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CULTURE POP (/culture) PEOPLE (/people) ACTUALITÉS ... ·...

Date post: 23-Aug-2020
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ACTUALITÉS f t p j n (/inscription) CULTURE POP (/culture) PEOPLE (/people) ACTUALITÉS (/actualites) STYLE (/style) LE MAGAZINE (/magazine) VIDÉOS (/video) ¿ ACTUALITÉS (/actualites) - INTERNATIONAL (/actualites/international) MIS À JOUR LE 20/01/2015 À 17:12 | PUBLIÉ LE 20/01/2015 À 17:12 Mayday Vol AF 447 Rio- Paris, reconstitution des minutes qui ont précédé le crash Pendant la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, le vol AF 447 Rio-Paris sombrait dans l’océan Atlantique avec 228 personnes à bord. Que s’est- il passé ? Quelle fut la part de l’erreur humaine et celle des problèmes techniques ? William Langewiesche a eu accès aux conversations des
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A C T U A L I T É Sf t p j n (/inscription)

CULTURE POP (/culture) PEOPLE (/people) ACTUALITÉS (/actualites) STYLE (/style)

LE MAGAZINE (/magazine) VIDÉOS (/video) ¿

ACTUALITÉS (/actualites) - INTERNATIONAL (/actualites/international)MIS À JOUR LE 20/01/2015 À 17:12 | PUBLIÉ LE 20/01/2015 À 17:12

MaydayVol AF 447 Rio-Paris,reconstitution desminutes qui ontprécédé le crashPendant la nuit du 31 mai au 1er juin 2009, le volAF 447 Rio-Paris sombrait dans l’océanAtlantique avec 228 personnes à bord. Que s’est-il passé ? Quelle fut la part de l’erreur humaine etcelle des problèmes techniques ? WilliamLangewiesche a eu accès aux conversations des

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pilotes enregistrées dans le cockpit. Pour lapremière fois, il reconstitue les minutes qui ontprécédé le crash.

Au dernier jour de mai 2009, alors que la nuit enveloppait l’aéroport de Rio de Janeiro

(http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/les-plus-belles-plages-de-rio-de-

janeiro/5363#les-plus-belles-plages-de-rio-de-janeiro-5), les 216 passagers en partance pour Paris

ne soupçonnaient pas qu’ils ne reverraient jamais la lumière. Ni que certains d’entre eux resteraient

prisonniers de leur siège pendant deux ans, avant d’être retrouvés morts, par 4 000 mètres de fond en

plein océan Atlantique. Le vol 447

(http://www.vanityfair.fr/actualites/international/articles/disparition-du-vol-mh-370-le-point-sur-

lenquete/13396)d’Air France comptait également neuf hôtesses et stewards ainsi que trois pilotes.

Des professionnels bien entraînés, prêts à avaler plus de 9 000 kilomètres et environ onze heures de

vol, à bord d’un Airbus A330 de l’une des meilleures compagnies aériennes du monde, dont les

Français sont si fiers. Aujourd’hui encore, malgré les boîtes noires retrouvées au fond de l’eau, les

comptes rendus techniques et l’enquête judiciaire, l’enchaînement fatal paraît toujours aussi

incompréhensible : un incident minime, une brève perte des données de vitesse, un accroc dans le

système d’information auraient précipité la chute de l’appareil. Cela peut sembler absurde mais les

pilotes se sont laissés dépasser par les événements.

Quand on a tenté d’avancer des explications, la piste de l’incompétence de l’équipage a été

rapidement écartée : après tout, les pilotes n’étaient plus là pour s’expliquer. Il reste que leur

incapacité à faire face aux incidents en dit long sur le paradoxe des progrès de l’aéronautique depuis

quarante ans. D’un côté, l’automatisation généralisée du pilotage a réduit considérablement le

nombre de situations de crise ; de l’autre, elle a affaibli les -capacités de réaction des pilotes. Voilà

pourquoi la disparition du vol AF 447 est un cas d’école qui ne laisse pas d’interroger les

observateurs. (Les deux juges parisiens chargés de l’enquête ont terminé leur instruction au mois de

juin 2014 mais l’affaire n’a pas encore été renvoyée devant un tribunal. Les groupes Air France et

Airbus ont été mis en examen pour « homicide involontaire ». Un procès

(http://www.vanityfair.fr/actualites/france/articles/pv-audition-sarkozy-affaire-bettencourt-herzog-

lantuas-youpatchou/122) en correctionnelle pourrait se tenir en 2015. Tant qu’aucun jugement n’a

été rendu, on ne peut pas considérer que la vérité a été établie sur le déroulement des faits.)

L’équipage est arrivé à Rio (http://www.vanityfair.fr/video/cinema/videos/oss-117-rio-ne-rpond-

plus-rateau/2683?page=6) trois jours auparavant. Ses membres ont séjourné au Sofitel de

Copacabana. C’est une escale particulièrement prisée chez Air France. Le plus jeune des copilotes,

Pierre-Cédric Bonin, 32 ans, est accompagné de son épouse, tandis que leurs deux fils sont restés à

la maison. Le commandant de bord, Marc Dubois, 58 ans, partage la chambre d’une hôtesse de l’air

(qui n’est pas de service ce jour-là), chanteuse d’opéra à ses heures perdues. Le rapport d’accident

ne mentionnera rien de la vie privée du commandant, comme si la fatigue n’avait joué aucun rôle au

cours du drame. Durant sa carrière, Marc Dubois a grimpé un à un les échelons et piloté de

nombreux appareils, avant d’être engagé par Air Inter, compagnie ensuite rachetée par Air France

en 1990. Il compte environ onze mille heures de vol, dont plus de la moitié en tant que commandant

de bord. Mais, c’est une chose désormais connue, il n’a dormi qu’une heure la nuit précédant le vol.

Et, plutôt que de se reposer, il a passé la journée à visiter Rio avec son amie.

La marine brésilienne recherche l'épave du vol

AF 447 (ici la dérive aux couleurs d'Air

France), le 8 juin 2009, une semaine après

l'accident.

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Le vol AF 447 décolle à l’heure, 19 h 29, avec 228 personnes à son bord. L’A330 est un biréacteur plutôt facile à piloter dont le cockpit et le système

de contrôle informatisés rendent le voyage tranquille et, dans les situations extrêmes, interdisent aux pilotes de pousser l’appareil au-delà de ses

limites. Depuis son lancement quinze ans plus tôt, en 1994, aucun A330 ne s’est jamais écrasé. Dans le poste de pilotage, Dubois occupe le siège de

gauche, la place du commandant de bord. Il est le responsable du vol mais n’en prend pas les commandes. Il se contente de gérer les

communications, la check-list et l’assistance pour le copilote. Aujourd’hui, c’est Pierre-Cédric Bonin, siège de droite, qui doit assurer le décollage et

l’atterrissage. Bonin est un « bébé (http://www.vanityfair.fr/culture/cinema/diaporama/bebes-stars-ou-en-sont-ils-aujourdhui/5597#bebes-stars-ou-en-

sont-ils-aujourdhui-16) Air France », principalement formé par la compagnie, puis placé aux commandes d’un Airbus après des centaines d’heures de

vol. Ce jour-là, il compte 2 936 heures de vol, avec une expérience limitée, puisqu’il a surtout navigué sur des Airbus équipés d’un système de

pilotage automatique.

Bonin enclenche justement le pilotage automatique quatre minutes après le décollage. C’est la procédure. Tout le vol est censé se dérouler dans cette

configuration jusqu’aux derniers instants avant l’atterrissage. L’itinéraire a été établi en France et mémorisé dans l’ordinateur de bord : l’avion doit

remonter la côte brésilienne, survoler la ville de Natal, puis se diriger vers le nord-est au-dessus de l’Atlantique (http://www.vanityfair.fr/monde-de-

vf/articles/laffaire-nabilla-vue-du-cote-du-vanity-fair-americain/16483). Altitude prévue : 35 000 pieds (environ 10 000 mètres). La seule inquiétude

météo vient d’une ligne de perturbations orageuses dans la zone intertropicale au nord de l’équateur. Les images satellitaires suggèrent une masse

peut-être plus forte que d’habitude, avec des orages trop hauts pour être survolés, mais avec d’éventuels passages latéraux.

La nuit (http://www.vanityfair.fr/people/hollywood/articles/quand-tout-paris-flambait-aux-bains/15083) est douce et claire. Trente et une minutes

après le décollage, le pilote automatique fait monter l’avion à 35 000 pieds, quasiment l’altitude la plus élevée pour cet Airbus compte tenu de la

température extérieure et du poids de l’appareil. La vitesse de croisière est programmée à Mach 0,82, soit 280 nœuds (518 km/h). Plus d’un millier de

paramètres ont été programmés dans l’ordinateur de vol afin de couvrir la totalité du trajet. L’enregistreur phonique du cockpit est une boucle qui

s’efface toutes les deux heures et des poussières – une vieille revendication des pilotes afin de protéger leurs échanges privés. Les conversations

retrouvées par les enquêteurs ne commencent donc que deux heures et cinq minutes avant le crash, soit une heure quarante après le décollage.

Il est 21 h 09, heure de Rio. Le commandant Dubois et le jeune Bonin se sont installés dans le calme. L’un consulte des documents, l’autre ajuste son

siège. À 21 h 24, Dubois prévient qu’il faudra peut-être patienter pour dîner. Bonin répond qu’il commence à avoir faim. Les deux hommes, qui

viennent de faire connaissance, se tutoient, comme souvent entre pilotes d’Air France.

Une hôtesse entre dans le cockpit pour servir le dîner. « Tout va bien ? » demande-t-elle.

Bonin répond, guilleret : « Tutti va bene ! »

Dubois reste silencieux. De toute évidence, il a un casque sur les oreilles et écoute de l’opéra.

L’hôtesse lui demande : « Et pour vous, tout va bien ? »

Dubois : « Hein ?

– Tout va bien ? Vous ne voulez pas un café ou un thé ?

La marine brésilienne recherche l'épave du vol AF 44, le 8 jin 2009, une semaine après l'accident. ©AFP

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– Tout va bien. »

Dubois tend son appareil à Bonin et lui propose d’écouter le morceau d’opéra. Bonin ne répond pas : « Non merci. On est en pilotage automatique

mais je suis aux commandes. » Ni : « Non merci, la musique de ton amie ne m’intéresse pas. » Il passe le casque, écoute quelques minutes et dit : « Il

ne manque plus que du whisky (http://www.vanityfair.fr/culture/cinema/diaporama/les-70-plus-grandes-repliques-du-cinema/5735#les-70-plus-

grandes-repliques-du-cinema-la-cite-de-la-peur) ! »

L’opéra se termine. Dubois montre une ligne sur une carte électronique et annonce : « C’est l’équateur.

