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Delaporte_2005_EtymologiesLSF

Date post: 14-Sep-2015
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Delaporte_2005_EtymologiesLSF
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Etymologies de la langue des signes fran¸ caise Yves Delaporte To cite this version: Yves Delaporte. Etymologies de la langue des signes fran¸caise. 2006. <halshs-00095387> HAL Id: halshs-00095387 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00095387 Submitted on 15 Sep 2006 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.
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  • Etymologies de la langue des signes francaise

    Yves Delaporte

    To cite this version:

    Yves Delaporte. Etymologies de la langue des signes francaise. 2006.

    HAL Id: halshs-00095387

    https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00095387

    Submitted on 15 Sep 2006

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

  • Yves Delaporte

    TYMOLOGIE DE LA LANGUE DES SIGNES FRANAIS Les articles ci-dessous ont t publi dans la revue Patrimoine sourd, dit par l'association Culture et langue des signes de Louhans (Sane et-Loire).

    Le signe HRITAGE PATRIMOINE Patrimoine sourd 1,2002. Le signe SEMAINE Patrimoine sourd 2,2003. Le signe IMPOLI Patrimoine sourd 3,2003. Le signe RESSEMBLER Patrimoine sourd 5,2003. Signes archaque et expressions fige Patrimoine sourd 6,2004. Le signe SYMBOLE Patrimoine sourd 7,2004. Une famille lexicale : CHOSE GENS DEPEND CADEAU BIZARRE Patrimoine sourd 8,2004. Le signe APPRENDRE et ses driv Patrimoine sourd 10,2005. Le signe HASARD Patrimoine sourd 1 1,2005. Les signes de numratio a l'institution des sourdes-muettes de Pont-de-Beauvoisin (Savoie) Patrimoine sourd 12,2005. De FEVRIER a AVRIL de PATIENCE a TOUT A L'HEURE :

  • une famille de signes fond sur le carm chrtie Patrimoine sourd 13,2005. Les signes pour les mois dans le dialecte de Saint-Laurent-en-Royans (Drme Patrimoine sourd paratre Quand les signes empruntent la gestualit ambiante : MAL MALHEUR DOMMAGE Patrimoine sourd paratre

  • Le signe > Patrimoine sourd 1,2002 : 1 1 - 12

    Le vieux signe pour hritag se faisait avec la main droite en poing qui s'abattait sur la main gauche plate, paume vers le haut. On en voit m e photographie dans le livre de Pierre Olron lmen de rpertoir du langage gestuel des sourds-muets (1974). La personne photographi est Georges Stivactopoulos, un ancien de l'institut Saint-Jacques (fig. 1). Le professeur entendant Olro a-t-il demand Stivactopoulos ce qu'il pensait de l'origine de ce signe ? Stivactopoulos lui-mm la connaissait- il ? Personne n'en saura jamais rien. Toujours est-il qu'Olro se trompe en crivan que &RITAGE est de la mm famille que GAGNER, mm si les deux signes se font avec le poing et ont des sens que l'on peut rapprocher (quand on hrite on gagne de l'argent).

    1 . Ancien signe H~RITAGE 2. METTRE UN CACHET

    L'explication est bien diffrente Ce vieux signe MRITAGE est identique celui que les dition Ivt dessinent avec la traduction mettre un cachet sur une lettre ou un imprim (fig. 2). Le signe &RITAGE reproduit donc le geste du testateur ou du notaire qui met son cachet ou son sceau sur un testament, ou sur l'enveloppe qui contient le testament (fig. 3).

  • 3. Illustration de A. Blanchet Enseignement des sourds-muets ( 1 864)

    Le signe a ensuite volu : aujourd'hui, les deux mains partent ensem- ble vers l'avant. Ce mouvement sur l'axe du futur montre la transmission d'une gnrati l'autre (fig. 4).

    Pour faire le signe WRITAGE, certaines personnes utilisent les deux poings. C'est le rsulta d'une autre volutio rcent : il est plus conomique plus facile que les deux mains aient la mm forme. Une volutio identique s'observe dans bien d'autres signes tels que POSTE, SE SOUVENIR ou ARGENT. Sur la fig. 4, on peut voir que ~'vouti a dj commenc : la forme de la main gauche est exactement intermdiair entre la main plate et le poing ferm

    Enfin, lorsque les expressions patrimoine culturel et hritag culturel ont commenc se rpandr dans la socit les sourds ont ajout un nouveau sens leur signe hritag celui de patrimoine

    Sources

    Fig. 1 : dessin de l'auteur, d'apr une photographie dans Pierre Oldron, lrnen de rpertoir du langage gestuel des sourds-muets, Paris, fiditions du Cnrs, 1974.

    Fig. 2 et 4 : Moody Bill & al., La langue des signes, dictionnaire bilingue lmentair 1990. Les dessins de A.-C. Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des kditions Ivt.

  • Le signe SEMAINE Patrimoine sourd 2,2003 : 10- 12

    Le signe parisien SEMAINE (fig. 1) est parfaitement obscur : pourquoi ce retournement du poing droit sous le coude gauche ? Comme bien souvent, c'est l'observation des signes de province qui permet d'apporter la rponse A Chambry la main droite s'abat sur le bras puis sur l'avant-bras

    gauche (fig. 2). Au Puy, elle parcourt le dessous de l'avant-bras, du poignet au coude (fig. 3).

    Or, ces deux signes de province ressemblent beaucoup aux deux variantes du signe LITRE (fig. 4 et 5). Quel est donc le rapport entre une semaine et un litre ?

    Dans les deux cas c'est la mm id qui s'exprime dans la forme des signes : la main droite mesure une quantit sur le bras gauche.

    Ce peut tr la mesure d'une quantit qui se traduit par des nombres (MILLION, MILLIARD), ce peut-tr la mesure d'un volume (LITRE), ce peut tr la mesure du temps (SEMAINE, LONGTEMPS), ce peut tr aussi la mesure d'une distance (KILOM~TRE en langue des signes italienne: fig. 6).

    1. SEMAINE (Paris) 2. SEMAINE (Charnbkiy) 3. SEMAINE (Le PUY)

  • 4. LITRE 5. LITRE 6. KILOM~TRE (Italie)

    L'utilisation du bras comme instrument de mesure renvoie a une haute antiquit La langue franais en garde la trace avec les mots coude mesure de longueur en usage chez les Anciens reprsentan la distance qui spar le coude de l'extrmit des doigts, et brass qui, avant le XIIe sicle dsignai une unit de mesure, la longueur du bras.

    La trace s'en conserve aussi dans les expressions franaise jusqu'au coude long comme le bras et dans le geste qui accompagne chez les entendants l'exclamation on lui en donne comme a il en veut comme ! l'index droit s'abattant sur le poignet puis sur le bras gauches.

    La langue des signes des moines trappistes recourt au mm procd pour la mesure du temps : le tranchant de la main droite s'abat sur le poignet pour SEMAINE, sur la pliure du bras pour MOIS, sur l'paul pour

    7. signe trappiste SEMAINE l l

    8. signe trappiste MOIS 9. signe trappiste ANNEE

  • Revenons pour conclure au signe parisien SEMAINE. Par conomi gestuelle, le signe archaqu encore observable au Puy s'est rdui a Paris a un simple retournement du poing sous le coude, rendant mconnaissa ble l'image originelle, celle d'une mesure sur le bras. Quant la configu- ration en poing, c'est vraisemblablement la lettre manuelle S, initiale du mot semaine.

    Sources

    Les fig. 1, 4 et 5 sont reproduites d'aprks La langue des signes, dictionnaire bilingue, Paris, 1997, avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 2 : dessin de l'auteur d'aprbs deux photographies dans S'exprimer dans l'espace, Commission de langage gestuel, Chambry 1982.

    Fig. 3 : dessin de l'auteur d'aprks une photographie dans Des mains pour le dire, IMP pour jeunes Sourds, Le Puy, 1984.

    La fig. 6 est reproduite d'aprks Elena Radutzky, Dizionario bilingue elementare della lingua italiana dei segni, Kappa, Rome, 200 1.

    Fig. 7, 8 et 9 : dessins de l'auteur lors de son enqut de terrain dans des monastbres trappistes (1 997).

