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Controverses autour d’une publication Travail de fin d’études en vue de l’obtention du grade d’architecte Sophie Bogaert Promoteur : Jean-Didier Bergilez Année académique 2008 - 2009
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Controverses autour d’une publication

Travail de fin d’études en vue de l’obtention du grade d’architecteSophie Bogaert

Promoteur : Jean-Didier BergilezAnnée académique 2008 - 2009

« Ce qui importe, c’est moins le produit de la conception, à savoir le bâtiment construit, mais plutôt l’étude du processus global qui y conduit et ses implications sur notre manière d’appréhender l’oeuvre »1

IntroductIon

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1 GAFF Hervé, Qu’est-ce qu’une œuvre architecturale ?, éditions Vrin, France, 2007, p 8.

2 JEncKS charles , «At the edge of Post-modernism : some methods, paradigms ad principles for architecture at the end of the modern movement», Architectural design, 4/77.

1. Learning from Las Vegas, avec jacquette, 1ere edition (MIT Press), 1972.

2. Learning from Las Vegas, sans jacquette, 1ere edition (MIT Press), 1972.

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Intuitions

Au sein de l’histoire de la critique architecturale, on peut caractériser les années 1970 comme une période d’effervescence d’un espace dédié à la théorie, aux débats et aux publications.

«Indubitablement, de nombreux architectes sont aujourd’hui déçus par le modernisme, tout comme le public, et un nouveau paradigme, ou théorie, commence à se former. Ce paradigme est encore défini de manière imprécise et ne fait pas encore l’objet d’un large consensus, mais les grandes lignes de ce qu’il est en train de devenir sont claires, en particulier pour la prochaine génération d’architectes actuellement dans leur trentaine. Les cinq prochaines années promettent d’être extrêmement intéressantes pour les architectes - alors que le paradigme prend forme - mais aussi probablement confuses et incertaines.»2

notre connaissance relative de la production de cette époque discriminée, le caractère éphémère et ardu de ses documents et témoignages pourtant pertinents furent à l’origine de notre intuition de l’intérêt d’un retour sur les préoccupations propres aux années 1970.

nous aborderons cette thématique avec pour objet d’étude la fortune critique d’une production architecturale emblématique de l’époque: Learning from Las Vegas (LLV). nous nous intéresserons à la publication d’une part et à la réception publique de l’ouvrage d’autre part, celles-ci étant révélatrices de l’évolution du rôle accordé à la théorie en architecture. Quelles traces restent-ils du processus de construction du livre et comment l’ouvrage a-t-il retenti?

La publication, Learning from Las Vegas, co-écrite par robert Venturi, denis Scott Brown et Steven Izenour (VSBI) fut publiée par la MIt Press en 1972. La deuxième édition de l’ouvrage, Learning from Las Vegas, The Forgotten Symbolism of Architectural Form, éditée par la même maison d’édition, parut en 1978 et fut traduite ensuite dans de nombreuses langues. Parmi ces versions étrangères, nous pouvons recenser les suivantes: la version française, L’enseignement de Las Vegas, aux éditions Mardaga (Liège) en 1977, épuisée et rééditée en 2008; la traduction japonaise publiée en 1978 ainsi que la version espagnole qui, au même titre que la version française, sera rééditée en 1998; la version germanophone, publiée en 1979 et réimprimé en 2000; la version italienne en 1985; la serbo-croate en 1988,la turque en 1993; la chinoise en 2005, et la portugaise et l’hébraïque dans les années qui suivirent. Au sein de notre étude, nous appuierons la majorité de notre argumentation sur la première édition américaine Learning from Las Vegas, la seconde édition, Learning from Las Vegas, The Forgotten Symbolism of Architectural Form ainsi que sur sa traduction française, L’enseignement de Las Vegas.nous avons pris connaissance de la valeur de l’histoire et de la critique architecturale au cours de notre enseignement guidé par un laboratoire de

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3. Learning from Las Vegas, revised edition, 2eme edition (MIT Press), 1977.

3 JAuSS Hans robert, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978.

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recherches nommé Htc (Histoire, théorie et critique).Au cours de cette année, nos projets de recherches, alliant un intérêt historique et une sensibilité aux débats actuels, s’articulaient autour d’une thématique proposée, «Seventies reconsidered». nous avons donc eu l’occasion d’interroger la discipline au travers de rencontres, séminaires, visites et de travaux de recherches afin d’en obtenir un panorama général... L’intuition de notre étude repose sur cet apprentissage.

Méthodologie

cette exploration sera présentée par le biais d’un recueil d’articles, de fragments de livres, de conférences, d’expositions, etc... échelonnés sur une dizaine d’années consécutives, depuis les préludes de l’ouvrage jusqu’à la parution de son édition réactualisée en 1977, afin de rendre compte de la «petite» et de la «grande» histoire de cette publication, et de révéler les prémices et les conditions de sa construction qui en ont fait une bible architecturale.ces documents rassemblés, de pertinence variable et de ton changeant, oscilleront de l’article du journaliste au caractère documentaire, à l’essai d’auteurs de renommée et constitueront la matière première autour de laquelle notre étude se déploiera. nous tenterons donc au travers de nos références de nous limiter temporellement à cette période de foisonnement.

notre volonté de rapporter des controverses, qu’elles soient politiques, artistiques ou autres offre un caractère ciblé à notre étude. notre recherche s’appuie sur des documents dont elle choisit de rendre compte indépendamment de l’épaisseur historique qui les sépare. Il est nécessaire de se placer dans cette posture en jetant un regard objectif sur les diverses productions. dans son ouvrage, Pour une esthétique de la réception, le professeur allemand Hans robert Jauss proposait de considérer l’histoire de la littérature comme une histoire de la réception des textes, avec la notion d’horizon d’attente. Il écrivit notamment que «le caractère proprement artistique d’une œuvre se mesure à l’écart esthétique qui la sépare, à son apparition, de l’attente de son premier public.» Et qu’il s’ensuit que «cet écart, qui, impliquant une nouvelle manière de voir, est éprouvé d’abord comme source de plaisir ou d’étonnement et de perplexité, peut s’effacer pour les lecteurs ultérieurs à mesure que la négativité originelle de l’œuvre s’est changée en évidence, et, devenue objet familier de l’attente, s’est intégrée à son tour à l’horizon de l’expérience esthétique à venir.»3

nous étudierons Learning From Las Vegas par le biais de sa réception. L’ouvrage sera envisagé en tant que construction sociale (et non intellectuelle) inscrite dans un cadre socio-historique général.Influencés par les lectures de la sociologue de l’art Nathalie Heinich, nous adopterons une approche teinté de méthodes sociologiques et nous attacherons à décrire la construction des faits par les acteurs eux-mêmes, plutôt qu’évoquer

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4. L’enseignement de Las Vegas ou le Symbolisme Oublié de la Forme Archi-tecturale, Mardaga, Liege, 1977.

5. L’enseignement de Las Vegas, Mardaga, Liege, 1987.

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les propriétés esthétiques propres à l’oeuvre. nous prendrons pour objet de recherche, et non pour objet critique, les différentes valeurs défendues. Plutôt que de valider ou d’invalider certaines postures, il s’agira de comprendre comment les acteurs les construisent, les justifient et les mettent en oeuvre dans leurs discours et dans leurs actes.nous nous abstiendrons de réduire l’expérience à une vérité unique en s’affranchissant des fonctions normatives qui constitueraient de faire du général la norme et de l’individuel le produit d’un ensemble de déterminations et la restitueront plutôt dans son hétérogénéité. L’exigence d’une description pluraliste implique l’abandon de postures de dénonciation, d’admiration prônant d’avantage une impartialité maximum.

Les limites évidentes d’un tel travail sont à noter:Il nous incombe la tâche délicate de rendre compte des jugements émis par une presse internationale à une époque révolue. Premièrement, nous rencontrons surtout dans une presse non spécialisée, un grand nombre d’instruments de communication. La thématique de l’oeuvre, sa représentation graphique, ses références,... sont des aspects qui ont suscité beaucoup d’articles, de débats, et d’interviews (avant, pendant et après sa publication), et sont devenus des références communes, invoquées fréquemment et, de surcroît, dans des contextes forts différents. nous ne pouvons plus parler d’une réception du public en général mais «des» publics. nous devons ainsi abandonner un point de vue globalisant sur «Le» public d’architecture et s’intéresser à «un» public d’architecure socialement différencié. Ainsi pour satisfaire à l’exigence de neutralité que définit notre propre travail, nous tenterons d’accorder la même attention aux productions mineures qu’aux grandes oeuvres, qui ont dans le cadre de notre étude une légitimité égale, et ce, sans finalité de démystification. De plus quelques problèmes linguistiques se posent; et enfin, nous ne pourrions pas composer et analyser la liste exhaustive de ces critiques émises au cours de cette dizaine d’années consécutives, l’ampleur de la tâche dépasserait de très loin les limites de cette étude.Il convient donc de considérer cette contribution comme une discussion d’un certain nombre de faits, puisés dans un certain nombre d’ouvrages. nous pensons toutefois avoir réuni suffisamment d’informations afin de parvenir à tisser les liens étroits souhaités.

nous prônons une objectivité maximum au travers de notre étude, toutefois, au risque de paraître trop naïfs, il est nécessaire d’assumer notre part d’interprétation de l’histoire par notre connaissance relative et notre choix assumé des références citées.

Les textes référés furent retranscrits, dans un premier temps, tels qu’ils avaient été publiés initialement, ensuite un travail assidu et minutieux de traduction fut opéré afin d’offrir une meilleure homogénéité du travail et d’en permettre une lisibilité fluide.

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6. Aprendiendo de Las Vegas, El Simbolismo Olvidado de la Forma Ar-quitectonica, Espagnol, Gustavo Gili Editorial S.A, 1978.

7. Apremdendo com Las Vegas, Portugais/Bresil, São Paulo, Cosac e Naify, 2003.

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ce recueil ne porte pas en lui la prétention de se vouloir englobant ni d’être l’exposé d’une thèse. C’est une recherche, une analyse, un témoignage, d’un événement des plus marquants de la scène architecturale des années 1970.un mémoire, un récit objectif tentant de ne porter aucun jugement mais rendant compte d’opinions s’avérant contrastées, à la fois dans leur approche, leur style, et au travers du public auquel elles s’adressaient.

DéveloppementL’étude de ce processus de construction et de réception de l’oeuvre s’échelonnera autour de quatre thématiques controversées relativement autonomes qui constituent des clés de lecture face à la multiplicité de la production de l’époque.

Premièrement, dans controVErSE 1 : Las Vegas comme modèle, nous tenterons de comprendre l’origine d’une telle étude. nous reviendrons sur les intuitions des auteurs quant à l’intérêt qu’ils portent à l’évolution du paysage suburbain de bord de route de Las Vegas (le Strip). Pour cela, nous recontextualiserons au travers d’articles d’une presse internationale spécialisée dans un premier temps, l’époque d’après guerre caractérisée par un développement massif des besoins liés à l’automobile et un rejet général face au chaos visuel du paysage suburbain américain. Nous analyserons ensuite, par le biais de contributions d’auteurs tels que Kevin Lynch, la remise en question du discours urbanistique et l’interrogation quant à ce nouveau phénomène nommé l’extension urbaine et l’image qu’il renvoie. Enfin, nous citerons différentes figures architecturales qui comme VSBI considèrent la ville de Vegas comme modèle des villes futures afin de compléter le panorama de cette polémique naissante.

La deuxième thématique, controVErSE 2 : Las Vegas, la construction d’une image, revient sur le processus de construction de LLV qui demeure dissimulé voire mystérieux au regard de la plupart des lecteurs. Nous n’en connaissons que le résultat final, la deuxième édition, Learning from Las Vegas, The Forgotten Symbolism of Architectural Form ou sa traduction française. Afin de rendre compte de l’évolution de cette oeuvre et des différentes productions par lesquelles sont passés les Venturi pour théoriser leur conception de l’archétype de la rue commerçante, nous reviendrons sur chacune d’entre-elles. cette exploration reposera sur des archives et témoignages de chacune des éditions et s’appuiera aussi sur certaines publications contemporaines.nous reviendrons initialement sur le studio Learning from Las Vegas et la volonté du corps professoral de le développer comme un nouvel outil pour l’enseignement architectural ainsi que sur la réception publique de cet événement au sein d’une presse locale et dans le milieu architectural.Ensuite, nous tenterons de mettre en exergue les spécificités de chacune des deux éditions par une «dissection» de leur espace interne respectif. nous reviendrons sur les conflits idéologiques établis entre les auteurs et leur graphiste

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8. Las Vegas’ın Ögrettikleri: Mimari Biçimin Unutulan Simgeselligi, Turc, Serpil Merzi Özaloglu, Istanbul, 1993.

9. Lernen von Las Vegas: Zur Ikonographie und Architektursymbolik

der Geschäftsstadt, Allemand, 1979.

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par l’intermédiaire du recensement partiel d’une correspondance assidue récemment publiée entre les auteurs du livre et la maison d’édition.

La troisième thématique, controVErSE 3 : Las Vegas ou les enseignements du Pop Art, sera initiée par la mise en exergue des affinités de chacun des Venturi avec une culture populaire, par le biais d’articles et d’essais de leur plume, de leurs partisans ou de leurs opposants. Il est intéressant d’observer comment la culture Pop peut faciliter la compréhension de l’idéologie des Venturi. nous reviendrons donc sur les relations existantes entre la scène artistique Pop de l’époque et leur travail en nous référant ici à la presse nationale quotidienne relatant l’exposition Signs of Life: Symbols in the American city. nous verrons comment la médiatisation de l’événement est révélatrice de la volonté des auteurs de placer leur travail à la portée de chacun.

Afin de réaliser l’ampleur de la diffusion de la publication, nous étudierons dans cette dernière partie, controVErSE 4 : Las Vegas ou les limites du discours, son impact au sein du débat architectural et urbain européen de l’époque. nous verrons, au travers d’une revue architecturale critique des années 1970 en marge avec le discours révolutionnaire des Venturi et par le biais d’autres témoignages que le débat s’était cristallisé autour de deux tendances opposées - élitiste-populiste- interrogeant les limites de la philosophie venturienne.Finalement, nous clôturerons les débats par un bref aperçu des accusations d’initiateur d’un nouveau tournant architectural auxquelles font face les Venturi. L’objectif n’étant ni de prendre parti, ni d’alimenter les débats et querelles incessants, nous tenterons «juste» de compléter notre étude en rendant compte de la dimension polémique à laquelle participe LLV.

En organisant le travail en quatre parties principales, l’objectif est donc de rendre compte des multiples aspects que présente l’ouvrage dans toute la complexité de sa réception.

rEcEnSEMEnt

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1 VEnturI robert, Scott BroWn denise, « A significance for A&P Parking lots », in Architectural forum, mai 1968. (Paru dans Lotus, 1968, p. 70-91; dans theorizing a new Agenda for Architecture: An Anthology of Architectural Theory 1965 - 1995, Kate Nesbitt, New York: Princeton Architectural Press, 1996, p308-322; dans Time-Saver Standards for Urban Design, 2003, p. 3.6-1-3.6-12. traduction allemande dans Werk, Avril 1969, p. 256-266.

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nous avons pu recenser dans la presse écrite une série de commentaires et d’interprétations, le plus souvent critiques, consacrés à la publication LLV publiés entre 1968 et 1977. cette limite temporelle s’étend depuis la première apparition sur la scène architecturale de LLV encore sous la forme d’un article «A significance for A&P Parking lots, or Learning from Las Vegas»1 publié dans la revue Architectural Forum jusqu’à l’année de parution de la deuxième édition, Learning from Las Vegas, The Forgotten Symbolism of Architectural Form.Nous nous proposons ici d’en faire une liste exhaustive afin de prendre conscience de l’ampleur de la réception critique de l’ouvrage, sans égal pour une publication architecturale, et de la diversité des documents rassemblés. Tous les documents repris n’auront pas obligatoirement fait l’objet d’une analyse complète. Les articles que nous n’avons pu nous procurer seront signalés par une police plus claire.Nous classerons ce catalogue de témoignages dans un ordre chronologique afin de mettre en avant les quelques périodes propices à un déferlement d’articles comme l’année de parution de l’ouvrage ou celle de l’exposition de leur travail.

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controVErSE 1 Las Vegas comme modèle

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1 Scott BroWn denise, dans Particular Passions: Talks with Women Who Have Shaped Our Times, Gilbert Lynn, Moore Gaylen, (New-York: C.N. Potter,1981) p.310. (traduction de l’auteur)

2 Id. (traduction de l’auteur)

3 WoLFE tom, « Las Vegas (What ?) Las Vegas (Can’t Hear You ! Too Noisy) Las Vegas !!! » dans The Kandy-Kolored Tangerine-Flake Streamline Baby, 1965, London : Jonathan cape, 1996). Traduction inspirée de Didelon Valéry, «Learning from camp», dans Architecture et réflexivité. Une discipline en régime d’incertitude, Les Cahiers de la Cambre n°5, Bergilez JD, Guisse S., Guyaux Mc, La Lettre volée / La cambre Architecture, Bruxelles, 2008.

4 Voir le récit qu’en fait Scott BroWn denise, «Some Ideas and Their History» dans Architecture as Signs and Systems, for a Mannierist Time, Venturi r., Scott Brown d., London, Belknap Press, 2004, p. 105-108. (traduction de l’auteur)

5 Scott BroWn denise, « Learning from Brutalism » dans The independent Group : postwar britain and the aesthetics of plenty, cambridge, the MIt Press, 1990. traduction: voire Didelon Valéry, «Learning from Camp», dans Architecture et réflexivité. Une discipline en régime d’incertitude, Les Cahiers de la Cambre n°5, Bergilez JD, Guisse S., Guyaux MC, La Lettre volée / La cambre Architecture, Bruxelles, 2008.

6 KAHn Louis, op cit, note 4. (traduction de l’auteur)

7 op cit, note 4. (traduction de l’auteur)

«Etourdis par le soleil du désert et éblouis par les enseignes, à la fois aimant et détestant ce que nous voyions, nous fûmes tous deux violemment ébranlés dans nos croyances esthétiques.»1

1. «Inside the car,» Robert Venturi et Denise Scott Brown, Las Vegas, 1968.

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Sin city, l’intuition des Venturi

En 1966, robert Venturi et denise Scott Brown louèrent une voiture (depuis Los Angeles) pour parcourir le désert du nevada et partir à la rencontre de la «Néon City», uS route 91, Las Vegas.comme l’avait prédit denise Scott Brown, «L’assaut sensoriel total du Strip produit l’effet d’une épiphanie aux inflexions orgasmique.»2 Le couple avait été préparé à ce qui les attendait sur le Strip par le compte-rendu enthousiaste et prometteur qu’en avait fait l’écrivain américain tom Wolfe dans son essai The Kandy-Kolored Tangerine-Flake Streamline Baby (1965): «Longtemps après que l’influence de Las Vegas comme paradis du jeu se sera éteinte, les formes et les symboles de Las Vegas influenceront la vie américaine. Cette ligne d’horizon fantastique! La lumière des néons et des projecteurs, jaillissant, tourbillonnant, fusant et éclatant dans des explosions de lumière hautes de dix étages en plein milieu du désert constitue déjà le design courant du paysage américain hors des vieux quartiers des vieilles villes. Ils sont partout, dans chaque banlieue, chaque lotissement, le long de chaque autoroute... en cela ils sont les nouveaux carrefours, les enseignes spiralées des stations-service. Ils sont les nouveaux points de repère de l’Amérique, les nouveaux poteaux indicateurs, la nouvelle manière dont les Américains s’orientent.» 3

denise Scott Brown est à l’origine de l’engouement des Venturi pour le Strip Las Vegas. A cette époque, elle approchait déjà d’un oeil averti l’archétype du paysage américain. Née et élevée en Afrique du sud, ce panorama lui rappelait son expérience: une société multiculturelle populaire et vivace, celle des Africains, indûment obscurcie par la culture dominante et aristocratique anglaise. «Ma vue est une vue africaine de Las Vegas.»4

Architecte urbaniste de formation, denise Scott Brown étudia à l’Architectural Association School de Londres où elle fut influencée par les architectes Alison et Peter Smithson et leur mouvement « nouveau Brutalisme» que le Strip de Las Vegas évoquait en elle. «Leur charisme résidait, je pense, dans la combinaison de l’esthétique dadaïste de l’objet trouvé,et le souci du progrès social. Pour moi, cet équilibre était extrêmement important. Je croyais, et je crois toujours, que la beauté (bien qu’angoissante) peut découler de la réalité la plus dure, et que faire face aux faits déplaisants peut aiguiser le regard et affiner notre sensibilité esthétique. Le Nouveau Brutalisme me fait penser que les objectifs sociaux peuvent être atteints par la beauté, si seulement nous pouvions apprendre à élargir notre définition de la beauté.»5

Après avoir quitté Londres; elle emménagea à Philadelphia avec son premier mari, robert Scott Brown, dans un premier temps pour étudier avec Louis Kahn, et ensuite pour enseigner à l’université de Philadelphie. de cet apprentissage elle retint les mots suivants «Vous le détestez, vous le détestez, et vous le détestez jusqu’à ce que vous l’aimiez, parce que c’est comme cela que ça doit être.»6 ce qui signifiait pour elle, «Penser avant de juger.»7

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8 VEnturI robert, Scott BroWn denise, IZEnour Steven, «Learning from Las Vegas», cambridge, Mass: MIt Press, 1972.

9 op cit, note 4. (traduction de l’auteur)

10 VEnturI robert, De L’Ambiguité en Architecture, 2ième édition, Paris, dunod, 1999.

1ère édition: Complexity and Contradiction in Architecture, New York: Museum of Modern Art and Graham Foundation, 1966. (traduit en Japonais, 1969; espagnol, 1972; français, 1976, 1996 -- 2 editions; Serbo-croate, 1983;allemand; grecque; italien; chinois; hongrois; tchèque, 2001/2003 (Samizdat); russe; turque; portugais; coréen, 2004; polonais; urdu; perse; Finnois, 2006)

11 Il faut noter la formation universitaire américaine (Princeton) de robert Venturi ainsi que son apprentissage approfondi des grandes œuvres du patrimoine architectural maniériste et baroque à l’Académie américaine de rome. L’enseignement des Venturi diffèrent donc de par leurs contextes et leurs affinités.