– OK.

– Tu avais compris, je suppose. »

Bonin ne dit pas : « Écoutez, commandant Dubois, j’en suis à ma cinquième rotation sur l’Amérique du Sud. » Il dit : « Je m’en doutais. »

Dubois : « J’aime bien sentir la marche. »

Bonin acquiesce : « Ouais. »

Une information météo arrive de Paris. Elle décrit la ligne de perturbations qui s’annonce. Aucun des deux pilotes n’en fait mention mais des

commentaires ultérieurs indiqueront que Bonin est devenu nerveux. Dubois sème ensuite une certaine confusion en répondant à un contrôleur aérien

qui s’adresse à un autre vol Air France, malgré les remarques de Bonin qui lui suggère qu’il se trompe. Quelques minutes plus tard, le contrôleur

règle le problème en attribuant au vol 447 une autre fréquence de communication. D’autres malentendus surviennent à propos des demandes de

fréquences mais Bonin n’intervient pas. Les conversations (http://www.vanityfair.fr/style/chronique-concierge-masque/articles/comment-relancer-

une-conversation-/13114) dans le cockpit sont décousues, la plupart concernent le plan de vol. L’avion survole le port de Natal et se lance à l’assaut

de l’océan (http://www.vanityfair.fr/video/cinema/videos/-au-coeur-de-locean-le-mythe-de-moby-dick-au-cinema/5010).

Dubois dit : « On n’a pas été emmerdé par les cunimb [les cumulonimbus, des nuages orageux], hein ? » À cet instant, Bonin pourrait dire que la

météo l’inquiète mais la porte du cockpit s’ouvre. Une hôtesse demande de diminuer la température en soute parce qu’elle rapporte de la viande dans

sa valise. Bonin accepte. Un quart d’heure plus tard, une hôtesse prévient le cockpit par l’interphone : les passagers installés à l’arrière ont froid.

Bonin parle de la viande (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/articles/comment-dcrypter/14181) en soute. À 22 h 30, l’avion est loin des côtes

et des contrôles radar. Dubois communique avec Atlantico, un point d’appui océanique brésilien. Il donne sa position puis l’heure de contact estimée

avec les deux points d’appui suivants. Le contrôleur lui demande de se maintenir à 35 000 pieds. Bonin acquiesce : « Eh ben voilà. » Le contrôleur le

remercie. C’est le dernier échange verbal avec la terre ferme.

Bonin voudrait traverser la zone de convergence intertropicale à plus haute altitude afin de rester en air calme, en se maintenant si possible au-dessus

des nuages. Il regrette que Dubois ait accepté l’altitude qui lui a été recommandée. Il dit : « On va pas tarder pour demander à monter quand même.

» Dubois répond « ouais » mais il n’en fait rien. À ses yeux, la zone de convergence ne présente rien de particulier : il y aura sans doute des

turbulences mais le plus dur semble évitable grâce au radar météo. Ils pourront se faufiler entre les gros orages. Plus haut, le temps ne sera pas très

différent. De plus, l’altitude standard supérieure pour leur vol se situe à 37 000 pieds. Elle apparaît sur l’écran comme le « maximum recommandé »

sous l’abréviation rec max. À cette hauteur, la marge de manœuvre serait étroite car l’appareil volerait à une vitesse relativement faible, proche du

À Recife, au Brésil, l'exposition à la presse des débris récupérés en mer, le 12 juin 2009. ©AFP

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décrochage. Or les procédures en vigueur à Air France imposent aux pilotes le maintien de marges maximales en évitant de voler à rec max. Les deux

pilotes le savent. L’entêtement de Bonin à vouloir monter à une altitude plus élevée est l’un des mystères

(http://www.vanityfair.fr/culture/series/articles/lost-10-ans-story/15772) du vol AF 447.

Dehors, tout est noir. Bonin aperçoit le premier orage sur le radar à environ 320 kilomètres. Il dit : « Donc on a un truc droit devant. » Duboisrépond à peine : « Oui, j’ai vu ça » et passe à autre chose. Une minute plus tard, il commente la température extérieure, glaciale à cette altitude mais

supérieure à la normale de 12 degrés. Bonin : « Oui, oui, toujours, sinon on aurait un accrochage sûrement, plus haut. » Dubois : « Ah oui. » Il lit un

magazine, la conversation roule sur un article consacré aux paradis fiscaux. Bonin essaie de se montrer détendu. À 22 h 45, il annonce : « On passe

l’équateur. T’as senti la bosse ?

– Hein ?

– Ah merde. T’as senti la bosse ?

– Non.

– Ben voilà. »

Il n’y a pas de bosse et la nuit est calme alors que l’avion (http://www.vanityfair.fr/video/cinema/videos/si-maman-jai-rate-lavion-etait-un-film-

dhorreur/4973?page=10) approche petit à petit des orages. Dubois : « Bon ben... on va prendre les mesures qui s’imposent. » Jamais il ne suggérera

plus clairement à Bonin d’imaginer un plan de bataille. Le jeune copilote baisse la lumière dans le cockpit et allume les phares pour éclairer

l’extérieur. Ils entrent dans une couche de nuages. Dubois prend l’appel d’une hôtesse. Elle veut dormir un peu. « Oui ma puce », répond-il avant de

raccrocher. Malgré les orages qui s’annoncent sur le radar, aucun éclair à l’horizon. Les turbulences restent légères, pas besoin pour l’instant de

dévier de la route prévue. Bonin : « Ça aurait été bien de monter, là, hein ? » Dubois : « Ouais, si ça turbule. » Il pense en fait à des turbulences,

jamais rencontrées d’après les conclusions du rapport d’enquête. Dubois, qui se réfère à un règlement de l’aviation civile sur la distance maximale

entre l’appareil et les aéroports de déroutage au-dessus de l’océan, marmonne : « Bon ben, on arrive dans la zone Etops, alors... Dans la zone de la

mort. (http://www.vanityfair.fr/people/hollywood/articles/brittany-murphy-mort-suspecte-sous-la-douche/1666) » « Ouais, exactement », acquiesce

Bonin. L’électricité statique autour de l’avion provoque des grésillements dans la radio. Bonin a le sentiment de voler près de la partie supérieure de

la couche nuageuse. Il suggère à nouveau de grimper : « On essaie de demander le 3-6 [36 000 pieds] non standard ? Parce qu’on est vraiment à la

limite... Déjà, le 3-6, ce serait bien. » Pour une fois, Dubois parle clairement : « On va attendre un peu si ça passe. » Des feux de Saint-Elme

[phénomène physique qui annonce la foudre] dansent sur le pare-brise.

Le gros de l’orage est encore à venir. Le jeune copilote est inquiet. Mais Dubois décide d’aller dormir. Alain Bouillard, l’expert français chargé de

l’enquête, me dira : « Si le commandant de bord était resté à son poste dans la zone de convergence intertropicale, ça n’aurait retardé sa sieste que

d’un quart d’heure et, compte tenu de son expérience, l’histoire se serait peut-être terminée autrement. Je ne crois pas qu’il ait quitté son poste parce

qu’il était fatigué. C’est plutôt une habitude, ça fait partie de la culture (http://www.vanityfair.fr/culture/art/diaporama/idees-cadeaux-noel-beaux-

livres-coffret-dvd-culture/6236#idees-cadeaux-noel-beaux-livres-coffret-dvd-culture-41) Air France du pilotage. En quittant son poste, il n’a enfreint

aucune règle mais ça reste surprenant. Quand vous avez la responsabilité d’une mission, vous ne partez pas en vacances au moment le plus

important. »

L'enquêteur Alain Bouillard présente la boîte noire (qui esr orange). ©AFP

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Juste avant 23 heures, heure de Rio, Dubois rallume le poste de pilotage, limitant la vue de l’extérieur, et appelle la cabine de repos, située à l’arrière

du cockpit et composée de deux couchettes. Un second copilote s’y repose et répond par un coup sur la cloison. David Robert a 37 ans. Lui aussi est

un « bébé Air France » mais il est plus âgé que Bonin et possède deux fois plus d’expérience. Il est diplômé de l’École nationale de l’aviation civile,

l’une de ces écoles qui forment l’élite des pilotes. Il vient d’intégrer l’encadrement de la compagnie, plus précisément le centre de contrôle des

opérations. Il a choisi ce vol pour conserver son habilitation à piloter. Il a assuré le départ de Paris et posé l’avion à Rio, son premier atterrissage

depuis trois mois. Il entre dans le poste de pilotage deux minutes après avoir répondu au commandant.

Dans l’intervalle, et sans que Robert ne le sache, Dubois a délégué à Bonin son commandement pour la durée de sa sieste. Il le lui apprend de

manière pour le moins indirecte. Il dit : « Euh, qui c’est qui pose [l’avion], c’est toi ? » Puis, au sujet de Robert : « Bon ben, il va prendre ma place. »

Il désigne apparemment le siège de gauche, celui du « pilote non aux commandes ». Cela pourrait aussi signifier qu’il est le commandant en fonction

si Dubois n’ajoutait à l’adresse de Bonin : « T’es PL [pilote de ligne], toi ? » Il lui demande s’il est capable de piloter avec les commandes. Il est

étrange que Dubois n’en sache rien. Quoi qu’il en soit, Bonin répond « Ouais » et plus rien ne se dit à ce propos, comme si la question était réglée.

Robert prend le siège de Dubois. Il sait que Bonin tient les commandes mais suppose peut-être, puisque rien ne lui suggère le contraire, qu’il

assumera lui-même les fonctions de commandant dans la mesure où il est le plus expérimenté. Bonin lui fournit quelques informations sur le vol et

Dubois quitte le cockpit.

Telle est la situation à bord du vol AF 447 au moment où il approche des orages équatoriaux, à 35 000 pieds, au beau milieu de l’Atlantique et en

pleine nuit. À l’arrière, 225 passagers ; la plupart dorment sans doute. À l’avant, un commandant soucieux de rattraper du sommeil en retard et deux

copilotes dont l’un est excessivement nerveux et l’autre présent pour faire ses heures de vol. Si tous trois avaient été interrogés, chacun aurait assuré

qu’il avait délégation du commandement. À propos de Bonin et de Robert, l’enquêteur Bouillard parlera d’énigmes. Il dira : « Parfois, deux pilotes,

c’est moins efficace qu’un seul. » Il aurait pu dire « trois », en comptant Dubois.

