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DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a...

Date post: 14-Aug-2020
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MARTIN SAVARD LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU PROGRAMME DE RESTAURATION DU FLEUVE SAINT-LAURENT Mémoire pr6sen t6 à la Faculté des études supérieures de l'université Laval pour I'obtention du grade de maître ès arts (M.A.) Departement de sociologie FACUL* DES SCIENCES SOCIALES CMIVERS~ LAVAL MAI 1998 O Martin Savard, 1998
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Page 1: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

MARTIN SAVARD

LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU PROGRAMME DE RESTAURATION DU FLEUVE SAINT-LAURENT

Mémoire pr6sen t6

à la Faculté des études supérieures de l'université Laval

pour I'obtention du grade de maître ès arts (M.A.)

Departement de sociologie FACUL* DES SCIENCES SOCIALES

C M I V E R S ~ LAVAL

MAI 1998

O Martin Savard, 1998

Page 2: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

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La participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante

dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration du fleuve Saint-Laurent,

SL V 2000. Les citoyens peuvent participer, généralement par l'entremise d'associations, a la

gestion du programme et sont invités à réaliser des interventions sur les milieux naturels. Au

cours de notre enquête, nous avons cherché à cornaître les intentions des acteurs qui sont

impliqués dans la mise en oeuvre du volet Implication communautaire. qui regroupe les

activités liées à la participation des citoyens. Nous avons constaté que certaines des intentions

de ces acteurs, qu'ils appartiennent à l'organisation administrative, aux associations de

citoyens, ou aux organismes non-gouvernementaux chargés de promouvoir la concertation des

communautés, sont convergentes. Ces intentions sont de favoriser la réussite des actions de

restauration du fleuve, d'assurer la reconnaissance des politiques de protection de

l'environnement, et diffiser des valeurs écologiques.

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AVANT-PROPOS

le tiens à remercier mon directeur de recherche. M. Louis Guay, professeur de sociologie à

I'Uniwrsité Laval, pour les précieux conseils qu'il m'a fournis, ainsi que toutes les personnes

qui ont participé A cette enquête.

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TABLE DES MAT&RES

Page

Résumé ................................................................................................................................ 1

Table des matières ............................................................................................................ Ill

............................................................................................................... Liste des tableaux VU

Introduction ........................................................................................................................ 1

.................................................................................. . Chapiîte I Lo démarche d'enquête 4

1.2 LE DEPLACEMENT DU REGARD ........................................................................... 6

1 -4 LES HYPOTHESES ................................... ...... ....................... 10

1.5 LA DEFIMTION DES HYPOTHESES ............................................................................. 11

.......................................... 1.5.1 La réussite des actions de protection de la nature 1 1

1 .5 . 1 . 1 Le collt et la qualité des interventions ............................................. 12 1 . 5. 1.2 La modification des comportements

par l'éducation et la sensibilisation .................................................. 14

............................................. 1 S.2 La reconnaissance de l'organisme gestionnaire 14

1 5 2 . 1 La légitimité des politiques de protection de l'environnement ........ 14 1.5.2.2 La protection de l'environnement et la logique politique ................ 15 1 5 2 . 3 Les alliances pour influencer les décisions ...................................... 17 1.5.2.4 La construction d'un problème environnemental ............................ 19

.............................................................. 1 S.2.5 La justification des actions 20

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................................... 1 S . 3 L'établissement d'une nouvel te forme de démocratie

1 5 3 . 1 La démocratie de participation ......................................................... ............................................................... 1 S.3.2 Le développement durable

....................................................................................................... 1.6 M ~ O D O L O G I E

1.6.1 La technique de recherche .............................................................................. 1.6.2 La population et les catégories d'acteurs .......................................................

............................................................................. 1.6.3 Des catégories perméables

1.6.4 Les intentions et les catégories d'acteurs ....................................................... ..................................................... Chupiire II - La restuurution du fleuve Saint-burent

2 . I LE FLEUVE SAINT-LAURENT ..................................................................................... ....................................................... 2.1.1 Les caractéristiques physiques du fleuve

..................................................................... 2.1.2 Les aspects socio-économiques

.......................................... 2.1 -3 Les impacts des activités humaines sur le fleuve

................................................................ 2.1.4 Les impacts sur les êtres humains

.......................................................................................... 2.2 LA PRISE DE CONSCIENCE

................................................................................................................... 2.3 L'ACTION

...................................................................... 2.3.1 Le Plan d'action Saint-Laurent

............................................................................. 2.3.2 Saint-Laurent Vision 2000

2.3.3 La stnicture administrative ............................................................................. .................................................. 2.3.4 L'émergence de la participation de citoyens

2.3.5 La participation des citoyens dans SLV2000 ................................................. ............................................................................. 2.3 .5 . 1 Le programme ZIP

............................................................. 2.3 S.2 Interactions communautaires ........................................................ 2.3 5 3 Le Comité consultatif SLV2000

...................................................................................... 2.4 L'ÉTAT DU S AINT-LAURENT

........................................ Chapitre III O Les perceptions de la pcuticipation des citoyens

3.1 L'ÉMERGENCE DE LA PARnCIPATION DES ClTOYENS DANS SLV2000 .......................

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.................................................................................. 3.2.1 Les fonctions dkclades

................................... 3.2.1.1 La concertation des actions des intervenants 3.2.1.2 La transmission d'une demande sociale .......................................... 3.2.1.3 La circulation de l'information ........................................................

................................................... 3.2.1.4 La sensibilisation de la population 3.2.1.5 La réalisation d'actions concrétes ....................................................

................................. 3.2.1.6 La mise en oeuvre du développement durable

3.2.2 Les fonctions masquees .................................................................................. ................................................................... 3.2.2.1 Une source d'économie

3.2.2.2 Un moyen de pression ...................................................................... .............................................................. 3.2.2.3 La justification des actions

......................................................................... 3.3 LES RELATIONS ENTRE LES ACTEURS

....................................... 3.3.1 Les associations de protection de l'environnement

................................................................................................ 3.3.2 Les industriels

..................................................................................................... 3.3.3 Les experts

3.3.4 Les élus municipaux ...................................................................................... ..................................................... 3.4 L' ~VALUATION DE LA PARTICIPATION ClTOYENNE

3.4.1 La portée du pouvoir des citoyens ................................................................. 3.4.2 Les moyens financiers et le support technique .............................................. 3.4.3 L e professionnalisme des associations ........................................................... 3.4.4 L'efficacité des activités de sensibilisation .................................................... 3.4.5 La sélection des projets Interactions communautaires ...................................

............................................................. 3.5 L'AVEMR D'IM~UCATION COMMUNAUTAIRE

Chapitre N . Les intentions associées à la participalion .................................................

4.1 PREMERE N?ENTiON: LA REUSSlTE DES ACTIONS DE RESTAURATION DU FLEUVE ....

4.2.1 La formation d'une alliance ........................................................................... .................................................... 4.2.2 L' indépendance politique des associations

4.2.3 L'appui de l'opinion publique ....................................................................... .................................................. 4.3 TROISIEME INTENïïON: LA DIFNSION DE VALEURS

4.4 LES CORRESPONDANCES ENTRE LES CATÉGORIES D'ACTEURS ET LES INTENT[ONS ..... 94

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4.5 LA PARTICIPATION DES CITOYENS À CA RESTAURATION DU SAINT-LAURENT ............ 95

4.6 Drscussro~ ............................................................................................................ 101

Conclusion .......................................................................................................................... 104

Annexe A-Liste des sigles employds .................................................................................. 107

......................................................................... Annexe B-Liste des personnes rencontrées 108

Annexe C-Guide d'entretien ............................................................................................... 1 tO

Annexe D-Liste des références ......................................................................................... 1 12

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Tableau

1.1

LISTE DES TABLEAUX

Page

Correspondance entre les catégories

d'acteurs et leurs intentions : hypothèses ............................................... 33

Correspondance entre les catégories

d'acteurs et leurs intentions : résultats ......................................... ................ 95

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Depuis les débuts de I'he industrielle, les impacts négatifs des activités humaines sur

l'environnement se sont fortement amplifiés. Certaines situations particulièrement

inquiétantes ont suscité une prise de conscience par la population de l'existence de dommages

importants causés aux milieux naturels. Des actions collectives ont alors été entreprises pour

protéger ou améliorer l'état de certains écosysthnes. Ces actions sont dans bien des cas

menées par l'État, qui a acquis la responsabilité de veiller à la protection de I'environnement.

Les interventions étatiques de protection de I'environnement peuvent se faire directement sur

les milieux naturels. Elles peuvent se traduire. par exemple, par la restauration de certains

milieux endommagés. Mais, comme le souligne Mermet, la gestion intentionnelle' de

l'environnement a pour objet principal de pousser d'autres acteurs, dont les actions ont un

impact sur l'état des milieux. à modifier celles-ci. À partir de ce constat, il affirme d'ailleurs

que &es enjeux de la gestion intentionnelle sont donc stratégiques. avant d'être techniques.»

(1995: 165)

Pour influencer ces acteurs, différents outils s'offrent il l'État. Comme dans d'autres domaines

qui sont sous sa juridiction, un outil privilégié reste les mesures d'ordre légal. Par le biais de

lois sur la protection de I'environnement, l'État peut mettre en place des règlements, fixer des

normes et ainsi contraindre les industries a diminuer leurs rejets polluants. Afin de protéger

certains milieux remarquables ou fragiles, il peut également créer des parcs naturels dans

' Cet auteur opère une distinction en deux types de gestion de l'environnement. D'une part. la gestion effective désigne toutes les actions humaines qui ont un effet sur un milieu naturel, que celles-ci reposent ou non sur une intention de modifier l'environnement. D'autre part, la gestion intentionnelle vise à modifier cette gestion effective, pour ta rendre conforme à des objectifs environnementaux.

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lesquels les activités humaines sont limitées. Des mesures incitatives peuvent aussi être

employées. notamment des mesures à caractère économique telles les subventions à

l'innovation technologique ou les controversés adroits à polluen américains.

Depuis quelques années. une nouvelle onentation semble se dessiner dans le domaine des

politiques de protection de l'environnement. En effet, l'État associe la population à ses

interventions et ce, d'une manière de plus en plus étroite. Celle-ci devient ainsi un nouvel

acteur participant à l'élaboration et à l'exécution des politiques de protection de

I'environnement. Cette tendance se discerne au travers nombre de politiques

environnementales. A titre d'exemple, on peut penser à la généralisation des procédures de

consultation publique, étape obligCe pour certains projets ayant des répercussions sur

I'environnemen t.

La nature des actions de protection de l'environnement est, bien entendu, tributaire de la

nature des problèmes rencontrés, mais elle est aussi déterminée par des facteurs sociaux. C'est

à ces facteurs auxquels nous nous intéresserons dans notre analyse d'une réponse sociale à un

problème environnemental, celui de la degradation des écosystèmes du fleuve Saint-Laurent.

L'objet de notre recherche sera donc le programme Saint-Laurent Vision 2000 (SLV2000).

voué à la restauration et l'assainissement du fleuve Saint-Laurent, et dont un volet, nommé

Implication communautaire. est consacré aux activités faisant appel à la participation des

citoyens.

Ce mémoire sera divisé en quatre parties. Dans la première, nous allons expliquer noire

démarche de recherche. et nous y évoquerons les observations de différents auteurs au sujet de

la participation des citoyens. dans une perspective qui deborde le domaine de la protection de

l'environnement. Dans la seconde partie du mémoire, après avoir tracé un bref portrait du

fleuve Saint-Laurent et des problèmes écologiques auxquels il est confronté, nous ferons une

description du programme mis en oeuvre pour y faire face. Suivra une courte descnption des

problèmes auxquels est confronté le Rhône, fleuve qui nous servira de cas-témoin. ainsi que

des actions qui ont et6 entreprises pour y remédier. La troisième partie consistera en un

compte-rendu des entretiens que nous avons conduits auprès de divers intervenants. A l'aide

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de ces entretiens, nous chercherons à dégager les significations que les acteurs impliqués

associent à la participation des citoyens dans le cadre de SLV2000. Finalement. dans la

quatrième partie, nous analyserons ces discours afin de discerner quelles sont les intentions

des acteurs qui contribuent à la mise en oeuvre des activités liées à la participation des

citoyens. Nous établirons également une comparaison sommaire avec les intentions qui se

retrouvent chez les acteurs impliqués dans le Plan d'action Rhône.

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La question à laquelle nous nous intéressons dans cette étude est celle de la participation des

citoyens dans les politiques publiques de protection de l'environnement. Afin d'étudier cette

question, nous avons choisi de porter notre attention sur les formes prises par cette

participation dans le cadre du programme SLV2000.

Expliquons d'abord ce que nous entendons par participation. Pour Jacques Godbout, dans son

sens politique et organisationnel, «[...]la participation. c'est le processus d'échange volontaire

entre une organisation qui accorde un certain degré de pouvoir aux personnes touchées par elle

et ces personnes, qui acceptent en retour un certain degré de mobilisation en faveur de

1'organisation.n (1983: 35). Dans le cas qui nous intéresse, le mot participation prend toutefois

un sens plus large, qui englobe un autre aspect que celui de la prise de décision. celui de la

contri bu tion effective aux activités d'une organisation.

La participation des citoyens n'est pas l'apanage du domaine de la protection de

l'environnement. il y a en effet bien d'autres domaines de la vie sociale où la participation des

citoyens tend à se répandre. Jean-Paul Gaudin a constaté. en étudiant les politiques urbaines en

France. que celles-ci semblent suivre une évolution similaire. « Action économique, sociale,

vie culturelle, dans de multiples domaines touchant le cadre de vie, les accords contractuels se

sont multipliés avec pragmatisme, mais en cherchant constamment ii mettre sur un pied

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d'égalité les intentions de l'État. les politiques des collectivités territoriales ainsi que des

projets locaux émanant d'associations d'intérêts. structures intermédiaires formant mille relais

dans l'exercice de la citoyenneté. n (1989 : 8) il en va de même au Québec. où l'urbanisme est

un domaine où la consultation de la population tend à devenir incontournable lorsque la

réalisation de projets importants est envisagée.

La protection de I'environnement a toutefois ceci de particulier qu'elle constitue un nouveau

domaine d'intervention pour l'État. Cette situation crée les conditions qui facilite I'innovation

de la part des organismes chargés de la gestion de I'environnement, favorisant ainsi

I'émergence de la participation des citoyens. Comme le souligne Fabiani. [...] I'émergence de

I'environnement comme objet politique implique l'extension du domaine politique ii des

secteurs qui y échappaient jusqu'alors; ces secteurs deviennent justiciables de codifications et

supposent I'émergence de nouvelles formes de participation et de représentation politique.^

( 1989 : 205)

Le programme qui est ['objet de notre étude, SLV2000, est la deuxième phase d'un plan

d'action dont l'objectif est d'améliorer l'état du fleuve Saint-Laurent. il découle d'une entente

administrative ayant pour but d'harmoniser les interventions des gouvernements canadiens et

québécois en faveur de la protection du Saint-Laurent. Une première phase, connue sous le

nom du Plan d'action Saint-Laurent (PASL), avait couvert la période allant de 1988 à mars

1993. L'entente a été renouvelée un peu plus d'un an après la fin de la première, soit en avril

1994. Elle s'est traduite par la mise en oeuvre de SLV 2000, qui a officiellement pris fin en

mars 1998. À cette date, des négociations entre les gouvernements canadiens et québécois

concernant la mise en oeuvre d'une éventuelle troisième phase étaient en cours.

Malgré le changement d'appellation, le Plan d'action Saint-Laurent et Saint-Laurent Vision

2000 ne doivent pas être considérés comme étant deux programmes distincts, mais bien deux

phases d'un même plan d'action. Ces plans d'action visent plus que la dépollution du fleuve au

sens strict du terme. En effet, les objectifs du PASL et de SLV2000 ne se limitent pas à

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l'amélioration de la qualité de l'eau, ils visent aussi la protection. la restauration et

l'aménagement des milieux naturels. Par rappon à la première phase, Saint-Laurent Vision

1000 a été étoffé. De nouveaux objectifs se sont ajoutés et i l comporte de nouveaux volets qui

13 distinguent du Plan d'action Saint-Laurent. notamment celui concernant la participation des

citoyens.

