonctions de V impossible, puisque seules elles conduisent ce qui n'est absolument pas (to iiSaii jariSajicD v)141, seules elles suppriment l'Un jusque dans la dernire apparence142. La 6e et la 8e, quant elles, restent dans la srie des hypothses de constitution . Elles tablissent (la 6e avec le phnomne, la 8e avec les simulacres ) les possibilits de relation de l'Un et des autres, depuis leur union jusqu' leur sparation, o se marque le dernier degr de l'Un, sa consommation (nonepxoaiq) d'Un dans le non-tre-un, auquel les autres sont analogues143. Platon corrigeant Parmnide montre ici qu'un certain non-un est le dernier degr de l'un, de mme que dans le Sophiste il montre qu'un certain non-tre est le dernier degr de l'tre 144.

    Dans la 6e hypothse , aprs avoir recul les frontires de l'impossible qui arrtaient trop tt ses prdcesseurs, Damascius dcrit la constitution du sensible dans l'intervalle du devenir que tisse la ngativit de l'image de l'Un (e8coX,ov xou v), en de de la diffrence intelligible et en avant de la limite absolue du nant, qui concide avec l'clips totale de cette image145. La procession de l'un-qui-est s'est abaisse dans l'un-qui-n'est-pas, mais celui-ci n'est pas encore absolument priv de l'tre de l'un et continue exister l'un-qui-est sur le mode de ne-l'tre-pas 146. Tel est Vun dans la nature des autres 147, c'est l'un phnomnal (t (paivjaevov sv) et compos (auvGsxov)148. Sa nature cepen- dant est assimilable celle d'un principe (pxosifj)149, car il opre ce qu'il signifie : sa propre constitution synth- tique dans le mlange des autres de la 4e hypothse et des autres de la 5e150. Sans doute, il est lui-mme davantage autres que un, tant l'un-qui-n'est-pas (xo sv ji v), mais ce 3e autres se comporte comme un par rapport aux autres antrieurs, car, ayant son hy postase dans leur composition151, il est plus parfait que ses lments152.

    141. 433, p. 289, 1. 25 p. 290, 1. 2. 142. 433, p. 290, 1. 22-24. 143. 433, p. 290, 1. 17-22. 144. 433, p. 290, 1. 26 p. 291, 1. 2. 145. 433, p. 291, 1. 2-10. 146. 435, p. 292, 1. 19-21. 147. 438, p. 300, 1. 3-5. 148. 434, p. 291, 1. 27-28. 149. 435, p. 292, 1. 16-17. 150. 430, p. 286, 1. 23-25 ; 434, p. 291, 1. 24-25 ; 438, p. 299, 1. 19-23. 151. 436, p. 295, 1. 4. 152. 435, p. 292, 1. 27-28.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMENIDE 53

    Dans la srie des autres, il entretient une certaine analogie par rapport l'me dans la srie des uns153. En ce sens, ds l'expos de la 3e hypothse, Damascius disait que la 6e lui ressemble154. Dans sa complexit, l'me, sans tre les autres, est comme leur figure anticipe (rcpoTrccona)155 Son non-un, son non-plusieurs, son non-tre et tous attributs semblables peuvent tre pris positivement comme les para- digmes des autres156. Mais l'un phnomnal accentue, quant lui, sa nature ambigu (^icpigoXov cpaiv)157, car mimant l'Un en fusionnant les autres, il n'est un qu'en ne l'tant pas158. On pourrait l'noncer : l'un devenu autre ( XXoov 8v), l'un menti ('j/eu8|ievov v)159. Il constitue tout le phylum des tres qui naissent et prissent sous la lune160.