12 VEnturI robert, Scott BroWn denise, « A significance for A&P Parking lots », in Architectural forum, mai 1968.

(Paru dans Lotus, 1968, p. 70-91; dans theorizing a New Agenda for Architecture: An Anthology of Architectural Theory 1965 - 1995, Kate Nesbitt, New York: Princeton Architectural Press, 1996, p308-322; dans Time-Saver Standards for Urban Design, 2003, p. 3.6-1-3.6-12. traduction allemande dans Werk, Avril 1969, p. 256-266.

13 Scott BroWn d., «Learning from Brutalism » dans The independent Group : postwar britain and the aesthetics of plenty, cambridge, the MIt Press, 1990.

3. «Approaching New York», SCOTT BROWN Denise, New York, 1959.

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Lors de son arrivée aux Etats-unis, elle réalisa un grand nombre de clichés du nouveau paysage urbain et architectural qui l’entourait. La photographie la plus connue, datant de 1959, représente la vue du paysage suburbain d’un automobiliste arrivant à New York «Approaching New York» (fig. 2) et fut un élément déterminant pour la conception future de la publication Learning from Las Vegas (LLV)8. «Longtemps avant de visiter Las Vegas, je photographiais déjà la culture populaire, les paysages communs et leur signalétique, en Afrique, en Europe et en Angleterre.»9 Son intérêt grandissant pour les villes «automobiles» de la côte sud-ouest la conduisit à Las Vegas en avril 1965 lors de son voyage vers la Californie pour rejoindre son poste d’enseignante à L’Université de Californie à Berkeley. Sur sa route, elle s’arrêta dans de nombreuses villes comme Austin, Houston, dallas ou Phoenix afin d’analyser le paysage contemporain. Une année plus tard, en novembre 1966, elle invita son collègue, robert Venturi, lui aussi intrigué par le paysage ordinaire de l’Amérique urbaine, à participer à ses expéditions dans la ville du désert. La même année, il concrétisa son essai Complexity and Contradiction in Architecture10 qui lança sa célèbre phrase provocatrice «Main Street n’est-elle pas parfaite?» illustrée par une photographie d’une route commerciale américaine typique.11

Leur journée d’expédition se conclura par deux volontés: premièrement, celle de publier la synthèse de leurs intuitions en un essai, qui se concrétisera en 1968 par un article «A significance for A&P Parking lots, or Learning from Las Vegas»12 publié dans la revue Architectural Forum accompagné de photographies prises par Denise Scott Brown lors de leur voyage. Ce texte anticipera la parution de LLV. A posteriori, denise Scott Brown écrira «notre collaboration ultérieure a fonctionné parce que nous portons tous deux un regard iconoclaste sur l’esthétique - nous aimons les mêmes choses «laides» - et nous pensons tous deux que briser les règles ne doit pas être prémédité, mais basé sur les demandes de la réalité.»13

deuxièmement, celle de faire du Strip de Las Vegas, l’objet d’une étude dans le cadre de l’éducation architecturale contemporaine. En 1968, le studio Learning from Las Vegas, ou l’Analyse Formelle en tant que Recherche du Design débute sous la tutelle de robert Venturi, denise Scott Brown et l’assistant, Steve Izenour à l’Ecole d’Art et d’Architecture de l’Université de Yale, dans l’idée de proposer aux étudiants une nouvelle approche de l’enseignement architectural. denise Scott Brown adopte l’idée d’établir un lien entre les sciences, le design architectural et l’enseignement, une combinaison déjà expérimentée lors de son poste d’enseignante à l’université de Pennsylvanie au début des années 1960.

Viva Las Vegas

Lorsque robert Venturi et denise Scott Brown décidèrent de s’intéresser à Las Vegas, l’image populaire que la ville du pêché avait d’elle-même allait à l’encontre de celle qu’avait le reste du pays. Fondée officiellement le 15 mai 1905 dans le désert de Mojave comme une petite «Ville-étape de chemin de fer», Las Vegas

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14 Le Flamingo, construit en 1946, est l’un des premiers hotels-casinos de la ville suivi par le Desert Inn (1950), le Binion’s(1951), le Sahara (1952), l’Hacienda(1956) ou le Tropicana(1957) ; le Mirage devient en 1989 le premier vrai complexe hôtelier à Las Vegas.

15 notons que tom Wolfe a évolué dans un contexte américain en étudiant à l’université de Yale (les American Studies) dans les années 1950 puis en publiant divers articles souvent controversés pour le Washington Post et le new York Herald Tribune. Par sa publication, il fut à l’origine de ce qu’on a appelé «le nouveau Journalisme» aux États-unis, caractérisé par des mises en scènes et en situation ou encore une retranscription de dialogues complets.

16 op cit. note 3.

17 La politique éditoriale de l’Architectural Review a pu servir d’exemple à de nombreux égards. L’idée d’un projet éditorial, porté par des personnes reconnues et convaincues, l’apport du photojournalisme, agissant comme un catalyseur du rôle du visuel dans les publications, la fonction grandissante du visuel dans la construction du domaine de savoir qu’est l’urbanisme et l’aménagement, la volonté d’en appeler à l’opinion, d’instaurer un débat public sont autant de traits que l’on retrouve dans la diffusion de la notion de paysage urbain, dans le contexte culturel de la France qui fera irruption dans le champ de l’urbanisme au milieu des années 1960 seulement, au sein de la revue urbanisme, organe officiel de l’urbanisme. Elle diffusera dans le milieu du paysagisme qui aborde alors une nouvelle phase de construction de son identité professionnelle, en se dotant, entre autres, d’une revue, Espaces verts (1964-1982), dont un des objectifs est de promouvoir l’implication des paysagistes dans l’urbanisme et l’aménagement ainsi que de débattre plus largement de la place et du rôle du paysage.

18 tunnArd christopher, «Man Made America», Architectural Review, numéro spécial(n°648), 1950.

19 Id. (traduction de l’auteur)

20 Townscape (1949), The Functional Tradition (1950, 1957), Outrage (1955), Counter Attack (1956), The Italian Townscape (1962), Manplan (1969) et Civilia (1971). chaque campagne est portée par un numéro spécifique, sous la responsabilité d’un « éditeur », puis se poursuit dans des articles postérieurs, donnant lieu éventuellement à une rubrique, qui en développent les thèses. certains numéros spéciaux de la revue ont été repris sous la forme de livres publiés par l’Architectural Press qui ont acquis une notoriété certaine.

4. Anciennes photos de Las Vegas: Las Vegas en 1905, Vue de Fremont Street en 1910, Vue plongeante sur Fremont Street dans les Années 1940 et dans les Années 1960.Learning from Las Vegas, 1ere edition, 1972.

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devint rapidement dès les années 1930, la ville du jeu et du divertissement dans l’imaginaire collectif américain (fig. 3). A une époque où le pouvoir d’achat augmentait et l’hégémonie de l’automobile prenait place, les premiers hôtels-casinos14 clinquants ouvrirent leurs portes dans le centre-ville et le long du Strip. Parallèlement, les premières descriptions de la ville dans la littérature alertèrent le monde sur la nature de cette ville du vice et du crime organisé. tom Wolfe15, dans son essai The Kandy-Kolored Tangerine-Flake Streamline Baby vantant, pour sa part, les mérites de la «ville du pêché», associa sa vitalité à son origine pervertie : «Las Vegas se trouve avoir été créée après la guerre, par des gangsters. Des gangsters qui se trouvaient avant tout être sans éducation (…)mais plutôt dans le sens non aristocratique, hors de la tradition aristocratique(…) les premiers prolos américains, petits bourgeois, sans éducation, qui avaient assez d’argent pour construire un monument conforme à leur style de vie.»16 Le film, en tant que vecteur d’imagerie populaire par excellence, bien plus que la presse, était aussi un moyen exceptionnel de créer et de communiquer une image de Las Vegas à l’inconscient collectif. on retiendra la comédie musicale de George Sidwell en 1964, Viva Las Vegas où la ville fut consacrée à la culture pop et qui permit de présenter l’esthétique spectaculaire des éclairages nocturne du Strip et de Fremont Street. Plus qu’aucun autre film, Viva Las Vegas a amplifié la force de séduction de l’architecture lumineuse de Las Vegas et a, par conséquent, créé l’image traditionnelle de la ville dans la perception populaire des années soixante.

Man Made America: la scène américaine mise en discours

durant la période d’après-guerre, (en réaction aux destructions massives et face à l’apparition d’une conscience patrimoniale) le paysage urbain que VSBI glorifient dans leur publication, fut sévèrement critiqué et déconsidéré. La prolifération de panneaux d’affichages en relation directe avec l’hégémonie montante de l’automobile engendra de nombreuses réactions. Les premières critiques apparurent dans la presse européenne spécialisée, par le biais de la revue anglaise, Architectural Review17 (AR) qui publia un numéro spécial intitulé «Man Made America»18 en décembre 1950 (fig. 6, 7), consacré exclusivement à la scène américaine et argumentant leur revendication par l’illustration de la ville américaine contemporaine réelle et leur conception de ce qu’elle devait être. «L’objectif de ce numéro est d’armer le public en lui donnant des arguments contre les mauvaises manières de faire et en lui fournissant des exemples des bonnes méthodes.»19 une rhétorique visuelle persuasive visant le grand public. Pour instaurer et faire adopter ce modèle d’intervention, la revue développa plusieurs campagnes thématiques durant la période 1949-1971.20

Dès l’introduction, le ton est donné: le paysage du bord de route est qualifié de «fouillis» indescriptible d’objets disparates, hypermarchés, cinémas en plein air, stations-essence, motels, poteaux télégraphiques, lampadaires, annonces publicitaires, néons, enseignes lumineuses, etc.

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21 L’allusion n’est pas explicite mais on peut s’imaginer qu’il s’agit du concept du «townscape» exposé en 1949 dans la même revue par Gordon cullen et lvor de Wolfes. «Revendiquant comme source d’inspiration l’école pittoresque anglaise du paysage, le townscape recherche, par l’exploitation des facultés du regard et l’analyse de séquences visuelles - correspondant pour la plupart aux points de vue d’un piéton qui se promène dans un cadre historique - à créer une organisation cohérente à partir de l’extrême variété des éléments constitutifs du paysage urbain.» Marchand Bruno, «Le regard», Matière 3, 1999.

22 «What City Pattern?», Architectural Forum 105, n°3, septembre 1956, p. 103-107.

23 cf Philip Morris, «Architect casts Vote for BIGGER Billboards», Oklahoma Journal, 10 novembre 1967 dans Las Vegas Studio: Images from the Archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown, publié par Verlag Scheidegger & Spiess AG, Zurich, en collaboration avec le Musée de Bellpark, Kriens, 2009.

24 op. cit note 12.

25 BLAKE Peter, God’s Own Junkyard, «The planned deterioration of America’s landscape», n-Y: Holt, rinehart and Winston,1964.

26 VENTURI Robert, Complexity and Contradiction in Architecture, M.I.t Press, 1966.

5. «Periphery to Shore,» Man Made America, Architectural Review, décembre 1950.

6. «Highway,» Man Made America, Architectural Review, décembre 1950.

7. «Canal Street,» photo de Wallace Litwin, paru dans God’s Own Junkyard de Peter Blake en 1961.

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Pour les rédacteurs de l’AR, la question était de savoir si la société américaine allait favoriser une politique de laisser faire et accepter l’installation d’un chaos visuel incontrôlable ou si, au contraire, elle se donnerait les moyens de contrôler le développement de l’environnement, par la mise en place d’une instrumentation légale adéquate.21 L’inquiétude primait, étreignant les Européens devant un paysage américain de plus en plus perçu comme l’image même d’un avenir commun.dans la même lignée, la revue américaine Architectural Forum publia un article dans un numéro spécial en septembre 1956 en interrogeant «By 1976 What City Pattern?»22. Ces publications reflètent l’état d’esprit général de l’époque caractérisé par des demandes politiques de régulation des panneaux d’affichages des grand-routes dans les centres villes débouchant sur le «Highway Beautification Act» en 1965.Learning From Las Vegas constitue une réponse à ce type de publications. Les auteurs proposèrent d’ailleurs, probablement avec ironie, «qu’un Comité de préservation des panneaux d’affichage»23 soit fondé en 1967, projet directement lié à la rédaction des prémices de LLV, l’article «A Significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas»24paru en mars 1968.

La publication polémique et engagée, God’s Own Junkyard de Peter Blake25

(1964) (fig. 6) dénonçant la détérioration planifiée du paysage américain fut aussi à l’origine de cette «campagne» et sûrement celle de LLV. Son succès médiatique est dû, pour beaucoup, à la force suggestive d’une iconographie contrastée entre de bons et de mauvais exemples. robert Venturi répondra à cette comparaison tendancieuse entre le chaos de la rue commerçante “Main Street” et la vue idyllique de la cour de l’Université de Virginie dans les derniers paragraphes de sa publication De L’Ambiguité en Architecture publiée en 1966 où il pose la question suivante: «mis à part le fait que cette comparaison manque d’à propos, Main Street n’est-elle pas presque parfaite? Le déroulement commercial de la Route 66 n’est-il pas presque parfait? (...) Quel léger changement du contexte les rendra parfaits? Peut-être un meilleur contrôle des panneaux publicitaires.»26 Cette interrogation anticipait l’analyse de Las Vegas que Robert Venturi et denise Scott Brown avaient à cette époque déjà abordée. Le contraste entre ces deux publications (Blake et Venturi) est évident d’autant que VSBI adoptent dans leur théorie le Canard le long de la route de Long Island que Blake décrit déjà dans son ouvrage. ces publications, certes importantes pour la perception des mutations paysagères occasionnées par la démocratisation de la voiture, n’ouvrent pourtant aucune nouvelle perspective pour une autre compréhension de ces faits.La recherche sur le paysage du bord de route va connaître une deuxième impulsion avec la publication, dès le milieu des années 1960, d’une série d’études qui, tout en adoptant une même approche visuelle et esthétique, ouvre néanmoins d’autres voies d’exploration. ces travaux, de nature académique, persistent à accorder aux réseaux (auto)routiers une valeur positive pour l’aménagement du territoire et s’intéressent tout particulièrement à la nouvelle perception de

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27 SCOTT BROWN Denise, “Learning from Pop,” Casabella, 359-360, Mai/Juin 1971, p.15-23.

28 LYncH Kevin, The Image of the City, cambridge, Mass., MIt Press 1960, p. 2 (traduction de l’auteur)

29 Ibid p. 92 (traduction de l’auteur)

30 PASSonnEAu Joseph r., SAuL WurMAn richard, Urban Atlas : 20 American Cities : A Communication Study Notating Selected Urban Data at a Scale of 1 :48,000, 1966, MIt Press

31 SCOTT BROWN Denise “Mapping the City: Symbols and Systems,” Landscape 17, printemps 1968, p. 22-25. (review of Passoneau and Wurman, urban Atlas).

32 Ibid., 22. (traduction de l’auteur)

33 Ibid., 23. (traduction de l’auteur)

8. The Image of the City, Kevin Lynch, MIT Press, Cambridge, Mass., 1960.

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l’espace engendrée par le mouvement. Mais surtout, ils se caractérisent par la prise en compte d’une plus grande complexité des phénomènes et par le fait qu’ils font appel, dans leurs analyses, à des instruments issus d’autres disciplines, comme la sociologie, la psychologie, la linguistique et parfois même la littérature ou le cinéma.A cette époque, une des questions fondamentales du discours urbaniste interroge l’image de la ville contemporaine: comment l’expansion peut-elle créer des villes cohérentes (unitaires) et quelles images peuvent renvoyer ces dernières?VSBI, pour répondre à ces interrogations, s’intéressent plus spécialement au Strip qu’ils considèrent comme la représentation parfaite de cette expansion urbaine. Leur approche ambivalente, est à la fois analytique, concernée par une documentation du caractère visuel spécifique, et s’interroge d’un point de vue esthétique sur les signes que produisent le Strip. Ils utilisèrent premièrement les outils médiatiques populaires (photographies, films), méthode que Denise Scott Brown commentera par la suite dans son article «Learning from Pop»27: «Il faut utiliser le film et la cassette video afin de transmettre le dynamisme de l’architecture des enseignes et l’expérience séquentielle/chronologique de paysages immenses.»

Kevin Lynch, dans sa publication Image of The City parue en 1960 (fig. 8), fut le premier à préconiser une approche de la planification urbaine suivant la représentation mentale que les visiteurs se constituent après avoir traversé les villes existantes (dans ce cas-ci, Los Angeles et ...). Il définit «la qualité visuelle de la ville américaine en étudiant l’image mentale que s’en font ses habitants.»28 Avant tout, la ville doit être «visuellement organisée et aisément identifiable» pour qu’une représentation mentale complète puisse apparaître. Et c’est seulement à ce moment-là que le résident de la ville peut lui donner «une signification et des connections qui lui soient propres», et, par là, donner une «signification au lieu.»29

dans la même lignée, denise Scott Brown s’inspirera aussi de la publication parue en 1966 Urban Atlas: 20 American Cities: A Communication Study Notating Selected Urban Data at a scale 1:4800030, une collection de cartes juxtaposées accompagnées de données statistiques sur la distribution des revenus et de la densité de population, qu’elle analysera en 1968 dans son article «Mapping the City : Symbols and Systems» paru dans la revue Landscape.31 Elle écrira: «une représentation graphique des phénomènes urbains permet aux personnes ayant un esprit visuel de percevoir et de comprendre les relations complexes mais organisées existant au sein d’une ville mieux que n’importe quel tableau ou n’importe quelle description verbale ne peut le faire.»32 Elle gratifiera cette méthode d’«étape importante dans le développement de la théorie et de la méthodologie de l’urbanisme et de la planification des villes»33 et mettra en avant l’utilisation d’éléments graphiques et de gradation de couleurs, permettant de produire des vues générales des dynamiques urbaines.Elle identifia donc, dans un premier temps, un certain nombre d’attributs

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34 Ibid., 24. (traduction de l’auteur)

35 Id. (traduction de l’auteur)

36 LYncHE Kevin, MYEr John r., APPLEYArd donald, the View From The Road , 1965, MIt Press.

37 Ibid p.34 (traduction de l’auteur).

38 LYncHE Kevin, MYEr John r., APPLEYArd donald, The View From The Road , 1965, MIt Press, 4. (traduction de l’auteur).

39 GIEdon Sigried, Espaces, temps, Architecture, Editions denoël, Paris, 1990, p. 464-467.

9. The View from the Road, Kevin Lynch, John R. Myer, Donald Appleyard, MIT Press, Cambridge Mass., 1965.

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positifs à l’Urban Atlas, qu’elle qualifie d’ailleurs comme «un bon achat pour les collectionneurs d’art moderne» mais par la suite, elle y détecte tout de même deux lacunes (déficiences): Premièrement, l’Atlas ne peut pas «capitaliser (compter) pleinement sur la capacité de l’oeil à déchiffrer rapidement une progression de niveaux d’intensité» et deuxièmement, il reste statique par «sa dimension instantanée.»34 Pour palier à ces manquements, denise Scott Brown recommande l’utilisation de la cinématographie «pour illustrer la modélisation dynamique de l’accroissement des villes»35 et ainsi revigorer une signification graphique de l’environnement urbain existant .L’utilisation de la cinématographie pour l’étude des villes fut introduite en 1964 par Kevin Lynch, Donald Appleyard et John R. Myer, dans leur étude monographique qui aborde spécifiquement la question de la perception visuelle des autoroutes depuis le point de vue de l’automobiliste, The View from the Road36 (fig. 9). Les séquences d’images qui se rapprochent d’une vue filmique décrivaient un bref voyage sur la North East Expressway de Boston «tel que perçu par un passager lambda d’une automobile.»37 La recherche, menée dans le cadre du Joint Center for Urban Studies du M. I. T. et de Harvard, met en relation les principes esthétiques devant présider à la création d’une autoroute - l’établissement d’un ordre visuel structuré, l’enchaînement de séquences visuelles cohérentes, l’identité et la lisibilité du paysage - en adéquation avec les impressions et les comportements de l’automobiliste - le sens du mouvement, la capacité d’orientation dans l’espace (les points de repère), la perception dynamique des volumes, le franchissement des limites, l’impression de rythme et de continuité, etc. «Malgré le fait que la route donne une impression de mouvement au chauffeur et à ses passagers, il est probable qu’ils se comportent en spectateurs inattentifs, soit à cause du besoin de se concentrer sur une petite partie de la scène, soit inversement pour profiter de la liberté de pouvoir laisser errer son attention( ...) Ils sont aussi, cependant, une audience captive qui ne peut éviter d’observer, ne serait-ce qu’inconsciemment, les événements les plus dramatiques d’une scène trop mobile et trop dangereuse pour être ignorée (...) La voiture moderne agit comme un filtre entre le conducteur et le monde qu’il traverse. Les sons, les odeurs et les sensations (...) sont dilués en comparaison de ce qu’un piéton ressent.» 38

Pour transcrire graphiquement ces analyses spatiales et perceptives, les auteurs vont mettre au point un nouveau mode de représentation qui fait écho à la conviction de l’historien et critique d’architecture suisse, Sigfried Giedion que «des photographies aériennes arrivent peut-être à rendre compte de l’ample mouvement du tracé de la route, de la beauté de ses virages, mais ce n’est qu’au volant d’une automobile que l’on peut comprendre sa signification.»39

délaissant le principe de «la vue à vol d’oiseau», ils vont s’inspirer des techniques cinématographiques pour simuler les points de vue toujours changeants de l’automobiliste en mouvement au volant de sa voiture. Les séquences visuelles du parcours sont ainsi représentées par des croquis ou des images photographiques successives, clairement encadrées par le pourtour du pare-brise de l’automobile.

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40 BANHAM Reyner, The Architecture of the Well-tempered Environment, Chicago/University of chicago Press, 1969, p. 269 (traduction de l’auteur).

41 Id.

42 Id.

43 cooK Peter, croMPton dennis, HErron Hon, «Instant City: First Stage», Architectural Design 39, 1969, n°5, p. 276-80.