II. RESSOURCES HUMAINES DANS LE COCKPIT

Dans la brève histoire de la sécurité aérienne, les années 1950 ont marqué un tournant avec l’apparition des avions à réaction, beaucoup plus fiables

et faciles à piloter que les monstres équipés de moteur à pistons. Les deux décennies suivantes, le nombre d’accidents imputables à des pannes

mécaniques ou à des mauvaises conditions météo a significativement diminué. Cet énorme progrès a entraîné l’explosion des voyages aériens. Une

nouvelle réalité s’est cependant dessinée dans les années 1970. Le nombre des accidents a diminué mais ceux qui se produisent encore sont presque

tous imputables aux pilotes, ces héros qui avaient jadis bravé les dangers mécaniques et météorologiques. Le problème est mondial. En Europe et aux

États-Unis, un petit nombre de spécialistes – des chercheurs, régulateurs, enquêteurs, pilotes d’essai et ingénieurs – se sont mis à étudier le sujet. Ils

ont remis en cause le pouvoir des pilotes, qui venaient de se lancer dans un combat d’arrière-garde (toujours d’actualité) contre la baisse de leur

salaire et la dépréciation de leur statut. En clair, les heures de gloire des pilotes étaient comptées.

À la fin des années 1970, une petite équipe de chercheurs de la NASA, installée à Mountain View, Californie, a lancé un contrôle systématique de

l’aptitude au pilotage. L’un d’eux était un jeune psychologue et pilote privé, John Lauber, futur membre du Conseil américain de la sécurité des

transports pendant dix ans puis responsable de la sécurité des produits chez Airbus en France. Pour la NASA, Lauber a passé des années dans les

cockpits. Il observait, prenait des notes. À l’époque, la plupart des équipages comptaient un mécanicien assis derrière les pilotes et chargé des

systèmes électriques et mécaniques de l’avion. Lauber a décelé une tendance à l’autoritarisme chez les commandants de bord : la plupart d’entre eux

étaient de vieux réactionnaires qui ne toléraient aucune intervention de leurs subordonnés. Dans les cockpits, les copilotes pouvaient s’estimer

heureux si par miracle ils touchaient aux commandes. Lauber m’a raconté le jour où il a pénétré dans la cabine de pilotage avant l’arrivée du

commandant. Le mécanicien lui a dit : « Je suppose que vous êtes déjà entré dans un cockpit.

– Euh, oui.

– Mais vous ne savez peut-être pas que je suis le “conseiller sexuel” du commandant.

– En effet, je l’ignorais.

– Ouais, parce que dès que je dis quelque chose, il me répond : “Si j’ai besoin de ton fucking conseil, je te sonnerai.” »

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À la Pan American World Airways, qui a été longtemps la compagnie américaine de référence, ce genre de commandants de bord était surnommé «

clipper skippers », comme les marins des prestigieux voiliers des années 1930. La NASA

(http://www.vanityfair.fr/actualites/international/articles/asuivre-la-nasa/13659) a convaincu la Pan Am de tester vingt équipages volontaires de

Boeing 747 sur des simulateurs de vol. Le scénario prévoyait un décollage de routine depuis l’aéroport JFK de New York pour un vol trans-atlantique

au cours duquel surgiraient divers problèmes qui contraindraient le commandant à revenir à l’aéroport. Ce programme avait été imaginé par un

physicien et pilote britannique, Hugh Patrick Ruffell Smith. John Lauber a participé à cette expérience. La simulation était aussi réaliste que

possible, irruption des hôtesses et mauvais café compris. Lauber m’a expliqué qu’à la Pan Am, les chefs des opérations trouvaient le scénario

(http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/gawker-accuse-davoir-fait-fuiter-le-script-de-tarantino-reclame-labandon-des-poursuites/13311) trop

simple. « Ils disaient : “Écoutez, ces gars sont entraînés. Vous ne tirerez rien d’intéressant de tout ça.” Eh bien, on a vu des tas de choses

intéressantes qui n’avaient pas grand-chose à voir avec les aptitudes physiques du commandant (ses performances, le manche à balai en main) ni

avec sa maîtrise des procédures d’urgence. Elles mettaient en cause sa manière de diriger son équipage et de gérer la communication à bord, comme

le fait de s’assurer que le mécanicien remplissait bien sa mission, que le copilote s’occupait bien de la radio, pendant que lui gardait l’esprit clair

pour prendre les bonnes décisions. »

À l’époque, tout reposait sur les épaules des commandants de bord. Certains étaient des chefs (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/gawker-

accuse-davoir-fait-fuiter-le-script-de-tarantino-reclame-labandon-des-poursuites/13311) nés et leur équipage travaillait bien mais la majorité était des

clipper skippers : leur équipe perdait les pédales sous la pression et commettait de dangereuses erreurs. En juin 1979, Ruffell Smith a publié ses

conclusions dans un rapport fondateur : « Mémorandum technique de la NASA no 78482. » L’essentiel du rapport était consacré à la gestion de

l’équipage. À rebours de la longue tradition de l’aviation, il mettait en cause la mauvaise communication à l’intérieur du cockpit dans presque tous

les cas d’accidents, comme une autre étude menée par la NASA.

Les compagnies aériennes ont salué ces travaux. En 1979, la NASA a organisé à San Francisco un séminaire de formation sur le sujet, auquel ont

participé des compagnies du monde entier. Pour décrire cette nouvelle approche, Lauber a imaginé un intitulé accrocheur : Cockpit Resource

Management ou CRM, sigle devenu depuis lors celui de Crew Resource Management (gestion des ressources équipage, plus seulement du cockpit).

L’idée était de développer une culture de la cabine moins autoritaire, avec une hiérarchie capable d’encourager une approche participative. Les

copilotes, désormais appelés « premiers officiers », pourraient régulièrement prendre les commandes et donner leur avis si le commandant de bord

commettait une erreur (http://www.vanityfair.fr/actualites/la-chronique-d-herve-gattegno/articles/desir-au-ps-cetait-une-erreur-au-gouvernement-cest-

une-faute/13674). Ces derniers devraient aussi admettre qu’ils pouvaient se tromper et demander conseil. Il s’agissait d’accorder plus d’importance

au travail d’équipe. On appelait ça « l’entraînement type vol de ligne ». Comme prévu, ces nouvelles idées se sont heurtées à la résistance des pilotes

confirmés. Nombre d’entre eux ont dénoncé les analyses de la NASA comme du « psycho bla bla » et caricaturé les premiers séminaires comme des

séances de magie. Ils ont répété que leur compétence et leur autorité constituaient le vrai rempart entre les passagers et la mort. Mais petit à petit, ces

pilotes sont partis à la retraite. Dans les années 1990, le CRM et le travail en équipe sont entrés dans les pratiques, même s’ils n’étaient pas toujours

parfaitement respectés.

Certes, l’effet sur la sécurité est difficile à évaluer, dans la mesure où ces innovations sont indissociables d’autres progrès. Mais le CRM a été

considéré comme une réussite : cette méthode s’est même répandue dans d’autres activités telle que la chirurgie

(http://www.vanityfair.fr/people/hollywood/diaporama/la-chirurgie-esthetique-des-stars-a-hollywood-avant-et-aprs/5918#la-chirurgie-esthetique-des-

Les « unes » de la presse brésilienne, le 2 juin 2009. ©AFP

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stars-a-hollywood-avant-apres-24), où les médecins ne sont plus considérés comme des dieux. Dans l’aviation, la formation a changé, les copilotes

ont pris du pouvoir et le maniement des commandes s’en est trouvé démystifié. Mais le point le plus important qui nous ramène au vol AF 447, c’est

que la conception même du cockpit d’un Airbus, ou de n’importe quel Boeing récent, repose désormais sur une communication claire et un travail

d’équipe. Si ces principes ne sont pas respectés, un simple incident peut virer à la -catastrophe.

Les principes du CRM, inventés aux États-Unis, conviennent naturellement aux pays de culture anglo-saxonne. Ils ont cependant eu plus de mal à se

décliner en Asie où ils s’opposent aux traditions hiérarchiques et au respect des anciens. Ainsi, en 1997, quand un Boeing 747 de la Korean Air a

percuté une colline en pleine nuit à l’approche de l’île de Guam, ni le copilote ni le mécanicien n’ont osé contredire le commandant de bord, alors

qu’ils savaient pertinemment que l’avion descendait trop. L’accident a fait 228 morts, et d’autres drames similaires se sont produits en Asie.

À Air France, si l’on en juge par l’ambiance dans le cockpit du vol AF 447, les principes égalitaristes de la NASA ont accouché d’un style de

pilotage décontracté. Les copilotes tutoient le commandant même si celui-ci fait toujours ce que bon lui semble. Un cadre supérieur d’Airbus m’a dit

qu’en France, comme dans les pays moins développés, et contrairement à la Grande-Bretagne et aux États-Unis

(http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/la-maison-la-plus-chere-des-etats-unis/18482#la-maison-la-plus-chere-des-etats-unis-1), un

pilote fait partie de l’élite, ce qui le rend difficile à diriger. Bernard Ziegler, pilote d’essai français

(http://www.vanityfair.fr/actualites/pouvoir/diaporama/les-franais-les-plus-influents-du-monde/6170#les-franais-les-plus-influents-du-monde-32)

visionnaire et ingénieur pour Airbus, m’a un jour éclairé :

« D’abord, il faut comprendre leur mentalité.

– Vous pensez qu’ils sont arrogants ?

– Certains le sont. Et ils ont le défaut d’être trop payés.

– Donc aucun risque d’avoir des pilotes pareils aux États-Unis ! »

Ziegler ne plaisantait pas. Il a ajouté : « Les syndicats considèrent que les pilotes sont parfaits, vivants ou morts. »

Dans le cas du vol AF 447, les syndicats ont estimé qu’il était indécent de mettre en cause des pilotes disparus

(http://www.vanityfair.fr/culture/cinema/articles/robin-williams-la-guerre-perdue/15235), désormais incapables de se défendre. Une association de

familles de victimes a même pris leur parti. C’est un classique dans l’histoire de la compagnie. Lorsqu’en 1953, un Constellation en parfait état s’est

écrasé en descendant vers Nice, le père de Bernard Ziegler, alors directeur général de la compagnie, et le patron des pilotes ont été convoqués par le

premier ministre. « Quelle erreur votre pilote a-t-il commis ? » leur a-t-il demandé, avant de s’entendre répondre : « Monsieur, le pilote ne commet

jamais d’erreur. »

Bernard Ziegler esquisse un sourire ironique. Je lui ai parlé peu après l’accident du vol AF 447, avant que l’enregistreur vocal de l’appareil n’ait été

retrouvé. La France reste une grande nation aérienne et Ziegler est un patriote mais aussi un homme de son temps. Il se vante d’avoir conçu des

avions si faciles à piloter que même sa concierge pourrait en prendre les commandes. Mais à Air France, avance-t-il, la culture du pilotage n’a pas

suivi.

