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CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT … · intégrée de son domaine maritime et...

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1 UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS UFR - LETTRES ET SCIENCES HUMAINES SECTION GEOGRAPHIE / LABORATOIRE LEÏDI OPTION : ECOSYSTEME ET ENVIRONNEMENT MEMOIRE DE MASTER II Présenté par : Ousseynou NIANG Sous la direction de : Serigne Modou FALL Chargé d‟enseignement Année académique : 2009-2010 CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT LOCAL : L’AIRE MARINE PROTEGEE DE SAINT-LOUIS
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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS

UFR - LETTRES ET SCIENCES HUMAINES SECTION GEOGRAPHIE / LABORATOIRE LEÏDI OPTION : ECOSYSTEME ET ENVIRONNEMENT

MEMOIRE DE MASTER II

Présenté par : Ousseynou NIANG

Sous la direction de : Serigne Modou FALL

Chargé d‟enseignement

Année académique : 2009-2010

CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT LOCAL : L’AIRE MARINE

PROTEGEE DE SAINT-LOUIS

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INTRODUCTION GENERALE

1) CONTEXTE GENERAL

Les impacts de la pêche sur les écosystèmes marins et côtiers sont de nos jours

régulièrement mis en cause, aussi bien dans les médias que dans les revues scientifiques. Les

principaux mots-clés du discours sont surexploitation des stocks, pillage des ressources par la

pêche illégale, dégradation des milieux et altération de la biodiversité, menace sur les espèces-

cibles ou accidentellement capturées comme le „„Thioof’’ (1)

et les tortues marines au Sénégal.

En novembre 2006, la critique a culminé avec l‟annonce faite – dans un article publié dans la

fameuse revue américaine Science – d‟un possible effondrement des pêcheries mondiales en

2048.

Le constat procède de la reconnaissance de l‟insuffisance des mesures actuelles de

conservation et du contrôle de leur application. Mieux, il est aujourd‟hui reconnu que les

mesures de conservation ne permettent pas de contrecarrer efficacement les logiques

individuelles de concurrence pour l‟accès aux ressources marines et côtières.

Pour rompre le cercle vicieux de la surcapacité et de la surexploitation, la communauté

internationale réunie à Durban en 2003 a recommandé la création d‟aires marines protégées

pour le renforcement des mesures de conservation des ressources halieutiques.

Cependant, la logique qui soutend la mise en place des AMP veut que ces dernières soient

comprises comme étant un dispositif d‟intégration de la conservation des écosystèmes et des

ressources aux dimensions économique et sociale au niveau local et national.

Cette logique remet en scelle la question des rapports entre les aires protégées et leur

périphérie avec l‟introduction de nouveaux paradigmes qui ont pour nom : participation aux

efforts de conservation, gestion concertée ou encore cogestion.

Ainsi, au-delà de la dimension participative à la conservation des ressources naturelles, les

rapports qui lient les aires protégées et leur périphérie constituent une dimension évidente des

réseaux qui structurent et animent les territoires.

1 Nom wolof pour désigner le mérou blanc (Epinephlus aeneus), espèce démersale côtière

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L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis constitue un espace d‟observation intéressant à

cet égard. Elle vit de plein fouet une des spécificités sénégalaises les plus marquantes en

matière de gestion des ressources halieutiques, caractérisée d‟une part par une augmentation

de l‟effort de pêche et d‟autre part, par une volonté de l‟Etat de renforcer le régime de gestion

intégrée de son domaine maritime et côtière.

C‟est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‟AMP de Saint-

Louis dans le cadre d‟une redynamisation du secteur de la pêche, levier principal de

développement au profit des acteurs locaux.

A cet effet, nous nous proposons à travers ce thème, de faire une recherche axée sur

les liens ou rapports entre conservation de la biodiversité et développement local. Ce qui

inscrit naturellement notre thème, dans le cadre général des recherches en cours dans

plusieurs pays, sur comment concilier la conservation de la biodiversité et le développement ?

Dans cette optique, nous partons du consensus qui semble se dégager autour de la nécessité de

lier conservation des ressources naturelles et développement, pour se poser la question du

comment la gestion de l‟aire marine protégée de Saint-Louis intègre la dimension du

développement qui doit, avant tout prendre ses racines au niveau local ?

Dès lors et tenant compte du contexte actuel de l‟AMP de Saint-Louis, notre problème général

de recherche est de savoir, pourquoi cette aire protégée peine à contribuer de façon

effectivement au développement local de sa périphérie ?

Telle est la question majeure à la quelle tente de répondre ce présent travail de

recherche qui se propose de dégager des pistes de réflexion mais aussi de définir des stratégies

de gestion basées sur les réseaux et les formes de solidarité spatiale négligées jusque là par la

politique de conservation.

Dans cette perspective, ce document est structuré en deux phases principales qui

concourent avant tout, à poser de façon explicite la problématique de recherche qui est ensuite

traitée à travers trois hypothèses de départ développées en trois principales parties.

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2) PROBLEMATIQUE

Le littoral nord sénégalais à l‟image du littoral des pays de la sous région ouest africaine, est

le lieu d‟exercice de nombreuses activités humaines d‟intérêt économique. Cependant, force

est de reconnaitre que ces activités reposent sur un espace sensible qui montrent parfois des

signes de dégradation inquiétants : destruction d‟habitats naturels, pollutions, érosion,

salinisation des sols etc.

Les ressources halieutiques quant à elles ont sensiblement diminué au cours des dernières

années, en raison d‟une pression humaine souvent excessive et mal contrôlée. Ce qui installe

la pêche, principale activité des communautés locales, dans une crise profonde. Pourtant, la

pêche présente encore un caractère vital pour les populations du littoral nord sénégalais, non

seulement en termes économiques mais aussi vis à vis de la sécurité alimentaire.

Par ailleurs, le littoral nord, grâce à un effort de conservation relativement bon de ces

écosystèmes, est le lieu de concentration d‟une biodiversité rarissime comparée au reste du

pays : nombreux cétacés (baleine, dauphin, phoque, etc.), colonies de reproduction de tortues

marines, colonies d‟oiseaux d‟eau et les plus grands rassemblements mondiaux de limicoles

en hivernage, soit près de quatre (4) millions d‟individus provenant des lieux de reproduction

européens. Cette faune occupe une place privilégiée dans la culture des sociétés du littoral,

comme c‟est le cas des tortues marines présentes dans la cosmogonie de la plupart des

communautés pêcheurs.

De même, ces espèces contribuent au potentiel touristique du littoral même si ce potentiel est

encore largement sous-exploité.

Cependant, la diversité biologique est menacée pour un ensemble de raisons : augmentation

de l‟effort de pêche avec des engins peu respectueux de la nature, prélèvements directs

(requins, tortues marines), accidentels (dauphins, tortues ou lamantins capturés dans les filets)

ou encore dégradation de l‟environnement (érosion, dégradation des mangroves, barrages,

pollutions provoquées par les activités humaines sur la partie terrestre du littoral)…

L‟évolution rapide de la situation ainsi que les difficultés de planification et de concertation

intersectorielle ont conduit à une dégradation du milieu et des ressources et, consécutivement,

à une aggravation de la pauvreté des populations locales.

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A son tour cette pauvreté, faute d‟alternative, entraîne des modes d‟exploitation non durables

tels que la pêche de juvéniles, la capture de raies et de requins pour leurs ailerons ou encore

l‟usage d‟engins ayant un fort impact négatif sur l‟environnement marin tels que les filets

monofilaments.

L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis (AMP-SL), terrain de cette présente étude, est située

au cœur du littoral nord sénégalais et constitue à bien des égards un cas intéressant en matière

de conservation de la biodiversité marine et côtière dans un contexte marqué par un risque de

péjoration des conditions climatiques et une rareté des ressources halieutiques, qui a fini

d‟instaurer une situation de crise dans le secteur de la pêche qui est le principal levier de

développement des communautés locales.

Créée par décret 2004-1408 du 04 novembre 2004, au même titre que quatre autres AMP

situées dans les localités de Abbéné (Casamance), Bamboung (Delta du Saloum), Joal (Petite

côte), Kayar (grande côte) ; l‟AMP de Saint-Louis a pour vocation de contribuer à la

conservation de la biodiversité marine et côtière dans une perspective de développement local.

Cet option s‟est clairement exprimée dans le rapport de présentation du décret de création des

AMP qui précise que « la promotion des aires marines protégées constitue un avantage

certain pour la conservation de la structure, du fonctionnement et de la diversité des

écosystèmes ; de leur reconstitution en cas de dégradation ; l’amélioration du rendement de

la pêche et des retombées sociales et économiques pour les communautés locales.».

Ainsi, pour préserver les capacités de la zone côtière en termes de potentiel de développement

au bénéfice des populations, l‟Etat du Sénégal a entrepris la mise en place des AMP qui visent

à renforcer le régime de gestion intégrée de ses zones marines et côtières.

Dans un tel contexte, l‟AMP de Saint-Louis est appelée à jouer un rôle important dans

le lien nécessaire et presque admis entre conservation de la biodiversité et développement

local. En effet, l‟expérience a montré que même si le statut de protection dont bénéficient ces

espaces protégés s‟est avéré essentiel pour le maintien de leurs valeurs économiques, sociales

et culturelles, les communautés locales vivant à la périphérie de ces aires protégées, par leur

connaissance des milieux et des ressources et par leur présence sur le territoire, peuvent

contribuer directement et de manière durable à la gestion de ces AMP et à leur surveillance.

En retour, l‟existence de ces milieux, où diversité naturelle et culturelle se renforcent

mutuellement, doit fournir des opportunités en matière de développement local.

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Cependant à la lecture du processus de création et de mise en place de l‟AMP de

Saint-Louis depuis maintenant six (6) ans et, au vu des effets et impacts dans le

développement local jugés peu satisfaisants par les acteurs ; on peut bien se poser la question

du pourquoi cette AMP ne parvient pas encore à contribuer de façon significative au

développement local de sa périphérie ?

Si le développement local s‟entend par une mobilisation des acteurs locaux au profit

des ressources locales et un partage juste et équitable des bénéfices tirés de la conservation,

quels sont les vrais facteurs qui empêcheraient l‟AMP d‟y contribuer ?

En effet, faut-il le rappeler, l‟AMP de Saint-Louis, mise en place dans un contexte de

décentralisation, jouit d‟un cadre favorable à la coexistence et à l‟intervention au niveau local,

d‟une pluralité d‟acteurs aux logiques parfois divergentes : populations locales, structures

étatiques, partenaires financiers, secteur privé, Collectivités locales, ONG, organisations

communautaires de base, etc. Ces acteurs interviennent de plus en plus au niveau local et

revendiquent une part plus importante dans la conservation des ressources de l‟AMP. Ce que

ne permet pas encore le modèle de gestion actuel de l‟AMP.

Le comité de gestion de l‟AMP, censé offrir un cadre d‟harmonisation et de mise en

cohérence des interventions pour tous les acteurs locaux, ne joue pas encore au mieux son

rôle.

Sur le plan spatial, l‟AMP de Saint-Louis, d‟une superficie de 49 600 ha, occupe une bonne

partie de la zone de pêche des populations Nguet-Ndarienne de Saint-Louis. Aussi, du fait de

la proximité de la frontière Mauritanie/Sénégal, les pêcheurs locaux, qui constituent une

communauté tout de même importante par leur effectif, se retrouvent à l‟étroit quant à la

pratique normale de leur activité principale qu‟est la pêche artisanale. Ce qui pourrait

provoquer un véritable manque à gagner, du point de vu des revenus tirés de la pêche et par

delà un facteur de réticence vis-à-vis de l‟AMP.

Dès lors, notre problème principal de recherche est de vouloir diagnostiquer les

obstacles aux quels est confrontée l‟AMP de Saint-Louis et qui l‟empêchent de contribuer au

développement local de sa périphérie.

Dans ce cadre, un certain nombre de questions s‟imposent à nous. Il s‟agit de se demander :

- Es ce que l‟AMP peut contribuer au développement local de sa périphérie, dans un

contexte de réticence d‟une bonne partie des bénéficiaires directs que sont les

pêcheurs ?

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- Le modèle actuel de conservation des ressources de l‟AMP, peut-il garantir une

implication massive de tous les acteurs locaux, d‟une part et des profits qui

compenseraient les pertes de revenus des populations pêcheurs, d‟autre part ?

- Existe-t-il des cadres qui permettent aux acteurs locaux de s‟intégrer dans la

conservation des ressources de l‟AMP ?

- La diversité des acteurs au niveau local, peut-elle être un facteur favorable pour une

meilleure gestion de l‟AMP ?

Cet ensemble de questions, nous amène à la question principale suivante devant guider la

réflexion : Quel modèle de conservation pour prendre en charge les relations AMP/périphérie

dans une perspective de développement local ?

De façon spécifique, il s‟agit de poser les questions suivantes :

o Quel est le modèle de gestion mis en place pour la conservation de la biodiversité dans

l‟AMP ?

o Ce modèle prend-t-il en charge les relations AMP/périphérie ?

De là, notre présente recherche qui porte sur les rapports entre conservation de la biodiversité

et développement local dans le cadre d‟une aire protégée, qu‟est l‟AMP de Saint-Louis, nous

conduit à l‟adoption des objectifs de recherche suivants :

• Un objectif général, qui est de :

Contribuer à une meilleure connaissance de l‟AMP de St-Louis et de sa périphérie.

Et des

• Objectifs spécifiques qui sont de :

connaître et analyser le processus de mise en place et de gestion de l‟AMP de

Saint-Louis ;

identifier et évaluer la participation des différents acteurs locaux qui évoluent

autour de l‟AMP de Saint-Louis ;

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dégager des perspectives de gestion locale et participative de l‟AMP qui

peuvent favoriser un développement local.

Ses objectifs seront atteints sur la base d‟une hypothèse principale de recherche et de deux

hypothèses secondaires.

L‟hypothèse principale de recherche est :

L‟AMP de Saint-Louis est un outil de conservation de la biodiversité marine et côtière qui ne

favorise pas le développement local au niveau de sa périphérie.

Les hypothèses secondaires sont :

Le processus de mise en place de l‟AMP de Saint-Louis n‟a pas permis une

mobilisation des acteurs locaux autour de la conservation de la biodiversité marine et

côtière dans les zones de pêche de Saint-Louis ;

La conservation des ressources halieutiques dans l‟AMP de Saint-Louis ne favorise

pas la promotion des activités des groupes socioprofessionnels locaux.

3) DELIMITATION DU CHAMP D’INVESTIGATION

Notre champ d‟investigation est l‟AMP de Saint-Louis constituée d‟une part, d‟un noyau

central de 49 600 hectares en mer et faisant l‟objet d‟une réglementation dans l‟accès aux

ressources et d‟autre part, d‟une périphérie qui englobe les quartiers de la ville de Saint-Louis

situés sur la Langue de Barbarie (Goxu Mbacc, Dacc, Santhiba, Nguet-ndar et Hydrobase) et

les villages situés dans la toute nouvelle communauté rurale de Ndiébène Gandiolais.

Si la prise en compte du noyau central dans le champ d‟investigation relève d‟une évidence,

car c‟est la zone de conservation consacrée par le décret de création, celle de la détermination

de la zone périphérique relève d‟un choix justifié. En effet, il n‟existe pour le moment aucun

dispositif juridique ou réglementaire qui détermine la périphérie de l‟AMP de Saint-Louis.

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Mais, sur la base des connaissances dont nous disposons sur la zone, il est pertinent de

s‟interroger sur l‟influence de l‟AMP au plan social, économique et environnemental sur sa

périphérie.

4) INTERÊT DE LA RECHERCHE

Le littoral nord sénégalais à l‟image des zones côtières et marines du Sénégal, est marqué par

une forte dégradation des écosystèmes aquatiques, ce qui a fortement influencé à la baisse la

disponibilité des ressources ichtyologiques, quantitativement comme qualitativement. C‟est le

cas, de plusieurs espèces démersales côtières, les requins et les raies. Ce constat partagé par

plusieurs spécialistes dont DIOUF P.S, 2001, qui reconnaît que ‘‘Le problème majeur lié à la

ressource, est l’état d’exploitation inquiétant pour la plupart des stocks à haute valeur

commerciale, notamment les espèces démersales côtières.’’

Ce phénomène est d‟autant plus vrai à Saint-Louis qui abrite l‟une des plus importantes

communautés de pêcheurs artisanaux, de par son effectif. Ces pêcheurs, du fait de la rareté du

poisson au niveau local, sont obligés de s‟expatrier même en dehors du territoire national, ce

qui ne manque pas de provoquer souvent des conflits entre le Sénégal et ses pays voisins.

D‟autre part, la mise en place de l‟AMP de Saint-Louis accentue les restrictions vis-à-vis des

petits pêcheurs traditionnels, dépourvus de moyens adéquats. Ce qui en retour constitue une

menace réelle sur l‟intégrité de l‟AMP et sur les conditions de vie des populations locales.

Enfin, la mise en place de l‟AMP n‟a pas été précédée par de véritables études scientifiques

ou même sociales. Ce qui n‟a pas permis une meilleure connaissance des potentialités.

Dès lors, notre recherche revêt comme intérêt principal, la participation à la génération ou à

l‟enrichissement des connaissances de l‟AMP, au plan social, économique et

environnemental.

De même, cette recherche se veut d‟être un outil de sensibilisation pour tous les acteurs de la

conservation de l‟AMP, afin qu‟ils prennent conscience des enjeux de la dégradation de la

biodiversité marine et côtière et par là provoquer leur mobilisation pour une gestion durable

des ressources halieutiques.

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5) METHODOLOGIE DE RECHERCHE

La méthodologie adoptée pour cette recherche peut être déclinée en quatre étapes qui sont les

suivantes :

Etape n°1 : Recherches exploratoires

Elles englobent la recherche bibliographique, l‟enquête exploratoire et l‟observation.

La recherche bibliographique

La recherche bibliographique a été une phase importante de cette première étape de la

méthodologie. Elle a été faite au niveau des centres de documentation de la section de

géographie et de l‟UFR/LSH mais aussi de la bibliothèque de l‟UGB, au niveau du Bureau

d‟information des parcs, réserves et A.M.P du nord (BIPRAMP), au niveau de la

documentation de l‟ADC, du PNLB et enfin par de longues et interminables recherches sur

Internet. Ces différentes recherches, notamment celles effectuées à travers le web, nous ont

permis de prendre connaissance d‟une documentation importante en terme de quantité et de

qualité.

Ainsi, des ouvrages généraux, des mémoires, des articles et des publications portant sur les

thématiques des aires protégées, de la conservation de la biodiversité et sur le développement

local, sont consultés. Elles sont complétées tout le long de cette étude par des ouvrages,

articles, notes de cours, revues, etc. Ces différentes lectures nous ont permis de prendre

davantage connaissance avec les concepts suivants :

Aires protégées

Définitions :

Selon la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles,

une aire protégée est « une aire contenant des systèmes naturels, en grande partie non

modifiés, gérée aux fins d’assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité

biologique, tout en garantissant la durabilité des fonctions et produits naturels nécessaires au

bien-être de la communauté. »

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Dans cet entendement, les objectifs poursuivis par une aire protégée sont :

assurer la protection et le maintien à long terme de la diversité biologique et des autres

valeurs naturelles du site;

promouvoir des pratiques rationnelles de gestion afin d‟assurer une productivité

durable;

protéger le capital de ressources naturelles contre toute forme d‟aliénation engendrée

par d‟autres formes d‟utilisations du sol susceptible de porter préjudice à la diversité

biologique de la région;

contribuer au développement régional et national.

Pour l‟UICN, les aires protégées peuvent être appréhendées selon six catégories qui sont les

suivantes :

I. la protection intégrale : il s‟agit d‟aires protégées gérées principalement pour la science ou

la protection de la nature sauvage (Ia : réserve naturelle intégrale / Ib : zone de nature

sauvage)

II. la conservation des écosystèmes et le tourisme : ce sont des aires protégées gérées

principalement dans le but de protéger des écosystèmes et à des fins récréatives (parc

national)

III. la conservation d’éléments naturels : ces aires protégées sont gérées principalement

dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques (monument naturel)

IV. la conservation au moyen de mesures de gestion actives : il s‟agit d‟aires protégées

gérées principalement à des fins de conservation, mais comportant des interventions au niveau

de la gestion (aire de gestion des habitats / des espèces)

V. la conservation des paysages terrestres ou marins et des loisirs : ce sont des aires

protégées gérées principalement dans le but d‟assurer la conservation des paysages terrestres

ou marins et à des fins récréatives (paysage terrestre / marin protégé)

VI. l’utilisation durable des écosystèmes naturels : il s‟agit d‟aires protégées gérées

principalement pour l‟utilisation durable des écosystèmes de ressources gérées (aire protégée

de ressources naturelles gérées)

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Selon l‟Institut Français de la Biodiversité (IFB), le terme d‟espace protégé peut désigner les

aires protégées au sens des catégories de l‟UICN mais aussi d‟autres zones n‟intégrant pas

cette classification. De très nombreux types d‟espaces protégés existent en référence à leur

statut juridique (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles, cynégétiques

ou ornithologiques, forêts classées…), à leur propriétaire (public, privé, communautaire…), à

leur référent social et culturel (patrimoine mondial, sanctuaire, bois sacré, siège d‟esprits et

d‟ancêtres, élément d‟une cosmogonie…), à leurs objectifs (conservation, production,

recherche, vision, exploitation des ressources, protection des paysages, restriction de

constructibilité, développement durable…), à leur perspective (intemporelle ou de durée

prévue, permanente ou révisable…), à leur taille (pays entier, massif montagneux, zone de

ranching, mare…).

Toutefois, la décomposition de l‟expression “espace protégé” fait ressortir des éléments

communs :

• une notion de limite géographique et physique ;

• une valeur culturelle, politique ou biologique passée, actuelle ou future ;

• une référence à une possible dégradation par un agresseur ;

• un dispositif permettant d‟éviter cette agression.

D‟autre part, notons aussi que nombre de spécialistes incluent aussi dans la notion d‟aire

protégée des objectifs, des exclusions ou restrictions d‟activités, des dispositifs

réglementaires, des statuts juridiques, des plans d‟aménagement et des programmes de

gestion. L‟emploi du terme aire protégée dans le cadre de cette présente étude, s‟inscrit en

droite ligne de ces dernières considérations. C‟est à dire, le terme aire protégée fait référence

aux objectifs de conservation et de développement, ce qui nécessite un statut, une

réglementation des activités humaines et un plan d‟aménagement et de gestion.

Evolution du concept d‟aire protégée :

La création d‟aires protégées est sans doute un des plus anciens outils de gestion des

ressources vivantes. Depuis des siècles, des aires protégées ont été créés, notamment en

Europe, dans le but de protéger des ressources particulièrement utiles. C‟est le cas de réserves

cynégétiques ou forestières créées pour mieux exploiter et gérer certaines de leurs ressources

au profit de minorités ou des États.

