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Contrats de mariage et régimes matrimoniaux · 2018. 12. 21. · de la comunidad de bienes...

Date post: 18-Sep-2020
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Madame Alice Barthez Madame Anne Laferrère Contrats de mariage et régimes matrimoniaux In: Economie et statistique, N°296-297, juillet. Le patrimoine des français : comportements et disparités. pp. 127- 144. Citer ce document / Cite this document : Barthez Alice, Laferrère Anne. Contrats de mariage et régimes matrimoniaux. In: Economie et statistique, N°296-297, juillet. Le patrimoine des français : comportements et disparités. pp. 127-144. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1996_num_296_1_6144
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Madame Alice BarthezMadame Anne Laferrère

Contrats de mariage et régimes matrimoniauxIn: Economie et statistique, N°296-297, juillet. Le patrimoine des français : comportements et disparités. pp. 127-144.

Citer ce document / Cite this document :

Barthez Alice, Laferrère Anne. Contrats de mariage et régimes matrimoniaux. In: Economie et statistique, N°296-297, juillet. Lepatrimoine des français : comportements et disparités. pp. 127-144.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1996_num_296_1_6144

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RésuméContrats de mariage et régimes matrimoniauxEn France, 1 6 % des couples établissent un contrat au moment de leur mariage, 3 % dans les annéesqui suivent, soit au total 1 9 % des couples mariés. La fréquence des contrats augmente avec le niveaude patrimoine et varie selon les régions : le Nord et l'Est, suivis du Sud-Ouest, arrivent en tête.Même si l'on ne fait pas explicitement de contrat, on bénéficie d'un régime matrimonial, celui de lacommunauté réduite aux acquêts : 89 % des couples sont dans ce cas. Parmi les couples qui font uncontrat au moment de leur mariage, certains choisissent aussi la communauté légale ou un régimevoisin (7,4 %), d'autres la séparation des biens ou la communauté universelle.Ce dernier régime est rarement choisi au moment du mariage, sauf en Alsace : il est plutôt établi lorsd'un changement de régime, après une longue vie commune, en l'absence d'enfant, et concerne 3,3 %des couples. La séparation des biens (6,3 %) est le régime traditionnel des milieux d'indépendants maisaussi, de plus en plus, celui des couples les plus « modernes », soit qu'ils soient jeunes, soit qu'ils'agisse de remariage, quand la femme est diplômée et/ou active : ils se rapprochent par là des couplesnon mariés.

AbstractNuptial Contracts and Marriage SettlementsIn France, 16% of all couples draw up a contract when they get married and 3% do so in the years thatfollow, making a total of 19% of married couples. The frequency of contracts increases with the level ofwealth and varies from one region to the next: the leading regions are the North and East, followed bythe South-East.Even if an actual contract is not drawn up, 89% of couples are covered by a statutory marriagesettlement based on the joint ownership of property acquired after marriage. Some of the couples whodraw up a contract when they get married also opt for a communal estate or similar settlement (7.4%).Others decide on separate ownership of property or community property.This latter settlement is rarely chosen when couples get married, except in Alsace. The 3.3% of couplescovered by this settlement more generally select it when there is a change in regime following a longperiod together without children. The separate ownership of property (6.3%) is traditionally elected bythe self-employed, but also increasingly by the more "modern" young or remarried couples or when thewoman is a graduate and/or working. This settlement makes their situation similar to unmarried couples.

ZusammenfassungEhevertrâge und GuterstandIn Frankreich schlieBen 1 6 % der Paare zum Zeitpunkt der Heirat und 3 % in den darauffolgendenJahren einen Ehevertrag ab, was insgesamt 19 % aller verheirateten Paare ausmacht. Die Hàufigkeitdes Abschlusses eines Ehevertrages nimmt mit dem Vermôgen zu und variiert je nach den Regionen :an erster Stelle liegen die Ehepaare im Norden und Osten Frankreichs, gefolgt von denen imSùdwesten.Auch die Ehegatten, die keinen Vertrag abschlieBen, fallen unter eine Gûterstandsregelung, nâmlich dieder Zugewinngemeinschaft. Bei 89 % der Ehepaare ist dies der Fall. Von den Paaren, die zumZeitpunkt der EheschlieBung einen Vertrag abschlieBen, wàhlen manche auch den gesetzlichenGuterstand oder eineentsprechende Regelung (7,4 %) und andere die Gùtertrennung oder die al lgemeineGûtergemeinschaft.Au3er im ElsaB entscheiden sich zum Zeitpunkt der EheschlieBung nur wenige Ehegatten fur dieallgemeine Gûtergemeinschaft. Sie wird eher nach einem Wechsel des Gûterstandes, nach einemlangen gemeinsamen Leben oder bei Fehlen von Kindern gewâhlt und betrifft 3,3 % der Ehepaare. DieGùtertrennung (6,3 %) wàhlen zwartraditionell die Selbstândigen, aberauch immermehr "moderne"Paare, weil sie entweder jung sind oder sich wiederverheiraten, aber auch wenn die Frau einen hôherenAusbildungsgrad besitzt und/oder erwerbstâtig ist. In dieser Hinsicht entspricht ihr Verhalten dem dernicht-verheirateten Partner.

Resumen

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Contratos de matrimonio y regimenes matrimonialesEn Francia, el 1 6 % de las parejas establecen un contrato a la hora de casarse, el 3 % en los anosposteriores, o sea en la totalidad el 19 % de las parejas casadas. La frecuencia de los contratosaumenta con el nivel de patrimonio y varfa segûn las regiones : el norte y el este, seguidos delsuroeste, encabezan la clasificaciôn.Aunque no se haga ningûn contrato de manera explîcita, se suele beneficiar del regimen matrimonial, elde la comunidad de bienes gananciales : es el caso del 89 % de las parejas. Entre las parejas quehacen un contrato a la hora del matrimonio, algunas eligen también la comunidad legal o un régimenvecino (el 7,4 %), otras la separaciôn de los bienes o la comunidad universal.Este régimen se elige pocas veces a la hora del matrimonio, excepta en Alsacia : se establece mâsbien cuando se hace un cambio de régimen, tras una larga vida en comûn, sin hijos, y concierne al 3,3% de las parejas. La separaciôn de los bienes (el 6,3 %) es el régimen tradicional de los mediosindependientes, pero también, y cada vez mâs, el de las parejas mâs "modemas", trâtese de jôvenes, ode un nuevo matrimonio, cuando la mujer es titulada y/o activa : se acercan asi a las parejas sin casar.

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PATRIMOINE DES MÉNAGES

Contrats de mariage

et régimes matrimoniaux

Alice Barthez et Anne Laferrère * En France, 16 % des couples établissent un contrat au moment de leur mariage, 3 % dans les années qui suivent, soit au total 19 % des couples mariés. La fréquence des contrats augmente avec le niveau de patrimoine et varie selon * les régions : le Nord et l'Est, suivis du Sud-Ouest, arrivent en tête.

Même si l'on ne fait pas explicitement de contrat, on bénéficie d'un régime matrimonial, celui de la communauté réduite aux acquêts : 89 % des couples sont dans ce cas. Parmi les couples qui font un contrat au moment de leur mariage, certains choisissent aussi la communauté légale ou un régime voisin (7,4 %), d'autres la séparation des biens ou la communauté universelle. Ce dernier régime est rarement choisi au moment du mariage, sauf en Alsace : il est plutôt établi lors d'un changement de régime, après une longue vie commune, en l'absence d'enfant, et concerne 3,3 % des couples. La séparation des biens (6,3 %) est le régime traditionnel des milieux d'indépendants mais aussi, de plus en plus, celui des couples les plus « modernes », soit qu'ils soient jeunes, soit qu'il s'agisse de remariage, quand la femme est diplômée et/ou active : ils se rapprochent par là des couples non mariés.

* Alice Barthez travaille à l'Inra de Dijon, Anne Laferrère fait partie du département de la Recherche de l'Insee. Les auteurs remercient Maîtres Hoffman, Jallen- ques et Limon de leurs conseils ainsi que André Masson et Daniel Verger pour leurs remarques.

Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d'article.

Dans leur grande majorité (88,5 %) les couples mariés le sont sous le régime de

communauté légale, celui qui s'impose à tous les époux qui n'ont pas fait explicitement de contrat de mariage et ils sont les plus nombreux (81 %). Chacun des conjoints conserve en bien propre le patrimoine acquis avant le mariage ou dont il héritera pendant l'union. Toutes les autres acquisitions de l'un et de l'autre des époux font partie des biens communs du couple, chacun étant réputé en détenir la moitié à certains moments cruciaux comme le divorce et la transmission aux enfants. Les autres couples mariés choisissent soit le régime de séparation de biens (6,3 %), soit la communauté universelle (3,3 %), soit un autre régime (1,9%).