Le choix d'étudier le programme Saint-Laurent Vision 2000 s'explique par le recours

prononcé à la participation des citoyens qui caractérise ce programme. ainsi que par la variété

des fonnes sous lesquelles se concrétise cette participation. Nous nous attarderons plus

particulièrement à un volet de ce plan d'action, qui est le plus pertinent dans le cadre de notre

étude. Ce volet. désigné sous le nom Implication' communautaire. regroupe les programmes

qui font appel à la participation de la population. soit Zones d'intervention prioritaire (ZIP) et

interactions communautaires. Le programme ZIP consiste en la réalisation, par des cornitCs

regroupant divers intervenants d'une communauté, de plans d'action locaux élaborés sur la

base de consultations publiques. Ces plans d'action contiennent la liste des actions que les

riverains jugent qu'il faut réaliser en priorité. Mais la participation de la population ne se

limite pas à la possibilité de prendre part à des activités de consultation. Grâce à Interactions

communautaires. les citoyens, regroupés au sein d'associations. peuvent prendre l'initiative de

présenter des projets qu'ils souhaitent réaliser. Les projets doivent être des initiatives à

l'échelle locale qui favorisent la participation de la population et contribuent à l'amélioration

de l'environnement du Saint-Laurent.

1.2 LE DEPLACEMENT DU REGARD

Mais nous estimons insuffisant de simplement jeter un regard ponctuel sur cet objet de

recherche. Pour bien le saisir, comme le propose Michel Marié (1994). nous déplacerons notre

' Soulignons qu'en principe l'emploi du terme implication au sens d'engagement est fautif. car il s'agit d'un anglicisme. En français, ce mot revêt une connotation péjorative. Toutefois, son usage de plus en plus répandu, signe d'une évolution du politique, a permis de consacrer ce nouveau sens. «Le mot qui appartenait initialement au policier ou au juge d'instruction devient à présent une référence pour ceux qui travaillent & élargir le langage de l'action politique» (Gaudin, 1989 : 146)

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regard dans le temps puis dans I'espace. Nous déplacerons d'abord notre regard dans le temps,

car l'étude de l'évolution d'un phénomène permet d'acquérir une meilleure compréhension

que celle que nous offre une vision spontanée. Nous retracerons la genèse du programme ainsi

que l'évolution de sa structure pour voir comment s'y est intégrée la participation citoyenne.

Aussi brève soit-elle, l'histoire du Plan d'action Saint-Laurent et de Saint-Laurent Vision 2000

peut être riche d'enseignement. Et notre regard se déplacera dans I'espace. car la comparaison

permet d'aborder sous un nouvel angle les réalités qui nous sont familières. Le point de

comparaison que nous avons choisi est le Plan d'action Rhône.

Le Plan d'action Rhône fait aussi appel P la participation du public lors la réalisation de

cenains projets. mais de façon différente. Le choix d'une politique environnementale française

se justifie par le souci de rapprocher les termes de la comparaison. D'une part, les situations du

Rhône et le Saint-Laurent sont comparables. Dans les deux cas. un plan d'action a été mis en

oeuvre pour dépolluer un fleuve important qui traverse des zones fortement urbanisées et

industrialisées. D'autre part. la France et le Québec. où le Saint-Laurent suit principalement

son cours, partagent des éléments culturels communs.

1.3 LE CADRE THEORIQUE

Plusieurs facteurs peuvent être évoqués lorsqu'il s'agit de comprendre l'émergence de la

participation des citoyens dans Saint-Laurent Vision 2000. Il est clair que la nature d'un

problème environnemental va inévitablement influencer le choix des actions qui seront

entreprises pour y répondre. Dans le cas qui nous intéresse. des facteurs tels les types de

pollution, ainsi que les caractéristiques hydrologiques et biologiques du fleuve Saint-Laurent

seront déterminants du point de vue du choix des solutions techniques qui seront employées.

Mais ces éléments sont insufisants pour expliquer pourquoi le volet implication

communautaire a été mis en oeuvre. En effet. si cet aspetc g-.mettait d'expliquer à lui seul les

orientations des politiques environnementales, on peut supposer que celles-ci prendraient une

forme comparable lorsque des problèmes analogues sont rencontrés. Ce n'est évidemment pas

le cas et notre cas-témoin. le programme de dépollution du Rhône, nous permettra de faire

ressortir ces différences.

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Nous pourrions également être portés à croire que le fait d'associer la population à cette

politique de protection de I'environnement n'est qu'une simple concession ponctuelle faite

sous la pression des associations de protection de l'environnement. Si la pression exercée par

les associations n'est évidemment pas étrangère à cette évolution. nous croyons que cette

réponse est incomplète. Rien n'obligeait irs responsables du programme Lie céder à cette

pression. et nous croyons qu'à la fois les associations de protection de I'environnement, ainsi

que les ministères de l'Environnement fédéral et provincial trouvent un intérêt à ce partenariat.

Puisque nous rejetons l'idée que la participation citoyenne soit simplement déterminée par las

caractéristiques du milieu naturel, ou qu'elle soit une simple concession accordée aux

mouvements environnementaux, il nous reste étudier les autres facteurs qui ont pu jouer un

rôle dans cette évolution. Nous avons donc opté pour une approche que nous croyons

suffisamment englobante pour nous permettre de décrire les divers aspects de la question.

Notre analyse s'appuiera donc sur la sociologie compréhensive développée par Max Weber qui

nous fournit un cadre théorique qui nous apparaît toujours actuel et pertinent. Selon cet auteur.

les activités sociales ne sont compréhensibles que si elles sont mises en rapport avec le sens

subjectif que lui attribue l'acteur, en tenant compte des contraintes auquel celui-ci est soumis

ainsi que de ses interactions avec autrui.

il ne faut pas voir dans cette approche une vision « psychologique » du social. Nous nous

retrouvons plutôt dans le domaine de la praxis, c'est-à-dire de l'action humaine orientée par la

réflexion et l'expérience en vue d'un résultat. La sociologie compréhensive place l'individu à

la base de la société parce qu'elle cherche il expliquer l'émergence des faits sociaux à partir de

la confrontation des valeurs individuelles, à comprendre les enjeux collectifs à l'aide de leur

traduction dans l'expérience personnelle. Elle nous paraît donc être un instrument approprié

pour notre étude, car elle offre la possibilité de faire ressortir la diversité dcs intentions des

acteurs impliqués dans ce programme.

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Pour Weber. l'objet d'étude de la sociologie est celui de l'activité2 sociale. Pour qu'une

activité sociale soit considérée comme telle. i l faut que l'agent lui accorde un sens subjectif et

qu'elle soit orientée en fonction du comportement d'autrui. que ce comportement soit passé.

présent ou prévisible. Comme le souligne Freund (1990). ces a autres * dont le comportement

oriente l'action de l'acteur peuvent être aussi bien des personnes singulières qu'une multitude

indéterminée. Nous considérerons que l'objet de notre étude. c'est-à-dire les activités de

protection de l'environnement qui font appel à la participation de la population et qui sont

réalisées dans le cadre de Saint-Laurent Vision 2000 sont des activités sociales telles que

Weber les définit. Ces activités pourront être aussi bien des interventions directes sur la nature,

telle la réhabilitation d'un site ou encore des activités liées à la gestion et à la prise de décision.

telle la participation à des réunions de consultation publique.

Weber opère une distinction entre deux types d'activités sociales rationnelles. soit les activités

rationnelles par rapport à une valeur et les activités rationnelles par rapport à une fin. Les

activités sont rationnelles en finalité lorsque I'acteur [...] oriente son activité d'après les fins,

les moyens et la fin, la fin et les conséquences subsidiaires (Nebenfolge) et qui confronte en

même temps rationnellement les moyens et le fin, la fin et les conséquences subsidiaires et

enfin les diverses fins possibles entre elles. * (Weber, 197 1 : 23) Les activités rationnelles par

rapport à une valeur sont déterminées « [...] par la croyance en la valeur inconditionnelle - d'ordre éthique. esthétique. religieux. ou autre - d'un comportement déterminé qui vaut pour

lui-même et indépendamment de son résultat. (p.22) Ces catCgones sont des types idéaux.

c'est-à-dire des outils d'analyse grâce auxquels il est passible de détacher certains éléments de

la réalité en ne retenant que l'expression univoque des caractères pertinents. La réalité. faite de

contradictions et de compromis, ne correspond pas aux types idéaux. mais ceux-ci permettent

de reconstruire la réalité sociale de façon compréhensible. Dans le cadre de notre étude. les

types d'activités tels que définis par Weber nous ont fourni des pistes pour dégager les

intentions des acteurs.

Nous emploierons indifféremment les termes activité et action. Le premier terme se retrouve dans les traductions des ouvrages de Weber. mais le second est plus souvent utilisé en sociotogie. Les deux peuvent être ici entendus de la même façon, c'est-&ciire dans le sens d'un comportement orienté par la réflexion.

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Notre analyse reposera sur l'étude des significations que les acteurs associent à la participation

citoyenne, en termes de finalités, de valeurs, de moyens. Aborder notre sujet à l'aide de ces

catégories permet de faire ressortir qu'aux yeux de différents acteurs, une même activité peut

être considérée rationnelle. mais en fonction de significations différentes. Pour ce faire. il faut

que ces significations soient cohérentes avec les intentions qui habitent les acteurs ou avec les

systèmes de valeurs qui les guident.

Nous nous intéresserons à trois intentions principales que nous estimons être déterminantes

dans la rationalisation par les acteurs de la participation des citoyens à Saint-Laurent Vision

2000. Nous croyons que c'est leur convergence qui a permis à la participation des citoyens de

prendre la place qu'elle est parvenue à occuper dans ce plan d'action. Dans cette étude. nous

chercherons donc à vérifier si ces intentions sont présentes. mais sans toutefois prétendre

qu'elles sont les seules intentions qui motivent les acteurs.

La première intention concerne la réussite des actions collectives de protection de

I'environnement. Nous émettons I'hypothése que I'engagement des citoyens dans Saint-

Laurent Vision 2000 est un moyen d'atteindre de meilleurs résultats en matière de protection

du fleuve que n'en obtiendraient les interventions traditionnelles du gouvernement.

La seconde intention concerne la reconnaissance de l'organisation administrative Nous

émettons l'hypothèse que I'engagement des citoyens est un moyen d'affirmer le pouvoir des

gestionnaires de Saint-Laurent Vision 2000.

Le troisième intention concerne les valeurs des acteurs. Nous émettons l'hypothèse que

l'engagement des citoyens permet de diffuser des valeurs qui appellent ii l'établissement d'une

démocratie participative, qui ne se limiterait pas au domaine de I'environnement.

Ces trois intentions recoupent les catégories d'activitks définies par Weber. Si elle est perçue

comme une façon d'améliorer l'efficacité des interventions d'assainissement du fleuve.

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l'engagement des citoyens est une activite rationnelle en finalité. Si les acteurs y voient un

moyen de favoriser la reconnaissance de Saint-Laurent Vision 2 0 . alors il s'agit toujours

d'une activité rationnelle en finalité, mais dans laquelle les conséquences subsidiaires prennent

une importance supérieure à celle accordée aux fins manifestes. Finalement, si les acteurs

conçoivent l'engagement des citoyens dans les politiques de protection de l'environnement

comme une fin en soi, il devient une activité rationnelle en valeur.

1.5 LA DEFiNITiON DES HYPOTHESES

Afin de définir les hypothèses que nous avons retenues, nous nous appuierons sur une revue de

littérature. À partir des réflexions que nous proposent plusieurs auteurs. nous commenterons

chaque hypothèse. Nous traiterons de la participation des citoyens aux affaires publiques en

général, mais en portant une attention toute particulière au domaine de la protection de

I'environnement. En effet, les réflexions des auteurs sur la participation des citoyens dans

d'autres secteurs d'activités peuvent nous éclairer sur ses implications dans le domaine de

l'environnement. Dans cette partie, notre but n'est pas de juger de la justesse des vues de ces

auteurs par rapport à notre objet de recherche. Le cas de Saint-Laurent Vision 2000 sera étudié

en détails dans les autres parties de ce mémoire.

1 S. 1 La réussite des actions collectives de protection de I'environnement

Chacune des hypothèses que nous avons retenus appelle une perspective d'analyse différente.

Dans ce casti, il faut expliquer en quoi la participation des citoyens peut être perçue comme

un moyen d'assurer la réussite des interventions de protection de l'environnement. Nous nous

arrêtons ici strictement à l'efficacité des actions, que l'on entend ici comme l'obtention du

maximum de gains dans la qualité de I'environnement du Saint-Laurent par rapport aux

sommes d'argent et aux efforts investis. Nous nous intéresserons B deux facteurs, soit l'impact

de la participation des citoyens sur la qualité et les coûts des interventions gouvernementales.

ainsi que son influence sur les attitudes et comportements de la population.

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1 S. 1.1 La qualité et les coûts des interventions gouvernementales

En principe. associer les citoyens à des politiques publiques peut permettre de limiter certaines

dépenses du gouvernement, puisqu'une des caractéristiques de l'engagement des citoyens est

qu'il repose en gnnde partie sur le bénévolat. Le fait que des citoyens participent à des

activités sans être rémunérés permet de réaliser certains projets à moindre coût, ou même d'en

réaliser certains qui n'auraient pu l'être. Mais, pour les organismes gouvernementaux. les

avantages vont encore plus loin que la simple possibilité de bénéficier de travail non rémunéré

fourni par des gens motivés. L'engagement des citoyens permet aussi de diversifier les sources

de financement. La plupart des associations peuvent déjà compter sur des sources de

financement extérieures au gouvernement. Que ce soit sous forme de subvention ou de

services offerts, l'aide recueillie auprès de particuliers. d'entreprises privées. ou même d'autres

organismes publics ou des municipalités, permet au gouvemement d'économiser encore plus

sur les sommes qu'il aurait dû investir. Par le biais des associations, de nouvelles sources de

financement deviennent accessibles. Sans cet intermédiaire, un organisme gouvernemental

aurait peu d'espoir d'en bénéficier.

Ainsi, dans son étude sur les «nouvelles politiques urbaines» françaises, Gaudin estime que les

politiques sociales qui associent l'État aux associations de citoyens et aux pouvoirs locaux

peuvent non seulement éviter un gonflement des cof ts des services. mais que celles-ci peuvent

même s'en trouver vivifiées et complétées. «De I'aliégement des grandes structures et de

l'implication communale accrue dans les politiques de prévention et d'action sociale, on peut

escompter plus de souplesse organisationnelle mais également une diversification des modes

de financements et des modes de gestion. ainsi qu'un recours diffus au "petits boulots", et au

bénévolat.» ( 1989: 49)

Dans le domaine de l'environnement, i'établissement d'une forme de partenariat entre les

associations et le gouvernement peut aussi être profitable. Selon Coulet. les associations

possèdent de nombreux atouts qui les destinent à jouer un rôle important dans la gestion de

l'environnement. Cet auteur qui, il faut le souligner, est elle-même membre d'une association

de protection de la nature, énumère quelques-uns de ces atouts: « [...] elles ont parmi leurs

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militants de nombreux scientifiques. qu'ils soient professionnels ou autodidactes; elles sont

pluridisciplinaires par essence. elles rassemblent des militants et par conséquent des personnes

motivées. elles disposent de véritables réseaux d'observateurs [...]; leur totale indépendance

par rapport au pouvoir politique, par rapport aux grands lobbies etc. représente un atout

important. >b ( 1992 : 38 1 ).