11. «Instant City,» de Archigram (Peter Cook, Dennis Crompton et Ron Herron), 1969

10. «New York’s Broadway at Night,» Reproduction de Amerika. Bilderbuch eines Architekten de Erich Mendelsohn, 1926

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A cette même époque, quelques figures importantes du milieu architectural débattirent du cas de la ville de Las Vegas, comme Tom Wolfe ou Reyner Banham (1922-1988), historien de l’architecture de renom qui fut éditeur assistant à la direction de la revue AR (1959-1964) et représenta un réel défi pour le comité éditorial, car celui-ci, de même que les architectes de la jeune génération, contestait les thèses esthétiques néo-pittoresques défendues par la revue. une des questions principales de cette période résidait en la possibilité de considérer Las Vegas comme modèle pour les villes futures. Quelques années avant la publication de l’article des Venturi, Reyner Banham publia une série d’articles sur Las Vegas, «the Missing hotel», «toward a Millon-volt and Sound culture», ou encore, «Mediated environments: You can’t Build that Here», et nota que «Las Vegas est aujourd’hui une étape obligatoire pour l’étudiant en Architecture anglais qui visite l’Amérique du Nord.»40 Il s’intéresse principalement à une «architecture de lumière» nocturne spectaculaire. «Ce qui définit les lieux et les espaces symboliques de Las Vegas - les super-hotels du Strip, la région des casinos de Fremont Street - est une puissance purement environnementale qui se manifeste à travers la lumière colorée. (...) L’efficacité avec laquelle l’espace est défini est phénoménale, la création de volumes virtuels sans structure apparente est endémique, la variété et l’ingéniosité des techniques d’éclairage est encyclopédique. Et, dans une optique d’éducation architecturale qui embrasse l’art complet de la gestion de l’environnement, une visite à Las Vegas serait aussi indispensable qu’une visite des bains de Caracalla ou de la Sainte Chapelle.»41

cet essai, parut en 1969, semble se référer implicitement au studio LLV de Yale. Mais au contraire des Venturi, l’apprentissage de Las Vegas, d’après Banham, ne réside ni dans l’organisation spatiale ou dans le système de communication mais plutôt dans l’intérêt que peut avoir un environnement technologique dépassant les contraintes de la tradition architecturale classique. La ville convertit le bâti architectural en une lumière éthérée «passant de formes assemblées en lumière à des lumières assemblées en (créant des ndlr) formes»42 et c’est grâce à cette caractéristique qu’elle devient un lieu d’expérimentation pour le développement futur de l’architecture. Le groupe anglais Archigram investiga aussi la ville de Las Vegas. En 1969, les architectes Peter Cook, Dennis Crompton et Ron Herron, présentèrent leur oeuvre Instant City dans un article de la revue Architectural Design.43 (fig. 11) En fin de texte, ils réfèrent Las Vegas comme modèle existant et actuel de «Instant City». En accord avec Banham, ils écrivirent que «l’utilisation de l’électrique-en-tant-qu’endroit est central. Las Vegas suggère qu’un environnement prodigieux peut être créé exclusivement à l’aide de courant électrique. En effet, en journée, le matériel est sans intérêt. La lumière combinée à des projections cinématographiques peut créer un ville ou il n’y en a pas. Cela suggère aussi que le visiteur lui-même pourrait interagir avec une large portion de cet éclairage et le contrôler plutôt que de s’en ébahir.»

robert Venturi et denise Scott Brown exploreront Las Vegas dans une autre optique, même s’ils furent aussi fascinés par l’architecture de lumière, ils se

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concentreront principalement sur la compréhension de la forme et de l’esthétique de la ville contemporaine (avec ses panneaux d’affichage et ses dimensions symboliques) depuis la perception que peut en avoir un automobiliste lambda.

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controVErSE 2Las Vegas, la construction d’une image

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1 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «Préface de la première édition», dans L’enseignement de Las Vegas, 2ième édition, Liège: Mardaga, 2007, p.7-9.

2 “The Grand Proletarian Culture Locomotive”. L’affiche d’invitation à la présentation finale du “Learning from Las Vegas Research Studio”, Yale University, 10 janvier 1969, dans Learning from Las Vegas, 1ère edition (MIt Press), 1972.

3 op cit. note 1

4 nous pouvons recenser par exemple: rIcHArd Paul, «Learning from Las Vegas», The Washington Post, 19 janvier 1969, the Arts, p. K1, K8. rIcHArd Paul, «Learning from Las Vegas», Today’s Family Digest, novembre 1969, p. 12-17. WAtSon donald, «LLV, LLV:? VVV», Novum Organum 5. new Haven: Yale School of Art and Architecture,1969.

1. «The Grand Proletarian Culture Locomotive»: Affiche d’invitation a la présentation finale du «Learning from Las Vegas Research Studio,» Yale University, 10 Janvier 1969.

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Learning from Las Vegas, La Grande Locomotive Culturelle Prolétarienne

«L’archétype de la rue commerçante, le phénomène qu’elle constitue, pris dans la forme la plus pure et la plus intense, c’est la Route 91 qui traverse Las Vegas. Nous croyons qu’une documentation précise et qu’une analyse soignée de sa forme physique sont aussi importantes pour les architectes et urbanistes d’aujourd’hui que l’était l’Europe médiévale et de l’Antiquité grecque et romaine pour les générations précédentes. Une telle étude aidera à définir ce type nouveau de forme urbaine qui s’implante à travers l’Amérique et l’Europe et qui est radicalement différente de celle que nous avons connue auparavant. Nous étions jusqu’à présent mal équipés pour aborder cette forme que, faute de mieux, nous appelons aujourd’hui l’extension urbaine. Un des buts de cet atelier sera de parvenir à la compréhension de cette forme nouvelle par une investigation sans parti pris ni jugement de valeur et d’entreprendre l’élaboration de techniques permettant son utilisation.»1

c’est par cette assertion, que robert Venturi, denise Scott Brown et Steve Izenour introduisent à l’automne 1968, un nouvel atelier à l’école d’Art et d’Architecture de l’Université de Yale intitulé «Learning from Las Vegas, ou l’Analyse Formelle en tant que Recherche du Design» que les étudiants transformèrent en fin de semestre par «Learning from Las Vegas, La Grande Locomotive culturelle Prolétarienne.»2 (fig. 1)Leur souci pédagogique de «transformer l’atelier traditionnel en un outil nouveau pour l’enseignement de l’architecture ainsi que l’intérêt spécifique que nous portions à mettre au point des moyens graphiques plus appropriés que ceux utilisés actuellement par les architectes et les planificateurs dans la description de l’urbanisme de l’extension urbaine et plus particulièrement de celle de la rue commerçante»3

leur paraissait capital. cette attitude étant certainement liée à l’émergence d’une période transitoire en architecture marquée par une revendication intellectuelle, une redéfinition du champ théorique de l’architecture, son autonomie et sa pluridisciplinarité, et ce principalement dans les milieux universitaires où les départements d’architecture se reconstruisaient peu à peu.

notre retenue à rendre compte de cet événement est lié à l’absence de sources originales relatant les faits. A notre connaissance, les revues ne semblent pas avoir consacré d’article substantiel à la mise en exergue de cet atelier de recherche novateur ni à sa présentation publique finale. L’événement semble être passé inaperçu auprès des critiques qui se défoulaient plutôt à cette période, sur le discours des Venturi énoncé une année auparavant. A une époque où le monde éditorial est en pleine expansion, les seules traces dont nous disposons proviennent de quelques revues, soit non spécialisées et réduites à un rôle de connivence et d’instrument de communication soit d’une publication académique produite au sein même de l’école de Yale. ces documents demeurent actuellement inaccessibles.4

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5 cf rAttEnBurY Kester et HArdInGHAM Samantha, Supercrit 2, Robert Venturi and Denis Scott Brown, Learning from Las Vegas, (éd. routledge, oxon, 2007). ce deuxième livre de la série sans précédent revisite quelques-uns des projets architecturaux les plus influents de ces dernières années et examine leur impact sur notre façon de penser et de concevoir aujourd’hui. Sur la base de débats en direct en studio entre les protagonistes et les critiques, et de documents originaux des oeuvres, ils décrivent, explorent et critiquent ces grands projets.

6 Las Vegas Studio: Images from the Archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown, publié par Verlag Scheidegger & Spiess AG, Zurich, en collaboration avec le Musée de Bellpark, Kriens, 2009.

7 Le Plan de Nolli a servi de référence à la cartographie romaine jusque dans les années 1970…

8 op cit. note 6, p.14.

9 op cit. note 1.

10 VEnturI robert, De L’Ambiguité en Architecture, 2ième édition, Paris, dunod, 1999.

11 op cit. note 6,p .15.

12 Voire plus loin pour les explications de l’influence de Ed Ruscha sur le travail des Venturi et spécialement sur denise Scott Brown.

2. Les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio» en train de fil-mer sur Fremont Street, Las Vegas, 1968

3. Preparation pour le film Las Vegas Deadpan, Las Vegas, 1968.

4. Le «Learning from Las Vegas Stu-dio», Yale University, 1968.

5. Les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio» entamant un vol en hélicoptère, Las Vegas, 1968.

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nous nous référerons donc principalement aux brèves explications données par les auteurs dans l’introduction de la première édition de LLV ainsi que les notes d’atelier déjà réduites et glissées entre deux chapitres dans la deuxième édition de l’ouvrage et sur le rapport qu’en ont fait deux publications contemporaines, Supercrit #2 Robert Venturi and Denise Scott Brown, Learning from Las Vegas5 et Las Vegas Studio, Images from the Archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown.6

Les professeurs initièrent leurs élèves (neuf étudiants en architecture, deux en planning et deux en arts graphiques) à la recherche urbanistique et à la théorie en architecture, en leur proposant une étude de cas de la rue commerçante (le Strip) de Las Vegas en tant que «phénomène de communication architecturale.» Les enseignants répartirent le travail en cinq étapes. Après les deux premières, «Tooling Up» et une période de préparation de plusieurs semaines en bibliothèque, «Library, Research and Preparation», une excursion de deux semaines à Los Angeles et à Las Vegas en octobre 1968 fut le point culminant de la recherche du studio. Les quatre jours passés à Los Angeles, leur permirent de visiter Disneyland ainsi que le studio de l’artiste photographe Ed ruscha. Les dix jours restants furent nécessaires pour réaliser une collecte empirique de données à Las Vegas même (troisième phase, «Research Applied»). Les enseignants suggérèrent à leurs élèves d’étudier, de photographier et de représenter les parias de l’architecture et de l’urbanisme - casinos, parkings, affiches, chapelles, etc - avec autant d’attention que s’ils étudiaient des «Monuments» et par conséquent, de les analyser de prime abord à l’aide des techniques classiques (plan de Nolli7) habituellement réservées aux bâtiments «dignes d’intérêt.»8 Ils soulevèrent ensuite la question suivante: «Comment peut-on adapter les méthodes traditionnelles de planning urbain (cartes d’utilisation du sol et des moyens de transport) à une ville telle que Las Vegas? Comment peuvent-elles être rendues utilisables en tant que sources d’inspiration et comme outils de design pour des dessinateurs urbains? Quelles sont les autres méthodes pour parvenir à une compréhension de la ville en tant que système d’activités?»9 VSBI actualisèrent une notion qui fit surface dans De L’Ambiguïté en Architecture: «La richesse et l’ambiguïté de l’expérience moderne, en ce compris l’expérience inhérente à l’art.»10

Ils firent remarquer aux étudiants que l’art et la littérature avaient déjà construit et communiqué une image de la ville étonnante et encouragèrent leurs élèves à expérimenter de nouvelles formes de représentation telles que «la cartographie, les films, le multi-média et des projections de diapositives.»11

Il faut noter l’intérêt tout particulier que les auteurs portent au travail photographique de Ed ruscha12 à une période où, grâce à l’émergence de nouveaux supports iconographiques, la photographie tentera de donner à l’image le statut de document de témoignage typique de ce nouveau réalisme américain naissant.

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13 op cit. note 1.

14 Id.

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Denise Scott Brown avait identifié une série de thématiques sur lesquelles des groupes d’étudiants devaient s’interroger dans le but final d’essayer de comprendre la ville automobile et de lui créer une image adéquate. Par exemple, la thématique «l’Architecture de persuasion», visait à analyser les comportements de l’usager motorisé sur une artère commerciale en s’inspirant du travail de Lynche et de son oeuvre, The View from the Road. ce qui impliquait une investigation des moyens de représentation appropriés, dans ce cas-ci, des films en addition aux cartes et diagrammes. La thématique «Images de Las Vegas: inclusion et allusion de l’architecture» quand à elle, recherchait la manière adéquate de fonder une image appropriée de Las Vegas. «Nous pensons que nous devrions construire notre image visuelle de Las Vegas au moyen d’un collage fabriqué à partir d’objets de Las Vegas de divers types et de diverses grandeurs depuis les enseignes jusqu’au calendrier quotidien du Caesar Palace. Pour monter ce collage, collectionnez des images, des slogans verbaux et des objets. N’oubliez pas que si divers que soient les morceaux, ils doivent être juxtaposés d’une manière signifiante, comme le sont par exemple, Las Vegas et Rome dans cette étude. Documentez-vous sur la piazza américaine et sa contrepartie romaine, la Rome de Nolli face au Strip.»13 Cette lecture du passé reflète une époque où le respect de l’histoire et de l’existant était un argument majeur.

Les étudiants compilèrent un large nombre de documents sous la tutelle de leurs enseignants. À peu près cinq mille photos couleurs et trois mille mètres de bandes films furent entre-autres collectés. De retour à Yale, dix semaines furent nécessaires pour rassembler et analyser leurs découvertes. «Les techniques de représentation venant de l’architecture et du planning nous gênent pour comprendre Las Vegas. Elles sont statiques quand Las Vegas est dynamique, contenues là où elle est ouverte, bidimensionnelles là où elle est tridimensionnelle - comment fait-on pour montrer de manière signifiante en plan, en coupe et en élévation l’enseigne de l’Aladin?Les techniques architecturales conviennent à des objets de grandes dimensions situés dans l’espace comme des bâtiments mais non à des objets minces et excessifs comme des enseignes(...). Nous avons besoin de techniques d’abstraction pour représenter par exemple, des «phénomènes géminés» ou pour exprimer des concepts et des schémas généralisés - un morceau de la texture urbaine - plutôt que des bâtiments spécifiques. Les jolies photos que nous et d’autres touristes avons pris à Las Vegas ne suffisent pas.Comment déformer celles-ci pour en tirer une signification pour le dessinateur? Comment représenter le Strip perçu par Monsieur X autrement que comme un morceau de géométrie? Comment montrer la qualité de la lumière - ou des qualités de formes - sur un plan au millième? Comment montrer les flux et les reflux ou les changements de saisons ou le changement au cours du temps?»14

Les photographies furent compilées en accord avec le programme de recherche - développé en une centaine de cartes, tableaux et diagrammes - sous la forme de films ou de diapositives.

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15 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «A significance for A&P Parking lots», dans Architectural forum, mai 1968. (Paru dans Lotus, 1968, p. 70-91; dans theorizing a new Agenda for Architecture: An Anthology of Architectural Theory 1965 - 1995, Kate Nesbitt, New York: Princeton Architectural Press, 1996, p308-322; dans Time-Saver Standards for Urban Design, 2003, p. 3.6-1-3.6-12. traduction allemande dans Werk, Avril 1969, p. 256-266.

16 WoLFE tom, «Electrographique Architecture» dans Architectural Design, juillet 1969.

17 Id. dans « notes de bas de page ».

6. «A Significance for A&P Parking Lots or Learning from Las Vegas», dans Archi-tectural Forum, Mai 1968.

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Quelques années auparavant, le couple d’enseignants, robert Venturi et denise Scott Brown, avaient sillonné les routes de la ville de Las Vegas. Il en avait résulté un article, «A significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas»15, parut dans un numéro de l’Architectural Forum en mars 1968 (fig. 6), qui servit de base au programme de recherche qu’ils avaient esquissé durant l’été 1968. Il va sans dire que le recours à ce discours théorique largement fondé fut directement lié à la pertinence et au caractère révolutionnaire de l’étude. La notoriété de la revue Architectural Forum profita aussi à la diffusion de l’article. A une époque où les publications professionnelles commerciales et les revues théoriques se démarquent les unes des autres, l’évolution de la politique éditoriale de l’Architectural Forum vers une indépendance et une critique ouverte est en marge avec le discours révolutionnaire des Venturi. L’article fut ensuite traduit en de nombreuses langues et diffusé dans le monde entier.

Tom Wolfe poursuivit aussi la célébration de ce nouveau style amorcé dans son essai The Kandy-Kolored Tangerine-Flake Streamline Baby par un article enthousiaste « Electrographic Architecture »16, paru dans la revue Architectural Design qui fut également vivement conseillé comme source d’inspiration aux élèves du studio. Il y salue l’architecture extravagante des enseignes de néons et leurs concepteurs qui par leur créativité bouleversent les canons de l’esthétique : «Le vocabulaire existant de l’histoire de l’art n’est d’aucune utilité devant ce que les artistes commerciaux font maintenant dans l’ouest des USA. Ils ont maintenant au moins dix années d’avance sur les artistes sérieux dans à peu près tous les domaines, l’architecture comprise (…) C’est une révélation, en quelque sorte, que j’ai eue un soir en me promenant sur Park Avenue à New York. Je me suis arrêté devant l’entrée de l’immeuble Pepsi-Cola pour contempler une sculpture en néon de Bill Apple qui y était exposée. Apple est un artiste sérieux. Le terme approprié serait Avant-Garde. Il combine l’Art et la technologie (...) Il y a, à l’Est (sur la côte Est des US ndlr), un épouvantable snobisme intellectuel qui consiste à considérer Los Angeles comme une ville d’expansion sauvage, de chaos et de folie, étranglée par l’automobile (...) Nostalgie du château! (...) J’entends encore des gens à New York dire que le problème à Los Angeles est qu’il n’y a aucun repère (monuments historiques), et qu’il est très difficile de s’y orienter. En réalité, Los Angeles possède le repère (monument) le plus monumental jamais construit, à savoir les autoroutes.»A notre connaissance, il sera un des seuls critiques, à encourager l’initiative du studio de LLV: «Robert Venturi est un des rares éminents architectes américain à comprendre les possibilités de la technologie des enseignes électriques et à croire en l’architecture éléctro-graphique de grande envergure. En effet, ce mois-ci (Octobre), il a emmené les étudiants de son studio de troisième année de l’Université de Yale dans le Nevada pour y étudier le paysage éléctro-graphique de Las Vegas avec le même objectif et la même rigueur académique que s’il étudiait Athènes ou Pompei.»17

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18 op cit. note 1, p.8.

19 Id

20 Id

21 Las Vegas Deadpan,(21 minutes) produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

7. «Yale Prof Will Praise Strip for 8,925$,» Ray Leydecker, Las Vegas Review Jour-nal, 10 Octobre 1968.

10. «Yale University Study of Las Vegas Could Alter The City’s View of Itself,» Li-pman Jerry, Las Vegas Sun, 21 Octobre 1968.

9. «Yale Prof Ups His Price For Praising LV Strip,» Ray Leydecker, Las Vegas Review Journal, 11 Octobre 1968.

8. «Yale Team Denied Payment», Las Vegas Sun, 6 Decembre 1968.Press).

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En conclusion, Wolfe exhorte les architectes à se saisir de cette nouvelle réalité: «Quelqu’un doit écrire, maintenant, rapidement, un nouveau livre sur le plus somptueux papier couché à 18,50$ l’exemplaire, appelé Beyond Modern Architecture.» Son appel ne tarda pas à être entendu...

«Bienvenue à Las Vegas la fabuleuse, aspirine gratuite - tous renseignements, locations, essence.»

Le jour de l’arrivée du studio de Yale à Las Vegas, un journal local ouvrit les festivités comme suit : «Prof. de Yale fera louange du Strip pour 8.925 dollars.»18 (fig. 7) Effectivement ni la ville ni le département ne disposaient de fonds et le président du Comité d’Embellissement du Strip était d’avis que c’était à Yale de payer Las Vegas pour la réalisation de l’étude. (fig. 8)Quelques jours plus tard, le même quotidien réitéra «Prof de Yale augmente son prix pour louer le Strip»19 (fig. 9)alors qu’ils demandaient une somme supplémentaire pour la réalisation d’un film.Le correspondant Jerry Litman du Las Vegas Sun fut le seul à émettre une opinion favorable dans la presse non spécialisée quant à l’expédition scolaire «L’université de Yale à Las Vegas pourrait bien transformer l’image que la ville a d’elle-même.»20 (fig. 10) Finalement, l’Hôtel Stardust, le long du Strip les hébergea gratuitement et les agences locales de location de voitures s’unirent pour leur fournir un véhicule durant leur séjour.

L’étude s’acheva par une présentation finale multimedia qui eut lieu le 10 janvier 1969 à la Yale School of Art and Architecture et fut annoncée par une affiche (ironique) aux allures propagandes, «Learning from Las Vegas, La Grande Locomotive culturelle Prolétarienne» laissant présager la dimension révolutionnaire de leur étude.L’exposition présentait des cartes, planches, tableaux et collages dont l’échelle et la représentation graphique furent réalisées en conséquence de l’évènement, à savoir, des impressions grand format et une représentation associative plutôt qu’une vision linéaire ou un contexte discursif. Quelques années plus tard, ce matériel graphique fut réutilisé pour la publication LLV.Ce fut aussi l’occasion pour les élèves de projeter les films tournés lors de leur excursion, renseignant sur la perception de l’espace urbain d’un observateur en mouvement depuis différents points de vue. Las Vegas Deadpan21 (21 minutes) (fig. 12), fait référence par son titre, au mode de reportage «figé»(deadpan), sans émotion que Venturi et Scott Brown avaient développé par analogie au travail photographique de Ed ruscha, mais aussi en réaction aux architectes visionnaires de l’époque. Il s’agit d’un reportage muet d’un trajet en voiture le long du Strip. Afin de l’enregistrer dans toute sa longueur, une caméra fut fixée sur le capot avant d’une voiture capturant le paysage urbain se déroulant devant

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22 op cit. note 6, p.29.

23 Las Vegas Strip LfLV Studio(Day:Night), 14 minutes, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio» et spécialement Dan Scully,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

24 Las Vegas Electric, 4 minutes, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

25 VENTURI Robert, lettre à Vincent Scully, «Letters Jan-April 69», VSB 284, Architectural Archives, University of Pennsylvania, dans Las Vegas Studio,DAM, Frankfurt, 2009.