  • Le signe IMPOLI Patrimoine sourd 3,2003 : 9- 12

    L'tymologi du signe parisien actuel IMPOLI est obscure (fig. 1). Or, jusqu'au milieu du XXe sicl l'institut Saint-Jacques, ce signe tai rigoureusement identique VILLAGE (fig. 2 et 3).

    1. IMPOLI : signe parisien actuel 2. IMPOLI : signe parisien vers 1950

    Un seul et mm signe avait donc deux sens distincts, impoli et village Pourquoi cette relation ? On commencera par observer que les signes VILLAGE et PAYSAN sont troitemen apparent : le signe qui Paris a le sens de village (fig. 3) a en province, par exemple Poitiers, celui de paysan (fig. 4). La forme de la main en fourche peut d'ailleurs provenir aussi bien de la lettre manuelle V, initiale du mot village, que de la lettre manuelle P, initiale du mot paysan : lorsqu'elles sont emprunte l'alphabet manuel pour fournir leur configuration des signes, ces lettres deviennent indiscernables.

    La relation tymologiqu entre d'une part VILLAGE, PAYSAN et d'autre part IMPOLI rsid dans le sens ancien du mot impoli, comprendre comme rustre, rustique, grossier, sauvage oppose poli, compren- dre comme civilis cultiv en parlant d'un peuple ou d'un pays. A l'entr politesse, Littr donne cette dfinitio : culture morale et intellectuelle des socit illustr d'une citation de Chateaubriand : Carthage (. . .) fut clb par sa politesse et ses cole

  • 3. VILLAGE (Paris) 1

    4. PAYSAN (Poitiers)

    Alexandre Blanchet, mdeci Saint-Jacques, a publi en dictionnaire de signes ; pour traduire rustre, rustique, il associe paysannerie et impolitesse : Signe de LABOUREUR; signe de POLI ; signe de MGATION

    Cette association d'ide entre paysans et manque de politesse se trouve dj dans le Dictionnaire des sourds-muets de l'abb Ferrand, contemporain de l'abb de l'p Le mot paysan y est ainsi traduit : Signe dmarch lourde, air niais, bouche bant Et, dans un autre Dictionnaire des sourds-muets, celui de l'abb de 17p lui-mme on trouve l'entr VILLAGE : Habitation des paysans. Signe naturel en contrefaisant leur dmarch et leur manir de se prsente

    La mm association d'ide se retrouve en franai avec le mot vilain qui, dsignan l'origine un paysan libre, a ensuite pris les sens de mprisable dshonorant mchant mauvais Une sri de synonymes pjoratif de paysan confirme ces anciens prjug : bouseux, cul- terreux, pquenaud plouc.

    En langue des signes, accuser quelqu'un d'tr impoli, c'tai donc le traiter de villageois de paysan Dans les dernire dcennie du XXe sicle IMPOLI a chang de forme, si bien qu'aujourd'hui sa parent avec VILLAGE ou PAYSAN n'est plus reconnaissable. Cette modification s'est faite sous la pression de deux tendances volutives

    Premirement les deux mains se sont rapproche l'une de l'autre au point de s'entrechoquer. Mais, pour faire de la bonne science, il ne faut jamais postuler un changement de forme sans avoir la preuve qu'un changement identique s'est opr ailleurs dans la langue. En voici donc

  • un autre exemple. Le signe &TOILES est ainsi dcri par l'abb Ferrand : De l'index montrer diffrent points du firmament Ce signe s'est maintenu jusqu'aujourd'hui dans sa forme en prenant un autre sens, astrologie (fig. S), tandis qu'un signe tout diffren tai cr pour &TOILES. Export aux tats-uni dans les mains de Laurent Clerc a partir de 1816, le signe franai du XVIIIe sicl y a conserv son sens originel toile mais les index se sont rapproch au point de s'entrechoquer (fig. 6). Les auteurs amricain voient dans le signe actuel le choc de deux silex qui produisent des tincelle ressemblant des toiles Cette tymologi est bien s fausse, comme est fausse celle qui voit dans IMPOLI l'image de doigts tap en guise de rprimande Dans ces deux cas, comme dans d'autres semblables (GENS, CADEAU) que nous examinerons une autre fois, le rapprochement et l'entrechoquement des index rsult d'une volutio purement formelle due des lois d'conomi gestuelle.

    i

    5. ASTROLOGIE (Paris) 6. TOILES (USA)

    Deuximement la configuration en fourche s'est transform en pinceau. De ceci galement on a d'autres exemples en langue des signes : ainsi de VIDE, dont la configuration en fourche est la lettre manuelle V, initiale du mot vide, mais que l'on voit tr souvent ralis avec la main en pinceau (fig. 7).

    On voit sur l'exemple de IMPOLI ce que requiert la recherche tymologiqu en langue des signes : il faut tr attentif aux variantes rgionale susceptibles de fournir des chanon manquants ou des relations smantique disparues, ne pas nglige les traces qu'ont pu laisser dans cette langue d'anciens emplois de mots franais reflets de

  • reprsentation du monde qui se sont modifies tout en dcouvran pas a pas les mcanisme volutif propres aux langues gestuelles.

    Sources

    Fig. 1 , 3, 5 et 7 : La langue des signes, dictionnaire bilingue, Paris, 1997. Les dessins de A.-C. Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 2 : Pierre Olron lmen de rpertoir du langage gestuel des sourds-muets, Paris, Cnrs, 1974. La personne photographik est Georges Stivactopoulos, un ancien de Saint-Jacques.

    Fig. 4 : Les mains qui parlent. lmen de vocabulaire de la langue des signes, Poitiers, 1984.

    Fig. 6 : Elaine Costello, Concise American Sign Language Dictionary, New York, Random House, 1998.

  • Le signe RESSEMBLER Patrimoine sourd 5,2003 : 9- 12

    Lorsqu'il s'applique des personnes, RESSEMBLER est un signe compos (fig. 1). Le premier composant ne prsent aucune difficult : on y reconna le signe VISAGE. Le second composant, le seul tr utilis lorsqu'on voqu une ressemblance entre deux objets, est en revanche mystrieux -

    1. RESSEMBLER

    Une premir tap dans la rsolutio de ce problm tymologiqu consiste observer que le signe constitu par les deux mains en double crochet se heurtant par leurs jointures peut avoir de multiples significa- tions. En feuilletant le dictionnaire des dition Ivt, on le rencontre aux entre AIX-EN-PROVENCE, BRUXELLES, EXEMPLE, LUXEMBOURG, PRIX (fig. 2). La seule diffrenc de forme, minime, est que le signe est excut tant avec un mouvement unique (ainsi de PRIX), tant avec un mouvement redoubl (ainsi de EXEMPLE), probable adaptation au monosyllabisme ou au plurisyllabisme des mots franai correspondants. Avec un petit mouvement de pivotement des poignets, c'est galemen le signe polysmiqu GENOUX, SYNTAXE.

    Le recueil tabl par Pierre Olro avec l'aide du sourd Georges Stivactopoulos (voir Patrimoine sourd 3) montre le mm signe l'entr EXAMEN. Le recueil des signes de l'col du Puy le montre l'entr TAXI. Je l'ai personnellement observ dans les mains des sourds

  • avec d'autres significations : AUXERRE, EXERCICE, EXISTER, EXP~RIENCE, EXPOSITION, EXPRESS, JEUX (dans des expressions telles que Jeux olympiques Interjeux ) PAIX, SEXE, etc.

    l

    1

    2. PRIX

    Or, tous les mots franai correspondant aux signes qui viennent d'tr cit ont un point commun : ils comportent la lettre x.

    Quant a la' forme du signe, ce n'est rien d'autre qu'une variante archaqu de la lettre manuelle X. Si le repliement en double crochet correspond au x actuel (fig. 3), l'emploi des deux mains et leur mouvement remontent a une forme dcrit en 1850 par le Dr Blanchet, mdedi l'Institut national des Sourds-muets : flchi les deux index en rond, les rapprocher par le dos, de manir former cette lettre (fig. 4).