Dans le régime de séparation de biens, non seulement chacun conserve en propre le patrimoine existant avant le mariage, mais tous les biens acquis pendant la vie conjugale le sont en biens propres et non en tant que biens communs. À l'opposé se trouve le régime de communauté universelle, dépourvu de biens possédés en propre. La totalité du patrimoine appartient indissociablement aux deux époux (et non plus pour moitié à chacun d'entre eux comme dans la communauté légale). Alors que dans le cas des deux régimes précédents, au moment du décès de l'un des conjoints, il y a dissolution de la communauté, calcul de la part de chaque conjoint, transmission du patrimoine du défunt aux enfants et, éventuellement, au conjoint survivant, dans le cas de communauté

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Encadré 1 LES REGIMES MATRIMONIAUX

Un régime matrimonial règle les rapports pécuniaires des époux entre eux et à l'égard des tiers. Ainsi matrimonium, matrimoine, mariage et patrimonium sont-ils liés. Selon le code civil, le régime légal était la communauté de meubles et acquêts ; il avait été le régime traditionnel des pays de coutume dans l'ancien droit. Les biens communs comprennent les meubles, revenus et gains, et les immeubles acquis à titre onéreux pendant le mariage. Restent propres à chaque époux les immeubles possédés par chacun au jour du mariage et ceux reçus par héritage ou donation depuis. Il pouvait exister un régime de séparation de biens (chaque époux n'a que des biens personnels), un régime de communauté universelle, traditionnel à Tournai, Arras et en Alsace (tous les biens, meubles et immeubles, hérités ou acquis, sont communs) et un régime dotal, caractéristique des pays de droit écrit et de la Normandie. Ce dernier régime n'est pas sans intérêt historique ; les biens de la femme s'y divisaient en deux masses : les biens dotaux inaliénables (1) dont le mari a les revenus et la jouissance, les biens paraphernaux (tous les autres) qui sont administrés par la femme elle-même. Il se rapprochait donc d'un régime de séparation. On pouvait lui adjoindre une société d'acquêts (fréquente dans le Bordelais) permettant à la femme d'acquérir la moitié des économies réalisées durant le mariage. Le régime actuel de séparation de biens avec communauté d'acquêts en est l'héritier et se veut un harmonieux mélange entre l'indépendance des époux et la participation de chacun aux bénéfices. On ne peut donc le classer ni dans le régime de séparation ni dans celui de la communauté légale.

Ce qui caractérisait tous ces régimes est un mélange de puissance maritale (le mari est seigneur et maître de la communauté, et ce d'autant plus que se développe, au XIXe siècle, la fortune mobilière, qui tombe dans la communauté) et de faiblesse de la femme que l'on cherche à protéger contre les abus du mari (elle peut, par exemple, demander la séparation de biens en justice et elle bénéficie d'une hypothèque légale sur les immeubles du mari).

Au fil des années, peu de modifications de fond sont intervenues, mais le régime dotal a été supprimé et la gestion est devenue égalitaire entre les époux : lois du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée qui peut administrer ses gains comme une femme séparée de biens ; du 18 février 1938 sur la capacité de la femme mariée ; du 22 septembre 1942 sur les droits et devoirs des époux ; du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux : la communauté légale est réduite aux acquêts (les fonds de commerce, titres, valeurs mobilières héritées ou possédées avant le mariage ne font plus partie de la communauté), chacun administre ses biens propres et en dispose, et il n'y a plus immutabilité des conventions matrimoniales (on peut changer de régime) ; puis, loi du 4 juin 1970 sur la

direction conjointe, du 11 juillet 1975 sur le divorce sur requête conjointe (consentement mutuel), du 23 décembre 1985 sur l'égalité et donc la responsabilité de chacun des époux et parents.

Régimes matrimoniaux et héritage

Au moment du décès de l'un des conjoints, il y a dissolution de la communauté matrimoniale éventuelle, calcul de la part de chaque conjoint (2), transmission du patrimoine du défunt aux enfants et, éventuellement au conjoint survivant. Quand il existe à la fois des biens propres à chaque époux et des biens de communauté, il convient d'évaluer ce que chacun doit à la communauté ou ce que la communauté doit à chacun, par exemple si un logement hérité (bien propre) a été vendu et que le produit de la vente a été utilisé pour l'achat du logement du couple, ou si l'entretien d'un bien propre a été fait avec l'argent de la communauté. On conçoit qu'après une longue existence commune, cette liquidation de la communauté, le calcul de ces récompenses et reprises (ce sont les termes consacrés), soit assez vite compliqué. Selon l'enquête Patrimoine au décès (cf. encadré 3), 15 % des dé

clarations de successions des couples mariés comportent de tels calculs (cf. tableau). Ils sont en principe inutiles en cas de séparation de biens : la gestion est restée individualisée (3). Cependant en pratique, dès qu'il y a des biens meubles importants acquis pendant le mariage, la facilité d'évaluation redevient toute théorique.

Quand il y a communauté universelle, le patrimoine appartient dans sa totalité au conjoint survivant sans aucun héritage des enfants (4). En effet, le choix de ce régime s'accompagne la plupart du temps d'une clause explicite d'attribution totale des biens au conjoint survivant (5).

1. Les meubles, qui constituaient l'essentiel des dots féminines (les terres étant réservées aux lignées masculines), n'étaient pas inaliénables. 2. C'est ce qui se passe aussi en cas de divorce. 3. Cependant, une véritable gestion séparée des patrimoines, chacun gérant le sien, n'est sans doute pas conforme à la réalité. En pratique, il y a, là comme en d'autres domaines des rapports au sein des couples, une spécialisation qui s'effectue, l'un des conjoints étant gérant de facto indépendamment du régime choisi. En toute logique, d'une tradition culturelle qui faisait du mari le chef de famille jusqu'aux règles de droit récentes postulant l'égalité, il y a lieu de penser que c'est le mari qui gère les deux patrimoines. 4. L'équivalent américain est la « joint property with right of survivorship ». On peut penser aussi au système de la tontinedans lequel un bien est acheté en commun et appartient aux survivants ; mais ses avantages fiscaux sont plafonnés à des sommes assez basses. 5. Sans avoir de statistiques précises sur ce phénomène, on le présume exister au vu par exemple de l'enquête Patrimoine au décès : le décès d'un conjoint en communauté universelle ne donne pas lieu à déclaration de succession.

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universelle, quand elle comporte une clause d'attribution totale au conjoint survivant, le patrimoine lui appartient dans sa totalité sans aucun héritage des enfants (cf. encadré 1).

Il existe d'autres régimes, par exemple la séparation de biens avec communauté d'acquêts : ils sont des aménagements des régimes précédents et sont peu répandus (1,9 %) (cf. encadré 2).

Notre hypothèse a été que l'existence d'un contrat explicite de mariage et son choix sont le fruit de trois types de facteurs. D'abord des facteurs dépendants du couple lui-même : richesse (niveau et répartition entre les conjoints), profession, éducation, histoire personnelle (âge au

mariage, remariage, existence d'enfants d'un premier lit). En second lieu, interviennent les parents des époux avec leur patrimoine, leur profession, leur propre pratique, leur attitude face à leurs enfants (ont-ils fait des donations, l'enfant est-il l'aîné ?...). Troisième groupe de facteurs, la coutume, médiatisée par le droit en vigueur, avec les habitudes locales (régionales) et les attitudes face au mariage des générations successives d'époux.

Nous nous appuyons surtout sur l'enquête Actif s financiers effectuée par l'Insee en 1992, mais aussi sur l'enquête Patrimoine au décès réalisée par l'Insee et la Direction générale des Impôts (cf. encadré 3).

Encadré 1 (suite) Selon certains notaires, il semble que la communauté universelle soit fréquente en cas de remariage ou de crainte de conflit avec les enfants ou leurs conjoints (ou d'inquiétude sur leur capacité à gérer un patrimoine important par exemple). « Dans le cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage, les avantages matrimoniaux qui dépassent la quotité disponible spéciale entre époux seront réduits pour tout l'excédent » (Fulchiron, 1993) ; ainsi le second conjoint ne pourra en principe hériter de davantage qu'un conjoint ayant bénéficié d'une donation au dernier vivant. Mais les pratiques ne sont pas homogènes sur tout le territoire français (6). Par ailleurs, il peut s'accompagner de clauses permettant des legs selon la volonté du défunt et s'adapter à de nombreux cas particuliers en n'attribuant pas forcément la totalité ou la pleine propriété du patrimoine au conjoint survivant.

Selon un notaire alsacien, consulté pour cette étude, il faut distinguer les communautés universelles décidées au moment du mariage, donc généralement avant la naissance des enfants, de celles qui correspondent à un changement de régime chez des couples plus âgés. Les premières précisent souvent que la clause d'attribution du patrimoine au conjoint survivant ne s'appliquera qu'en l'absence d'enfant (elle ne « lèse » alors que les frères et sœurs et neveux et nièces du conjoint défunt), tandis que les

Tableau

secondes comportent dans leur grande majorité cette clause sans restriction aucune. Les conventions matrimoniales des jeunes couples alsaciens se rapprocheraient donc de la communauté légale (associée à un avantage au conjoint survivant) quand il y a des enfants. L'avantage de la communauté universelle paraît être alors surtout fiscal puisque l'héritage du conjoint survivant est exonéré de droits de mutation s'il provient d'une convention matrimoniale (et non pas d'une donation au conjoint survivant par exemple). L'enquête Patrimoine au décès révèle que certains conjoints survivants sont exonérés de droits de succession (ils reçoivent alors en général l'usufruit d'une fraction du patrimoine de communauté du couple). Ces « usufruits exonérés du conjoint survivant », présents dans moins de 3 % de l'ensemble des successions, sont mentionnés dans 16 % des successions du Bas-Rhin et 13 % de celles du Nord - Pas-de-Calais (sans que le régime soit qualifié de communauté universelle) (cf. tableau). À eux deux ces départements fournissent 58 % des cas.

6. À Paris, où les mariages multiples sont plus nombreux, les notaires demandent l'accord des enfants du premier lit pour établir ce régime. Dans l'enquête Actifs financiers 1991-1992, aucun cas de communauté universelle au moment d'un remariage en présence d'enfants d'un premier lit n'a été recensé.