    Mais comment Damascius conoit-il la ralisation du compos ? Non la manire d'Aristote selon l'information de la matire par l'espce, ni la manire de Platon dans le Time par la simple localisation de la forme dans la matire, mais il concde que ces deux opinions peuvent trouver une vrit partielle dans le contexte de la solution qu'il propose161. Il s'agit de l'imitation que l'un phnomnal ralise ici-bas du mlange parfait de l' Un-Etre. Cette imitation est rendue possible par une sorte d'effet de retentissement que le dynamisme des hnades supra-substantielles suscite dans la matire. La pluralit des hnades rayonnent d'une ma- nire ineffable en de de l'Ineffable, et elles rpercutent leurs propres manifestations dans l'ineffable de la matire sous forme de traces anticipatrices. Ainsi au milieu des espces et de la dernire nature se tient en soubassement une pr-manifestation prodrome des choses en puissance 162. Ce sont les puissances de l'un et des plusieurs, auxquelles viennent s'adjoindre d'ailleurs les puissances qui manent des formes et de l'tre. Elles sont veilles l'acte par l'effi- cace des espces matrielles. Ici, les autres de la matire ineffable jouent le rle de l'un, tandis que les autres spcifis de la 4e hypothse font fonction de Ytre. Et de mme que l-haut l'union replie ensemble Ytre sur l'un sans les abolir,

    153. 435, p. 292, 1. 26-27. 154. 401, p. 258, 1. 19-20. 155. 435, p. 292, 1. 24. 156. 399, p. 251, 1. 16-18. 157. 436, p. 293, 1. 26. 158. 434, p. 291, 1. 28-29. 159. 434, p. 292, 1. 3-4.. 160. 434, p. 291, 1. 26-27. 161. 438, p. 298, 1. 1-12. 162. 438, p. 298, 1. 22-23.

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  • 54 J. COMBS

    de mme la composition ramasse l'un de la matire sur Y tre en acte (des espces)163. Et l'ensemble des deux, le tout du compos a ainsi sa propre hypostase dans l'ineffable de la matire164. C'est dire qu'il poursuit l'Un dans une distance o il se drobe sans cesse, et sur le mode invers de sa privation. Ce n'est que sur l'horizon de l'informe par dfaut qu' sa faon dans l'antitypie il aspire la cause premire , en essayant de tous ses efforts et de toute son hypostase de la rattraper, mais sans jamais parvenir saisir l'objet de son dsir165. Cependant, parce que le compos est une sorte d'coulement de l'un-tre (rcppoi xi)166, dans sa procession mme qui continue creuser l'cart, il ne cesse pas de courir aprs l'cho anticip (rcpoaTtfixrina) de l'tre de l'un qui retentit en lui. C'est pourquoi le compos ne se stabilise jamais lui-mme dans sa propre possession et se trouve toujours rejet dans son devenir. Il ne peut joindre l'un et l'tre que dans un mlange imit, sur fond de sparation de l'un (dans le en-puissance de la matire) et de Ytre (dans le en-acte des espces)167. Vivant ainsi l'exigence de l'un-tre sur le mode de l'indigence et de l'absence, il se constitue comme un phnomnal, un imagin ((pavxaojisvov ev)168, compos d'autres, un-non-tre , qui n'est que dans le flux (v 'pori)169.

    Vritable anomalie de l'Un, le phnomne accumule toutes les oppositions, sans vraiment les dominer, la diff- rence de l'me. En tant qu'il veut tre un, il se met en route vers l'tre, mais en tant qu'il est contraint de ne pas tre, il retourne vers le non-tre. Ce sont l les mouvements mmes de l'existence relative 17. Telle est la dialectique de la forme sensible , cette espce qui devient (x yiyv0i8vov eSo) et qui n'est jamais en vrit ce qu'on la dit 171.

    La 7e hypothse s'inscrit sous la suppression complte de l'Un172. Elle rencontre le nant par vacuit (x ^iiSauccK; v, x |x8sv), qui tombe au-dessous de toute ralit et de toute signification. Dans cette extinction par en bas de tout

    163. 438, p. 299, 1. 5-7. 164. 438, p. 299, 1. 9-10. 165. Ibid., 1. 11-14. 166. 438, p. 299, 1. 31 p. 300, 1. 1. 167. Ibid., p. 300, 1. 11-12. 168. 440, p. 309, 1. 13. 169. 439, p. 301, 1. 26. 170. 440, p. 309, 1. 15-17. 171. 440, p. 305, 1. 24. 172. 442, p. 310, 1. 13.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 55

    minimum d'un, d'tre et de pense, dans cette absence radicale de tout fondement, ce nant ne peut mme pas tre dit ineffable, ft-ce par dfaut173. Il s'exclut de toute similitude, mme antitypique, vis--vis du Rien ineffable de la lre hypothse. Il ne peut en tre l'imitation (|ii|ir|na)174, comme d'aucuns l'ont cru, car le 1er Nant n'est nullement modle de privation, ni synonyme de vide absolu. Mais la notion du nant par vacuit est forge par notre imagi- nation (