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Les réserves fauniques africaines créées au XXe siècle étaient au départ surtout destinées à la

protection de quelques espèces prisées pour la chasse ou les parcs zoologiques. De même, le

classement de forêts en Afrique de l‟Ouest a souvent été justifié par les besoins en matériaux

pour la constitution et l‟approvisionnement de réseaux de chemin de fer. Dans ces exemples,

les aires protégées sont considérées comme étant des outils de protection d’une nature utile à

l’homme. Leur gestion se concentre principalement sur quelques espèces cibles dont on

cherche à améliorer les stocks et à préserver le patrimoine génétique. L‟incidence sur d‟autres

éléments de la diversité biologique reste secondaire. De même, les activités des populations

humaines peuvent y être tolérées à condition qu‟elles n‟aient pas d‟impact sur les espèces

cibles.

Une autre vision s‟est développée aux États-Unis d‟Amérique, sous l‟impulsion de John Muir,

du Sierra Club et de Gifford Pinchot, directeur du Forest service, à la fin du XIXe siècle. Elle

a abouti à la constitution d’un mouvement conservationniste et utilitariste visant à

promouvoir la distribution des richesses matérielles, résultats de l’exploitation des ressources

naturelles, dans un but de bien-être et de progrès partagés par tous. (2)

Cette approche sera appliquée avec la création de parcs nationaux afin de conserver des sites

pittoresques pour préserver, ou recréer, le paysage tel qu‟il était lors de sa découverte par les

Européens au XVe siècle, pour la satisfaction de nombreux visiteurs. Elle sera ensuite

exportée avec la création d‟aires protégées dans des pays relativement vastes où certains

espaces apparaissent peu perturbés par des activités anthropiques récentes, avec la volonté de

conserver des paysages et une nature “vierges”. Cette approche n‟est pas dénuée de

considérations mystiques et tente en quelque sorte de recréer un jardin d‟Eden.

Bien entendu, ce modèle d‟aires protégées “mis sous cloche” nécessitait aussi l‟absence ou

l‟exclusion totale des populations humaines, à l‟exception des scientifiques et des touristes.

De nombreuses aires protégées ont ainsi été créées dans des régions où les populations

humaines étaient particulièrement restreintes, voire absentes. Ailleurs, des aires protégés ont

parfois été créées en excluant les populations humaines qui y résidaient ou y avaient certaines

de leurs activités. Des procédures de “déguerpissement” ont existé dans de nombreux pays.

De très nombreux conflits entre populations et aires protégées se sont manifestés. Les

conséquences ont pu se révéler désastreuses pour la survie ou la santé des populations

humaines qui auparavant tiraient des ressources nécessaires de ces espaces.

2 In les cahiers de l’IFB (Février 2010). Des espaces protégés pour concilier conservation de la biodiversité et

développement durable, page 22

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La destruction des systèmes coutumiers d‟appropriation et de gestion de ces espaces ou

ressources et l‟inefficacité des nouveaux systèmes de contrôle ont parfois engendré un accès

libre de fait. Cette tragédie de la conservation a fortement remis en cause la légitimité de ces

types de procédures et a poussé à réintégrer l‟homme dans la logique de l‟espace protégé.

Sous l‟impulsion de l‟Unesco et de son programme intergouvernemental de recherche sur

l‟homme et la biosphère (MAB), le concept de réserve de la biosphère s‟est développé à

partir du milieu des années 1970. Les réserves de la biosphère tentent à la fois de conserver la

biodiversité et de pérenniser les ressources biologiques en permettant leur utilisation durable.

L‟homme y est au centre des préoccupations comme partie intégrante des écosystèmes. La

gestion des écosystèmes, la recherche et l‟éducation sont les points fondamentaux de cette

approche.

Aujourd‟hui, l‟approche par les aires protégées dans certains pays est de plus en plus marquée

par une valorisation humaine de l‟espace rural. D‟autres démarches tentent d‟intégrer des

activités humaines dans une perspective de conservation. La tendance récente cherche plutôt à

concevoir les modèles d‟espaces protégés comme des aménagements du territoire locaux ou

régionaux et de développement durable des activités humaines. L‟homme est ainsi réintégré

dans le modèle et les populations locales deviennent des partenaires de la gestion des aires

protégées.

Aire marine protégée

Définition :

Selon l‟Ifremer (2010), « Une Aire Marine Protégée (AMP) est un espace délimité en mer

pour lequel un objectif de protection de l’environnement à long terme a été défini. Pour

atteindre cet objectif, des mesures de gestion sont mises en œuvre : suivi scientifique,

programme d’actions, chartes de bonne conduite, protection du domaine public maritime,

réglementations, surveillance, information du public… »

Cette définition n‟est pas pour autant satisfaisante dans la mesure où elle fait plus allusion à la

protection de l‟environnement qu‟au développement visé à travers les AMP. C‟est pourquoi,

dans le cadre de cette étude, nous adoptons la définition proposée par le décret de création des

AMP de Saint-Louis, Kayar, Joal, Bamboung et Abbéné.

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Ce dernier stipule dans son rapport de présentation que „„les AMP constituent un avantage

certain pour la conservation de la structure, du fonctionnement et de la diversité des

écosystèmes ; de leur reconstruction en cas de dégradation ; l'amélioration du rendement de

la Pêche et des retombées sociales et économiques pour les communautés locales.’’(3)

Conservation

Dans le dictionnaire le Petit LAROUSSE (édition 2005), le terme conservation signifie

l‟action de conserver, de maintenir intact, dans le même état ; état dans lequel une chose

subsiste. Cette définition donne à la notion de conservation, un caractère statique.

Selon la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles,

la conservation est « toute action ou démarche qui vise à préserver au mieux les ressources

naturelles et de maintenir leur potentiel productif afin de répondre de façon équitable aux

besoins fondamentaux des populations actuelles en s’appuyant sur leur participation active

mais également dans le respect des générations futures. »

Cette définition de la conservation est intéressante dans la mesure où elle fait appel aux

concepts de gestion et de durabilité. En effet, la gestion en termes d‟action ou de démarche

fait référence à la combinaison des facteurs (humains comme matériels) pour préserver au

mieux les ressources et leur potentialité productive. C‟est dans ce sens que la FAO pense que

pour qu‟il y ait une bonne conservation, „„il faut aménager et conserver les ressources

naturelles et aussi orienter les changements techniques et institutionnels de manière à

satisfaire les besoins des générations actuelles et futures dans les secteurs de l’agriculture

des forêts et des pêches.‟‟

La durabilité, quant à elle inscrit la conservation des ressources dans le long terme, par la

mobilisation et la participation des populations en particulier et de toutes les parties prenantes

en général, dans un but de répondre équitablement aux besoins des générations actuelles et

futures.

3 Décret 2004-1408 du 04 novembre 2004 de la république du Sénégal, portant création de cinq aires marines

protégées.

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16

Dès lors, nous entendons par conservation, la gestion durable des ressources naturelles

définie par l‟ISE, l‟ENEA et Wisconsin en 1992 comme étant ‘‘l’utilisation durable et

rationnelle, des ressources naturelles, renouvelables ou non, par les collectivités locales, de

même que leur régénération, pour la satisfaction de leurs besoins socio-économiques et

culturelles’’.

De nos jours, l‟expression conservation de la biodiversité est davantage usitée pour traduire

la conservation des ressources naturelles dans les aires protégées. A cet effet, la stratégie

nationale et le plan d‟action pour la conservation de la biodiversité mettent en exergue la

nécessité d‟agir prioritairement au niveau des sites à haute densité de biodiversité, en

l‟occurrence les aires protégées (parcs, réserves et aires marines).

Sur la base du consensus, les aires protégées constituent l‟approche la plus efficace pour

conserver la diversité biologique, la communauté scientifique internationale a fixé à 12% le

taux optimal de territoire à protéger, à cette fin.

Le Sénégal est aujourd‟hui à 8% de sa superficie couverte par les aires protégées, soit un gap

de 4% à combler. Les stratégies mises en œuvre sont principalement axées sur la création de

Réserves Naturelles Communautaires (RNC) et d‟Aires Marines Protégées (AMP) et sur la

promotion de la co-gestion. La pertinence des stratégies mises en œuvre tient au fait que:

- elles sont centrées sur la lutte contre la pauvreté, principale menace sur la biodiversité;

- elles s‟insèrent dans la dynamique de décentralisation grâce à une forte

responsabilisation des collectivités locales ;

- elles encouragent la synergie et le partenariat avec les autres intervenants ;

- enfin, elles s‟appuient fortement sur les initiatives locales (actions des ONG, OCB,

etc.).

Le développement local

Le concept de développement local associant deux termes renvoie à l‟articulation de deux

caractéristiques fondamentales à savoir : la durée qui doit marquer la démarche de

développement qui se veut être un processus, et l‟espace, qui se veut être un territoire local

concerné par cette démarche. Pour JP PRUD‟HOMME, le développement local est « une

intervention structurée, organisée, à visée globale et continue dans un processus de

changement des sociétés locales en proie à des déstructurations et des restructurations ». (JP

PRUD‟HOMME, 1996, cité par NDIAYE P. S, ENEA, décembre 2000, 123 p.)

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17

Selon E. Dansero, 2005 ‘‘Au-delà des différentes interprétations, quand on parle de

développement local, on se réfère généralement à un ensemble d’acteurs locaux (publics,

privés et leurs différents partenaires) qui partagent implicitement ou explicitement certaines

visions de développement, et à la valorisation des ressources présentes sur le territoire

(matérielles ou non).

Ces acteurs, grâce à leur connaissance du territoire, et pour l’engagement et les liens (de

confiance, d’identité etc.) qu’ils ont avec celui-ci, réussissent à démarrer et gérer des

dynamiques positives de changement de manière relativement autonome et localement

spécifique.’’

Dans des approches de ce genre, la société locale et les ressources territoriales sont mises

en place de manière plus efficace et durable que si l‟on avait effectué des interventions plus

hétéro dirigées vers un contexte local. „„Le développement local est donc fortement lié, au

nord comme au sud, à l’échec des modèles et des politiques de développement « provenant

d’en haut », ainsi qu’aux thématiques de la décentralisation territoriale et de la

participation.‟‟(E. Dansero, 2005).

Cependant, dans le cadre de cette présente étude, nous nous inscrivons dans la définition

qu‟en donne ELONG Mbassi quant il affirme que « le développement local, c’est la

mobilisation des acteurs locaux ou extérieurs pour la mise en valeur des potentialités d’un

territoire, en même temps que les résultats de cette activité. Ce qui le caractérise, c’est avant

tout qu’il intéresse un espace moins grand que le territoire national. Cet espace peut englober

plusieurs localités ou agglomérations. Le développement local concerne le jeu de plusieurs

acteurs locaux ou extérieurs dont les intérêts ne sont pas toujours convergents, mais qui

trouvent tous avantage à la réalisation du potentiel du territoire auquel ils s’identifient pour y

être nés, y résider ou y développer leurs activités ». (ELONG Mbassi, 1998, cité par NDIAYE

P. S, ENEA, décembre 2000, 123 p.)

Etat des connaissances sur la recherche

Les aires marines protégées sont utilisées depuis plus de 25 ans pour protéger les ressources,

l‟habitat et la biodiversité marine (National Research Council, 2001). Elles sont considérées

comme une alternative pratique aux méthodes classiques de gestion des pêcheries.

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18

En effet, le contrôle des captures ou de l‟effort de pêche requiert de grandes quantités

d‟information et est fastidieux, coûteux à mettre en œuvre et souvent mal adapté aux stocks

multi spécifiques (Roberts et Polunin, 1991).

Plusieurs « effets réserves » sont décrits dans la littérature comme la conservation des habitats

et de la diversité par une protection de populations surexploitées, menacées ou rares ; la

préservation des écosystèmes ; l‟amélioration de la gestion des pêcheries notamment par une

redistribution spatiale de l‟effort de pêche et une protection de certaines étapes du cycle

biologique ; des effets socio-économiques comme la protection d‟un héritage culturel, le

développement du tourisme et de l‟éducation des populations locales à la préservation de

l‟environnement.

Les effets de la protection au sein des zones mises en réserve commencent à être relativement

bien connus. Les réponses des populations exploitées à l‟interdiction de pêcher ont été

étudiées à l‟aide d‟études de terrain portant principalement sur la variation de la structure de

taille, de la densité et de la biomasse (Bell, 1983 ; Garcia Rubies et Zabala, 1990 ; Wantiez et

al., 1997 ; Sarramégna, 2000a ; Château, 2002 ; LERVEM, 2002).

Une étude réalisée sur 124 AMP à travers le monde (PISCO, 2007)5, montre :

- une augmentation de la biomasse (végétale et animale) de 446 % ;

- une augmentation de la densité (rapport plante/animal et surface donnée) de 166 % ;

- une augmentation de la taille des espèces de 28 % ;

- et une augmentation de la diversité spécifique de 21 %.

Aux Philippines, plusieurs réserves marines ont été mises en place. En 1974, 25% du récif

entourant l‟Île de Sumilon est fermé à la pêche. Huit (8) ans plus tard l‟abondance globale des

poissons à l‟intérieur de la réserve est 2 fois plus importante que dans la partie pêchée de l‟Île

(Russ, 1985 ; Alcala, 1988 ; Russ et Alcala, 1989 ; Alcala et Russ, 1990). Les différences

étant bien évidemment davantage marquées pour les espèces ciblées par les pêcheurs.

En Floride, Bohnsack compare des populations de poissons entre le sanctuaire marin national

de Key Largo qui a été protégé de la pêche à la ligne depuis les années 60, et des sites non

protégés (Bohnsack, 1982). Pour plusieurs espèces, il trouve des densités plus importantes et

des tailles plus grandes, plus particulièrement pour les Lutjanidés et les Gaterins qui sont plus

ciblés (augmentation de 93 % et 439 % respectivement au bout de 2 ans de protection).

Des chercheurs français et sud-africains6 ont montré que la mise en place d‟une aire marine

protégée était immédiatement bénéfique aux manchots du Cap, une espèce endémique à

l‟Afrique australe en voies d‟extinction qui se nourrit exclusivement de poissons.

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Ces expériences démontrent les bienfaits d‟une aire marine protégée pour la conservation des

espèces menacées ou susceptibles de l‟être ainsi que de leurs habitats.

En revanche, les interactions entre la zone mise en réserve et les zones adjacentes non

protégées sont une source de polémiques en raison du manque de preuves permettant de

décrire ces effets et de mesurer leur importance. De tels effets ont rarement été constatés par

des données in situ, notamment une exportation de larves des zones protégées vers les zones

non protégées liée à une augmentation des produits de la reproduction (œufs, larves) issus des

réserves, du fait du plus grand nombre de reproducteurs de grandes tailles à l‟intérieur de

celle-ci (Roberts et Polunin, 1991) ; une protection de la diversité génétique des stocks face à

une pression sélective exercée par la pêche (Roberts et Polunin, 1991) ; une augmentation de

l‟abondance ou de la biomasse au sein des populations non protégées, grâce à l‟émigration

d‟individus depuis l‟extérieur des réserves ou « spillover effect », menant à l‟accroissement

des captures dans les zones avoisinantes pêchées (Harmelin et al., 1995 ; Roberts et Polunin,

1991 ; Bohnsack 1996 et 1999 ; Russ, 2002 ; Gell et Roberts, 2003).

Le spillover a fait l‟objet de beaucoup d‟études dans la littérature scientifique (Russ et Alcala,

1989 ; 1996 ; 1999 ; Alcala et Russ, 1990 ; Roberts et Polunin, 1991 ; White et Calumpong,

1992 ; Carr et Reed, 1993 ; Demartini, 1993, Holland et al., 1996), cependant les flux

migratoires des adultes, juvéniles et larves restent des paramètres peu connus et difficiles à

étudier (Bohnsack, 1990). Ils dépendent de la nature et de l‟étendue des échanges entre zones

protégées et non protégées (Russ et al., 1992, Goni, 2000). Ces différentes études revèlent la

difficulté d‟évaluer l‟effet spillover et suscitent beaucoup de controverses scientifiques.

Toute fois, il faut signaler que des travaux récents (Garcia-Charton et Planes, 2002 ; Planes et

al.,) montrent qu‟un gradient d‟abondance et de richesse spécifique de poissons existe entre

zone réserve et les zones adjacentes non protégées et qu‟un phénomène d‟exportation de

poissons adultes se met en place à partir de la Réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls,

Méditerranée, vers les zones avoisinantes non protégées.

La mise en place d‟aires marines protégées peut cependant soulever certaines difficultés en

termes de choix (objectifs, type, taille, lieu, etc.) (Halpern, 2003).

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De plus, le manque de données de terrain (Willis et al., 2003), les lacunes importantes dans

l‟échantillonnage et le manque de rigueur et de replicats dans le suivi (Hurlbert, 1984 ;

Stewart-Oaten et al., 1986 ; Underwood, 1990 ; 1993), continuent d‟entretenir des incertitudes

quant à l‟efficacité réelle des AMP en terme d‟outils de gestion et ce d‟autant plus que

certains travaux aboutissent à des résultats confus, voire opposés aux modèles théoriques

(Samoilys, 1988 ; Roberts et Polunin, 1992, Jones et al., 1993 ; Rowley, 1994 ; Edgar et

Barrett, 1997).

Leur efficacité dépend de nombreux facteurs, notamment des espèces concernées, de la taille

et de la position des aires protégées, du niveau d‟exploitation de la zone avant la protection

ainsi que des moyens d‟information et de surveillance mis en œuvre par les organismes

gestionnaires de ces zones (Demartini, 1993). Ces caractéristiques conditionneront les

résultats qui seront positifs, nuls voire négatifs par rapport à ceux qui sont attendus (Munro,

1996).

Les impacts socio-économiques des AMP sont mis en évidence par plusieurs auteurs

notamment sur les pêcheries (Sanchirico, 2000 ; Boncoeur et al., 2007 ; Badalamenti et al.,

2000), les activités récréationelles (Dixon et al., 1993), la plongée sous marine (Ramos, 1992)

et l‟observation des mammifères marins (Davis et al., 1993).

Par exemple, une étude réalisée par Dixon (1993), dans le Parc marin de Bonaire7 (commune

néerlandaise située dans les Petites Antilles, montre que : 0.19 million de dollars de revenus

liés au Parc marin proviennent des cotisations des plongeurs, 10.4 millions des hôtels, 4.8

millions des clubs de plongées, 4.7 millions des restaurants, magasins de souvenirs, location

de véhicule, etc., et enfin 3.3 millions de dollars des transports aériens locaux. Les coûts liés à

la zone protégée sont de : 0.52 million de dollars pour la mise en place de la réserve, la

réhabilitation et les investissements et aussi 0.15 million de dollars de coût annuels. Soit 23.3

millions de revenus et 0.67 million de coûts annuels.

L’enquête exploratoire

Parallèlement aux lectures, les enquêtes exploratoires (entretiens semi directifs) sont menées.

Ces entretiens ont concerné plusieurs personnes ressources : des chercheurs; responsables de

services techniques ; coordonnateurs de projets, d‟ONG en l‟occurrence le WWF et de

programmes de développement, acteurs à la base, etc.

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Le contenu de ces entretiens a fait l‟objet de différentes analyses utilisées comme matériaux

pour construire ce présent document de recherche.

L’observation

L‟observation à travers des visites de terrain nous a permis de mieux comprendre de visu les

réalités d‟ordre économique, social, environnemental et politique, dans et autour de l‟AMP.

Cette étape de recherche exploratoire a coïncidé avec la phase de diagnostic de terrain pour

l‟élaboration du plan de gestion de l‟AMP, appuyée par le WWF qui avait favorisé la

constitution d‟une équipe de terrain dont je faisais parti en tant que personne ressource.

Cette première étape nous a permis de dégager les perspectives de recherches, mais aussi de

déterminer les paramètres liés aux concepts qui structurent notre sujet de recherche à savoir :

La conservation de la biodiversité et le développement local.

Ces paramètres sont :

o pour la conservation de la biodiversité marine et côtière : le mode de gestion, le

degré de préservation des ressources, l‟efficacité de la réglementation, etc.

o pour le développement local : les acteurs locaux, leur mobilisation et leur

participation et enfin les bénéfices tirés des ressources conservées.

Etape n°2 : Recherches de terrain

Cette phase a pour but de renseigner les indicateurs objectivement vérifiables qui découlent

des hypothèses de recherche.

Compte tenu des moyens techniques et financiers mais aussi du temps qui nous est accordé

pour ce travail de recherche, la zone d’étude a été circonscrite à l‟AMP de Saint louis d‟une

superficie de 49 600 ha et de sa périphérie qui englobe des quartiers de la ville de St Louis

situés sur la Langue de Barbarie et les villages de Doune Baba Dièye, Tassinère, Pilote barre

et des 16 villages périphériques à la fois du Parc National de la Langue de Barbarie et de

l‟AMP.

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Ces villages périphériques composent par extension la toute nouvelle communauté rurale de

Ndiébène Gandiol issue de la réforme administrative de 2008.

La méthode d‟enquête est basée sur des interviews semi-structurées, au moyen d‟un guide

d’entretien, appliquées à toutes les parties prenantes à la gestion de l‟AMP ;

Ces acteurs sont principalement : d‟une part, le conservateur de l‟AMP, le service régional

des pêches maritimes de Saint-louis, pour les questions relatives à la tutelle de la gestion des

AMP, le modèle de gestion en cours, le zonage participatif, l‟efficacité de la gestion, etc ;

D‟autre part, les acteurs locaux à savoir : le comité de gestion, les élus locaux, les

organisations communautaires de base et les partenaires financiers, pour les questions

relatives à leur implication et les bénéfices tirés de la conservation des ressources marines et

côtières dans l‟AMP.

De même des entretiens sur des thématiques particulières ont été effectués. Ce sont des

entretiens avec les agents de l‟Etat en particulier ceux de la DPN et de la DPM pour la

question de la tutelle administrative.

Enfin, des focus groupe ont été effectués auprès de groupes cibles comme les femmes

transformatrices et le groupement des jeunes pêcheurs.

Etape n°3 : Exploitation et analyse des données du terrain

Cette étape consiste en une classification par rapport aux indicateurs de départ, des données

recueillies sur le terrain. Ainsi une analyse des indicateurs obtenus, a été faite afin de

confirmer ou infirmer les hypothèses de recherche et par la même occasion donner une

réponse à la (ou aux) question(s) de recherches.

Vu la nature du sujet traité, à savoir mesurer l‟influence de l‟AMP de Saint-Louis sur le

développement local, l‟exploitation des données a nécessité l‟utilisation de logiciels

classiques de traitement de textes et de données comme Word et Excel.