En ce qui concerne les procédures de consultation, des observateurs soutiennent que les

consultations publiques permettent de prendre des meilleures décisions. Ces procédures

favorisent la transmission d'information, car elle suscite l'établissement de liens entre des

acteurs. notamment les experts, les riverains et les gestionnaires. qui autrement. ne seraient pas

en contact aussi étroit. Une communication profitable peut s'établir entre eux. Par exemple, les

gestionnaires peuvent tirer profit des informations. scientifiques ou non, que possèdent les

riverains. En effet. ceux-ci ont une connaissance empirique des écosystèmes dans lesquels ils

vivent. La prise en compte des informations provenant de ces sources peut empêcher que des

erreurs causées par un manque d'information soit commises et ainsi permettre d'améliorer la

qualité des interventions.

Mais d'un autre côté, on souligne que les consultations publiques entraînent inévitablement la

multiplication des intervenants et des procédures. Plutôt que d'entraîner des économies, les

consultations risquent de faire grimper les coûts de coordination et de ralentir les procédures

de décision. Dans un anicle ponant sur la participation des citoyens à la gestion des services

sociaux, Lionel H. Groulx (1994) recense les critiques adressées par différents auteurs B ce

mode de gestion, que certains qualifient d'idéologie. Groulx y fait état d'une thèse selon

laquelle la participatiofi tend à réduire autant la qualité que l'efficacité des services offerts.

Selon les tenants de cette thèse, la participation nécessite d'importants investissements en

argent et en main-d'oeuvre, et ce, bien souvent au détriment des services offerts. Les citoyens

ne seraient pas nécessairement suffisamment qualifiés et ne posséderaient pas l'expertise

nécessaire pour porter des jugements éclairés dans des situations où les problèmes ?î régler sont

complexes.

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1 S. 1.2 La modification des componements par l'éducation et la sensibilisation

La participation des citoyens aux interventions de protection de la nature peut avoir des effets

i plus long terme sur la réussite des actions dans ce domaine. Elle peut apparaître comme une

façon de susciter une prise de conscience des problèmes écologiques au sein de la population.

En effet. l'éducation de la population par de telles activités permet aux individus de connaître

les problèmes qui touchent leur environnement, ainsi que l'impact de leurs comportements sur

l'équilibre écologique. Idéalement. ces activités amèneraient une modification des attitudes et

des componements de ceux-ci à l'égard de l'environnement.

1.5.2 La reconnaissance de l'organisation administrative

Par reconnaissance de l'organisation administrative, nous entendons ici l'affirmation de

l'autorité des gestionnaires de Saint-Laurent Vision 2000. Dans cette perspective, notre

analyse porte sur les conséquences subsidiaires de la participation des citoyens qui permettent

d'assurer cette reconnaissance. Les conséquences que nous étudierons et qui peuvent

contribuer à l'affirmation de l'autorité des gestionnaires sont la formation d'alliances entre les

gestionnaires et les associations. ainsi que la justification des actions auprès d'autres acteurs

politiques.

1.5.2.1 La légitimité des politiques publiques de protection de I'environnement

Avant d'aborder la question de la reconnaissance. il convient de traiter brièvement de celle.

toute proche, de la légitimité de la protection de I'environnement. Des auteurs qui ont étudié le

phénomène de la participation en France, estiment que ce mouvement est lié à l'affirmation

d'une légitimité des interventions étatiques de protection de l'environnement, sans laquelle la

réussite des actions collectives de protection de I'environnement est compromise. Selon

Godard (1989) et Fabiani (1989), un partenariat entre les associations de protection de

I'environnement et les pouvoirs publics est nécessaire afin de constituer un nouveau domaine

de légitimité, que ces deux acteurs ont intérêt à voir s 'affher . « La nouvelle règle du jeu

politique suppose en effet la reconnaissance du mouvement associatif et la constitution d'une

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sorte de partenariat étroit entre mouvements et pouvoirs publics. qui ont un intérêt commun à

la constitution d'un nouveau domaine de légitimité[ ...] » (Fabiani. 1989 : 205)

Nos recherches nous poussent à croire que la question en Amérique du Nord ne se pose pas de

la même façon. car la protection de la nature bénéficie d'une Iégitimité mieux assurée.

Comme le souligne Guay ( 1993) la protection de l'environnement s'est graduellement

institutionnalisée au Canada, imposant ainsi aux acteurs de nouvelles règles, légitimement

acceptées, qui orientent leurs actions. Différents facteurs. tels la montée du mouvement

écologiste, ainsi que la multiplication et la médiatisation des catastrophes environnementales.

ont suscité une prise de conscience au sein de la population. Les sondages d'opinion. malgré

de nombreuses variations. démontrent clairement que les problèmes environnementaux sont

entrés dans les préoccupations des gens, et que la population souhaite que les gouvernements

interviennent dans ce domaine et ce. même si les comportements des individus a l'égard de la

nature ne se sont pas modifiés pour autant.

De plus. même chez ceux qui ont le plus A perdre de la légitimation de la protection de la

nature, les industriels. les mentalités ont évolué. Comme le soulignent Doem et Conway

(1994). les industriels ne forment plus un bloc monolithique d'opposants aux politiques

environnementales. Ces différents éléments nous poussent donc à ne pas nous attarder au

problème de la légitimité de la protection de l'environnement et A envisager plutôt la question

sous l'angle de la reconnaissance d'une organisation administrative chargée de mettre en

oeuvre une politique de protection de l'environnement. Car si la plupart des acteurs

reconnaissent le bien-fondé de la protection de la nature. cela n'empêche en rien aux luttes de

pouvoir de prendre place dans ce domaine.

1 S.2.2 La protection de l'environnement et la logique politique

Un programme de protection de l'environnement tel que celui mis en oeuvre pour remédier

aux problèmes du Saint-Laurent. est soumis aux mêmes contraintes inhérentes à l'appareil

gouvernemental et doit obéir aux mêmes impératifs bureaucratiques que d'autres politiques

publiques. La Iégitimité de l'État étant Iégale-bureaucratique, la gestion de l'environnement

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par l'État n'échappe pas à cette logique. r [...] l'administration de la nature s'inscrit dans un

processus de longue durée qu'en termes we bérien on pourrait définir comme rationalisation.

une bureaucratie gestionnaire créant les conditions d'une domination rationnelle légale qui

porte sur la gestion des ressources naturelles. » (Fabiani. 1989 : 203) Assujettir la protection de

l'environnement à de telles contraintes se révèle toutefois être une tâche ardue. En effet,

l'environnement s'adapte mal à une aestion légale-bureaucratique, notamment en raison des

incertitudes scientifiques entourant les problèmes environnementaux, de leur complexité, de

leur étendue ainsi qu'en raison de la confusion liée à la notion même d'environnement.

U n'en reste pas moins qu'une fois la protection de la nature assujettie aux règles des

politiques publiques, les acteurs doivent s'y conformer. Vincent Lemieux. un politologue dont

l'approche s'apparente à ce1 le de certains courants sociologiques. propose une définition

systémique selon laquelle les politiques publiques sont des «tentatives généralement

récurrentes de régulation des affaires publiques par des acteurs qui cherchent à contrôler des

décisions à l'occasion des processus d'émergence, de formulation ou de mise en oeuvre, de

Façon à valoriser leurs ressources de pouvoir et celles de leurs alliés et à dévaloriser celles de

leurs rivaux.» (1995: 28) Dans son sens le plus large. une politique publique peut aussi bien se

traduire par une action que par une absence d'intervention. Toutefois. la politique publique qui

nous intéresse est un programme gouvernemental de protection de l'environnement. il s'agit

donc d'une intervention structurée et officielle.

La définition que propose Lemieux fait ressortir l'importance déterminante qu'ont les luttes

entre les acteurs dans I'tmergence, la formulation et la mise en oeuvre des politiques

publiques. Comme cet auteur l'explique. les acteurs politiques, qu' ils fassent partie du

gouvernement ou non. ne sont pas simplement des individus ou des coalitions d'individus

ayant des objectifs économiques égoïstes. «Les acteurs sont plutôt des groupes ou des

organisations. reliés entre eux dans les "communautés", et qui s'activent en des "réseaux" à

l'occasion d'une politique publique particulière.>> (p.11-12) Il rappelle également que des

auteurs ont démontré que les communautés et les riseaux dont il est question sont formés par

des membres d'organismes gouvernementaux, bien entendu. mais également par des groupes

d' intéressés non gouvernementaux.

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1.5.2.3 Les alliances pour influencer les décisions

En ce qui concerne les politiques environnementales. certaines décisions revêtent une

importance majeure. On peut par exemple penser aux décisions du conseil des ministres

ponant sur les problèmes environnementaux qui seront inscrits ou non à l'agenda du

gouvernement ou à celles portant sur le mandat ainsi que le financement des organismes

gouvernementaux responsables de la protection de I'environnement (voir Doem et Conway.

1994). À cet égard. un rôle déterminant est joué par les alliances. dont Lemieux propose la

définition suivante: «Entendue au sens large. une alliance est un ensemble plus ou moins

conjoncturel et plus ou moins négocié de relations d'affinités entre des acteurs dont les efijeux

et les atouts sont convergents dans des décisions collectives. qu'elles soient interactives ou

conjoint es.^ (1995: 134) L'auteur explique qu'a peu près tous les acteurs politiques

appartiennent à des alliances et que celles-ci permettent de valoriser les atouts de pouvoir que

possèdent certains acteurs de dévaloriser ceux de leurs rivaux. Ainsi. i l devient alors plus

facile pour ces acteurs d'influencer les prises de décisions en leur faveur.

Pour que ces alliances aient une influence positive et durable sur les politiques publiques,

Lemieux précise qu'il est souhaitable que celles-ci soient ce qu'il appelle des associations.

entendues ici dans le sens d'alliances non conjoncturelles et négociées regroupant des

intéressés de diverses provenances. d o n seulement on ne peut concevoir une politique

publique sans la participation des associations. mais le fait que ces associations soient des

alliances douées de permanence assure une certaine stabilité aux politiques publiques., ( 1995:

136) La participation des citoyens dans les politiques publiques permet de favoriser la

formation d'alliances de cette nature, c'est-à-dire non conjoncturelles et négociées. entre les

pouvoirs publics et les associations de citoyens.

Dans le domaine de l'environnement. les acteurs les plus susceptibles de s'allier aux

organismes gouvernementaux chargés de la protection de I'environnement sont les

associations écologistes. Pourtant, comme Doem et Conway le soulignent, même si ces

associations constituent des alliés naturels au ministère de l'Environnement canadien, ce

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dernier était à l'origine plutôt réticent 1 s'associer avec elles. uFor the ENGOs and the DOE3,

the story essentially concems the problem of how to build a supportive constituency among

nominally naturai allies who never quite trusted each other.~ ( 1994 : 100)

Selon Doern et Conway, la réticence d'Environnement Canada 1 s'allier avec les associations

de protection de la nature s'explique par le fait que les philosophies prônées par certains

groupes étaient trop radicales. Un ministère dont la crédibilité est encore mal assurée reste

fragile ne peut se permettre d'engager le dialogue avec des groupes dont les positions sont

perçues comme extrêmes. Par l'encadrement qu'elle procure, la participation des citoyens peut

constituer une façon d'éviter que ces alliés potentiels ne prennent des positions trop radicales.

é état diminue les possibilités de contestation de ieur part, puisqu'il est moins probable que

des associations critiquent les politiques auxquelles elles sont étroitement associées. et qu'elles

ont même parfois contribué à élaborer.

Certains auteurs estiment d'ailleurs que le partenariat entre les associations et le gouvernement

peut permettre d'encadrer les forces contestataires. Par exemple. Gaudin croit que le fait de

délimiter le rôle des associations au sein d'institutions et d'inscrire de manière explicite dans

le jeu politique peut nuire à la fonction de contre-pouvoir des associations. il cite le cas d'une

proposition faite par le Parii socialiste français en vertu de laquelle des représentants des

associations élus au suffrage universel seraient devenus responsables de la gestion de fractions

de budgets communaux. La représentativité des représentants des associations aurait ainsi été

assurée. mais «Cette logique "rationnelle-légale" plaquée sur les associations de quartier était

par ailleurs un peu lourde de tendances il l'encadrement explicite des forces contestataires. ou

à l'intériorisation pure et simple des contraintes gestionnaires ou techniques.~ (1989 : 39)

Dans le domaine de l'action communautaire, Hamel se demande lui aussi si l'intégration

institutionnelle des acteurs communautaires ne porte pas atteinte à leur indépendance

politique. En d'autres termes. faudrait-il interpréter cette reconnaissance acquise auprès des

ENGO (Environmental non g o v e m n t n l organisation): association de protection de 1 ' environnment ; DOE (Department of Environment): Environnement Canada

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institutions et des principaux acteurs publics comme une concession de la part des autres

partenaires qui auraient exigé en retour une mise au rancart du versant radical et critique de

l'action communautaire?» ( 1994: 963)

1 5 2 . 4 La construction d'un problème environnemental.

L'alliance entre les gestionnaires et les associations peut aussi favoriser le processus de

aconstmction>~ d'un problème environnemental. Pour qu'il y ait politique publique. il est

nécessaire qu'une situation problématique soit perçue comme étant une affaire publique

suffisamment importante pour entrer dans la liste des priorités du gouvernement. Les

interventions gouvernementales de protection de l'environnement n'échappent pas à cette

règle. Bien que la pollution soit une réalité physique. pour qu'une certaine situation soit élevée

au rang de problème public et qu'elle entre il l'agenda politique, elle doit faire l'objet d'une

construction sociale. Les associations écologistes et les gestionnaires des organismes

gouvernementaux de protection de l'environnement, qui ont intérêt à voir s'affirmer ces

problèmes, doivent les présenter de telle sorte qu'ils soient perçus comme importants par les

décideurs politiques et la population. Pour Doem et Conway (1994), même s'il est essentiel

que la science «sonne l'alarme», le fait qu'un problème environnemental entre à l'agenda

politique ou non relève plus de phénomènes politiques et économiques que de faits

scientifiques. John A. Hannigan (1995) a quant à lui demontré que la reconnaissance des

problèmes environnementaux par la société dépend autant, sinon plus de la façon dont les

revendications sont présentées que de la réelle gravité des risques.

Néanmoins, la validation scientifique des revendications reste un des facteurs essentiels à la

.constniction~ des probli!mes environnementaux. En effet, ceux-ci se distinguent

généralement des autres problèmes sociaux par leun liens plus directs avec des faits

scientifiques. Hannigan souligne que les gouvernements sont dépendants des grandes

associations écologistes dans ce processus de validation, car l'expertise associative constitue

une base sur laquelle il est possible de s'appuyer pour construire un problème

environnemental. <(As a result, there is a synergy between organizations and official policy-

makers who finds the knowledge and information produced by Greenpeace and others to be of

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considerable value in staking out their position in public arena debates over environmental

issues.n (p. 87)

Selon cet auteur. les associations écologistes importantes sont conscientes de cet atout et

cherchent 3. recmter des scientifiques de haut niveau au sein de leur équipe. En effet, les

associations tirent aussi profit de cette alliance, car ils obtiennent ainsi un appui institutionnel

dans leur démarche. «Finally, for a prospective environmental problern to be fully and

successfully contested, there should be an institutional sponsor who can ensure both legitimacy

and c0ntinuity.n (p. 56)

ii faut toutefois souligner que même si les associations écologistes participent à une certaine

culture scientifique. seules quelques grandes associations peuvent prétendre être à la fine

pointe de la recherche. En fait, les associations jouent plutôt un rôle de vulgarisateur afin que

les faits scientifiques puissent être transmis aux décideurs politiques, aux médias, et à la

population. Et la diffusion de ces faits constitue une autre étape jugée déterminante par

Hannigan dans la construction d'un problème environnemental. Coulet ( 1992) estime que les

associations sont bien indiquées pour jouer ce rôle de vulgarisateur, car elles occupent une

position charnière entre les scientifiques et les instances décisionnelles. Cette position leur

permet de suivre les recherches scientifiques et de transmettre ces connaissances aux comités

au sein desquelles elles sont représentées.