11. Las Vegas Electric, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de VSBA.

12. Las Vegas Deadpan, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de VSBA.

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la lentille immobile tandis que deux autres caméras documentaient depuis les flancs de l’automobile, les bords de route d’un angle de vue complémentaire. Denise identifia cette technique comme la «three-camera deadpan.»22 En contraste avec ce portrait urbain inanimé, un second film, caractérisé par un travail de caméra mobile Las Vegas Strip LfLV Studio (Day:Night)23 (14 minutes), avait pour sujet principal l’aspect symbolique de l’architecture le long du Strip. Le troisième film, plus court, décrivait un vol en hélicoptère au-dessus du Strip. La caméra se focalisait ici principalement sur les enseignes publicitaires démesurées des hôtels-casinos le long du boulevard, qui semblaient être les seuls éléments architecturaux du paysage urbain. La différence frappante des styles de représentation découlaient des volontés du programme de recherche d’expérimenter un maximum de méthodes de visualisation différentes. Le film Las Vegas Electric24 (4 minutes) (fig. 11), le plus spectaculaire de tous, documentait à nouveau un parcours de Las Vegas, mais, contrairement aux trois films mentionnés ci-dessus, l’accent fut mis ici sur les éclairages nocturnes, principalement sur Fremont Street dans le centre de Las Vegas. La thématique de l’évolution de la densité urbaine du Strip fut révélée par la différence d’échelle considérable entre la ville axée sur les piétons, et celle axée sur l’automobile. Les séquences, toutes filmées de nuit, soulignent un intérêt pour l’esthétique de l’architecture de la lumière. En opposition au film Deadpan, celui-ci fut réalisé dans une optique artistique, voire, par moment, expérimentale. une séquence presque surréaliste projette les spectacles lumineux de la ville qui se détachent du fond noir et se reflètent sur un axe horizontal. Une autre scène révèle les néons colorés et éclatants surplombant les trottoirs de Fremont Street se transformant en une abstraction psychédélique de couleurs, de formes et de lumière. Les séquences semblent être par moment des «citations littérales» de la séquence d’ouverture de la production de George Sidney, Viva Las Vegas.

La présentation finale du studio semble tout de même avoir rencontré quelques critiques sévères. dans une lettre de remerciements de robert Venturi adressée à Vincent Scully, Tom Wolfe et l’architecte Morris Lapidus, il conclua de la sorte: «Nous pensons que cela s’est bien passé dans l’ensemble, mais je suis encore perplexe devant l’incompréhension de certaines personnes sur le fait que nous voulions examiner Las Vegas de manière figée (deadpan), sans expression, ce qui est considéré depuis longtemps comme une approche poétique.»25

ces productions méconnues du grand public n’avaient, jusqu’aujourd’hui, jamais fait l’objet d’une diffusion quelconque. Les documents originaux étaient conservés au sein des archives privées de Venturi, Scott Brown & Associates, à Philadelphie. En mars 2009, elles furent, pour la première fois, présentées lors d’une exposition temporaire, Las Vegas Studio, au D.A.M., Musée d’Architecture de Francfort, en Allemagne, consacrée à la production du studio LLV en présentant les photographies et films inédits comme source première de la

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26 Scott BroWn denise, «Préface de la deuxième édition», dans L’enseignement de Las Vegas, 2ième édition, ((1977) MIt Press) Liège: Mardaga, 2007, p.11-13.

27 Id

28 Id.

29 LEnIAud Jean Michel dans «Les périodiques d’architecture, XVIII0-XX0 siècle: recherche d’une méthode critique d’analyse.» Études et rencontres de l’École des chartes,volume 8, Ecole nationale des chartes de Paris, 2001.

30 Voir Las Vegas Studio: Images from the Archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown, publié par Verlag Scheidegger & Spiess AG, Zurich, en collaboration avec le Musée de Bellpark, Kriens, 2009. traduction de l’auteur

13. Comparaison à l’échelle entre les couvertures des deux versions de Learning from Las Vegas.

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recherche et de la publication LLV.Le processus de construction de cette oeuvre paraît inaccessible et effacé de la plupart des mémoires... Nous n’en connaissons que le résultat final, la deuxième édition, Learning from Las Vegas, The Forgotten Symbolism of Architectural Form paru en 1977 aux Etats-unis et traduit en français en 1987 aux Editions Pierre Mardaga.

«Dépouillée et habillée de neuf»

Effectivement, la plupart des lecteurs connaissent LLV dans sa forme de poche, publiée par la MIt Press en 1977. L’apparence de cette édition - une couverture au fond bleu pâle accueillant la célèbre image de l’affiche «Tanya», son titre en caractères gras majuscules (Serif), suivi, dans une police réduite, des termes «revised edition» ainsi que de la nomination de ses trois auteurs - ne dévoile en rien une quelconque monumentalité! Au contraire, nous pourrions avancer que sa modestie disconvient presque à son succès.cette réédition n’a pas simplement remplacé la première édition de LLV, publiée cinq ans auparavant en 1972 par la même maison d’édition, elle l’a pour ainsi dire effacée de nos mémoires.

L’opportunité de revisiter l’ouvrage et de proposer une nouvelle édition de Learning from Las Vegas ne se justifia pas, comme d’ordinaire, par l’épuisement de la première édition, mais, comme le précise denise Scott Brown dans sa préface, «(elle) résulte du mécontentement qu’exprimèrent des étudiants et d’autres personnes au sujet du prix élevé de la version originale.»26 Les auteurs insistèrent sur ce désagrément en décidant: «d’abréger le livre et de mettre les idées qu’il contient à la portée de ceux qui souhaiteraient le lire.» Et elle ajouta: «Du coup, nous avons saisi l’occasion de présenter plus clairement notre argumentation et de faire quelques additions; ainsi, la nouvelle édition, bien que abrégée, tient une place qui lui est propre et va au-delà de son géniteur.» 27

La deuxième version de LLV «Dépouillée et habillée de neuf»28 ne se limite donc pas uniquement à une correction de la première édition, elle s’envisage aussi comme une «augmentation.»nous allons nous intéresser à LLV comme à un livre, mettant en avant l’observation des «périphériques du discours»29, aspects ordinairement négligés par les historiens de l’art et de l’architecture (graphisme, illustrations, rubriques, typographie, …) afin de comprendre les relations et dichotomies qui s’établissent entre ces deux éditions.rappelons aussi l’importance que les auteurs accordaient à l’utilisation de nouvelles techniques graphiques lors de leur atelier en recrutant, entre-autres, deux élèves en arts graphiques et en nommant un des douze thèmes de recherche du studio «Graphisme et autres techniques de représentation.»30

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31 Scott BroWn denise, «comments on the design of the first Edition of Learning from Las Vegas» dans rAttEnBurY Kester et HArdInGHAM Samantha, Supercrit 2, Robert Venturi and Denis Scott Brown, Learning from Las Vegas, (éd. routledge, oxon, 2007).

32 rAttEnBurY Kester et HArdInGHAM Samantha, Supercrit 2, Robert Venturi and Denis Scott Brown, Learning from Las Vegas, (éd. routledge, oxon, 2007).

33 VINEGAR Aron, «Reducks, 1972, 1977» I AM A MONUMENT, on learning from Las Vegas,MIt Press, 2008, p.111-171.

34 VEnturI robert, « Note on authorship and attribution», Learning from Las Vegas, 1ère édition, MIT Press,1972. traduction de l’auteur.

35 comme «Billboards are almost all right »

36 op cit. note1.

37 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «Préface de la première édition», dans L’enseignement de Las Vegas, 2ième édition, Liège: Mardaga, 2007, p.7-9.

38 ScuLLY VIncEnt, introduction de Learning from Las Vegas, inédit, paru dans I AM A MONUMENT, on learning from Las Vegas,VInEGAr Aron, MIt Press, 2008. (La version dactylographiée et corrigée manuellement par la suite que nous citons est disponible en annexe.)

39 Id. traduction de l’auteur.

14. Planche 4-5 de Learning from Las Vegas, 1ère édition, MIT Press, 1972.

15. Planches de Learning from Las Vegas, the Forgotten Symbolism of the Architectural Form, 12ème édition, MIT Press, 1977.

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Il n’y a, à notre connaissance, au même titre que pour le déroulement du studio, que très peu de traces de ce travail de réécriture et de recomposition graphique. nous nous appuierons donc principalement sur les commentaires qu’en fit Denise Scott Brown lors d’une interview31 accordée à la publication Supercrit #2: Robert Venturi and Denise Scott Brown, Learning from Las Vegas32, ainsi qu’à la restitution écrite partielle d’une correspondance assidue entre les auteurs du livre et la maison d’édition publiée dans un ouvrage contemporain, I’m a monument, on Learning from Las Vegas, «Reducks, 1972, 1977.»33

nous nous référerons également à la préface de la deuxième édition de denise Scott Brown, articulée à la suite de la préface de la première édition rédigée par le couple, robert Venturi et denise Scott Brown, et en lieu et place de la «note on authorship and attribution» de robert Venturi. cette dernière reconnaissait le travail des membres de l’agence Venturi and Rauch et principalement celui de John rauch décrit comme «le ‘paterfamilias’ de l’agence» ainsi que la contribution de denise Scott Brown «Elle est responsable, comme je le suis, du contenu théorique du livre.»34 Or, certaines caractéristiques stylistiques du texte de LLV similaires à celles de l’ouvrage Complexity and Contradiction in Architecture35 engagèrent entre-autres la presse écrite à reconnaître l’auteur principal du livre en la personne de robert Venturi. dans la préface de la deuxième édition, signée uniquement par denise Scott Brown, elle reviendra sur son engagement: «La note de Robert Venturi sur la répartition des tâches dans la première édition, jointe à sa demande d’équité envers ses co-auteurs et collaborateurs a été virtuellement ignorée par la presque totalité des critiques. Cette manière cavalière de traiter ma contribution et, en général, des différentes attributions par des architectes et des journalistes m’ont conduite, par ressentiment personnel, à analyser la structure sociale de la profession, sa domination par les mâles de la société et l’accent que ses membres mettent sur le vedettariat(...).»36

Par contre, concernant le troisième auteur Steven Izenour, l’unique et brève reconnaissance de sa contribution apparaît en dernière ligne de la préface des Venturi, après de nombreux remerciements en tous genres depuis les agences de location de voitures pour leur assistance, aux artistes et intellectuels pour leur soutien et aux élèves du studio: «Et enfin, Steven Izenour qui est notre collaborateur, co-auteur et le sine qua non.»37 Lors de la configuration de la première édition, il était convenu que l’américain Vincent Scully, professeur d’histoire de l’art et de l’architecture, rédigerait l’introduction du livre38, comme il l’avait fait pour l’ouvrage de robert Venturi, Complexity and Contradiction in Architecture. Il s’exécuta, et, après avoir cité brièvement la présence de denise Scott Brown, «Il n’y a pas plus grand plaisir que d’écrire une autre introduction à un livre de Robert Venturi et (dans ce cas-ci) de Denise Venturi.»39, il inaugura son article par un plaidoyer des plus éloquents concernant le travail de Robert Venturi seul. Dans la version dactylographiée et corrigée manuellement par la suite dont nous disposons, Scully joindra

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40 Id. traduction de l’auteur

41 Id. traduction de l’auteur

42 op cit. note 6. traduction de l’auteur

43 Id.

44 LYNCH Kevin, voir VINEGAR Aron, «Reducks, 1972, 1977» I am a monument, on learning from Las Vegas,MIt Press, 2008, p.111-171. traduction de l’auteur.

16. Layout en grille des Parties I et II de la 1ère édition de Learning from Las Vegas, Muriel Cooper, 1971.

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finalement le nom de Steven Izenour aux deux autres auteurs. Il accrédita aussi en fin de compte les associés de Robert Venturi: «Si une telle rhétorique est absolument éloquente dans les constructions de Venturi»40 qu’il modifiera par «...de Venturi & Rauch.» Au mieux, il référera donc les auteurs de l’ouvrage par «Les Venturis»41 écartant la participation de Steven Izenour ainsi que le travail des étudiants. nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles cet article ne fut jamais publié en préface de l’ouvrage mais Il faut noter qu’une partie de ce plaidoyer fut éditée dans le catalogue de l’exposition «Venturi&Rauch» qui eut lieu au Whitney Museum of american Art à New York en 1971.

Muriel Cooper et le design Bauhaus

La première différence ostensible entre les deux éditions concerne leur format: la première édition se veut imposante (27x 36 cm) et contraste avec la seconde qui répond à des dimensions plus communes (15 x 22 cm). denise Scott Brown, lors d’une interview accordée aux auteurs de la publication Supercrit en 2007 rendit compte de ce travail de recomposition. «Cela a pris six mois de ma vie, mais je suis contente de l’avoir fait car ça a permis à l’oeuvre d’être encore publiée 35 ans après et d’être traduite dans de nombreuses langues.» Elle évoqua premièrement l’incompatibilité intellectuelle à laquelle elle se heurta: «Nous n’avons eu aucun mot à dire quant au choix du design ou du designer du livre. Ils furent mandatés par la MIT Press, qui sélectionna Muriel Cooper, une graphiste de renom de l’époque. Les dimensions qu’elle choisit pour le livre le rendit ingérable pour étudier loin d’un bureau et coûteux à produire.»42

Au niveau de la mise en forme, l’interligne triple de la première édition fut remplacé par une présentation standard dotée d’un interligne simple.«Nos principales critiques du design de la première édition visaient ses dimensions exagérées, son prix élevé et sa mauvaise lisibilité. Mais nous nous sommes opposés aussi à l’approche graphique ‘du style suisse’ de Muriel - la police chétive, trop faible pour se défendre face aux illustrations, et des espaces blancs trop généreux, qui ont rendu certaines illustrations illisibles. Tout cela a été fait au nom de la modernité, mais le design suivait non pas le modernisme du début que nous avons aimé et aimons toujours, mais celui, fatigué, de la fin des années 1960, le style «héroïque et original», la mode poétique usée que TS Eliot décrit. C’est cette approche même que nous contestions. Quel message contradictoire!»43

Muriel cooper(1925-1994), rejoigna la MIt Press en 1967 en tant que directrice artistique. The View from the Road de Kevin Lynch fut le premier ouvrage qu’elle façonna en free-lance pour la firme en 1964. L’approche «filmique» qu’elle réalisa devint rapidement sa référence. Kevin Lynch, par contre, qualifia l’ouvrage de «trop grand et trop apprêté».44 A cette époque, le Style Suisse, appelé aussi

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45 COOPER Muriel, dans HELLER Steven, ‘Muriel cooper’, dans dans I’m a Monument, op cit.

46 Id.

47 op cit. note 1

48 Id.

49 Id.

50 WInGLEr Hans, Bauhaus: Weimar, dessau, Berlin, chicago, 1969, MIt Press.

51 conoVEr roger dans VInEGAr Aron, «Reducks, 1972, 1977» I AM A MONUMENT, on learning from Las Vegas,MIt Press, 2008, p.117. traduction de l’auteur.

17. Bauhaus, Hans Wigler, design de Muriel Cooper, MIT Press, 1969.

18. Communication by Design, Muriel Cooper, Malcolm Grear, Normn Ives, Carl Zahn, Couverture, design de Muriel Cooper, Andover, Mass., 1964.

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Style International, qui se développait aux Etats-unis et partout en Europe, devint l’emblème de l’école de graphisme de Yale. En étroite relation avec le modernisme architectural, il mettait l’accent sur le dépouillement, la lisibilité et l’objectivité et se distinguait par une mise en page asymétrique, l’utilisation de grilles et de polices de caractères sans Serif. Les élèves graphistes participant au studio LLV ainsi que Muriel cooper était directement issus de ce nouveau courant graphique. Muriel cooper nota à ce propos: «Les acteurs et les oeuvres du Bauhaus sont mes ancêtres spirituels et conceptuels. Je ressens donc un lien particulier avec le sujet. Alors que la structure du livre trouve ses origines dans le système de grilles suisses, elle a été conçue de manière suffisamment riche pour englober l’ensemble complexe du matériel textuel et visuel.»45 et elle ajouta: «j’étais une moderniste, mais j’étais une suisse aussi, si vous voyez ce que je veux dire.»46 comme denise Scott Brown le précise dans sa préface en 1977, les différences de format et de présentation graphique de l’édition revue ont permis «de déplacer l’accent du livre des illustrations vers le texte et à lever la contradiction entre notre critique du design Bauhaus et l’esthétique effectivement néo-Bauhaus de ce livre; la recherche d’un style moderne ‘intéressant’ de la première édition contredisait, croyons-nous, notre sujet et le triple espacement des lignes rendait la lecture du texte difficile.»47

Pour ses auteurs, cette deuxième édition était d’avantage en harmonie avec ce qu’elle devait signifier: «un traité sur le symbolisme en architecture.»48 denise Scott Brown insistera d’ailleurs en rappelant: «le sujet de notre livre n’est pas Las Vegas, mais bien le symbolisme de la forme architecturale.» Et pour souligner cette position, ils ajoutèrent un sous-titre à leur seconde édition: «Le Symbolisme oublié de la Forme Architecturale.»49

notons tout de même que l’impact de la première édition fut conséquent dans le milieu du design. Elle fut souvent célébrée au même rang qu’une autre production importante de Muriel cooper, l’ouvrage de Hans Wingler, Bauhaus50, publié en 1969 par la MIt Press.

La duck cover roger conover, écrivain, curateur et éditeur exécutif actuel à la MIt Press, explique que l’édition revisitée «s’est profilée comme une acceptation des réserves émises au sujet de la conception graphique de la première édition par les deux auteurs déçus. Plutôt que de compromettre le design de cooper, la (MIt ndlr) Press a accordé aux Venturi leur propre conception graphique sans compromis pour le deuxième tour.»51 Il se réfère ici à quelques lettres échangées entre les Venturi et la MIt Press au début des années 1970, en préparation à la première édition et d’autres, quelques années plus tard, en vue de la réédition,

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52 cette version fut rendue publique uniquement lors de l’exposion Learning from... Ruscha and Venturi and Scott Brown, 1962-1977 qui eut lieu en 2004 au centre candien d’Architecture et se proposait d’examiner les relations existantes entre les productions de ed ruscha et des Venturi durant les année 1960-1970. Elle fut ensuite confiée à la AAFAL (Avery Architectural & Fine Arts Library).

53 Robert Venturi to Michael Connelly, 11 fevrier 1972, AAuP, box 453. dans I’m a Monument, op cit. traduction de l’auteur.

54 Denise Scott Brown to Michael Connelly, 25 juillet 1972, AAuP, box 453. traduction de l’auteur.

55 cooPEr Muriel dans ABrAHAM Janet, «Muriel cooper’s Visible Wisdom», 1997, http://www.aiga.org/content.cfm/medalist-murielcooper. dans I’m a Monument, op cit. traduction de l’auteur.

56 Id.traduction de l’auteur.

57 Robert Venturi to Michael Connelly, 11 février 1972. dans I’m a Monument, op cit.

58 op cit. note 6 traduction de l’auteur.

19. Page Titre de la copie annotée de Learning fom Las Vegas.

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ainsi qu’à des mémos internes à la production et une copie de la première version annotée des commentaires des Venturi en réponse au travail de Muriel cooper52.Dans une lettre adressée à Michael Connelly, directeur éditorial à la MIT Press à l’époque, lors des derniers stades de production du premier ouvrage, robert Venturi écrivit: «nous ne pouvons pas accepter un livre qui, au nom de quelques théories du design, occulte la signification de son contenu par son format et qui, par sa couverture, représente l’opposé de ce que nous défendons, en tant que designers et en tant qu’écrivains.»53

Et lorsque la publication fut achevée, denise Scott Brown réitéra: «le graphisme ‘à la Suisse’ reste pour nous une déception.»54 Pour sa part, Muriel cooper caractérisa le conflit de «guerre d’esprits.» 55

Les Venturi firent part, plus en détails, de leur mécontentement concernant la couverture de l’ouvrage conçue par cooper, une pochette en papier bulle scintillant «en hommage à l’éclat de Las Vegas»56 dans une lettre adressée à Connelly en février 1972: «La couverture, telle que conçue, est totalement inacceptable. Sans entrer dans un débat sur le bon et le mauvais design, elle est inappropriée. Elle va à l’encontre de la philosophie du livre. C’est un ‘duck’ - héroïque et original - presque extravagant en apparence. Il s’agit ici d’une étude sérieuse, présentant un texte sérieux qui mérite une image conventionnelle respectable. Le choc doit être produit par le contenu du livre. Nous l’avons expliqué à Muriel à l’aide de croquis.»57

En juin 1972, un compromis fut arrangé. La couverture aux tonalités vert foncé accueillant la célèbre image de l’affiche «Tanya» et les noms des trois auteurs en caractères dorés (Baskerville) faisait d’avantage référence aux livres académiques qu’aux catalogues d’exposition comme le voulaient les Venturi. Mais elle fut emballée dans une pochette sablée, recouverte des différents titres de chapitres du livre en caractères noirs (sans Serif) imaginée par cooper. Sa conception graphique et spécialement son travail typographique, un lettrage rouge pour le titre LLV en seconde ligne, était caractéristique du travail de cooper faisant directement allusion à son catalogue d’exposition (1964) «Communication» by Design: Muriel Cooper, Malcolm Grear, Norman Ives, Carl Zahn, où le terme «communication» se découpait de l’arrière-plan par un lettrage coloré.dans son interview accordée à Supercrit, denise Scott Brown reviendra sur cet incident: «Nous avons pu rejeter la couverture qu’avait imaginée Muriel et concevoir l’une des nôtres. La couleur de sa police et la photo en médaillon (basé sur des albums de cartes de cigarettes de mon enfance) et son agencement axial impassible, simulant un ouvrage savant, étaient destinés à jouer contre son contenu scandaleux, dans le cadre du jeu de la fusion entre la culture pop, la haute culture et le Jinx - le nôtre, pas celui de Muriel. Elle a essayé de cacher cette multitude de péchés à l’aide d’une pochette sablée affublée d’Helvetica. Nous avons détesté ce cache-misère héroïque et original, mais il paraît que quand elle subsiste, elle augmente le prix de revente du livre.»58

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59 Scott BroWn denise, op cit. note 23. traduction de l’auteur.

60 cooPEr Muriel, op cit. note 23. traduction de l’auteur.