De même, pour le traitement cartographique, le logiciel arc wiew a été utilisé pour actualiser

les cartes de l‟AMP, notamment ses limites, le zonage participatif, etc.

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Etape n°4 : Elaboration du document de mémoire

Cette étape consiste en un travail de rédaction du document de recherche qui retrace toute la

démarche et les résultats auxquels on est abouti et qui est déposé auprès de l‟Université sous

forme de mémoire de master II.

La rédaction de ce document s‟est faite autour de trois principales parties conformément à nos

hypothèses de recherche.

Une première partie qui concerne la connaissance physique de l‟AMP et de sa périphérie et

une deuxième partie qui a mis l‟accent sur le processus de mise en place et de gestion actuelle

de l‟AMP et une troisième partie axée sur l‟évaluation des bénéfices tirés par les groupes

socio-professionnels locaux.

La rédaction de la première partie s‟est surtout appuyée sur les études monographiques faites

dans la zone à travers le rapport diagnostic du plan de gestion de l‟AMP élaboré en 2009 et

les documents techniques que sont entre autres : le Livre Blanc du PDU de Saint-Louis, les

POAS et PLD de Gandon et de Ndiébène Gandiole.

La deuxième et la troisième partie sont surtout constituées des résultats de nos propres

investigations dans le cadre de ce présent TER.

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PREMIERE PARTIE :

CONNAISSANCE DE L’AIRE MARINE PROTEGEE

DE SAINT-LOUIS ET DE SA PERIPHERIE

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CHAPITRE I : PRESENTATION GENERALE DE L’AMP DE SAINT-LOUIS

1.1 MILIEU PHYSIQUE

1.1.1 LOCALISATION

Crée par Décret n° 2004-1408 du 04 novembre 2004, L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis,

de par ses positions à terre, est à cheval entre la communauté rurale de Ndiébène Gandiole et

la commune de Saint Louis. Dans la Communauté Rurale de Ndiébène Gandiole, elle

concerne du Nord au Sud, les villages de : Keur Barka, Diele Mbame, Keur Bernard,

Tassinére, Mouit, Mboumbaye et Dégouniaye.

Dans la commune de Saint-Louis, elle intéresse surtout les quartiers situés sur la Langue de

Barbarie dont le principal est le grand quartier pêcheur de Guet-Ndar (Carte 1.)

Carte 1 : Localisation et limites de l‟AMP de saint louis

(Source : Rapport diagnostic Plan de gestion AMP, 2009)

Les coordonnées géographiques de l‟AMP sont les suivantes (Tableau 1) :

Tableau 1 : Délimitation de l’AMP de Saint-Louis

Zones de relevés Positions à terre Positions en mer

Coordonnées Latitudes Longitudes Latitudes Longitudes

1 15°58'.5 N 16°31'.5 W 15°58'.5 N 16°48'.5 W

2 15°50'.0 N 16°31'.5 W 15°50'.0 N 16°48'.5 W Source : Décret 2004-1408 portant création d’Aires Marines Protégées

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26

De par ses positions en mer, la limite ouest de l‟AMP se situe à environ quarante (40) km de

la côte. Ce qui confère à l‟AMP de Saint-Louis, une superficie quasi-rectangulaire de 49 600

hectares, dont la longueur en mer est de 40 km et la largeur sur la côte, 15 km.

1.1.2 CARACTERISATION BIOPHYSIQUE DE L’AMP

a) Climat

Le climat de la zone de l‟AMP comme dans l‟ensemble de la région de Saint-Louis, est régi

par les anticyclones tropicaux atlantiques (Açores et Sainte-Hélène) et l‟anticyclone saharo-

libyen dont les influences alternatives entraînent des migrations saisonnières de l‟Équateur

météorologique (EM) qui déterminent les caractéristiques des flux (alizé et mousson) et les

types de temps résultants.

Cependant, bien que située en domaine climatique sahélien, du fait des totaux de pluie qui se

situent entre 200 et 300 mm, la frange côtière du domaine dans laquelle se trouvent la

Communauté Rurale de Ndiébène Gandiol et la Commune de Saint-Louis bénéficie fortement

des effets adoucissants de l'alizé maritime. Sa situation littorale lui confère un climat typique

appelé climat subcanarien. Deux saisons principales marquent le régime climatique : une

saison sèche avec une circulation d‟alizé et une saison des pluies avec une circulation de la

mousson.

Les pluies sont pour l‟essentiel enregistrées pendant la période hivernale (juillet - octobre)

avec des maximums qui se situent entre août et septembre. C‟est une saison chaude et humide

pendant laquelle souffle la mousson, de direction variable avec une intensité qui oscille autour

de 3,50 m/s.

Figure 1 : Courbe d’évolution de la pluviométrie (1900 -2000)

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Ces vents de la mousson, chargés d'humidité au dessus de la mer, sont généralement

accompagnés de précipitations abondantes. Ils peuvent contribuer à ramener vers la côte les

eaux chaudes du large. De faibles pluies peuvent apparaître en juin et en novembre ; elles

sont perçues comme des débuts précoces ou des fins tardives.

b) Les températures

Les températures au niveau de la région sont fortement modérées par l‟influence adoucissante

de la mer et des alizés maritimes. L'évolution des températures laisse apparaître des maxima

et des minima principaux et secondaires. Les températures maximales enregistrent leur

maximum principal au mois de novembre avec 34°C et le maximum secondaire en mars avec

32,4°C ; le minimum principal est noté en janvier (30°C) alors que le minimum secondaire est

de 30,2°C (mai). Les températures minimales ont leur maximum en septembre et leur

minimum en janvier avec respectivement 25,4°C et 15,6°C.

c) L’évaporation et l’humidité relative

La présence de l‟eau un peu partout fait que la demande évaporatoire dans l‟AMP est à

l‟image de Saint-Louis qui reste relativement faible, conséquence d‟une hygrométrie assez

élevée variant entre 20 % d‟humidité relative et 95,3 % en moyen selon les saisons.

FIGURE 2 : EVOLUTION DES TEMPERATURES MENSUELLES DE 1980 A 1990 (A) ET DES HUMIDITES

RELATIVES DE 1961 A 1990 (B) A SAINT-LOUIS (IN RAPPORT DIAGNOSTIC PLAN DE GESTION AMP, 2009)

L'évaporation a une évolution unimodale avec le maximum en février équivalant à une

moyenne de 60 mm et le minimum en septembre avec 25,3 mm (Figure 2A).

Éva

po

rati

on

en

mm

B A

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28

Les humidités relatives minimales moyennes et mensuelles moyennes restent unimodales,

alors que l'humidité relative maximale moyenne est bimodale avec des maxima enregistrés en

juin (93%) et en septembre (94,4 %), tandis que les minima sont observés en janvier (71,5 %)

et en juillet (91 %) (Figure 2B).

1.1.3 GEOMORPHOLOGIE DE LA REGION DE SAINT-LOUIS

L‟histoire géologique de Saint-Louis s‟inscrit dans le cadre général du Delta du fleuve

Sénégal. La formation du delta du Sénégal remonte à la période post-nouakchottienne qui

correspond à une régression consécutive à une baisse du niveau marin (Kane, 2005).

Cette région est caractérisée sur le plan géologique par l‟absence d‟affleurements des

formations tertiaires et secondaires. Pendant le quaternaire, la région a connu différentes

phases de transgressions et de régressions qui ont été déterminantes dans sa formation et son

évolution en raison des phénomènes d‟oscillations climatiques qui ont affecté l‟ensemble du

golfe dont les effets ont été accentués par les mouvements tectoniques locaux.

Il s‟est formée à partir des 16e et 17

e siècles, la flèche littorale qui sépare actuellement le

fleuve Sénégal de la mer à partir de Saint-Louis jusqu‟à Taré (30 km au sud). Ce cordon

littoral est appelé « Langue de Barbarie » par les anciens navigateurs européens qui

mouillaient sur la côte sénégalaise. Elle constitue la limite terrestre de l‟AMP et abrite le

quartier pêcheur de Guet-Ndar.

La Langue de Barbarie se présente sous la forme d‟une longue flèche sableuse fragile et

instable, façonnée par le jeu de la dynamique littorale. Son extrémité détermine la position de

l‟embouchure du fleuve Sénégal. Cette flèche littorale de sable fin blanc, qui est le plus

récent des cordons littoraux du front deltaïque est le résultat d‟un long processus alternatif

d‟engraissement et de démaigrissement de la plage par la dérive littorale.

Au cours du siècle dernier, cette flèche, qui ne s‟est ni élargie, ni surélevée depuis son origine,

a fréquemment migré vers le sud, entraînant dans sa progression le recul de l‟embouchure

(Monteillet, 1981 cité par Kane, 2005).

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a) - Morphologie et sédimentation des fonds de pêche

De Yoff à la Langue de Barbarie, la côte est uniformément sableuse et plate, bordée de haut

cordon de dunes actuelles et subactuelles (Bonnardel, 1967). L‟épaisseur totale des sédiments

pré-quaternaires est de 36 m à Saint-Louis. Il existe ainsi des niveaux sableux et ou sablo-

argileux d‟assez grande épaisseur dans cette région (sable et lumachelle jusqu‟à 36 m de

profondeur). De manière globale, plusieurs séries de reliefs longitudinaux existent devant la

côte du Sénégal (Pinson-Mouillot, 1980). Ces zones rocheuses sont recouvertes de sédiments

et se développent en une succession de petits bancs parallèles à la côte à - 15, - 20 m de

profondeur au nord de Saint-Louis. La nature du fond a une influence sur la vulnérabilité des

espèces par rapport aux engins de pêche : ainsi, sur les fonds rocheux, inaccessibles aux

chalutiers, les poissons ne peuvent être capturés qu'à la ligne ou aux filets maillants.

Sur certains fonds de vase, des espèces comme la crevette (Penaeus duorarum), qui

s'enfouissent dans le sédiment le jour, ne sont capturées par les chalutiers qu'à l'aide de

chaluts équipés de dispositifs permettant de fouiller la vase ou bien la nuit, lorsqu'elles

s'élèvent au-dessus du fond.

A proximité de l'embouchure, notamment dans la zone d‟influence de l‟AMP, les bancs

rocheux sont surmontés par des sédiments vaseux ou sableux qui sont les témoins d‟anciennes

lignes de rivages (Domain, 1977). Ces fonds de sables vaseux sont excellents pour la pêche et

de ce point de vue, Saint-Louis est la plus favorisée de toute la grande côte.

b) - Le plateau continental

Le plateau continental se limite à l'isobathe 200 m, sa largeur est de 27 milles soit 50 km au

niveau de Saint-Louis. Son profil se présente comme un plan ondulé avec des replats

s‟étendant quelques fois sur 10 km (Figure 3). Il est très important en morphologie littorale

dans la mesure où de son extension dépend l‟amplitude des marées. Très étendu à Saint-

Louis, il se rapproche doucement de la côte, tout en suivant sensiblement son contour, lorsque

l'on descend vers le sud. Il englobe l‟Aire Marine Protégée comprise entre les isobathes 10 et

81 m. Les sables vaseux couvrent toute sa partie inférieure et entoure ainsi la vasière de Saint-

Louis. L‟essentiel des activités de pêche s‟y concentre.

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Figure 3 : Profil du plateau continental à Saint-Louis (Source : Guilcher A. (1954), Ndiaye A. (1975)

c) - Conséquences de la morphogénèse : l’instabilité d’un espace géographique

soumis à un processus inexorable de réduction

La Langue de Barbarie s‟est formée à partir de la dérive littorale nord-sud engendrée par les

grandes quantités de sable provenant de l‟abrasion des dunes rouges du subactuel à l‟actuel.

Ce transport de sable a pour effet de repousser l‟embouchure et de la faire migrer vers le sud.

Aussi, sous l‟effet de l‟érosion hydrique cette bande de terre, d‟une part a connu par le passé

des ruptures naturelles de façon cyclique et d‟autre part, est soumise en permanence à un

phénomène de recul du trait de côte qui est de plus en plus reporté vers l‟intérieur (Badiane,

1993). Selon P. Michel (1993), treize ruptures sont connues entre 1900 et 1981. Six d‟entre

elles seulement sont importantes (en durée et en dimension) de telle sorte qu‟une périodicité

de 14 ans est établie pour évoquer l‟instabilité de la Langue. La vitesse de recul du rivage

serait de l‟ordre de 1,6 à 2 m par an (Sall, 1982, cité par Badiane, 1993). Ce qui concorde

avec les renseignements obtenus auprès des vieux pêcheurs de Guet-Ndar pour qui, il y a 50

ans, la mer qui est aujourd‟hui à moins de 100 m des habitations, se trouvait au moins à 1 km

de Guet-Ndar. Nous avons constaté l‟exigüité de l‟espace séparant la mer des zones habitées.

Ce qui traduit une tendance à l‟érosion du rivage par la mer qui grignote de plus en plus

l‟espace occupé.

En somme, les menaces qui pèsent sur la Langue de Barbarie sont réelles et le quartier de

Guet-Ndar court un grand risque de disparition si l‟érosion du rivage continue. Ndiaye (1975)

et Badiane (1993) ont prédit une disparition de Guet-Ndar si les processus d‟érosion du rivage

ne sont pas stoppés au niveau de la Langue de Barbarie. Cela montre la précarité dans laquelle

vivent les principaux usagers de l‟AMP de Saint-Louis.

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1.1.4 HYDROLOGIE MARINE

a) - Les remontées d’eaux froides

Les côtes sénégalaises sont baignées par d'importantes remontées d'eaux profondes ou

"upwellings" qui proviennent des eaux centrales du sud de l‟Océan Atlantique. Ce régime

hydrologique est caractérisé par l‟existence de deux systèmes de grands courants aux

caractéristiques bien différentes :

- un courant froid nord équatorial (le courant des canaries) qui se déplace vers le sud le

long des côtes mauritaniennes et sénégalaises. Il s'agit d'un courant de dérive quasi

permanent pendant toute la saison des alizés, les eaux de surface subissant un

entraînement mécanique sous l'influence du vent du nord.

- le contre-courant équatorial qui transporte vers l'Est les eaux chaudes et salées,

formées sur la bordure sud du tourbillon nord-atlantique

Ces eaux recouvrent progressivement le plateau continental où l'on peut alors observer des

températures de l'ordre de 16 à 18°C et des salinités de 35,5 à 36,0 pour_mille. La durée

moyenne de la saison froide varie en fonction de la latitude comme le montre celle de

l‟upwelling (Tableau 2). L'action fertilisante de ces remontées d'eaux profondes résulte d‟un

apport à la surface d'eaux riches en sels nutritifs généralement issus de la reminéralisation de

la matière organique que l'on trouve sur le fond. A Saint-Louis, elle se fait sentir de novembre

à mai. C‟est la période où les petits pélagiques sont abondants au niveau de L‟AMP de Saint-

Louis.

Champignan et Domain (1978) rapportent que quand l‟upwelling sénégalais se déclenche, les

espèces à affinité saharienne ou espèces d‟eaux froides (Dentex gibbossus, Sparus

coerusleostictus, Pagellus bellotti, Epinephelus aenus, Pomatomus saltator), localisées d‟août

à octobre dans les eaux mauritaniennes (entre 20 et 30° N), migrent vers le sud, dés le mois

de novembre pour se stabiliser vers 10 à 16° N en février et mars. Il faut aussi souligner que la

reproduction des espèces démersales a lieu pendant la saison froide, précisément à la période

de transition saison froide - saison chaude entre avril et juin (période localement appelée « le

thiorone »).

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Tableau 2 : Durée moyenne de l’upwelling sur la cote ouest africaine

(Source : modi f iée de S chemainda et Nehr ing , 1975 in rapport d iagnost ic p lan de gest ion AMP )

b) - Les aquifères

L‟esquisse de l‟histoire géologique a permis de comprendre pourquoi le sou sol de cette

région recèle de l‟eau salée. Il s‟agit de l‟eau de mer retenue dans les dépôts marins anciens

ou récents qui n‟a pu être évacuée et remplacée par l‟eau douce en raison de l‟absence de

relief et du climat qui devient aride. Son origine est double car résultant :

- des apports par les lagunes du quaternaire nées de la transgression nouakchottienne. Le

sel est resté prisonnier dans les formations avec une grande mobilité à cause de ses

déplacements en circuit fermé. L‟évaporation de saison sèche le fait remonter vers la

surface où il permet le déplacement des phénomènes éoliens. Tandis que la pluie le

fait migrer vers le sous sol par lessivage ;

- des apports actuels favorisés par le jeu des courants de marées qui envahissent les

vasières où une partie du sel reste retenue dans la vase.

La conséquence est que dans cette région proche du littoral, la nappe phréatique très

minéralisée et affleurant, a une composition voisine de celle de l‟eau de mer. Cela se traduit

par des phénomènes de salinisation des terres qui les rendent improductives et freinent le

développement d‟activités agricoles dans la zone.

c) - Les eaux de surface

Les eaux de surface sont essentiellement constituées par l‟estuaire du fleuve Sénégal. En effet,

l‟AMP de Saint-Louis est sous l‟influence directe du fleuve Sénégal avec lequel elle est reliée

par le canal de délestage creusé en 2003, devenu par la suite la nouvelle embouchure avec

l‟ensablement et la fermeture progressive de l‟ancienne embouchure située en aval de

Gandiole.

Zones Latitude Nord Périodes

d’Upwelling

Durée moyenne

(mois)

Cap Blanc 23° toute l‟année 12

Nouakchott 17°50 octobre à juin 9

Saint-Louis 16° novembre à mai 7

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1.2 MILIEU BIOLOGIQUE

1.2.1. LA FLORE MARINE

Le caractère dominant de ce domaine littoral est la vaste étendue de vasières où se sont

développés des herbiers dominés par les zostères (Zostera noltii) et les cymodocées,

fondements de cet écosystème à forte influence estuarienne et base d'un réseau alimentaire

complexe.

Les espèces rencontrées le long de la côte ouest africaine sont constituées par Zostera noltii,

Cymodocea nodosa et Halodule wrightii. Ces espèces recouvrent les vastes plaines entre les

estuaires, ainsi que dans les zones sous les estuaires près de la côte à l‟image de la Langue de

Barbarie. Les algues microscopiques semblent être abondantes, notamment grâce à la

présence de diatomées benthiques dans les vasières non recouvertes d‟herbier. Les prairies

aquatiques jouent en effet un rôle crucial en servant de support à de nombreuses algues

épiphytes et à une microfaune très diversifiée d'invertébrés benthiques ; elles permettent

l'oxygénation du milieu et la fixation des sédiments ; enfin, elles fournissent aux poissons et

aux macro-invertébrés un abri contre les prédateurs, offrant un milieu idéal pour la

reproduction et le grossissement (Wolf et al,. 1993b).

De façon générale, la productivité primaire phytoplanctonique et celle du complexe herbier-

épiphyte au large de Saint-Louis sont encore mal connues et méritent d‟être mieux quantifiées

grâce à des études scientifiques et de suivis écologiques réguliers et bien réparties dans le

temps et dans l‟espace.

1.2.2. LES RESSOURCES HALIEUTIQUES

a) Les invertébrés marins

Associés aux vasières, les invertébrés benthiques occupent une place importante dans le

réseau alimentaire des espèces marines, assurant le relais entre les producteurs primaires

(chlorophylliens) et les consommateurs supérieurs.

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Au niveau de la Langue de Barbarie, les crabes représentent la partie la plus visible d'une

faune benthique dense et diversifiée dont la composition spécifique et l'abondance sont encore

insuffisamment connues. Elles envahissent l'estran par millions en période de basse mer.

Cette abondance ne doit cependant pas faire ignorer une faune benthique abondante et

diversifiée bien qu'encore très incomplètement décrite. En effet, l‟embouchure du fleuve

Sénégal est réputée être une zone de nurserie et de grossissement pour plusieurs types de

crustacés, dont les plus importants sont les crevettes, les langoustes, les crabes et les cigales.

b) Le poisson : la principale ressource exploitée

Comme évoqué plus haut, l‟abondance des crustacées à Saint-Louis, favorise la présence

d‟une faune ichtyologique très diversifiée. Aussi, le poisson reste la principale ressource

exploitée dans l‟AMP et ses environs. La pêche des poissons fait partie des usages les plus

anciens que les habitants de la Langue de Barbarie ont exercés sur l‟océan depuis le déclin de

la pêche fluviale à Saint-Louis. Des fluctuations d'abondance liées à l'alternance des saisons

froide et chaude et aux cycles de reproduction, sont notées pour les espèces migratrices

notamment les pélagiques comme la sardinelle. Par contre il est constaté une forte diminution

des stocks d‟espèces démersales côtières du fait d‟une surpêche liée à leur haute valeur

commerciale.

Les espèces pélagiques : une abondance liée à la longue activité de l’upwelling

dans cette zone

Elles constituent les captures les plus importantes en termes de volume (80 % des volumes

débarqués à Saint-Louis). Les espèces les plus représentées sont la sardinelle (S. aurita et S.

maderensis) qui constitue à elle seule plus de 90 % des débarquements en pélagiques, le

chinchard (T. trecae) et le mulet (M. cephalus) (Tableau 3). Ces espèces effectuent des

migrations saisonnières Nord-Sud d‟amplitude variable dont dépend la disponibilité pour la

pêche au Sénégal.

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Tableau 3 : Principales espèces de poissons pélagiques pêchées à Saint-Louis

APPELLATION PERIODE

VERNACULAIRE FRANÇAIS SCIENTIFIQUE

Kirikiri Thonine Euthyllis alleteratis

Décembre à Juin

Thath Liche Vadigo Campogramma glacos

Silingkeu Barre tachetée Dicentrarchis peunctatis

Yaboy Tass Sardinelle plate Sardinella maderensis

Yaboy Meureuk Sardinelle ronde Sardinella aurita

Deem Grand mulet Mugil sp

Warangal Liche amie Lichia amia

Yawal Scyris d‟Alexandrie Scyris Alexandria

Rôm Mulet Morome Punta

Diai bu nioul Chinchard noir Trachurus tracae

Diai Chinchard jaune Decapterus ronchus

Ngot Tassergal Pomotomus saltator

Ndiarweule Liche glauque Trachinoctis ovatis

Mai à Octobre Kobo Ethmalose Ethmalosa fimbriata

Tawett Carangue du Sénégal Carang sénégalus

Sompatt

(Koroth)

Pristipomme ordinaire Pomadasis peroteti, suillum,

jubeleni

Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009

Pour la Sardinella aurita, la phase de descente dans les eaux sénégalaises à partir de Saint-

Louis, coïncide avec le début de la saison froide. La phase de concentration, de pré-ponte a

lieu en mars-avril au sud du Sénégal de mai à septembre. Les individus effectuent leur

remontée vers le nord jusqu‟à 25° nord avec une phase de ponte (Boely et al., 1978, cité par

Barry M et al.). Les juvéniles et les jeunes reproducteurs restent dans les nurseries de la petite

côte sénégalaise et du Banc d‟Arguin (Mauritanie) pendant une année avant de se joindre aux

adultes. Ainsi, l‟AMP de Saint-Louis ne semble pas être pour les pélagiques un site de

reproduction. Tout porte à croire que leur présence pendant l‟upwelling, est liée à leurs

migrations soit vers le sud du Sénégal à partir de janvier, soit vers la Mauritanie à partir du

mois de mai.