Le trajet du vol AF 447 jusqu'à sa disparition des écrans radar. ©AFP

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III. HORS DE CONTRÔLE

Cette nuit du 31 mai 2009, Marc Dubois quitte le cockpit pour aller dormir. David Robert, le plus âgé des copilotes, s’assoit sur le siège de gauche –

il n’est pas aux commandes. Pierre--Cédric Bonin, à droite, gère les tâches habituelles. L’avion est en pilotage automatique. Il avance vers Paris à la

vitesse de Mach 0,82 et à 35 000 pieds d’altitude. Son angle d’incidence aérodynamique?: le nez légèrement relevé de deux degrés au-dessus de

l’horizon et les ailes inclinées d’environ trois degrés. Plus cet angle augmente, meilleure est la portance. Mais s’il devient trop important, le flux d’air

se décolle de l’aile et l’avion décroche. C’est ainsi pour tous les appareils quelle que soit leur motorisation. Lorsqu’un appareil décroche, il perd de la

portance et ses ailes commencent à battre l’air avec d’énormes traînées, sous l’effet d’une résistance bien supérieure à ce que le moteur peut

encaisser. L’avion amorce alors une chute rapide, le nez en l’air dans un déséquilibre difficile à contrôler. La seule solution consiste à réduire l’angle

d’attaque en abaissant le nez de l’avion et en plongeant. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est une base du pilotage. Comme il est d’usage pour ce

genre d’appareil en haute altitude, l’Airbus vole tout près de ce qui pourrait être un angle problématique. Trois degrés de plus, et une alarme

sonnerait. Encore cinq et l’avion décrocherait. Tout cela reste théorique : sur un A330, en procédure normale, les systèmes de contrôle de vol

interviennent tout seuls pour éviter le décrochage : ils abaissent le nez de l’appareil et poussent les moteurs sans que les pilotes n’aient à agir. Ce cas

de figure est extrêmement rare. Généralement, les pilotes n’en font jamais l’expérience, sauf s’ils commettent une grosse erreur de jugement.

Chacun des pilotes, Bonin et Robert, surveille ses propres écrans. Le plus facile à lire affiche « cap », « trajectoire », « points d’appui », « vitesse

au sol » et « météo détectée par le radar ». Le plus important des écrans reconstitue une vue schématique de l’avion par rapport à la ligne d’horizon,

son angle d’attaque (nez vers le haut ou vers le bas), son assiette (ailes penchées d’un côté ou à plat), son cap, son altitude, la vitesse du vent et

l’angle de montée ou de descente. Un troisième écran indique à peu près la même chose mais en plus petit. Sur la base de ces merveilles

d’information, les pilotes peuvent naviguer la nuit ou dans les nuages, sans rien voir de ce qui se passe devant eux.

Lorsque le commandant Dubois rallume le cockpit, l’extérieur, par contraste, redevient sombre. L’avion entre dans une nouvelle couche nuageuse,

secoué par de légères turbulences. En cabine, un signal lumineux demande aux passagers de boucler leur ceinture. Bonin appelle le poste avant des

hôtesses : « Ouais, Maryline, c’est Pierre, devant. Dans deux minutes, là, on devrait attaquer une zone où ça devrait bouger un peu plus que

maintenant. » Il conseille à l’équipage de s’asseoir : « Je te rappelle dès qu’on est sorti de là. » Il ne le fera jamais.

Les turbulences augmentent légèrement. Bonin regrette toujours de ne pas pouvoir élever l’avion davantage. Il évoque une nouvelle fois la

température extérieure, anormalement élevée : « Standard plus treize. » Puis lâche, sans raison apparente : « Putain la vache ! Oh putain ! » Il est

anxieux : « On va être vraiment à la limite de la couche [de nuages]. C’est dommage, je suis sûr qu’avec un 3-6 [36 000 pieds] non standard, ce

serait pas mal, hein. »

David Robert ne répond pas. Il regarde ses instruments de navigation qui annoncent un orage. Propose : « Tu veux pas altérer un peu à gauche

éventuellement ? » Bonin : « Excuse-moi ? » Robert répète : « Tu peux éventuellement prendre un peu à gauche. » Cette fois, la suggestion sonne

comme un ordre. Bonin programme vingt degrés sur la gauche. Il commence à prendre en compte l’autorité de Robert sans pour autant s’y

soumettre complètement.

L’avion entre dans une zone de gros temps et le cockpit résonne du bruit de cristaux de glace qui frappent son pare-brise. Bonin abaisse la vitesse de

l’avion à Mach 0,8. Robert approuve : « Ça coûte rien. » Les manettes obéissent, la puissance des moteurs diminue aussitôt. L’angle d’attaque

augmente légèrement. Les turbulences passent de « légères » à « modérées ». Les bruits de glace persistent.

La fameuse boîte noire, qui est en réalité orange. ©AFP

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Les pilotes l’ignorent mais les cristaux s’accumulent sur les trois sondes Pitot, des instruments de mesure de vitesse de l’avion fixées sous le nez de

l’appareil. L’obstruction de ces sondes est bien connue sur certains Airbus. Certes, elle ne se produit que dans de rares conditions à haute altitude, et

elle n’a jamais provoqué d’accident, mais elle est prise au -sérieux : Air France, qui a alerté ses pilotes du danger, a décidé de -remplacer ces sondes

par un nouveau modèle. Les premières sondes viennent d’être livrées à Paris et dorment pour l’instant dans un placard.

Sur le vol AF 447, il est déjà trop tard. Les sondes sont rapidement gelées. Ainsi, peu après 23 h 10, les trois indicateurs de vitesse cessent de

fonctionner et indiquent des valeurs si basses qu’elles sont invraisemblables. L’altimètre signale un improbable « 360 pieds ». Les deux pilotes n’ont

pas le temps de lire ces informations. Puisque les données de vitesse ne sont plus fiables, le pilotage automatique se déconnecte. Premier

retentissement d’une longue série d’alarmes, une vraie charge de cavalerie. Le dispositif automatique de commande des gaz se cale alors sur la

vitesse réelle. Et les commandes de vol électriques passent du programme normal law au régime inférieur alternate law. La protection antidécrochage

disparaît.

L’A330 se pilote maintenant de façon manuelle. C’est la réponse logique fournie par la machine. L’avion est stable. Il avance tout droit sans cabrer ni

vers le haut ni vers le bas. La puissance est parfaitement programmée pour un tranquille Mach 0,8. Les turbulences sont si faibles que l’on pourrait

presque marcher sur les ailes. Hormis un léger problème d’altimètre, seul l’indicateur de vitesse pose problème. Mais il n’altère pas la vitesse. Pas de

situation critique. Cet épisode devrait rester un non-événement (http://www.vanityfair.fr/actualites/la-chronique-d-herve-gattegno/articles/la-non-

inversion-de-la-courbe-du-chomage-est-un-non-evenement/12861) et passer rapidement. Les pilotes ont le contrôle de l’appareil : s’ils se

contentaient de ne rien toucher, ils agiraient exactement comme il faut.

Dans un premier temps, l’équipage ne comprend qu’une chose : le pilote automatique est déconnecté. Les légères turbulences font doucement

pencher l’appareil. Sur sa droite, Bonin attrape une manette semblable à un joystick de jeux vidéo. « J’ai les commandes », dit-il. Robert répond : «

D’accord. » Une alarme dite « C-chord » sonne parce que l’altimètre n’indique plus 35 000 pieds. Il est probable que Pierre-Cédric Bonin serre son

manche beaucoup trop fort : l’enregistreur de données de vol montrera que le pilote le manie sans souplesse avec des mouvements trop brusques,

comme un conducteur de voiture en proie à la panique. L’avion (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/comment-peut-on-perdre-un-avion-en-

2014-les-raisons-de-la-disparition/13333) balance de droite à gauche. Peut-être est-ce dû à l’inexpérience de Bonin en mode alternate law,

notamment à haute altitude. Peut-être serait-il moins tendu et piloterait-il avec plus de souplesse s’il avait plus de pratique.

Le jeune Bonin tire son manche vers l’arrière. C’est peut-être une réaction aux mauvaises indications fournies par l’altimètre. Bonin insiste avec

brutalité sur le manche. L’enquêteur Alain Bouillard comparera cette réaction à une position fœtale de réflexe. L’avion réagit en se cabrant vers le

haut dans une ascension intenable, perd de la vitesse et accroît son angle d’attaque. (Selon le rapport de contre-expertise demandé par Airbus et versé

au dossier judiciaire en avril 2014, la réaction de l’équipage aurait été « inappropriée » après « la perte momentanée des indications de vitesse ». AirFrance, qui conteste ces conclusions, a déposé un recours afin que cette expertise soit déclarée nulle.)

Bonin a pris les commandes depuis six secondes quand une brève alarme de décrochage s’enclenche.

Une voix synthétique et masculine annonce : « Stall » – décrochage. Puis de nouveau la C-chord. Robert

: « Qu’est-ce que c’est que ça ? » La voix répète : « Stall. » Et encore C-chord. Aucun des deux pilotes

ne réagit à ces alertes. L’angle d’attaque de l’avion s’est accru de cinq degrés, les ailes se maintiennent,

il est encore temps de réagir aux alertes. « On n’a pas une bonne annonce de... de vitesse », s’inquiète

Bonin. Son copilote confirme : « On a perdu les vitesses, alors. »

Si les deux hommes (http://www.vanityfair.fr/culture/musique/diaporama/steve-stoute-homme-derriere-jay-z/130#steve-stoute-homme-derriere-jay-

z-1) avaient compris que les sondes ne fonctionnaient plus, le problème aurait été réglé. Les pilotes ont réagi assez vite, en onze secondes.