    3. La lettre manuelle x aujourd'hui 4. La lettre manuelle x au XIXO sicl

    Les sourds disposent donc d'un signe qui est une sorte de passe- partout potentiellement utilisable pour traduire tout mot franai comportant la lettre x, comme signe standard (ainsi de PRIX) ou comme

  • doublet plus ou moins issu du franai sign (ainsi de EXAMEN). Il s'ensuit que la liste ci-dessus est non limitative ; elle pourrait s'enrichir de bien d'autres exemples si l'on explorait systmatiquemen les signes rgionau et les toponymes. Cette extraordinaire productivit du x manuel est peut-tr attribuer la prgnanc de l'image de la croix, omniprsent pendant pr de deux sicle dans les institutions pour enfants sourds-muets, dirige par des congrgation religieuses.

    Intgr la langue des signes, la lettre manuelle x s'est dfinitive ment fig sous une forme dont l'archasm rompt aujourd'hui le lien tymologique La relation entre les signes PRIX, PAIX, etc., et la lettre manuelle x n'est plus peru : c'est ainsi que les auteurs d'un dictionnaire de la langue des signes de Belgique francophone croient voir dans le rapprochement des mains en double crochet ralisan les signes PRIX et PAIX (identiques aux signes franais les symboles respectifs d'un contact russ et de nouer alliance

    Ce premier rsulta tabli revenons au signe RESSEMBLER. Le mot franai ressembler ne comporte certes pas la lettre x, mais n'y aurait-il pas un autre mot appartenant au champ smantiqu de la ressemblance qui rpondrai cette exigence ?

    Il y en a effectivement un, et un seul : le mot jumeaux. Ainsi s'clair le signe compos RESSEMBLER appliqu des

    personnes, dont on a vu qu'il dbut par VISAGE : deux personnes qui se ressemblent, ce sont, littralement des personnes qui ont des visages de jumeaux

    Bien que JUMEAUX soit aujourd'hui un tout autre signe tr iconique, on peut donc tr assur que le signe passe-partout x a t utilis comme doublet avec le mm sens, et qu'il s'est perptu dans le signe compos VISAGE suivi de JUMEAUX, dont le sens premier a t oubli L'tymon JUMEAUX ralis comme PRIX ou EXEMPLE, sera coup s observ quelque jour sur le terrain. La trace d'un tel signe s'observe d'ailleurs dans celui qui est utilis pour la constellation des G~MEAUX, les jumeaux du zodiaque (fig. 5).

  • 5 . G~MEAUX

    Sources

    Fig. 1 , 2, 3 et 5 : La langue des signes, dictionnaire bilingue, Paris, 1997. Les dessins de A.-C. Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des kditions Ivt.

    Fig. 4 : abbd Lambert, Le langage de laphysionomie et du geste, Paris, Lecoffre, 1865.

  • Signes archaque et expressions fige Patrimoine sourd 6,2004 : 13- 16

    Dans toutes les langues, certains mots anciens ne se maintiennent que dans des expressions figes En franais le mot ancien fur, proportion n'a survc que dans l'expression au fur et a mesure,

  • sives, s'est unifi en un signe ne prsentan qu'une seule configuration, celle en pinceau.

    Au XIX* sicle BON se faisait tout autrement : avec la main plate partant vers l'avant depuis la bouche (fig. 3). Au XXe sicle la main plate a cd la place la configuration en faisceau (fig. 4).

    4. BON (m sikcie) La forme du XIXe sicl n'a pas pour autant disparu. Elle se maintient

    dans diffrente expressions fige dont voici quelques exemples : (( AVOIR BON CU BON suivi de CU (fig. 5 ) ; (( AMER BON suivi de PEU (fig. 6) ; BON COURAGE (Chambry) BON suivi de COURA- GE ; (( J'AI RAISON (ancienne col des filles de Pont-de-Beauvoisin), BON suivi de MOI.

    5 . AVOIR BON CU 6. AMER

  • Devant tout signe qui dbut par la main plate partant de la bouche, l'tymologist doit donc toujours suspecter un ancien compos compre- nant le signe BON. Cela se vrifi avec BONJOUR (fig. 7) qui, au XIXe sicle se disait JOUR suivi de BON. La chute de JOUR n'a laisse subsister que l'ancien signe BON qui a conserve le sens de l'expression complte Cela se vrifi galemen avec le signe MIEUX (fig. 8), interprtabl comme BON suivi de PREMIER, avec fusion des deux composants.

    7. BONJOUR 8. MIEUX

    Cela se vrifi enfin avec le signe AMANT, MAITRESSE (fig. 9), par- faitement mystrieu pour tous les locuteurs, qui n'est rien d'autre qu'un calque de l'expression franais bonne amie, euphmism aujourd'hui dsue pour maitresse. On y reconna le signe archaqu BON suivi du signe tr polysmiqu AMI, COMPLICE, ASSOCIATION (fig. IO), stylisation d'une poign de mains qui se trouve rduit dans AMANT, MAITRESSE a son premier composant.

    9. AMANT, MA~I'RESSE 10. AMI

  • Sources

    Fig. 1,4, 5,6, 7, 8, 9 et 10 : Bill Moody & al. (tome 2), Michel Girod & al. (tome 3), La langue des signes, Vincennes, kditions Ivt, 1986, 1990. Les dessins de Anne- Catherine Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dditions Ivt.

    Fig. 2 : dessin de l'auteur, d'aprks une photographie dans S'exprimer dans l'espace, Commission de langage gestuel, CharnMry, 1982.

    Fig. 3 : Pdlissier, Pierre, Iconographie des signes faisant partie de 1 'enseignement des sourds-muets, Paris, Paul Dupont, 1856.

  • Le signe
  • Apr avoir comment le signe SYMBOLE par (( figurer tout ce que croit un chrtie sur les mystre de sa religion l'abb Sicard num ces douze articles dans sa hor des signes (1 808) :

    1 . 1 'existence de Dieu 7 . un dernier jugement 2. la cratio du monde 8. la descente du Saint-Esprit 3. un Dieu rdempteu 9. la fondation de l'glis 4 . sa mort 10. la rsurrectio gnra 5 . sa rsurrectio 1 1. des rcompense pour le juste 6 . son ascension 12. des chtiment pour le pcheu

    Ainsi s'clair l'tymologi du signe SYMBOLE. Les doigts cart de la main gauche reprsenten les diffrent articles du Symbole chrtien La main droite fait le geste de les saisir ; dans une variante archasante elle effectue un mouvement particuliremen vocateu d'enveloppement des doigts gauches. Puis, se refermant en poing, elle les rsum (cf. (( articles rsums chez l'abb Lambert) et enfin les inscrit (cf. marque chez l'abb Ferrand) dans la main gauche qui reprsent la Bible.

    Un tout autre signe ayant galemen le sens de symbole est dcri dans un manuscrit de l'abb Jamet (1769-1845). Il rf lui aussi au Symbole chrtien ce qui confirme l'tymologi du signe prcde : la main droite formant le S descend perpendiculairement du front au menton C'est le signe du XIXe sicl pour SAINT, au sens de sanctifi dans lequel la main prend la forme de la lettre manuelle S, initiale du mot symbole.

    SAINT (Brouland, 1 855)

  • Aujourd'hui, le signe SYMBOLE recouvre tous les emplois du mot franai symbole, y compris ceux, majoritaires, qui sont sans connotation religieuse.

    Sources (par ordre chronologique)

    Ferrand Jean (abb) Dictionnaire des sourds-muets (vers 1785). hdit par J.A.A. Rattel, Collection ancienne et moderne d'otologie (vol. VII), Laval, 1896.

    Sicard Roch-Ambroise (abb) Thori des signes, Paris, Institution des sourds-muets, 1808.

    Jamet Pierre-Franoi (abb) Dictionnaire des signes (manuscrit non dat) Brouland Josphine Langage mimique. Spcime d'un dictionnaire des signes, Paris,

    Institution irnpkriale des sourds-muets, 1855. Lambert Louis-Marie (abb) Le langage de la physionomie et du geste, Paris, Lecoffre,

    1 865. Cauly Eugne-Emes (Mgr), Cours d'instruction religieuse, Paris, Poussielgue, 1897. Moody Bill & al., La langue des signes, dictionnaire bilingue lmentai (tome 2).

    Paris, 1986. Le dessin du signe SYMBOLE est reproduit avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

  • Une famille lexicale : >, >, DEPEND >>, CADEAU >>,

    BIZARRJC >> Patrimoine sourd 8,2004 : 13- 16

    La recherche tymologiqu conduit dcouvri que certains signes proviennent d'un mm tymon autrement dit qu'ils ont un anctr commun. Ils forment alors une famille de signes, de mm qu'en franai les mots chex capitale et dcapite forment une famille de mots provenant du latin caput, capitisy tt )).