Les cycles migratoires des autres espèces pélagiques présentent à peu prés le même schéma

spatio-temporel avec des amplitudes différentes. En réalité l‟AMP de Saint-Louis ne constitue

pour les pélagiques pas plus qu‟un couloir de migration.

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Les espèces démersales côtières : distribution géographique et bathymétrique

des stocks

Les fonds de mer constituent le cadre de vie des espèces démersales. Leur répartition en

fonction de la nature sédimentologique du fond (fond vaseux, vaso-sableux, et rocheux) et de

la profondeur permet de distinguer principalement trois communautés : la communauté à

Sciaénidae, la communauté à Sparidae, la communauté du rebord du plateau.

Tableau 4: Principales espèces de poissons démersaux pêchées dans l‟AMP de Saint Louis

APPELLATION

VERNACULAIRE FRANÇAIS SCIENTIFIQUE PERIODE

Thiof Mérou blanc Epinephlus aeneus

Toute l‟année avec une

forte intensité entre

Avril et Juin

Kocc Mérou de méditerranée Epinephlus gigas

Tiki ou youfouf Pageot Pagellus copei

Diarégne Dentex Dentex filosus

Banda Dorade grise Plectorhichis méditerranneis

Magne magnére Dentex à gros yeux Dentex macrophtalmus

Beur ou Sakhabi Courbine Argirosomus regius

Doye Mérou de Gorée Epinephlus goreens

Mori Loche Merluccius sénégalensis

Rascasse Rascasse Scorpaena stephanica

Khassaw Fiatol Stromateus fiatola

Rour Mérou noir Epinephelus canunis

Soum Langouste verte Penaeus régius

Sipax Crevette blanche Penaeus notialis

Khedd Brochet Sphyraena phyreana

Badéche Badéche Mycteroperca rubra

Kibaro Dorade Sparus ehrenbergii

Khal Othelite Bobo Pseudotolithus elongatus

Sole Sole langue Cynoglossus sénégalensis

Ndiané Capitaine Polydactylus quadrifilus……

Kibaro nar Pagre Pagrus erhenbergi

Feutt Othelite du sénégal Pseudotolithus senegalensis Toute l‟année avec une

forte intensité entre Tonone Othelite nain Pseudotolithus typus

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Yaranka Poulpe Octopus vulgaris Juillet et Octobre

Kong Machoiron Arius sp

Yeureundeu Seiche Sepia officinalis

Khedd Barracuda Sphyraena piscatoreum

Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009

La communauté à Sciaénidae

Elle comprend :

- Des espèces très littorales vivant au voisinage des embouchures et des cours d‟eau

telles que les carpes blanches, les mâchoirons et les soles. Ces espèces à faciès

d‟estuaire sont en général abondantes en saison chaude sur les fonds (moins de 20 m).

où elles se rassemblent pour la reproduction ;

- Des espèces à faciès mixte telles que les capitaines qui sont abondantes en saison

chaude prés de la côte où a lieu la reproduction, alors qu‟en saison froide, elles ont une

distribution plus profonde (Sun, 1975 cité par Thiam et al.). La saison chaude est selon

les pêcheurs la période où ils les pêchent en abondance, capturant de grandes quantités

de femelles reproductrices. Ils réduisent alors, leur potentiel de reproduction. Or, le

renouvellement est lent avec une maturité sexuelle à 4 ans ou plus. Cette

surexploitation fait que les espèces adultes se rencontrent de moins en moins à Saint-

Louis. Du coup, ils se reportent sur les juvéniles en jouant sur le maillage des filets

qu‟ils ont tendance à réduire. L‟exemple des poseurs de filets dormants qui utilisent

des mailles 32 mm alors que la norme autorisée par le code de la pêche est de 100 mm

(article 28a) est assez illustrant. Ils occasionnent donc des dégâts impressionnants sur

la population juvénile et bloquent le processus de renouvellement des stocks.

La communauté à Sparidae

Elle comprend :

- les espèces des fonds meubles comme la seiche que l‟on rencontre jusqu'à 150 à 250

m ;

- les espèces à faciès des fonds durs (le mérou, les daurades…) qui sont inféodés au

fonds rocheux continus ou discontinus et à leur voisinage.

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Le phénomène de reproduction du mérou est permanent, mais on distingue une ponte

principale en mai-juin et une ponte secondaire en juillet-septembre4. Les trois

principales zones rocheuses caractérisées par les pêcheurs sont : « Diattara » (moins

de 10 km au nord-nord ouest de Saint-Louis sur la frontière sénégalo-mauritanienne),

« Praia » (environ 14 km à l‟ouest de Saint-Louis) et « kher wu reywi » terme wolof

qui signifie « la grande roche » (environ 6 km au sud-ouest de Saint-Louis, banc

rocheux qui va de Guet-Ndar à la moitié nord de l‟AMP) ;

- les espèces du faciès mixte tel que le pageot. La ponte a lieu sur les fonds de 50 m. La

principale nurserie se situe sur la petite côte du Sénégal.

La communauté du rebord du plateau

Principalement composées de crustacées, les espèces de cette communauté (surtout la crevette

blanche, les langoustes…) se rencontrent entre la côte et la profondeur de 75 m (Thiam,

1978). Pour la crevette, le cycle vital passe par une phase lagunaire des juvéniles. Les

juvéniles et les sub-adultes se retrouvent ainsi dans l‟estuaire. Ce sont des espèces que l‟on

retrouve dans l‟AMP notamment au voisinage de l‟embouchure.

c) Les mammifères marins

Les rares observations d‟échouages accidentels de certaines espèces de petits cétacés sur les

plages de la Langue de Barbarie ont permis de signaler la présence dans les eaux saint-

louisiennes de mammifères marins parmi lesquels nous pouvons citer la baleine, le dauphin

souffleur (Turciops truncatus) et le phoque moine (Monachus monachus). Ces espèces sont

classées par l‟UICN comme « vulnérables » et menacés d‟extinction.

d) Les tortues marines

Même si la façade atlantique du Parc National de la Langue de Barbarie (PNLB) est un site de

nidification des tortues marines, les pêcheurs avouent que la présence de cette espèce semble

aujourd‟hui anecdotique. L‟échouage, les traces et/ou carcasses de quatre espèces ont été

signalés à Saint-Louis.

4 Barry M et al., (1994). Evaluation des ressources exploitables par la pêche artisanale sénégalaise. pp 132

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La tortue verte (Chelonia mydas), espèce herbivore, semble être la plus observée. Les autres

espèces sont beaucoup plus rares :

- la tortue à écailles imbriquées (Erethmochelis imbricata) se rencontre généralement

dans les eaux peu profondes ;

- la tortue luth (Dermochelys coriacea) est une espèce de haute mer qui ne se rapproche

de la côte que tous les deux ans pour les besoins de la ponte.

- lepidochelys olivacea et Lepidochelys kempii, sont les espèces les moins fréquentes à

observer.

Les tortues ne font plus l'objet d'une pêche ciblée mais sont souvent victimes des filets à

requins. En outre, leur chair est très appréciée par les populations de pêcheurs.

Il convient de souligner ici les actions de protection des cétacés et tortues marines initiées par

le WWF-WAMER depuis 2007. A ce titre, il mène depuis cette date au niveau de la Langue

de Barbarie une campagne de suivi des tortues marines sur les différents lieux présumés de

ponte pour s‟assurer de leur présence effective en vue de mettre en place un programme local

de préservation de cette espèce.

Aussi pour consolider cette initiative du WWF, il est important de prévoir des études

scientifiques sur les tortues marines à Saint-Louis pour une meilleure connaissance de cette

espèce menacée. Sur ce registre, des études complémentaires de l‟inventaire des espèces et

des sites de ponte doivent être poursuivies dans l‟AMP pour rassembler des données de base

sur les espèces présentes et obtenir une cartographie des sites de ponte.

e) L’avifaune

Les nombreuses zones humides qu‟elle abrite, font de la région de Saint-Louis la réserve

ornithologique la plus importante du Sénégal (Tableau 5). Ce groupe faunistique est depuis

longtemps la "vitrine" de cette partie nord du pays du fait qu‟elle abrite deux sites

d‟importance internationale pour les oiseaux d‟eau, résidants et migrateurs(zones de

reproduction), notamment le Parc National des Oiseaux du Djoudji (PNOD : première zone

humide d'importance au sud du Sahara et le troisième parc ornithologique du monde) et le

Parc National de la Langue de Barbarie (PNLB).

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Tableau 5 : Périodes de nidifications pour certaines espèces d’oiseaux rencontrées au nord du Sénégal

Espèces J F M A M J J A S O N D

Pélican blanc Pelecanus onocrotalus

Grand cormoran Phalacrocorax carbo

Cormoran africain P. africanus

Aigrette garzette Egretta garzetta

Aigrette des récifs Egretta gularis

Héron cendré Ardea cinerea

Spatule blanche Platalea leucorodia

Flamant rose Phoenicopterus ruber

Goéland railleur Larus genei

Mouette à tête grise Larus cirrocephalus

Sterne naine Sterna albifrons

Sterne hansel Gelochelidon nilotica

Sterne pierregarin Sterna hirundo

Sterne caspienne Sterna caspia

Sterne royale Sterna maxima

Sterne bridée Sterna anaethetus

Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009

Les superlatifs ne manquent pas pour décrire les importantes concentrations de limicoles

paléarctiques qui, après s'être reproduits au cours du printemps dans le nord de l'Europe et de

la Russie, migrent progressivement vers le sud pour prendre leurs quartiers d'hiver en Afrique.

C‟est plus de deux millions de ces oiseaux qui s'arrêtent sur le Parc National du Djoudj entre

octobre et mars, mettant en évidence la richesse de ce milieu où les migrateurs trouvent abri et

nourriture en abondance (l‟effectif total de l‟avifaune au Djoudj est estimé à plus de

3 000 000 d‟individus toutes espèces confondues au plus fort de la saison en Décembre avec

90 % d‟oiseaux d‟eau qui sont pour la plupart des migrateurs du paléarctique (PAG du

PNOD, 2005). Chez les migrateurs paléarctiques, les canards (sarcelles d‟été, canards pilet,

canards souchet) et les limicoles (Chevalier combattant et barge à queue noire) sont les plus

représentatifs.

L‟îlot aux Oiseaux, situé au sein du PNLB dans l'estuaire du fleuve Sénégal est également un

endroit de nidification important pour les espèces piscivores telles que la Mouette à tête grise,

le Goéland railleur, le Sterne royale et le Sterne caspienne. Située entre le PNLB et le PNOD,

l‟AMP de Saint-Louis renferme de toute évidence des couloirs de passage des oiseaux

migrateurs qui transitent par Saint-Louis.

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CHAPITRE II : PRESENTATION DE LA PERIPHERIE DE L’AMP

L‟Aire Marine Protégée de Saint-Louis, de par ses positions à terre, est à cheval entre la

communauté rurale de Ndiébène Gandiole et la commune de Saint Louis. Ainsi, sa périphérie

est caractérisée par la coexistence de deux zones d‟aménagement du territoire à vocation

différente : une zone urbaine constituée par les quartiers de la commune de Saint-Louis situés

sur la Langue de Barbarie et une zone rurale constituée par les villages situés dans la

communauté rurale de Ndiébène Gandiole. Aussi, du fait que la notion de limite de la zone

périphérie d‟une aire protégée est encore très relative (car il n‟existe aucune disposition

juridique ou réglementaire fixant la limite exacte de la périphérie), nous considérons comme

périphérie de l‟AMP, dans le cadre de cette étude, toute la zone qui englobe les deux

collectivités locales qui entourent l‟AMP à savoir la commune de Saint-Louis et la

communauté rurale de Ndiébène Gandiole. C‟est pourquoi dans la présentation de la

périphérie de l‟AMP, nous ferons un aperçu général sur ces deux collectivités territoriales.

2.1 LA VILLE DE SAINT-LOUIS, UNE PERIPHERIE COMPLEXE

2.1.1 GENERALITES

L‟importance de Saint-Louis à tout point de vu, au plan national et international, a fait que

cette ville bénéficie d‟un intérêt particulier dans tous les domaines de la vie socio-économique

et environnementale.

Sur le plan physique, Saint-Louis, „„ville de l‟eau‟‟, s'étale sur un territoire à structure éclatée

tripolaire et se déroule sur 10 km (Voir Planche ci-dessous). D'Ouest en Est, la Langue de

Barbarie (1), l'Ile (2), le faubourg de Sor (3), singularisent un périmètre fortement marqué par

le relief du Bas Delta.

Sur une superficie communale de 4579 hectares, la ville de Saint-Louis, hors eau, couvre

3632 hectares. Les plans d'eau inclus dans l'aire communale, représentent 20 % du territoire

de la ville (soit 943 hectares). Saint-Louis est caractérisée par la présence de plusieurs cours

d'eau dont leur remplissage est fonction de la crue du fleuve.

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Le Fleuve se décompose en deux bras : le petit bras situé entre la Langue de Barbarie et l‟Ile

et le grand bras situé entre l‟Ile et Sor (carte 2).

Planche : Photo aérienne de Saint-Louis (Source : ADC, 2005)

Saint-Louis, est sur l‟emplacement d‟une ancienne lagune transformée en estuaire lorsque le

fleuve fut attiré vers le sud après que le niveau de la mer fut abaissé au néolithique jusqu‟au

niveau actuel (Brigaud et Vast, 1987).

Cette région est caractérisée sur le plan géologique par l‟absence d‟affleurements des

formations tertiaires et secondaires.

Le contexte socio-économique de Saint-Louis en général, celui de la Langue de Barbarie en

particulier est fortement marqué par la présence de l‟océan qui conditionne quasi totalement

l‟ensemble des activités de ce cordon littoral.

La Langue de Barbarie est caractérisée par une présence humaine appartenant à la

communauté des pêcheurs de Guet-Ndar, pionnière de la pêche artisanale maritime.

Les wolofs de Guet Ndar forment avec les Lébous du Cap-Vert et les Nyominka des îles du

Saloum, les trois communautés de pêcheurs les plus importantes du Sénégal (Kébé, 1986).

L‟histoire des populations de la Langue de Barbarie est intimement liée à la pêche, à la fois

comme source alimentaire et activité génératrice de revenus. C‟est une activité qui a

longtemps joué un rôle moteur dans l‟économie de la ville de Saint-Louis.

Saint-Louis

Sénégal

3

1 2

Océan

Atlantiqu

e

Fleuve

Sénégal

CARTE 2 : LOCALISATION DE SAINT LOUIS

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Le peuplement de la Langue de barbarie a été et reste essentiellement dominé par les wolofs

autochtones et les maures.

Les quartiers de la Langue de Barbarie (Goxumbaac, Ndar Tout et Guet-Ndar) regroupent 23

% de la population communale estimée à 165 038 habitants en 2002. Guet-Ndar reste l‟un des

quartiers le plus peuplé de la commune avec 20 432 hts soit 12 % de la population.

Déjà en 1982, Guet Ndar était peuplé, d‟environ 13000 habitants entassés sur 0,17 km2, soit

plus de 70 000 habitants au km2. Sur la base du recensement général de la population de 1988,

Guet Ndar comptait environ 15 000 habitants puis environ 20 000 habitants en 2002. Peuplé à

90 % de wolof, Guet Ndar se présente par ailleurs comme le quartier saint-louisien

ethniquement le plus homogène (Diop, 1986).

2.1.2 ORGANISATION SOCIALE

La base sociale d‟organisation de la pêche piroguière à Guet-Ndar est la famille. Des

changements profonds sont notés dans sa structure et dans sa base économique.

Autrefois, les relations étaient de type matrilinéaire. La femme mariée reste dans le domicile

de ses parents. Les enfants issus des unions sont pris en charge à la fois par le père et l‟oncle

maternel qui assure l‟éducation et la formation. Ce sont généralement des unions à l‟intérieur

d‟une même famille qui sont scellées (les conjoints appartiennent à la même famille, ont les

mêmes ascendants et vivent souvent dans la même concession).

Ceci explique sans doute le fait que le père ne s‟oppose pas à la forte implication des oncles

maternels dans la vie des enfants. Selon leur nombre, et le capital disponible (nombre de

pirogues), les enfants sont répartis sous le contrôle du père entre les oncles, ou réunis sous la

direction de l‟aîné des oncles. Ils représentent ainsi une force de travail assez importante dans

l‟économie domestique. Cette organisation à caractère matrilinéaire, tourne autour de deux

pôles, à savoir, la direction du processus de production assurée par l‟aîné des oncles maternels

et l‟écoulement du produit, sous la responsabilité de l‟aînée des sœurs du pêcheur.

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Plus tard, la quasi monétarisation des produits de la pêche par le passage d‟une pluriactivité à

une activité unique basée sur la pêche maritime, comme seule source de revenus allait

déstructurer l‟économie domestique (semi marchande) et créer les conditions d‟une

contestation de la distribution de la force de travail familiale. Cela a secoué les fondements de

la famille élargie.

Il se produit ainsi, l‟émergence et la multiplication d‟unités familiales restreintes, réduisant du

coup l‟autorité de l‟oncle maternel tout en consolidant les prétentions du père sur les enfants.

Les lois dans la structure sociale, la hiérarchie des pouvoirs dans la famille restent presque

identiques dans la production marchande. Les rapports familiaux relèvent toujours des

relations d‟aîné à cadet propre à la logique de la communauté domestique. Les pêcheurs

appartiennent à un équipage composé de frères, souvent de proches parents. Ils vivent dans

une situation d‟interdépendance et assurent tous les besoins en commun. De ce fait, les

risques d‟éclatement sont minimes d‟autant que celui qui a la prétention de se séparer du

groupe doit, de toute façon, soit s‟intégrer dans un autre groupe, soit en créer un lui-même.

Si la famille organise de manière autonome, les systèmes de production de pêche à la ligne et

aux filets dormants, elle est de plus en plus secondée dans sa tâche pour ce qui est de la senne

tournante par une armée de travailleurs sans moyens de production, employés en dehors de

leur cadre familial et rémunérés à la part.

En somme, la structure familiale a connu des modifications, en s‟adaptant aux changements

qui se sont opérés, dans l‟économie de la pêche. La famille, même si elle ne fonctionne plus

avec les mêmes règles, reste néanmoins, la base sociale d‟organisation de la pêche piroguière.

2.1.3 LA PECHE ARTISANALE A SAINT-LOUIS

Activité principale des populations des quartiers st-louisiens situés sur la Langue de Barbarie,

la pêche à St-Louis est l‟un des secteurs moteurs de l‟économie locale.

La propriété des moyens de production connaît des formes multiples : propriété de tout ou

partie de l'équipement, par un individu ou un groupe (moyens hérités par exemple…). Cette

propriété est rémunérée par les parts attribuées à l'équipement (moteurs, embarcations,

engins), caractérisées par une disparité liée au coût du matériel.

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Ainsi, plusieurs types de pêches sont pratiqués à Saint-Louis. La pêche des pélagiques se fait

surtout avec les filets dérivants de surface et avec la senne tournante tandis que les espèces

démersales sont capturées à l‟aide de la ligne simple, de la palangre et des filets dormants. Le

tableau 6 présente les principaux engins de pêche utilisés, la saisonnalité et les espèces

capturées).

Tableau 6 : Les principaux engins de pêche, saisonnalité et espèces cibles

Activité intense Activité modérée Pas d‟activité Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009

En 2005, le CRODT a recensé 1542 pirogues opérationnelles (susceptibles de prendre la mer)

sur la zone d‟influence de l‟AMP de Saint-Louis (Tableau 7). Par contre le nombre de

pirogues actives (c'est-à-dire ayant pêché au cours du mois précédent l‟enquête) s‟élevait en

août à 1229 pirogues, le taux d‟activité étant de 80 %.

Engins J F M A M J J A S O N D Principales espèces Lieux de pêche

Senne

tournantes

Sardinell es, Tassergal,

mulets, Ethmalose

Saint-Louis entre janvier

et mai, Mauritanie en

saison chaude

Filets

dormants

Sole, mâchoirons,

Langouste, Dorade,

Carpe blanche

Principalement dans

l’AMP

Filets

dérivants

Chinchard, Thonine,

Liche amie

Toute la zone des 6 miles

en face de Saint-Louis et

AMP

Ligne

normale

haute valeur

commerciale : Dorade,

Pageot, Mérou

Tous les fonds marins

rocheux (Diattara et

Praia surtout)

Palangre Dorade, pageot Même lieux que les lignes

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Tableau 7 : Unités de pêche recensées selon la localité

(Source : CRODT, 2005)

2.2 LA COMMUNAUTE RURALE DE NDIEBENE GANDIOL, UNE PERIPHERIE

NOUVELLE

2.2.1 GENERALITES

Toute nouvelle création issue de la réforme administrative et territoriale de 2008, la CR de

Ndiébène Gandiole était anciennement contenue dans les limites de la communauté rurale de

Gandon. Elle est située au Nord du Sénégal dans le département de Saint Louis,

arrondissement de Rao. Elle se trouve à 18 km au sud de la ville de Saint-Louis, et est

enserrée entre le Fleuve Sénégal à l‟ouest, la CR de Gandon à l‟est, la commune de Saint au

nord et la CR de Sakal, dans la région de Louga au sud Ndiébène Gandiole qui dépendait

administrativement de la CR de Gandon, est devenue CR à la faveur. Elle est composée de 32

villages.

La CR de Ndiébène Gandiole se trouve dans la zone écologique communément appelée le

Gandiolais. Celle-ci, située dans la frange maritime, constitue le trait dominant du cadre

physique de la CR.

Localité Sennes

tournantes

Filets dormants

de fond

Filets dérivants

de surface

Ligne

normale

Glacière Palangre

Saint-Louis 142 365 190 255 259 366

K Barka 9 10 1 2

D Baba 35 37 2 3

D Mbame 20 1

Pilote 15 13 1

Tassinére 10 9

Mboumbaye 16

Mouit 6 11

Degouniaye 24 23 7 23

K Bernard 3 3

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Photo N°1 : Le salin, trait dominant du cadre écologique gandiolais

Une bonne partie (plus de la moitié) de la façade côtière de l‟AMP se situe entièrement dans

la C.R. D‟où les revendications de plus en plus fortes sur la dépendance administrative de

l‟AMP, par les populations locales de la C.R.