L’inclinaison du nez de l’avion atteint onze degrés. Un chiffre élevé en haute altitude mais pas excessif. Bonin devrait désormais abaisser le nez de

l’avion à un niveau normal (à peu près au niveau de la ligne d’horizon) et ne plus s’occuper des gaz. L’appareil retrouverait alors sa position et sa

vitesse d’origine, même si les écrans ne fonctionnent plus. Mais Bonin s’obstine à tirer sur le manche de manière saccadée : le nez de l’avion monte

encore. Le copilote vise-t-il un ciel plus calme qu’il imagine au-dessus des orages ? A-t-il en tête la procédure « vitesse erronée » prévue pour les

altitudes plus basses, qui requiert de monter à grande puissance ? Pense-t-il que l’avion va trop vite ? L’enquête envisagera cette hypothèse. Mais si

c’était le cas : pourquoi ? Même si Bonin n’a pas entendu l’alarme de décrochage, le nez est haut et la puissance disponible faible. Avec ou sans

indications fiables, voler à grande vitesse dans ces conditions est physiquement impossible. Un ingénieur chevronné de Boeing, lui-même pilote civil,

m’a dit : « Il n’y a pas de mauvais pilotes ; il y a des pilotes normaux qui ont des mauvais jours. » C’est le principe qui, selon lui, dicte la conception

des cockpits de Boeing. Mais qu’est-ce qu’un pilote normal ?

David Robert, à gauche de Bonin, l’est sans doute. Après avoir confirmé que les indicateurs de vitesse ne fonctionnaient plus, il se met à lire à voix

(http://www.vanityfair.fr/culture/articles/nina-simone-une-voix-se-leve-une-histoire-en-musique/16714) haute les informations données par l’écran. Il

suggère de prendre des mesures. Sa réaction n’est pas appropriée mais elle conduit Bonin à débloquer la limite des gaz. Les moteurs tournent alors à

plein régime. Robert dit : Alternate law. Protections lost [perte des protections]. Ceci, au moins, est pertinent. Cette expression signifie qu’il peut y

Dans le cockpitune forte voix

synthétiqueannonce « stall » (ondécroche). ”

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avoir décrochage et que les alarmes doivent être prises en compte. Il n’est pas certain que Robert ait conscience des mots qu’il prononce, ni que

Bonin les entende. Vingt secondes ont passé depuis la perte des indications de vitesse. L’avion grimpe à 36 000 pieds et perd de la vitesse. Le nez

s’élève à douze degrés. Robert revient aux indications de vol : « Fais attention à ta vitesse ! Fais attention à ta vitesse ! » Il veut probablement parler

de l’inclinaison puisque les indicateurs de vitesse restent, de toute évidence, bloqués. Bonin a peut-être compris : « OK, OK, je redescends. » Il

abaisse le nez mais d’un demi-degré seulement. L’avion continue son ascension. Robert : « Tu stabilises ! » Bonin : « Ouais ! » Robert montre un

indicateur : « Tu redescends ! » Puis : « On est en train de monter selon lui ! Selon les trois [indicateurs], tu montes, donc tu redescends ! » Bonin : «

D’accord. »

Le problème n’est pas le système de contrôle des Airbus, tant critiqué par Boeing : dans la conception du cockpit, les deux manches, indépendants

l’un de l’autre, ne fonctionnent pas à l’unisson. Quand le pilote aux commandes actionne le sien, l’autre est impuissant et reste au point mort. Si les

deux manches sont connectés en même temps, une alarme dual input (double entrée) retentit et le système informatique arbitre seul. Pour éviter ce

problème de doublon, chaque manche a un bouton de priorité qui éteint l’autre manette. Ce système requiert une bonne coordination. Il s’agit, en

effet, d’un cas extrême dans lequel le copilote prend le contrôle. Mais pour l’instant, il empêche peut-être Robert de percevoir la nervosité de Bonin.

(Sur ce point, les éléments de l’enquête judiciaire interdisent de se forger une certitude.)

Le jeune homme (http://www.vanityfair.fr/actualites/international/articles/bechir-saleh-le-dernier-homme-de-kadhafi/1835) pousse le manche vers

l’avant et le nez de l’avion s’abaisse, un peu trop vite au goût de Robert. « Doucement ! » dit ce dernier. Il vient apparemment de comprendre que les

moteurs accélèrent. Il demande : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » Bonin répond : « On est en climb [on grimpe]. » À cet instant, il semble que l’un

des deux pilotes coupe les gaz mais que l’autre les remette six secondes plus tard. Il est difficile de dire qui a fait quoi mais il est probable que Bonin

opte pour le point mort et Robert pour la poussée. Bonin ramène le nez de l’avion à six degrés et l’ascension ralentit. Même si la situation reste

délicate, il lui suffirait d’incliner le nez de quelques degrés supplémentaires pour revenir à la normale. Pour une raison indéterminée, Bonin n’agit

pas de la sorte et Robert semble à court d’idées. Il tente de réveiller le commandant Dubois en appuyant plusieurs fois sur le bouton d’appel de la

cabine de repos : « Putain, il est où, euh... ? »

Bonin tire de nouveau sur le manche. Le nez de l’avion s’élève à treize degrés au-dessus de la ligne d’horizon. Trois secondes plus tard, l’appareil

commence à vibrer avec un début de décrochage. En anglais (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/articles/nigella-lawson-la-vie-de-la-

cuisiniere-preferee-des-anglais/23576), on nomme ce genre de secousses un « buffet ». Elles se produisent lorsque le flux d’air se rabat sur les ailes.

Plus le décrochage est violent, plus le cockpit est secoué et plus les indications deviennent difficiles à lire.

Porté par l’inertie, l’avion continue de s’élever. Une hôtesse parle dans l’interphone, pour répondre semble-t-il à Robert qui l’a peut-être appelée en

tentant de joindre le commandant. « Allô ? » interroge-t-elle. L’alarme de décrochage retentit de nouveau. Les mêmes mots, « stall », « stall », « stall

», entrecoupés de grésillements. Ces alertes durent cinquante-quatre secondes. L’hôtesse répète : « Oui ? » Robert ne lui répond pas. Il dit à Bonin :« Surtout, essaie de toucher le moins possible les commandes en latéral, hein. » Pas une mauvaise idée pour compenser le décrochage mais ce n’est

pas la meilleure solution pour abaisser le nez de l’avion. L’hôtesse s’impatiente : « Allô ? »

Bonin bataille toujours avec son manche. Il a de plus en plus de mal à maintenir le niveau d’inclinaison. « Je suis en toga, hein », dit Robert. toga est

l’acronyme qui désigne une poussée maximale des moteurs. Là encore, ce n’est pas une mauvaise idée pour compenser le décrochage, mais à haute

altitude, l’effet en est limité. Bonin continue de lever le nez de l’avion jusqu’à dix-huit degrés. Robert s’énerve : « Putain, il vient ou pas ? » « Ça

Une partie d'un masque à oxygène retrouvé après le crash. ©AFP

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répond pas », dit l’hôtesse en raccrochant.

Les sondes Pitot ont dégelé. Les indicateurs de vitesse fonctionnent de nouveau mais cela ne semble pas aider Bonin et Robert qui ignorent ce que

devrait être leur vitesse à ce stade. Ils n’ont pas la présence d’esprit, semble-t-il, de recalculer leur vitesse réelle à partir de la vitesse au sol indiquée

par le GPS. Pendant douze secondes, pas un mot. Maintenant, l’appareil (http://www.vanityfair.fr/style/beaute/diaporama/les-stars-qui-portent-un-

appareil-dentaire-ou-des-bagues/5460#les-stars-qui-portent-un-appareil-dentaire-ou-des-bagues-7)ne peut plus grimper par inertie. Il a atteint le

sommet de sa courbe à 38 000 pieds et commence à redescendre avec le nez en l’air et un angle d’attaque de vingt-trois degrés. Une minute et dix-

sept secondes se sont écoulées depuis que les problèmes ont commencé. C’est très long. La vitesse de descente atteint rapidement 3 900 pieds par

minute (20 m/s), ce qui accroît encore l’angle d’attaque. Le tremblement de l’appareil s’accentue.

Le commandant Dubois frappe enfin à la porte du cockpit alors que Robert appuie toujours sur le bouton d’appel du poste-repos. « On a pourtant

les moteurs, dit-il. Qu’est-ce qui se passe, putain ? » Stall, stall, stall. « Tu comprends ou pas ce qui se passe ? » Bonin : « Putain, j’ai plus le

contrôle de l’avion, là ! J’ai plus du tout le contrôle de l’avion ! »

L’aile droite a décroché plus que l’aile gauche, l’appareil penche à droite. Robert prévient : « Commandes à gauche ! » Il actionne le bouton de

priorité de son manche et prend le contrôle. Une seconde plus tard, Bonin le reprend sans dire un mot. Robert pense que son bouton n’a pas

fonctionné : « Putain, on est où, c’est quoi, là ? » Bonin : « J’ai l’impression qu’on a une vitesse de fou. » Avec le nez

(http://www.vanityfair.fr/style/mode/articles/germaine-cellier-creatrice-de-parfum/15089) en l’air et aussi peu de puissance disponible ? Comment

peuvent-ils se tromper à ce point ? Mystère.

La porte du poste de pilotage s’ouvre. Dubois apparaît enfin. C’est la panique à bord. Lui semble calme : « Qu’est-ce qui se passe ? » Stall, stall,

stall. Le cockpit est violemment secoué. Robert ne dit pas : « On a perdu les indicateurs de vitesse et ce type a tiré sur le manche. On est en alternate

law. On est monté à 38 000 pieds et maintenant on tombe. » Il dit simplement : « Je ne sais pas ce qui se passe. » Bonin ajoute : « On perd le

contrôle de l’avion, là ! » L’Airbus perd 10 000 pieds à la minute (50 m/s) et ça augmente. L’angle d’attaque, qui n’apparaît pas à l’écran, atteint

l’inclinaison invraisemblable de quarante et un degrés. L’aile droite penche de trente-deux degrés. Et l’appareil (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-

vivre/diaporama/10-objets-high-tech-qui-font-rever/5789#10-objets-high-tech-qui-font-rever-10) tombe en arc dans le noir au-dessus de l’Atlantique.

Robert souffle : « On a perdu le contrôle de l’avion, on comprend rien, on a tout tenté ! »

IV ROBOTS VIVANTS

Cette confusion laissera sans voix les ingénieurs et les spécialistes de la sécurité aérienne du monde entier. L’A330 est un bijou

(http://www.vanityfair.fr/style/mode/diaporama/aurelie-bidermann-bijoux-charms/256#aurelie-bidermann-bijoux-charms-1) de technique, l’un des

appareils les plus parfaits jamais construits. Comment un bref dysfonctionnement dans l’indication de la vitesse lors d’un vol de routine peut-il avoir

autant affolé ces pilotes ? Comment ont-ils pu ne pas comprendre qu’ils décrochaient ? Paradoxalement, la réponse tient sans doute à la

modernisation même du poste de pilotage, qui a rendu les avions d’aujourd’hui si sûrs et si faciles à piloter.