61 op cit. note 6 traduction de l’auteur

62 op cit. note 1

22. Logo du Learning from Las Vegas

21. Planche 3-3A, maquette préliminaire de la Partie I de Learning from Las Vegas, 1971.

20. Planche 1-1A, maquette préliminaire de la Partie I de Learning from Las Vegas, 1971.

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nous pourrions résumer l’essentiel de la critique de la première version qu’en ont fait les auteurs par celle établie par denise Scott Brown sur la page de garde de l’édition annotée59: le titre, positionné dans le coin gauche supérieur de la page est encerclé et déplacé au centre de la page et accompagné des commentaires suivants: «Cette page pourrait-elle être revue car sa composition est semblable à un ‘duck’?» cooper rétorquera plus tard «Ce qu’ils voulaient le plus, c’était un ‘duck’, pas un Hangar Décoré. Je leur ai donné un duck.» 60

Logo LLV

Denise Scott Brown justifia la réduction considérable du nombre d’images dans la deuxième version (de 452 à 151) et le remplacement de 182 photos couleurs par des dessins) ainsi qu’une mise en page simpliste regroupant les images en une section séparée du texte cadenassé dans une unique colonne de la sorte:«Il est vrai que les comparaisons entre les cartes et images de la première édition étaient utiles, de même que l’était la couleur - ou elle l’eut été, si l’impression n’avait pas été si trouble. Et il est vrai que notre deuxième version est maigre. Mais pour nous, son atmosphère ‘Laide et Ordinaire’ est juste. Et la séparation des textes pour des raisons budgétaires à un avantage: elle a mis en évidence l’identité des programmes de travail en studio, les aidant peut-être à atteindre leur degré d’importance actuelle en tant que modèle pour les chercheurs en architecture.»61

une maquette préliminaire de la première partie de LLV, datée du 23 février 1970 fut produite au sein de l’agence Venturi&Rauch. Il s’agissait de 13 planches (56x76 cm) divisées en deux parties égales par une ligne pointillée bleue. La première page en guise d’introduction présentait une brève partie de la préface de la première édition ainsi que l’affiche du studio, Learning from Las Vegas, La Grande Locomotive Culturelle Prolétarienne et un collage, The Trip, superposant quelques articles de presse sur le studio et des photographies de Yale et de Las Vegas. En général, le texte y était central et les photographies secondaires, en accord avec les volontés des Venturi d’empêcher la forme de supplanter le contenu. Comme sur les planches de présentation finale du studio, le logo «LLV», emblème de l’atelier, apparaissait clairement dans la maquette préliminaire. de même, il restait présent dans la première édition de LLV mais disparu pour la réédition.De la même manière, les deux illustrations phares du studio, l’affiche et le collage, auxquelles le lecteur est confronté dès la première page de la version originale de LLV, sont dissimulées dans la deuxième version. Pourtant denise Scott Brown nota dans sa préface: «Dans cette version révisée, le texte parallèle des notes d’atelier a été transféré à une section à part et raccordé au texte de la première partie. Dans cette forme, il rétablit un peu de son identité originale.»62

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63 Id.

64 Id.

65 Id.

66 JEncKS charles, «Venturi et al are Almost all right», Architectural Design, 7-8 1977, p.468.

23. Planche 6-7 de Learning from Las Vegas, 1ère édition, MIT Press, 1972.

24. Planche 182-183 de Learning from Las Vegas, 1ère édition, MIT Press, 1972.

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Réception publique

Considérant la structure, certaines modifications sont à noter, comme la suppression de la troisième partie de la première édition concernant le travail de la firme Venturi & Rauch, compensée par l’addition d’une bibliographie complète de leurs écrits et des articles les concernant directement.dans sa préface, denise Scott Brown, consciente que les premières parutions de ses propos furent reçues négativement, «Nous pressentons que les idées qui furent lancées dans L’enseignement de Las Vegas rencontrent aujourd’hui un plus large accueil que lorsqu’elles furent publiées, pour la première fois»63, mentionne un certain nombre de ses écrits et ceux de robert Venturi comme réponse complète à ces différentes accusations: «ce n’est pas ici le lieu pour répondre aux critiques qui nous sont adressées mais, puisque nous comptons aussi bien augmenter qu’abréger, je répertorierai ici les réponses que nous y avons données ailleurs.» 64 Et elle citera «On Architectural Formalism and social concern; a discourse for Social Planners and Radical Chic Architects», ou encore «Sexism and the Star System in Architecture.»Elle ajoutera «les renseignements (...) sur [nos] articles se trouvent dans la bibliographie de Venturi et Rauch, ajoutée à cette édition. Cette liste d’écrits dus à des membres de notre agence et à d’autres est la plus complète dont nous disposons. Toute indication sur ce que nous avons pu omettre est la bienvenue.»65

Le bouillonnement de critiques qu’avait engendré l’article «A significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas» continua à débattre sans fin sur la philosophie venturienne évinçant tout travail graphique.Charles Jencks, dans un article publié à l’été 1977 dans l’Architectural Design, «Venturi et al are Almost all Right», fit une brève allusion à la nouvelle édition, y prétextant son article: «Ce sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre - et cette nouvelle édition de leur livre de 1972 cite la plupart des sources dans une bibliographie - ce qui laisse penser qu’il est a présent temps d’en faire une évaluation équilibrée.»66

Ensuite, Kester Rattenbury, professeur d’architecture et co-auteur de la publication Supercrit relève dans sa préface, certains changements quant à la conception graphique de LLV. d’après lui, malgré l’avis tranché des auteurs, la première édition permettait de saisir certaines subtilités que la deuxième édition ne laissait pas présager. d’après lui, grâce à sa mise en page novatrice et volontairement chaotique du premier, son format imposant et les techniques de photomontage et d’arrêt sur image abondamment utilisés, elle envahit le lecteur et le projette directement le long du Strip en février 1968, s’imaginant au volant d’une voiture, assailli par les casinos, les affiches et l’incessant clignotement des enseignes lumineuses. De cette manière le lecteur peut plus facilement identifier

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67 rAttEnBurY Kester, «Previews», Supercrit 2, Robert Venturi and Denis Scott Brown, Learning from Las Vegas, (éd. routledge, oxon, 2007), p.13-24.

68 Id.

69 Denise Scott Brown to Barbara H. Ankeny, 16 avril, 1976. AAFAL traduction de l’auteur.

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l’intérêt du discours théorique novateur affirmé et son affection particulière à valoriser le trivial et prendre comme élément essentiel de la quotidienneté les slogans, enseignes et stéréotypes d’un univers commercial à une époque où la décoration parait culturellement inconcevable. cependant, l’auteur reconnaît la valeur de la seconde édition et suspecte même que sans sa présence «nous ne serions pas encore en train de débattre de Learning from Las Vegas trente ans plus tard.»67 Il rappela en conclusion que le médium représentait aussi une part du message et que comme les Venturi l’avaient démontré, «Une nouvelle compréhension du contenu, indécelable jusque là, émerge lorsqu’on modifie le cadre de représentation.»68

une dernière lettre de remerciement des Venturi adressée à leur éditrice, Barbara Ankey fut retranscrite: «Un travail exceptionnel, réalisé dans l’espoir de pouvoir, ensemble, produire un livre que nous aimerons tous.»69

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controVErSE 3Las Vegas ou les enseignements du Pop Art

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1 ScuLLY Vincent, Introduction à Complexity and Contradiction, traduit en français dans De L’Ambiguité en Architecture, 2ième ed., Venturi robert, Paris, dunod, 1999, p.10.

2 VEnturI robert, Ibid p.10.

3 Scott BroWn denise, « on Pop Art, Permissiveness and Planning », AIP Journal, mai 1969, p184 -186. (traduction de l’auteur).

4 SCOTT BROWN Denise, “Learning from Pop,” Casabella, 359-360, Mai/Juin 1971, p.15-23.

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Learning from Pop

Les nombreuses déclarations des Venturi au sein de leurs écrits, discours et débats sur le Pop Art, nous démontrent leur affinité réelle à « l’Art Scene » des années 1960.Le Pop Art est effectivement central dans leur approche ; ils s’y réfèrent déjà dans leurs essais personnels à la fin des années 1960. Vincent Scully, dans son introduction à l’essai de robert Venturi, Complexity and Contradiction in Architecture, fait une description de la vision Pop Art de l’architecte : « Robert Venturi est un des très rares architectes dont la pensée participe du mouvement de peinture Pop Art, et probablement le premier à s’être rendu compte de l’utilité et de la signification des formes créées par ce mouvement. Il a manifestement beaucoup appris auprès des peintres Pop Art au cours de ces dernières années, bien que l’essentiel de sa thèse ait été mise au point au cours des années «cinquante», avant qu’il ait commencé à s’intéresser au Pop Art. Son expression ‘Main Street n’est-elle pas parfaite ?’ correspond exactement au point de vue Pop, comme son goût instinctif pour les hors d’échelle dans les petits bâtiments et pour la vie qui se dégage des objets de consommation courante lorsqu’on les isole pour les observer. »1 Vincent Scully fait ici référence au dernier paragraphe de l’ouvrage, où Venturi amorce déjà la thématique de LLV : « Quelques-unes des leçons éloquentes du Pop Art, impliquant des contradictions de dimensions et de contexte, devraient avoir tiré les architectes de leur rêves guindés d’ordre pur (...) Et c’est probablement dans le paysage quotidien, vulgaire et dédaigné, que nous trouverons l’ordre contradictoire et complexe, dont notre architecture a un besoin vital pour former des ensembles intégrés au cadre urbain en tant qu’ensemble urbanistique.»2

denise Scott Brown fait référence similairement au Pop Art dans ses écrits personnels. dans son article, « on Pop Art, Permissiveness and Planning »3, elle fait écho à robert Venturi quant à l’importance du Pop Art pour la théorie d’architecture : « La meilleure chose qu’un architecte ou un urbaniste puisse offrir à une société nouvelle, à part une belle terre, est sa propre compétence, utilisée à bon escient pour la société afin de développer une compréhension respectueuse de ses artefacts culturels et une stratégie de développement bienveillante visant à convenir aux besoins ressentis et au mode de vie de ses habitants. C’est une activité socialement responsable, c’est, en somme, ce qu’Herbert Gans et les artistes pop font. »Et elle réitéra dans son article « Learning from Pop » paru dans la revue Casabella, « L’urgence de la situation sociale, et la critique sociale du renouveau urbanistique et de l’architecte en tant que serveur d’un spectre étroit de la population la plus riche (...) ont eu autant d’importance que les artistes Pop pour nous guider vers la ville américaine existante et ses bâtisseurs. »4

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5 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «A Significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas», Architectural Forum, Mars 1968.

6 Ibid p. 37.

7 WHAROL Andy, HACKETT Pat, POPism, The Warhol’ 60‘s, New-York: Harcourt Brace Jovanovich, 1980, p39.

8 ruBLoWSKY John, Pop Art, New York: Basic Books, 1965, p.8-9.

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cette conception du Pop Art qu’ils développèrent chacun de leur coté, trouva son expression maximale dans leur collaboration pour l’écriture de leur article « A Significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas »5 et de leur publication LLV qui en découla.dans cet article, les auteurs prirent le Pop Art comme exemple d’une approche tolérante du paysage urbain existant. En combinant une esthétique « populiste » et les avancées de The View from the Road, les architectes clament que « créer le nouveau pour l’artiste, peut vouloir dire choisir l’ancien ou l’existant. Les artistes pop ont réappris à le faire. Notre reconnaissance de l’architecture commerciale existante à l’échelle de la grand-route s’inscrit dans cette tradition. »6 robert Venturi et Denise Scott Brown s’inspirèrent de la «représentation mentale» de Kevin Lynch, non pas, comme lui, pour soutenir le fait que la ville soit exceptionnellement organisée et immédiatement perceptible, mais plutôt dans l’idée de conserver les « modèles latents » qui peuvent être découverts et révélés par les urbanistes et les architectes.

Leurs pensées reflètent celles des critiques et artistes Pop qui mettent en relation le style Pop Art, son sujet et le paysage urbain.Andy Warhol rappelle un de ces roadtrip depuis New York jusqu’en Californie en 1963 : « Plus nous roulions vers l’Ouest, plus toutes les choses que nous croisions sur la route nous semblaient Pop. Nous nous sommes soudainement sentis comme des initiés parce que malgré le fait que le Pop soit partout - c’était là sa particularité, la majorité des gens le prenait pour acquis, alors que nous, cela nous émerveillait - pour nous, c’était le nouvel Art. Une fois que vous comprenez le Pop, vous ne regardez plus jamais une enseigne de la même manière. »7 Dans la même lignée, John Rublowsky dans son livre sur « New York Pop » en 1965 affirme la nécessité d’établir un lien entre les sujets Pop et les espaces des villes au travers de photographies où il juxtapose des images Pop et leur pendant urbain. Il remarque l’intérêt d’un lien entre les caractéristiques des sujets et du style des artistes Pop et le paysage urbain comme le feront les Venturi.« Les formes voluptueuses d’un hamburger ; la simplicité et la franchise d’une planche de bande-dessinée ; le design accrocheur d’une boite de soupe ; la vision naïvement surréaliste d’un panneau publicitaire ; le look froid et ostensiblement fonctionnel d’un ‘Hollywood bath’ [salle de bain commune ndlr] ; l’exubérance tapageuse d’un chantier de construction d’autoroute (...) Leur travail [Oldenburg, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Allan D’Arcangelo, Tom Wesselmann et James Rosenquist ndlr] a exploré une zone de la réalité négligée jusqu’ici, et la sensibilité de leur vision nous a ouvert de nouvelles perspectives esthétiques. »8

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9 VEnturI robert, «the Summit», The Magic Hour: The Convergence of Art of Las Vegas, ed. Alex Farquharson, Weiz, Austria, 2002.

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11 RUSCHA Edward, «My books End Up in the trash», New-York Times, août 27,1972.

12 Scott BroWn denise, « on Pop Art, Permissiveness and Planning », AIP Journal, mai 1969.

13 Ibid. p. 186.

1. RUSCHA Edward, Some Los Angeles Apartments, couverture et 2 pages, Edité par l’auteur, Los Angeles, 1965.

2. RUSCHA Edward, «Good Years Tires, 6670 Laurel Canyon et North Hollywood», Thirty Four Parking Lots, Edité par l’auteur, Los Angeles, 1967.

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L’influence Ruscha

denise Scott Brown découvrit l’art de la photographie dans le courant des années 1960 lorsqu’elle enseignait en Californie. Elle y créa ses propres archives photographiques du paysage urbain vernaculaire.« Denise a découvert Ed Ruscha lorsqu’elle enseignait à UCLA au milieu des années soixante et nous apprenions déjà des artistes Pop et de leur valorisation du quotidien depuis la fin des années cinquante. »9 durant cette période, Edward ruscha, dont l’optique fut de « rapporter » sans porter aucun jugement, réalisa une série de livres auto-publiés, Twenty-Six Gasoline Stations (1963), Some Los Angeles Apartments (1965) (fig.1), Every Building on Sunset Strip (1966), où il présentait des exemples de différentes typologies architecturales de la ville. Ardus à la lecture, les livres de Ruscha représentaient d’après un article parut dans un numéro spécial du Visible Language,10 les « Okie-Pop-Minimal Vision » du paysage vide. Dans Thirty Four Parking Lots, il documente le «Commonly Unseen» «communément inapparent”, ou ce qui n’est généralement pas visible depuis le sol. Il exposa la manière de concevoir ses oeuvres, au travers d’un article intutilé «My books End Up in the Trash» du New York Times: « L’appareil photo est simplement utilisé comme un dispositif documentaire, le dispositif documentaire clandestin, c’est de cela qu’il s’agit (...) La représentation clandestine d’un immeuble à appartements dans ‘Some Los Angeles Apartments’ est une photographie, rien d’autre, pas un dessin, parce que cela deviendrait la vision de quelqu’un d’autre de ce qui est, alors que ceci est l’oeil de la caméra, le croquis clandestin du sujet.»11

Denise Scott Brown publia ses premières réflexions sur l’art de Ruscha dans son article, «on Pop Art, Permisiveness and Planning »12, où elle mit en évidence sa méthode de travail. Elle reproduisit des photos des trois livres de ruscha, une station essence, un immeuble à appartements et une aire de parking, Good Years Tires, 6670 Laurel Canyon et North Hollywood (fig. 2) qui opposaient un vaste parking impopulaire, long et étroit et le centre de service qu’il déssert. d’après denise Scott Brown, la pertinence des images Pop Art chez ruscha est un exemple phare de la matérialisation de la relation existant entre le bâti et le parking. Il révèle un « modèle d’extension. »13 Elle introduit son article par un retour sur l’histoire et une déclaration (qu’elle recitera pour LLV), sur les architectes et les urbanistes qui « commencent à chercher des manières nouvelles et plus réceptives de voir l’environnement », qu’elle mit en relation ensuite avec le travail de ruscha: «Mais les architectes et les urbanistes sont en réalité des retardataires dans le domaine et ont à apprendre des autres. D’Edward Ruscha par exemple ; ses vingt-six stations-service (Twentysix Gasoline Stations) sont photographiées tout droit : Pas d’art si ce n’est l’art qui dissimule l’art. Ses appartements de Los Angeles (Some Los Angeles Apartments) sont apocalyptiques, sans ascenseur, résidentiels, bridge-playing,empreints de camaraderie, avec un Tiki [sculpture

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14 Id.

15 BANHAM Reyner, «Ubder the hollywood signs» Edward ruscha: Print and publications 1962-74, (London,Arts council of Great Britain,1975.

16 Venturi prend parti pour les decorated shed en opposition au canard, les considérant comme des instruments de communication efficaces.

17 ruScHA Edward, «ruscha as Publisher(or All Book-Up)», Artnews 71, avril 1972, p34.

18 VEnturI r., Scott BroWn d., IZEnour S., Learning from Las Vegas, 1ere édition, Mass: Mit Press, 1972, p 12. (traduction de l’auteur).

19 Scott BroWn denise, «Learning from Pop», Casabella, 359-360, Mai/Juin 1971, p.15-23.

3. RUSCHA Edward, Every Building on the Sunset Strip, Edité par l’auteur, Los Angeles, 1966.

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polynésienne humanoïde en bois ndlr] dans l’entrée et une piscine dans le patio. Les trente-quatre parkings (Thirtyfour Parking Lots, 1967) photographiés depuis un hélicoptère ressemblent aux peintures de D’Arcangelo: des diagrammes abstraits, fléchés et tendus où les motifs dessinés par les taches d’huile sur l’asphalte révèlent des tensions différentes résultants des différents accès. Son Sunset Strip, un long pliage en accordéon, présente chaque immeuble des deux cotés du boulevard, chacun soigneusement numéroté mais sans aucun commentaire. Deadpan, une monographie académique avec une couverture argentée et une jaquette à glisser (...) suggère une nouvelle vision du monde immédiat qui nous entoure. »14

Every Building on the Sunset Strip (fig. 3) est une association de photos noir et blanc, seules ou par paire, au format alternatif, n’incluant si pas, presque pas, d’interruption textuelle (les adresses sont indiquées par des numéros) de façon à ce que le cadrage des sujets et la mise en page du livre n’interfèrent presque pas avec la réalité. « un art qui dissimule l’art » d’après les dires de Banham qui ajouta « Il n’y a pas là-bas de touche de l’artiste qui puisse perturber l’argument (...) Les livres n’offrent aucun indice verbal qui indique de quelle manière il faut regarder les objets, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait aucun indice qui indique comment regarder. »15

on peut observer un rapprochement entre les intuitions de ruscha et les considérations de VSBI dans LLV voire même peut-être une anticipation de leur concept du « decorated Shed »16 : « Tout ce que je cherchais était ce plan de façades (...) C’est un peu comme une ville de Western. Les façades des villes de Western sont simplement en papier, et tout ce qui est derrière n’est en fait rien (...) Pour moi, Los Angeles est comme une série de plans de façades, tous à la verticale de la rue, et c’est presque comme s’il n’y avait rien derrière les façades. Ce ne sont que des façades ici (...) Le façadisme de l’ensemble. »17 La déclaration de Ed ruscha anticiperait les dires de VSBI dans LLV: « (...) Les façades postiches des magasins de western (Ouest américain) étaient plus grandes et plus hautes que les intérieurs qu’elle couvraient pour exprimer l’importance du magasin et pour mettre en valeur la qualité et l’unité de la rue : les façades postiches appartiennent à l’ordre et à l’échelle de la Grand-Rue. De la ville actuelle située en plein désert de l’Ouest, au bord de la grand-route, nous pouvons tirer des leçons nouvelles et éloquentes d’une architecture de communication impure. »18

En décembre 1971, denise Scott Brown contribua à un numéro spécial de la revue Casabella, « The City as an Artifact » (fig. 4), par son article « Learning from Pop. »19 Au travers de sa discussion la plus soutenue sur les mérites du Pop Art, elle explique que l’artiste Pop célèbre l’environnement existant, et donc que le Pop Art souligne le contexte à partir duquel les architectes et urbanistes peuvent prospecter. Avant tout, le « paysage Pop » - supermarchés, Parkings, stand de Hot-dog, Entrepôts, Boulevards, routes, ruelles, etc - peut fournir les informations vitales nécessaires pour une future planification. Elle écrira : « C’était

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20 Ibid p.16.

21 Ibid p.17.

22 FrAMPton Kenneth, « America 1960-1970 : Noted on Urban Images and Theory » Casabella 359-360, Mai/Juin 1971, p.36.

23 Id.

24 FRAMPTON Kenneth, «towards a critical regionalism: Six Points for an Architecture of resistance », dans The Anti-Aesthetic. Essays on Postmodern Culture, Bai Press, 1983.