1.5.2.5 La justification des actions

Un plan d'action. tel que celui que nous nous proposons d'étudier. donne habituellement lieu à

un énoncé de politique dans lequel l'État identifie les problèmes auxquels il souhaite

s'attaquer et les interventions qu'il préconise pour y parvenir. Il fait l'objet d'une publicité, et

est décrit dans des documents accessibles à la population. Par cette démarche. le gouvernement

s'engage à atteindre certains objectifs et se rend imputable des résultats qu'il réussit à

atteindre. Il est donc nécessaire que l'organisme responsable de mettrtz en oeuvre ce plan

d'action parvienne à justifier ses actions aupr&s des autres acteurs politiques. et de la

population en général.

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La crise des finances publiques rend encore plus pressante cette nécessité de justification. La

popularité de l'idéologie néo-libérale associée à la volonté de réduire les déficits budgétaires

pousse les gouvernements à remettre en question les interventions de l'État dans de nombreux

domaines. De plus. les problèmes sociaux et économiques actuels ont tendance à détourner

l'intérêt de la population des problèmes environnementaux. Les gestionnaires des programmes

de protection de l'environnement doivent faire connaître leun actions, et surtout faire en sorte

que les autres acteurs portent un jugement favorable sur les résultats obtenus. Sinon. le risque

est grand que ces programmes soient supprimés ou que leurs moyens financiers soient

substantiellement réduits.

Dans ce contexte, l'engagement des citoyens peut être perçu comme une façon pour les

gestionnaires d'obtenir l'appui de la population. ce qui, dans un système démocratique, reste

évidemment un atout de taille. En effet. par le biais des activités de consultation, les

gestionnaires connaissent les attentes des citoyens et peuvent réaliser les projets jugés

prioritaires par la population, tout en faisant mieux connaître les actions posées par leur

organisme. Quant au partenariat avec les associations. il permet la réalisation d'une multitude

d'actions j. l'échelle locale qui touchent directement les citoyens.

Certains auteurs mettent toutefois en garde contre la tentation pour un organisme d'utiliser la

participation pour justifier un programme ou pour des individus. de l'utiliser pour faire valoir

leurs compétences. Selon eux, un tel détoumement de la participation constitue une trahison

du principe démocratique qui la fonde. Groulx fait état de deux th2ses qui reprennent cette

idée. La thèse du détoumement bureaucratique a[ ...] cherche principalement à démontrer que

la participation se comprend moins comme un projet égalitaire et démocratique mais constitue

plutôt une idéologie véhiculée par certains acteurs clés pour détourner à leur profit les services

sociaux ou pour légitimer leur rôle comme gestionnaires ou producteurs.» (1994 : 1042) Selon

cette thèse, la participation ne constituerait qu'une façon d'ttendre le contrôle bureaucratique

et de légitimer le caractère discrétionnaire des décisions bureaucratiques. Les gestionnaires

sont accusés de mobiliser leur clientèle pour défendre leurs programmes, car la demande de

participation serait propulsée, organisée en fonction des priorités déterminées par les

bureaucrates.

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Selon la deuxième thèse, celle du détournement professionnel. la participation des citoyens

serait détournée par des professionnels qui souhaitent prendre le contrôle d'un secteur en

participant à son développement, dans le but d'y exercer plus librement leurs cornpétences.

«L'appel à la participation devient pour eux une stratégie professionnelle pour se constituer

comme force sociale et politique et faire reconnaître la légitimité de ieur expertise et leur droit

à intervenir dans les affaires de la nation.»(p. 1043)

Sans qu'il s'agisse nécessairement d'une perversion d'un idéal démocratique. tel que le

suggère la thèse du détournement professionnel, il est vrai que le processus de participation

tend à susciter l'émergence d'une élite. En effet, ce processus forme les individus aux règles

de la gestion. Cela permet d'ailleurs à la participation de se perpétuer. a... there is no special

problem about the stabili ty of a participatory system; it is self-sustaining through the educative

impact of the participatory process. Participation develops and fosters the very qualities

necessary for it; the more individuals participate the better able they become !O do so.»

(Paternan. citd par Gibson. 1975: 24) Inévitablement, parmi les participants, certains individus

auront tendance ii se distinguer. à jouer un rôle plus important.

Gaudin explique que la conclusion d'ententes con tractuelles nécessite l'apprentissage d'un

langage commun. langage essentiel pour tirer son épingle du jeu politique. ((L'implication

potentielle de tous se résume dès lors à l'engagement de quelques-uns, devenus familiers d'un

langage technique et participant d'une même sphére de compétences. Ainsi sTél&ve une élite de

la citoyenneté, dont Ie cercle recoupe le monde des élus locaux mais s'élargit bien au-del&

signe d'une relation à la fois souple mais publique entre institutions politiques et société

civile.» ( 1989: 150) Dans le domaine de I'environnement, les individus, issus des rangs des

associations de protection de I'environnement et devenus familiers des règles de la vie

politique, auront ainsi plus d'atouts pour jouer leur rôle d'alliés des gestionnaires et défendre

les politiques de protection de l'environnement.

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1 S . 3 L'établissement d'une nouvelle démocratie

Notre troisième thème concerne les systèmes de valeurs qui orientent les actions des acteurs.

Nous chercherons à expliciter les systèmes de valeurs auxquels adhèrent les acteurs et à voir

comment la participation peut contribuer à diffuser ces valeurs.

1.5.3.1 Une démocratie de participation

L'engagement des citoyens dans les politiques publiques de protection de l'environnement

repose sur des valeurs à caractère écologique, évidemment, à l'intérieur desquelles

s'imbriquent des valeurs démocratiques. Comme le souligne Thibaut. la participation trouve sa

légitimité dans les idéaux du gouvernement du peuple par le peuple. (...]les matières de

gouvernements étant devenues complexes, polymorphes et changeantes. il est impossible de

prétendre que le programme électoral puisse tout contenir et encore moins que les citoyens

puissent en un seul vote donner leur appui à toutes les décisions A venk(1996: 9)

La participation apparaît en effet comme étant lié à une volonté de transformation du système

politique. Dans cette perspective, l'ouverture à la participation dans le domaine de

l'environnement est perçue comme le début d'un mouvement plus vaste vers l'instauration

d'une nouvelle forme de démocratie qui toucherait tous les domaines de la vie politique.

L'engagement des citoyens ne vaut alors pas tant parce qu'il permet de protéger de

l'environnement, mais parce qu'il est le symbole de cette transformation politique. La

participation des citoyens acquière ainsi une valeur intrinséque et devient une fin en soi.

Toutefois. certains auteurs craignent que la démocratie de participation ne s'oppose à la

démocratie de représentation. Selon Godbout. la démocratie de participation peut en venir à

diminuer l'utilité de l'institution démocratique. C e s i ainsi qu'un pouvoir ileG de décision

directe des usagers sur les décisions peut diminuer le pouvoir de leurs représentants sur ces

décisions et aboutir à une diminution globale du pouvoir de I'ensemble des usagers au profit

d'une partie d'entre eux seule ment.^ (1983: 39) Un premier problème concerne la

représentativité des participants. En effet, des études (voir Groulx. 1994) indiquent que la

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participation des citoyens est influencée par des caractCristiques des individus, telles que le

statut social. le niveau d'éducation, la profession, de même que l'appartenance préalable il une

association. Certains craignent également que la participation se traduise par une confiscation

des mécanismes de décisions par des activistes ou par des groupes d'intérêts.

Des distorsion peuvent aussi apparaître sur le plan du partage du pouvoir entre les décideurs et

les citoyens. Thibaut ( 1996) énonce les conditions qu'il estime être nécessaires pour assurer la

qualité des démarches de participation et éviter que de telles distorsions se produisent. il

souligne notamment qu'il doit y avoir une décision il venir qui porte sur un objet significatif.

que le processus. régit par des règles du jeu claires, doit être décidé par des élus qui acceptent

d'être influencés, qu'il y ait un véritable débat public. que les citoyens soient informés et

qu'un suivi adéquat des décisions soit assuré.

il existe une variété de conceptions du rôle que la participation des citoyens devrait jouer sur

I'évolution du système politique. D'un côté. la démocratie de participation peut être conçue

comme un simple complément destiné à revivifier le système politique actuel. De l'autre, les

mécanismes de démocratie directe seraient appelés à remplacer la démocratie représentative.

Un représentant de la première tendance est Pierre Richard, un haut fonctionnaire qui milite en

faveur de la politique de décentralisation française. il fait le constat qu'en France. depuis la

rupture de mai 1968. «Les citoyens ne veulent donc plus se contenter de déléguer la pan de

souveraineté qu'ils détiennent : ils entendent participer aux choix qui engagent leur avenir, en

comprendre les raisons; ils veulent qu'on leur rende des comptes, qÿ'on évalue les résultats,

que l'utilisation de l'argent public soit contrÔlée.»(l995: 107) Mais selon lui, il faut une

évolution du système actuel. pas une révolution. Cette évolution doit se traduire par la

délégation importante des pouvoirs aux politiciens locaux. Les citoyens se venaient quant à

eux offrir ce qu'il appelle un droit d'interpellation. Ce droit, qui somme toute apparaît d'une

portée bien limitée, se traduirait par l'obligation faite aux conseils municipaux de traiter les

questions soumises par les citoyens. Il se refuse envisager l'instauration de mécanisme

extensif de démocratie directe qui signifierait l'abandon de la démocratie représentative. II

peut d'ailleurs sembler normal que cet auteur, qui a occupé des postes importants dans des

organismes gouvernementaux, ne souhaite pas un bouleversement complet des institutions.

Page 34: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

À l'autre extrême. on retrouve le courant de l'écologie sociale. qui est notamment défendu par

Murray Bookchin (1993). L'écologie sociale prône l'accroissement du pouvoir des

communautés. dans une perspective écologique. Roussopoulos. un économiste et militant

écologiste. ne cache pas son parti-pris pour cc courant. «Se!on la théorie de l'écologie sociale.

la municipalité est le lieu naturel du changement social, politique et environnemental;

['arrondissement. la cité ou la ville sont conçus comme étant la base d'une nouvelle politique

démocratique.» ( 1994 : 1 13) L'écologie sociale ne propose pas une simple decentralisation des

pouvoirs de l'État vers les municipalités, mais une transformation des institut ions existantes.

contrairement aux 6cosocialistes. même ceux du courant libertaire. l'écologie sociale définit

clairement et fonde une administration de rechange efficace et complète qui s'oppose à l'État

central sur tous les plans.» ( 1994: 1 14)

Pourtant. la défense des milieux naturels n'implique pas nécessairement la participation des

citoyens et encore moins une transformation du systhme politique. En effet. en fonction des

paradigmes qui se sont formés en réaction A la dégradation de l'environnement, la participation

apparaît plus ou moins justifiée. Pour le paradigme écocentrique. une vie communautaire

développée et une démocratie directe est indispensable pour se réconcilier avec

l'environnement. Par contre, pour le paradigme technocentrique. une autorité politique forte et

les institutions existantes permettront, avec quelques adaptations, de contourner les problèmes

environnementaux grâce développement des techniques (voir Guay. 1993).

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1.5.3.2 Le développement durable

La participation des citoyens à la gestion de l'environnement est intimement liée au concept de

développement durable (ou soutenable4), dont l'objectif principal est d'assurer le

déve!oppement des pays pauvres tout en évitant les crises 6cologiques. Ce concept a été

popularisé par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (CMED).

qui a été formée par l'organisation des Nations Unies (ONU) en réaction à l'émergence de

problèmes sociaux et environnementaux globaux. La CMED a réuni 2 1 persowes qui

représentaient des pays occidentaux, de l'Est, et en voie de développement, mais qui étaient

indépendantes de leurs gouvernements respectifs. En 1987, la CMED présentait son rapport,

connu sous le nom de rapport Brundtland, dans lequel étaient présentés les principes du

développement durable. Ce concept y était défini en ces termes : «Le développement

soutenable, c'est s'efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacitç

de satisfaire ceux des générations futures.» (CMED. 1989, p.47) Cette définition.

suffisamment vague pour laisser la place à diverses interprétations, témoigne de la difficulté

qu'ont eu les membres à atteindre un consensus sans heurter les sensibilités nationales.

Le concept de développement durable a consacré l'alliance entre la protection de

I'environnement et la participation des citoyens. En effet, la mise en oeuvre du développement

durable suppose des systemes politiques favorisant la participation ainsi qu'une

démocratisation des prises de décisions au niveau local. La phrase «Penser globalement, agir

localement», résume bien la philosophie de la CMED dans ce domaine.

A elle seule. une loi ne sufit guère pour faire respecter l'intérêt commun. Ce qu'il faut, c'est l'appui d'un public informé - d'où l'importance d'une plus grande participation de celui-ci aux décisions qui peuvent avoir des effets sur L'environnement. Le moyen le plus eficace consiste à décentraliser la gestion des

' Un débat entoure la traduction de l'expression surtainnble developmnt. Pour certains, «développernent soutenable>, peut apparaître comme étant un calque de l'anglais. Pourtant cette traduction décrit mieux la philosophie proposée par la CMED, qui suggère d'ailleurs de l'employer. En effet, l'adjectif soutenable laisse entendre que le développement devra être conçu de telle sorte que ses conséquences soient tolérables. Ce vocable devient alon plus évocateur que l'expression «développement durablen qui est proposée par de nombreux auteurs. Nous préférerons malgré tout cette dernière, puisque son usage est largement plus répandu, particulièrement en Amérique du Nord.

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ressources en donnant aux collectivités leur mot à dire sur 1 'usage à faire de ces ressources. I l faudrait aussi promouvoir les initiatives des citoyens, donner du pouvoir am associations et renforcer la démocratie locale. ( CMED. 1989: 74)

Toutefois, plus d'une décennie après la publication du rapport Brundtland, l'idée de

développement durable reste difficile à traduire en actions. (voir Stren. White and Whitney.

1992) De plus, pour certains critiques. le développement durable n'est pas suffisamment

radical dans les solutions qu'il propose pour faire face à la crise écologique. Selon eux. ce

concept cherche à concilier l'inconciliable. le développement économique et la protection de

l'environnement, et représente tout simplement une contradiction impossible à surmonter.

Pour ceux qui croient le contraire. la participation des citoyens à la protection de

l'environnement peut dors être perçue comme une façon de mettre en pratique un concept qui

offre des pistes de solutions intéressantes pour faire face aux problèmes environnementûux.

Notre étude a donc pour objectif d'explorer et d'expliciter les logiques sociales qui ont permis

à la participation de la population de s'imposer dans le cadre du programme de restauration du

Saint-Laurent. Nous employons le pluriel il dessein car il ne faut pas voir dans cette évolution

la conséquence d'une logique sociale unique et inéluctable. ni une suite rationnelle

d'événements cohérents. il faut plutôt imaginer une dynamique portée par le choc de la

rencontre entre différentes rationalités qui guident les actions des acteurs, et par les compromis

qui en émanent. « Malgré sa fragilité, le compromis est le seul moyen de trouver une

transaction parmi les hommes qui se réclament de croyances et de valeurs opposées. voire

contradictoires. » (Freund. 1990. p.92) Comme cet auteur l'explique, le compromis, qui repose

sur l'établissement d'un rapport de force provisoire entre les acteurs. neutralise la lutte entre

les valeurs, permettant ainsi il chacun de vivre selon ses convictions. sans toutefois supprimer

cette lutte. Nous croyons que c'est en appréhendant la participation citoyenne comme étant un

compromis entre des acteurs qui sont orientés par différentes valeurs et qui poursuivent

différents objectifs que nous pourrons mieux comprendre la dynamique sociale qui a permis à

cette pratique de s'imposer.