Sur le plan pédologique, la C.R de Ndiébène Gandiole est caractérisée par une diversité des

sols qu‟on peut regrouper à travers quatre catégories principales à savoir : les sols sableux

propices aux cultures sous pluies, les sols alluviaux ou „„hollaldé‟‟ très propices au

maraîchage et à l‟arboriculture, les sols „„fondé‟‟ disséminés un peu partout dans la CR et les

sols salins propices à la production de sel.

Si la majorité des sols se prêtait jadis à l‟agriculture en particulier le maraîchage (car le

Gandiolais fait partir des zones recordman de production d‟oignons au Sénégal), aujourd‟hui

avec l‟avènement de la brèche de Saint-Louis depuis 2003, toute la zone de la C.R connaît

une salinisation forte de ses terres.

La végétation, quant à elle est largement dominée par la steppe arbustive que l‟on retrouve un

peu partout dans la CR. Les principales espèces sont le seing, le sump, le nep nep, le vereck,

le gouye, le cad, le tamarinier, le prosopis, le cactus, etc. On note également la présence de la

strate herbacée.

Les ressources fauniques aussi sont très abondantes et diversifiées dans la C.R du fait de la

spécificité du milieu qui se situe dans le bas delta du fleuve Sénégal. Sur la zone continentale,

cette faune reste dominée par la présence de petits mammifères comme les rats palmistes, le

lièvre à oreilles de lapin mais aussi les mammifères moyens comme le chacal, le single rouge,

etc. Sur les plans d‟eaux marqués par la présence du fleuve et de la mer, on note une

impressionnante faune aquatique composée d‟espèces d‟eaux douces, saumâtres et salées.

Parmi ces dernières, on peut citer entre autres les tortues de mer, les oiseaux d‟eau et les

différentes espèces de poisson.

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De même, c‟est dans cette communauté rurale que se situent deux des plus grands sites

nationaux de conservation de la faune à savoir le Parc National de la Langue de Barbarie qui

jouxte l‟AMP et la Réserve Spéciale de Faune de Guembeul située à une dizaine de

kilomètres de la côte.

Le réseau hydrographique de la C.R est particulièrement dense du fait de la spécificité de la

zone qui constitue le bas delta du fleuve Sénégal. C‟est-à-dire là où les eaux du fleuve, après

avoir parcouru plus 1800 km, se jettent en mer à travers l‟embouchure qui se situe très

souvent à hauteur de cette zone du Gandiolais.

Ce caractère humide de la zone se manifeste par les nombreux plans d‟eau qui sillonnent la

CR dont on peut citer entre autres : Ndialakhar, le Miguegne, le khant, le ngalam, « Xiron »,

Panghar, Tongouyaye, Mbay, Tas Taslé, Bountou bath, Albar, Lobert, Mouye, Panghar, etc.

Photo 4 : Plans d’eau et mares, une caractéristique majeure du paysage gandiolais

Ces milieux qui pour la plupart du temps contenaient des eaux saumâtres, sont de nos jours

devenus très salés du fait d‟une plus grande intrusion des eaux de mer qui s‟infiltrent

davantage dans la zone à travers la „„Brèche‟‟ de Saint-Louis.

Photo 2 : Le PNLB, un exemple réussi de préservation de la faune / Photo 3 : La RSFG participe au repeuplement de la faune

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A ces problèmes de salinisation des plans d‟eau, s‟ajoute le déversement des eaux usées de

Saint-Louis, avec l‟implantation dans la partie nord-est de la C.R, d‟une des plus grandes

stations d‟épuration de l‟ONAS de Saint-Louis.

Photo 5 : Eaux usées de la station d’épuration de Saint Louis dans le village de Keur Barka,

2.2.2 ENVIRONNEMENT HUMAIN

La répartition démographique dans la C.R de Ndiébène Gandiole s‟effectue comme le montre

la carte qui suit :

Carte 3 : Répartition de la population de la CR de Ndiébène Gandiole (Carte reprise)

Source : POAS de Ndiébène Gandiole (2009)

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Le Gandiole est une zone anciennement peuplée. D‟après de nombreux témoignages, le

village de Doune Baba Dieye, l‟un des plus anciens de la zone est plus vieux que Saint Louis.

Les potentialités halieutiques et agricoles ont attiré pendant longtemps de nombreux migrants

venus du Walo, des autres localités du Sénégal et même de la Mauritanie. C‟est dire que, les

potentialités économiques et la recherche de meilleures conditions de vie ont fortement

influencé le processus de conquête et d‟appropriation de l‟espace. Aujourd‟hui, toutes les

parties du territoire communautaire sont occupées par des populations wolof, peuls et maures.

Les densités au km2 sont très fortes par exemple dans les gros villages comme Tassinère,

Ndiébène Gandiole et Mouyitte. La proximité de la ville de Saint Louis, capitale régionale,

influence fortement la dynamique de peuplement. La dynamique spatiale notée dans les

villages de Keur Barka, Ngaina, Ndiébène Gandiole, Tassinère, Mouyitte, avec l‟importante

extension du bâti, illustre suffisamment l‟évolution du peuplement et de l‟espace.

Toutefois, la migration de jeunes pêcheurs vers les autres centres de pêche du Sénégal et les

risques environnementaux consécutifs aux aménagements sur le fleuve Sénégal et aux

changements climatiques, constituent une sérieuse menace pour l‟avenir de la zone.

En ce qui concerne l‟organisation sociale, on peut remarquer que les chefs de villages sont des

personnalités respectées par toutes les catégories sociales et leur mise en place se base sur des

règles traditionnelles de succession familiale. Ils sont déterminants dans le maintien de la

cohésion sociale dans le village. Il en est de même pour les imams, désignés par consensus.

Ces deux personnalités que l‟on retrouve dans tous les villages de la C.R, sont des leviers

important pour la mobilisation sociale.

2.2.3 LES PRINCIPALES ACTIVITES ECONOMIQUES

a) Le maraîchage

Il constitue la principale activité des populations du Gandiole en raison de l'humidité des sols

« deck-dior » favorable à l'activité et à la présence de l'eau pendant pratiquement toute

l'année.

Les spéculations sont la tomate, l'oignon, le navet, la carotte, les choux pommés, les

aubergines, le piment, les pastèques, la patate...

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Les „„céannes‟‟, puits traditionnels de profondeur variant entre un mètre cinquante (1,50 m) à

six mètres (6 m) et pouvant même atteindre dix (10) mètres au niveau des espaces dunaires,

constituent les principaux points d'approvisionnement en eau destinée au maraîchage. Il existe

un autre type de maraîchage pratiqué sur les zones limitrophes du fleuve Sénégal (Dieule

Mbame, Mbambara) sous forme de culture de décrue.

b) Les cultures sous pluie

Cette activité se pratique pendant l'hivernage sur des sols assez fertiles et concerne les

spéculations telles que l'arachide, le niébé, la pastèque, le mil, l'oseille et le manioc. Les

facteurs limitant restent cependant, les déficits pluviométriques avec les débuts tardifs ou fins

précoces de la saison pluvieuse, et la salinisation des terres du fait des effets cumulés du

barrage de Diama et du canal de délestage.

La fumure organique «Toss » constituée de déjections animales (petits ruminants et bovins)

est utilisée pour la fertilisation du sol et l‟augmentation des rendements.

c) L'élevage

Comparé à l‟agriculture, l‟élevage est dans cette zone une activité presque marginale. Il est de

type extensif et concerne les ovins, caprins, bovins et l'aviculture. Celui des petits ruminants

est de loin, le plus représentatif. Quant à l'élevage de bovins, il est spécifiquement réservé aux

villages et hameaux peulh. Le bétail se déplace, une bonne partie de l'année, vers le centre et

le sud du pays.

d) L’exploitation du sel

L‟exploitation de sel est une activité très importante dans la CR. Ndiébène Gandiole compte,

en effet, plusieurs sites de production dans sa partie occidentale, dans la zone de Ndiébène

gandiole. Les principaux sites sont Niakou, Degue 1, Dégue 2, Mame Biram Boye, M‟botou,

Keur Barka, Ngaina et Guembeug.

e) La pêche

Elle est une activité importante de par sa spécificité. Elle se pratique du côté fleuve comme du

côté mer, avec cependant une prédominance de la pêche fluviale.

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Dans les villages de Keur Bernard, Tassinère et Pilote Barre, elle est la principale activité

économique des populations. D‟après les données fournies par le centre des statistiques de

Saint Louis, la zone du gandiolais, compte 150 pirogues motorisées pour 450 pêcheurs et 65

de ces pirogues ont été récemment immatriculées avec l‟appui de l‟Union Européenne.

Ces données illustrent parfaitement l‟importance de la pêche dans le panorama des activités

économiques locales. D‟ailleurs, pour de nombreux spécialistes de la pêche, l‟avenir de cette

activité dans la région se trouve dans le Gandiole compte tenu de l‟importance du potentiel

d‟une part et d‟autre part, des contraintes spatiales que connait le secteur dans la ville de Saint

Louis.

Mais le secteur gagnerait à mieux être organisé. A Pilote Barre, il existe une organisation de

transformatrices dont l‟avenir est prometteur. Ainsi, l‟activité de pêche procure des revenus à

de nombreuses familles de la CR, leur permettant ainsi de lutter contre la pauvreté.

Toutefois, la pêche connait ces dernières années un net recul du fait de la diminution des

ressources halieutiques consécutive à la réalisation du barrage de Diama et du canal de

délestage de Saint Louis.

Ces ouvrages ont également provoqué la disparition de certaines espèces et la diminution de

la taille d‟autres. La conséquence de cette situation est l‟émigration des jeunes pêcheurs de la

collectivité vers les autres zones de pêche du pays comme la Casamance et la Petite Côte.

f) Le tourisme

Le Gandiole est l‟une des principales zones touristiques du département de Saint-Louis. La

CR dispose d‟un important potentiel touristique. Il s‟agit des paysages de dunes, des plans

d‟eau, du site d‟oiseaux aquatiques (pélican, warang), du site de Maroum Dieuleuk (reposoir

d‟oiseau), site de balacos (batiment historique), site des salines dans la zone de Mouyitte, des

canons à Gouye Reine et la phare de Gandiole. A cela s‟ajoute l‟existence de plusieurs

campements (Zébrabar, Keur Aminata Diallo, Résidence « Océane-Savane, Téranga, « Nioko

Bokh) et d‟une Dune de sable à Tonghor. En outre, la CR de Ndiébène Gandiole dispose d‟un

riche patrimoine naturel constitué par la RSFG, le PNLB et de circuits touristiques dans la

zone de la Langue de Barbarie. Pourtant jusque là, ce potentiel n‟a pas été exploité

convenablement par les autorités communautaires de l‟ex CR de Gandon.

La valorisation de cet important potentiel par le conseil rural pourrait avoir des incidences très

positives sur le développement socioéconomique de la CR.

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L‟activité touristique à l‟échelle locale est handicapée entre autres par le manque de

financement des initiatives locales, l‟absence d‟un syndicat et la dégradation de certains sites.

C‟est pourquoi d‟ailleurs, l‟association des écogardes originaires des villages riverains du

PNLB a entrepris des actions de préservation du site touristique.

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DEUXIEME PARTIE :

LE PROCESSUS DE MISE EN PLACE DE L‟AMP

ET LA MOBILISATION DES ACTEURS LOCAUX

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CHAPITRE 1 : DEFICIT DE MOBILISATION DES ACTEURS LOCAUX DANS LE

PROCESSUS DE MISE EN PLACE DE L’AMP

L‟analyse du processus de mise en place de l‟AMP a pour objectif d‟identifier les principales

étapes déjà franchies et les acteurs effectivement mobilisés jusque là dans le cadre de la

conservation des ressources de l‟AMP. L‟intérêt d‟une telle démarche réside dans le fait

qu‟elle peut permettre d‟expliquer le manque de mobilisation de certains acteurs. Ainsi pour

chaque étape, nous essayerons de :

- voir les acteurs les mieux impliqués ;

- savoir, le pourquoi de l‟implication d‟un tel acteur au détriment d‟un autre ?

- comprendre et expliquer le manque de mobilisation de certains acteurs locaux vis-à-vis

de l‟AMP.

1.1 LA CREATION DE L’AMP

La création de l‟AMP de Saint-Louis est intervenue avec le décret 2004-1408 du président de

la république du Sénégal, en date du 04 novembre 2004, qui consacra par la même occasion,

la création de quatre autres AMP le long de la côte sénégalaise.

Cependant, il convient de signaler que de façon générale, la création des AMP au Sénégal,

s‟est faite suivant trois types de démarches (SENE, 2010) :

- Une approche top-down, où les autorités avec l‟appui des scientifiques identifient les

sites potentiels d‟AMP et prennent un acte officiel de création, souvent un décret.

Cette approche est appliquée aux premiers parcs marins ou ayant une composante

marine notamment le Parcs Nationaux (Langue de Barbarie, Delta du Saloum, Iles de

la Madeleine).

- Une approche down-up qui met en avant les communautés locales qui prennent

l‟initiative de création. Elles peuvent être appuyées par des ONGs locales ou

internationales. Une reconnaissance officielle de ces AMP par les autorités est requise.

C‟est le cas par exemple de la Réserve Naturelle de Popenguine ;

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- Une approche participative initiée par les ONGs internationales et nationales. Ces

initiatives sont souvent prises par les ONGs qui commencent par informer et

sensibiliser les différents acteurs sur l‟importance et les avantages des AMP. Cette

approche essaie de faire participer tous les acteurs dans la totalité du processus de

création.

Cette dernière approche dite „„participative‟‟, est celle officiellement utilisée pour la création

de l‟AMP de Saint-Louis. Cependant, les entretiens effectués auprès des différentes parties

prenantes à la création de l‟AMP, nous ont permis de voir que dans la pratique, l‟approche est,

à bien des égards, similaire à celle Top-down.

Tout d‟abord, la création de l‟AMP de Saint-Louis a été faite par décret présidentiel

(processus descendent), c‟est à dire par décision de l‟autorité centrale, pour dit-t-on renforcer

le régime de gestion intégrée des zones côtières et maritimes du Sénégal, en proie en de fortes

dégradations.

Pour le cas spécifique de Saint-Louis, cet acte de création par l‟autorité centrale n‟a été

précédé d‟aucune initiative locale (de type convention locale ou entente entre acteurs locaux

pour la gestion des ressources locales) qui pourrait traduire un caractère endogène et

ascendant du processus de création de cette AMP. Contrairement à d‟autres localités du pays

comme Joal et Bamboung (iles du Saloum), où l‟avènement de ce décret a été précédé par une

volonté réelle des acteurs locaux d‟auto-gérer les ressources marines et côtières de leur terroir.

Aussi, rappelons que le décret 2004-1408 portant création des cinq AMP dont celle de Saint-

Louis, est intervenu dans un contexte de Sommet Mondial sur le développement durable à

Johannesburg (2002), qui a mis en exergue une fois de plus, le rôle joué par les AMP dans la

conservation de la biodiversité. Ce sommet avait ainsi recommandé la création de réseaux

représentatifs couvrant 20 à 30 % des surfaces des océans à l‟horizon 2012.

Mieux, le Congrès Mondial sur les Parcs Nationaux de Durban en 2003 a précipité la

matérialisation des engagements pris par le Sénégal pour la création et la mise en place de

cinq nouvelles AMP dont celle de Saint-Louis.

Ensuite, même s‟il y a eu la participation théorique des acteurs locaux dans le processus

d‟identification du site, comme le prétendent les initiateurs, notons cependant que l‟initiative

de départ de l‟AMP à Saint-Louis est surtout l‟œuvre d‟ONG comme le WWF.

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En ce qui concerne la mobilisation des OCB, notons que sur les dix (10) organisations socio-

professionnelles évoluant dans la périphérie de l‟AMP, quatre (4) seulement ont participé de

façon effective au processus d‟implantation de l‟AMP et sont des membres actifs du Comité

de Gestion. Il d‟agit du Syndicat National des Pêcheurs Marins du Sénégal (SNPMS) dont le

président est également président du Comité de Gestion de l‟AMP, d‟une section locale du

Collectif National des Pêcheurs du Sénégal (CNPS), l‟Association des Jeunes Pêcheurs de

Guet-Ndar (AJPGN) et de la Mutuelle d‟Epargne et de Crédit pour les Organisations de

Pêcheurs Artisanaux de Saint-Louis (MECROPAS).

De ces constats, on peut bien affirmer que le mode de création de l‟AMP de Saint-Louis a

mobilisé très peu d‟acteurs locaux, d‟où le fait que l‟initiative de création de l‟AMP ne

bénéficie pas encore d‟une adhésion populaire capable de porter et de faire progresser l‟idée

d‟AMP.

Par ailleurs, les enquêtes effectuées auprès des membres de ces organisations, ont montré le

manque d‟une véritable implication du principal acteur à la base qu‟est la population vivant

autour de l‟AMP. Seuls les quelques dirigeants d‟OCB citées ci-haut ont été consultés pour

valider des avis sur le choix du site.

1.2 LA MISE EN PLACE ET LE FONCTIONNEMENT DES ORGANES DE

GESTION

L‟étape de la création de l‟AMP de Saint-Louis par décret présidentiel, a été suivie par une

longue phase de mise en place de l‟aire protégée et de l‟organisation de sa gestion. Cette

gestion qui est un exercice quotidien, vise la définition et la mise en œuvre de règles

spécifiques pour l‟accès et l‟usage des ressources de l‟AMP. C‟est pourquoi, il a été mis sur

pied, deux principaux organes de gestion qui sont : l‟administration dirigée par un

conservateur et le comité de gestion qui regroupe toutes les parties prenantes à l‟AMP. Ainsi,

il s‟agit dans cette étape, d‟analyser globalement ces organes de gestion de l‟AMP afin de

comprendre les modalités de leur constitution, les acteurs qui les composent et leur

fonctionnement.

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1.2.1 L’ADMINISTRATION DE L’AMP

Jusqu‟à une période récente, c'est-à-dire janvier 2009, la gestion institutionnelle des AMP au

Sénégal (y compris celle de Saint Louis) relevait de la compétence du Comité Technique

Interministériel chargé de la gestion des Aires Marines Protégées, créé par arrêté

interministériel n° 001654 du 03/03/2006. Le mandat du Comité Technique était de faciliter la

coordination de la mise en place des AMP et la définition des procédures de leur gestion

concertée. L‟administration des nouvelles AMP qui venaient d‟être créées, devait ainsi se

faire sous la double tutelle du Ministère de l‟Environnement et de la Protection de la Nature et

celui de l‟Economie Maritime. Cependant, il faut noter que ce comité n‟a jamais été

fonctionnel depuis sa création, pour cause de rivalité entre les deux principales institutions

ministérielles pour le contrôle de la tutelle administrative des AMP.

Cependant, la gestion administrative et opérationnelle des AMP a toujours été confiée à la

Direction des Parcs Nationaux (DPN). Ce qui fait qu‟à l‟image de toutes les aires protégées

sous la tutelle de la DPN, l‟AMP de Saint-Louis est administrée par un conservateur nommé

par le ministre de l‟environnement et de la protection de la nature sur proposition du directeur

des parcs nationaux. Ce conservateur paramilitaire lui-même est appuyé dans sa tâche par un

personnel paramilitaire composé de techniciens de la conservation et de gardes ou de

surveillants des ressources.

Ainsi conformément à leur statut, le fonctionnement du personnel administratif de l‟AMP

s‟inspire fondamentalement du modèle de commandement militaire pour son organisation

administrative et la gestion de l‟AMP.

Le conservateur est responsable de la gestion de l‟AMP. Il planifie, ordonne, supervise et

contrôle l'ensemble des activités relatives à la protection et aux aménagements techniques et

touristiques de l'espace et des ressources naturelles dans les limites de l'aire protégée,

conformément aux lois et règlements mis à sa disposition.

Cette forme d‟administration de l‟AMP, qui rappelle le mode de gestion classique des aires

protégées, ne laisse que peu de place aux initiatives des autres parties prenantes à la gestion.

En effet, le seul à qui le conservateur a obligation de rendre compte, est le directeur des parcs

nationaux, qui lui-même reste sous le contrôle du ministre, c'est-à-dire de l‟Etat central.

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Néanmoins, le conservateur conscient de la vocation de l‟AMP et dans un souci d‟efficacité,

s‟ouvre de plus en plus aux différentes parties prenantes, qu‟il associe dans la prise de

décision à travers le comité de gestion.

1.2.2 LE COMITE DE GESTION

La mise en place des AMP est accompagnée de la mise en œuvre du concept de cogestion qui

suppose une implication et une responsabilisation le plus large possible de tous les acteurs,

dans la gestion quotidienne des AMP.

Cette option s‟est matérialisée à Saint-Louis par la mise en place d‟un organe central

dénommé : comité de gestion de l‟AMP de Saint-Louis. Sa constitution s‟est faite à travers

une Assemblée Générale (AG) qui regroupe toutes les parties prenantes à la gestion de

l‟AMP. L‟AG désigne en son sein les membres du bureau exécutif du C.G. qui est dirigé par

un président issu de la population locale.

a)- L’Assemblée Générale

L‟Assemblée Générale (AG) est l‟organe suprême du système de gestion participative des

espaces et ressources naturelles de l‟AMP. C‟est l‟instance qui défend les intérêts de l‟AMP

vis à vis des autorités et des utilisateurs extérieurs, qui réfléchi et décide sur les questions qui

dépassent les intérêts propres des populations, incluant ainsi les projets d‟investissement

communs. Il adopte des politiques qui sauvegardent les intérêts collectifs des parties prenantes

et prend des décisions sur des questions non résolues au niveau des autres instances de

décision.

L‟A.G est composée, selon le règlement intérieur : des parties prenantes, des élus locaux, des

services techniques du département, des autorités coutumières et religieuses, des ONG

locales, des établissements scolaires, des privés du tourisme, etc. (Titre II, article 3, arrêté

préfectoral n°57 du 02 septembre 2008, portant statut et règlement du comité de gestion de

l‟AMP de Saint-Louis).

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60

Ce même article 3, donne des précisions sur ce qu‟est une partie prenante. Il s‟agit dans le

cadre de l‟AMP de Saint-Louis des acteurs suivants :

Le conservateur de l‟AMP représentant la DPN et le MEPN ;

Le représentant du service de la pêche/MEM ;

Le représentant de l‟inspection régionale des Eaux et Forêts de St-louis ;

Le (ou les) représentant(s) du conseil local de pêche ;

Le (ou les) représentant(s) du GIE interprofessionnel des pêches ;

Le (ou les) représentant(s) du GIE des jeunes pêcheurs ;

Le représentant de la mairie de Saint-Louis ;

Le (ou les) représentant(s) du syndicat d‟initiative et de tourisme de St-Louis ;

Le représentant des senneurs de plage ;

Le représentant du CRODT ;

Le représentant de la presse ;

La représentante du GIE des femmes transformatrices.