    Une telle parent peut tr suspect lorsque des signes prsenten une proximit formelle, quelle que soit la diversit de leurs sens actuels. C'est le cas de CHOSE, galemen traduisible par objet (fig. l), GENS (fig. 2), D~PEND, galemen traduisible, en fonction du contexte, par quelquefois ou irrgulie (fig. 3), CADEAU (fig, 4), BIZARRE, galemen traduisible par orignal (fig. 5). Ces cinq signes ont en commun de mobiliser les deux index qui sont anim de mouvements oppos pouvant les amener se frotter ou se heurter. A lyexception de D~PEND dont le mouvement para voque une variation, ils sont aujourdyhui dpou~~u de toute iconicit et donc obscurs pour tous les locuteurs.

    1

    1. CHOSE 2. GENS

  • L'hypoths d'une relation tymologiqu entre les deux premiers signes de cette liste' CHOSE et GENS, est suggr par d'anciennes descriptions de l'abb Ferrand : (( on promn la main en ne montrant que des choses )), (( montrer des personnes )) (Dictionnaire des sourh- muets' vers 1785). On peut alors tenter de reconstruire un tymo commun dsignan la pluraiit et la diversit des choses et des personnes, l'index droit pointant alternativement en bas gauche et en haut droite tandis que l'index gauche pointe de mm en haut gauche puis en bas droite (fig. 6).

    6. Reconstruction de l'tymo : (( montrer des choses, montrer des personnes ))

  • L'hypoths s'avr fcond puisque cet tymo parfaitement iconique permet, partir de quelques tendances simples et atteste ailleurs en LS fr., de reconstruire l'histoire des cinq signes que nous avons prsent :

    CHOSE. D'obliquey le mouvement est devenu horizontaly la main gauche s'est immobilis et l'index droit s'est rapproch de l'index gauche jusqu' le frotter (fig. 1).

    GENS. D'obliquey le mouvement est devenu vertical, et les deux index se sont rapproch jusqu' se heurter au passage (fig. 2). La tendance volutiv qui a impuls le changement de forme de CHOSE et GENS, les mains se rapprochant au point de se frotter ou de s'entrechoquery a dj t mise en videnc dans l'histoire des signes IMPOLI (LS fr.) et TOILE (LS amer.). La dmonstratio en a t faite dans Pairimoine sourd' 2003'3.

    DEPEND. D'obliquey le mouvement est devenu vertical (fig. 3). Le sens dpen )) renvoie une pluralit de choses, d'vnemen ou de conduites humaines dterminan la possible ralisatio de telle ou telle ventualit Ici, le changement de sens a t plus grand que le changement de forme.

    C A D m U . L'volutio formelle a t identique celle de GENS (fig. 4). Un glissement smantiqu depuis (( chose' objet )) a abouti au sens actuel (( cadeau )) : pour faire un cadeau' on cherche quelque chose offrir, et on acht pour cela un objet. Certains locuteurs articulent d'ailleurs silencieusement le mot chose en mm temps qu'ils font le signe CADEAU. L'identit de forme de GENS et CADEAU n'est donc pas due au hasard. Il s'agit en ralit d'un seul et mm signe' dont les emplois sont reli par l'ancienne polysmi gens' choses )) puis par la drivatio de (( chose )) vers (( cadeau )). La preuve vient d'en tr apport par l'existence d'un contexte, celui d'un prsen que l'on offre' dans lequel (( chose )) et (( cadeau )) peuvent commuter. C'est exacte- ment de la mm manir que, en tymologi de la langue franaise l'origine commune de voler au sens de drobe )) et de voler au sens de se dplace dans les airs se prouve par l'existence d'un contexte propre au vocabulaire de la fauconnerie ;

  • c'est- -dir s'abat sur elle pour la capturer.

    BIZARRE. L'evolution a t la mm que pour CHOSE, avec 1'ajout d'un petit mouvement d'oscillation de l'index droit au-dessus de l'index gauche (fig. 5). La proximit smantiqu de CHOSE et de BIZARFE s'explique par une drivatio depuis (( diffrente choses )) vers (( chose diffrent des autres )). Dj l'abb Ferrand glosait BIZARRE comme (( penser pas comme les autres )).

    Les usages archasant qui sont faits du signe ayant aujourd'hui Paris la valeur de dpen )) (fig. 3)' viennent confirmer ce qui prcd Ce signe, dont la forme est demeur la plus proche de celle de l'tymon est employ au Puy avec le sens de chose )) (fig. 7). Il tai utilis a l'institut Saint-Jacques au milieu du W sicl avec celui de (( bizarre )) (fig. 8). En 2003, je l'ai vu redise a Nancy avec le sens de

    cadeau et enfin avec celui de (( gens )) chez d'anciennes lv de l'col de Bourg-la-Reine.

    7. CHOSE (Le PUY) 8. BIZARRE (Paris, vers 1960)

    En tan virtuellement porteur, au travers de la variabilit rgional de ses emplois, de la totalit des significations de la famille lexicaie que l'on a dgag il apporte la preuve dfinitiv de la ralit de cette famille.

  • Sources

    Fig. 1, 2, 3, 4 et 5 : La langue des signes, dictionnaire bilinpe, Paris, 1997. Les dessins de A.-C. Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des kditions Ivt.

    Fig. 6 : dessin de l'auteur, avec l'amicale participation d'Armand Pelletier. Fig. 7 : dessin de l'auteur, d'apr une photographie dans Des mains pour le dire, iMP

    pour jeunes Sourds, Le Puy, 1984. Fig. 8 : dessin de l'auteur, d'apr une photographe dans Pierre Olron lmen de

    rpertoir du langage gestuel des sourds-muets, Paris, Cnrs, 1974.

  • Le signe APPRENDRE et ses driv Patrimoine sourd 10,2005 : 13- 16

    Au XIXe sicle le signe APPRENDRE, au sens de s'instruire)), symbolisait l'intgratio de connaissances depuis un livre vers la tte sig des fonctions intellectuelles (fig. 1) : avec la main droite prendre poign comme dans la main gauche, et mettre sur son front (Lambert 1865). Blanchet (1850) prcis : comme pour faire entrer quelque chose dans la tt

    1. APPRENDRE (XIXe si cle 2. APPRENDRE (Paris) 3. CLASSE (Paris)

    L'image qui avait fond le signe est devenue aujourd'hui mconnais sable (fig. 2). C'est le rsulta de trois tendances volutive impulse par l'conomi gestuelle. En premier lieu, la main gauche a pris la forme en faisceau de la main droite, faisant disparatr toute reprsentatio d'un livre. Cette symtrisatio des configurations permet d'vite des problme de coordination. En second lieu, le mouvement s'est raccourci. En troisim lieu, son sens s'est invers C'est une tendance frquent en langue des signes franais qu'un mouvement de bas en haut se transforme en un mouvement de haut en bas, plus ais a raliser Cette troisim tendance s'est exerc tardivement puisqu'en priphr (Bordeaux, Dijon, Le Puy, Toulon, Suisse romande, etc.), APPRENDRE se ralis encore aujourd'hui du bas vers le haut.

    Dgage les tendances volutive qui ont conduit au signe actuel permet galemen de dcouvri des liens de parent que rien ne laissait

  • prsager sous sa forme initiale, APPRENDRE s'avr tr l'tymo de deux autres signes actuels, CLASSE et AMATEUR.

    L'origine du signe CLASSE (fig. 3) s'explique tr simplement la lumir de ce qui vient d'tr dmontr : il a subi les mme modifica- tions que APPRENDRE, inversion et raccourcissement du mouvement, et symtrisatio des configurations. A une seule diffrenc pr : alors qu'au cours de l'volutio de APPRENDRE, la main gauche a emprunt la main droite sa configuration en faisceau, dans le driv CLASSE c'est au contraire la main droite qui a adopt la forme de la main gauche plate. Le mm mcanism s'est d'ailleurs droul pour la variante chambrienn de APPRENDRE (fig. 4).