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1.6.1 La technique de recherche

Nous avons privilégié l'emploi d'une approche qualitative. car nous croyons que cette

méthode est la plus appropriée pour mener à bien notre analyse. compte tenu de la nature de

nos hypothèses. Cette méthode autorise une plus grande flexibilité puisqu'elle permet

d'orienter la recherche dans de nouvelles directions à mesure que de nouvelles informations

sont obtenues. Nous avons travaillé sur la base d'entretiens semi-dirigés réalisés auprès de

différents acteurs impliqués dans les programmes de restauration du Saint-Laurent. Notre grille

d'entretien dtait constituée de questions semi-ouvertes destinées à permettre à l'enquêté de

parler librement et de nous décrire le sens de ses actions avec le moins d'entraves possibles à

la communication. Cette grille n'était pas figée et a quelque peu évolué en fonction des pistes

suivies au cours de I'enquête et en fonction du rôle des acteurs interrogés. Toutefois. la plupart

des sujets abordés sont restés les même tout au long de l'enquête. afin de rendre possible

l'établissement de comparaisons entre les informations obtenues auprès des différents acteurs.

Les questions qui ont été abordées au cours des entretiens (voir annexe B) visaient à susciter

des discours permettant d'expliciter les finalités et les systèmes de valeurs qui orientent les

actions des acteurs. Les questions ont notamment porté sur les avantages et les inconvénients

de la participation des citoyens. sur son avenir, sur l'évaluation des résultats du programme en

général et du volet Implication communautaire en particulier, ainsi que sur les relations entre

les acteurs touchés par ce programme.

Pour analyser les discours recueillis au cours des entretiens, nous avons utilisé la technique de

l'analyse de contenu thématique. Cette technique consiste à analyser et à comparer les discours

entre eux, à partir d'un découpage du corpus en fonction de thèmes liés à notre question de

recherche. Ces thèmes sont suffisamment étendus pour permettre de mieux conserver la

cohérence du discours des acteurs. La récurrence des informations dans les discours recueillis

nous donnera une idée de leur pertinence. Mais nous croyons qu'il ne faut pas s'arrêter à ce

critère faussement rassurant, qui risque d'occulter injustement certaines idées. Si un petit

nombre de répondants évoquent une idée, cela n'implique nullement que les autres n'y

adhèrent pas, mais simplement que la logique de leur discours les a amenes sur d'autres

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terrains. Nous nous intéresserons donc à toutes les idées émises qui fournissent des éléments

d'explication.

La recherche documentaire nous a permis de compléter nos informations. Les publications

officielles concernant le Plan d'action Saint-Laurent et Saint-Laurent Vision 2000 reproduisent

le discours officiel des organismes d'État. qu'il est interessant de comparer avec celui des

acteurs. Ces documents nous fournissent aussi la possibilité de mieux connaître l'évolution des

programmes et des discours au fil des années. Cela permet de compenser le fait que. comme

nous avons pu le constater lors de nos entretiens, la rotation de personnel cadre au sein du

programme de dépollution du Saint-Laurent est importante et qu'il est difficile d'obtenir des

informations sur les origines du programme.

1.6.2 LA POPULATION ET LES CATÉGORIES D'ACTEURS

Nous n'avons pas tenté pas d'établir un échantillon statistiquement représentatif de la

population, mais avons cherché à obtenir un éventail élargi de points de vue qui soit

caractéristique de la population que nous souhaitons étudier. Nous avons cessé de faire des

entretiens lorsque les informations obtenues ont commencé à devenir redondantes. Une

douzaine d'entrevues dont la durée a varié entre 45 et 90 minutes ont été effectuées (voir

annexe C). Nous avons regroupé les acteurs que nous avons rencontrés en trois catégories:

celle des gestionnaires. celle des mandataires et celle des participants. Bien sûr. d'autres

acteurs sont touchés par l'assainissement du Saint-Laurent, mais nous estimons qu'il ne serait

pas pertinent de nous intéresser aux discours d'autres catégories d'acteurs pour répondre à nos

objectifs de recherche. En effet, ce qui nous intéresse, ce sont les significations que les acteurs

associent aux <<activités citoyennesn auxquelles ils participent. et non la perception que les

<<autresu, les individus n'y participant pas directement, auraient de ces activités.

La catégorie des gestionnaires regroupe les fonctionnaires appartenant à l'organisation

administrative. L'administration de Saint-Laurent Vision 2000 n'est pas confiée il un

organisme gouvernemental en particulier. Ce sont des comités de gestion

intergouvernementaux regroupant des fonctionnaires issus de différents ministères du

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gouvernement du Québec et du Canada qui en sont chargés. La gestion du volet Implication

communautaire est confiée à Environnement Canada et à Pêches et Océans Canada, avec la

collaboration du ministère de l'Environnement et de la Faune (MEF) dont le rôle se limite

presque uniquement à siéger sur le comité d'évaluation des projets. Ce rôle restreint accordé

au gouvernement provincial s'explique par le fait que le financement de ce volet est assuré

uniquement par le gouvernement fédéral.

Les acteurs de la catégorie des mandataires appartiennent à des organismes non

gouvernementaux non autonomes. qui ont reçu pour mandat de mettre en oeuvre le programme

ZIP. Cette désignation peut paraître contradictoire, mais elle traduit l'ambiguïté de la situation

de ces organismes, indépendants du gouvernement en principe, mais qui reçoivent leurs

mandats et leur financement de l'organisation administrative. Ces organismes sont Stratégies

Saint-Laurent, dont le rôle est de coordonner les activités des comités ZIP. ainsi que les

comités ZIP eux-mêmes. Il est à noter que dans le cas des comités ZIP, le contrôle

gouvernemental (dont nous discuterons plus loin la portée) est indirect, car il s'effectue par le

biais de Stratégies Saint-Laurent.

Les acteurs de la catégorie des participants sont membres d'associations de citoyens. En

employant le terme association, nous faisons référence aux organismes non gouvernementaux

sans but lucratif. Plus ou moins structurées, les associations sans but lucratif possèdent une

capacité jundique limitée et il n'existe pas de différence du statut jundique des associations en

fonction de leurs visées. Cette visée se définit d'abord par la négative ; l'objectif principal

d'une association ne doit pas être celui de réaliser des profits. Si les associations qui nous

intéressent sont toutes concernées par l'état du Saint-Laurent, elles peuvent poursuivre des

objectifs très variés. En effet, dans le cadre du programme Interactions communautaires. on

retrouve aussi bien des clubs d'observation de la nature que des associations d'utilisateurs de

véhicules tout terrain. Une association d'horticulture intégre même à ses objectifs la

réinsertion sociale de prisonniers, en faisant participer ces derniers à des projets de protection

de l'environnement.

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L'engagement des citoyens dans Saint-Laurent Vision 2000 a pour caractéristique d'être

fortement lié au mouvement associatif. Mis à part les consultations publiques au cours

desquelles les citoyens peuvent intervenir à titre individuel, la participation des citoyens se fait

par l'intermédiaire d'associations. Contrairement aux acteurs de la première catégorie et à

certains appartenant A la deuxième. les membres des associations de citoyens n'occupent pas

de postes officiels d'autorité. ils ne possèdent donc pas de pouvoirs liés à leur statut. et, la

plupart du temps. ils ne sont pas rémunérés pour leur travail.

1.6.3 Des catégories perméables

Dans son étude des politiques publiques. Lemieux (1995) reprend l'idée de Kingdon selon

laquelle ni1 est difficile de tracer la frontière entre les acteurs qui sont 1' intérieur de l'appareil

gouvernemental et ceux qui sont à l'extérieur. Des lobbyistes et des spécialistes sont en contact

fréquent avec des responsables et des agents. sans parler des représentants de groupes qui font

partie d'organismes consultatifs de toutes sones.» Mais, selon Kingdon. il reste nécessaire de

maintenir cette distinction en se basant sur le fait que l'acteur possède ou non un poste officiel

d'autorité.

Dans le cas qui nous intéresse. cette remarque est particulièrement pertinente. il est en effet

intéressant de constater que la transformation du rôle de la population et des associations a

pour conséquence de brouiller les limites des catégories d'acteurs traditionnelles qu'on

pourrait discerner dans I'étude des politiques de protection de l'environnement. Non seulement

de nouvelles catégories d'acteurs apparaissent, mais certains acteurs se retrouvent en porte-à-

faux entre deux catégcries. C'est le cas notamment de ceux qui font partie d'associations

créées et financées par l'État pour assumer la gestion de certains projets. Les acteurs qui

appartiennent à ces associations se retrouvent pratiquement en situation de conflit d'intérêts,

puisque celles-ci gardent quelquefois des liens très étroits avec d'autres associations dont les

intérêts peuvent diverger de ceux du gouvernement.

Parmi ces «associations en porte-à-faux», on retrouve Stratégies Saint-Laurent, qui est financée

par Saint-Laurent Vision 2000 et est chargée de coordonner les activités des comités ZIP, mais

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qui a été fondée par diverses associations écologistes. Un autre exemple, en France cette fois.

est celui de l'association Migrateur Rhône-Méditerramée, qui regroupe des fédérations de

pêcheurs et des associations écologistes, et qui a pour mandat de diriger les travaux de

réaménagement du fleuve et de ses affluents pour y permettre le retour des poissons

migrateurs.

Nous nous sommes donc heurtés au même problème que Kingdon et le critère que nous avons

retenu pour tracer une frontière entre la catégorie des gestionnaires et celle des mandataires est

celui du statut. gouvernemental ou non de l'organisme auxquels ils appartiennent. En ce qui

concerne la distinction entre les participants et les mandataires. elle réside dans le fait que les

ONG non autonomes, auxquels appartiennent ces derniers. ont reçu un mandat officiel de la

part du gouvernement et possèdent donc certaines ressources liées à ce statut.

1.6.4 Les intentions et les catégories d'acteurs

La reconnaissance des frontières que nous venons de tracer ne doit pas pousser à conclure que.

d'un côté de la frontière, il existe un discours des gestionnaires qui serait le reflet d'une

arationalité de l'État». et que de l'autre le discours des participants représente la rationalité des

associations. voire celle de la population. Il n'y a pas une logique de rationalisation unique

pour chaque catégorie, mais bien des logiques qui varient en fonction de chaque acteur. Cela

dit, nous nous attendons tout de même à voir des tendances se dessiner dans les discours en

fonction des catégories d'acteurs.

Nous posons que l'intention de dépolluer efficacement le fleuve se retrouvera aussi bien chez

les participants, chez les mandataires, que chez les participants. il ne faut pas s'étonner de voir

les acteurs des trois catégories orienter leurs actions en fonction de cet objectif. Ce qui nous

intéresse dans ce cas, c'est de savoir pourquoi la participation est perçue comme étant un

moyen efficace de restaurer le fleuve et quels sont les avantages que retirent les acteurs de la

réussite de ces actions. Par exemple, on peut supposer que les deux catégories les plus proches

des associations de protection de l'environnement, soit les mandataires et les participants sont

plus susceptibles d'être animés par des convictions écologiques, tandis que les gestionnaires

Page 42: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

souhaitent que l'état du fleuve s'améliore car ils sont redevables des résultats qu'ils obtiennent

auprès du gouvernement.

Pour ce qui est de l'intention d'assurer la reconnaissaiice de l'organisation administrative. nous

posons qu'elle se retrouve principalement chez les gestionnaires et chez les mandataires, qui

souhaitent préserver le statut qu'ils ont acquis. Quant à la volonté de diffuser des valeurs

démocratiques. nous posons qu'elle se retrouve plus souvent chez les mandataires et les

participants. car les gestionnaires risquent d'éprouver des réticences à déléguer une partie de

leur pouvoir aux communautés.

Tableau 1.1 : Correspondance entre les catégories d'acteurs et leurs intentions : hypothèses

La riussite des actio La reco~aissance de restauration du fleuve i'orgarilsataon admiiustratwe

~ l 1

Page 43: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

LA RESTAURATION DU FLEUVE SAINT-LAURENT

À cause de l'importance qu'a eu le trafic maritime par le passé. de nombreuses grandes villes

sont situées le long des cours d'eau. Ce voisinage a eu des effets dévastateurs sur la qualité de

l'eau de ces fleuves et rivières. Les déchets industriels, les rejets non traités d'eaux usées

d'origine domestiques et industrielles ainsi que I'artificialisation des rives ont transformés au

fil des ans ces cours d'eau en véritables égouts à ciel ouvert. Le Saint-Laurent n'a pas échappé

à ces problèmes.

2.1 LE FLEUVE SAINT-LAURENT

Le Saint-Laurent est le premier fleuve en importance au Canada, si l'on considère son débit et

deuxième, après le Mackenzie, si l'on considère l'étendue de son bassin hydrographique. Les

données publiées dans le Rappon synthèse sur l'État de l'environnement permettent de saisir

l'importance de ce fleuve qui, d'un point de vue hydrographique. est difficile de dissocier de

I'écosysteme des Grands Lacs:

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Avec un bassin versant de 1.6 million de km2, le système hydrographique des Grands Lacs et du Saint-Laurent se classe au 13e rang des grands fleuves du monde, au 17e rang pour ce qui est de la longueur (3260 km du lac Supérieur au Détroit de Cabot) et au 16e rang pour le débit moyen annuel (12 600 m% à la huuteur de Québec). Ce système draine plus de 25 p. 100 des réserves mondiales d 'eaii douce.

(Centre Saint-Laurent, 1996: 4)

Mais l'importance du Saint-Laurent ne se limite pas à son débit ou à son étendue. Le fleuve

revêt une grande importance historique, car il constitue une importante porte d'entrée du

continent. Avant même l'arrivée des Européens. des communautés autochtones s'étaient

etablies sur les rives du Saint-Laurent, profitaient de ses ressources et l'utilisaient pour leun

déplacements. Aujourd'hui. la grande majorité des Québécois habitent le long de ses rives et i l

est le support à une activité économique intense.

2.1.1 Les caractéristiques physiques du fleuve

Le Saint-Laurent prend sa source dans les Grands Lacs qui lui fournissent une pan importante

de son débit. Après un parcours de plus de 1 500 km. il se jette dans l'océan Atlantique. Tout

au long de son cours, l'aspect du fleuve se transforme fréquemment. d a configuration est très

variable, allant du chenal étroit à un vaste golfe. en passant par des rapides et des

élargissements naturels [...] Sa largeur passe d'A peine 1 km un peu en amont de Québec à 70

km à la hauteur de Baie Corneau.» (Canada, 1991: 19-5) Afin de mieux décrire ses

caractéristiques, le fleuve peut être divisé en cinq grandes parties. La première, le tronçon

fluvial, qui est la partie du fleuve comprise entre la sortie du lac Ontario et lac Saint-Pierre, ne

subit pas l'effet des marées. De nombreuses îles. des rapides et des lacs se trouvent sur son

parcours. dont la dénivellation est accentuée. Dans la partie dite de l'estuaire fluvial, qui

débute à la sortie du lac Saint-Pierre et se termine à la pointe est de l'île d'Orléans, le fleuve

est plus étroit. Il est aussi moins sinueux, ses rives sont plus escarpées et l'influence des

marées commence Zi s'y faire sentir. Le moyen estuaire. de la pointe Est de I'île d'Orléans au

Saguenay, est une zone de transition parsemée d'îles où l'eau devient saumâtre, puis salée, et

où la profondeur commence augmenter. Dans l'estuaire maritime et le golfe, le Saint-Laurent

s'élargit considérablement et devient un milieu marin d'une très grande étendue.

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En raison de cette diversité géomorphologique, les écosystèmes du Saint-Laurent sont riches

et variés. Le fleuve traverse des milieux physiques très variés qui servent de suppon à une

flore riche. Quelques espèces sont rares ou même menacées de disparition. Certains milieux du

Saint-Laurent attirent de nombreuses espèces animales, que ce soit les poissons et les

invertébrés qui vivent dans ses eaux ou les oiseaux et les mammifères qui fréquentent ses

rivages. il ne fait pas de doute que le Saint-Laurent présente un intérêt écologique majeur.