  • 56 J. COMBS

    grande particularisation182, les lments rsiduels de l'un phnomnal, les autres que l'un-non-tre 183, les instances de sa rsolution, mais aussi les concomitants de sa produc- tion, les composantes sensibles qui font saillir en quelque sorte depuis l'envers le relief et la diffrence du phnomne184, tel l'imbroglio des fils d'une tapisserie retourne. Ce sont les parties composes de l'un compos (x avGsxa ispr To (tdvBstoi) v)185. Il les agglutine, et, en ce sens, on peut en effet estimer qu'il en est compos, non au niveau de sa structure o interviennent les autres de la 4e et de la 5e hypothses, mais celui de sa manifestation186, dans le tissu de ses conditions empiriques et de ses rles. Les autres de la 8e hypothse sont les simulacres dans lesquels Y un- phnomne se fait paratre. Agglomrats d'infimes masses (aniKpv oyKcov)187 dynamiques, qui sont indivisibles en tant que purs flux, les simulacres se font et se dfont sans cesse. Ils constituent des facteurs trs divers, comme par exemple ceux qui interviennent au plan des populations et des cits dans la composition et la gense des diffrents animaux qui vivent en socits, et non seulement des ani- maux, mais encore de tous les vgtaux et des tres sans vie ))188. Les lments indivisibles des simulacres sont les derniers principes d'apparition de toi et de moi, si tu veux, comme le dit Damascius, ainsi que de tous les tres particuliers 189. En chass-crois continuel, simulacres et phnomnes mlent les eaux de leurs flux et de leurs reflux (jiexappe e M,r|,a)190 et composent en toutes sortes d'oppo- sitions une quasi-hypostase qui n'est pas pure hypos- tase ))191, monde dont toutes les voies sont obliques , fantme sans consistance, fugace apparition, revtu de parures d'emprunt comme les jeunes fiances dfaut de beaut personnelle 192. Damascius accumule les mtaphores pour suggrer toutes les possibilits de fiction et d'illusion dont joue l'un-non-tre dans ses registres oniriques pour se faire paratre sur le mode des autres phnomnaux. Et

    182. 449, p. 314, 1. 27. 183. 449, p. 314, 1. 19-20. 184. 454, p. 318, 1. 17. 185. 449, p. 314, 1. 26. 186. 437, p. 297, 1. 27-28 ; 450, p. 315, 1. 9. 187. 454, p. 318, 1. 21. 188. 449, p. 315, 1. 1-2. 189. 449, p. 315, 1. 5-6. 190. 451, p. 316, 1. 3. 191. 452, p. 316, 1. 7-8. 192. 453, p. 317, 1. 1-10.

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  • DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE 57

    tandis que s'paissit l'absence de l'Un, tout parat s'couler dans la disparate de la ngativit d'en bas, mais tout semble aussi demeurer dans cet tat insolite comme en repos193, car les simulacres n'ont pas pass le seuil de l'impossible et ils restent dans le paradoxe de leurs antitypies et de leurs substitutions.

    La 9e hypothse interroge leur comportement en adoptant la perspective de l'Un compltement supprim, comme la 7e194, dont elle est l'analogue. Elle est directement contra- dictoire la 8e195, mais travers celle-ci toute la srie des hypothses des autres . Elle dmontre que les autres n'tant autres de rien 196 ne sont mme pas autres . Elle les annule tous, en annulant leur possibilit minimale au niveau des pures apparences de la 8e hypothse. C'est une preuve a fortiori (eiKvucra sk rcspiouaac;)197. Mais achevons la rduction: pas plus du ct des autres nis que de Y Un supprim , il n'est possible de se faire une opinion de ce qui n'est absolu- ment pas. Aucune intentionnalit n'est ici possible198, et ce qui est ainsi suppos est dj sorti de la pense. Pour les autres comme pour Y Un, l'absurde du Nant par vacuit s'exclut de lui-mme selon la mme preuve montologique. Tel est l'impossible des autres, en relation d'identit l'impossible de l'Un. Ce sont les fonctions parallles un mme nant impossible .