25 Op cit. note 22.

26 SCOTT BROWN Denise,“Pop off : Reply to Frampton,” Casabella, 359-360, Mai/Juin 1971, pp. 41-46.

5. Articles parus dans Casabella 359-360, Mai - Juin 1971, SCOTT BROWN Denise, «Learning from Pop», FRAMPTON Kenneth, «America 1960-1970: Notes on Urban Images and Theory» et SCOTT BROWN Denise, «Risposta per Frampton», 1971.

la revue Casabella intéressée de près par la scène américaine proposa à l’IAUS de lui léguer son «espace» le temps d’une édition spéciale bilingue, «The City as an Artifact». Eisenman, à la tête de l’institu-tion invita quelques figures de renommé telles que Robert Venturi, Denise Scott Brown et Kenneth Frampton à partici-per à cette première. Ce document est considéré comme le précurseur de la re-vue Oppositions

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une des rares sources de données contemporaines sur les aspects symboliques et communicatifs de l’architecture. »20 Elle recommande ensuite l’application de nouveaux types de techniques analytiques qui peuvent regrouper une abondance de données répétitives en un système compréhensible. Les séquences de film (référence à The View from the Road) peuvent par exemple être combinées aux techniques conventionnelles, à savoir le Nolly’s plan, les photos aériennes ou méthodes graphiques comparatives, pour décrire ce que denise Scott Brown perçoit comme «la dimensionnalité en perpétuelle évolution de la ville existante.»21 «Learning from Pop» (fig. 5, 6) fait partie d’un échange acerbe de points de vue établi entre denise Scott Brown et l’architecte, critique et historien anglais Kenneth Frampton. Parut dans le même numéro spécial de Casabella « The City as an Artifact » et suivant directement l’article de denise Scott Brown, « America 1960-1970 : Notes on Urban Images and Theory »22 (fig. 5) remet en question la crédibilité des leçons apprises du Pop Art dans la pratique de l’architecte et de ce qu’il qualifie « motopia» à savoir Las Vegas, Los Angeles, Levittown, etc. Selon lui, les deux ne sont pas spécialement reliés car contrairement à Las Vegas par exemple, les artistes pop exposent la brutalité d’un monde régi par les dynamiques commerciales de Madison Avenue. Il note que « les photos de Ruscha sont dépourvues de toute la chaleur humaine que ce type de formes servent indubitablement à maintenir (...) Elles caractérisent une objectivité clinique plus proche de l’étude de marché institutionnelle que de l’expression authentique d’une culture. » Il prétend que « cette fascination obsessionnelle pour l’imagerie et l’imagination n’est qu’une distraction du réel vandalisme institutionnalisé que l’intérêt pour le commun et l’existant a forgé dans la culture. »23 Il insiste en ajoutant que les présomptions populistes de denise Scott Brown sont une forme de contrainte et dès lors, sa « permissivité » masque l’hégémonie naissante d’un capitalisme sous la conduite de Madison Avenue. La critique de la nouvelle condition urbaine que développait Kenneth Frampton dans son article « towards a critical regionalism: Six Points for an Architecture of resistance »24 laissait déjà poindre son aversion exacerbée envers la démarche des Venturi. d’après lui, « rien ne pourrait être plus éloigné de l’essence politique de la ville que les rationalisations d’urbanistes positivistes comme Melvin Webber, dont les concepts idéologiques de communauté sans proximité et la réalité urbaine du non-lieu ne sont rien d’autre que des slogans inventés pour légitimer l’absence de toute réalité publique dans la motopia moderne. » et il ajoutera «Le pouvoir manipulateur propre à de telles idéologies n’a jamais été aussi ouvertement exprimée que dans Complexity and Contradiction in Architecture (1966) de Robert Venturi.» Il considère l’étude des Venturi du Strip de Las Vegas comme «une rationalisation de facto de l’environnement pollué» et les ridiculise par une question rhétorique: «Les architectes ont-ils réellement besoin d’élaborer une ratification sociologique à la Gans, pour qu’on leur dise que ce dont les gens ont besoin est ce qu’ils ont?»25

Dans son droit de réponse, « Pop Off : Reply to Frampton »26 (Fig. 5), denise Scott Brown accuse Kenneth Frampton de fonder une mauvaise interprétation

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27 op. cit. note 11.

28 op. cit. note 23.

29 op. cit. note11, p. 185.

30 Id.

31 Remedial Housing for Architects, or Learning from Las Vegas, Ecole d’Art et d’Architecture de Yale, 1969, sous la tutelle de Scott Brown denise, Venturi robert, Izenour S.

32 Scott BroWn denise, op cit note 2, p.56.

6. SCOTT BROWN Denise, «Risposta per Frampton», Casabella, 359-360, Mai - Juin 1971.

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délibérée de son article. Elle affirme qu’il suggère que « les architectes se trompent : Ils sont radicaux dans leur quête d’une architecture révolutionnaire plutôt que dans celle d’une utilisation de leurs compétences pour servir l’innovation sociale. » contrairement à Frampton, denise Scott Brown considère l’innovation sociale comme implicite au Pop Art. Elle l’explique d’ailleurs dans son article «on Pop Art, Permissiveness and Planning» (article que Frampton cite dans sa critique) que « La meilleure chose qu’un architecte ou un urbaniste puisse offrir à une société nouvelle, à part une belle terre, est sa propre compétence, utilisée a bon escient pour la société afin de développer une compréhension respectueuse de ses artefacts culturels et une stratégie de développement bienveillante visant à convenir aux besoins ressentis et au mode de vie de ses habitants. C’est une activité socialement responsable, c’est, en somme, ce qu’Herbert Gans et les artistes pop font. »27 denise Scott Brown avance que les architectes et urbanistes peuvent apprendre de Las Vegas sans que cela n’implique la reconversion d’une ville en Las Vegas « Apprendre à aimer Las Vegas pour son essence («body») nous apprendra a comprendre comment être doux avec l’essencede South Street (à Philadelphie), donc avec la vie de ses occupants. »28Elle fait souvent référence à la substance de la ville, son plaisir et déplaisir : « le frisson généré par la tentative d’aimer ce que l’on n’aime pas est connu pour être source de création ; il ébranle l’artiste dans ses habitudes esthétiques et le sensibilise à nouveau à la source de son inspiration... Ici, la secousse vient de l’utilisation inattendue d’un élément ordinaire d’une manière extraordinaire. »29 Elle décrira le Pop Art comme « une nouvelle source d’énergie effrayante. »30

Au sein des ateliers d’architecture de l’Université de Yale précédant la date de parution de LLV, l’un, comme on l’a vu, sur l’environnement commercial de Las Vegas en 1968 et l’autre sur le symbolisme architectural du faubourg de Levittown31 en 1970, VSBI s’inspirèrent nettement du travail de Edward ruscha. dans les notes du studio de Levittown, denise Scott Brown rappelait les consignes suivantes :« Quelles nouvelles techniques sont nécessaires pour représenter les nouvelles formes ? Nous devons viser à figer(deadpan) la matière pour qu’elle parle d’elle-même. Ruscha a été le premier à traiter ses monographies de cette manière. C’est une façon d’éviter de se faire reléguer au second plan par notre propre sujet. Cela peut aussi nous guider vers la rigueur méthodique requise par l’analyse architecturale formelle des lors qu’elle sera reconnue comme une discipline légitime. »32 Durant le Studio de Recherches LLV, les élèves réalisèrent deux illustrations portant le nom de « ‘Edward Ruscha’ elevation of the Strip » et « Piece of South Street ‘Ruscha’ » en référence à son art. La composition graphique se rapprochait du format de l’ouvrage Every Building on the Sunset Strip afin de recréer au mieux l’expérience du conducteur que Ruscha décrira comme « a continuous motorized photos. »

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33 Scott BroWn denise, «remedial housing for Architects studio», Venturi, Scott Brown & Ass., On House and Housing, ed.James Steele, New York: St Martin’s, 1992, p 57.

34 oldenburg retrospective, MoMa, nY, 1970.

35 La Smithsonian Institution, crée fin du XIX ième siècle par le scientifique britannique James Smithson, est une institution éducative et de recherche associée à un vaste complexe de dix-neuf musées et sept centres de recherche principalement situés à Washington, fondée et gérée par le gouvernement américain. La Galerie Renwick est reliée au Musée d’art américain du Smithsonian regroupant la plus grande collection existante d’art américain.

36 LIPStAdt, Helene r., «Interview with r. Venturi and d. Scott Brown», Architecture, Mouvement, continuité, Juin 1976, p. 95-102.

37 Scott BroWn. op cit. note 34.

7 Couverture du catalogue de l’exposi-tion «Signs of Life : Symbols in the Ame-rican City» organisée dans la Renwick Gallery du Smithsonian Institute, été 1976.

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VSBI furent également influencés dans leur conception et représentation des villes par l’«overscale» de l’artiste claes oldenburg et sa représentation des objets ordinaires et spécialement son «Hamburger». dans le Levittown studio toujours, Denise Scott Brown fit référence à la «Oldenburg Interpretation» et incita ses élèves à « faire pour le logement ce qu’Oldenburg a fait pour les hamburgers.» Elle explique: «Oldenburg nous a essentiellement forcés à regarder les hamburgers d’une manière différente parce qu’il les a représentés d’une manière inhabituelle : grands, laqués et dans une galerie d’art. Les aime-t-il ou les déteste-t- il, et que devons nous ressentir? Il ressent probablement un peu des deux, mais cela ne change rien, en tout cas pas encore. L’intérêt premier est le changement de vision et de compréhension qu’un Oldenburg peut induire, et la réinterprétation et reclassification de nos artefacts qu’il fournit. »33 cette déclaration traduit clairement les ambitions de VSBI qu’ils développeront dans LLV.Remedial Housing for Architects studio aussi appelé Learning from Levittown studio, débuta juste après la rétrospective d’oldenburg exposée au MoMA à New York.34

Signs of Life: entre Représentation et Réalité.

durant l’été 1976, l’exposition Signs of Life: Symbols in the American City, présentait au grand public les théories de robert Venturi et denise Scott Brown ainsi que les recherches effectuées principalement lors de leurs studios d’architecture, au sein d’une institution symbolique, la Renwick gallery de la Smithsonian Institution35, à Washington à l’occasion du bicentenaire des Etats-unis. Lors d’un entretien entre robert Venturi, denise Scott Brown et la revue française Architecture, Mouvement et Continuité36 en juin 1976, denise Scott Brown évoqua cette opportunité avec enthousiasme: «Egoïstement, je pourrais dire que ce projet est merveilleux dans la mesure où l’association avec ce musée national est une reconnaissance. Nous ne pouvons plus être considérés comme choquants et hideux (tels que beaucoup de critiques nous ont décrits) puisque nous avons été choisis par cette auguste institution. C’est enfin l’occasion de développer quelques idées que nous avions depuis 1970.»37

Pourtant Charles Jencks, dans son ouvrage Le langage de l’Architecture Post-moderne paru en 1977, en revenant sur les affinités populaires des Venturi et de leurs associés réferera l’évenement de la sorte:« Avec sa femme Denise Scott Brown et son équipe de designers, Venturi rechercha dans ses manifestations jusque là méprisées du goût populaire des ‘leçons de symbolisme’. Les résultats furent rassemblés dans ce que l’on pourrait appeler la première anti-exposition d’architecture post-moderne « Signes de vie : les symboles

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38 JAMESon Fredric, « the vanishinh Mediator ; or Max Weber as Storuteller » , The Ideologies of Theory : Essays 1971-1986, vol.2 (Minneapolis : University of Minnsota Press, 1988), p3-34 (traduction de l’auteur).

39 VEnturI robert, Scott BroWn denise, catalogue d’exposition «Signs of Life: Symbols in the American City»,1976, acquis depuis les archives personnelles de Venturi, Scott Brown & Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

40 «Minutes of the meeting on the bicentennial exhibition on city, 6 mars 1974, Renwick Gallery», Venturi, Scott Brown collection, box 144.

41 Op cit. note 36.

8. Photos de l’exposition «Signs of Life : Symbols in the American City» organisée dans la Renwick Gallery du Smithsonian Institute, été 1976.

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dans la ville américaine » (anti par ce que la manifestation allait à l’encontre des codes traditionnellement utilisés par les musées pour la présentation des œuvres d’art. »38

L’exposition proposait une redéfinition et une reconsidération du paysage typique américain, comme le citent les Venturi dans leur catalogue de présentation: «Qu’est ce qui fait qu’une maison à l’air d’une maison, qu’une école à l’air d’une école, qu’une banque à l’air d’une banque? Qu’est ce qui fait qu’une station d’essence a l’air d’une chose familière? Cette exposition doit montrer que les formes de l’architecture ont des significations symboliques et donnent des messages qui rendent l’environnement compréhensible et par conséquent utilisable par des gens dans leur vie quotidienne. »39

Les architectes essayèrent de mettre en place un discours, non pas dogmatique ni centré sur des principes universels, mais plutôt au travers d’objets vernaculaires et d’expériences individuelles. Comme l’a souligné Joshua Taylor, directeur du National Gallery of Fine Arts du Smithsonian Institute, durant la phase de planification de l’exposition: « L’accent de l’exposition devrait être mis sur l’aspect sensuel, amener les gens à réfléchir sur ce que vivre en ville signifie par l’utilisation d’objets plutôt que par des photos et de longues notes explicatives (...) amener les gens à vivre des situations différentes plutôt que de juste les leur faire lire. »40 Les Venturi ajouteront dans leur argumentation que « cette exposition vise également à suggérer aux designers, aux architectes et aux planificateurs d’étudier sans préjugé le paysage urbain actuel et spécialement les significations symboliques que les gens y mettent. Ce faisant, ces urbanistes apprendront plus qu’ils n’en savent maintenant au sujet des besoins, des goûts et des préférences des gens dont ils influencent la vie, et particulièrement au sujet des groupes dont les valeurs sont différentes des leurs. »41

L’exposition présentait les signes et les symboles des archétypes de trois environnements urbains différents, l’habitation privée, le Strip suburbain et la rue Main Street (fig. 8). Elle ouvrit ses portes sur la première thématique, l’habitation privée, présentant la charge symbolique d’une maison urbaine («row house»), d’un pavillon de banlieue de Levittown et d’une maison dans le style «gentilhommière» («colonial house») des banlieues chics («exurban»). Le visiteur se retrouvait confronté à des façades typiques et des maquettes de salons décrivant, à l’instar d’une bande dessinée, sa propre charge symbolique au travers de bulles. Par exemple, la porte de style «colonial» se retrouvait comparée avec son modèle historique de la nouvelle Angleterre, au même titre que l’étaient les lampes de cocher ou les sculptures de jardin.du matériel additionnel accroché aux murs complétait l’exposition interactive et renseignait par quelques textes informatifs ou par une documentation photographique le style domestique et sa communication symbolique. Denise Scott Brown mentionna à ce propos: «Nous voudrions montrer au grand public

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42 op cit. note 34.

43 MArVEL Bill, «on reading the American Landscape», National Observer, 24 avril 1976. (traduction de l’auteur).

44 RUSSEL Beverly, House and Garden 148, août 1976, p.79. (traduction de l’auteur).

45 THUTHILL Mary, Michigan News, 7 mars 1976. (traduction de l’auteur).

46 VAn EcKArdt Wolf, «Signs of a urban Vernacular», Washington Post, 20 fevrier 1976. (traduction de l’auteur).

47 HuXtABLE Ada Louise, «the Pop World of the Strip and the Sprawl», New York Times, 21 mars 1976. (traduction de l’auteur)

48 VEnturI robert, op cit note 34 (traduction de l’auteur).

9. Id.

10 Id.

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la maison américaine telle qu’elle est habitée, vécue par tout l’éventail social. Si les critiques d’architecture y voient de l’arrogance et de la condescendance, c’est par ce qu’ils projettent la leur, mais notre intention est d’éviter ces réactions d’élite car nous pensons que nous devons nous sensibiliser à cette culture avant de porter des jugements. Les architectes, pour la plupart, ont portés trop de jugements. J’attends la réaction des gens qui verront leurs propres maisons rassemblées et je suppose qu’ils ne seront pas outragés. »42

Le Strip quand à lui alliait différents éléments de l’environnement commercial. Encerclé par des enseignes de McDonald à ses deux extrémités (fig. 9), ce couloir d’exposition exhibait des panneaux d’affichages, de signalisation, et des néons reflétant l’atmosphère de la Grand-route par une lumière alternant une ambiance nocturne et diurne. Au centre de la pièce, une affiche proposait des photographies de la roadside architecturale et offrait des explications sur le symbolisme urbain (fig. 10). La troisième section, The Main Street, incluait des photographies et des reproductions chevauchant une culture Pop et un «Fine Art» en alliant par exemple, une page publicitaire d’une signalétique commerciale d’un magazine contemporain à une peinture du 19ième siècle.

cette projection d’espaces familiers et d’objets actuels incita inévitablement les critiques à établir des comparaisons avec le Pop Art. Le National Observer, dans un article intitulé « on reading the American Landscape» annonçait «Signs of Life: une Encyclopédie du Pop »43 tandis que d’autres revues américaines déclaraient avec enthousiasme que « La vie réelle: C’est de l’Art »44 ou encore « le Pop Art, un succès à Washington.»45 Le Washington Post ovationna le Strip: « Les enseignes lumineuses criardes et brouhaha visuel de la Route 66 (...) sont exposées de manière passionnante au Renwick et élevés au rang d’art »46 non moins que l’acclama un article du New York Times, « the Pop World of the Strip and the Sprawl », signé Ada Louise Huxtable: « L’effet de ce montage abstrait et dynamique de couleurs, de lumière et de mouvement, de McDonald’s à Mobil, est étonnamment esthétique, à la manière perverse du Pop Art. Les enseignes du Holiday Inn n’ont jamais été aussi belles. »47

dans leur catalogue d’exposition, les architectes notèrent l’importance de leur installation qui incluait directement le spectateur au travers d’images et d’expériences simultanées. Pour le Strip, ils décrivirent l’expérience du visiteur en démontrant la centralité de l’art de ruscha dans le design de la pièce dédiée à l’environnement routier : « Vous découvrez une grande image linéaire du Strip mouvante. Vous marchez à travers la pièce le long d’une élévation en mouvement d’un grand boulevard à la Edward Ruscha. »48 Positionné au niveau des yeux, les deux « écrans rétro-éclairés » représentaient le Strip dans le sens opposé du parcours du spectateur afin d’augmenter la vitesse et simuler au mieux l’expérience de la perception d’un automobiliste. Perpendiculairement au Strip,

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49 KrEBS Patrica, «Psst... What is Your House saying About You?», The Charlotte Observer, 22 aout 1976. (traduction de l’auteur).

50 STEIN Benjamin, «The Art Forms of Ever(y)day Life», Wall Street Journal, 22 avril 1976.

51 SHORE Benjamin, «‘Symbols of American City’ a Monument to Bad taste?» St Louis Missouri Global-Democrat, 8 avril 1976.

52 GEddES Jean, «Is Your House crawling with Urban Symbolism?», Forecast, mai 1976, p.49.

53 VEnturI r., Scott BroWn d., IZEnour S, «Proposal for a Book and Movie version of ‘Signs of Life: Symbols in the American City’», Venturi Scott Brown collection, box 179.

11. Plan de coupe des installations de VSBA pour l’exposition «Signs of Life : Sym-bols in the American City», été 1976.

12. Id.

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des enseignes lumineuses imitaient leur statut réel le long du Strip et sur les bas cotés des informations photographiques, la plupart reprises du Studio LLV complétaient la thématique. (fig. 11)Le quotidien Charlotte Observer salua cette mise en scène de la sorte: « Cette représentation glorifie et falsifie à la fois complètement le Strip. Ces enseignes ne sont jamais vues de cette manière, de près et à proximité les unes des autres. Ici, comme jamais avant, ce sont de beaux objets »49 (fig. 12). Tandis que le Wall Street Journal relayait le Strip au statut d’art dans un article intitulé «the Art Forms of Ever(y)day Life» : «Le Strip déborde d’énormes enseignes vivement éclairées (...) ces pièces magnifiques (...) sont en réalité de magnifiques nouvelles formes d’art.»50 d’autres périodiques évoquèrent le réalisme de l’exposition: «Depuis que nous sommes une nation sur roues (roulante), marcher à travers l’exposition s’apparente à conduire à travers les Etats-Unis.»51 ou encore «Aujourd’hui, à la galerie Renswick, vous pouvez quitter une avenue calme de Williamsburg, virer et vous retrouver brusquement face à une rampe illuminée de néons, un conglomérat d’énormes enseignes tapageuses et enfin, à quelques pas seulement, vous retrouver en plein milieu d’une rue de Houtson au Texas (...) Le réalisme est tel que vous goûtez les hamburgers lorsque vous croisez les Arches Dorées [du M de McDonald’s ndlr] sur le boulevard des néons, ou le Strip. Un motel vous invite à une confortable nuit de sommeil et vous vous surprenez à chercher le prix de l’essence lorsque vous croisez la station-service. »52 Après quelques mois d’ouverture, la popularité de l’exposition généra la demande d’une version «travelling». Les architectes envisagèrent de réaliser un film ou un livre qui « traite des mêmes idées et images, mais dans le contexte plus réaliste du conducteur et du spectateur en mouvement, qui instruira l’étudiant et préparera le public à regarder et interpréter le paysage américain. »53

Le film aurait pu être la version animée de LLV mais le projet fut finalement

abandonné.

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controVErSE 4 Las Vegas ou les limites du discours

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1 «Las Vegas et caetera» dans Archithèse n°13: «réalisme en architecture», 1975.

2 Von MoSS Stanislaus, éditorial de «uSA- SuISSE», Archithese n°16, 1975.

3 Von MoSS Stanislaus, éditorial de «realisme en architecture», Archithese n°19, 1976.

4 Von MoSS Stanislaus, éditorial de «Metropolis 1. New York: un mythe européen», Archithèse n°17, 1976.

5 «Metropolis 2. New York: la transmission d’une explosion architecturale», Archithèse n°18, 1976.

6 «Metropolis 3. Américanisme, Skyscraper et Iconographie», Archithèse n°20, 1976.

1 «Las Vegas, etc. ou Réalisme en Archi-tecture», Archithèse, n°13, 1975.

2. «USA - Switzerland» , Archithèse, n°16, 1976.

3. «Réalisme» , Archithèse, n°19, 1976.