2.1.2 Les aspects socio-économiques

L'importance du Saint-Laurent comme voie de communication a poussé les populations 3.

s'établir dans Ia vallée du Saint-Laurent. (Voir Lasserre, 1980) Par la suite, les chemins de fer

et les routes, qui ont été construites suivant le même axe, ont continué d'orienter la répartition

géographique de la population. Aujourd'hui, 60% de la population du Québec vit dans la

vallée du Saint-Laurent, et particulièrement dans la zone du tronGon fluvial. qui est la plus

urbanisée. (Centre Saint-Laurent. 1996) Les entreprises industrielles s'y sont aussi implantées.

si bien que les régions que le fleuve traverse sont parmi les plus fortement industrialisées du

continent. Les activités de ces entreprises sont très diversifiées. mais relèvent principalement

du secteur secondaire.

Le fleuve Saint-Laurent, qui a été aménagé pour y permettre la navigation sur tout son cours.

supporte un trafic maritime intense. La voie maritime du Saint-Laurent. une voie navigable a

grand gabarit entre Montréal et les Grands Lacs. permet de relier l'Atlantique au centre de

l'Amérique du Nord. Elle a été construite par le Canada et les États-unis au cours des années

1950.

Les terres fertiles du Québec se retrouvent en bonne partie dans la vallée du Saint-Laurent, le

long du fleuve et de ses tributaires. La culture et l'élevage y sont des activités particulièrement

présentes. Par ailleurs, la pêche commerciale était autrefois une activité majeure qui a permis

le dBveloppement de l'Est du pays. Bien qu'a l'échelle de la province la pêche commerciale ne

constitue plus qu'une activité économique marginale. etle demeure néanmoins une activité

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essentiel le pour certaines collectivités. Aujourd'hui. la pêche commerciale est essentiellement

concentrée dans l'estuaire et le golfe.

La vocation récréative et touristique du fleuve se développe depuis quelques années. Dans

certains cas. i l serait plus exact de dire qu'elle se redéveloppe. On y pratique des sports

nautiques. lû pêche sportive. la chasse ou l'observation de la faune et la popularité des

croisières augmente. Dans certaines villes. les parties anciennes des pons sont maintenant

accessibles au public et des parcs ainsi que des pistes cyclables ont été aménagés sur les rives.

Certaines plages sont ouvertes h la baignade, même si cette activité reste interdite à bien

d'autres endroits à cause de la pollution de I'eau ou de la contamination des sols.

2.1.3 Les impacts des activités humaines sur le fleuve

Toutes les activités humaines que nous venons de décrire ont des répercussions sur I'état du

Saint-Laurent. ils soumettent les écosystèmes à des contraintes qui menacent leur iquilibre.

Nous ne décrirons pas ici de façon détaillée les dégradations du fleuve. cela ne servirait pas

notre propos. Les pages qui suivent ne se veulent donc pas un examen exhaustif de I'état du

fleuve, mais un survol de la situation. Ce bref exposé des principaux problemes auxquels est

confronté le fleuve vise nous permettre de saisir quels sont les problèmes environnementaux

auxquels les gestionnaires de SLV2000 tentent de répondre.

Un des problèmes les plus préoccupants est celui de la pollution de l'eau. La qualité de l'eau

du fleuve est affectée par les rejets d'eaux usées non traitées d'origine domestique, agricole. ou

industrielle. Certains secteurs d'activités ont des impacts plus préoccupants sur I'état du

fleuve. Les industries de transformation des matières premieres. telles la pétrochimie et les

pâtes et papier, ou encore le secteur de l'agriculture sont des sources majeures de pollution.

Les diverses formes de pollution de I'eau peuvent dégrader les milieux de différentes

manières. Par exemple, la pollution organique et toxique peut entraîner la réduction des

fonctions vitales chez certaines espèces animales et végétales et, dans Ies cas les plus graves,

entraîner la disparition d'espèces. La pollution fertilisante entraine une prolifération d'algues

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et la diminution de la teneur en oxygène, occasionnant ainsi une déterioration du milieu de vie

de certaines espèces. La pollution microbienne susci te apparition d'organismes pathogènes

porteurs de maladies. Le taux de contamination varie beaucoup d'un secteur à l'autre du fleuve

en fonction de la localisation des sources de pollution et des mouvements complexes des

masses d'eau. Aussi. les problèmes de pollution sont souvent localisés et varient en fonction

des régions.

Un autre facteur de dégradation est la modification des milieux physiques. De nombreux

aménagements ont bouleversé le cours du Saint-Laurent. particulièrement dans son tronçon

fluvial. Un des aménagements qui a irrémédiablement transformé le fleuve est la voie

maritime. Celle-ci qui comprend des barrages, des écluses et des canaux, qui modifient

profondément l'écoulement des eaux. Par exemple, un peu en amont de Montréal. 84% du

débit du fleuve a été détourné de son cours et s'engouffre dans le canal de Beauhamois.

(Canada, 1997) En outre. de Montréal jusqu'à 30 km en aval de Québec. les hauts-fonds

doivent être dragués régulièrement, pour permettre le passage des gros navires. Ce chenal, qui

accélère et concentre le courant. crée un véritable mur d'eau que certaines espèces de poissons

n'arrivent pas it traverser. Les résidus du dragage sont également source de problèmes. Parfois

contaminés, ils sont redéposés ailleurs dans le fleuve pour créer des îlots artificiels. ou sont

rejetés en eau libre. D'autres stnictures contribuent également à modifier l'écoulement des

eaux, notamment les quais. les estacades, ou même des îles artificielles, telles que l'île Notre-

Dame à Montréal. Quant aux barrages hydroélectriques. ils peuvent causer en amont une

sédimentation du lit du fleuve, et ils constituent un obstacle aux migrations des poissons.

Un autre problème majeur auquel fait face le fleuve est celui de la disparition des milieux

naturels. De nombreux écosystèmes qui le bordent ont disparu, mettant ainsi en péril les

espèces qui y vivent. Certains milieux ont carrément été détmits par les ouvrages décrits

précédemment, par I'ass&chement des marais (dans le but d'utiliser les terrains ainsi récupérés

pour l'agriculiure ou la construction) ou la construction de routes et d'autoroutes en remblai

sur les rives. De plus, les variations du débit du fleuve se trouvent artificialisées par les écluses

et les barrages, et ces variations dépendent plus de critères économiques que de facteurs

naturels. Pourtant, les variations saisonnières du niveau de l'eau sont essentielles à la survie

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des milieux humides, qui sont des habitats propices à l'alimentation et h la reproduction des

espèces.

La navigation commerciale présente également des inconvénients. Des déversements mineurs

se produisent régulièrement et les risques de déversements plus graves sont accentués par le

fait que la navigation est difficile. De plus, les fortes vagues causées par les fréquents passages

de bateaux détruisent la végétation riveraine, accélèrent l'érosion et brassent les sédiments

contaminés. La navigation commerciale est également responsable de l'introduction d'espèces

exotiques. telles que la moule zébrée, qui peuvent avoir des effets néfastes pour les milieux

naturels.

Quant aux activités récréatives et touristiques. elles ne sont pas sans avoir d'impacts néfastes

sur l'état du fleuve. Ces impacts sont sunout attribuabies à la navigation de plaisance. Par

exemple, l'observation des baleines de trop près et par de trop nombreux bateaux peut

indisposer ces mammifères. La prolifération des embarcations motorisées a aussi des

répercussions sur les écosystèmes. Les moteurs des bateaux laissent échapper des

hydrocarbures et le bruit qu'ils émettent peut avoir pour conséquence d'effrayer les animaux et

de les forcer à modifier leurs habitudes. Les motomarines aggravent ce problème car elles

peuvent endommager des milieux jusqu'alors inaccessibles aux embarcations motorisées.

À cause de toutes ces perturbations d'origine humaine. de nombreuses espèces animaies ou

végétales du fleuve sont menacées. en voie de disparition, ou tout simplement disparues. Cette

situation constitue non xulement une menace pour la biodiversité, mais est également un

symptôme du grave d6séquilibre écologique qui touche le Saint-Laurent.

2.1.4 Les impacts sur les êtres humains

Les bouleversements de l'équilibre écologique ont aussi des conséquences pour les

populations humaines. En effet. les riverains sont en contact avec l'eau du fleuve lorsqu'ils s'y

baignent ou lonqu'ils boivent de son eau. ils peuvent également être exposés aux

contarninants lonqu'ils mangent des poissons qui y sont pêchés. Plusieurs usages du fleuve

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sont maintenant perdus, ou compromis. Les communautés riveraines ne peuvent plus profiter

de tout ce que le fleuve pouvait leur apporter par le passé. Par exemple, la baignade et la

pratique de sports nautiques ont été interdites en plusieurs endroits. De nombreux accès au

fleuve ont été bloqués. L'effondrement de cenains stocks de poissons a aussi gravement

affecté l'industrie des pêches, ainsi que la peche sportive.

De plus, plusieurs villes puisent leur eau potable dans le Saint-Laurent, dont I'eau ne peut être

bue sans traitement. La pollution de I'eau fait augmenter les coûts de filtration, ou oblige les

villes à chercher de nouvelles sources d'approvisionnement. Même pour les entreprises

industrielles, la pollution de I'eau du fleuve est problématique. Certains procédés de

fabrication exigent une eau de grande qualité. et la présence de contaminants, qui doivent

parfois être éliminés par des procédés coOteux, fait augmenter les coûts de production.

La pollution du fleuve a aussi des effets sur la santé humaine, mais ceux-ci restent à être mieux

documentés. D'ailleurs. un volet de Saint-Laurent Vision 2000 est consacré à cette question.

Finalement, i l ne faut pas négliger la pollution visuelle, qui sans être toxique, est

incommodante pour ceux qui y pratiquent leun loisirs ou qui fréquentent ses abords.

2.2 La prise de conscience

Au cours des années 1970. en réaction au dépérissement du fleuve Saint-Laurent, un

mouvement en faveur de sa protection a commencé à se faire sentir. Les milieux scientifiques

ont fortement contribué à cette prise de conscience en publiant des rapports et des études sur

les effets de la pollution. qui ont fait retentir la sonnette d'alarme. La naissance puis la montée

du mouvement écologiste et le dkveloppement de préoccupations environnementales au sein

de la population ont aussi participé à ce mouvement.

Étonnamment. des arguments économiques ont aussi joué en faveur de la protection du fleuve.

Selon des témoignages que nous avons recueillis lors de notre enquête. certaines entreprises

ont pris l'initiative de diminuer leurs rejets. en étant souvent conscientes qu'elles ne faisaient

là que se conformer à l'avance à des n o n e s qui seraient inévitablement un jour ou l'autre

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imposées. Souvent. il s'agissait aussi pour elles de protéger une image qui risquait d'être ternie

par d'éventuelles catastrophes. Mais les entreprises tiraient aussi des avantages importants de

la transformation de leurs procédés de fabrication. En effet. les améliorations apportées aux

équipements permettent souvent d'augmenter la productivité et d'éviter an gaspillage de

matières premières.

L'évolution des modes de vie, notamment en favorisant le développement d'activités de loisirs

qui prennent place sur ou à proximité de lacs, de rivières ou de la mer . a aussi joué un rôle

dans cette pise de conscience. D'ailleurs, le mouvement en faveur de la protection des cours

d'eau a particulièrement touché les pays industrialisés, où le développement des activités de

loisirs est le plus perceptible. En Europe, par exemple, des efforts ont été entrepris pour

assainir les cours d'eau et Barraqué explique en partie cette situation par l'évolution des modes

de vie. «Depuis une vingtaine d'années. partout en Europe, l'eau. qui tendait être cachée.

voire niée. par la civilisation urbaine, à part le moment où elle sonait des robinets pour

rejoindre l'égout, est socialement ~revisibiliséem, en particulier parce qu'elle est valorisée par

le développement du salariat et des loisirs. ( 1992b: 4 1)

2.3 L'action

Face au constat de la dégradation du Saint-Laurent, qui préoccupait une partie de plus en plus

grande de la population, les gouvernements ont décidé d'intervenir. Des lois ont été adoptées

et des programmes ont été créés afin de protéger le fleuve. La Loi sur les pêcheries, adoptée

par le gouvernement au cours des années 1970 puis rebaptisée Loi sur les pêches, a permis de

réglementer les effluents de plusieurs secteurs industriels. Puis, .en 1978. le gouvernement du

Québec met sur pied le programme d'assainissement des eaux du Québec, programme qui

couvre les secteurs urbain. agricole et industriel, qui s'est notamment traduit par la

construction d'usines d'épuration des eaux usées. On prdvoit que grâce ià ce programme, au

tournant du siècle, plus de 90 1 des eaux usées devraient être traitées avant d'être rejetées

dans les cours d'eau. Plus récemment, le Programme provincial de réduction des rejets

industriels est venu se rajouter i ces mesures.

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2.3.1 Le Plan d'action Saint-Laurent

Mais ces lois et ces programmes restaient des approches ponctuelles et éparpillées. et la

nécessité d'avoir une approche globale s'est rapidement fait sentir. il était nécessaire de

coordonner les efforts des intervenants et de définir des stratégies globales d'intervention.

d'éliminer les chevauchements administratifs ainsi que la duplication des programmes et des

intervent ions. De plus, dans un contexte de restrictions budgétaires, il était avantageux pour

ces intervenants de mettre en commun leurs ressources humaines et financières. Une entente

administrative a été signée entre les gouvemements du Canada et du Québec, dans le but de

permettre la concertation des actions gouvernementales touchant le Saint-Laurent.

Cette entente s'est traduite en 1988 par la mise en place du Plan d'action Saint-Laurent,

programme qui s'est poursuivi jusqu'en 1993. Le Plan d'action des Grdnds lacs a servi de

modèle dans son élaboration. Au cours de cette période, les gouvernements ont dépensé près

de 1 13 millions de dollars pour le plan d'action, soit 83.4 millions versés par le gouvemement

fédéral et 29.6 millions par le gouvemement provincial1. (PASL. 1993) Ce plan comportait

quatre volets. soit les volets Conservation, Restauration. Protection, et État du milieu. il fallait

alors parer au plus pressé. il a donc été décidé de s'attaquer en priorité aux rejets toxiques

liquides. et à la protection des habitats fauniques. Déjà, dans la phase 1, on assistait à certaines

innovations en matière de politique publique de protection de l'environnement. En effet, on

assistait à une première : les noms des 50 entreprises les plus polluantes étaient publiés par les

gouvernements afin de mettre une plus grande pression sur les industriels. Lors d'un colloque,

un des CO-présidents de l'entente f i lma i t d'ailleurs:

Nous avons osé miser sur le pouvoir de l'opinion publique. C'était la première fois en 1 988 que les gouvernements osaient publier les noms des entreprises polluantes ainsi que ce qu'elles rejetaient. Lu publication de la liste des 50 établissements industriels les plus polluants a été très dérangeante pour ces dernières mais a constitué pour nous l'anne la plus eficace sur le plan de l'atteinte des objectifs et des résultats, plus efficace même que la réglementation (Guimont, 1996 : 260)

l il faut ajouter à cette somme les 54 millions dépensés par le gouvemement du Québec pour l'assainissement des eaux usées industrielles. Cette somme n'est pas comprise dans le budget du PASL, car ce projet n'est pas intégré au plan d'action.