Fréquence de la mention de reprises, récompenses et exonération du conjoint survivant selon le régime matrimonial

En% Type de régime

matrimonial

Ensemble Récompenses ou reprises Usufruit exonéré du conjoint

Régime légal

92,0 16,5 2,7

Séparation de biens

7,0 2,0 0,7

Autre régime

0,7 11,4 0,0

Communauté universelle

0,3 0,0

51,8

Ensemble

100,0 15,4 2,7

Champ : défunts de 1988, mariés, dont le décès a donné lieu à déclaration de succession. Source : enquête Patrimoine au décès, 1991 (Insee).

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Un couple sur cinq établit un contrat de mariage

La majorité des couples ne font pas de contrat au moment de leur mariage : 84 % adoptent le régime légal par défaut. Seuls 16 % font à ce moment là un contrat explicite devant notaire (cf. tableau 1). Mais 29 % des cadres établissent un contrat, 27 % des indépendants, 23 % des agriculteurs, contre 7 % des employés et 9 % des ouvriers. La fréquence du contrat de mariage augmente avec le niveau de patrimoine. L'absence de patrimoine au mariage entraîne une moins grande fréquence de contrat : 10 % contre 20 % quand il y a déjà une épargne accumulée. On introduit aussi, comme prédic- teur de la probabilité d'effectuer un contrat de

mariage, le niveau du patrimoine au moment de l'enquête, faisant l'hypothèse que la décision était autant liée à l'état du patrimoine au moment de l'union qu'à l'espérance de la fortune future. La fréquence des contrats, de 6 % quand le patrimoine est inférieur à 100 000 francs, atteint 40 % quand le patrimoine est supérieur à 2 millions de francs. Un contrat est également plus fréquent si l'un des membres du couple a été marié antérieurement ou a eu des enfants d'un autre lit (cf. tableau 2). La fréquence du contrat augmente avec l'âge au mariage et avec le niveau d'études (du mari ou de la femme). De façon plus inattendue, le fait que l'épouse soit l'aînée de sa fratrie et qu'elle ait moins de frères et sœurs rend un contrat plus fréquent. Les parents sont-ils plus attentifs au bien-être

Encadré 2 LA SEPARATION DE BIENS

Si certains juristes pensent que le régime de séparation de biens est le plus simple et le plus conforme aux mœurs présentes, ils évoquent néanmoins souvent une conséquence fâcheuse de la séparation des biens : l'enrichissement sans cause de l'un des époux, le plus souvent, en fait, le mari (1). Quand par exemple, chez un indépendant, agricole ou non, l'épouse aide son mari dans l'exercice de sa profession sans recevoir aucune rémunération, il peut y avoir développement du commerce, de l'artisanat ou du cabinet médical sans que l'épouse voie en aucune façon augmenter son patrimoine personnel. Il en est de même, dans le cas de figure plus récent où l'épouse exerce une activité salariée qui contribue aux dépenses courantes du ménage, permettant ainsi les investissements nécessaires au développement de l'entreprise individuelle, donc du patrimoine du seul conjoint qui en est légalement propriétaire. C'est pour remédier à ces inconvénients qu'on a créé les régimes de séparation de biens avec société d'acquêts et celui de participation aux acquêts (cf. encadré 1).

Voici un exemple tiré d'entretiens récents de l'un des auteurs avec des couples d'agriculteurs.

Jean-Pierre, fils d'agriculteur, devient agriculteur à la suite de son père. Il épouse Corinne dont le père est ingénieur, la mère n'ayant jamais exercé d'activité rémunérée. Corinne travaille dans un laboratoire médical. Au mariage, elle apporte son salaire, lui l'exploitation agricole et la maison obtenues à la suite d'une donation-partage de son père. Pour éviter le démantèlement du patrimoine, il a dû dédommager sa sœur. Les futurs époux se sont rendus chez le notaire pour faire un contrat de mariage en séparation de biens :

- Mon père nous y a incités, dit Corinne, parce que lui aussi avait un peu de bien.

- Mais moi aussi je le souhaitais, dit Jean-Pierre, parce que je ne voulais pas qu'en cas de mauvaises affaires les créanciers se jettent sur le revenu de ma femme.

- Quand on est salarié, dit Corinne, on n'en a pas besoin, mais quand l'un des deux est artisan, il faut absolument faire un contrat comme ça, sinon on embarque toute la famille !

Tous deux pensent à l'éventualité de la faillite de l'activité de Jean-Pierre et le salaire de Corinne apparaît comme une planche de salut qu'il faut à tout prix tenir à distance de l'entreprise agricole. Pourtant, la banque a exigé que le salaire de Corinne soit retenu comme caution des emprunts qu'elle a consentis à Jean-Pierre pour lui permettre d'acheter des terres, un bâtiment d'élevage et d'aménager la maison qu'il a héritée. Tous deux se sont mis d'accord pour que les emprunts soient au seul nom de Jean- Pierre et non du couple :

- L'agriculture, c'est une entreprise, dit-il. Si je fais de mauvaises affaires, je ne veux pas que ma femme soit à la rue !

Au bout de six ans de mariage, ils ont deux enfants. Corinne a utilisé son salaire pour faire face aux dépenses courantes du ménage et n'a pu jusque là faire des économies. Jean-Pierre, toujours hanté par la faillite possible de son entreprise a considérablement accru son patrimoine personnel.

1. C'est le leitmotiv d'une étude américaine de référence sur le sujet : en l'absence de biens de communauté matrimoniale, sauf dans les huit États où existe un régime de communauté à la française, l'épouse est démunie au moment divorce ou du veuvage (Weitzman, 1981).

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1. Ou bien est-ce l'aînée elle-même qui est plus conforme à ce que ses parents souhaitent d'elle ? (Sulloway et Eysenck, cités par « The Economist », 1993). Selon la tradition juridique, ce sont plutôt les parents de l'épouse que ceux de l'époux qui choisissent le régime matrimonial (Terré et Simler, 1989, p. 195).

patrimonial de leur fille aînée, moins regardants ou moins présents pour les cadettes (1) ? L'exis-tence d'inégalité de patrimoine entre les époux au moment du mariage joue dans le sens attendu d'une augmentation de la fréquence des contrats, surtout quand c'est la femme qui possède plus que l'homme.

L'influence des parents est difficile à mesurer directement. Si on évalue indirectement l'intérêt des parents pour les questions patrimoniales par le fait qu'ils ont fait un testament, alors leur

fluence est nette : la variable est très significative. De même, le fait que les parents soient, dans l'ordre, indépendants, cadres ou agriculteurs augmente la fréquence des contrats, à patrimoine égal. Le contrat de mariage est une coutume française : de fait, il est plus rare quand l'un des parents est étranger. Mais cela peut témoigner de l'influence d'autres facteurs non pris en compte dans l'analyse, tels la composition des patrimoines familiaux, peut-être plus mobiliers qu'immobiliers chez les immigrés plus récents. Ils seraient alors moins en contact avec le milieu

Encadré 3 DEUX ENQUÊTES SUR LE PATRIMOINE

Les sources essentielles de cet article sont deux enquêtes de l'Insee : l'enquête auprès des ménages, dite « Actifs financiers », effectuée en 1992, et celle sur le Patrimoine au décès, réalisée en 1991 avec l'aide de la Direction générale des Impôts (DGI).

Les déclarations des ménages à l'enquête Actifs financiers

Une partie du questionnaire interroge le ménage sur sa formation : date, circonstances (mariage, légal ou non, départ de chez les parents, divorce, etc.)- En cas de mariage, on demandait s'il avait été établi un contrat et, si oui, de quel type : régime légal, séparation de biens, communauté universelle ou autres. On demandait aussi si le couple avait modifié ce régime et, dans l'affirmative, lequel avait été choisi. Il s'agit des déclarations spontanées des ménages qui peuvent être entachées d'erreurs de mémoire ou de difficultés d'interprétation. Tel ménage pourra confondre communauté légale avec communauté universelle, un autre ne pas savoir si une séparation avec société d'acquêts doit être en « séparation » ou en « autre régime », voire en « communauté légale », les différences étant peu perçues et peu perceptibles dans la vie courante. Les proportions de chaque type de contrat sont donc à prendre comme des ordres de grandeur (1). Cependant chaque population s'est révélée avoir un comportement bien typé, ce qui donne une rationalité a posteriori aux réponses des ménages.

De même, les questions sur l'importance comparée des patrimoines respectifs des conjoints au moment du mariage et à celui de l'enquête, pour simples qu'elles soient ne sont pas sans cohérence avec leur régime matrimonial.

Il reste que l'état matrimonial même des ménages n'est pas connu avec certitude (certains non mariés déclarent par exemple avoir fait un contrat de mariage), ni leur histoire patrimoniale et conjugale parfois plus compliquée qu'une enquête de ce type puisse le cerner. On a essayé de définir une population de gens mariés et vivant ensemble au moment de l'enquête. Parmi les couples qualifiés de

complexes, on a distingué les remariages (un des conjoints a été marié au sens légal du terme antérieurement mais il n'y a pas d'enfant d'un premier lit) de l'existence d'enfants d'un premier lit, avec ou sans remariage. Comme le questionnaire n'interrogeait pas sur la filiation des enfants présents dans le ménage, mais seulement sur celle des enfants hors ménage, la catégorie remariage peut comprendre quelques couples avec enfants de plusieurs lits.