    Avec Platon, Damascius peut alors conclure que, si l'Un n'est pas, rien n'est199, mais il prcise que telle n'est pas la conclusion des quatre hypothses ngatives, mais seulement de la 7e et de la 9e, dans lesquelles le non-tre exprime la ngation universelle, car ce sont elles qui ont pour cons- quence ncessaire le nant )>200. Cependant, la toute dernire conclusion de Platon201 se trouve vrifie trs exactement par l'interprtation damascienne : si l'Un n'est pas, il parait tre tout (6e et 8e hypothses) et il parat n'tre rien (7e et 9e). La 6e et la 8e hypothses assument les fonctions de la consti-

    193. 454, p. 318, 1. 24-26. 194. 456, p. 319, 1. 4-5. 195. 458, p. 319, 1. 19. 196. 457, p. 319, 1. 12-13. 197. 458, p. 319, 1. 19-20. 198. 460, p. 321, 1. 4-7. 199. Parm., 166 b. 200. Dubitatione8 , 460, p. 322, 1. 7-11. 201. Parm., 1 66 c.

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  • 58 J. COMBS

    tution du paratre, la 7e et la 9e les fonctions de l'impossible ou de l'absurde.

    Ainsi la structure arch-logique est complte. Il s'agit d'une sorte de structuralisme de l' auto-constitution de l'me (3e hypothse). Celle-ci pose ses modles ontologiques de constitution dans les ordres de la 2e hypothse, partir d'un absolu de d-construction qu'expriment leur manire les ngations de la lre. Les ordres exemplaires de la 2e se rpercutent en autant d'ordres dgressifs travers les autres hypothses de constitution (la 4e avec les espces matrielles, la 6e avec le phnomne, la 8e avec les simulacres). Elles dterminent les niveaux possibles du discours en de des limites du silence que fixent les hypothses de d-construc- tion : la lre avec l'Ineffable par excellence, la 5e avec l'inef- fable par dfaut qu'est la matire, la 7e avec l'impossible de l'Un, la 9e avec l'impossible du plusieurs.

    On peut reprsenter cette structure selon l'ordre de son apparition par le tableau suivant double entre, sur l'axe de l'me. Cette figure a l'avantage de montrer les corres- pondances directes des affirmations et ngations compenses aux ngations fondamentales, ou des ordres de constitution aux limites de d-construction.

    Mais, comme ci-dessous, on peut considrer la structure partir de son centre. L'me (H3), faisant rfrence ses ples ngatifs (Hl, H5, H7, H9), dploie l'espace de constitution de son discours et des ordres de ralit (H2, H4, H6, H8). Dans le carr du Rien apparat le carr du Tout, les dter-

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  • D AM A SC IU S LECTEUR DU PARMN IDE 59

    minations tant comme prleves sur les ngations radicales. Ce diagramme rvle l'ensemble des relations.

    Pr-rel Hl est le Rien Ineffable par excs. Infra-rel H5 Rien ineffable par dfaut (matire). Irrel H7 Rien absurde de l'un. Irrel H9 Rien absurde du plusieurs.

    Etre H2 Tout de l'Un-Etre (diacosmes et espces exemplaires).

    Etre et Devenir H3 L'me, ni Tout ni Rien, Tout et Rien. Devenir H4 Tout des espces matrielles (autres). Paratre H6 Tout du phnomne (un dans la nature

    des autres). Paratre H8 - - Tout des simulacres (autres du phno-

    mne). H2 pose ce que nie Hl. H4 H5. H6 H7. H 8 H9. Hl et H7 sont homologues. H5 et H9 . H5 est antitype de Hl. H7 et H9 sont identiques dans l'absurde et ne diffrent que par

    l'orientation de la perspective, soit selon la srie de Y Un, soit selon la srie des autres .

    H2 et H6 sont homologues. H2 est exemplaire de H4. H4 et H8 sont homologues. H6 est exemplaire de H8.

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  • 60 J. COMBS

    H3 et H6 manifestent quelque analogie dans le rapport un-plusieurs , mais H3 (l'me) est plus un que plusieurs , tandis que H6 (le phnomne) est plus autres que un. Sous cette rserve H3 est exemplaire de H6.