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De plus, Environnement Canada et le ministère du Loisir de la Chasse et de la Pêche (MLCP)

de l'époque s'engageaient publiquement à atteindre des objectifs chiffrés. Selon Guimont. il

s'agissait encore là d'une première. Ces objectifs ont été formulés de façon à ce qu'ils soient

facilement compréhensibles par le public. ce qui démontre encore une fois l'importance que

les gestionnaires accordent à l'opinion publique. nDonc, les médias, le public et les groupes

disposaient de point de référence et de repères précis sur quoi ils pouvaient se baser pour

évaluer notre performance et t'atteinte des objectifs.» (p.260) Les cinq objectifs principaux qui

ont été établis sont les suivants:

riduire dr 90 p. IO0 k s rejets liquides toxiques des 50 étublissements industriels prioritaires pour 1 993;

mettre en oeuvre des plans de restauration pour des sites contaminés ainsi que pour des milieux humides;

mettre sous protection cinq mille hectares d'habitats fauniques et créer un parc marin à L'embouchure du Saguenay;

daborer el mettre en application des plans de rétablissement pour certaines espèces menacées et;

réaliser un bilan de l'état de l'environnement du fleuve Saint-Laurent

(PASL, 1993: 4)

Le PASL a permis d'obtenir certains résultats encourageants. Par exemple, au terme de cette

première phase, les rejets des 50 entreprises les plus polluantes ont été réduits de près de 75%,

soit un peu moins de l'objectif fixé. En outre, plus de 5 000 hectares d'habitats fauniques ont

été mis sous protection. Toutefois, beaucoup d'autres problémes restaient préoccupants et de

nombreuses interventions n'étaient encore qu'il l'étape des études.

2.3.2 Saint-Laurent Vision 2000

En avril 1994, le Plan d'action Saint-Laurent était reconduit pour une deuxième phase sous le

nom de Saint-Laurent Vision 2000 (SLV2000). Quelques mois se sont écoulés entre la fin de

la première entente et la signature de la deuxième. Ce flottement est attribuable aux difficultés

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rencontrées au cours des négociations entre les différents partenaires. Les négociations dans ce

domaine touchent en effet à des points sensibles concernant les pouvoirs et les champs de

compétences de deux paliers de gouvernement. et bien sûr. des questions délicates concernant

le financement des activités. Dotée d'un budget de 191 millions de dollars. soit 100 millions

fournis par le gouvernement fédéral et 91 millions par le gouvernement du Québec. cette

entente est d'une durée de cinq ans et son échéance est Ie 3 1 mars 1998.

La deuxième phase de l'entente cherche à poursuivre le travail entrepris. mais elle vise aussi à

atteindre de nouveaux objectifs. L'approche se veut plus globale. en fait plus liée à la nature

même des écosystèmes. Concrètement, cette volonté se traduit par l'élargissement du

programme à sept rivières tributaires du Saint-Laurent et par de nouveaux domaines

d'intervention. De nouveaux volets se sont donc ajoutés à ceux de la première phase. Comme

dans la première phase, des objectifs concrets et mesurables ont été associés à chacun des

volets. Les quatre volets du PASL se retrouvent dans SLV2000:

-le volet Biodivenité : nommé volet Conservation dans la phase 1, il a été renommé pour

reprendre un terme qui reflète une préoccupation très actuelle des milieux environnementaux.

Mais son but reste le même, soit la conservation des habitats et la sauvegarde des espèces

menacées.

-le volet Protection : avec ce volet. SLV2000 poursuit l'objectif du PASL de réduire des rejets

liquides toxiques. Ainsi. 56 usines. dont certaines situées le long des tributaires du fleuve.

viennent s'ajouter au 50 faisant l'objet d'un suivi. De nouvelles substances toxiques.

persistantes et biocumulatives sont aussi visées. Diffbrentes méthodes d'interventions sont

employées, soit l'évaluation des rejets, l'application de la réglementation, ainsi que le

développement et la promotion de nouvelles techniques moins polluantes.

-Le volet Restauration : il garde son nom et sa vocation: la restauration des sites dégradés. O

complète le volet Biodiversité et consiste en la réalisation de projets pilotes de reconstitution

d'habitats fauniques. Ces projets ont pour but de développer une expertise dans la restauration

des sites, qui pourra être appliquée 2 une plus grande échelle par la suite.

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-Le volet Aide a la prise de décision : nommé État du milieu dans la phase 1. I'objectif de ce

volet est la production et la diffusion de connaissances scientifiques sur le Saint-Laurent. Par

le développement d'outils de gestion. de mesures d'écotoxicologie. et la production du

Rupport-synthése sur 1 'étar du Saint-Laurent. i l permet de fournir un soutien analytique aux

autres volets.

À ces volets s'ajoutent les trois suivants:

-Le volet Assainissement agricole : ce volet est consacré à la réduction de la pollution

d'origine agricole. Étant donné la complexité de cette problématique et. comme certains

témoignages l'ont laissé entendre. la résistance plus forte que prévue du milieu agricole.

I'objectif de réduire la pollution de 50% a rapidement été abandonné. Les activités se sont

plutôt concentrées sur la recherche de connaissance, la sensibilisation et la mise en place de

projets pilotes.

-Le volet Santé : l'objectif de ce volet est d'améliorer les connaissances sur les effets de la

présence des contaminants sur la santé humaine, en fonction de trois usages. soit la

consommation de poissons et fruits de mer, la consommation d'eau potable et la pratique

d'activités récréatives. Pour ce faire, des études ont été réalisées, et la population a Çté

consultée et informée.

-Le volet Implication communautaire : Ce volet qui est l'objet de notre étude et que nous

décrirons en détail plus loin, vise B appuyer la participation des populations locales dans la

mise en valeur du Saint-Laurent.

2.3.3 La structure administrative

Le PASL et SLV2000 regroupent des organisations gouvernementales dont les activités ont un

lien avec le fleuve. Les ministères fédéraux et provinciaux qui ont participé à la première

phase sont : Environnement Canada, le ministère de l'Environnement du Quebec et le MLCP,

qui étaient chargés de la gestion de l'entente, ainsi que Pêche et Océans Canada et industrie,

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Science et Technologie Canada (ISTC). qui contribuaient à certains volets. Avec deuxième

phase de l'entente. de nouveaux organismes gouvemementaux se sont associés au plan

d'action. Au niveau fédéral, Santé Canada, Agriculture et Agroalirnentnire Canada, le

ministère du Patrimoine canadien. ainsi que le Bureau fédéral de développement régional, se

sont rajoutés. L'ISTC n'apparaît toutefois pas dans la liste des partenaires gouvemementaux

de SLV2000. Du côté provincial, le ministère de la Santé et des Services sociaux, celui de

l'Agriculture. des Pêcheries et de l'Alimentation se sont joints au MEF, issu du regroupement

du MLCP et du ministère de l'Environnement du Québec.

Ces organismes ont des mandats variés, qui peuvent parfois entrer en conflit. Dans certains

dossiers épineux. il peut être difficile de trouver un terrain d'entente entre des ministères aux

intérêts divergents. Par exemple. dans le dossier de la pollution agricole, on peut penser qu'il

est difficile de concilier les attentes des ministères responsables de I'agricul ture et celles des

ministères chargés de la protection de l'environnement. Pour faciliter la concertation entre ces

intervenants, la structure de gestion a donc été pensée de façon à permettre aux organisations

participantes de prendre part aux prises de décisions et ih la gestion du plan. dans les domaines

qui les concernent.

Malgré la multiplication des domaines d'intervention et des volets, la structure de gestion de

SLV2000 est restée la même que celle du PASL. Comme nous l'avions mentionné,

l'administration du PASL et de Saint-Laurent Vision 2000 n'a pas été confiée à un organisme

gouvernemental particulier, mais plutôt des comités intergouvernementaux. Ainsi. le

«Comité de gestion de I'ententeu qui est composé de représentants des ministères fédéraux et

provinciaux participmü est chargé de définir les grandes orientations du plan.

L'administration de chaque volet est assurée par un «comité d'harmonisation». lui aussi

composé de représentants des organismes qui y participent. Les comités d'harmonisation sont

chargés de définir la nature des actions à entreprendre pour atteindre les objectifs définis par le

comité de gestion et de veiller A leur mise en oeuvre.

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2.3.4 L'émergence de la participation de citoyens

La première phase du plan d'action ne comportait pas de volet consacré à l'engagement de la

population. Mais déjà, la volonté du gouvemement de faire participer la population qui était

énoncée dans le Plan vert du Canada et les initiatives des groupes environnementaux

annonçaient la mise en place de programmes pour institutionnaliser cette participation.

Publié en 1990. le Plan vert du Canada est un document qui expose la politique

environnementale du Gouvernement canadien. Ce plan. qui concerne le gouvemement du

Canada dans son ensemble et non seulement Environnement Canada. a l'ambition d'engager le

gouvernement sur la voie du développement durable. Il présente des orientations générales qui

devront guider le gouvemement ainsi que des programmes avec des objectifs plus précis. il

propose aussi de modifier en profondeur les processus décisionnels des institutions politiques

et économiques dans le but de prendre en compte les facteurs liés à l'environnement. Le

gouvernement y affirme son intention de promouvoir la concenation entre les intervenants. et

la participation de la population. il prend l'engagement de développer le partenariat avec les

associations de protection de l'environnement ainsi que les autres ONG soucieuses de

l'environnement. Concrètement, le gouvemement s'engage à financer les groupes écologistes

qui veulent participer à des processus de consultation et de planification. il s'engage

également à appuyer les projets des associations de protection de la nature et à favoriser la

consultation et l'échange d'informations entre les différents partenaires.

De leur côté, les associations de protection de la nature souhaitaient aussi que se développe la

participation de la population. A l'initiative du milieu, une première expérience de

participation du public à la gestion du fleuve prenait place dans la région de Montréal avec la

création du comité ZIP du lac Saint-Pierre. Cette expérience a donné lieu à une consultation

pilote qui s'est tenue en février 1992. À peu près au même moment, un organisme voué à

promouvoir la concertation des communautés, Stratégies Saint-Laurent* était fondé en 1988

par des groupes écologistes. La voie était tracée pour le volet Implication communautaire.

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2.3.5 La participation des citoyens dans SLV2000

Dans le cadre de Saint-Laurent Vision 2000. la participation de la population a pris un

caractère officiel. Avec la mise en place du volet Implication communautaire. le recours à la

participation des citoyens et des association s'est institutionnalisé. Cette participation s'y

présente sous différentes formes. Elle se concrétise par des activités axées soit sur la

consultation et la concertation des communautés, dans le cadre du programme ZIP. soit par des

interventions directes sur la nature, dans le cadre du programme Interactions communautaires.

11 importe aussi de souligner la mise en place toute récente du Comité consultatif qui est une

autre structure de consultation. mais qui ne fait pas partie du volet Implication communautaire

2.3.5.1 Le programme ZIP

Le programme ZIP consiste en la réalisation de plans d'action locaux par des comités (les

comités ZIP) qui regroupent divers intervenants des communautés, parmi lesquels on retrouve

des associations de citoyens et de protection de la nature. Ces plans d'action contiennent la

liste des actions que les acteurs locaux jugent qu'il faut réaliser en priorité.

Le programme ZIP se déroule en trois étapes. Au cours de la première étape. des

fonctionnaires fédéraux et provinciaux sont chargés de produire un bilan environnemental

détaillé de chacune des Z1P. Ces bilans portent sur les aspects physico-chimiques et

biologiques du fleuve, sur les aspects socio-économiqiies de la région concemée ainsi que sur

la question de la santé humaine des populations riveraines. Ce diagnostic de l'état

environnemental des ZIP est produit par une équipe de spécialistes fédéraux et provinciaux en

rassemblant des données recueillies auprès de différents organismes gouvernementaux, et qui

jusqu'à maintenant restaient éparpillées dans diverses unités administratives.

Dans chacun des secteurs, un comité, regroupant des intervenants représentant différents

secteurs socio-économiques, peut être foxmé, à la demande du milieu. Ces comités ZIP ont

pour responsabilité de réaliser les consultations locales auxquelles sont conviés tous les

riverains de la zone concemée. Ces consultations constituent la seconde étape du processus.

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Au cours de celles-ci, le contenu des bilans est discuté et des priorités d'interventions sont

identifiées. La troisième étape consiste en la production. sur la base de ces priorités. d'un Plan

d'action et de réhabilitation de l'environnement (PARE). Ce sont les comités ZIP qui sont

responsables de la production de ce document. mais ceux-ci sont appuyés dans cette démarche

par des experts de SLV2Gûû.

En principe, ces PARE doivent déterminer quelles interventions seront réalisées par le

gouvernement. Toutefois. rien, dans aucun document. n'indique que ces plans ont une valeur

contraignante pour le gouvernement. Dans un article du bulletin d'information de SLV20ûû.

Jean-Yves Roy, coprésident du volet Implication communautaire restait d'ailleurs prudent sur

cette question. «Dans le plan qui fera éventuellement suite à S L V 2 0 , on ne pourra sans

doute pas tout faire, mais il faudra sans doute tenir compte des priorités établies par les

comités ZIP» (SLV2000, 1997c: 7)

Les distinctions obscures qui existent entre les limites des ZIP, les secteurs d'études. et les

territoires des comités ZIP tendent B créer une certaine confusion. Pour tenter de la dissiper.

rappelons que le fleuve Saint-Laurent ainsi qu'un affluent majeur, le Saguenay, sont divisés en

vingt-trois ZIF, qui couvrent en entier ces deux cours d'eau. Ce découpage est utilisé lors de

l'étape de production du bilan environnemental. Treize secteurs d'études, qui regroupent de

une à trois ZIP, sont constituées à partir de ce découpage. Ce regroupement par secteurs

d'étude est celui qui s'applique pour l'élaboration des PARE. Dans la plupart des cas. les

territoires des comités ZIP sont définis sur la base de ces secteurs d'études. Toutefois, le

territoire d'un comité ZIP ne concorde nécessairement avec les limites des secteurs d'études.

En effet, un comité peut couvrir deux secteurs d'étude, et donc participer à la réalisation de

deux PARE, tandis qu'un même secteur peut être couvert par deux comités.

Il semble que cette confusion soit symptomatique de la tension qui existe entre la volonté

d'avoir une vision écosystérnique, qui est mieux adaptée dans le domaine de la gestion de

l'environnement, et la base communautaire sur laquelle repose le programme. La nécessité de

favoriser la concertation des intervenants et la volonté d'enraciner cette politique

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environnemcntaie dans un dynamique locale peut justifier le recours à des divisions

administratives. En effet, les réseaux d'intervenants locaux se créent plus souvent à I'inténeur

d'une région administrative. Pounant. la pollution ne reconnaît pas ces frontières, et la gestion

par bassin versant est souvent présentée comme étant plus efficace. parce qu'elle est mieux

adaptée à la nature des écosystiimes. Les gestionnaires doivent donc trouver un point

d'équilibre entre ces deux visions.

La promotion du programme ZIP auprès des communautés a été confiée à Stratégies Saint-

Laurent (SSL). Fondé en 1989 par l'Union québécoise pour la conservation de la nature

(UQCN), en collaboration avec les principaux organismes environnementaux du Québec2, cet

organisme sans but lucratif a pour objectif de promouvoir la concertation avec les populations

riveraines du Saint-Laurent. L'organisme, qui a supervisé la création de tous les comités ZIP

sauf celui du lac Saint-Pierre, est independant et s'est autofinancé jusqu'en 1995. En avril de

cette année-la, il est devenu partenaire officiel de SLV2000, et son financement est depuis

assuré en presque totalité par SLV2000. Véritable interface entre l'organisation administrative

et les comités ZIP. son mandat est de superviser et coordonner les activités de ces comités.

2.3.5.2 Interactions communautaires

Ce programme a été mis sur pied pour encourager les groupes de citoyens à élaborer et A

mettre en oeuvre des projets de conservation, de restauration et de mise en valeur du Saint-

Laurent. Il offre aux associations la possibilité de poser des actions concrètes de protection et

d'amélioration de l'état de l'environnement. Les projets présentés par les associations doivent

être des initiatives à l'échelle locale qui contribuent directement à l'amélioration de

l'environnement du Saint-Laurent. Des études peuvent être réalisées. mais il faut qu'elles

' SSL regroupe aujourd'hui non seulement des groupes associations de protection de l'environnement, mais aussi quelques groupes à vocation socio-économique. En plus de I'UQCN, ces groupes sont la Société pour vaincre la pollution, la Corporation pour l'amélioration et la protection de l'environnement de Baie-Comeau, le Conseil régional de l'environnement du Saguenay/Lac-Saint- Jean, les Amis de la vallée du Saint-Laurent, Great Lakes united, le GIRAM, STOP, la Corporation de protection de septohes, la Société linéenne du Québec, la Corporation pour la mise en valeur du lac Saint-Pierre, la Confédération de syndicats nationaux et l'Association des régions du Québec.