    4. APPRENDRE (Chambry 5. CLASSE (Pont-de-Beauvoisin)

    Le signe CLASSE pratiqu dans les anne 1950 a l'col de Pont-de- Beauvoisin, ancien quartier des filles de Chambr (fig. 5)' correspond a une tap intermdiair de l'volutio : la symtrisatio s'est produite, mais le mouvement a conserv son ampleur initiale. A Bordeaux a la mm poque CLASSE rsultai d'une autre combinaison des mme tendances : l'orientation du mouvement vers le haut de APPRENDRE tai conserv mais son ampleur rduite un tapotement du front rendant inutile l'emploi de la main gauche (fig. 6).

    C'est donc tort qu'une tymologi spontan rapporte commun ment CLASSE son paronyme CLASSEMENT. A qui douterait encore de la filiation entre APPRENDRE et CLASSE, la variabilit rgional et 1' entrecroisement des significations en apporteront la preuve dfinitive Jusque dans les anne 1980, Paris (fig. 7) comme en province (fig. 8)' un driv de APPRENDRE ayant une forme tr proche de l'actuel CLASSE

  • avait le sens de cole)) A Poitiers, la mm forme signifiait apprendre, apprenti A Pont-de-Beauvoisin, les signes locaux CLASSE (fig. 5) et APPRENDRE (fig. 9) ne diffraien que par le redoublement du mouvement du second. Il est peine besoin de souligner les liens smantique vident entre apprendre classe

    '. ECOLE Paris vers 1980 8. ECOLE Pont-de-Beauvoisin 9. APPRENDRE St-Laurent-en-Royans

    Quant AMATEUR (fig. IO), il a volu comme APPRENDRE, mais en restant localis pr de la tt : le mouvement s'est invers la main se refermant quand elle s'loign du corps et non quand elle s'en rapproche, en contravention avec l'iconicit originelle. Cette tymologi renvoie aux emplois anciens du mot amateur : un amateur est celui qui a des comptence approfondies dans un domaine de la culture, par exemple un amateur d'art. L'apparition tardive de PROFESSIONNEL a modifi le sens de AMATEUR, lui confran des connotations ngative que reflten le mot amateurisme ; un autre emploi de ce signe, tudian reste en revanche en parfait accord avec le sens initial.

    PROFESSIONNEL (fig. 11) driv du signe PROFESSEUR du XIXe sicl (fig. 12), par calque de la proximit des mots fr. professeur et professionnel. Cet ancien signe PROFESSEUR est une image invers de APPRENDRE : les poigne d'intelligence voqu par l'abb Lambert ne sont plus porte au front, mais partent du front pour tr transmises autrui. PROFESSIONNEL rsult d'une volutio tr proche de celle de AMATEUR : la main se referme aujourd'hui en faisceau quand elle s'loign du corps et non quand elle s'en rapproche. La preuve de cette filiation est apport une fois de plus par des signes priphriqu :

  • l'col d'Alger avant l'Indpendance le signe parisien actuel PROFES- SIONNEL avait le sens de professeur ; en Suisse romande, il a celui de maitre~, quivalan en contexte scolaire enseignant, profes- seur

    1 0. AMATEUR, TUDIAN 1 1. PROFESSIONNEL

    Sources

    Fig. 1 : Lambert, Louis-Marie (abb) Le langage de la physionomie et dit geste, Paris, Lecoffre, 1865.

    Fig. 2, 3, 10 et 11 : La langue des signes, dictionnaire bilingue, Paris, 1997. Les dessins de A.-C. Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 4 : dessin de l'auteur, d'apr une photographie dans S'exprimer dans 1 'espace, Commission de langage gestuel, Chambry 1982.

    Fig. 5, 6 et 9 : dessins de l'auteur, d'apr des observations de terrain. Les signes de Pont-de-Beauvoisin m'ont ktd montrks par Yvette Pelletier.

    Fig. 7 : dessin de l'auteur, d'apr les archives photographiques de la Fnsf, vers 1980. Fig. 8 : dessin de l'auteur, d'apr une photographie dans Langage gestuel, Saint-

    Laurent-en-Roy ans, Institut mddico-pddagogique La Providence, 1979. Fig. 12 : Pdlissier, Pierre, Iconographie des signes faisant partie de l'enseignement des

    sourds-muets, Paris, Paul Dupont, 1856.

  • Le signe
  • 7. Buste de Jules Csa

    -

    5. PORTUGAL 6. LUNE

    8. Carte du Portugal 9. La lune

    Il ne fait donc aucun doute que les signes HASARD et PILE ou FACE -

    voquen eux aussi un visage vu de profil : en l'occurrence le visage qui a t dessin sur de nombreuses pice de monnaie, celles-l mme qui permettent de jouer au jeu de hasard pile ou face, expression o le mot franai face, synonyme de visage, a d'ailleurs la mm origine. Ainsi s'explique la descente de la main depuis le front jusqu'au menton dans le signe parisien HASARD.

    10. Ct face d'une pi&ce de monnaie

    Quant la fermeture de la main au cours de la ralisatio de ce mm signe, elle se retrouve dans le signe GAGNER (fig. 11) : c'est une mta phore analogue l'expression franais saisir sa chance : GAGNER : passer la main droite sur la paume de la main gauche comme si on y

  • prenait une mouche au vol (Lambert 1865). En LS amricaine le mm signe, vraisemblablement introduit sur le Nouveau Continent par le sourd parisien Laurent Clerc a partir de 1817, a d'ailleurs conserv le sens de chance)) (fig. 12). Le signe chambrie BONHEUR (fig. 13), main ouverte se refermant au niveau au visage, tr proche donc du signe parisien HASARD (fig. l), rappelle que le mot heur, issu du latin augurium prsag signifiait chance

    1 1. GAGNER 12. CHANCE en LS amer. 13. BONHEUR. Chambr

    Cette mtaphor est elle-mm fond sur un geste emprunt un autre jeu de hasard, le jeu de d (fig. 14), comme le prouvent les descriptions de l'abb Ferrand (vers 1785) : HASARD : signe jouer au d signe peut gagner ou perdre et de l'abb Jamet (vers 1830) : GAGNER :jeter les ds prendre

    1 4. Jeu de d

    C'est d'ailleurs la mm association d'ide qui fonde les mots franai chance et hasard : chance provient du latin cadere tomber

  • dont driven galemen choir et chute en rfren la chute des ds tandis que hasard provient de l'arabe az-zahr le d

    Sources

    Fig. 1, 4, 5 et 1 1 : Bill Moody & al. (tome 2), Michel Girod & al. (tome 3), La langue des signes, Vincennes, fiditions Ivt, 1986, 1990. Les dessins de Anne-Catherine Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 2 et 3 : dessins de l'auteur, avec la participation d'Armand Pelletier et Jean Spitkri. Fig. 6 : abb Louis-Marie Lambert, Le langage de la physionomie et du geste, Paris,

    Lecoffre, 1865. Fig. 7 : Claude Auge, Histoire des littratures Paris, Larousse, 1921. Fig. 8 : Nouvel atlas gnra Paris, Bordas, 1953. Fig. 9 : Joseph Piroux, Vocabulaire des sourds-muets, Nancy, 1830. Fig. 10 : Manuel illustd des classes d'articulation, Asnikres, 1905. Fig. 12 : Martin Sternberg, Arnerican sign language dictionary, New York, Harper

    Collins, 1994. Fig. 13 : dessin de l'auteur d'aprks une photographie dans S'exprimer dans l'espace,

    Chambry 1982. Fig. 14 : dessin de Pat Mallet.

    Rdactio de Patrimoine sourd.

  • Les signes de numratio l'institution des sourdes-muettes de Pont-de-Beauvoisin (Savoie)

    Patrimoine sourd 12,2005 : 22-24

    Dans une grande partie de la France, ont t autrefois pratiqu des signes de numratio d'une grande tranget jamais signals encore moins photographi ou dessins1 J'en ai recueilli un grand nombre aupr d'anciens et anciennes lv des institutions de Nancy, de Villeurbanne, d'Arras, de pont-de- eauv voisin^. Ce sont ces derniers qui sont prsent ici, tels qu'ils m'ont t montr par Yvette Pelletier.

    Ces signes presentent cinq caractristique : - ils n'ont aucun rapport avec les signes de numratio de la LS fr.

    standard. - il n'existe aucune relation entre la forme du signe et le nombre qu'il

    dsigne Autrement dit, il n'est jamais possible de deviner quel nombre est reprsent ni mm qu'il s'agit d'un nombre.