    H7 est directement contradictoire H6, mais travers H6 toute la srie de l'Un, car H6 est Y un minimal. En outre 117 contredit aussi toute la srie des autres.

    H9 est directement contradictoire H8, mais travers H8 toute la srie des autres , car H8 est le autres dernier. En outre H9 contredit aussi toute la srie de Y Un.

    Ce sont l les relations les plus remarquables de cette structure, qui comporte mathmatiquement 36 possibilits rciproques, constituant autant de matrices de discours202.

    Tel est le cosmos dialectique que dploie l'me damas- cienne, en se dpliant partir des puissances antinomiques en elle de l'ineffabilit. Cette structure constitue un modle philosophique, valable par soi au-del du donn historique qui fut son berceau. C'est ainsi qu'elle donne toujours penser. Par exemple, pour la constitution d'une phnomnologie des systmes philosophiques, pris comme des figures qui privilgieraient l'un ou l'autre des postes de cette structure, ce modle peut rvler une grande fcondit heuristique et hermneutique. Mais le rle de cette archlogie est plus significatif encore, comme discours de Varch. Dans cette structure, qui articule la construction la d-construction radicale, circule en effet ce qui dfinit peut-tre le mieux Y essence de la philosophie comme exprimentation des fonctions du silence . Il s'agit d'une critique qui n'est fondatrice que parce qu'elle est radicale, car noncer quelque vidence ne procde que de l'infini pouvoir de tout dnoncer.

    202. Conformment la formule qui donne le nombre des combinaisons possibles de m objets diffrents, pris n n :

    0m m (m - 1) (m - 2) (m - n + 1)

    n nl

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    Article Contentsp. [33]p. 34p. 35p. 36p. 37p. 38p. 39p. 40p. 41p. 42p. 43p. 44p. 45p. 46p. 47p. 48p. 49p. 50p. 51p. 52p. 53p. 54p. 55p. 56p. 57p. 58p. 59p. 60

    Issue Table of ContentsArchives de Philosophie, Vol. 38, No. 1 (JANVIER-MARS 1975) pp. 1-175Front MatterLA NATURE CHEZ HEGEL ET CHEZ ARISTOTE [pp. 3-32]DAMASCIUS LECTEUR DU PARMNIDE [pp. 33-60]RFLEXION ET PLURALISME: Fonction et tche de la rflexion philosophique en face d'une conception pluraliste de la socit [pp. 61-78]INFORMATION BIOLOGIQUE ET ENTROPIE [pp. 79-119]COMPTES RENDUSReview: untitled [pp. 121-122]Review: untitled [pp. 122-129]Review: untitled [pp. 130-130]Review: untitled [pp. 130-131]Review: untitled [pp. 131-132]Review: untitled [pp. 132-133]Review: untitled [pp. 133-134]Review: untitled [pp. 134-136]Review: untitled [pp. 136-140]Review: untitled [pp. 140-142]Review: untitled [pp. 142-143]Review: untitled [pp. 143-144]Review: untitled [pp. 144-146]Review: untitled [pp. 146-147]Review: untitled [pp. 147-149]Review: untitled [pp. 149-150]Review: untitled [pp. 150-153]Review: untitled [pp. 153-153]Review: untitled [pp. 153-153]Review: untitled [pp. 153-154]Review: untitled [pp. 154-155]Review: untitled [pp. 155-156]Review: untitled [pp. 156-158]Review: untitled [pp. 158-160]Review: untitled [pp. 160-160]Review: untitled [pp. 161-164]Review: untitled [pp. 164-165]Review: untitled [pp. 165-166]Review: untitled [pp. 166-167]Review: untitled [pp. 167-168]Review: untitled [pp. 168-168]Review: untitled [pp. 169-169]Review: untitled [pp. 169-170]Review: untitled [pp. 170-170]Review: untitled [pp. 171-171]Review: untitled [pp. 171-171]Review: untitled [pp. 171-172]Review: untitled [pp. 172-172]

    BIBLIOGRAPHIE: Ouvrages envoys la rdaction [pp. 173-175]ERRATA: LOGIQUE ET PROBLMATIQUE DU PRINCIPE [pp. 175-175]Back Matter


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