La dernière position connue du vol AF 447. ©AFP

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C’est vrai pour Boeing comme pour Airbus : quelles que soient leur rivalité et leurs différences, les deux constructeurs ont développé des postes de

pilotage similaires. La première amélioration a consisté à supprimer le poste de mécanicien malgré la vive opposition des syndicats de pilotes

inquiets pour la sécurité. Cette décision remonte à la fin des années 1970, au moment où John Lauber et les chercheurs de la NASA étudiaient la

performance des équipages et inventaient le CRM. Les systèmes aéronautiques (moteurs, kérosène, électronique, pressurisation, systèmes

hydrauliques, etc.) se géraient si bien tout seuls qu’il n’était plus nécessaire d’embarquer un mécanicien pour le contrôle manuel. Airbus, qui vendait

peu d’appareils et engloutissait des fonds publics, a alors tenté de construire des avions plus sophistiqués. Sourde aux récriminations des syndicats, la

compagnie a imposé des cockpits à deux places, au risque d’être critiquée au moindre accident. Boeing, qui développait de son côté des 757 et 767,

s’est montré plus diplomate (http://www.vanityfair.fr/actualites/international/articles/que-pense-hassan-rohani/1295). Mais le 737 et le Douglas DC-9

étaient déjà prévus pour deux pilotes sans mécanicien.

Il a fallu trouver le moyen de concevoir des cabines de pilotage pour deux, en intégrant les progrès informatiques, numériques, des écrans lumineux

et toutes les nouvelles possibilités de navigation offertes par les systèmes de radars électroniques. Les constructeurs ont abandonné les tableaux de

bord électromécaniques surchargés pour équiper les nouveaux appareils de tableaux de commandes conçus par la NASA. Ces outils ont permis

d’épurer le poste de pilotage : les informations de vol élémentaires furent ainsi rassemblées sur quelques écrans.

L’automatisation est au cœur (http://www.vanityfair.fr/culture/livre/articles/prelude-attrape-coeur-retrouve-salinger/1734) du système. Le principe de

pilotage automatique remonte aux débuts de l’aviation ; les systèmes de composants ont été automatisés dès les années 1960. Avec ces nouveaux

tableaux de bord, chaque pièce communique avec l’autre, afin de déterminer quelle information doit être donnée aux pilotes et à quel moment. Pièce-

clé, l’ordinateur de gestion de vol est principalement programmé au sol à partir des critères fournis par un responsable : il guidera le pilote

automatique tout au long du trajet. Au milieu des années 1980, de nombreux appareils ainsi conçus chez Airbus et Boeing vont équiper les

compagnies du monde entier, transformant le pilote en simple observateur de la machine. En 1987, Airbus va encore plus loin et présente le premier

avion à commandes de vol électriques, le petit A320, dont l’ordinateur interprète les mouvements du pilote sur le manche, avant de les transmettre

aux ailes et à la queue de l’appareil. Depuis, tous les Airbus fonctionnent de la sorte. Et Boeing a suivi.

Les avions dits « de quatrième génération » représentent aujourd’hui près de la moitié de la flotte mondiale. Depuis leur apparition, le nombre

d’accidents a tellement diminué que des enquêteurs du Conseil américain de la sécurité des transports ont pris leur retraite anticipée pour cause de

baisse d’activité. Personne ne conteste le succès de l’automatisation. Les ingénieurs qui l’ont rendue possible sont les héros méconnus de notre

époque. Des accidents se produisent encore mais la plupart d’entre eux sont imputables à des confusions entre le pilote et la machine. Les spécialistes

ont d’ailleurs tiré le signal d’alarme depuis des années : l’automatisation peut avoir des effets indésirables. Parmi eux, le regretté Earl Wiener,

ingénieur et enseignant à l’université de Miami (http://www.vanityfair.fr/culture/series/articles/miami-vice-histoire-d-une-serie-culte/15670), s’est

distingué en écrivant les « lois » qui portent son nom dans les années 1980. Florilège :

–Tout automatisme crée l’occasion d’une erreur humaine.

– Tout instrument étrange provoque des problèmes étranges.

– Les instruments numériques minimisent les petites erreurs tout en créant la possibilité de grosses erreurs.

– L’invention est mère de la nécessité.

– Certains problèmes n’ont pas de solution.

– Il suffit d’un avion pour faire ressortir le pire d’un pilote.

– Chaque fois que vous réglez un problème, vous en créez un nouveau. Vous pouvez seulement espérer que ce dernier soit moins grave que celui

résolu.

– De même que vous n’êtes ni trop riche (http://www.vanityfair.fr/actualites/international/diaporama/les-amricains-les-plus-riches-selon-

forbes/5880#les-amricains-les-plus-riches-selon-forbes-1) ni trop mince (duchesse de Windsor), vous n’êtes jamais trop prudent avec les données

enregistrées dans un système de guidage numérique (Wiener).

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20h France 2 - 1er juin 2009 : le vol AF 447 a disparu

20h France 2 - 1er juin 2009 : le vol AF 447 a disparu

Vanity Fair France

Vanity Fair France

41:57

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Pour Wiener, l’automatisation réduit la charge de travail dans le cockpit quand celle-ci est faible mais elle l’accroît dans le cas contraire. NadineSarter, ingénieur réputé de l’université du Michigan, formule les choses à sa manière : « Plus l’automatisation progresse, plus son apport est

important, plus la charge de travail s’amenuise. Et l’objectif est atteint. Mais au moindre raté, on le paie cher. Nous devons donc chercher le niveau

de développement où les bénéfices de l’automatisation restent considérables et permettent encore l’intervention du pilote en cas d’incident. »

Sarter travaille sur ce sujet depuis des années. Elle a récemment participé à une importante étude de la direction américaine

(http://www.vanityfair.fr/culture/series/articles/south-park-lhumour-scatologique-au-secours-de-la-societe-americaine/16083) de l’aviation publiée à

l’automne 2013 avec les mêmes conclusions. Sous l’apparente simplicité des panneaux de bord recouverts d’écrans et des commandes de vol

électriques se cachent des conceptions tellement baroques qu’elles en deviennent déconcertantes. Les pilotes peuvent s’y perdre comme cela ne leur

serait jamais arrivé dans un avion du passé. Lorsque j’en ai parlé à Delmar Fadden, ancien patron de la technique des cockpits chez Boeing, il n’y a

vu aucun souci. Et j’ai eu la même réponse avec les ingénieurs d’Airbus. Pour les constructeurs aériens, il est inconcevable que leurs machines

puissent poser problème et impliquer leur responsabilité ; et je n’ai pas douté de leur sincérité. Toujours selon Delmar Fadden, quand de nouvelles

fonctions sont ajoutées à un ordinateur de vol, cela coûte trop cher de les supprimer, en raison des certifications qu’il faudrait modifier. Donc même

si elles ne sont ni supprimées ni utilisées, elles restent là, en profondeur, invisibles. Mais Fadden a refusé de m’en dire plus sur ce point.

Nadine Sarter a beaucoup écrit sur « les surprises de l’automatisation ». Souvent, elles sont liées aux systèmes de contrôle que le pilote ne maîtrise

pas complètement ou aux caprices de l’appareil susceptible de lancer des alertes incompréhensibles pour l’équipage. Des « surprises » de ce genre

ont sans doute ajouté à la confusion à bord du vol AF  447. Dans un cockpit, on entend souvent aujourd’hui : « Mais qu’est-ce qu’il fait ? » Quand

Robert dit : « On comprend rien », c’est la même perplexité, en pire. « Nous avons aujourd’hui un problème de complexité systémique, poursuit

Nadine Sarter. Et ça ne concerne pas qu’un constructeur. Je pourrais facilement citer plus de dix incidents de n’importe quel industriel liés à

l’automatisation et à la confusion. La complexité induit un nombre important de sous-composants qui interagissent parfois de manière inattendue.

Les pilotes n’y peuvent rien car ils ne connaissent pas les moindres détails du système. Un jour, je me suis trouvée en présence de cinq ingénieurs qui

avaient participé à la construction d’un avion. Je leur ai demandé?: “Comment fonctionne ceci ? Comment marche cela ?” Ils n’arrivaient pas à se

mettre d’accord. Je me suis dit : “Si ces cinq ingénieurs (http://www.vanityfair.fr/culture/diaporama/10-femmes-trentenaires-qui-font-bouger-le-

monde-des-nouvelles-technos/6164#10-femmes-trentenaires-qui-font-bouger-le-monde-des-nouvelles-technos-6) n’y arrivent pas, je plains le pilote

qui se retrouverait dans ce cas de figure. Bonne chance !” »

Dans les cas concrets qui préoccupent la chercheuse du Michigan, les pilotes surestiment leur connaissance des systèmes. Ils font une action dont ils

attendent un résultat mais constatent que l’avion ne réagit pas comme prévu, comme si la machine avait pris le contrôle. Ce type de situation est bien

plus fréquent que la lecture des archives ne le laisse penser, car de tels incidents provoquent rarement un accident et seuls les cas les plus sérieux de

perte d’altitude ou de contrôle de l’appareil font l’objet d’un rapport. Le vol AF  447 a dû affronter un problème supplémentaire : lorsque

l’obstruction des sondes Pitot a déclenché une alerte « à l’ancienne », la suspension du pilote automatique a été une autre réponse « à l’ancienne » :

l’équipage récupérait soudain les manettes. Or les deux copilotes, Bonin et Robert, ont semblé effrayés (http://www.vanityfair.fr/video/tv-

series/playlist/les-cinq-clowns-les-plus-effrayants-du-monde/130#zombieland-2009) par la complexité du tableau de bord. Dès qu’ils sont sortis du

cadre habituel, ils ont sans doute été dépassés par la machine. (Sur ce point, Air France dément le rapport de contre-expertise versé à la justice par

Airbus.) Impensable à l’époque des clipper skippers, ces vétérans du manche à balai. Mais aujourd’hui, c’est comme si le progrès avait annihilé la

compréhension élémentaire des principes de l’aéronautique.

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V. LA CHUTE FINALE

Le commandant Dubois entre dans le cockpit une minute et trente-huit secondes après le gel des sondes Pitot. On ne sait pas comment il se comporte.

Se met-il à genoux ? Reste-t-il debout derrière Bonin et Robert ? Ou s’assied-il sur le siège de secours. On ne sait rien non plus de ce qu’il se passe

dans la cabine passagers. Certains voyageurs (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/lune-de-miel-10-destinations-

paradisiaques/5620#lune-de-miel-10-destinations-paradisiaques-maldives) ont dû remarquer les mouvements inhabituels de l’avion ; d’autres ont

peut-être entendu les alarmes. Il n’existe aucune pièce faisant état de panique ; aucun cri n’a été enregistré.