    - ils ne presentent aucune structuration interne. - ils varient entiremen d'une col l'autre. - certains d'entre eux sont homonymes d'unit lexicales de la LS fr. :

    voir ci-contre le signe 18 de Pont-de-Beauvoisin, identique au signe MENTIR.

    Le systm le plus homogn est celui qui a t pratiqu a Nancy. Ailleurs, ces systme anciens s'interpntre des degr divers avec le systm standard de la LS fr. Parfois des signes atypiques sont isol au sein de ce dernier : Bourg-en-Bresse les signes pour les dizaines, Chambr les signes 17, 18 et 19, au Havre le signe 60.

    1 Dans un ouvrage publi par un enseignant de l'institution de Lyon, on peut cependant lire cette phrase : De 10 20, chaque nombre possd un signe par- ticulier, cr sans autre rgle semble-t-il, que la fantaisie Ren Pellet, Essai d'analyse de la pens et de son expression chez l'enfant sourd-muet, Lyon, 1938. Je dois cette citation l'amiti de Sophie Dalle-Nazbi 2 Ils ont t regroup dans un article prv pour publication dans les Actes des journe d'tud de l'Association de recherches interdisciplinaires en langues des signes tenues Grenoble en novembre 2000 : ((Signes archaque de num ration dans les institutions pour enfants sourds : une nigm ethnolinguistique Ces Actes n'ont malheureusement jamais vu le jour.

  • La numratio pratiqu Pont-de-Beauvoisin comprenait seize signes atypiques : d'une part tous les nombres de 11 19, d'autre part les dizaines, de 10 80. Parmi eux, seuls les signes 11 et 12 dont les configurations finales sont en 1 et en 2, driven probablement du systm standard ; peut-tr aussi le signe 16 dont la configuration finale est en 1, comme la main dominante dans la numratio standard. A partir de 70, les nombres calquent la forme orale du franais et non

    la forme crit en chiffres arabes : 73 s'obtenait en faisant suivre le signe 60 du signe 13. On sait qu'en LS fr. standard, les nombres calquent au contraire la forme crite 73 se faisant avec un 7 suivi d'un 3. Le signe 80, indcomposable chapp la fois la logique du franai parl (quatre-vingt), celle des chiffres arabes (huit dizaines) et celle de la LS fr. (cinq dizaines reprsent par les doigts ouverts de la main gauche, TRENTE ralis par la main droite).

    Ces signes atypiques constituent une nigme Leur prsenc sur une large partie du territoire franai exclut totalement qu'ils soient dus la seule fantaisie (voir la citation de Pellet dans la note 1) mais implique au contraire une morphogens commune dont la motivation nous chappe comme elle chapp celle des locuteurs. Parmi les diffrente hypothse que j'ai propose dans la communication cite la moins improbable est peut-tr une relation entre les numro matricules et les anthroponymes, le signe LA MENTEUSE attribu une l qui portait le matricule 18 ayant pu devenir le signe du nombre 18. Aucune preuve ethnographique ne vient pour l'instant conforter cette hypothse3

    3 Dans le cas de Pont-de-Beauvoisin, elle se heurte au fait que les effectifs de l'col n'ont jamais atteint le nombre de quatre-vingt : si, comme cela semble s'tr pratiqu partout, toute nouvelle arrivante se voyait attribuer le matricule d'une l ayant quitt l'cole le stock de numro tai constant, si bien qu'aucune l n'a jamais pu porter de matricule 80.

  • De
  • jen pendant laquelle, l'exception des dimanches, l'glis n'autorisait qu'un repas par jour.

    Dans le calendrier liturgique, le carm dbut le lendemain du mardi gras, quarante-six jours avant Pque qui est une ft mobile pouvant se situer entre le 22 mars et le 25 avril. Le carm dure quarante jours : il peut donc se droule en fvrier en mars ou avril et les sourds ont par consquen pu s'y rfr pour dsigne n'importe lequel de ces trois mois.

    1 Jour de Pque 1 Dbu du carm 1 Fin du carm -- 1 au plus t : 1 le 22 mars 1 le 5fvrie 1 le 16 mars

    1 au plus tard : 1 le 25 avril 1 le 10 mars 1 le 19 avril - - - - -- -

    Calendrier liturgique : dates desjte mobiles du Carm et de Pque

    En 1856, Pierre Plissier professeur sourd-muet a l'institut Saint- Jacques, commente le signe pour le mois de mars pour ses jeunes lv en leur rappelant que c'est le mois pendant lequel les hommes et les femmes jenen Quant l'abb Lambert, aumnie Saint-Jacques, il dcri en 1865 un seul et mm signe pour mars jen et carm : tracer une grande croix avec ses lvre ferme (fig. 4).

    Cette dernir description correspond tr exactement au signe actuel SACRIFICE (fig. 5). Si la position devant la bouche voqu le jene le mouvement en croix rappelle que ce jen est un rituel religieux : ralis sur le front, c'est le signe CATHOLIQUE.

    Dans les institutions d'Arras, Metz et saint-tienne MARS est stric- tement identique au signe SACRIFICE, seulement abaiss sur le menton pour libre la lecture sur les lvres Les signes F~%~ER, MARS et AVRIL reprsent sur les fig. 2 et 3 driven donc de SACRIFICE. Ils s'en distinguent par une simplification du mouvement qui ne reproduit plus l'image d'une croix, mais seulement sa branche horizontale. Dans le signe parisien actuel MARS (fig. 6), le mouvement s'est rdui un simple tapotement du menton.

    En ce qui concerne l'obscur signe parisien AVRIL (fig. 1) que nous avons choisi comme point de dpar de la dmonstration les deux points de contact ont t ramen sur un mm ct du visage par conomi gestuelle, exactement de la mm manir que l'on voit parfois les deux baisers stylis de JANVIER tr ralis sur la mm joue.

  • 4. MARS, J E ~ E , C&ME (Lambert 1865)

    5 . SACRIFICE 6. MARS (signe parisien actuel)

    Tous ces signes se ralisen avec l'une ou l'autre de deux configura- tions : soit le pouce tendu qui maintient la configuration de l'tymo SACRIFICE, soit la cl Plac devant la bouche, la configuration en cl si justement nomm ainsi par les dition Ivt, symbolise la fermeture de l'orifice buccal la nourriture pendant le carme Une variante parisienne de AVRIL, ralis avec la configuration en pince, confirme ce symbolis- me puisque la pince peut galemen traduire la fermeture de la bouche, comme dans le signe bien connu MUET.

    FORCER, PRENDRE SUR SOI

    La dcouvert de l'tymologi de signes qui se ralisen proximit de la bouche avec une configuration en cl ou en pouce tendu, engage a examiner d'autres signes qui prsenten les mme paramtres

    7. FORCER 8. PRENDRE SUR SOI

  • C'est ainsi que dans le signe FORCER (fig. 7)' on reconna la branche verticale de la croix de SACRIFICE. Les deux signes ont en commun un sm de contrainte : forcer quelqu'un faire quelque chose, c'est le contraindre un sacrifice. Avec une petite diffrenc de mouvement, les dition Ivt proposent la traduction prendre sur soi, se retenir (fig. 8), tr vocatric de la discipline du corps et de l'esprit qu'impliquait le jen chrtien PATIENCE

    Voici maintenant quatre signes qui ont en commun de rfr l'cou lement du temps, une dimension essentielle de tout rituel.

    Dessin par l'abb Lambert (fig. 9), le signe PATIENCE s'est maintenu sans modification jusqu'aujourd'hui (fig. 10). Comme dans PRENDRE SUR SOI, on reconna la branche verticale de la croix de SACRIFICE : la patience (dont le signe est galemen traduit rsignatio par Lambert) est l'une des qualit requises pour se soumettre au rituel d'abstinence. La preuve dfinitiv de la filiation entre le sacrifice chrtie du carm et le signe PATIENCE se trouve l'institution de Bourg-la-Reine : PATIENCE y est rigoureusement identique SACRIFICE, croix trac sur la bouche (fig. 5).

    9. PATIENCE, &SIGNATION 10. PATIENCE (Lambert, 1 865) signe parisien actuel

    La drivatio smantiqu qui a conduit de C&ME a PATIENCE a fait disparatr de ce dernier signe toute connotation religieuse, et a entire ment rompu le lien tymologiqu dans la conscience des locuteurs.