L'enquête Patrimoine au décès

L'enquête Patrimoine au décès (Laferrère et Monteil, 1994) part des sources fiscales sur le patrimoine et le revenu des défunts, que leur décès donne lieu ou non à une déclaration de succession. Pour les défunts mariés avec déclaration de succession, on connaît souvent le régime matrimonial puisque de lui dépend l'évaluation du patrimoine successoral. On trouve 92 % de régime légal (ou inconnu), 7 % de séparation de biens, 1 % d'autres régimes. Quand on y ajoute les défunts sans déclaration de succession, pour lesquels les renseignements sont moins connus, on a 93 % de régime légal (ou inconnu), 5 % de séparation de biens, 1 % d'autres régimes et 2 % de communauté universelle. Les communautés universelles sont beaucoup plus nombreuses dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et en Moselle : 46 % de l'ensemble des défunts mariés sous ce régime étaient domiciliés dans ces trois départements qui ne représentent que 4 % de la population des défunts. On trouve de même dans le second de ces départements des usufruits du conjoint survivant exonérés de droits de succession, donc avec un régime matrimonial qui n'est pas appelé « communauté universelle » par l'administration fiscale (puisque pour elle, le régime de communauté universelle n'est pas accompagné de succession au premier décès).

1. L'enquête sur les structures foncières effectuée par le ministère de l'Agriculture en 1992 donne une proportion de séparation de biens chez les agriculteurs supérieure à ce qui est donné ici : 7 % contre 4 %, auxquels on pourrait ajouter 2 % d'autres régimes (Barthez, 1994).

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 296-297, 1996 - 6/7 131

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Tableau 1 Fréquence du contrat au moment du mariage

En%

Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source: enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

Variables d'analyse

Ensemble Patrimoine Moins de 100 000 francs De 1 00 000 à 500 000 francs De 500 000 à 1 000 000 francs De 1 à 2 000 0000 francs 2 000 000 francs et plus Diplôme du mari Aucun ou non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Baccalauréat ou plus Diplôme de l'épouse Aucun ou non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Bacalauréat ou plus Profession du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre supérieur Profession intermédiaire Employé Ouvrier Type de couple Simple Complexe (remariage) Complexe (enfants d'un 1er lit) Zone d'étude et d'aménagement du territoire Île-de-France Bassin parisien Nord Est Ouest Sud-Ouest Centre-Est Méditerranée Testament des parents Oui Non Donation des parents Oui Non Donation des parents avant le mariage Oui Non Aide des parents Oui Non

Fréquence

15,7

6,2 10,5 14,2 21,0 39,7

10,6 12,6 12,0 28,3

11,6 12,1 14,6 27,8

22,9 27,5 29,1 16,9 7,4 9,0

14,6 21,6 24,1

16,8 14,3 21,4 21,0 8,8

20,1 13,7 15,2

38,5 14,6

29,0 12,3

32,7 15,0

19,7 13,5

Variables d'analyse

Âge du mari à l'enquête Moins de 40 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans De 60 à 69 ans 70 ans et plus Patrimoine initial égalitalre Oui, avec patrimoine Non, l'homme a plus Non, la femme a plus Non Aucun patrimoine Profession du père de l'épouse Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé, ouvrier Inconnue ou pas de père Profession du père du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé, ouvrier Inconnue ou pas de père Nationalité des parents Française Au moins un non Français Homogamie Oui Non Le mari est l'aîné Oui Non L'épouse est l'aînée Oui Non Âge du mari au mariage Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans 50 ans et plus Donation des parents après mariage Oui Non Profession des parents (1) Agriculteur Indépendant Cadre Employé ou ouvrier

Fréquence

12,2 14,9 18,8 17,6 17,8

16,9 21,3 29,3 24,2 9,7

14,5 27,2 31,4 12,2 3,7

15,6 24,2 31,3 12,4 17,8

17,1 12,2

12,6 20,3

18,0 14,3

19,5 13,4

13,9 22,4 26,7 34,6

28,1 13,3

14,6 26,0 26,1 10,2

1 . La profession des parents (ou beaux-parents) est définie comme suit : agriculteur = le père ou le beau-père est agriculteur ; pendant = l'un ou l'autre est indépendant (aucun agriculteur) ; cadre = l'un ou l'autre est cadre (aucun agriculteur, ni indépendant) ; employé ou ouvrier = l'un ou l'autre est employé ou ouvrier (aucun agriculteur, ni indépendant, ni cadre).

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2. On a distingué les donations effectuées avant le mariage (2 % des parents et 2% des beaux-parents en ont faites) de celles effectuées après (10 % des parents, 9 % des beaux- parents en ont faites) : les deux ont une influence. La donation effective est donc aussi importante que l'intention de donner.

notarial, donc feraient moins de contrats. Quand l'un des époux a reçu, ou recevra (2), une transmission patrimoniale de ses parents, la fréquence du contrat de mariage augmente. Bien que le régime légal stipule que les biens donnés resteront propres (depuis toujours pour l'immobilier, depuis 1965 pour les biens mobiliers), les familles préfèrent alors un contrat en bonne et due forme.

La région de résidence du couple joue aussi, toutes choses égales par ailleurs. Les contrats

sont plus fréquents dans le Nord, l'Est et le Sud-Ouest et les moins fréquents dans l'Ouest. Les habitudes régionales ont donc la vie plus dure qu'on pourrait le croire.

Une pratique assez stable

La fréquence d'un contrat augmente avec l'âge, ce qui paraît un effet de génération. La seule étude antérieure semble être celle de A. Girard

Tableau 2 Analyse de la fréquence du contrat au moment du mariage

Variables

Constante

Patrimoine Moins de 1 00 000 francs De 100 000 à 500 000 francs De 500 000 à 1 000 000 francs De 1 à 2 000 0000 francs 2 000 000 francs et plus Diplôme du mari Aucun ou non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Baccalauréat ou plus Diplôme de l'épouse Aucun ou non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Baccalauréat ou plus Profession du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé ou ouvrier Zone d'étude et d'aménagement du territoire Île-de-France Bassin parisien Nord Est Ouest Sud-Ouest Centre-Est Méditerranée

Coefficient

-2,89

-0,04 -0,22

Réf 0,27 0,65

0,11 Réf 0,18 0,59

0,30 Réf 0,18 0,51

0,53 0,60 0,24 Réf

Réf 0,22 1,02 0,59

-0,56 0,29 0,01 0,01

Écart-type

0,29

0,16 0,12

0,10 0,11

0,13

0,11 0,13

0,12

0,10 0,12

0,14 0,12 0,12

0,14 0,17 0,16 0,16 0,14 0,15 0,15

X2

102,4

0,1 3,7

7,9 34,8

0,7

2,4 20,4

6,6

3,2 18

14,6 25,1 4,1

2,6 37,2 13,8 12,8 4,0 0,0 0,0

Variables

Âge au mariage Moins de 30 ans 30 ans et plus Âge à l'enquête Moins de 40 ans De 40 à 49 ans De 50 à 64 ans 65 ans et plus Patrimoine initial égalitaire Oui Non, l'homme a plus Non, la femme a plus Pas de patrimoine Profession des parents (1) Agriculteur Indépendant Cadre Employé ou ouvrier Homogamie Parents français

Taille fratrie époux Taille fratrie épouse

Type de couple Simple Complexe (remariage) Complexe (enfants d'un 1er lit)

Le marié est l'aîné L'épouse est l'aînée Donation des parents Testament des parents

Coefficient

-0,25 Réf

-0,39 -0,47

Réf 0,20

Réf 0,20 0,50

-0,60

0,39 0,77 0,40 Réf 0,05 0,28

0,02 -0,07

Réf 0,52 0,34

0,04 0,19 0,42 0,84

Écart-type

0,10

0,11 0,10

0,10

0,10 0,11 0,09

0,13 0,13 0,17

0,10 0,09

0,03 0,03

0,16 0,15

0,08 0,08 0,08 0,13

X2

6,4

12,7 21,9

3,7

4,2 18,9 43,9

8,8 37,6 5,7

0,3 9,5

0,3 5,8

10,6 5,3

0,3 5,4

28,4 39,7

1 . Cf. tableau 1 pour la définition de la profession des parents. Lecture : le modèle Logit permet d'étudier les effets d'une variable, lesautres, supposées exogènes, étant égales par ailleurs. Il suppose que l'action d'une variable est la même pour chaque modalité des autres variables. Pour chaque variable, la situation de référence est en italique. Les coefficients sont significatifs au seuil de 10% (respectivement 5%et1%) quand le x2 est supérieur à 2,7 (respectivement 3,8 et 6,6). Par exemple un âge au mariage inférieur à 30 ans entraîne une fréquence du contrat de mariage inférieure à celle d'un mariage à un âge plus avancé. Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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(1964) qui cite une source Insee, Mouvement de la population, faisant état de 22 % de mariages ayant donné lieu à contrat au début du siècle et 17,5 % en 1949, dernière année connue. L'enquête « Choix du conjoint » de l'Ined (1959), base de son étude, donne 20 % avant 1930 et 21 % après 1950, ce qui est voisin mais ne met pas en évidence une baisse, qui de toute façon paraît faible à l'époque. La diminution de la fréquence des contrats est donc légère. En 1965, une réforme des régimes matrimoniaux a rendu le régime légal, donc celui en vigueur en l'absence de contrat explicite, plus attractif (cf. encadré 1). Cette réforme n'a pas eu d'effets significatifs sur la fréquence des contrats.

Établir un contrat de mariage est donc à la fois une pratique fortement influencée par la génération antérieure, d'autant plus fréquente que le couple est âgé, mais aussi une formalité plus nécessaire en cas de remariage, d'existence d'enfants nés d'une autre union, de patrimoines importants (et inégaux), cas peut-être plus fréquents aujourd'hui qu'il y a une trentaine d'années.