Après l’arrivée de Dubois, l’alarme de décrochage s’arrête un instant, parce que l’angle d’attaque est si élevé que le système rejette cette donnée à

laquelle il ne peut croire. Cela crée un renversement pervers qui va presque durer jusqu’à l’impact : chaque fois que Bonin abaisse le nez de l’avion,

l’alarme de décrochage retentit. Ce signal négatif l’incite peut-être à cabrer l’appareil vers le haut. Dubois montre un message sur un écran : « Alors

tiens, prends, prends ça ! » Robert répète lui-même cet ordre : « Prends ça, là, prends ça ! Essaie de prendre ça ! » L’alarme de décrochage sonne à

nouveau. Bonin : « Je... J’ai le problème, c’est que j’ai plus le vario [indicateur de vitesse verticale], là ! » Dubois répond par un grognement. Bonin

insiste : « J’ai plus aucune indication ! » C’est faux : il en a mais il ne les croit pas. La vitesse de descente est alors de 15 000 pieds par minute (près

de 80 m/s). Robert est lui aussi incrédule : « On n’a aucune indication qui soit valable ! » Bonin : « J’ai l’impression qu’on a une vitesse de fou,

non ? Qu’est-ce que vous en pensez ? » Il tire le levier des volets de freinage. Robert : « Non ! Non ! Surtout ne les sors pas !

– Non ? OK. »

Les volets rentrent. Chacun tient son manche et donne parfois des ordres contraires. Bonin : « Alors on continue à descendre. » Robert : « On tire ! »

Il se passe vingt-trois secondes sans que le commandant Dubois prononce le moindre mot (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/combien-

de-variations-du-mot-fuck-dans-le-loup-de-wall-street-/2051). Robert finit par lui demander : « Qu’est-ce que t’en penses ? Qu’est-ce que t’en

penses ? Qu’est-ce que tu vois ? »

Dubois : « Je sais pas, là, ça descend. »

On dira à sa décharge qu’il se trouve face à une situation incompréhensible parce qu’il est arrivé après la perte du contrôle de l’avion. Mais sa

position d’observateur pourrait se retourner en avantage. Il ne sait pas qu’un peu plus tôt, l’appareil a perdu les indications de vitesse. Il se trouve

devant un tableau de bord en état de marche qui affiche une faible vitesse dans l’air, une faible vitesse au sol, un nez incliné vers le haut et une

altitude trop basse. Sans parler des alarmes de décrochage à répétition et des secousses de l’appareil. Il lui aurait sans doute été utile de connaître

l’angle d’attaque (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/attaque-de-charlie-hebdo-qui-sont-les-deux-freres-kouachi-principaux-suspects-

/23447) – mais qu’est-ce que ça pouvait être d’autre qu’un décrochage ?

Bonin réussit à rétablir l’assiette pour que l’avion cesse de pencher à droite : « Voilà. Là c’est bon. Là on serait revenu les ailes à plat. Non, tu crois

pas ? » L’appareil balance latéralement jusqu’à des angles de dix-sept. Dubois : « Les ailes à plat ! L’horizon, l’horizon de secours ! » Les choses

deviennent encore plus chaotiques. Robert : « Ta vitesse ! Tu montes ! » Il veut sans doute signifier par là que Bonin fait monter le nez de l’avion

puisque l’Airbus ne prend pas d’altitude. Il dit : « Tu descends ! Descends, descends, descends ! » Bonin : « Je suis en train de descendre, là ? »

Dubois : « Non, tu montes, là ! ».

Remorquage d'une des ailes de l'AF 447. ©AFP

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Bonin se rend peut-être compte qu’on lui parle de l’inclinaison : « Là je monte ? OK, alors on descend. » La conversation dans le cockpit se déroule

par éclairs. Robert : « OK, on est en toga. » Bonin demande : « On est quoi, là ? En alti, on a quoi, là ? » Apparemment, il est trop occupé pour lire

les indications.

Dubois : « Putain, c’est pas possible ! »

Bonin : « En alti, on a quoi ? »

Robert : « Comment ça ? En altitude ? »

Bonin : « Ouais, ouais... On descend, là, non ? »

Robert : « Là, tu descends, oui. »

Bonin n’aura jamais la réponse à sa question. L’avion tombe maintenant de 20 000 pieds par minute (plus de 100 m/s). Il s’incline maintenant sur la

droite à 41 degrés.

Dubois : « Hé, tu... tu es en... mets, mets les ailes horizontales ! ».

Robert répète : « Mets les ailes horizontales ! »

Bonin : « C’est ce que je cherche à faire ! »

Dubois s’impatiente : « Mets les ailes horizontales ! »

« Je suis à fond à... avec du gauchissement ! ».

Robert s’empare de son propre manche. Une voix (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/hal-douglas-mythique-voix-des-bandes-annonces-

americaines-est-mort/13376) synthétique annonce dual input.

Dubois : « Le palonnier ! »

Ça fonctionne ; l’avion se stabilise.

Dubois : « Les ailes à l’horizontale. Allez, doucement, doucement... »

Dans la confusion, Robert dit : « On a tout perdu au niveau de l’aile gauche, j’ai plus rien, là ! »

Dubois : « Hein ? Tu as quoi ? Non, attends ! »

Les enquêteurs (http://www.vanityfair.fr/actualites/international/articles/oscar-pistorius-enqute-vf/13222) estimeront que c’était le dernier instant

possible pour rétablir l’appareil, à une altitude de 13 000 pieds (4 000 mètres). Il faudrait pour cela un pilote exceptionnel, capable d’abaisser le nez

de l’avion de 30 degrés sous l’horizon. Il ferait plonger l’appareil vers le sol, accélérerait pour retrouver un angle d’attaque praticable et ressortirait

de cette courbe descendante juste au-dessus des vagues, en tirant suffisamment sur le manche pour ne pas mettre en danger la structure de l’avion.

Peut-être existe-t-il dans le monde des pilotes capables d’une telle cascade. Cet équipage Air France n’en fait pas partie. Selon un vieux dicton de

l’aviation, les raisons qui vous mettent dans l’embarras sont précisément celles qui vous empêchent ensuite d’en sortir.

Bonin : « On y est, on y est, on passe le niveau 100 ! » Le niveau 100, c’est 10 000 pieds, environ 3 000 mètres. Il s’agit d’un avertissement standard

Présentation de la boîte noire à la presse. ©AFP

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Bonin : « On y est, on y est, on passe le niveau 100 ! » Le niveau 100, c’est 10 000 pieds, environ 3 000 mètres. Il s’agit d’un avertissement standard

dans le cadre normal des opérations. Dans le temps, il se disait que sous le niveau 100, on passait « en territoire indien ». Aujourd’hui, on dit que le

cockpit doit être « stérile » : rien ne doit le perturber.

Robert : « Attends, moi j’ai des... j’ai des commandes, moi. »

Il n’appuie pas sur son bouton de priorité et Bonin ne lâche pas son manche. La voix synthétique : « dual input ». L’angle d’attaque de l’avion reste

de 41 degrés.

Bonin : « Qu’est-ce que c’est... comment ça se fait qu’on continue à descendre à fond, là ?»

Robert indique à Dubois le panneau de plafond du cockpit : « Essaie de trouver ce que tu peux faire avec tes commandes là-haut. Les primaires, etc.

»

Bonin : « On va arriver au niveau 100 ! »

Dubois : « Ça fera rien. »

Quatre secondes plus tard, Bonin dit : « 9 000 pieds  (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/les-plus-beaux-hotels-en-bord-de-mer-de-

l-ete-2014/5289#les-plus-beaux-hotels-en-bord-de-mer-de-l-ete-2014-9)! » Il lutte pour maintenir les ailes à l’horizontale.

Dubois : « Doucement avec le palonnier ! »

Robert : « Remonte, remonte, remonte, remonte ! » Il veut dire : remonte le nez !

Bonin : « Mais je suis à fond à cabrer depuis tout à l’heure ! »

Dual input.

Dubois : « Non ! Non ! Non ! Ne remonte plus, là ! » Il veut dire : ne remonte pas le nez (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/articles/parfum-

parfumeur-hermes-roellinger-ellena-amitie/131) !

Robert : « Ben alors descends ! Donne-moi les commandes ! À moi les commandes ! »

Dual input.

Bonin : « Vas-y, tu as les commandes. On est en toga toujours, hein. »

Hormis un « messieurs... », on n’entend plus personne parler durant les treize secondes suivantes. Robert est aux commandes. De multiples alarmes

inondent le poste de pilotage.

Dubois : « Attention, tu cabres là, tu cabres ! »

Robert : « Je cabre ? Je cabre. »

Bonin : « Il faudrait... On est à 4 000 pieds [1 200 mètres]. »

Dubois : « Tu cabres là ! »

Mais relever le nez de l’avion les a précisément mis dans une situation dangereuse. L’avertisseur de proximité du sol retentit. Une voix

(http://www.vanityfair.fr/culture/livre/articles/coup-de-chapeau-etgar-keret/14016) synthétique annonce « sink rate, pull up » (niveau de plongeon,

tirez vers le haut).

Dubois : « Allez, tire ! »

Bonin est plus jeune, son épouse (http://www.vanityfair.fr/style/mode/diaporama/les-dix-robes-de-marie-les-plus-marquantes/5041#les-dix-robes-de-

marie-les-plus-marquantes-9) se trouve parmi les passagers. Deux enfants attendent à la maison. « Allez, lance Robert. On tire, on tire, on tire, on

tire ! » Puis : « Putain, on va taper ! C’est pas vrai ! Mais qu’est-ce qui se passe ? » Les alarmes s’affolent : pull up, C-chord, stall, C-chord, pull up,

priority right. À ce moment-là, l’un des deux copilotes s’effondre : « Putain, on est morts ! » Le commandant semble garder son calme « Dix degrés

d’assiette. »

Le vol AF  447 s’écrase dans l’Atlantique non loin de l’équateur. Il est 23 h 14 à Rio, soit quatre heures et quinze minutes après le décollage et quatre

minutes vingt après le début des ennuis. Lorsqu’on retrouvera l’enregistreur de vol deux ans plus tard, il montrera que juste avant la chute fatale,

l’avion avait dévié sa course de 225 degrés et volait plein ouest, le nez en l’air de 16 degrés et les ailes presque à l’équilibre. En décrochage complet,

il avançait à 107 nœuds (200 km/h) à peine et tombait, malgré ses moteurs à plein régime (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/jennifer-

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lawrence-dit-non-au-diktat-du-regime/1371), de 11 000 pieds par minute (56 m/s). Impact fracassant. Toutes les personnes à bord ont été tuées

(http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/robert-oneill-le-navy-seal-qui-a-tue-ben-laden/16425) sur le coup. Parmi les débris retrouvés à la

surface peu après, il y avait cinquante corps, dont celui du commandant Marc Dubois.