Si à priori la composition de l‟AG semble complète, la réalité en est autre. En effet, il se pose

un manque de dynamisme des parties prenantes. Le nombre d‟une rencontre prévue

régulièrement chaque année par le règlement intérieur, n‟a jamais été respecté. Depuis sa mise

en place, cette instance ne s‟est jamais réunie. C‟est pourquoi certaines parties prenantes

comme le syndicat d‟initiative et de tourisme, quelques pêcheurs interviewés, ne se sentent

plus concernés par cette instance. Il existe aujourd‟hui de réels problèmes liés au déficit de

communication entre les différentes parties prenantes à l‟AG.

b)- Le bureau du comité de gestion

Mis en place en 2006, il est composé de 6 membres élus en A.G, dont un président qui est la

personne morale du comité de gestion. Ce bureau est l‟organe exécutif du système et la

principale instance de décision de l‟AMP. C‟est en son sein que sont débattues et “affinées‟‟

les questions importantes inhérentes au processus de gestion participative de l‟AMP, comme

la surveillance, l‟application de sanctions, etc.

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61

Ses compétences se résument principalement à

- La réalisation du zonage participatif de l‟AMP ;

- la définition des engins de pêche devant être utilisés dans l‟AMP ;

- la gestion des conflits entre les différents groupes socio-professionnels ;

- l‟élaboration, l‟adoption et l‟application du règlement intérieur consensuel fixant

les conditions d‟accès aux ressources ;

- la gestion quotidienne de l‟AMP ;

- l‟évaluation de l‟efficacité des mesures de gestion proposées ;

- l‟approbation et le suivi des contrats de gestion entre les différentes parties

prenantes et les services de conservation ;

- l‟élaboration du Plan de Travail Annuel (PTA).

Pour le traitement sectoriel de toutes ces questions, le bureau exécutif s‟est doté de manière

consensuelle de commissions techniques réparties comme suit : une commission de règlement

des conflits, une commission de surveillance et une commission de communication.

L‟analyse du fonctionnement de ce bureau exécutif fait ressortir des difficultés qui freinent

même le fonctionnement du Comité de gestion dans sa globalité. En effet, de l‟avis unanime

de tous les acteurs rencontrés, le problème de fonctionnement de l‟AMP est lié à l‟inertie du

bureau exécutif et de ceux qui le dirigent. Ces dirigeants, très contestés du reste par les

différents groupes sociaux interviewés (jeunes, vieux et femmes) du quartier de Nguet-Ndar,

sont aujourd‟hui en manque de légitimité, car leur mandat de deux ans étant longtemps

épuisé.

D‟autre part, leur omniprésence dans presque toutes les fonctions électives de toutes les

organisations de leurs quartiers, a fini de les rendre peu crédibles pour faire porter à la base

l‟idée de l‟AMP. Ce qui explique certainement le défaut d‟acceptation de l‟idée d‟AMP par

les populations, qui lient très souvent, l‟existence de l‟AMP à ces personnes qui dirigent le

comité de gestion.

En somme, même si les organes de gestion de l‟AMP sont aujourd‟hui mis en place, il reste

néanmoins, que leur composition actuelle ainsi que leur fonctionnement posent un certain

nombre de problèmes :

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62

Les organes, en particulier le comité de gestion, fonctionnent timidement, sans aucune

planification cohérente et respectée de leurs activités dans le temps ;

Les instances du comité de gestion, notamment l‟assemblée générale ne fonctionne pas

régulièrement au point que plusieurs parties prenantes ne sont plus associées à la

gestion de l‟AMP ;

Le bureau exécutif ainsi que ses commissions dirigées presque uniquement par des

représentants des OCB de Nguet-Ndar, sans réelle connexion avec leur base, peinent à

se faire entendre et à faire accepter l‟idée de l‟AMP auprès des populations locales.

Cet ensemble de contraintes internes font que les organes de gestion de l‟AMP sont très peu

fonctionnels, au point que l‟efficacité de gestion de l‟AMP en souffre. En effet, faute de

légitimité mais aussi et surtout de moyens, certains de ces organes sont aujourd‟hui incapables

de faire respecter le règlement intérieur de l‟AMP. Aucune surveillance participative n‟est

encore effectuée pour préserver les ressources de l‟AMP.

Par ailleurs, ces contraintes de fonctionnement font que plusieurs parties prenantes sont

aujourd‟hui totalement déconnectées de tout ce qui se fait dans la cadre de l‟AMP. Ce qui

explique le manque de mobilisation des acteurs autour des organes de gestion et de ce fait de

la conservation des ressources de l‟AMP.

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63

Figure 4. Cadre institutionnel de gestion participative

Source : rapport diagnostic plan de gestion AMP, 2009

Ministère chargé de

la pêche

L’ONG WWF

Ministère chargé de

l’Environnement

Direction des Parcs

Nationaux

Service Régional

des Pêches

Maritimes

Programme Aires

Marine Protégées

FORMULATION

D’UN PLAN DE

GESTION

DE L’AMP DE St-

LOUIS

Comité scientifique

. Institutions de

recherche

. Cabinets d‟étude

. Universitaires

. Personnes ressources

Assemblée Générale

. Organisations

professionnelles

. Représentants d‟élus

locaux

. Service techniques de

l‟État

. ONGs , bailleurs…

Comité de Gestion

. Organisation de base

. Notabilité locales

. Organismes socioprofessionnelles

. Services techniques de l‟État

Page 64: CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT … · intégrée de son domaine maritime et côtière. C‘est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‘AMP

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1. 3 LA COMMUNICATION ET LA SENSIBILISATION DES ACTEURS

Etape importante du processus de mise en place de l‟AMP, la communication et la

sensibilisation avaient pour objectif de toucher directement la population dans sa diversité,

afin qu‟il y ait adhésion du maximum possible d‟acteurs locaux dans le projet de constitution

de l‟AMP.

C‟est pourquoi, au-delà de la mobilisation des acteurs autour des organes de gestion, des

mécanismes de communication et de sensibilisation ont été développés pour permettre une

bonne appropriation du processus de mise en place par les différentes parties prenantes qui

doivent être informées de toutes les décisions prises dans le cadre de l‟AMP. À leur tour, les

parties prenantes ou leurs représentants doivent transmettre les décisions de gestion à la base

au niveau de leurs mandataires, ce qui permettra à terme de diffuser l‟information le plus

largement possible. C‟est là, tout le sens de l‟important volet communication et sensibilisation

autour de la mise en place de l‟AMP.

C‟est dans ce cadre que se situent l‟organisation courante d‟émissions radios au niveau des

stations de la RTS/SL et de SUD FM/SL principalement, organisées et animées par le comité

de gestion de l‟AMP. Ainsi une tranche horaire d‟une heure par station, leur est accordée pour

communiquer avec le grand public sur l‟AMP et ses activités.

De même, la mise en place de l‟AMP a été l‟occasion pour les gestionnaires du site, avec

l‟appui de leurs partenaires comme le WWF, de descendre à la base auprès des „„MBARS‟‟

(lieu de rencontre des pêcheurs après le travail) situés le long de la zone périphérique de

l‟AMP, pour sensibiliser les acteurs de la pêche. Cette stratégie qu‟ils appellent dans leur

jargon, la „„communication rapprochée‟‟, a permis de toucher et d‟échanger avec un large

public spécifique et des catégories sociales différentes (jeunes, adultes, vieux).

Cependant, même si les efforts consentis en matière d‟information et de sensibilisation des

différents acteurs peuvent être jugés importants, beaucoup de choses restent à faire pour une

meilleure acceptabilité sociale de l‟AMP. En effet, les entretiens menés lors de la phase

terrain dans le quartier de Nguet-Ndar et plus précisément au niveau des trois sous quartiers

que sont LODO, DACK et PONDOKHOLE, nous ont révélés que même si l‟existence de

l‟AMP est largement connue, il n‟en demeure pas moins que cette dernière ne bénéficie pas

de l‟acceptation des usagers des ressources de la zone. Il ressort des entretiens un quasi rejet

de l‟AMP au niveau des deux sous quartiers DACK et PONDOKHOLE, pour des raisons

disent-ils de bouleversement des habitudes de pêche et de pertes de revenus.

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Au niveau de LODO où le rejet de l‟AMP semble être nuancé, c‟est parce que les populations

n‟accordent plus une importance à la zone qu‟occupe l‟AMP, qui selon eux est fortement

dégradée.

Dans tous les cas, le constat général qui se dégage au niveau des trois sous quartiers, est que

même si l‟existence de l‟AMP est connue à la base, les activités dans le cadre de la gestion de

cette dernière restent méconnues par les populations locales.

De ce fait, les gestionnaires de l‟AMP se doivent de mettre à la disposition du public toutes

les informations concernant leurs activités. Des outils variés sont donc à développer tels que

des séances d‟échanges dans les „„Mbars‟‟ sur les opérations et observations sur l‟AMP, des

expositions, l‟édition de brochures ou l‟ouverture d‟une salle d‟accueil du public. Ces

communications devront être complétées par des interventions lors de manifestations diverses

(journées de l‟environnement, expositions, etc.).

L‟animation et la sensibilisation à l‟environnement marin et côtier sont également des axes de

travail à plusieurs niveaux. D‟une part, il s‟agit d‟intervenir directement auprès du public et

donc de disposer d‟outils adaptés, mais aussi de fournir des outils aux enseignants désireux de

mettre en place des interventions portant sur l‟AMP. La sensibilisation à l‟environnement

marin et côtier auprès des jeunes est un volet primordial pour l‟AMP. L‟objectif est de

travailler directement auprès des enseignants et des jeunes pour leur présenter les activités et

la biodiversité de l‟AMP. Il s‟agit donc de fournir des outils adaptés et d‟intervenir dans le

milieu scolaire, ce qui n‟est pas encore le cas aujourd‟hui.

1. 4 LE PLAN DE GESTION DE L’AMP

La réalisation du plan de gestion de l‟AMP de Saint-Louis, moment fort de planification

participative sur le devenir du site, s‟inscrit dans la dynamique globale et en faveur de la

gestion durable des ressources marines et côtières. Il est entrepris dans le cadre plus large du

Programme Aires Marines Protégées du WWF WAMER, qui vise à doter le Sénégal et la

sous-région ouest-africaine d‟un réseau fonctionnel d‟Aires Marines Protégées permettant

d‟une part de préserver la diversité biologique et culturelle de la zone, et, d‟autre part, de

promouvoir l‟amélioration des moyens d‟existence des populations locales (lutte contre la

pauvreté des communautés de pêcheurs).

Page 66: CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT … · intégrée de son domaine maritime et côtière. C‘est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‘AMP

66

Le processus de formulation du plan de gestion a été officiellement lancé en 2006 par le

WWF WAMER et les partenaires locaux. Il a conduit à la réalisation de nombreux travaux

pour mieux appréhender la problématique de la gestion intégrée et durable de l‟AMP. Ces

travaux, axés sur la connaissance des dynamiques de l‟environnement biophysique et socio-

économique de l‟AMP, ont permis, d‟une part d‟examiner l‟état des ressources naturelles et

les relations entre les populations et l‟environnement, et, d‟autre part, d‟explorer les

mécanismes de gestion durable et participative de ce milieu.

L‟ensemble du processus de mise en place et d‟élaboration du plan de gestion de l‟AMP de

Saint Louis a duré près de quatre ans. Au cours de cette période, différentes activités pilotes

ont été réalisées. Ces activités, exécutées en collaboration avec les communautés de base, ont

concerné divers domaines notamment, la formation en cogestion, les visites d‟échanges, une

campagne d‟information et de sensibilisation sur le concept d‟AMP, ses objectifs, sa

missions et les résultats attendus.

Dans l‟élaboration d‟un plan de gestion intégrée pour une AMP, la difficulté majeure à

surmonter réside dans l‟établissement de partenariats actifs entre tous les acteurs et parties

prenantes impliqués dans le développement et l‟utilisation des ressources marines et côtières.

Dans ce domaine, et fort de l‟expérience acquise dans l‟élaboration de plans d‟aménagement

et de gestion, le WWF/WAMER entendait rassembler toutes les institutions gouvernementales

et organisations professionnelles réunies au sein d‟un groupe de travail.

Parmi les membres de ce groupe de travail constitué pour collecter et analyser les données de

base, synthétiser et discuter les options de gestion, on peut citer :

- les principaux services de l‟Etat (DPN, DPM, Eaux et Forêts) ;

- les universitaires/chercheurs (UGB) pour une meilleure connaissance des dynamiques

écologiques et sociétales ;

- les populations locales, regroupées au sein des associations, organisations

professionnelles et groupement d‟intérêt économique (GIE).

L‟approche prévue pour le processus de formulation du plan de gestion incluait également la

mise en place de cadres de concertation permettant aux acteurs de discuter des contraintes et

des priorités en termes de gestion.

Page 67: CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT … · intégrée de son domaine maritime et côtière. C‘est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‘AMP

67

Cette approche a ainsi offert l‟opportunité de contribuer à la dynamique actuelle de

décentralisation par la création et/ou la consolidation de cadres de concertation pour la gestion

durable des ressources marines et côtières et le renforcement des capacités des institutions

chargées de la mettre en œuvre. Ces fora ont associé à la fois, le WWF/WAMER, les

organisations professionnelles, les services techniques de l‟Etat et des personnes ressources

ayant une grande expertise dans la planification et la gestion des zones côtières.

C‟est dire donc que tout le processus de planification ayant abouti au plan de gestion s‟est

appuyé sur le principe fort de la cogestion où les différentes parties prenantes sont

représentées dans des instances locales de gestion et défendent leurs intérêts. Cette approche

participative est reconnue aujourd‟hui comme incontournable si l‟on souhaite une

appropriation du plan par les acteurs et leur implication dans sa mise en œuvre avec un

minimum de conflits. En cela, elle permet en outre de compenser la fragilité institutionnelle

de l‟État qui rencontre actuellement des difficultés à définir clairement la tutelle ministérielle

chargée de définir et de conduire la politique de conservation de la biodiversité dans les AMP.

L‟analyse critique du plan de gestion montre que même si le processus de réalisation du plan

semble mobiliser beaucoup d‟acteurs, il n‟en demeure pas pour autant que la prise en charge

de la dimension du développement local autour de la périphérie de l‟AMP reste moins

évidente. En effet, l‟essentiel des actions prévues dans le plan est axé sur la conservation dans

l‟AMP. Les véritables actions de développement local, de mobilisation et d‟exploitation

durable des ressources sont très peu évoquées dans le plan de gestion.

Néanmoins, nous pensons que l‟actuel plan de gestion de l‟AMP s‟inscrit dans la logique de

constitution d‟une AMP, d‟où la priorité accordée aux actions de conservation qui plus tard

céderont progressivement la place aux actions de développement. Dans cette perspective, il

faudra veillez à la bonne articulation entre le plan de gestion de l‟AMP et les différents plans

locaux de développement autour de l‟AMP et pourquoi pas même des plans locaux de

développement qui prennent en charge le devenir de cette AMP ?

Page 68: CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE ET DEVELOPPEMENT … · intégrée de son domaine maritime et côtière. C‘est dans ce cadre, que nous essayons de comprendre la création de l‘AMP

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CHAPITRE II : DES ACTEURS LOCAUX OUBLIES DANS LA GESTION DE

L’AMP

L‟analyse du processus de mise en place de l‟AMP dans le chapitre qui précède, a permis de

mettre en exergue le déficit de mobilisation des acteurs locaux dans toutes les étapes déjà

franchies. Ce déficit de mobilisation des acteurs au niveau local peut empêcher à l‟AMP

d‟être un outil de promotion du développement local dans sa périphérie. En effet, dans toutes

les étapes franchies, le constat est le même, l‟implication des acteurs locaux les plus

pertinents a fait défaut tout le long du processus. C‟est dans cette optique qu‟il est intéressant

de s‟interroger sur les véritables acteurs locaux, oubliés ou laissés en rade et dont leur

implication dans la gestion de l‟AMP s‟avère pertinente.

Cette option part des constats suivants :

Le comité de gestion censé regrouper tous les acteurs autour de l‟idéale AMP, ne joue

pas pleinement son rôle. Ce qui nous fait dire que la véritable contrainte à

l‟implication et à la mobilisation des acteurs locaux au profit de l‟AMP est le mauvais

fonctionnement de son Comité de gestion. En effet, les personnes ressources locales et

certains services techniques membres à part entière du C.G, sont rarement associés

aux réunions, encore moins à la prise de décision concernant la gestion de l‟AMP.

L‟implication des collectivités locales, n‟est qu‟à titre consultatif et sous forme de

représentation lors de grandes rencontres, mais ne concerne pas leur participation

effective à la prise de décision et ou à l‟apport de moyens matériels et financiers pour

une meilleure gestion de l‟AMP.

Les partenaires financiers et techniques externes, ne parviennent pas à trouver un cadre

unificateur et d‟harmonisation de leurs interventions.

L‟adhésion populaire à la quelle devrait aspirer l‟AMP tarde à se matérialiser, même si

de plus en plus on note l‟implication de certaines personnalités locales comme les

leaders des principales organisations communautaires dans la gestion de l‟AMP. Tout

compte fait la masse reste encore peu convaincue de l‟utilité et des avantages que

pourrait procurer l‟AMP. Dès lors, nous pensons que les communautés de base qui

sont les principaux usagers de l‟AMP et de ces ressources, doivent être informées

régulièrement de tout ce qui concerne le processus de gestion.

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Elles doivent être préparées à assumer pleinement la mise en œuvre de l‟AMP et

comprendre les véritables défis et enjeux économiques attachés à la conservation de la

biodiversité marine et côtière.

Ainsi, de ces constats, nous pensons qu‟il n‟y a pas de développement local dans le cadre de

l‟AMP de Saint-Louis, si ce dernier s‟entent d‟abord par mobilisation des acteurs locaux.

En effet, E. Dansero (2005), dans son article : le développement local entre le Nord et le Sud

du monde, pense qu‟ « au-delà des différentes interprétations, quand on parle de

développement local, on se réfère généralement à un ensemble d’acteurs locaux (publics,

privés et leurs différents partenaires) qui partagent implicitement ou explicitement certaines

visions de développement, et la valorisation des ressources présentes sur le territoire

(matérielles ou non) ».

Idée renforcée par les chercheurs de GIRARDEL, qui entendent par développement local «

une mobilisation endogène d’acteurs locaux en vue de la réalisation d’un projet inscrit dans

un territoire, permettant d’y vivre mieux ».

Si nous considérons que le projet inscrit dans le terroir et devant permettre de vivre mieux, est

l‟AMP, nous sommes en mesure d‟affirmer que le processus de mise en place de l‟AMP n‟a

pas permis de mobiliser tous les acteurs locaux. En effet, le diagnostic des acteurs fait

ressortir une absence quasi-totale de certains acteurs locaux dont leur implication dans la

gestion des ressources halieutiques locales demeure plus que nécessaire dans une perspective

de développement local.

Dans ce chapitre, il est ainsi question d‟identifier tous ces acteurs locaux qui sont peu ou pas

mobilisés dans le cadre de la gestion de l‟AMP et dont leur implication est jugée pertinente.

2.1 LES ACTEURS LOCAUX ISSUS DE LA DECENTRALISATION

LE CONSEIL RURAL DE NDIEBENE GANDIOLE

Le conseil rural est la principale structure de pilotage du développement local dans la

communauté rurale de Ndiébène Gandiole.

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70

Le présent conseil rural a été mis en place à l‟issue des élections locales de mars 2008. Il

compte 36 conseillers élus dont le Président du conseil rural (PCR) assisté de deux vice-

présidents qui constituent l‟organe exécutif. La répartition géographique des conseillers à

travers le terroir communautaires montre une certaine disparité quant à leur village d‟origine.

Le village de Ndiébène Gandiole, chef lieu de la communauté rurale, compte à lui seul 13

conseillers, soit 36% du nombre total de conseillers. Cependant, toutes les zones de la CR (six

au total d‟après le POAS de la C.R) ont au moins un représentant dans le conseil rural.

Le PCR est l‟organe exécutif du conseil rural et est assisté par une assistante communautaire

(ASCOM). Cependant pour impliquer tous les conseillers dans la gestion des affaires locale,

le conseil rural de Ndiébène Gandiole a mis en place en son sein une vingtaine de

commissions techniques dont celles charges de l‟Environnement et de l‟Aménagement

territoriale.

Ces dernières dirigées par un président choisi par ses pairs élus, identifient chacune en ce qui

le concerne, les problèmes dans son secteur et proposes des axes stratégiques de

développement au conseil rural. Il constitue de ce fait, d‟excellents cadres de gouvernance et

de promotion du développement local.

Il convient de noter que le conseil rural bénéficie de l‟appui-conseil des services déconcentrés

de l‟Etat à savoir la sous-préfecture et le CADL.

Pour ce qui des rapports entre le conseil rural et l‟AMP, le constat est qu‟il n‟y a pas encore

de contacts formels, encore moins une quelconque implication du conseil rural dans la gestion

de l‟AMP.

Aussi, du fait que la CR est une nouvelle création (réforme administrative et territoriale de

2008), celle-ci ne dispose pas encore de toutes les informations relatives à l‟AMP. Les

structures les plus dynamiques dans la CR sont l‟ARD, les services des domaines et de

l‟urbanisme et le CADL de RAO. Au titre des autres partenaires techniques et financiers, le

conseil rural travaille en collaboration avec Plan International, Sicoval, le PGIES, le projet

biodiversité et la SAED.

Pourtant, la loi 96-07 du 22 mars 1996 relative au transfert de compétences aux collectivités

locales, donne des prérogatives réelles à la communauté rurale en matière de gestion des

ressources naturelles locales.

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LE CONSEIL MUNICIPAL DE SAINT-LOUIS

Saint-Louis possède une ancienne tradition communale. L‟actuel conseil municipal, compte

70 membres élus lors des dernières élections municipales, rurales et régionales de mars 2008.

Ce conseil est dirigé par un Maire choisi parmi les élus. Le Maire et ses adjoints forment

l‟organe exécutif du conseil municipal.

La loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, communes,

communautés rurales précise les principes fondamentaux et les modalités générales de

transfert de compétence. Cette loi transfère aux communes neuf domaines de compétence

parmi lesquels on peut citer :

- Environnement et gestion des ressources naturelles

- Domaines

- Planification

- Aménagement du territoire

- Urbanisme et habitat.

- Santé, population et action sociale

- Jeunesse, sports et loisirs

- Culture

- Education

Au niveau du conseil municipal de Saint-Louis, tous ces domaines transférés sont gérés par

des commissions mises en place par les élus eux-mêmes. Cependant vu la spécificité de la

pêche à St-Louis, il existe au sein du conseil municipal, une commission chargée

spécifiquement de la pêche.