L'influence des parents ne dépend pas uniquement de leurs seules caractéristiques. Elle est également liée à la situation du couple au moment du mariage. La cohabitation prénuptiale est un facteur d'émancipation à l'égard des familles d'origine (Bozon, 1992). Dans la forme traditionnelle du mariage (sans cohabitation préalable), le rôle des parents est prépondérant dans le rituel de la cérémonie et sans doute dans l'élaboration d'un contrat. Dans le mariage

après cohabitation, l'implication des familles respectives dans l'organisation des festivités est nettement moindre, le rituel moins éclatant. Dans ce contexte, la décision de faire un contrat de mariage relèverait plus de l'initiative du couple que de celle de leurs parents. Les cohabitants invoquent plus volontiers les raisons administratives et financières que l'amour comme raison de leur mariage, contrairement à ceux qui se marient sans cohabitation préalable. Ainsi, l'établissement d'un contrat dans l'un et l'autre cas ne se réfère pas aux mêmes mobiles, n'obéit pas à la même finalité (3).

Peu de changements en cours d'union

Parmi les couples ayant effectué un contrat au moment de leur mariage, 38 % sont en séparation de biens, 11 % en communauté universelle et 47 % disent avoir choisi le régime légal (4) (cf. tableau 3). La grande majorité des couples ne change pas de contrat de mariage (5). Toutefois, 6 % des couples ayant un contrat l'ont modifié (8 % de ceux qui avaient opté pour le simple régime légal) : c'est en général pour passer à la communauté universelle (3 %, 6 %

3. N'ayant pas de données sur la cohabitation prénuptiale, nous n'avons pas pu tester ces hypothèses. 4. On peut s'étonner que certains établissent un contrat pour s'en tenir au régime légal. Il peut s'agir d'un contrat voisin comportant une clause particulière ou d'un désir d'effectuer dans la clarté un premier bilan patrimonial, sans exclure bien sûr les erreurs de déclaration (cf. encadré 3). 5. L'immutabilité du contrat était d'ailleurs la règle prévue parle code civil en vigueur jusqu'en 1965.

Tableau 3 Fréquence du régime matrimonial choisi

Type de régime

Par ceux (16 %) qui font un contrat au moment du mariage Ensemble Régime légal Séparation de biens Communauté universelle Autre régime Par ceux (84 %) qui ne font pas de contrat au 'moment du mariage Ensemble Régime légal Séparation de biens Communauté universelle Autre régime

Au moment du mariage

100,0 50,8 39,0 8,4 1,9

100,0 100,0

0,0 0,0 0,0

Au moment de l'enquête

100,0 47,2 38,2 11,0 3,6

100,0 96,2 0,4 1,9 1,5

Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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6. Les cas de séparations de biens judiciaires (épouse demandant la dissolution de la communauté après une faillite par exemple) sont donc rarissimes.

en Alsace), ou un autre régime (2 %), plus rarement pour séparer les biens (1 %) (6). Moins de 1 % des couples changent pour adopter le régime légal. Parmi ceux qui n'avaient pas fait de contrat, 4 % en signent un en cours d'union : 2 % adoptent la communauté universelle (9 % en Alsace), 1,5 % un autre régime (19 % en Alsace) et 0,4 % la séparation des biens. Donc, au total, 19 % des couples passent devant notaire pour établir un contrat de mariage.

Rappelons ici que 53 % des couples de retraités ont effectué une donation au dernier vivant, mesure de nature testamentaire mais concernant le patrimoine dévolu au conjoint survivant (Laferrère et Verger, 1993).

La communauté matrimoniale légale

La communauté légale concerne donc l'immense majorité (88,5 %) des couples mariés. Établie par le code civil (mais existant déjà sous diverses formes dans les pays de coutumes d'ancien régime), elle part de l'idée que le mariage crée une unité de vie qui implique unité de patrimoine, chacun contribuant à sa constitution, l'un travaillant par exemple à l'extérieur, exerçant une profession, l'autre gérant à l'intérieur les ressources pour dégager une épargne qui servira à acquérir le patrimoine commun. L'augmentation du patrimoine doit donc profiter aux deux conjoints. Dans un tel schéma, il ne faut pas que l'épouse devenue veuve se trouve pénalisée, n'étant pas héritière réservataire et n'ayant pu accumuler des biens en propre, d'où l'existence d'une communauté de patrimoine. De fait, ce régime continue à jouer son rôle puisqu'il est celui de 93 % des ménages où la femme est inactive ; elles ne sont alors que 2 % à vivre sous le régime de séparation des biens (cf. tableau 4).

La communauté universelle : le régime des couples sans enfants et des Alsaciens

Dans son principe, le régime de communauté universelle favorise le conjoint au moment du premier décès (pas de déclaration de succession à faire, pas d'impôt à payer) au détriment des enfants (ils ne bénéficieront qu'une fois au lieu de deux de l'abattement fiscal sur l'héritage de leurs parents et devront « attendre » le deuxième décès pour hériter). Il est justement le fait de couples sans enfant : ils sont 8 % à avoir choisi ce régime contre 3 % seulement pour les couples avec enfants.

Leur patrimoine est plus élevé que la moyenne, voire très élevé. On ne fait pas la démarche de choisir un régime particulier sans qu'une fortune importante soit enjeu : le patrimoine médian des ménages en communauté universelle vaut 1 144 000 francs contre 706 000 francs pour l'ensemble des couples mariés.

Ce régime est significativement plus fréquent dans l'Est (9 %) de la France que dans le Midi méditerranéen où il est le moins fréquent (1,5 %). En fait, il est caractéristique de l'Alsace où il est choisi par 23 % des couples. Ce particularisme local existait dès avant le code civil. Le régime alsacien est peut-être un peu différent de celui du reste de la France, comme en témoigne l'importance de la mention « autre régime » en Alsace : 13 % contre 2 % en moyenne (cf. tableau 5). Les quadragénaires déclarent d'ailleurs plutôt « autre régime » que communauté universelle. Il peut s'agir d'un régime voisin de la communauté universelle que le questionnaire de l'enquête ne prévoyait pas (cf. encadré 1).

Pour les couples en communauté universelle, il y a, au moment du mariage, une égalité de patrimoine entre les conjoints un peu plus fréquente que pour l'ensemble des couples (76 % contre 74 %). De même, l'inégalité est plus rarement reconnue. Cette inégalité n'est pas de même fréquence selon que c'est l'homme ou la femme qui détient un patrimoine supérieur. L'homme avait plus que la femme dans 13 % des cas contre 16 % pour l'ensemble, tandis que moins de 4 % des femmes avaient plus que l'homme contre 9 % de l'ensemble des couples. Ainsi, en situation d'inégalité de patrimoine, si l'homme tend parfois à privilégier son épouse en adoptant un régime de communauté universelle, il n'y a pas de symétrie des comportements entre les époux : très rares sont les femmes qui, ayant le plus fort patrimoine, adoptent un régime de communauté universelle se mettant ainsi en situation d'avantager leur mari.

Les couples en communauté universelle sont aussi souvent des couples âgés : 5 % des plus de 65 ans sont mariés sous ce régime, contre 2 % des moins de 50 ans. Il ne s'agit pas seulement d'un effet de génération : plus de la moitié ont opté pour ce régime tardivement. Choisir la communauté universelle quand on a des enfants provient-il ou non d'une volonté de les défavoriser au profit de son

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Tableau 4 Les régimes matrimoniaux

En%

Variable d'analyse

Ensemble Patrimoine Moins de 1 00 000 francs De 100 000 à 500 000 francs De 500 000 à 1 000 000 francs De 1 à 2 000 000 francs 2 000 000 francs et plus Revenu Moins de 1 00 000 francs ou non déclaré De 1 00 000 à 200 000 francs 200 000 francs et plus Diplôme du mari Aucun, non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Baccalauréat ou plus Diplôme de l'épouse Aucun, non déclaré CEP ou assimilé CAP, BEP, BEPC Baccalauréat ou plus Profession du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre supérieur Profession intermédiaire Employé Ouvrier L'épouse est ou a été active Oui Non Zone d'étude et d'aménagement du territoire Île-de-France Bassin parisien Nord Est Ouest Sud-Ouest Centre-Est Méditerranée Nombre d'enfants 0 1ou2 3 ou plus Âge du mari à l'enquête Moins de 40 ans De 40 à 49 ans De 50 à 64 ans 65 ans et plus Âge du mari au mariage Moins de 30 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans 50 ans et plus Type de couple Simple Complexe (remariage) Complexe (enfants d'un 1er lit)

Communauté légale

88,5

96,1 91,9 89,6 84,9 69,9

92,5 90,0 80,4

93,8 91,7 90,2 78,3

93,0 90,6 89,5 78,1

91,5 80,9 77,9 86,5 93,1 93,6

87,7 93,3

84,4 90,1 90,8 81,4 92,7 85,2 91,1 90,5

82,5 88,1 90,5

90,2 87,9 87,5 88,1

90,1 82,5 77,7 82,7

89,6 82,7 79,8

Séparation de biens

6,3

2,2 3,7 4,9 8,3

20,5

3,5 5,5

13,5

1,7 3,5 4,9

15,0

2,4 3,4 5,2

17,1

4,2 13,6 15,1 6,8 3,2 2,1

7,0 2,2

10,1 4,9 4,2 4,7 3,4 8,6 5,7 7,3

6,2 6,7 5,7

7,1 8,3 5,5 4,1

4,7 11,0 21,1 10,1

5,1 10,1 18,6

Communauté universelle

3,3

1,2 2,4 3,3 4,9 6,7

2,6 3,0 4,0

3,1 2,9 3,4 4,0

3,0 4,0 3,4 2,8

2,2 3,9 3,8 4,1 2,6 3,0

3,4 2,9

3,7 3,6 2,0 8,6 2,9 3,1 2,5 1,5

8,3 3,4 2,2

1,7 1,7 4,9 5,4

3,3 4,3 1,0 3,1

3,6 4,2 1,2

Répartition des couples

100

17 24 30 19 10

29 42 29

22 21 33 24

24 24 33 19

6 12 13 20 11 38

84 16

17 19 7 8

13 10 11 13

8 58 34

27 25 27 21

81 15 3 1

88 5 7

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Tableau 4 (suite)