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Contexte USA/Europe

Il faut reconnaître que de nos jours très peu de critiques ont abordé la question de l’impact réel de l’étude des Venturi sur le débat architectural et urbain européen de l’époque. dans cette optique, l’apport de la presse spécialisée suisse, par le biais de la revue Archithèse, est à considéré comme une source première. En effet, peu de temps après la publication de la première édition de LLV, la revue fit un large écho à la scène américaine et plus spécialement à l’apport des Venturi. En 1975, un premier numéro initiateur d’une prolifique série américaine, intitulé «Las Vegas, etc. ou réalisme en Architecture »«Las Vegas, etc. ou réalisme en Architecture »1 (fig. 1) est publié et suivi quelques mois plus tard d’une nouvelle parution « USA-Suisse » (fig. 2) qui « se propose de discuter du rôle des USA dans l’architecture actuelle en Europe. L’industrie, le commerce, les loisirs sont américanisés jusque dans leur vocabulaire. (...) L’architecture n’a pas échappé à ce charme que les Etats-Unis ont exercé depuis longtemps sur le monde industrialisé. Dépendant, derrière les clichés universellement acceptés à propos du ‘nouveau monde’ se cache une réalité plus complexe et plus compliquée. »2 L’année suivante, un nouveau numéro préparé par Bruno reichlin et et Martin Steinmann a pour thème «le Réalisme en Architecture.» (fig. 3) Comme l’éditorial de Stanislaus von Moss le précise, « Pendant ces dernières années on a parlé souvent d’une architecture et d’une planification plus ‘réalistes’. Ainsi dans le no. 13 d’Archithèse (Las Vegas etc.) il était question, entre autres, des valeurs culturelles de la petite bourgeoisie et du fait que les architectes devraient d’avantage s’y intéresser. D’abord pour pouvoir proposer des solutions plus concrètes et plus efficaces dans des conditions d’urgence, et ensuite pour récupérer certaines qualités formelles et symboliques que l’architecture moderne semble avoir abandonnées. Ce cahier (...) amène cette discussion dans le domaine de la théorie de l’architecture et présente un panorama de la discussion actuelle. »3

La même année, trois numéros intitulés « Metropolis 1. New York: un mythe européen » (fig. 4) qui « se propose de documenter le rôle de New York en tant que sujet, problème, et mythe de l’avant-garde européenne. »4 ; «Metropolis 2. New York: la transmission d’une explosion architecturale »5 (fig. 5) qui rapporte certains épisodes en partie inédits de l’histoire de l’architecture new yorkaise et «Metropolis 3. Américanisme, Skyscraper et Iconographie»6 (fig 6) qui clôture le débat de la revue Archithese qui fusionnera ensuite avec la revue suisse Werk pour des raisons financières et deviendra Werk-Archithèse de 1977 à 1979.

L’intérêt que porte la revue à un Américanisme en général et à l’oeuvre théorique et pratique des Venturi plus particulièrement peut s’expliquer par le contexte général dans lequel s’insèrent ces numéros. En effet, dés le milieu des années 1960, une double critique de l’héritage architectural et urbain du Mouvement Moderne apparaît, dans un contexte géographique assez large. La première,

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7 Von MoSS Stanislaus, «déplacement de phases» dans «uSA- SuISSE», Archithese n°16, 1975, p.28.

8 VON MOSS Stanislaus, historien de l’art suisse et théoricien de l’architecture, fondateur et rédacteur de la revue Archithèse de 1971 à 1980.

9 voir l’éditorial du premier numéro de la revue Archithèse,1971.

10 Von MoSS Stanislaus, Venturi and Rauch, Architektur im Alltag Amerikas, Musée des Arts décoratifs, Zurich. (catalogue d’exposition) 1979.

11 Von MoSS Stanislaus, Venturi, Rauch & Scott Brown, rizzoli, 1987.

12 Von MoSS Stanislaus, Venturi, Scott Brown & Associates, Monacelli Press, 2000

13 Von MooS Stanislaus, «Las Vegas et caetera» dans Archithèse n°13: «Réalisme» en architecture, 1975, p.5.

14 LEBEnSZtEJn J-c, « Hyperréalisme, Kitsch et Venturi » dans critique, vol XXXII, n°345, 1976, p.99-135.

4. «Metropolis. New York: Un Mythe Européen» , Archithèse, n°17, 1976.

5. «Metropolis. New York: La Transmis-sion d’une Explosion Architecturale» , Archithèse, n°18, 1976.

6. «Metropolis. Américanisme, Skysra-per et Iconographie» , Archithèse, n°20, 1976.

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comme nous l’avons vu, concerne l’urbanisation développée intensivement en périphérie ou « le paysage de bord de route ». La seconde, s’attaque plutôt à la diffusion élargie des idéaux modernistes dont l’hégémonie s’exerçait sur la construction de masse développée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.cette prise de position de la part de la revue repose sur l’objectif de transgresser certains de ces préjugés récurrents de l’époque. ce qui sera sollicité par le numéro « uSA-Switzerland » paru en 1975. dans l’article « déplacement de phases », von Moss avance que « Les visions d’une ‘grande crise’ de l’environnement, provoquée par de ‘faux’ principes architecturaux ou résultant d’un manque de ‘qualité’ architecturale, sont hors de propos - qu’elles soient avancées par un Peter Blake aux USA (1964) ou par un Rolf Keller en Suisse (1973).(...)Il serait grand temps d’aborder enfin les vrais problèmes d’une théorie de l’architecture qui soit en rapport (peut-être ironique) avec les réalités culturelles du public et qui respecte l’environnement existant au lieu de célébrer les vertus héroïques de la ‘forme pure’ et d’une architecture romantico-brutaliste,cryptomilitariste.»7

Les publications de la revue Archithèse témoignent de ce débat général de l’époque mais rendent compte aussi du travail rédactionnel de son fondateur, l’historien Stanislaus von Moos.8 La revue s’affichant clairement comme source de documentation et de réflexion théorique 9, il peut y afficher son propos critique sur l’héritage du Mouvement Moderne. Par la suite, il signera trois ouvrages sur la production des Venturi, Venturi and Rauch 10 en 1979; Venturi, Rauch & Scott Brown11 en 1987 et Venturi, Scott Brown&Associates12 en 2000. dans son article « Las Vegas etc. », von Moss introduit la pensée des Venturi au travers d’une analyse de leur publication Learning from Las Vegas. Il ajoutera à sa description que : « Il s’agit là d’une tentative de répondre de manière réaliste à une situation de crise : étant donné que le domaine bâti et son esthétique ne sont déterminés que dans une infime proportion par les architectes et leurs idéaux - spécialement aux Etats-Unis. Cette réponse consiste en une adaptation à la réalité visuelle de l’époque, à un renoncement au rôle traditionnel de l’architecture comme productrice d’utopies alternatives à la réalité. »13

ce propos sera soutenu par le critique et historien de l’art français Jean-claude Lebensztejn dans son article «Hyperréalisme, Kitsch et Venturi» paru dans la revue Critique une année plus tard: « Ce que Venturi proposait, c’était la tentative la plus intelligente et la plus ambitieuse de recyclage de l’environnement-poubelle. Au lieu de se lamenter sur la laideur du paysage urbain et suburbain, la civilisation de l’automobile et les méfaits du capitalisme, Venturi acceptait comme son matériel de base ces données incontournables. Autant les affronter, tirer de ce chaos un ordre, non pas idéal, mais le seul possible. »14

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15 PAWLEY Martin, «Leading from the rear» dans Architectural Design, janvier 1970.

16 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «Reply to Pawley - Leading from the rear» dans Architectural Design, juillet 1970.

17 FrAMPton Kenneth, « Place, Production and Architecture: Towards a Critical Theory of Building » dans Architectural Design, juillet / août 1982.

18 Von MoSS Stanismaus, Venturi, Rauch & Scott Brown, New York, Rizzoli, 1987, p. 16. tiré de Didelon Valéry, «Learning from Camp», dans Architecture et réflexivité. Une discipline en régime d’incertitude, Les Cahiers de la Cambre n°5, Bergilez JD, Guisse S., Guyaux MC, La Lettre volée / La cambre Architecture, Bruxelles, 2008.

7. «Venturi & Rauch» , Werk - Archithèse, n°7-8, Juillet - Août,1977.

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Elitiste/populiste

Paradoxalement, la polémique ne s’engage pas autour des questions d’esthétique, mais plutôt des enjeux politiques. Pour la critique marxiste soutenue par Kenneth Frampton, les Venturi sont précisément accusés de renier l’engagement social impliquant l’abandon de la responsabilité de l’architecte.dans son article «Leading from the rear» publié dans la revue Architectural Design, le critique anglais Martin Pawley déclare que c’est la première fois que des figures de l’avant-garde « ont cherché refuge dans le palais de l’empereur plutôt que de se joindre à la révolution. »15 Les Venturi sont jugés coupables d’avoir trahi les idéaux progressistes du Mouvement Moderne pour embrasser les valeurs du capitalisme et de la société de consommation. comme droit de réponse, le couple argumenta que : « l’architecte qui part de ce qui existe est moins nuisible et plus efficace que le théoricien irritable qui continue pompeusement et sèchement d’évoquer ‘l’impact de la technologie sur la civilisation occidentale’ et ‘la relation entre la science naissante du design et les objectifs humains et les inspirations’. Nous sommes en faveur de la science en architecture mais pas la science-vaudou des années 1920 ou 1960. »16

Kenneth Frampton insista par la suite sur cette citation « L’ironie avec laquelle les architectes de Lutyens à Venturi ont cherché à transcender, avec vivacité d’esprit, les situations contradictoires dans lesquelles on leur demande de construire, semble ici dégénérer en consentement total ; le culte camp du « laid et de l’ordinaire » ne peut être distingué des conséquences environnementales de l’économie de marché. »17 d’après lui, la célébration de l’architecture commerciale et populaire contribue à renforcer l’aliénation, et entretient le statu quo. cette critique de gauche, ce procès en trahison politise une démarche qui affiche pourtant depuis le début le plus grand détachement.Stanislaus von Moss, dans sa monographie Venturi, Rauch & Scott Brown, nota à ce sujet « Comme s’ils voulaient provoquer leurs critiques plus engagés politiquement, les Venturi se limitent à la documentation sobre des règles formelles et iconographiques qui sont à la base du strip comme « système de communication ». Ils s’en tiennent au visible, à ce que qui peut être visuellement perçu et photographiquement documenté, et ils collent aux critères quantitatifs qui les conduisent à une description positiviste. »18 Et comme le fait remarquer l’américain Vincent Scully, professeur d’histoire de l’art et de l’architecture, plaidant la cause des Venturi dans un article du Werk-Archithèse intitulé « Venturi & Rauch » (fig. 7) et justifiant l’effet contre-produisant qu’ont pu avoir leurs écrits: « Il [le problème ndlr] touche à la politisation de l’architecture dans les années 1970 et est inspiré par l’attitude violente que certains critiques marxistes européens ont adopté envers l’oeuvre et les écrits de Robert Venturi et Denise Scott Brown. Selon eux, ceux-ci constituent une négation de la gravité de la situation sociale et une trahison des objectifs du socialisme. (...)

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19 SCULLY Vincent, « Venturi & Rauch » dans Werk-Archithese 7-8, juillet-août, 1977, p. 8-9.

20 Id.

21 Von MooS Stanislaus, «rire pour ne pas pleurer», «interview avec robert Venturi et denise Scott Brown», dans Archithèse n°13: «Réalisme» en architecture,1975, p 27-31.

22 Scott BroWn denise, «rire pour ne pas pleurer», «interview avec robert Venturi et denise Scott Brown» de Stanislaus von Moss, dans Archithèse n°13: «Réalisme» en architecture,1975, p 29.

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Ils [les Venturi ndlr] essaient d’éviter d’imposer un modèle idéaliste sur la vie mais cherchent au contraire de libérer le pouvoir latent de forme et de communication que comporte la complexité même de la vie. Que pourrait-il y avoir de socialement plus utile - en fait, de marxiste - que cette recherche? Alors pourquoi toutes ces attaques? A mon avis, il faut en voir la principale raison dans le fait que de nombreux architectes et critiques marxistes européens en sont venus à considérer ce que nous, aux Etats-Unis, nous appelons le ‘International Style’ comme l’unique véhicule du «mouvement moderne » et par conséquent comme la seule incarnation des idéaux socialistes. Ainsi pour eux, toutes personnes qui, comme Venturi, ose formuler des doutes sur la sainteté canonique du Style International, mais encore trouve des suggestions viables dans les formes traditionnelles et dans les formes d’une culture populaire en système capitaliste, doit nécessairement être taxé de réactionnaire.»19 et il ajoutera: « l’Amérique et l’Europe en sont venues à différer entre elles de manière fondamentale, et il est difficile pour l’une de comprendre les formes de l’autre, en particulier lorsque comme celles des Venturi, elles sont ancrées dans de subtiles nuances culturelles. »20

Le débat se cristallise donc autour de deux tendances représentées chacune par de grandes figures idéologiques; d’une part Kenneth Frampton et d’autre part, celles des Venturi les opposant dans un débat acerbe autour du rapport « élitisme-populisme. »

dans une interview de robert Venturi et denise Scott Brown, intitulée « rire pour ne pas pleurer »21, accordée à Stanislaus von Moss, ce dernier rappelle, pour initier la conversation, que le travail du jeune couple au parfum éclectique n’était pas pour plaire aux architectes qui très souvent jugeaient cela frivole ou déconcertant. Dénigrant cette perspective, il mit plutôt en avant les affinités et les origines de leurs savoirs architecturaux qu’ils puisent dans des sources autant historiques que vernaculaires ou commerciales.A la mise en doute d’une accusation répétée de leur penchant pour le statut quo américain plutôt qu’aux manières de le changer, denise Scott Brown rétorque de la sorte : « Nous croyons que nos idées ont une base sociale et un intérêt pour une amélioration sociale. J’ai dit dans notre livre ‘Ne nous reprochez pas notre manque de conscience sociale. Nous essayons de nous entraîner pour offrir des connaissances et des capacités socialement significatives.’ Mais nos critiques n’ont cité que la première partie de cette déclaration : ‘Ne nous reprochez pas notre manque de conscience sociale.’ Toute l’argumentation qui supporte et justifie cette déclaration a été simplement ignorée. »22

Ensuite pour répondre au rôle que lui attribue von Moss de «intelligentsia» qui renforce le système aux yeux d’un intellectuel européen, elle évoqua elle aussi les divergences émanant d’un contexte américain ou d’un contexte européen. «Nous pensons que notre position pour ainsi dire néo-populiste est dans le contexte américain plus une position de gauche que de droite. D’autre part si les arguments de nos critiques peuvent paraître de gauche en Europe, il n’en va pas de même aux

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23 Id.

24 VEnturI robert, Scott BroWn denise, «A Significance for A&P Parking Lots, or Learning from Las Vegas», Architectural Forum, Mars 1968.

25 GoodMAn robert, «the Architecture of counter-revolution» dans After the planners, p.164-170.

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Etats-Unis. En fait, ils marquent plutôt une fuite de la réalité, car ici, en Amérique, il n’existe simplement pas l’organisation sociale et gouvernementale indispensable pour réaliser les théories européennes dans le domaine de l’architecture. (...) Dés que vous commencez à chercher les moyens de vous approcher de la réalité, vous découvrez qu’il vous faut travailler avec le système tel qu’il est - ou bien renoncer et échafauder des utopies. Mais si vous essayer d’apporter des améliorations dans la situation présente, alors vous paraissez réactionnaire, surtout si vous essayer d’utiliser les entreprises privées pour atteindre des buts sociaux. C’est une situation très complexe, qui a peu à faire avec les discours moralisateurs de la nouvelle élite architecturale progressiste. »23

robert Goodman dans son ouvrage After the planners dénonce un urbanisme autoritaire pratiqué par une bureaucratie hautaine et des professions domestiquées. En contraste avec les modèles savants, il invite ses lecteurs à militer pour la «libération» de l’architecture et propose des méthodes de travail en contact direct avec la population. Il interroge aussi la notion de «l’architecte révolutionnaire» que les Venturi introduisent dans leur texte « A significance for A&P Parking lots » : « Etudier le paysage existant est pour un architecte une manière d’être révolutionnaire »24 et se demande «En quoi une telle vue est-elle révolutionnaire? Et bien, la plupart des confrères de Venturi ont affirmé que le développement du Strip était laid et devrait être contrôlé, sinon complètement interdit. (...) En réalité, ils s’en prennent aux effets superficiels (conséquences visibles) du système plutôt qu’au système lui-même, Ils luttent pour un zonage progressif et des programmes de ‘beautification’. Parallèlement, on entend Venturi prétendre que l’on examine théoriquement le Strip d’une manière erronée. Ne serait-ce donc pas révolutionnaire si nous considérions soudainement comme beau ce que nous appelions laid jusqu’à présent? Manifestement, cette affirmation est correcte, mais qu’est-ce qu’une telle distorsion de notre perception implique quant à notre vision plus large du monde? Etre révolutionnaire, pour un architecte, devrait signifier autre chose que de promouvoir une perversion du goût. Cela devrait impliquer une révolution dans le mode de vie des gens, cela implique d’utiliser l’architecture comme un moyen de rompre l’ordre social établi. Sous cet aspect, l’architecture de Venturi représente en effet la quintessence d’une architecture contre-révolutionnaire. Les vrais architectes révolutionnaires sont comme les squatters en Amérique Latine. Face à une société au sein de laquelle ils n’ont pas accès à la propriété foncière, mais où ils ont besoin d’une habitation, ils transforment l’acte de concevoir et de construire leurs maisons en un acte politique de défiance de leur système social. »25

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26 op cit. p138.

27 MALdonAdo, thomas. Environnement et idéologie. Paris: union Générale d’Éditions, 1972.

28 WrIGHt Lance, «robert Venturi and Anti-Architecture», Architectural review, avril 1973.

29 FrAMPton Kenneth, « America 1960-1970 : Noted on Urban Images and Theory » Casabella 359-360, Mai/Juin 1971, p.36.

30 tAFurI Manfredo, «l’Architecture dans le boudoir», dans Oppositions 3 mai 1974.

31 rudoLPH Paul, dans Questions aux architectes, cooK W John, KLotZ Heinrich, Liège: P Mardaga, 1974.

32 KoEttEr Fred, «on robert Venturi, denise Scott Brown, and Steven Izenour’s Learning from Las Vegas», Oppositions, mai 1974.

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De la réalité à l’utopie : la limite du discours.

Les Venturi affirment dans leur ouvrage que « En général, le monde ne peut pas attendre que l’architecte se construise son utopie, pour l’essentiel, le souci de l’architecte devrait se porter non pas vers ce qui devrait être mais vers ce qui est - et chercher comment parvenir à l’améliorer maintenant. C’est là un rôle plus humble pour les architectes que celui qu’entend accepter le mouvement moderne; néanmoins c’est un rôle plus prometteur du point de vue artisitique. »26

Et le théoricien, Tomas Maldonado ne s’y trompa pas: « l’enthousiasme naïf pour Las Vegas s’explique comme l’expression d’un refus polémique de toute forme d’utopie dans le domaine de la projetation. Learning from Las Vegas est donc tout un programme. Le programme de la contre-utopie, du contre «tout-ou-rien» des grands modèles idéaux. »27

Lance Wright, critique anglais caractérisa par contre l’architecture des Venturi d’ «anti-architecture» dans un article de l’Architectural Review en 197328 et entend «le venturisme» comme un état d’esprit plutôt qu’une philosophie de projet et Kenneth Frampton dans sa critique virulente des Venturi rédigée pour l’issue spéciale de Casabella29 parlera d’«anti-utopie».Manfredo tafuri leur reprocha d’avoir instauré «une école de blasés, sans valeur à transgresser »30 et Paul rudolph estima que si tout était si bien que cela et que Mainstreet aussi «presque parfaite» qu’ils le soutenaient, alors leur architecture était déjà construite, ici et là, et il était « inutile de faire plus. »31

L’architecte américain Fred Koetter dans un examen critique et détaillé de l’ouvrage LLV nota les limites de cette philosophie. Il leur reprocha de confondre l’état des choses, le paysage américain tel qu’il est spontanément produit, avec l’expression volontaire du goût populaire, et de confondre cause et effet.« Le soi-disant paysage populaire actuel américain se justifie-t-il par sa propre existence? Est-ce là véritablement ce que veulent les gens? Les gens ont-ils ce qu’ils veulent, veulent-ils ce qu’ils ont, ou le devraient-ils? L’architecte est-il principalement ou presque exclusivement l’interprète de cette scène qui défile? (...) En résumé, si l’architecte accepte plus ou moins sans critique la logique basique de la banlieue américaine, et accepte ses implications avec un jugement timide, ses activités dans ce domaine auront presque certainement une valeur limitée. Et, de plus, il semblerait que s’il joue le jeu ironique de l’architecte/non-architecte dans ce contexte, il est peut-être destiné à devenir rapidement une mauvaise et onéreuse plaisanterie (farce).» Pour Koetter, les Venturi devraient proposer «une vision du monde tel qu’il devrait être». Et il ajouta qu’en restant emprisonné dans sa philosophie, « l’architecte peut involontairement contribuer à sa propre chute. Peut-être a-t-il étendu sa juridiction extensible au-delà des limites défendable de l’efficacité, et se retrouve aujourd’hui, de manière ironique mais littérale, à se déguiser jusqu’à en perdre du travail. »32

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33 Architecture Without Architects, Musée d’art moderne (MoMA), New York (1964). Elle fut ensuite présentée pendant 11 ans dans plus de 80 musées dans le monde.

34 RUDOFSkY Bernard, Architecture sans architectes : brève introduction à l’architecture spontanée, Paris, chêne, 1977 ; original: Architecture without Architects; a Short Introduction to Non-Pedigreed Architecture, new York, Museum of Modern Art, 1965.

35 op cit note 21.

36 Id.

37 LIPStAdt, Helene r., «Interview with r. Venturi and d. Scott Brown», Architecture, Mouvement, continuité, Juin 1976, p. 95-102.

38

39 tAFurI Manfredo, «l’Architecture dans le boudoir», dans Oppositions 3 mai 1974. traduction cf interview AMc op cit. note 27.