Ceci traduit les principales orientations du conseil municipal dans le cadre de ces domaines

transférés, qui part du principe de base selon lequel, l‟épanouissement des secteurs

économique, culturel et touristique de la ville dépendra d‟une part des résultats de la politique

de conservation des ressources naturelles halieutiques.

C‟est pourquoi, dès la création de l‟AMP, le conseil municipal à travers ses représentants, n‟a

cessé de s‟impliquer dans les activités de conservation et de gestion de l‟AMP. Cependant,

force est de reconnaître qu‟avec le peu de dynamisme qui caractérise les organes de gestion de

l‟AMP, la participation du conseil municipal aux activités de l‟AMP reste ponctuelle.

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72

Les quelques rares fois qu‟il est impliqué dans les activités de l‟AMP sont sous forme de

représentation lors des cérémonies de lancement de l‟AMP et d‟ateliers de validation du plan

de gestion.

Pourtant, la longue expérience et le partenariat fécond dont bénéficie le conseil municipal de

Saint-Louis en matière d‟environnement et de gestion des ressources naturelles, pourraient

beaucoup contribuer à la mise en place réussie d‟une AMP.

En effet, au-delà de son caractère d‟instance politique, le conseil municipal de Saint-Louis

possède aujourd‟hui un bras technique très fonctionnel qu‟est l‟Agence de Développement

Communal (ADC), qui pourrait appuyer techniquement les organes de gestion de l‟AMP,

dans le cadre de la conservation des ressources halieutiques.

L‟ADC mise en place en 2002 par le Conseil municipal de Saint-Louis, elle est chargée de :

mener les réflexions et études susceptibles de promouvoir le développement économique et

social, l’aménagement et l’environnement de la Commune de Saint-Louis ;

assurer l’appui et le conseil auprès de la Commune dans la conception de programmes

municipaux, de plans d’action et de projets selon une démarche concertée de l’approche

participative ;

assurer le suivi et le contrôle de la mise en œuvre des projets de développement

communaux pour le compte de la Commune. (Livre blanc du PDU de St-Louis).

Elle contribue ainsi à la définition des politiques et projets urbains et aux démarches de

planification urbaine.

Son approche est double avec une entrée quartier à travers le programme de renforcement et

d‟appui au développement des quartiers et une entrée ville avec les autres programmes macro-

urbains axés sur la planification urbaine, la gestion des déchets solides, la promotion du

développement économique local.

Le bilan institutionnel fait apparaître qu‟avec cet outil de gestion urbaine qu‟est l‟ADC, la

Commune de Saint-Louis s‟est approprié les dispositions du CCL qui font prévaloir la pleine

responsabilisation des CL dans la gestion des affaires locales.

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Le dispositif de l‟ADC et ses ramifications à l‟échelle des quartiers, ont permis à la Commune

d‟améliorer considérablement ses capacités de management et de gestion urbaine ; elle a aussi

favorisé le dialogue entre elle et les acteurs sociaux par la création de conseils de quartier qui

sont devenus de véritables instruments de promotion de la citoyenneté et de la démocratie

locale. Pour exemple, nous faisons cas ici de l‟exemple du CQ de Nguet-Ndar qui peut être un

acteur pertinent dans le cadre de la gestion de l‟AMP.

Le Conseil de Quartier de Nguet-Ndar

C‟est une structure que l‟on retrouve à Nguet-Ndar comme presque partout dans les quartiers

de Saint-Louis.

Le conseil de quartier de Nguet-Ndar est un cadre de concertation et d‟action, mis en place

sous l‟impulsion de la mairie de Saint-Louis qui dans sa volonté d‟impliquer davantage la

base (les quartiers) dans les actions de développement, a jugé nécessaire de mettre en place

ces cadres. Ce conseil réunit en son sein, toutes les personnalités résidant dans le quartier dont

le chef de quartier, l‟imam, les élus locaux résident, les représentants des jeunes, des femmes

et des groupes socioprofessionnels du quartier.

L‟une des forces du conseil de quartier est sa proximité avec la base et est composé de

personnalités reconnues et respectées par les habitants du quartier.

En somme, le Conseil Municipal de Saint-Louis ainsi que le Conseil Rural de Ndiébène

Gandiole, sont des acteurs de choix qui restent très peu impliqués dans la gestion de l‟AMP,

alors qu‟ils pourraient être de véritables piliers pour porter l‟AMP à la base.

2.2 AUTRES ACTEURS PEU IMPLIQUES DANS LA GESTION DE L’AMP

Le Syndicat d’Initiative de Saint-Louis

Structure privée à caractère administratif, le Syndicat d‟Initiative de Saint-Louis regroupe

l‟ensemble des acteurs régionaux évoluant dans le secteur du tourisme.

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Il a pour vocation principale l‟accueil et l‟information des touristes, ainsi que la promotion et

le développement de l‟activité touristique dans la région de Saint-Louis. De ce fait, il s‟est

doté d‟un bureau d‟information qui accueille jusqu‟à 12 000 visiteurs par an pour les

renseigner, de manière générale, sur les produits et sites touristiques, les établissements

hôteliers, les excursions, les visites guidées, les restaurants, les loisirs sportifs et culturels, les

événements, les fêtes, etc.

Mais, au-delà de sa mission d‟information, le Syndicat d‟Initiative, avec l‟appui de ses

partenaires, initie plusieurs actions de valorisation du patrimoine et de promotion d‟un

tourisme responsable dans la région de Saint-Louis. C‟est en cela qu‟il peut être utile à l‟AMP

qui doit être intégrée comme site touristique.

Dans cette perspective, l‟AMP de St-Louis avec son étendue de 49 600 ha et ses potentialités

halieutiques, pourrait être une destination de choix, presque unique en son genre, pour les

touristes amateurs de la pêche sportive et des plongées sous marines.

Pour le moment, le constat est que le Syndicat d‟Initiative est peu impliqué dans la mise en

place de l‟AMP, alors qu‟il doit être un acteur de base pour le développement du potentiel

éco-touristique de l‟AMP.

L’ARD

Structure regroupant la Région, les Communes et les Communautés rurales, l'ARD a pour

mission d'apporter aux Collectivités locales de la région, une assistance gratuite, dans tous les

domaines d'activités liés au développement, en vue : (i) de rendre moins onéreuse,

l'établissement de leurs plans et d'harmoniser et de renforcer leur cohérence avec le plan

national de développement économique et social ; (ii) de favoriser la constitution et la

conservation des banques de données nécessaires à toute planification ; et (iii) d'assurer la

coordination et les études, en matière d'urbanisme et d'habitat, de planification,

d'aménagement du territoire et d'environnement.

En définitive, nous pensons que ces structures et organisations à caractère public ou privé, du

faite de leur expertise avérée au niveau local, méritent d‟être impliquées davantage dans la

gestion de l‟AMP.

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TROISIEME PARTIE :

LA PROMOTION DES ACTIVITES SOCIO-

ECONOMIQUES DES ACTEURS LOCAUX A

TRAVERS L‟AIRE MARINE PROTEGEE DE

SAINT-LOUIS

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CHAPITRE I : LE CADRE JURIDIQUE DE L’AMP PERMET-IL DE

PROMOUVOIR LES ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES LOCALES ?

L‟étude du cadre juridique de référence de l‟AMP a pour objectif de comprendre les

dispositions juridiques et ou réglementaires qui autorisent l‟exercice de certaines activités

socio-économiques, qui non seulement ne compromettent pas la conservation des ressources,

bien au contraire, participent à leur valorisation au profit des acteurs locaux.

1.1 LE CADRE LEGAL GLOBAL DE L’AMP

La gestion des ressources biologiques est régie au niveau international par des traités ou

accords multilatéraux. Selon Beaucillon (2005), deux traités conclus sous l‟égide de l‟ONU

doivent être pris en considération pour cerner le cadre juridique qui gouverne les aires

marines protégées. Le premier, relatif au secteur marin, est considéré comme le fondement

ultime de la protection du milieu. Le second, lié à la protection de la biodiversité traduit le

consensus international en la matière.

a)- La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

Le régime de liberté (de navigation et de pêche) qui s‟appliquait dans le domaine maritime

prend fin avec l‟adoption par les Nations Unies le 10 décembre 1982 à Montego Bay en

Jamaïque de la Convention sur le droit de la mer. Ratifiée par le Sénégal en 1984, elle entre

en vigueur en 1994. Elle procède à la définition des zones marines où l‟Etat côtier exerce sa

souveraineté et des espaces maritimes internationaux.

Cette classification a pour intérêt de circonscrire les zones où l‟Etat à l‟obligation et la

compétence d‟agir au bénéfice de la préservation des écosystèmes (Beaucillon, 2005). Cette

convention attribue ainsi aux Etats côtiers des droits souverains aux fins d‟exploitation,

d‟exploration, de conservation et d‟aménagement sur des ressources biologiques se trouvant à

l‟intérieur de leur Zone Economique Exclusive (ZEE). Cette ZEE s‟étend généralement sur

200 miles, soit 370 km au-delà des lignes de base. La Convention sur le droit de la mer

stipule dans son article 56 que « les Etats ont un droit de pêche exclusif et sont propriétaires

des ressources vivantes et minières dans la bande marine de 200 miles adjacente à leurs

côtes » mais précise dans l‟article 61 que « cette zone ne doit pas faire l’objet d’une

surexploitation ».

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L‟Etat côtier peut y réglementer l‟activité de pêche ainsi que toute autre activité économique,

contraignant les pays de pêche lointaine à négocier avec les pays côtiers l‟accès à leur

ressource halieutiques.

La haute mer ou espace maritime international est la zone qui commence par la limite

extérieure de la ZEE. C‟est le principe de la liberté des mers qui y prévaut : liberté de pêche,

de navigation, de survol etc.5 L‟article 116, relatif au droit de la mer oblige les Etats pêchant

en haute mer à ne pas nuire aux intérêts des Etats côtiers et l‟article 119 prohibe la

surexploitation des ressources de la mer.

Prenant à leur compte cette convention, les Etats ont lancé des investissements massifs dans

des industries de pêche et de transformation des produits halieutiques pour répondre à la

demande croissante de poisson et de produits de la pêche. Ce qui a eu comme principale

conséquence dans les années 80, une surexploitation des ressources halieutiques. Dés lors,

apparaît de nouvelles approches de gestion du milieu marin prenant en considération la

conservation des ressources.

b)- La Convention sur la Diversité Biologique (CDB)

Adoptée à Rio en 1992, elle a été ratifiée par le Sénégal en 1994. La plupart des dispositions

de la CDB obligent les Etats signataires à coopérer pour la conservation et l‟utilisation

durable de la diversité biologique. Elle s‟applique donc à la biodiversité de l‟espace marin et

côtier. En son article 2, elle procède à la définition de la zone protégée considérée comme

étant « toute zone géographiquement délimitée et qui est désignée ou réglementée, et gérée en

vue d’atteindre des objectifs spécifiques de conservation ». Chaque Partie contractante doit

selon l‟article 8, établir un système de zones protégées qui soient gérées suivant des méthodes

modernes (plans, Stratégies, Politiques intégrées à celle des autres secteurs - art. 6)

(Beaucillon, 2005). Ces prescriptions renforcent les dispositions relatives au respect de la

biodiversité ainsi que les obligations édictées par la Convention sur le Droit de la Mer. En

effet, l‟article 22 évoque la primauté de cette dernière sur la CDB en cas de conflit. Ainsi, au

regard de la CDB, les AMP jouent un double rôle (Beaucillon, 2007). Elles doivent tout

d‟abord contribuer à la conservation stricte du patrimoine écologique (article 8).

5 SENAGROSOL-CONSULT (2007). « Elaboration d‟un plan d‟aménagement et de gestion de l‟AMP de Cayar : Rapport

bilan diagnostic »

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Elles interviennent ensuite comme recommandée par l‟article 10, dans le processus de gestion

durable des ressources naturelles de l‟Etat côtier.

1.2 CADRE LEGAL NATIONAL : LES INSTRUMENTS JURIDIQUES

APPLICABLES

Créée par décret 2004-1408 du 04 novembre 2004, l‟AMP de Saint-Louis s‟intègre dans un

environnement régit par des régimes juridiques nationaux, qu‟il convient de souligner. Il

s‟agit principalement du régime juridique du Domaine Public Maritime et du régime juridique

de la pêche maritime

a)- Le régime juridique du Domaine Public Maritime

La loi 76-66 du 02 Juillet 1976 portant Code du domaine de l‟État définit le statut juridique de

la zone géographique érigée en AMP en l‟inscrivant comme composante du domaine public

naturel dont fait partie la mer territoriale (art 5a), soit 12 miles à partir des lignes de base :

c‟est le domaine maritime, imprescriptible et inaliénable de par sa nature. Le code du domaine

de l‟État dispose dans son article 20 alinéa 1 que « Nul ne peut sans autorisation délivrée par

l’autorité compétente, occuper ou exploiter une dépendance du domaine public ou l’utiliser

dans les limites excédant le droit d’usage qui appartient à tous sur les parties de ce domaine

affecté au public ».

b)- Le régime juridique de la pêche maritime

Intégralement située dans l‟espace maritime, l‟AMP de Saint-Louis est aussi un lieu qui abrite

des pêcheries traditionnelles. Alors que l‟instrument principal en matière de réglementation de

la pêche maritime est le code de la pêche maritime. Le code dispose qu‟il s‟applique à toutes

les activités de pêche qui s‟exercent dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise. Le

décret 98-498 fixant les modalités de la loi portant Code de la pêche maritime, complète et

précise ce dispositif juridique, notamment son chapitre 4 intitulé « Mesures de conservation »

qui détaille les engins de pêche autorisés et le maillage des filets, la taille et le poids minima

des espèces capturables et les zones réservées exclusivement à la pêche artisanale. Ces règles

visent la préservation de la biodiversité marine, de l‟équilibre des stocks et la gestion durable

des ressources halieutiques. L‟article 30 du décret interdit l‟usage et la détention « à bord des

embarcations de pêche des filets maillants fabriqués à partir d’éléments monofilaments ou

multimonofilaments en nylon ».

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Dès lors, certaines difficultés majeures qui découleraient de la superposition de deux systèmes

(traditionnel et moderne), peuvent se poser avec acuité dans l‟application de la réglementation

sur la zone de l‟AMP. C‟est ce qui justifie sans doute l‟existence d‟un règlement intérieur

pour l‟AMP, qui est inspiré d‟une part, par les deux régimes juridiques évoqués ci-dessus et

d‟autre part, par le système traditionnel de gestion des pêcheries de la zone.

En somme, le cadre de juridique de référence consacre l‟AMP de Saint-Louis à la fois comme

site de conservation des ressources halieutiques mais aussi de promotion des activités socio-

économiques par l‟autorisation à l‟exercice de certaines types de pêche mais aussi du tourisme

balnéaire, dans le cadre d‟une réglementation. En d‟autres termes, aucune disposition du cadre

juridique de l‟AMP ne s‟oppose à ce que les ressources conservées soit aussi exploitées

durablement au profit des acteurs locaux. Dès lors, nous nous posons la question du pourquoi

l‟AMP tarde à favoriser les activités socio-économiques des communautés locales ?

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CHAPITRE II : EFFETS DE LA MISE EN PLACE DE L’AMP SUR LES ACTIVITES

SOCIO-ECONOMIQUES

2.1 LA PÊCHE DANS LA PERIPHERIE DE L’AMP

2.1.1 ANALYSE DE L’EVOLUTION DE L’ACTIVITE DE PECHE AUTOUR DE L’AMP

La pêche dans la périphérie de l‟AMP de Saint-Louis est pratiquée principalement par les

populations „„Nguet-Ndariennes‟‟. Le groupe socioprofessionnel concerné au sein de cette

population par cette activité, est constitué principalement des jeunes de moins de 45 ans.

Le tableau 8 suivant nous donne une idée sur le nombre de pêcheurs évoluant à Saint-Louis

durant les sept (7) dernière années.

Tableau 8 : Effectifs des pêcheurs et des pirogues en activité autour de l‟AMP

Année 2003

(1)

2004

(2)

2005

(3)

2006

(4)

2007

(5)

2008

(6)

2009

(7)

Nombre de

pirogues 157 173 233 378 346 334 433

Nombre de

pêcheurs 1845 1835 2407 3409 2674 2556 3325

Source : Service Régional des Pêches de Saint-Louis, juillet 2010

Dans la partie rurale de la périphérie de l‟AMP, c'est-à-dire dans la zone du gandiolais, on

dénombre aussi selon le centre des statistiques de Saint Louis, 150 pirogues motorisées pour

450 pêcheurs.

Dans la zone de l‟AMP de Saint-Louis, comme partout ailleurs sur la côte sénégalaise, la

pêche bénéficie de conditions naturelles favorables et l‟existence de communautés ayant une

longue tradition de pêche, les Nguet Ndariens. Ces communautés ont, depuis longtemps,

pratiqué tout le long de la côte, une pêche artisanale qui s‟est modernisée avec la motorisation

des pirogues et l‟utilisation des sennes tournantes.

On distingue deux types de pêche à Saint-Louis : la pêche pélagique côtière et la pêche

démersale. Ces types de pêche sont pratiqués à l‟aide d‟une pirogue.

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Cette pêche piroguière, la plus populaire et la plus répandue est pratiquée par des pêcheurs

utilisant des engins qui déterminent à leur tour la taille de l‟embarcation. La pêche à pied se

pratique également le long de l‟AMP utilisant l‟épervier.

Cependant, la motorisation des pirogues est l‟élément clé du développement de la pêche

artisanale en ce sens qu‟elle a permis une augmentation de la taille des embarcations, une

extension des zones de pêche, une plus grande autonomie en mer et une amélioration des

engins de pêche.

Ces progrès dans le secteur de la pêche à Saint-Louis ont eu comme conséquence une

amélioration des débarquements ainsi que les revenus tirés par les populations pêcheurs. C‟est

pourquoi, pour évaluer l‟apport de l‟AMP sur une activité socio-économique telle que la

pêche dans sa périphérie, ces deux principaux paramètres, à savoir les débarquements et la

valeur commerciale, ont été mis en avant.

Ceci pour comprendre réellement les effets de la conservation des ressources dans l‟AMP sur

la disponibilité de la principale ressource exploitée par les populations qu‟est le poisson et sur

les revenus tirés de cette exploitation.

La figure 5 montre l‟évolution de la situation des mises à terre et leur répartition entre 2003 et

2009 (seules statistiques disponibles au service des pêches de Saint-Louis). Cependant, ces

données demeurent tout de même intéressantes, dans la mesure où elle couvre la période

d‟avant la création de l‟AMP et jusqu‟en cinq ans après, c'est-à-dire en 2009.

Figure 5 : Evolution des débarquements en poissons entre 2003 et 2009

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D‟après la figure 5 (ci-dessus), l‟évolution des mises à terre depuis 2003, n‟a cessé de croitre

avec des piques enregistrés en 2004 et en 2008 où respectivement les barres de 50 000 tonnes

et de 60 000 tonnes ont été franchies. Mieux, les quantités mises à terre entre 2003 et 2009,

constituent des records qui n‟ont jamais été atteintes depuis au moins 1992. En effet, dans le

PDU de Saint-Louis, il est démontré que les mises à terres, évaluées à prés de 30 000 tonnes

en 1992, se situaient à seulement 39 000 tonnes entre 1995 et 1997 (Plan Directeur

d‟Urbanisme de Saint-Louis, Service Régional des Pêches, 1998).

Cette situation de hausse de la quantité de poisson mise à terre, coïncidant avec la création de

l‟AMP intervenue en novembre 2004, pourrait laisser croire à un effet immédiatement positif

de celle-ci sur la disponibilité en poisson à Saint-Louis. Aucun argument objectif ne peut

permettre de tirer cette conclusion.

Tout d‟abord, la création de l‟AMP en 2004 n‟a été que sur le papier, c'est-à-dire par décret et

n‟est accompagnée, ni suivie jusqu‟à maintenant, d‟aucune action significative sur le terrain

qui peut expliquer ou encore moins justifier l‟abondance du poisson pour les pêcheurs de

Saint-Louis.

Ensuite, la zone de l‟AMP est aujourd‟hui tellement dégradée et dépourvue de ressources, au

point que les pêcheurs St-Louisiens ne s‟orientent plus vers ce site pour leur activité de pêche.

La plupart des prises se fait en dehors de la zone de l‟AMP, pour cause de rareté du poisson

dans le site.

En fin, signalons qu‟au-delà de l‟inexistence de matérialisation des limites de l‟AMP, aucun

contrôle sur l‟usage des ressources dans le site n‟est encore effectué. En d‟autres termes,

aucune action allant dans le sens de la préservation et ou de restauration des ressources dans

l‟AMP, n‟est encore entreprise pour pouvoir justifier un tel état de fait.

D‟ailleurs, deux raisons principales indépendantes de l‟AMP sont souvent avancées par les

acteurs de la pêche pour justifier cet accroissement des quantités mises à terre depuis 2003. Il

s‟agit selon eux d‟une part, de l‟augmentation de l‟effort de pêche et d‟autre part de

l‟amélioration des conditions de débarquement par la création in extrémis du canal de

délestage communément appelé, la „„brèche‟‟ de Saint-Louis. En effet, selon des données

recueillies auprès du SRP/SL, l‟effort de pêche à Saint-Louis s‟est accru entre 2003 et 2009.

Puisque de 2003 à 2009, le nombre de pirogues en activité est passé de 157 à 433 (voir en

annexes) soit plus que le double de ce qui existait en 2003. De même, le nombre de pêcheurs

est passé entre 2003 et 2009 de 1845 à 3325, soit 80 % d‟augmentation.

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Sur le plan des conditions de débarquement, il est intervenu en octobre 2003, la création de la

brèche de Saint-Louis, suite aux menaces d‟inondation de l‟ile et des quartiers de Saint-Louis.

Lorsque l‟embouchure était à une trentaine de kilomètres au sud de Saint-Louis, les sorties en

mer de même que les débarquements s‟effectuaient du côté de l‟océan au niveau du secteur

proximal, malgré tous les dangers liés à l‟existence de la barre et à la force des houles. Les

mises à terre du côté de la plage nécessitaient à la fois du temps et beaucoup de main d‟œuvre

surtout pour les pirogues de senne tournante. En plus elles se faisaient dans des conditions

périlleuses. Il fallait à l‟arrivée des pirogues porteuses, qui ne pouvaient souvent accoster sur

la plage à cause de la traversée difficile de la barre, faire des va-et-vient avec de petites

pirogues entre la grande pirogue restée au large et la plage. Pour éviter cette situation, certains

débarquaient côté fluvial en faisant un détour de plus de 40 km pour passer par l‟embouchure.