VI. LE MEILLEUR DES MONDES

Pour les concepteurs d’avions de ligne, certains principes restent intangibles. Les appareils doivent être aussi sûrs et économiques que possible. Une

fois ces questions réglées, reste le point crucial : le pilotage. Dans le monde, ils sont plus de 300 000 pilotes à travailler dans des centaines de

compagnies. Certains sont excellents, la plupart possèdent un niveau moyen et un petit nombre d’entre eux est tout simplement mauvais. Pire : à

l’exception des très bons, tous se croient meilleurs (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/les-meilleurs-restaurants-de-new-

york/5884#les-meilleurs-restaurants-de-new-york-lafayette) qu’ils ne le sont en réalité. Airbus a mené de nombreuses études sur ce sujet. Hélas, il

est difficile de distinguer ceux qui finiront par s’écraser de ceux qui brûlent seulement trop de carburant. Un ingénieur de Boeing m’a dit à ce propos

: « Écoutez, les pilotes sont des gens comme les autres. Certains sont héroïques sous la pression, d’autres prennent la fuite. Et c’est difficile à

déterminer en amont. Il faudrait presque une guerre pour le savoir. » Comme on ne peut pas en déclencher une, on essaie de se placer soi-même dans

le cockpit.

D’abord, on met les clipper skippers à la retraite parce qu’ils ont le pouvoir unilatéral de tout foutre en l’air. On distille dans les cockpits un esprit

d’équipe qu’on appellera Crew Resource Management, afin d’encourager les vérifications et d’obliger les pilotes à prendre les commandes l’un

après l’autre. À ce moment-là, vous pouvez encore tout bousiller. Vous automatisez les systèmes pour qu’ils demandent le moins d’intervention

humaine. Vous placez des ordinateurs de vol dans lesquels on peut programmer au sol les itinéraires à suivre et vous les reliez à des pilotes

automatiques capables de gérer l’avion du décollage à l’atterrissage. Vous concevez des postes de pilotage minimalistes censés encourager le travail

d’équipe, parce qu’ils disposent d’une excellente ergonomie – ils sont d’ailleurs construits autour d’écrans qui ne donnent que des informations

nécessaires. Ajoutez enfin des commandes de vol électriques. Alors, après des années de travail et des milliards de dollars

(http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/snapchat-lappli-a-10-millards-de-dollars/15393)de développement, vous arrivez à la situation actuelle

: l’autonomie des pilotes a été réduite de façon radicale mais les nouveaux appareils assurent des trajets plus confortables, plus ponctuels, plus sûrs

aussi.

Certains pilotes protestent, d’autres pas ; question de culture et de génération. En Chine

(http://www.vanityfair.fr/actualites/france/articles/espionnage-chinois-en-france-le-rapport-qui-acccuse/15402), par exemple, les pilotes s’en

moquent. Dans le secret de leur cockpit, à l’abri des regards, ils sont devenus de simples gestionnaires de systèmes. On attend d’eux qu’ils gèrent les

ordinateurs, entrent des données, sans toucher aux commandes. Ils n’interviennent que dans les rares cas de défaillance. Ainsi, les capacités d’un

pilote médiocre sont semblables à celles d’un pilote moyen. Certes, un pilote moyen, ça ne pèse pas lourd. Mais quand vous construisez un avion de

ligne et que vous le vendez partout, c’est une bonne chose. Depuis les années 1980, les accidents ont été divisés par cinq : un seul pour cinq millions

de trajets aujourd’hui. Personne ne peut raisonnablement plaider pour un retour au passé.

Pourtant, des inquiétudes subsistent. Même chez ceux qui ont dessiné ce futur. Ainsi Delmar Fadden, de Boeing : « On dit : “Bon, je vais couvrir

98?% des cas de figure imaginables et les pilotes devront se débrouiller sur les 2 % restants.” Vous imaginez un peu le poids sur leurs épaules ? 98

% du temps, ils n’interviennent pas. Et il faut se réveiller au bon moment pour les 2 % restants. Comment faire ? Comment les y préparer ? Comment

La marine brésilienne rend hommage aux 228 victimes de l'accident du vol 447 d'Air France, lundi 29 juin 2009. ©AFP

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leur fournir l’information supplémentaire dont ils vont avoir besoin pour prendre les décisions adéquates ? Difficile de répondre à ça. Au moment de

la conception du cockpit, nous nous soucions aussi des tâches qu’ils doivent accomplir occasionnellement. » Je demande à Fadden : « Piloter un

appareil, par exemple ? » La réponse est oui. Quand vous mettez les pilotes sous l’emprise de la machine, vous dégradez leurs performances

manuelles et leur sensibilité aux trajectoires diminue. Voler devient une tâche mécanique, une abstraction sur écran, une simple escale avant le

prochain hôtel (http://www.vanityfair.fr/style/savoir-vivre/diaporama/25-htels-qui-rendent-le-luxe-accessible/78#20-htels-de-luxe-abordables-21).

Pour Nadine Sarter, ce processus est reconnu comme « déqualifiant ». Surtout pour les vieux pilotes au long cours, ceux qui délèguent leurs tâches

quand ils volent en équipage renforcé. Sur le vol AF 447, le commandant Dubois avait volé trois cent quarante-six heures les six mois précédents ;

mais il n’avait lui-même assuré que quinze décollages et dix-huit atterrissages. À raison de quatre minutes aux commandes pour chacun, en comptant

large, il a tenu le manche à peine quatre heures. Les performances de Bonin étaient sensiblement les mêmes et celles de Robert moindres. Chacun

d’eux avait surtout l’expérience de s’asseoir dans le cockpit et de regarder le système travailler.

John Lauber m’a raconté qu’au moment de l’avènement du CRM et de l’automatisation dans les années 1980, Earl Wiener prêchait pour un

entraînement du type « Éteignez tout ». Lauber : « Tout éteindre de temps en temps sur un vol et piloter à la main. Comme un avion.

– Qu’est devenue cette idée ?

– Tout le monde a dit : “Ouais ouais, faut qu’on fasse ça.” Et je crois qu’ils l’ont fait un temps. »

Nadine Sarter essaie elle aussi d’imaginer des interfaces améliorées entre le pilote et la machine. En attendant, elle préconise de réduire au

minimum l’automatisation dans les moments critiques. En d’autres termes, mieux vaut ignorer les messages d’alertes pendant une situation de crise.

C’est ce que font les meilleurs pilotes. Mais là encore, les différences culturelles jouent un rôle. Les études en simulateur montrent que les pilotes

irlandais, par exemple, lâchent volontiers la machine alors que les Asiatiques s’y accrochent. Mais dans le monde réel, l’automatisation a pris trop

d’importance. La plupart des pilotes sont démunis sans elle.

Les appareils de quatrième génération, qui peuvent être pilotés par à peu près n’importe qui, sont parfois dirigés par du personnel peu qualifié. Le

profil psychologique (http://www.vanityfair.fr/culture/cinema/diaporama/lart-du-huis-clos-de-hitchcock-gravity/409#lart-du-huis-clos-de-hitchcock-

gravity-8) des pilotes de ligne a changé et tout le monde s’accorde là-dessus, Airbus, Boeing, les enquêteurs accident, les régulateurs, les directeurs

de vol, les instructeurs et les enseignants. Même s’il reste d’excellents pilotes, le socle commun de connaissance a diminué.

Peut-être nous trouvons-nous dans une spirale où la médiocrité engendre l’automatisation, qui altère encore les performances de l’homme et implique

encore davantage d’automatisation. Schéma classique de notre époque, plus périlleux sans doute dans l’aviation. Après l’accident du vol AF 447, les

sondes Pitot ont été changées sur plusieurs Airbus. Air France a formé une commission d’enquête

(http://www.vanityfair.fr/actualites/france/articles/justice-enquete-dessins-disparus-saint-laurent-fabrice-thomas/1541) sur la sécurité qui a souligné

l’arrogance des pilotes – et suggéré des réformes. Certains experts ont demandé des indicateurs d’angle d’attaque. D’autres ont milité pour des

séances d’entraînements autour du décrochage en haute altitude et du vol en alternate law. Fort bien mais cela ne fera aucune différence. À une

époque où il y a extrêmement peu d’accidents, chaque crash est un événement singulier qui ne se reproduira sans doute jamais de la même manière.

La prochaine fois, ce sera une compagnie différente, une culture différente, un problème différent. Mais tout sera encore lié à l’automatisation et cela

nous rendra à nouveau perplexes.

Avec le temps, les incidents de vol se régleront sans doute sans interventions humaines, et les pilotes seront encore davantage poussés en dehors des

Mémorial Air France du Parc des « dos Irmaos » en l'honneur des 228 victimes de l'accident. ©AFP

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A I L L E U R S S U R L E W E B

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Avec le temps, les incidents de vol se régleront sans doute sans interventions humaines, et les pilotes seront encore davantage poussés en dehors des

cockpits. C’est une dynamique irréversible. Il y aura toujours des accidents mais plus personne à blâmer. Sauf la machine.

Nous avons sollicité la réaction d’Air France, qui nous a communiqué la réponse suivante :

« Air France déplore que l’auteur de cet article mêle des faits retenus par les enquêteurs du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) à des

spéculations ayant trait à la psychologie et à la vie privée des membres de l’équipage de l’AF 447. Ces spéculations ne s’appuient sur aucun élément

figurant dans les différents rapports, notamment le rapport définitif du BEA. Air France désapprouve cet amalgame délibéré qui jette un doute sur la

compétence et l’engagement de l’équipage. De plus, l’auteur passe sous silence les éléments liés au fonctionnement des systèmes et au comportement

de l’avion qui ont contribué à l’accident selon ledit rapport du BEA. Air France tient à rappeler que les pilotes de l’AF 447 avaient été formés et

contrôlés conformément à la réglementation et aux plus hauts standards de l’industrie. Air France est plus que jamais engagée dans l’amélioration

de la sécurité de ses vols. La compagnie souhaite rendre hommage (http://www.vanityfair.fr/monde-de-vf/articles/la-presse-quebecoise-rend-

hommage-charlie-hebdo-en-publiant-une-caricature-de-mahomet/23477) aux passagers et aux membres d’équipage qui ont perdu la vie dans cet

accident, et adresse ses pensées les plus sincères à leurs familles. »

Article paru dans le numéro 19 de Vanity Fair France (janvier 2014).

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