    Sous la forme qu'il a Paris, le signe PATIENCE couvre une aire ton namment vaste : Grce Grande-Bretagne, tats-unis Qubec Bolivie,

  • etc. Cette forme a t ressentie comme suffisamment universelle pour tr choisie par la Fdrati mondiale des Sourds pour reprsente PATIENCE en gestuno, l'esprant des sourds qui leur permet de commu- niquer dans les confrence internationales. PAS ENCORE

    Dcri pour la premir fois par Degrand (1827), la main droite ferm frappe plusieurs reprises le pouce sur le menton (fig. 1 l), PAS ENCORE s'est maintenu sans changement jusqu'aujourd'hui (fig. 12). Il ne prsent avec PATIENCE qu'une petite diffrenc de mouvement.

    La relation smantiqu entre les deux signes est vident : lorsqu'un vneme attendu ne s'est pas encore produit, il faut faire preuve de patience. Pourtant, PAS ENCORE est ainsi comment par l'abb Lambert (1865) : ce signe est ridicule, cependant on l'admet parce qu'il est gnraleme usit ; sous la plume de Lambert, ridicule est com- prendre comme non motiv a une poqu o la plupart des signes le sont encore ; le lien tymologiqu entre PATIENCE et PAS ENCORE tai donc dj rompu au X I F sicle malgr la proximit de leurs formes et l'entrecroisement de leurs sens.

    1 1. PAS ENCORE (1 865) 12. PAS ENCORE (signe actuel)

    BIENTT TOUT L'HEURE Au plan de la forme, les signes parisiens BIENT (fig. 13) et TOUT A

    L'HEURE (fig. 14) ne diffren de PAS ENCORE (fig. 12) que par leurs configurations, respectivement index et crochet. Au plan du sens, ils

  • peuvent permuter avec lui dans de nombreux contextes. La preuve de la filiation tymologiqu est apport par un signe chambrie (fig. 15) dont la forme est celle du signe parisien PAS ENCORE (fig. 12) mais dont le sens est tout l'heure

    1 3. BIENT~T (Paris) 14. TOUT A L'HEURE (Paris) 15. TOUT A L'HEURE (Chambdry)

    La configuration en crochet du signe parisien TOUT A L'HEURE s'expli- que sans doute par le smantism souvent ngati de cette configuration. Ce smantism s'observe par exemple dans les signes PIQUER, SCORPION, DIFFICILE, CRITIQUER, TORTURER, VIOLENCE, ATTENTAT, JALOUX, TENTA- TION, &CHANT ; ici, il est vraisemblablement li l'id de contrainte qu'implique le sacrifice chrtien tymo de tous les signes dont il a t ici question.

    La famille lexicale que l'on vient de dgage constitue un bon exem- ple de l'importance qu'a eue la religion comme source d'inspiration pour la gens des signes. On avait dj eu l'occasion de le signaler propos du signe SYMBOLE (Patrimoine sourd, 7). Cela n'a rien d'tonnan quand on sait la prgnanc des rituels religieux dans le pays des sourds qu'ont t les institutions, dont la plupart ont longtemps t dirige par des congrgation religieuses. Aujourd'hui, tous les emplois qui sont faits de ces signes sont entiremen coup de leurs racines religieuses.

  • Sources Illustrations : Fig. 1, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 13 et 14 : Bill Moody & al. (tome 2), Michel Girod & al. (tome

    3), La langue des signes, Vincennes, dition I v t , 1986, 1990. Les dessins de Anne- Catherine Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 2 : dessin de l'auteur, avec la participation d'Armand Pelletier. Fig. 3 : dessin de l'auteur d'aprks une photographie conservde dans les Archives de la

    Fddratio nationale des Sourds de France. Je remercie chaleureusement Patrick Fourasti qui l'a autorisd consulter ces archives.

    Fig. 4, 9 et 11 : abbk Louis-Marie Lambert, Le langage de la physionomie et du geste, Paris, Lecoffre, 1865, rddditd en 2005 sous le titre Dictionnaire de la langue des signes d'autrefois, Cths.

    Fig. 15 : dessin de l'auteur, d'aprks une photographie du recueil S'exprimer dans l'espace, Chambdry, 1982.

    Autres ouvrages cit : Degdrando, baron Joseph-Marie, De l'ducatio des sourds-muets de naissance, Paris,

    Mquignon 1827. Moody, Bill, & al., La langue des signes (tome l), Vincennes, fiditions Ivt, 1983. Pdlissier, Pierre, Iconographie des signes faisant partie de l'enseignement des sourds-

    muets, Paris, Paul Dupont, 1856. Ouvrages utilis pour la rpartitio du signe PATIENCE : British Deaf Association, Dictionary of British Sign Language / English, University of Durham, 1992 - Gestuno. International Sign Language of the Deaf, The British Deaf Association, Carlisle, 1975 - Mollinedo, Marianella & al., Primer libro de sefias en Bolivia, Ministerio de Educacion y cultura, 1992 - Costello (Elaine), American Sign Language Dictionary, New York, Random House, 1994 - Bourcier, Paul & Roy, Julie Elaine, La langue des signes, Bibliothkque nationale du Qudbec, 1985. Aoyiaaq NLKOU, AESIKO NOHMATIKHS rA222AS Greece, 1985. Observations personnelles de terrain : signe AVRIL : Angers (49) et Louhans (7 1). signe MARS : Nice (06), An-as (62), Metz (57), saint-ktienne (42). signe PATIENCE : Bourg-la-Reine (92). signe PAS ENCORE : Poitiers (86) et Pont-de-Beauvoisin (73).

  • Les signes pour les mois dans le dialecte de Saint-Laurent-en-Royans Patrimoine sourd ( paratre

    En 1997, Liliane Ferlet, ancienne l de Saint-Laurent-en-Royans (Drme) m'a montr les signes utilis dans cette col pour nommer les douze mois de l'anne Ces signes tr trange n'ont aucun rapport avec ceux de la LS fr. Pas plus Liliane que d'autres anciens lv de la mm col que j'ai rencontr ensuite, n'en connaissaient la motiva- tion, c'est- -dir la relation entre leur forme et leur signification.

    La solution m'apparut en consultant la Bibliothqu nationale le vieux dictionnaire de l'abb Lambert (1865)' aumnie l'institution parisienne des sourds-muets. Certains des signes parisiens du XIXe sicl taien identiques ceux qui m'avaient t montr et leur motivation, indiqu par Lambert, tai d'une grande cohrenc : ils reprsenten les signes du zodiaque. JANVIER voqu ainsi le Verseau ( verse-eau ) F~VRIER les Poissons, MARS le Blier et ainsi de suite. La preuve dfinitiv m'en a t apport lorsque j'ai pu disposer, grc l'obligeance de Ren Louviot, d'un recueil photographique des signes de Saint-Laurent, ralis par cet tablissemen en 1979.

    Il est peu connu que les religieuses ayant eu en charge cette col ont fait une rsistanc passive aux dcision du congr de Milan qui avait interdit l'usage des signes dans tous les tablissement pour enfants sourds. Alors que dans bien des coles les ouvrages traitant de la langue des signes ont t dtruits ces religieuses ont prcieusemen conserv le dictionnaire de l'abb Lambert, qui leur servait de rfren pour l'apprentissage et l'emploi des signes.

    Seul le signe AO chapp ce systme Il ne reprsent en aucune manir la Vierge, mais son tymologi est identique celle du signe CAMPAGNE : c'est une vocatio de la moisson, la main droite reprsen tant la faucille qui coupe une gerbe tenue par la main gauche.

    On a plac ci-dessous en vis- -vi les signes des mois avec les symboles zodiacaux correspondants. Ces symboles ont t emprunt un zodiaque du XVe sicle

  • JANVIER le mois du Verseau

    FEVRIER le mois des Poissons

    Sirieo ni?fl .--.

    MARS le mois du Blie 7 r

    . .

    AVRIL le mois du Taureau

  • MAI le mois des Gmeau

    Ca11a aquea Kahicf

    JUIN le mois du Cancer /7

    JUILLET le mois du Lion

    AO le mois de la moisson

  • OCTOBRE le mois du Scorpion

    NOVEMBRE le mois du Sagittaire

    DECEMBRE le mois du Capricorne

  • A la lumir de ce qu'enseignent les signes de Saint-Laurent, on est amen considre sous un nouveau jour deux signes parisiens dont l'tymologi ne semblait pourtant soulever aucune difficult : JUILLET et SEPTEMBRE.