Variable d'analyse

Patrimoine initial égalitaire Oui Oui, avec patrimoine Aucun patrimoine Non, l'homme a plus Non, la femme a plus Non Donation au dernier vivant Oui Non Testament Oui Non Donation aux enfants Oui Non GÉNÉRATION PRÉCÉDENTE Profession des parents (1) Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé, ouvrier Profession du père du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé, ouvrier Inconnu ou pas de père Profession du père de l'épouse Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé, ouvrier Inconnu ou pas de père Homogamie Oui Non Donation des parents Oui Non Héritage des parents Oui Non Aide des parents Oui Non Testament des parents Oui Non Divorce des parents Oui Non Ensemble

Communauté légale

90,5 88,9 91,8 84,0 80,2 82,6

85,2 91,1

64,0 ' 89,4

80,2 88,8

92,2 80,6 79,4 91,2

91,9 82,2 73,2 89,8 96,5

93,5 79,0 77,4 89,7 88,0

90,4 85,5

81,8 90,2

87,8 89,2

84,3 90,8

74,2 89,2

85,5 88,9 88,5

Séparation de biens

4,3 5,7 3,3

11,1 13,6 12,0

6,9 5,8

20,5 5,8

6,2 8,3

3,0 13,1 12,1 4,3

2,9 11,3 15,2 5,4 3,5

2,6 13,2 15,3 5,1 1,9

4,8 8,6

11,2 5,1

6.4 6,2

9,9 4,3

12,8 6,0

9,7 5,9 6,3

Communauté universelle

3,4 3,7 3,3 2,6 3,9 3,1

4,1 2,8

12,7 3,0

3,2 6,2

2,9 3,7 5,1 3,2

3,3 2,2 7,2 3,2 0,0

2,2 4,7 4,6 3,4 0,0

3,0 3,9

4,5 3,1

3,6 3,1

3,2 3,4

9,6 3,0

3,4 3,3 3,3

Répartition des couples

74 31 43 16 10 26

43 57

4 96

4 96

27 21 6

46

18 11 5

65 1

18 12 5

65 1

60 40

20 80

51 49

36 64

5 95

11 89

100 1 . Cf. tableau 1 pour la définition de la profession des parents.

Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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7. Pour cela, on a testé un modèle Logit à trois modalités : adopter un régime de communauté universelle dès le mariage (1,4 %), changer en cours d'union pour la communauté universelle (1,9 %) et ne pas avoir ce régime (96,7 %, situation de référence). 8. Outre la transmission proprement dite de patrimoine, c'est un moyen de ne pas les pénaliser fiscalement puisqu'ils peuvent ainsi bénéficier de l'abattement. Dans les cas où il y a inégalité de patrimoine et où ce dernier est hérité (par exemple l'exploitation agricole vient de la famille du mari), la communauté universelle jointe à une donation devient alors une véritable stratégie patrimoniale, un moyen d'utiliser l'abattement de l'épouse qui serait sans patrimoine en communauté légale.

9. Être riche nécessite d'organiser la propriété du patrimoine et sa transmission : si, en moyenne, 4 % des couples ont fait un testament, ils sont 12 % à l'avoir fait quand leur ré

gime est celui de la séparation de biens.

conjoint (7) ? Avoir des enfants diminue lapro- babilité d'opter pour la communauté universelle en cours d'union ou de la choisir en cas de remariage quand il y a des enfants d'un lit précédent (cf. tableau 6). De même, quand on a des enfants, changer pour ce régime va souvent de pair avec une donation ultérieure à leur profit, ce qui est un moyen de compenser ce que ce régime matrimonial peut avoir de défavorable pour eux (8). On ne peut donc conclure à un conflit entre intérêt du couple et intérêt de la lignée (Laferrère, 1994). Cependant, les agriculteurs chez qui la terre est transmise par héritage n'optent pas pour la communauté universelle en cours de mariage, même en Alsace. C'est plutôt une pratique de cadres supérieurs. L'effet d'un très haut niveau de fortune est d'ailleurs net pour un changement en cours d'union : on peut penser qu'à l'intérêt familial (éviter des soucis au conjoint survivant) s'ajoute un intérêt fiscal.

Ni le niveau de diplôme, ni l'âge au mariage des conjoints n'ont d'influence sur le choix de ce régime. De même les caractéristiques des parents et beaux-parents sont sans effet.

La séparation de biens, l'affaire des parents...

Mis à part le fait que ce sont aussi des couples riches, et même très riches (la moitié ont un patrimoine de plus de 1,4 million de francs), qui le choisissent, le régime de séparation de biens se situe à l'opposé de la communauté universelle (9). Alors que la communauté universelle reconnaît l'exclusive des biens communs, pour le régime de séparation de biens la propriété des biens personnels est un absolu. Seuls les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés conven-

tionnellement leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié. Ainsi, la transmission aux enfants après décès du premier conjoint s'en trouve facilitée dans la mesure où le patrimoine du couple n'est formé que de biens personnels en théorie clairement identifiables.

Le régime de séparation de biens est caractéristique des couples d'indépendants (14 %), il s'agit là de protéger le patrimoine de l'un des conséquences d'une faillite éventuelle de l'entreprise de l'autre ; il l'est aussi des cadres supérieurs (15 %), des couples inégalitaires en patrimoine (11 % quand l'homme avait plus que sa femme au moment du mariage, 14 % quand l'épouse possédait plus que son conjoint), où les parents ou beaux-parents étaient indépendants non agricoles, avaient aidé leurs enfants ou effectué des donations. Cette influence des parents est assez subtile : il s'agit peut-être de protéger le patrimoine de la lignée quand des biens professionnels sont enjeu, surtout peut-être quand ils ne sont apportés que par l'une des deux lignées (cf. encadré 2) (10).

Les agriculteurs, qui pourtant exercent une profession d'indépendants, optent peu pour le régime de séparation de biens : 4,2 % seulement. Plus que les autres ils sont marqués par une forte homogamie intergénérationnelle : 89 % ont des parents ou beaux-parents agriculteurs (dans 56 % des cas parents et beaux- parents sont agriculteurs), alors que 42 % des indépendants non agricoles ont des parents ou

10. Il semble en effet qu'une certaine homogamie des couples (définie à un niveau très grossier, comme le fait que parents et beaux-parents soient du même milieu, agricole, indépendant non agricole, cadre, employé, ouvrier) ne soit pas favorable à l'adoption d'un régime de séparation des biens. Bien sûr, cette mesure grossière ne permet pas d'affirmer qu'il y a disparité de fortune des familles, elle n'est qu'un indice. La variable n'est d'aileurspas significative toutes choses égales par ailleurs.

Tableau 5 Les régimes matrimoniaux en Alsace

En%

Ensemble Moins de 40 ans De 40 à 49 ans De 50 à 64 ans 65 ans et plus

Communauté légale

61,1 75,1 64,2 53,5 47,0

Communauté universelle

22,7 12,3 5,3

38,9 27,9

Autre régime

13,1 10,3 22,5 2,6

24,2

Séparation de biens

3,1 2,3 8,0 5,0 0,9

Répartition

100 32 17 33 18

Champ : couples mariés résidant en Alsace. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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Tableau 6 Analyse de la fréquence du contrat de communauté universelle : au moment du mariage (mariage) ou en cours d'union (changement) par opposition à l'absence de contrat de communauté universelle (non c u)

Lecture : dans un Logit tri- chotomique, on peut analyser deux modalités « faire un contrat de communauté universelle au moment du mariage » ou « en établir un en cours d'union », par rapport à une troisième, la modalité de référence, « ne pas avoir établi de contrat de communauté universelle ». On peut ainsi mettre en évidence par exemple que l'absence d'enfant augmente la probabilité d'établir un contrat de communauté universelle en cours d'union. Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

Variables explicatives

Constante

Patrimoine Moins de 100 000 francs

De 1 00 000 à 500 000 francs

De 500 000 à 1 000 000 francs

De 1à2000 000 francs

2 000 000 francs et plus

Âge du mari à l'enquête Moins de 40 ans

De 40 à 49 ans

De 50 à 64 ans

65 ans et plus

Profession du mari Agriculteur

Indépendant, profession libérale

Cadre

Employé ou ouvrier

Zone d'étude et d'aménagement du territoire Est

Méditerranée

Type de couple Complexe (remariage) Complexe (enfants d'un 1er lit)

Simple

Existence d'enfants Sans enfant

Avec enfants et donation

Avec enfants sans donation

Modalités

Mariage Changement Non eu

Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement

Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement

Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement Non eu

Mariage Changement Mariage Changement

Mariage Changement Mariage Changement Mariage Changement

Mariage Changement Non eu Mariage Changement Non eu Mariage Changement Non eu

Coefficient

-3,64 -4,67

Réf

-0,97 -0,21 -0,16 -0,39

Réf Réf 0,72 0,45 0,60 0,81

-0,89 -0,60 -1,29 -0,52

Réf Réf

-0,31 0,66

-0,41 -1,93 -0,55 0,43

-0,65 0,66 Réf Réf Réf

1,58 0,76

-1,28 -0,49

-0,14 0,31

-3,88 -0,52

Réf Réf

-0,62 1,83 Réf 0,24 0,75 Réf Réf Réf Réf

Écart-type

0,30 0,33

0,61 0,38 0,35 0,36

0,28 0,27 0,35 0,29

0,29 0,30 0,34 0,29

0,30 0,25

0,32 0,61 0,34 0,31 0,30 0,27

0,24 0,29 0,58 0,33

0,53 0,41 1,70 0,52

0,59 0,24

0,45 0,38

X2

148,1 201,2

2,5 0,2 0,2 1,2

6,8 2,8 3,0 8,0

9,4 3,9

14,4 3,2

1,0 7,1

1,7 10,1 2,7 1,9 4,8 5,9

45,4 6,7 4,9 2,2

0,1 0,6 5,2 1,0

1,1 59,9

0,3 3,9

Fréquence en % (1) 1,4 1,9

96,7

0,1 1,1 1,1 1,3 1,6 1,7 2,6 2,3 1,6 5,1

1,1 0,6 0,4 1,3 2,9 2,0 1,3 4,2

2,1 0,1 1,0 3,0 1,3 2,7 1,6 1,4

97,1

5,6 3,0 0,6 0,9

1,7 1,4

0 0,4 1,5 2,1

1,1 7,3

91,7 2,4 3,7

93,8 1,4 1,4

97,2 1 . Fréquence de chaque situation : parmi les couples qui ont plus de 2 millions de francs de patrimoine, 1 ,6 % sont en communauté universelle par un contrat établi au moment du mariage et 5,1 % sont sous un tel contrat qu'ils ont passé en cours d'union.