Avec la nouvelle embouchure, les embarquements et débarquements se font désormais côté

fleuve, ce qui constitue un gain substantiel de temps et de carburant pour les pêcheurs. Cette

nouvelle possibilité a semble-t-il dopé la pêche maritime à Saint-Louis comme le montre

l‟évolution des volumes de débarquement qui sont passés de 35 638 T en 2003 à 53 787 T en

2004 d‟après les statistiques du Service Régional des Pêches.

En revanche, si l‟augmentation de l‟effort de pêche et l‟amélioration „„accidentelle‟‟ des

conditions de débarquement ont permis à l‟activité de pêche de faire un grand bon en avant, il

serait intéressant de s‟interroger sur le devenir à long terme des ressources dans l‟AMP du fait

de l‟augmentation de la pression sur la ressource avec une surexploitation des stocks déjà très

menacés.

2.1.2 L’AMP, UN ESPACE DE CONVOITISE ET DE CONFLITS ENTRE LES

DIFFERENTS TYPES DE PECHE

Sur l‟ensemble de la côte nord, de la Mauritanie à la fosse de Cayar, les fonds sont disposés

en une droite horizontale avec l‟alternance de roche et de vase. Aussi, le pêcheur perçoit l‟aire

de pêche au niveau de Saint-Louis comme un point où la séparation entre fonds rocheux et

sablo-vaseux n‟est pas nettement tranchée.

Ainsi, les fonds de pêche de nature rocheuse sont appelés « xer » et les sablo-vaseux mélangés

de coquillage « joxoor ».

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Le listing des lieux de pêche à Saint-Louis a abouti à leur distribution par zone. Une vingtaine

de pêcheries a été citée par les pêcheurs et ventilée dans trois zones : kell, tank et Gopp,

respectivement la partie faisant face à Guet-Ndar, celle se trouvant au sud (partie qui englobe

l‟AMP) et au nord (vers la Mauritanie). Kell et Gopp représentent les principaux lieux de

pêche car abritant les trois pêcheries les plus fréquentées, à savoir : Diattara, Praia (partagé

avec la Mauritanie) et Xerwu reywi qui se prolonge jusque dans l‟AMP.

Tableau 9. Les principaux lieux de pêche connus à Saint Louis

ZONE DE PECHE PROFONDEUR ESPECES

PRINCIPALES

PRINCIPAUX

ENGINS

SAISONNALITE LOCALISATION

Xer wu rey wi,

Boutourail, xer

Assane, Boss yi,

Guentbi

10 à 20 m

Tonone, Thiof,

Langouste,

sompatt,

Badéche, sole

siketmbaw,

ndiané, sipax.

Filets

dormants,

Lignes,

Palangres,

Toute saison

Dans l‟AMP

Xer wu reywi,

Dem ndum, Xeru

mam Mori, Praya

gop et tank,

Diattara Hopital

20 à 50 m

Thiof, Kocc,

Tonone,

Sompatt,

Daurade, Sole,

Langouste, feutt

Ligne,

Filets

dérivants,

palangre

Toute saison Entre la

brèche et

Guet-Ndar

Gouy Maréme ,

Fatou Ndiaye,

Coletbi, Hopital,

Sidi, Madabo,

Ndiago, Lakhrat

15 à 20 m

Mérou, Othelite,

Doye, kocc,

Tassergal, Liche

amie,

Ethmalose,

Dentex, Requin

Ligne,

palangre

Toute saison De Guet-Ndar

à Boyo

(Mauritanie)

Chaque zone renferme des lieux précis de pêche qui sont des lieux de refuge, de frai et de

croissance d‟alevins principalement d‟espèces démersales et benthiques.

Même si certains pêcheurs pensent qu‟il y a une répartition uniforme des espèces dans les

différents lieux de pêche, une bonne partie d‟entre eux affirme qu‟il y a des espèces

dominantes dans chaque lieu de pêche.

Ainsi comme nous le constatons, l‟AMP englobe en son sein, la presque totalité des lieux de

pêche situés au sud de Nguet-Ndar, qui sont hautement importants pour les pêcheurs de Saint-

Louis. Ce qui laisse apparaître une possibilité de soustraction de ces lieux de pêche, aux

pratiques courantes des populations pêcheurs, d‟où un manque à gagner, à court terme, de

revenus tirés de la pêche.

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Alors qu‟aucune stratégie alternative n‟est encore mise en place, dans le cadre de la mise en

place de l‟AMP, pour compenser cette perte de revenus des pêcheurs.

Sur un autre plan, le règlement intérieur de l‟AMP qui est sensé organiser la pratique de la

pêche dans la zone de l‟AMP, n‟a encore connu aucune application. Ce qui fait persister non

seulement, une exploitation non rationnelle des ressources, mais aussi et surtout un état de

conflit entre pêcheurs. En effet, il est ressorti au cours des entretiens, qu‟il existe une

opposition manifeste entre les pêcheurs poseurs de filets et ceux qui font la ligne. Il en est de

même, entre les pêcheurs à la senne tournante et les autres catégories de pêcheurs surtout les

lignes.

En fait, la recherche active d‟espèces identiques ou ayant la même niche écologique (le cas

des filets dérivants de surface et des sennes tournantes) dans la même aire de pêche, c'est-à-

dire au tour de Xer wu reywi (zone centrale de l‟AMP) et ses environs, est une source

permanente de conflits entre pêcheurs artisans de Guet-Ndar, d‟autant plus qu‟ici, les

pêcheurs n‟ont qu‟une seule activité qui est la pêche.

Situation exacerbée par le fait que selon Sarr (1985) « les ressources halieutiques

appartiennent à la catégorie des ressources communes, aussi les prélèvements opérés par un

pêcheur réduit de façon immédiate la disponibilité de la ressource et donc les captures des

autres pêcheurs, pour un effort donné de ces derniers».

Toutefois les pêcheurs relativisent ces différends qui selon eux, dégénèrent rarement en

conflits armés, pas plus qu‟ils ne se règlent en justice. La solution se fait toujours à l‟amiable

généralement au niveau des « mbaars » grâce à des comités de conflits. Chaque « mbaar »

dispose d‟un comité de conflits constitué de sages (pêcheurs à la retraite, les plus influents)

qui interviennent en cas de conflits.

Par contre, l‟antagonisme entre chalutiers et pêcheurs piroguiers constitue la première et la

principale source de conflits entre utilisateurs de la mer. L‟extension du champ d‟action de la

pirogue motorisée a entraîné une période nouvelle de concurrence et de conflits malgré la

délimitation juridique des zones respectives de compétence entre la pirogue et le chalutier.

Aujourd‟hui, malgré le système des filets dormants (moins touchés), la pêche piroguière subit

la violence de l‟expropriation par la destruction de ses engins de capture par la piraterie

industrielle. Les dégâts causés par les bateaux pirates ne constituent pas seulement un manque

à gagner pour les pêcheurs, c‟est une atteinte à l‟outil de travail du pêcheur.

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En réalité, l‟activité de cette multitude d‟engins utilisés dans un espace de pêche aussi

restreint par des unités ayant des stratégies et tactiques de pêche très diverses pour exploiter

une ressource limitée, engendre une concurrence le plus souvent déloyale (Bakhayoko et

Kébé, 1989) et des répercussions négatives sur le stock halieutique. La lutte acharnée pour

capturer le poisson avec des moyens inégaux et si fortement disproportionnés, n‟est que le

signe symptomatique de la raréfaction de la ressource et cette lutte est caractérisée par une

situation de pénurie qui pénalise en premier le petit producteur, la pirogue.

Ainsi, malgré une relative croissance des débarquements depuis 2003, comme le montre les

données, les pêcheurs se plaignent de plus en plus de la rareté du poisson surtout des espèces

nobles. En effet 75 % des quantités débarquées sont constituées des espèces pélagiques dont

la dominante reste de loin la sardinelle (S. aurita et S. maderensis) qui constitue à elle seule

plus de 90 % des débarquements en pélagiques.

De même, ils s‟inquiètent du fait que l‟essentiel de leurs zones traditionnelles de pêche est

incluse dans la zone d‟emprise de l‟AMP. Ce qui peut leur valoir une interdiction de pêcher

par les autorités en charge du site et de ce fait, l‟AMP constitue à leurs yeux une vraie menace

pour la promotion de leur seule activité de survie qu‟est la pêche. En d‟autres termes et selon

leur propre entendement, l‟AMP est un facteur qui ne fera qu‟accentuer leurs difficultés sur le

plan social et économique.

Cette conception du groupe des pêcheurs sur l‟AMP est sans doute, l‟un des facteurs qui

expliquent l‟attitude souvent réticente de ces derniers vis-à-vis de l‟AMP. Pourtant, le

règlement intérieur du site, n‟exclut en aucune façon les activités de pêche à l‟intérieur de

l‟AMP. Seulement, cette activité devrait être soumise à une réglementation et à un contrôle.

Ce que n‟acceptent pas souvent certains pêcheurs qui utilisent des engins et des méthodes de

pêches peu soucieux des impacts négatifs sur les ressources halieutiques.

En définitif, les éléments qui précèdent montrent de façon objective que l‟AMP, crée depuis

plus de six ans maintenant, n‟a aucun effet sur la promotion de l‟activité de pêche à Saint-

Louis. Pis, son existence reste très peu sentie par les pêcheurs, en mer comme à terre. Seuls

quelques panneaux d‟indication installés à terre, rappellent aux pêcheurs l‟existence d‟un tel

site dans le domaine maritime de Saint-Louis.

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2.2 LES ACTIVITES CONNEXES A LA PÊCHE

2.2.1 LA TRANSFORMATION

Exclusivement pratiquée par les femmes, épouses de pêcheurs en générale, cette activité

connait deux grandes périodes contrastées qui se succèdent : une période d‟abondance

d‟octobre à juin et une période creuse de juillet à août.

On a noté l‟existence dans la périphérie de l‟AMP (partie Saint-Louisienne) de deux centres

de transformation : le premier nommé Centre de Goxumbathe, se trouve à l‟extrémité nord du

quartier, du même nom, sur un terrain marécageux à la frontière sénégalo-mauritanienne. Ce

centre de transformation est de petite taille, comptant une quarantaine de transformatrices,

travaillant sans manœuvres masculins mais avec l‟aide de leurs enfants.

Le centre compte une centaine de claies de séchage de taille réduite et de fabrication locale

uniquement. Faute de points de débarquements à proximité immédiate, Le poisson est

acheminé depuis Guet-Ndar, d‟où il est transporté jusqu‟au centre en charrette et par la route.

Le second centre de transformation est celui de Guet-Ndar, situé au sud du quartier du même

nom, coincé sur une étroite bande de terre entre les habitations au nord, le fleuve à l‟est, le

cimetière au sud et la mer à l‟ouest.

C‟est l‟un des plus importants centres du Sénégal, et pendant longtemps, ce fut aussi le plus

important. Plus de 250 femmes transformatrices, toutes des habitants de Guet-Ndar

s‟entassent sur ce site.

Fig.6 : Evolution des quantités de poison transformé (Unité en Kg)

Fig.7 : Evolution comparative (Unité en Kg)

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Les principaux produits sont le poisson séché ou „„guedj‟‟ et le poisson fumé appelé

„„kéthiakh‟‟

La figure 6 montre de façon explicite, l‟importance de l‟activité de transformation des

produits de la pêche à Saint-Louis. Elle concerne 20 à 30 % des débarquements (fig.7) avec

une valeur commerciale estimée qui dépasse les 2 milliards de F CFA en 2008.

Cependant, comme le montre la figure 7, cette activité reste fortement tributaire des

débarquements. Son évolution est strictement liée à celle des débarquements (fig.7). C‟est

pourquoi, le principal facteur pouvant influencer son évolution reste la disponibilité du

poisson.

Dès lors, on peut constater que l‟AMP, puisse que n‟ayant pas encore d‟effets sur la

disponibilité du poisson, n‟a tout simplement pas favorisé le développement de l‟activité de

transformation.

Cette assertion a été confirmée lors des entretiens effectués auprès des responsables des deux

principaux groupements féminins de transformation de Saint-Louis à savoir le GIE TAKKU

LIGUEY et le GIE DIAMBAROU SINE. Ces derniers ont révélé que non seulement l‟AMP

est mal connue par les femmes transformatrices mais aussi, ses effets positifs sur leur activité

sont inexistants. Aucune amélioration de leurs revenus découlant de la présence stricte de

l‟AMP n‟est encore notée depuis sa création.

Notons par ailleurs que l‟activité de transformation à Saint-Louis est confrontée à des

difficultés liées à l‟exiguïté des ateliers qui sont obsolètes et inadaptés. Cette activité affecte

de manière significative son environnement immédiat par :

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L‟utilisation de combustibles inadéquats (récupération de déchets comme des

pneus….) pour la transformation des poissons. Des fumées toxiques se dégagent et

peuvent affecter la santé des femmes (qui travaillent sur les sites de transformation) et

des populations environnantes.

L‟occupation illégale des sols freine tout investissement et ne permet pas une

reconnaissance formelle de l‟activité.

L‟insalubrité par le déversement des déchets de la transformation (existence de dépôts

anarchiques des déchets à proximité des sites de transformation).

L‟absence de système d‟évacuation des eaux usées déversées sur les plages ou les

berges.

Cette situation environnementale pourrait avoir des impacts sanitaires nocifs sur la qualité des

produits transformés.

2.2.2 LE MAREYAGE

Activité purement commerciale, le mareyage était destiné initialement à la satisfaction de la

demande locale de la ville de Saint-Louis. Il a été pendant longtemps, l‟apanage exclusif des

femmes de Guet- Ndar. Mais, suite à l‟ouverture de nouvelles destinations comme les autres

régions du pays et l‟axe du Fouta, avec le déclin de la pêche continentale, de nouveaux

acteurs non originaires de la ville intègrent cette filière.

Selon le service régional des pêches, il existe 185 mareyeurs dont une vingtaine de femmes,

qui sont effectivement installés à Saint-Louis. On note même dans ce lot, la présence de

mareyeurs d‟autres nationalités composées de 15 maliens, 4 à 5 mauritaniens et 3 gambiens.

Egalement, en période forte de campagne (Octobre à Mai-juin), on peut compter jusqu‟à plus

de 100 autres mareyeurs évoluant dans Saint-Louis.

De même, le mareyage destiné à la consommation locale, occupe quelques 400 à 600 femmes

appelées micro-mareyeuses.

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Le groupe des mareyeurs est réparti entre différentes catégories comprenant : des mareyeurs à

long rayon d‟action ( 100 km), des mareyeurs des villes proches de Saint-Louis (axe Saint-

Louis / Rosso et axe Saint-Louis / Louga) et des micro-mareyeurs pour l‟approvisionnement

en détail du marché local constitués par les femmes exclusivement.

Figure 8 : Evolution des quantités de poisson maréyé (Unité en Kg)

Le mareyage est une activité importante, comme l‟atteste les données des figures 8 et 9 ci-

dessus, qui montrent que 60 à 70 % des débarquements sont directement remis entre les mains

des mareyeurs.

Les entretiens effectués auprès d‟une centaine de femmes micro-mareyeuses habitant

principalement le quartier de Nguet-Ndar, ont montré que ces dernières ne connaissent, ni ne

sentent véritablement l‟AMP dans le cadre de leur activité.

Deux contraintes principales se posent pour ce secteur du mareyage. Il s‟agit de :

- l'insuffisance des infrastructures de stockage en frais pour pallier les méfaits de

surproduction surtout des pélagiques ;

- l‟inadaptation et le sous équipement des aires de débarquement.

Figure 9 : Evolution comparative (Unité en Kg)

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2.3 LES AUTRES ACTIVITES

2.3.1 LE MARAICHAGE

Le maraîchage est la principale activité économique pratiquée dans le gandiolais où il

bénéficie de conditions favorables.

Le développement du maraîchage, au-delà de l‟existence de conditions favorables à sa

pratique, doit beaucoup son émergence à la crise de l‟agriculture pluviale dans la zone. C‟est

en effet, les difficultés rencontrées par celle-ci, consécutivement à la baisse de la

pluviométrie, à la crise de la filière arachidière, aux difficultés d‟accès aux intrants, qui ont

poussé les paysans vers la reconversion.

Les productions maraichères ont connu cependant ces dernières années une nette baisse suite

à la salinisation de plus en plus des terres agricoles qui est due selon les producteurs à

l‟ouverture du canal de délestage (brèche de St-Louis) à hauteur de la limite nord de l‟AMP.

Ce qui fait penser aux producteurs maraîchers de la périphérie de l‟AMP que cette dernière a

eu des effets négatifs sur leurs activités. En réalité, l‟ouverture du canal de délestage en 2003,

pour dit-on sauver la ville de Saint-Louis des risques d‟inondation, a juste précédé la création

de l‟AMP de plus d‟un an. Mais, du fait que ces effets négatifs sur les terres agricoles ont

commencé à se faire ressentir avec la création de l‟AMP, les producteurs entretiennent une

confusion en liant les effets de la brèche à l‟existence de l‟AMP.

Ce qu‟il convient d‟ailleurs, pour les gestionnaires de l‟AMP, de corriger afin d‟éviter toute

confusion auprès des maraichers, car cette activité agricole est une véritable alternative pour

réduire voire réguler l‟effort de pêche dans l‟AMP.

2.3.2 LE TOURISME

Des efforts importants de développement touristique pour Saint-Louis et ses environs ont été

amorcés au début des années 1990, dans le cadre d‟une volonté locale appuyée par la

coopération décentralisée avec la ville de Lille et la région Nord-Pas-de-Calais.

Le tourisme est un secteur qui a favorisé le développement d‟activités dans le domaine du

commerce et de l‟artisanat et qui demeure un secteur porteur qui se base sur la découverte en

rapport avec la valorisation du patrimoine historique, culturel et naturel de la ville.

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Aujourd‟hui malgré ces efforts consentis, le tourisme à Saint-Louis et environs

particulièrement dans le Gandiolais, reste confronté à des difficultés liées à la dégradation de

l‟environnement naturel et à l‟absence d'un plan d'aménagement au niveau des réceptifs

hôteliers sur la Langue de Barbarie où les constructions se sont faîtes en dehors de tout

schéma d‟ensemble.

Dans cette perspective, l‟AMP peut être un véritable atout pour la diversification des produits

touristiques locaux aux bénéfices des acteurs touristiques et des collectivités locales

périphériques.

Pour le moment, aucun effet de l‟AMP n‟est encore ressenti par les acteurs touristiques locaux

qui souvent méconnaissent même l‟existence de l‟AMP. Mais ce qui est claire, c‟est que

l‟AMP peut être un véritable levier de promotion du secteur touristique et de ses acteurs

locaux dans sa périphérie si sa fonctionnalité est atteinte.

Au sortir de cette troisième partie, nous pouvons affirmer sans risque de se tromper, que

l‟AMP de Saint-Louis, créée et mise en place depuis six (6) ans, n‟a pas produit d‟effets

favorables sur les activités socio-économiques des groupes socio-professionnels locaux que

sont : les pêcheurs, les transformatrices, les maréyeurs, les agriculteurs du gandiolais et les

acteurs touristiques.

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CONCLUSION GENERALE

La gestion des aires protégées en général et des aires marines protégées en particulier au profit

d‟un développement local est encore une question qui se pose avec une certaine acuité.

L‟aire marine protégée de Saint-Louis n‟échappe pas pour autant à cette difficulté de trouver

un modèle adéquat de gestion qui la mettrait en phase avec le contexte de multiplicité ou de

pluralité des acteurs locaux dont certains sont renforcés aujourd‟hui dans leurs prérogatives

par les lois de la décentralisation.

Cette étude a tenté autant que se peut, de faire un inventaire des acteurs locaux évoluant

autour de l‟AMP de Saint-Louis. Cependant, le constat majeur et qui répond d‟ailleurs à notre

première hypothèse de recherche, est que malgré l‟existence de divers acteurs locaux évoluant

dans sa périphérie immédiate, l‟AMP ne bénéficie pas encore de la mobilisation effective de

ces derniers. En d‟autres termes, l‟adhésion massive à la quelle devait s‟attendre l‟AMP pour

une matérialisation effective du concept de cogestion, reste loin d‟être une réalité. En effet,

l‟étude a montré que même si beaucoup d‟acteurs existent et évoluent autour de l‟AMP, ces

derniers, surtout ceux reconnus légitimement par les lois de la décentralisation, restent peut

impliquer dans la marche des organes de gestion de l‟AMP. Le comité de gestion qui devait

jouer un rôle de croix de transmission entre les autorités administratives étatiques et la base

(populations et OCB), ne s‟acquitte pas convenablement de son rôle.

Il en est de même, des effets positifs attendus sur les activités socio-économiques de l‟AMP

au profit des groupes socio-professionnels locaux. Pour l‟heure, nous n‟avons noté aucune

amélioration significative des conditions de vie des populations locales et même des autres

acteurs découlant de la conservation des ressources halieutiques dans le cadre stricte de

l‟AMP de Saint-Louis.

Dans ce sens, des perspectives d‟étude s‟ouvrent quant à l‟évaluation actuelle du niveau de

pauvreté dans la périphérie de l‟AMP, pour une évaluation ultérieure de l‟impact de la

conservation des ressources halieutiques dans la lutte contre la pauvreté.

En somme, nous pouvons constater qu‟à la lecture des résultats auxquels on est abouti, nous

somme à mesure de dire que la relation évidente que nous avions établi au départ entre la

conservation de la biodiversité et le développement local, s‟avère inexistante dans le cadre de

la gestion de l‟aire marine protégée de Saint-Louis. Cependant, il serait attentif de se

demander, le pourquoi de la non effectivité de cette relation dans le cadre de l‟AMP de Saint-

Louis ?

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Une bonne conservation de la biodiversité devrait-elle réellement promouvoir le

développement local ou vis versa ?

Dans tous les cas, il n‟existe pas de conservation qu‟on peut qualifier de bonne dans le cadre

de l‟AMP

Au demeurant, nous pensons que l‟AMP peut être un outil de promotion du développement

local, à condition que sa mise en place soit effective sur le terrain et que le fonctionnement de

ses organes de gestion soit amélioré. En effet, sa mise en place effective sur le terrain qui

passera nécessairement par la matérialisation de ses limites côtières et maritimes et

l‟effectivité du contrôle de l‟accès aux ressources par une autorité compétente, peut favoriser

une régénération des ressources halieutiques, point de convergence commun à tous les

acteurs. Ces conditions à remplir sont justement les paramètres d‟une bonne conservation de

la biodiversité marine et côtière qui se traduit par l‟existence d‟un modèle de gestion

participative, d‟une efficacité dans la gestion, d‟un degré de préservation des ressources, le

respect de la réglementation, etc.

De même, l‟amélioration du fonctionnement des structures de gestion de l‟AMP,

principalement le comité de gestion, peut permettre une plus grande mobilisation des acteurs

locaux au profit de la conservation de la biodiversité dans et autour de l‟AMP.


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