    Le signe JUILLET est interprt par tous les locuteurs comme la lettre manuelle J, initiale du mot juillet, situ l'emplacement de la cocarde tricolore : ce serait une rferenc la ft nationale du 14 juillet qui commmor la prise de la Bastille. Or, une forme archasante pratiqu par des sourds parisiens g n'est pas ralis avec le J mais avec le L manuel ; elle est rigoureusement identique au signe pour la ville de Lyon. Dans les deux cas, l'emplacement pr de la tt rf la crinir du lion. Comme Sair.&-Laurent-en-Royans, le signe parisien JUILLET puise donc son origine dans le signe zodiacal du lion. Le signe a t tardivement initialis en J tandis que le mouvement unique de la main vers l'avant se transformait une petite rotation redouble deux modifications frquente en LS fr. Ces modifications ont entran une rupture du lien tymologiqu entre le lion et le mois de juillet.

    JUILLET (signe parisien actuel)

    JUILLET (signe parisien archaisant)

    LYON (signe lyonnais)

    Quant au signe SEPTEMBRE, homonyme de RAISIN, il est interprt par les sourds parisiens comme rfra aux vendanges. Pourtant, en province, par exemple Chambry ce signe est tr souvent ralis sans dpar depuis la bouche. Il en va d'ailleurs de mm dans une famille parisienne comprenant trois gnratio de sourds pass par l'institut Saint-Jacques. Cela ne laisse aucun doute sur l'tymologi rell de SEPTEMBRE : comme Saint-Laurent-en-Royans, c'est le signe

  • zodiacal de la Balance. Cette tymologi se trouve d'ailleurs noir sur blanc dans le dictionnaire de l'abb Lambert (1865). Ultrieurement SEPTEMBRE a subi l'attraction du signe RAISIN de forme voisine.

    SEPTEMBRE, RAISIN (signe parisien actuel)

    SEPTEMBRE (Chambry

    SEPTEMBRE (Lambert, 1865)

    L'col de Saint-Laurent-en-Royans est donc un prcieu conserva- toire de signes anciens, aujourd'hui dispams ou ayant volu au point de devenir mconnaissables Il faut saluer l'initiative des personnes qui, en 1979, ont eu l'intelligence et le talent de garder la mmoir de leurs signes locaux en les photographiant; et se dsole que leur exemple n'ait pas t davantage suivi ailleurs.

    Sources

    Signes actuels JUILLET, LYON, SEPTEMBRE IRAISIN : Michel G0 & al., La langue des signes, Vincennes, editions Ivt, 1990 (tome 3). Les dessins de Anne-Catherine Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Signe parisien archaisant JUILLET : dessin de l'auteur. Signe chambdrien SEPTEMBRE : dessin de l'auteur, d'aprks une photographie du

    recueil S'exprimer dans l 'espace, Chambry 1982. Ancien signe parisien SEPTEMBRE: abb Louis-Marie Lambert, Le langage de la

    physionomie et du geste, Paris, Lecoffre, 1865. Les signes de Saint-Laurent-en-Royans ont t dessin par l'auteur partir des

    photographies rassemble dans Langage gestuel, Saint-Laurent-en-Royans, 1979. Les signes du zodiaque sont reproduits d'apr Camille Flammarion, Les toiles

    Paris, Flammarion, 1882. Le dessin montrant la moisson qui accompagne le signe AOOT est de Victor de Fuente.

    Il est extrait de Bernard de Clairvaux, une glis aime dition du Signe, Strasbourg.

  • Quand les signes empruntent la gestualit ambiante : MAL MALHEUR DOMMAGE Patrimoine sourd ( paratre

    Les signes utilis en 1827 pour l'oraison dominicale que nous prsenton dans les pages qui prcde ne sont gur dpaysant pour le lecteur d'aujourd'hui, qu'ils soient dcrit par Degrand ou dessin par Bernard Truffaut. L'un d'eux cependant peut surprendre, le signe MAL (fig. 1) qui n'a aucun rapport avec le signe actuel.

    On peut en revanche le reconnatr dans le signe MALHEUR dont Lambert (1865) fournit l'tymo : frapper les mains l'une contre l'autre avec expression de : quel malheur ! Une description presque identique figure chez l'abb Ferrand (vers 1785) l'entr MIS~RE : frapper les deux mains l'une contre l'autre d'un air de compassion

    1. MAL (1 827) 2. MALHEUR. Paris 3. Geste d'entendants C'est un geste emprunt aux entendants (fig. 3)' qui l'excuten

    tant avec la main plate, tant avec le poing (voir ci-dessous), en l'accompagnant d'une interjection telle que zut alors ! La significa- tion du geste varie selon le contexte : surprise dsagrabl regret, mcontentemen contre soi-mm ou autrui. Le signe qui en est issu se rencontre en province avec des sens driv galemen connotation ngativ : dangereux au Puy (fig. 4) et en Belgique, grave Chambr (fig. 5). A Paris, la rptiti du claquement, signal aussi t qu'en 1850 par Blanchet, mdeci l'institut Saint-Jacques, a entran les mains dans un mouvement symtriqu de rotation (fig. 2).

  • 4. DANGEREUX. Le Puy 5. GRAVE. Chambr 6. MALHEUR. Paris

    Dans la forme parisienne la plus rcent de MALHEUR (fig. 6)' les mains sont en faisceaux et le lien tymologiqu est entiremen rompu. L'adoption de cette configuration provient vraisemblablement de sa prsenc dans d'autres signes a connotation pjorativ tels que PRO- BL~MES, EXAG~RER, SE DEMANDER CE QUI SE PASSE.

    Le signe DOMMAGE a la mm origine. Au XIXe sicle il est identique MALHEUR : QUEL DOMMAGE : quel malheur ! (Lambert 1865). Cette identit s'est maintenue a l'col d'Alger avant l'Indpen dance. Ultrieurement le sens dommage a t habill d'un signe spcifique hrit d'une variante du geste prcde ralis par les entendants : le poing droit frappe la paume de la main gauche (a Paris, la main gauche a emprunt la main droite sa configuration en poing).

    7. DOMMAGE. Le Puy 8. DOMMAGE. Paris 9. L'inspecteur Bourre1

  • C'est le clb Bon sang, mais c 'est bien s ! de 1 'inspecteur Bourre1 chaque fois qu'il rsou une nigm policir dans la sri tlvis Les cinq dernire minutes ; le geste traduit alors le regret de n'avoir pas trouv plus t la solution.

    9. Aventures de Mandrake 10. Aventures de Mandrake

    Le mcanism que l'on vient de dcrir se rencontre dans beaucoup d'autres signes : au plan de la forme, emprunt d'un geste pratiqu dans le monde des entendants, redoublement du mouvement, volutio par symtrisatio du mouvement (MALHEUR parisien) ou des configurations (DOMMAGE parisien) ; au plan du sens, attribution d'une signification prcis ce qui, dans le geste pratiqu par les entendants, avait une multitude d'emplois mal dfinis

    Sources

    Fig. 1 : dessin de Bernard Truffaut d'aprhs la description du baron Degrando De l'ducatio des sourds-muets de naissance, Paris, Mquignon 1827.

    Fig. 2, 6 et 8 : La langue des signes, dictionnaire bilingue, 1986 et 1997. Les dessins de Aime-Catherine Dufour sont reproduits avec l'aimable autorisation des dition Ivt.

    Fig. 3 et 11 : dessins de Pat Mallet. Fig. 4 et 7 : dessins de Fauteur d'apr Des mains pour le dire, Le Puy, 1984. Fig. 5 : dessin de l'auteur d'aprbs S'exprimer dans 1 'espace, Chambry 1982. Fig. 9 : Fredericks, Mandrake, Le retour du Cobra Fig. 10 : Davis, Mandrake, L'espion de Savanah L'heureuse expression gestualitd ambiante est emprunt A Franois Bonnal, Chronique de quelques marqueurs de la ngatio en Lsf Silexicales, 4,2004.

    *1-22 PS .pdfpage1page2page3page4page5page6page7page8page9page10page11page12page13page14page15page16page17page18page19page20page21page22

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