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beaux-parents indépendants non agricoles. Par ailleurs, le niveau médian de leur patrimoine est inférieur à celui des autres indépendants : 1,2 million de francs contre 1,5. Cependant, toutes choses égales par ailleurs, les agriculteurs sont bien légèrement surreprésentés (mais avec une faible significativité). Il peut s'agir des grandes exploitations tenues par des couples à faible homogamie professionnelle tant entre les époux qu'entre les générations (Barthez, 1994).

Dans l'Ouest de la France, ce régime est le plus rare (ce qui est en accord avec une tradition d'égalité au sein des couples dans ces régions).

En Île-de-France, la fréquence du régime de séparation de biens atteint 10 %, ce qui est un effet de la richesse de cette région. Vient ensuite le Sud-Ouest (9 %) : on retrouve ici des rapports à la possession du patrimoine plus individualisés au sein du couple, ancrés dans des pratiques anciennes de transmission entre générations (régime dotal, cf. encadré 1).

... mais aussi le régime de l'avenir

Les couples jeunes adoptent, les autres variables étant égales, plus fréquemment un régime de séparation de biens que leurs aînés. Cet effet

Tableau 7 Analyse de la fréquence du contrat de séparation de biens

Variables

Constante Épouse active Oui Non Patrimoine Moins de 100 000 francs De 1 00 000 à 500 000 francs De 500 000 à 1 000 000 francs De 1 à 2 000 000 francs 2 000 000 francs et plus Revenu Moins de 1 00 000 francs De 100 000 à 200 000 francs 200 000 francs et plus

Diplôme de l'épouse Inférieur au baccalauréat Baccalauréat ou plus Profession du mari Agriculteur Indépendant, profession libérale Cadre Employé ou ouvrier Zone d'étude et d'aménagement Ouest Sud-Ouest

Testament des parents Aide des parents

Coefficient

-4,64

0.71 Réf

0,01 0,03 Réf 0,30 0,92

-0,28 Réf 0,16

Réf 0,77

0,31 0,78 0,40 Réf

du territoin -0,32 0,35

0,36 0,35

Écart-type

0,38

0,23

0,25 0,18

0,15 0,16

0,17

0,13

0,12

0,24 0,18 0,16

! 0,17 0,15

0,19 0,11

X2

152,1

9,4

0,0 0,0

4,0 31,1

2,7

1,4

39,8

1,6 19,5 5,9

3,5 5,8

3,5 9,8

Variables

Âge au mariage Moins de 30 ans 30 et plus Âge à l'enquête Moins de 40 ans De 40 à 49 ans De 50 à 64 ans 65 ans et plus

Patrimoine initial égalitaire Oui Non, l'homme a plus Non, la femme a plus Pas de patrimoine Profession des parents Agriculteurs Indépendant Cadre Employé, ouvrier Homogamie Oui Won Type de couple Simple Complexe (remariage) Complexe (enfants d'un 1er lit) Donation des parents Divorce des parents

Coefficient

-0,74 Réf

0,52 0,22 Réf 0,02

Réf 0,55 0,70

-0,12

0,03 0,68 0,28 Réf

-0,08 Réf

Réf 0,62 0,93 0,19 0,49

Écart-type

0,14

0,16 0,15

0,18

0,14 0,16 0,14

0,21 0,19 0,23

0,15

0,21 0,18 0,12 0,15

X2

28,4

10,7 2,2

0,0

14,7 18,6 0,7

0,1 13,2 1,5

0,3

8,8 26,9 2,5 11,3

Lecture :le modèle Logit permet d'étudier les effets d'une variable, lesautres, supposées exogènes, étant égales par ailleurs. Il suppose que l'action d'une variable est la même pour chaque modalité des autres variables. Pour chaque variable, la situation de référence est en italique. Les coefficients sont significatifs au seuil de 10% quand le%2 est supérieur à 2,7. Parexemple, un remariage ou l'existence d'enfants d'un premier lit entraîne une fréquence du contrat de séparation de biens supérieure au cas de la situation de référence sans remariage, ni enfant de lits différents. Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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11. Rappelons que la communauté matrimoniale est inconnue dans les pays de tradition an

glo-saxonne.

12. Cet effet n'existe pas pour les indépendants, mais il est présent pour les jeunes et en cas de remariage ou d'existence d'enfants d'un premier lit

13. Protection qui va au- delà de ce que prévoit la loi française : il n'y a plus de distinction entre enfants légitimes et illégitimes du point de vue du droit à l'héritage depuis 1972, mais les enfants adultérins voient leurs droits réduits de moitié en présence d'enfants légitimes.

de génération pourrait être à rapprocher des pratiques de non-mariage des générations les plus jeunes. En effet, le concubinage correspond à un régime de séparation de biens de facto, sans toutefois avoir fait ni la démarche de se marier, ni celle de passer un contrat de mariage. Ainsi, même parmi les couples qui ne rejettent pas le mariage, le développement de la séparation de biens modifie la signification de l'alliance en soulignant la distance par rapport à la communauté de biens qu'impliquait en France le mariage (11). Même mariés, les couples plus jeunes préfèrent un régime reconnaissant à chacun plus d'indépendance, le partage des biens étant facilité en cas de divorce. L'existence d'un divorce à la génération précédente est d'ailleurs favorable à l'adoption de la séparation des biens chez les enfants (12). Mais est-ce à dire que les couples en séparation de biens sont plus fragiles et qu'ils sont plus susceptibles de divorcer que les autres ?

Un autre facteur favorable à la séparation de biens est le remariage de l'un ou l'autre des conjoints ou, plus encore, le fait qu'il y ait des enfants de plusieurs lits (cf. tableau 7). L'histoire patrimoniale du couple est alors plus avancée : 66 % des conjoints ont un patrimoine personnel au moment du mariage (contre 56 % en moyenne). Ils font aussi état plus souvent 41 % (contre 24 %) d'inégalités de patrimoine entre époux, d'où la nécessité plus grande d'établir un régime de séparation de biens. Enfin, leur histoire plus mouvementée les conduit à vouloir protéger le patrimoine des enfants déjà nés d'unions précédentes (13).

Le régime de séparation de biens est aussi plus fréquent quand l'époux et surtout l'épouse sont diplômés : 17 % des couples où la femme a au moins le baccalauréat ont adopté ce régime. Ainsi, le recours aux dispositions légales permettant de mieux circonscrire l'autonomie financière de chacun est plus fréquent avec l'accroissement des atouts sociaux des conjoints. Alors, « quand un contrat est conclu, c'est donc Vidée de séparation qui l'emporte » (Kellerhals étal, 1982). C'est le cas aussi quand la femme est active. Quand il y a séparation de biens, 95 % des épouses sont ou ont été actives contre 86 % en moyenne, 21 % sont cadres supérieures contre 5 % en moyenne, 16 % (contre 6 %) sont indépendantes. La communauté matrimoniale est peut-être devenue moins utile avec le développement du travail des femmes, plus

autonomes en cas de divorce ou de veuvage (14).

On peut donc distinguer trois types principaux de séparation des biens qui s'interpénétrent : la séparation des indépendants, celle des remariés et celle des jeunes. Toutes sont liées à un niveau élevé de patrimoine (15). Celle des indépendants est influencée tout de même par un diplôme de l'épouse et l'existence d'enfants d'un premier lit et est plus fréquente pour les jeunes indépendants. Celle des remariés ensuite, fréquente chez les cadres, est influencée positivement par un divorce à la génération précédente et par une inégalité de patrimoine en faveur de l'épouse. Celle des jeunes enfin est liée non seulement à leur âge mais aussi au divorce des parents, à un diplôme de l'épouse, et au fait que les parents étaient indépendants. En pratique, ces archétypes ne présentent donc pas de frontières nettes, chaque couple étant soumis à plusieurs influences et contraintes. Dernière remarque : la région (Ouest « égali taire » s 'opposant au Sud-Ouest « inégalitaire ») n'a d'effet significatif ni pour les indépendants, ni pour les remariés, ni pour les jeunes : il s'agirait donc d'un effet qui ne s'exerce que chez les salariés ou les agriculteurs qui n'ont pas d'autre motif d'adopter le régime de séparation des biens que la « coutume » locale.