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Nous pouvons ici faire référence à l’exposition de Bernard Rudofsky Architecture Without Architects33, présentée au Musée d’art moderne de New York en 1964 qui mettait en image la richesse artistique, fonctionnelle et culturelle d’une architecture vernaculaire sans concepteurs professionnels au travers d’images d’origine géographique très diverses. Rudofsky considère que « l’efficacité des formes d’architecture les plus rudimentaires, comme les bidonvilles, par exemple, où l’expertise doit être partagée entre les professionnels et le peuple, voire -le cas est fréquent- être prise en mains complètement par la population, est qu’elle commence à ouvrir les yeux de celle-ci en détruisant la dépendance antérieure. La population sent qu’elle peu commencer à agir sur ses besoins sans attendre que le gouvernement et ses experts prennent soin d’elle. »34

Toujours dans leur interview avec Stanislaus von Moss, les Venturi confient qu’ils étaient conscients que leur position d’architectes américains était « compromise » et qu’il leur fallait trouver une échappatoire: « Nous faisons tout notre possible pour servir nos objectifs sociaux dans un proche futur, en utilisant le matériel disponible dans la société où nous vivons. Comme les artistes confrontés avec cette situation, nous utilisons l’ironie, peut-être de la même manière qu’en parle Poirier dans son article (...) il dit que l’artiste pour faire son art tire son matériel du monde qui l’entoure. Si ce monde lui convient, l’artiste l’utilise tel qu’il est; sinon il (ou elle) l’utilise ironiquement : nous utilisons l’ironie comme un moyen de rire pour ne pas pleurer. Nous voyons l’ironie comme une manière d’aider les membres d’une société multiculturelle à vivre ensemble. Nous pensons que dans notre société, un artiste ou un architecte socialement conscient peut devenir une sorte d’amuseur public. Ceci de nouveau montre notre ambivalence vis-à-vis de la société. Sous certains aspects elle est terrible, sous d’autres elle est magnifique - notre ambivalence se manifeste dans notre oeuvre sous forme ironique. »35

comme le fait remarquer von Moss, « c’est une stratégie esthétique difficile à poursuivre en architecture, puisque la satire et l’ironie nécessitent un public cultivé avec qui jouer ; la première fonction des bâtiments reste de servir leurs usagers. »36

Suite à un entretien entre robert Venturi, denise Scott Brown et la revue Architecture, Mouvement et Continuité37 en juin 1976, les architectes répondirent à l’attaque de Manfredo tafuri qu’il lance dans son article «l’Architecture dans le boudoir» parut en mai 1974 dans la revue controverse Oppositions.38

« Les ironies artificielles et délibérées de Robert Venturi (...) simultanément amplifient et restreignent le champ d’intervention en architecture. Elles l’amplifient dans la mesure où leur but est la dominance de tout espace visible, et le restreignent dans la mesure où elles comprennent cet espace uniquement comme un réseau de superstructure.»39

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40 VEnturI robert, op cit. note 36.

41 JEncKS charles, Le langage de l’architecture post-moderne, 1ère édition, New York: Rizzoli, 1977.Version française: Paris, denoël, 1985 (4ième édition). p.5.

42 Id. p.6-7.

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robert Venturi rétorqua « A propos des ‘ironies artificielles et délibérées’, je pense que les architectes n’ont pas à justifier la rationalité de leur travail. Mais il est certain que nous avons donné très souvent des justifications dont j’attends qu’elles prouvent que notre architecture n’est pas telle que la décrit Tafuri, mais que généralement, une base très rationnelle la commande. (...) Le fait qu’il n’y ait pas de ‘résidu idéologique’ est très intéressant pour moi. Pourquoi les architectes seraient-ils idéologues? (...) Les architectes ont trop pensé être des réformateurs politiques et des philosophes au lieu d’être des artisans attachés à leur tâche immédiate. La tâche des architectes est de communiquer non pas leurs propres idées mais celles qui ont rapport à l’ensemble de la société, au groupe qu’ils représentent. (...) Les architectes doivent se contenter d’être des architectes, c’est-à-dire des ouvriers, des artisans. »40

Postmodernisme

Charles Jencks, dans son ouvrage Le langage de l’Architecture Post-moderne41 paru en 1977, proposait en guise d’introduction, une définition du monde paradoxal de l’époque qui rapidement devenait post-moderne. Il déclarait: «nous sommes passés d’un monde où les cultures étaient nationales et séparées par des frontières, à un monde qui trouve son identité dans la ville et en même temps fait partie du ‘monde village’ (world village). Les implications de ce phénomène en architecture sont la communication instantanée, un éclectisme instantané et une influence réciproque générale. (…) Ceci a donné naissance à des mouvements d’idées et de goûts paradoxalement opposés, créant des goûts-cultures de petite échelle, des élites et des groupes citadins ainsi que des cultures à échelle mondiale.(…) Le mouvement moderne s’est simplement montré trop limité, provincial et appauvri. (…) Cependant, les post-modernistes sont encore en parties modernes pour ce qui est de la sensibilité et de l’utilisation de la technologie courante. Ces points mènent à une conclusion en apparence évidente: le style est hybride et repose sur un double code, basé sur des dualités fondamentales. Parfois il dérive de la juxtaposition du nouveau et de l’ancien comme dans l’œuvre de James Stirling ; parfois il est basé sur l’inversion amusante de l’ancien, comme chez Robert Venturi et Hans Hollein(...). » Il détailla ensuite sa définition de ‘double-code’ comme suit: « Les architectes désireux de franchir l’impasse moderniste, ou le manque de communication avec les utilisateurs, devaient utiliser un langage en partie compréhensible, un symbolisme local et traditionnel. Mais il leur fallait aussi communiquer avec leurs pairs et utiliser la technologie courante. D’où la définition du post-modernisme comme ‘double code’(…). »42

« Le dualisme primaire concernait l’élitisme et le populisme, sans aucun doute les pressions conflictuelles auxquelles tout bon architecte doit faire face (…) »

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43 Id. p 41-47.

44 Id. p.87-89.

45 rAttEnBurY K. et HArdInGHAM S., Supercrit 2, Robert Venturi and Denis Scott Brown, Learning from Las Vegas, (éd. routledge, oxon, 2007) p.13.

46 JAMESon Fredric, « the vanishinh Mediator ; or Max Weber as Storuteller » , The Ideologies of Theory : Essays 1971-1986, vol.2 (Minneapolis : University of Minnsota Press, 1988), p3-34 (traduction de l’auteur).

47 rortY richard, Philosophy and the Mirror of Nature, Princeton university Press, 1979, p.8. (traduction de l’auteur).

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« A l’heure actuelle, dans notre société, l’hétérogénéité est beaucoup plus grande. Il y a une série d’élites (la profession créatrice, la grosse société cliente et même le promoteur) qui ont des origines diverses, et il y a donc, pour reprendre les termes de Herbert Gans, tout un ensemble de ‘goûts-cultures’ qui se sont formés suivant un tracé économique, historique et personnel. En résultat, l’architecte ne peut plus compter sur une identité de goûts et de buts. Il y a une inévitable séparation ente les élites qui créent l’environnement et les publics divers qui l’habitent et l’utilisent . Le but des architectes post-modernes est de surmonter cette séparation.»

Ensuite, dans son chapitre sur les modes de communication architecturale, Charles Jencks défendit le principe selon lequel l’architecture devait être envisagée comme communication et cita robert Venturi comme partisan de ce fondement de base. Mais, la pensée de ces deux théoriciens différait ensuite sur un point: « Venturi à la manière du moderniste type qu’il cherche à supplanter, adopte la tactique du renversement exclusif. Il rejette un secteur entier de la communication architecturale, celui des édifices canards (en termes techniques les signes symboliques) pour rendre d’autant plus convaincant son mode préféré, celui du decorated shed (signes symboliques). (...)Il est pourtant clair que nous avons besoin de tous les modes de communications qui s’offrent à nous(…) »43

Puis, Jencks reviendra sur la réceptivité du goût populaire de la part des Venturi mais en l’opposant à l’identification abstraite et englobante qu’en faisait le post-modernisme: L’équipe Venturi exclue tout un répertoire de codes, non seulement les «canards», mais aussi bien l’architecture «héroique et originale», le geste spectaculaire, le retour au palazzo publico et toute production qu’elle perçoit comme contraire au principe des sheds décorés (...). En réalité, le plaidoyer des Venturi en faveur du goût et l’appel au renversement du goût de la génération précédente étaient fondamentalement exclusivistes et modernistes. »44

Il est intéressant de se pencher sur l’impact de l’ouvrage au sein de l’historiographie architecturale.décrit lors de sa première parution en août 1972 comme « un livre très dangereux »45 par l’Ohio review, Learning from Las Vegas fut rapidement élevé au rang de production séminale de l’histoire architecturale par certaines historiens influents du milieu tels que Charles Jencks, William JR Curtis ou encore Frederic Jameson qui lui accordèrent chacun une place centrale au sein de leurs ouvrages.ce dernier par exemple, le caractérisa comme suit : « Un médiateur voué à disparaître: un terme neutre et creux qui fonctionne comme un catalyseur, permettant un échange d’énergies qui aura lieu entre deux termes - dans ce cas, le modernisme et le postmodernisme - et disparaîtra une fois que sa fonction sera terminée. »46 Alors que le philosophe américain, Richard Rorty considérait l’ouvrage plutôt comme « A neutral framework, a privileged terrain that legislates the appropriate terms of any debate »47 en éloignant toute catégorisation de leur travail comme postmoderniste ou moderniste ainsi que des autres accusations

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48 HuXtABLE Ada Louise, «Architecture in ’71: Lively confusion», The New York Times, 4 janvier 1972.

49 Scott BroWn denise, « In your face », retranscription d’un symposium sponsorisé par Metropolis, 29 septembre 2001, non publié.(Participants: david Levine, Barbara Flanagan, rem Koolhaas, denise Scott Brown, and robert Venturi) (traduction de l’auteur).

50 VEnturI robert, “Mal Mots: Aphorisms-Sweet and Sour-by a Anti-Hero Architect”, dans Iconography and Electronics upon a generic architecture: A view from Drafting Room (cambridge, Mass: MIt Press), 1996, p.311. (traduction de l’auteur).

8. VENTURI Robert, « Je ne suis, ni n’ai jamais été, un postmoderniste», couver-ture de Architecture, mai 2001.

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de pastiche, kitsch ou historicisme,..objet de contestation et de critiques virulentes, le débat au sein de la presse écrite fit rage et son influence se fit ressentir sur la scène architecturale directement mais aussi au-delà de ses frontières institutionnelles et professionnelles particulières. En janvier 1972, Le New York Times annonçait dans un article intitulé « Architecture in ’71: Lively confusion », que « chaque personne qui compte a été invitée au moins à une soirée intellectuelle branchée pour discuter de la menace Venturi. »48

Il faut noter qu’un grand nombre de ces critiques apparaissent sur la scène architecturale avant même la parution de la première édition de l’ouvrage LLV, mais bien dés la première publication de l’essai sous la forme d’un article en 1968 dans l’Architectural Forum.Les Venturi ne dédaignant pas accepter ces accusations de codifications et d’initiateur d’un nouveau tournant architectural, s’en innocenteront à maintes reprises. denise Scott Brown établira « En ce qui concerne notre travail et nos idées, il y a eu une incompréhension ou une mauvaise interprétation. Le maniérisme est difficile à concevoir, en dépit de notre façon la plus simple de l’écrire, et le contenu du Pop est difficile à comprendre, comme l’est l’iconographie - on se demande d’ailleurs si quelqu’un connaît le sens du mot. Et hey! Se référer à l’architecture historique dans nos analyses comparatives ne comporte pas la promotion de l’architecture néo-historique de notre temps. Par conséquent, nous ne sommes pas postmodernes et ne l’avons jamais été. »49

tandis que robert Venturi déclara dans son article « Mal Mots: Aphorisms-Sweet and Sour-by a Anti-Hero Architect », publié dans son ouvrage Iconography and Electronics upon a generic architecture: A view from Drafting Room: « Je suis moderne, si moderne (par opposition à Moderne) n’est pas un style ancien, mais une manière de concevoir l’architecture. »50

concLuSIon

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1 KooLHAAS rem, uLrIcH oBrISt Hans, “re-learning from Las Vegas, An interview wirh denise Scott Brown and Robert Venturi”, Harvard Design School Guide to Shopping, Taschen, 2001

2. VEnturI roBErt, op cit. note 1. (traduction de l’auteur)

3. Scott BroWn denise, op cit. note 1. (traduction de l’auteur)

4. Scott BroWn denise, «Préface de la deuxième édition», dans L’enseignement de Las Vegas, 2ième édition, Liège: Mardaga, 2008, p.11-13.

1. “Re-learning from Las Vegas”, Harvard Design School Guide to Shopping, Taschen, 2001

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L’ouvrage Learning from Las Vegas ou le symbolisme oublié de la forme architecturale annonçait clairement par son titre et sous-titre la préoccupation des auteurs pour les questions de communication architecturale et les clés urbanistiques pouvant ressortir du paysage existant du Strip de Las Vegas considéré comme modèle pour les villes futures. Pourtant, au travers des quatre controverses que nous avons développées, Las Vegas comme modèle ; Las Vegas, la construction d’une image ; Las Vegas ou les enseignements du Pop Art et Las Vegas ou les limites du discours, il est ressorti de la publication des retentissements dépassant la volonté initiale des auteurs. Pour exemple, la polémique ne s’est pas engagée sur des questions strictement d’architecture et d’impact visuel, mais plutôt sur des enjeux politiques. ce détournement des premières préoccupations architecturales fut clairement accentué par la parution d’une version revisitée (1977) d’emblée politiquement engagée.

trois décennies plus tard, parmi les questions qui restent en suspens, nous choisirons d’évoquer l’actualité de la publication au travers de trois exemples révélateurs. revenons premièrement sur l’étude actuelle de la condition urbaine contemporaine. En 2001, robert Venturi et denise Scott Brown accordent une interview à rem Koolhaas et Hans ulrich obrist intitulée «re-learning from Las Vegas», contribuant à la publication Harvard Design School Guide to Shopping1 qui explore comment le shopping remodèle les villes et tentent de remplacer tous les aspects de la vie urbaine. Pour initier la conversation, Koolhaas affirme que même si de nombreux livres sur les villes comme New York, Los Angeles ou Singapour furent publiés dans les années suivant la parution de Learning from Las Vegas, cette dernière restera «le ‘dernier’ manifeste d’architecture» considérant qu’aucun autre ouvrage ne traite depuis d’architecture. Après un bref retour sur les origines et les intuitions premières des Venturi ainsi que sur la résonance de leur étude sur leur propre travail, l’article développe une analyse pointue de l’évolution actuelle de la ville de Las Vegas dont le paysage «électro-graphique» décrit dans les années 1970 a laissé place à une architecture scénographiée dans un contexte général de consommation et de pouvoir de l’image. Argumenté par des croquis des Venturi, par la réadaptation et la comparaison des schémas de l’étude de 1972, et d’autres photographies, l’ouvrage démontre que «Le Las Vegas d’aujourd’hui est moins pertinent que l’ancien: le Strip s’apparente plus à Disneyland qu’à la rue commerçante »2 même si d’après denise, «Les critiques semblent accorder plus de crédits au Las Vegas actuel qu’ils ne le faisaient dans les années 1960. »3 Ce retour sur l’actualité du livre a finalement été déplacé vers une analyse de l’évolution de la ville Las Vegas. Rappelons les dires de Denise Scott Brown dans sa préface à l’édition revisitée de LLV en 1977 :« le sujet de notre livre n’est pas Las Vegas, mais bien le symbolisme de la forme architecturale. »4

ce qui nous ramène à la question d’une nouvelle édition qui ranime aujourd’hui

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5. Valéry Didelon, architecte de formation, historien et critique d’architecture dépose actuellement une thèse de doctorat à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne sur la réception publique de Learning from Las Vegas (1972).

6. En réalité, l’ouvrage ne fut disponible que dans le courant de l’année 2009

7. DIDELON Valery, « Avant-propos » de L’enseignement de Las Vegas, Liège : Pierre Mardaga, 2008.

8 Id.

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le débat sur la réception de l’ouvrage. En 2008, les éditions Pierre Mardaga publient un nouveau tirage de cette publication anachronique augmentée par un avant-propos de l’historien et critique de l’architecture français, Valery didelon5,6. c’est d’avantage cette adjonction qui nous interpelle que le succès éditorial de l’ouvrage, justifiant cette nouvelle édition. Le préfacier initie son propos de la sorte: « La première traduction française de L’enseignement de Las Vegas, publiée en anglais sous le titre de Learning from Las Vegas, a paru aux éditions Pierre Mardaga en 1978. Depuis, le contexte qui préside à la réception de cet ouvrage a beaucoup changé. Il nous a donc semblé important, à la faveur de cette réimpression, de l’accompagner d’un avant-propos qui le remette en perspective et qui montre la portée contemporaine des idées qu’il avance.»7 Il s’interroge sur la position qu’occupe l’ouvrage dans la littérature architecturale en nous proposant un panorama des divers retentissements suscités lors de la parution du livre. Il associera dans sa thématique «Le manifeste du réalisme», la publication à l’entrée dans la période du postmodernisme aux côtés de l’ouvrage de Charles Jencks,The Language of Post-modern Architecture (1977) ou d’Aldo rossi et son livre, Architettura della citta (1966); il questionnera ensuite la dimension utopique de l’oeuvre «il faut bien comprendre ici que Learning from Las Vegas s’apparente au contraire de l’utopie, et non l’utopie au sens contraire comme la pratique à la même époque les protagonistes de l’architecture radicale italienne»; pour finalement conclure la classification de l’ouvrage comme «le tout premier ‘manifeste rétroactif’, comme le prototype d’un nouveau genre de textes qui entendent déduire une ‘doctrine explicite’ pour l’architecture et l’urbanisme à partir d’une ville existante.» Il ajoutera que la publication «a ouvert la voie a bien des ouvrages d’architectes qui depuis renversent le rapport de cause à effet entre théorie et réel. »8

Par la suite, nous pouvons nous interroger sur la manière dont cette nouvelle édition éclairée d’emblée sera reçue. Elle pourra être comprise comme un outil aidant à résoudre des questions urbanistiques concrètes (car les moyens référés restent d’actualité) ou pourra être reçue comme un livre historique, un classique de la littérature architecturale, indispensable à l’éducation des futurs praticiens.dans la lignée de nos observations, en particulier autour du débat contre la philosophie marxiste, nous pouvons nous demander si une lecture future de la réception de cette nouvelle édition amènera les critiques à débattre des Venturi pour leur objet d’étude (considérant que la morphologie architecturale de Las Vegas a radicalement changé en quarante ans et que leur sujet est dès lors d’une forme passée.)A posteriori, l’exercice de réception de Learning from Las Vegas est donc éclairant et révélateur de problématiques dépassant le contenu même du livre: il rend compte du discours de l’architecte, la manière dont il est reçu et dont il évolue ; il éclaire sur l’œuvre elle-même et les divers niveaux de perception qu’elle suscite ; il informe sur le monde médiatique aussi, et sur la fabrication de l’opinion.

«Ce sont les regardeurs qui font les tableaux.» Marcel Duchamp

LLV

Stu

dio

, 196

8.

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APPEndIcE

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1 ScuLLY Vincent, note introductive à son intro-duction (inédité) de LLV, dans I’m a monument, op cit.

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VINCENT SCULLY - Introduction à Learning from Las Vegas (inutilisée)

Il existe trois variantes de l’introduction que rédigea Vincent Scully pour la première édition de Learning from Las Vegas qui, pour des raisons méconnues, n’y sera jamais inclue. Tous ces témoignages se trouvent dans les archives de VSBA à l’Université de Pennsylvanie. Comme le sous-entend Vincent Scully en première page de son article, une brève partie de son introduction sera retranscrite dans le catalogue d’une exposition présentant le travail de la firme des Venturi «The Work of Venturi and Rauch, Architects and Planners» tenue au Whitney Museum of american Art à New York du 1er au 31 octobre 1971.

La version dont nous disposons provient de l’ouvrage I’m a Monument, on Learning from Las Vegas qui, sous l’accord de Vincent Scully, la glissa en fin de chapitres. ce dernier suggéra une note introductive concernant sa «note for Paranoiacs» en fin de document dans laquelle il s’en prend de manière virulente aux comités d’urbanisme « En 2007, ces notes peuvent paraître pétulantes mais elles conservent néanmoins une grande part de vérité. »1

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tABLE dES ILLuStrAtIonS

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Introduction

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VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise, IZENOUR Steven, 2. Learning from Las Vegas, sans jacquette, 1ere edition (MIT Press), 1972.

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CONTROVERSE 2 Las Vegas, la construction d’une image

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LAS VEGAS STUDIO STUDENTS, «Students of the “Learning from Las 3. Vegas Research Studio” preparing for he film Las Vegas Deadpan», Las Vegas, 1968, dans Las Vegas Studio. Images from the Archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown, Museum im Bellpark, Kriens and Verlag Shceidegger & Spiess AG, Zurich, 2008.

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Comparaison à l’échelle entre les couvertures des deux versions de Learn-13. ing from Las Vegas.

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Page Titre de la copie annotee de 19. Learning from Las Vegas, 1971

«Planche 1-1A», maquette preliminaire pour la premiere Partie de Learn-20. ing from Las Vegas, 1971, dans VINEGAR Aaron, I am a Monument, MIT Press, 2008.

«Planche 3-3A», maquette preliminaire pour la premiere Partie de Learn-21. ing from Las Vegas, 1971, dans VINEGAR Aaron, I am a Monument, MIT Press, 2008.

«Logo of the Learning from Las Vegas Studio», 1968.22.

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Id.9.

Id.10.

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Conclusion

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SCOTT BROWN Denise, lettre à Michael Connelly, 25 juillet 1972, AAUP.

SCOTT BROWN Denise, lettre à Barbara H. Ankeny, 16 avril, 1976. AAFAL.

VENTURI Robert, lettre à Vincent Scully, «Letters Jan-April 69», VSB 284, Architectural Archives, University of Pennsylvania

VENTURI Robert, lettre à Michael Connelly, 11 fevrier 1972, AAUP, box 453. VENTURI Robert, lettre à Michael Connelly, 11 février 1972.

Films

Las Vegas Deadpan,(21 minutes) produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

Las Vegas Strip LfLV Studio(Day:Night), 14 minutes, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio» et spécialement Dan Scully,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

Las Vegas Electric, 4 minutes, produit par les étudiants du «Learning from Las Vegas Research Studio»,1968, acquis depuis les archives personnelles de Venturi,Scott Brown&Ass., suite à la correspondance avec Judy Glass, assitante personnelle de Robert Venturi,11 août 2009.

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Internet

http://www.aiga.org/content.cfm/medalist-murielcooper.http://www.vsba.com/bibliography/index.htmlhttp://www.metropolismag.com/html/vsba/index.html#introduction

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162

tABLE dES MAtIErES

0. Introduction 7

1. recensement 19

2. controVErSE 1 Las Vegas comme modèle 33

3. controVErSE 2 Las Vegas, la construction d’une image 51

4. controVErSE 3 Las Vegas ou les enseignements du Pop Art 81

5. controVErSE 4 Las Vegas ou les limites du discours 103

6. conclusion 121

7. Appendice 131

8. table d’illustrations 143

9. Bibliographie 151

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rEMErcIEMEntS

Merci à Jean-didier Bergilez, pour son suivi et son esprit critique. Merci à Déborah, Carole, Thierry, Laurence pour leur aide précieuse.Merci à mes parents pour leur soutien quotidien.Merci à Michael tout particulièrement, sans qui ce projet n’aurait pu être mené à bien.


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