Les différences de fortune entre époux

À une question sur les niveaux respectifs de leur patrimoine au moment du mariage, 74 % des couples répondent qu'ils étaient égaux (pour 43 %, le patrimoine était d'ailleurs inexistant). Mais dans 26 % des cas, les patrimoines étaient de niveau différent : celui de l'homme était supérieur à celui de son épouse 1,7 fois plus souvent que l'inverse. Les hommes exercent plus souvent que les femmes des activités d'entrepreneurs entraînant de fortes capitalisations ce qui, de fait, accroît leur aptitude à l'accumulation patrimoniale. Quand l'homme exerce une profession indépendante,

14. Ce régime a peut-être toujours été lié à des rapports d'autorité et de pouvoir au sein des couples. Hervé Bazin n'évoque-t-il pas le mariage en séparation de biens comme l'obstacle infranchissable à la volonté du père ? Monsieur Rezeau voudrait mettre ses enfants au collège en pension chez lesjésuites.maisilseheurteaurefuscatégoriquedesonépouse. À sa sœur qui s'écrie : « Mais n'as-tu donc aucune autorité sur elle ? », il est contraint d'avouer : « Ma chère, nous sommes mariés sous le régime de la séparation des biens et la fortune de Paule lui appartient en propre. » (vipère au poing, 1948). 15. On a estimé des modèles Logit, non présentés ici, séparément pour chaque sous-population.

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la fréquence de l'inégalité au moment du mariage atteint 32 % et est 2,2 fois plus souvent au profit de l'homme. Il y a aussi 24 % des cas d'inégalité dans les milieux salariés, 1,6 fois plus souvent au profit de l'homme (cf. tableau 8). Même si on ne connaît pas ici l'importance de la différence qui est qualitative et en partie subjective, il semble que les femmes épousent plutôt des hommes d'un niveau patrimonial supérieur au leur. Le fait que les femmes épousent des hommes plus âgés qu'elles (de deux à trois ans en moyenne), donc ayant eu plus le temps d'amorcer la constitution d'un patrimoine, voire d'hériter, peut être une explication. De fait, plus l'écart d'âge est grand, plus les inégalités sont fréquentes ; elles sont d'ailleurs en moyenne au profit de la femme quand celle-ci est plus âgée que son mari. Le fait que l'un ou l'autre ait déjà hérité ou reçu une donation de ses parents est aussi prépondérant. On n'épouse donc pas tant un homme plus riche que soi, mais bien plutôt un homme en avance dans son cycle de vie et donc dans la constitution de son patrimoine.

Au cours du mariage, le patrimoine du couple tend-il vers plus d'égalité entre les époux ou, au contraire, vers l'inégalité ? Entre le moment du mariage et celui de l'enquête où cette question a été posée, la proportion de couples égalitaires en patrimoine a augmenté de 74 % à 82 %. Les ménages égalitaires au départ évoluent peu vers l'inégalité, qu'ils aient démarré en étant déjà détenteurs d'un patrimoine ou non : dans 90 % des cas, ils restent égalitaires. Quand ils deviennent inégalitaires, ils le sont deux fois plus fréquemment au profit de l'homme. Les couples inégalitaires au départ évoluent à 60 % vers l'égalité. Parmi ceux qui restent inégalitaires

(40 %), 10 % des couples passent de la situation « la femme a plus que l'homme » à la situation inverse où le mari a plus que sa femme, mais seulement 5 % ont une évolution symétrique, passant de « l'homme a plus que la femme » à « la femme a plus que l'homme ». Doit-on en déduire que le mariage profite plus aux hommes sur le plan patrimonial, la constitution de la fortune étant le fruit d'activité d'entrepreneur souvent masculine (16) ? Le mariage est plutôt égalisateur des patrimoines des époux ; c'est seulement dans les cas minoritaires (18 %) d'inégalité qu'elle bénéficie deux fois plus souvent à l'homme.

Évidemment, le régime matrimonial choisi n'est pas étranger à ces évolutions. Quand il y a communauté universelle, le patrimoine n'était inéga- litaire au départ qu'à 24 % et il ne l'est plus qu'à 9 % au moment de l'enquête. Cette inégalité résiduelle est d'ailleurs surprenante : il peut s'agir d'erreurs de déclaration, soit sur le régime, des couples pensent être en communauté universelle parce qu'ils ont fait une donation au dernier vivant par exemple (17), soit sur le patrimoine,

16. Ceci rejoint les conclusions de Singly (1987). 17. De fait, 53 % des couples se disant en communauté universelle déclarent avoir effectué une donation au dernier vivant, acte qui paraît inutile pour eux ; même si on suppose qu'il a pu être fait avant un changement de régime, il demeure sûrement un léger flottement autour de la notion de régime matrimonial, « donation entre époux » étant pris pour « tout ira au survivant », voire «on a tout en commun ». En fait la forte distinction légale, et fiscale, entre communauté matrimoniale légale et communauté universelle (il y aura partage en deux de la communauté et dévolution successorale des biens dans un cas et pas dans l'autre) peut ne faire aucune différence pratique dans des couples, d'autant plus que chaque régime peut comporter des clauses particulières plus ou moins « communautaristes » (cf. encadré 1).

Tableau 8 Les inégalités de patrimoine au moment du mariage

En%

Écart d'âge entre les époux La femme est plus âgée Les époux ont le même âge L'homme est plus âgé de 1 à 5 ans L'homme est plus âgé de 6 ans ou plus Statut professionnel de l'époux Salarié Non-salarié Ensemble

Répartition des couples

18 11 53 18

82 18

100

L'homme a plus

9,9 13,1 15,9 26,7

15,2 22,0 16,5

Patrimoine au mariage

La femme a plus

16,2 10,6 7,8 7,0

9,3 10,1 9,5

Égal

32,3 33,9 32,1 24,7

31,0 30,9 31,0

Aucun

42,6 42,4 44,2 41,6

44,5 37,0 43,0

Champ : couples mariés à la date de l'enquête. Source : enquête Actifs financiers, 1991-1992 (Insee).

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18. L'Alsace, qui a le plus fort taux de communauté universelle, a aussi le plus faible taux de divorce de France et significative- ment moins de concubins.

l'inégalité déclarée étant plus psychologique que juridique.

Au contraire, quand il y a séparation de biens, 50 % des patrimoines étaient inégalitaires au départ et 53 % au moment de l'enquête. Le passage vers l'inégalité est aussi plus fréquent lorsqu'il n'y avait pas de patrimoine au départ que lorsqu'il était déjà amorcé (36 % contre 27 %). La fortune étant due pour une part importante à l'activité professionnelle, l'inégalité de patrimoine entre les époux se creuse quand ils sont mariés sous un régime de séparation de biens, et ceci d'autant plus que l'un est salarié ou sans activité professionnelle et que l'autre exerce une activité d'indépendant. L'utilisation de l'épargne est différente et l'absence de biens communs empêche de réduire les inégalités de départ ; elle peut même les accroître (cf. encadré 2).

Concubinage et régime matrimonial

Un régime matrimonial ne concerne que les couples légalement mariés. L' enquête Actifs financiers dénombre 1,6 million de couples de concubins, soit 11 % du total des couples. Par ailleurs, cohabitation et mariage sont articulés. Les nouveaux mariés sont de plus en plus nombreux à avoir connu une période de cohabitation préalable. Dans les années soixante, ils étaient 8 %, dans les années quatre- vingt 57 % (Leridon et Villeneuve-Gokalp, 1988).

Les rapports patrimoniaux qui régissent les couples non mariés se rapprochent d'une séparation de biens en ce qu'il n'y a pas de biens de communauté matrimoniale. Ils en diffèrent cependant par le fait qu'en l'absence de contrat, il n'y a pas de communauté patrimoniale à partager en cas de séparation ou de décès ; le conjoint illégitime ne peut hériter des biens de son compagnon défunt que si un testament le prévoit (il peut alors recevoir la quotité disponible ordinaire, du quart à la totalité du patrimoine du

défunt selon le nombre d'enfants et la présence d'ascendants, comme n'importe quelle autre personne) ; la fiscalité sera alors très élevée (60 %), comme elle l'est en France dès que l'on s'éloigne de l'héritage en ligne directe ou entre époux.

On a vu que, pour les couples légitimes, une histoire matrimoniale plus complexe (mariage antérieur ou enfants d'un autre lit) entraîne un contrat plus fréquent et favorise le choix de la séparation de biens ; les couples illégitimes se trouvent plus souvent dans ces situations complexes (38 % contre 11 %), l'absence par définition de contrat de régime matrimonial pour eux pourra être source de conflits et de désillusions au moment de la dissolution de ces unions, que ce soit par séparation ou par décès (Fulchiron, 1993).

* * *

Les régimes matrimoniaux sont de bons révélateurs de l'histoire des familles et du mariage. Le régime de communauté universelle, en ce qu'il privilégie le conjugal sur la lignée pourrait paraître très moderne. En fait, l'augmentation du nombre de divorces et les pratiques de non-mariage (18) pourraient en faire une survivance du passé ou le réserver aux couples ayant connu une longue vie commune. À l'opposé, le régime de séparation de biens semble, d'une part, être traditionnellement celui des indépendants, voire des lignées d'indépendants, donc l'affaire non seulement du couple mais aussi des parents et beaux-parents. Mais cette pratique ancestrale des milieux aisés d'indépendants, si elle reste minoritaire par rapport à la communauté légale, est d'autre part celle adoptée par les couples les plus « modernes », soit qu'ils soient jeunes, soit qu'il s'agisse de remariage, quand la femme est diplômée, active, qui se rapprochent donc par là des couples non mariés. □

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