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servent de base à la réalisation d'un projet précis. Les responsables d'interactions

communautaires refusent de financer les projets d'organismes qui souhaitent s'en tenir à faire

des activités de sensibilisation. Les projets doivent se traduire par des améliorations concrètes

des milieux naturels et il est nCcessaire que la population profite des améliorations.

Un comité de sélection de SLV2000, formé de représentants du gouvemement. des milieux

locaux et d'associations, est chargé d'évaluer les demandes. Si elles sont approuvées. des

budgets sont alloués par l'État pour que les membres de ces groupes puissent les réaliser. Le

financement octroyé par le gouvemement se limite à 70% de la valeur du projet, jusqu'à un

maximum de 200 000%. Afin de boucler le financement de leur projet. i l est donc nécessaire

que les associations soient financés par des partenaires locaux, qui peuvent leur offrir une aide

en argent, en services ou en équipement. La valeur du travail bénévole peut aussi être

comptabilisé pour atteindre le seuil des 30%. Toutefois, dans le cas d'études préalables à la

réalisation d'actions concrètes, la contribution pourra combler la totalit6 des coûts jusqu'à

concurrence de 10 000$.

2.3.5.3 Le Comité consultatif S t V 2 0

En juin 1996, une nouvelle stmcture s'ajoutait à Saint-Laurent Vision 2000. Le Comité

consultatif était alors fomé. Ce comité a pour tâche de transmettre les préoccupations de la

population en ce qui concerne la mise en oeuvre de SLV2000. il a pour mandat «[ ...] de

conseiller les gestionnaires fédéraux et provinciaux sur les orientations et les approches

d'intervention de SLV2000. Le Comité pourra également aborder toute question qui peut

influencer la poursuite de l'entente fédérale-provinciale.» (SLV2000, 1996, p.3) Cette

démarche s'inscrit dans l'approche participative. bien qu'elle ne fasse pas partie du volet

Implication communautaire. Se voulant représentatif des «publics intéresses par la

conservation du fleuvew(ibid.), ce comité regroupe une trentaine de personnes issues de

différents secteurs socioéconomiques. Ses réunions sont ouvertes au public.

Afin d'assurer son indépendance par rapport à l'organisation administrative, le Comité

consultatif nlint&gre aucun fonctionnaire, ni aucun chercheur de Saint-Laurent Vision 2000.

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Son président est Harvey Mead. qui est également président de l'Union québécoise pour la

protection de la nature (UQCN). Le budget du comité. fixé à 80 0W$, est géré par cet

organisme. Cette situation témoigne encore une fois des liens de plus en plus étroits qui

existent entre les associations de protection de la nature et les gouvernements. Cette situation

ne va d'ailleurs pas sans créer certains problèmes. et Harvey Mead a dû s'engager à ne pas

intervenir sur des questions touchant le Saint-Laurent au conseil d'administration de I'UQCN.

2.4 L'état du Saint-Laurent

Il est difficile de mesurer l'impact qu'une intervention ponctuelle, comme le Plan d'Action

Saint-Laurent ou Saint-Laurent Vision 2000, a sur l'état du fleuve. «Les écosystèmes sont

complexes et évoluent à une échelle temporelle beaucoup plus étendue que celle des

interventions humaines. Une très longue période peut s'écouler avant que le plein choc

environnemental se manifeste. il en va de même lorsque des mesures correctives sont prises :

on ne peut s'attendre que leun effets sur l'ensemble des écosystèmes soient immédiats, [...lu

(Canada, 199 1 : 19-20) Les programmes engagés précédemment, tels le Programme

d'assainissement des eaux du Québec ou la mise en vigueur de certaines réglementations ont

eux aussi eu des effets positifs sur la qualité de l'eau. D'autres améliorations sont attribuables

à la fermeture d'entreprises industrielles. notamment celle des raffineries de pétrole de l'Est de

Montréal.

De plus, I'évduation des résultats se voit compliqué par le fait que nul ne connaît l'rétat zéro*

de ce cours d'eau. D'ailleurs. dans le Rapport-synthèse sur l'état du Suint-iuurent produit

dans le cadre de SLV2000, les auteurs se basent sur des études réalisées dans les années 70

pour étudier l'évolution de la pollution. Le diagnostic posé dans ce rapport est que l'état du

fleuve s'est amélioré même si localement certaines normes sont dépassées, en fonction de

certains usages.

La dificulté de poser un diagnostic precis fera d'ailleurs naître une controverse, qui s'est

traduite par un débat dans les pages d'opinion du journal Le Devoir (Voir Clapin-Pépin, 1996a

et b; Cleary, 1996; Painchaud, 1996). Des questions ont été soulevées en ce qui concerne

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l'impact global de la réduction des déchets toxiques des 50 usines prioritaires. En 1996. lors de

conférences de presse organisées pour le lancement du Rapport-Synthèse s u r ['État du Saint-

Laurent, des responsables annonçaient fièrement que l'objectif de 75% avait été dépassé et que

les établissements visés avaient réduit leurs rejets de 96%. Au cours de cette conférence de

presse, le coprésident du volet protection. M. Jean Cinq-Mars, qualifiait même le résultat de

agrandiose. remarquable. voire phénoménal.» (Lamon. 1996: A-6) L'article qui rapportait cette

nouvelle était d'ailleurs coiffée d'un titre trompeur. qui laissait entendre que le chiffre de 96 %

représente une réduction globale de la pollution toxique du fleuve. Pourtant, ce chiffre ne

concerne que les rejets des 50 usines prioritaires. alors qu'il y a plusieurs centaines

d'entreprises qui polluent les eaux du fleuve.

En fait. i l est très difficile d'évaluer la réduction globale de la pollution. Dans un autre article.

un joumaliste spécialisé dans les questions environnementales affirmait qu'«Après dix ans de

travaux et près de huit milliards de dollars d'investissements publics et privés. Québec et

Ottawa ne sont pas encore en mesure de chiffrer la réduction globale des contaminants

toxiques et organiques attribuable à ces travaux dans les entreprises et municipalités riveraines

du Saint-Laurent». (Francoeur, 1996b : A-2) Ce journaliste avance que la réduction globale de

la charge toxique du fleuve attribuable aux divers programmes de protection du Saint-Laurent

se situerait aux alentours de IO%.

Dans le cadre du volet Implication communautaire, les résultats sont plus faciles à chiffrer. A

la fin de 1997, sur une possibilité de treize comités ZIP, une dizaine étaient actifs. Selon divers

intervenants. dans les régions où il n'y a pas de comités ZIP. c'est tout simplement parce que

la demande ne s'est pas fait sentir. De plus, les fonds accordés ce programme seraient

insuffisants pour permettre la formation d'autres comités. L'objectif était qu'une dizaine de

PARE soient déposés avant la fin de Saint-Laurent Vision 2000. en mars 1998. et cet objectif

semblait en bonne voie d'être atteint.

Quant au programme Interactions communautaires. l'objectif était de financer 140 projets d'ici

1998. À la fin de l'année 1997, une centaine d'organismes avaient vu leun projets être

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acceptés. La valeur des projets varie entre 4 200$ et près de 290 000%. il est intéressant de

noter que la plupart de ces projets ont été réalisés dans les régions les moins urbanisées.

Le Rhône, d'une longueur de 8 12 km. dont 522 en France. est le plus puissant fleuve français

et constitue le principal apport fluvial méditerranéen. II prend sa source en Suisse. où i l est

alimenté par les glaciers du massif du Saint-Gothard. forme le lac Léman. où ses eaux se

décantent. il traverse ensuite la France, et se jette dans la Méditerranée en formant un delta. la

Camargue. Dans sa portion suisse, le fleuve possède les caractéristiques d'une rivière alpine.

ce qui le distingue de la portion h l'aval du lac Léman (voir Bravard: 1987). Les régions que le

Rhône traverse sont fortement urbanisées et industrialisées. De nombreux aménagements. pour

permettre la navigation. l'irrigation ou la production d'électricité. ont profondément modifié le

cours du Rhône et artificiaiisé les milieux. À tel point qu'à peu près seuls les Iônes et les

tronçons court-circuités (dont une partie importante du débit a été détournée par le creusage

d'un canal) ont conservé leur aspect naturel et leur rôle de frayère. Mais certains de ces

tronçons gardent un intérêt écologique et la qualité de l'eau reste quand même acceptable dans

la plupart des secteurs, ce qui s'explique en partie par le débit important du fleuve.

Vers la fin des années 1980, B l'initiative du Comité de Bassin Rhône-Méditerranée-Corse

(RMC), des études ont été menées afin d'évaluer l'état de ce fleuve. Pour les réaliser le

territoire a été divisé en 29 territoires structurants dans le but de réaliser un atlas du bassin. Un

plan d'action a été élaboré avec pour objectifs principaux de aretrouver, sur les tronçons

encore modelables, un fleuve vif et courant [...] restaurer une qualité écologique de haut

niveau, et de le soustraire aux risques de pollutions accidentelles.» (Comité de Bassin M C .

1992: 4) La réalisation des objectifs identifiés en 1992 était évaluée à 4,4 milliards de francs.

mais ces objectifs ne sont pas fixes et évoluent mesure que les connaissances s'accumulent.

Le Plan d'action Rhône s'inscrit dans le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des

eaux (SDAGE). Élaboré par le Cornit6 de Bassin RMC. le SDAGE RMC est un instrument de

planification et de gestion de I'eau à l'échelle des grands bassins. Lts comitds de bassin sont

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des tables de concertation qui regroupent des représentants des usagers, des collectivités

territoriales et de l'État. Ils ont été institués par la Loi sur l'Eau de 1992, une loi qui a

profondément transformé le droit de I'eau dans ce pays, et bouleversé les institutions chargées

de la gestion de cette ressource. Chaque comité couvre un des six grands bassins qui divisent

la France. Le temtoire du Comité de bassin RMC recoupe le bassin versant de la Méditerranée

en territoire français, ce qui inclut tous les territoires drainés par les rivières qui se jettent dans

cette mer. Il regroupe 107 membres. soit 40 représentants des collectivités territoriales. 21

représentants de l'État, 40 usagers. dont 5 agriculteurs. 5 pêcheurs, 18 industriels, et douze

«divers», parmi lesquels se retrouvent des associations. Dans le bassin RMC. trois plans

d'action ont été mis en oeuvre, soit celui du lac Léman, celui du littoral et celui du Rhône.

L'immensité du temtoire couvert par les comités de bassin nécessite la mise en place de relais

locaux. Ces relais sont les Commissions locales de I'eau. Présidées par un élu, la moitié de

leurs membres sont des élus locaux, un quart des usagers et des représentants d'associations. et

un quart sont des représentants de ['État. L'initiative visant il former ces comités doit venir

d'acteurs locaux. Elles sont chargées de mettre en oeuvre les SAGE (schéma d'aménagement

et de gestion des eaux) qui sont des procédures de planification h l'échelle locale, dont les

objectifs doivent être cohérents avec les orientations du SDAGE. A la fin de 1995, cinq

commissions locales de l'eau étaient créées ou en voie de l'être sur les affluents du Rhône. il

importe de souligner qu'une fois adoptés. le SAGE et le SDAGE ont une portée juridique

réglementaire.

La gestion partenariale prend aussi d'autres formes. Par exemple, le contrat de rivière, qui

existe depuis 198 1, et qui est maintenant complémentaire du SAGE. se veut une traduction

opérationnelle de celui-ci. il s'agit la encore d'une initiative des élus et usagers locaux, qui

permet d'engager financeurs et maîtres d'ouvrages dans des programmes d'aménagement. de

gestion. et de restauration des milieux.

Le Plan d'Action Rhône ne comporte pas à proprement parler de volet consacré à la

participation de la population, mais la gestion partenariale constitue la base de la politique de

l'eau en France. À titre d'usagers, les citoyens sont donc appelés à participer à la gestion des

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cours d'eau et ce, B plusieurs niveaux de décisions. que ce soit à l'échelle du grand bassin ou à

l'échelle locale. Le poids des usagers au sein des comités semble modeste, mais les schémas

qu'ils contribuent à produire ont valeur légale.

En ce qui concerne les interventions directes sur la nature, même s'il n'existe pas à proprement

parler de programme consacré ik cette fin dans le cadre du Plan d'action Rhône. des

financements sont accordes ponctuellemeiit pour permettre la réalisation de projets de

restauration des affluents du Rhône présentés par des associations. Les associations sont aussi

appelées il jouer d'autres rôles dans la gestion du Rhône. Par exemple. des associations de

protection de la nature. telle la FRAPNA, sont chargées de réaliser des études sur la faune ou

la flore, ce qui permet à celles-ci de béneficier d'une nouvelle source de financement.

De plus. un organisme, l'association MRM qui regroupe des pêcheurs et des écologistes, a été

créé à l'initiative du Comité de bassin. Cette association est chargée de mettre en oeuvre le

schéma de vocation piscicole. qui est un volet du Plan d'action Rhône. Ce projet à rétablir

l'axe de migration des poissons sur une partie du Rhône et B protéger les milieux de vie

subsistants, ce qui implique le réaménagement des obstacles qui compartimentent le fleuve.

Un des objectifs majeur est le rétablissement de la migration de l'alose. un poisson qui a

acquis une véritable valeur de symbole, jusqu'à la rivière de I'Ardiiche, ainsi que celle de

l'anguille jusqu'a Lyon. Ii s'agit d'un objectif modeste si l'on considère qu'auparavant. ces

poissons atteignaient pratiquement le lac Léman. Mais compte tenu de l'ampleur de travaux

nécessaires, il s'agit d'un objectif réaliste.

En effet, de nombreuses passes A poisson doivent être construites. et les mécanismes de

certaines écluses doivent être modifiés pour qu'ils puissent permettre les passages de poisson.

De plus, puisque les débits réservés des tronçons court-circuités seront augmentés pour

protéger les zones de fraie. la construction de nouveaux ouvrages hydro-électriques sera

entreprise sur ces tronçons, car la CNR souhaite récupérer l'énergie du courant ainsi détourné.

Les sommes qui devront être investies sont très importantes. soit de 32 à 49 millions de francs

plus 5 millions pour les études, le suivi et la sensibilisation de la population, selon les chiffres

de MRM. Cela fait d'ailleurs dire à certains détracteurs, qui jugent ces sommes

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disproportionnées, que: «Ça fait cher le kilo de poisson». En effet, pour plusieurs riverains, les

grands aménagements ont détruit le Rhône et les conséquences sur les écosystèmes sont

irréversibles.

Le fleuve Saint-Laurent est a la fois une voie de navigation, un exutoire pour les déchets. une

source d'eau potable pour près de la moitié de la population du Québec. une source de matière

première essentielle au fonctionnement de nombreuses usines. une source d'énergie. et un

espace de loisirs. Ces usages sont souvent contradictoires et sont source de conflits auxquels se

heurtent les gestionnaires du programme de dépollution du Saint-Laurent. D'ailleurs, l'eau

peut apparaître polluée pour certains usages alors qu'elle reste propice à d'autres. La

concertation des acteurs apparaît donc primordiale.

À cause de son fort débit, on a longtemps cru que le Saint-Laurent pouvait absorber une

grande quantité de rejets polluants. Pourtant après deux siéctes d'industrialisation, son état

s'est détérioré. Ces problèmes ne peuvent se régler en quelques années. Cela constitue

d'ailleurs un défi supplémeiitaire pour les gestionnaires. car les projets à long terme sont plus

difficiles à justifier auprès de la population et des décideurs politiques que les projets à court

terme. avec des résultats clairement mesurables. De plus, certains observateurs estiment que

les problemes les plus sérieux sont encore ik regler. Par exemple, la pollution agricole reste

problématique. car c'est une pollution diffuse, donc plus difficile i contrôler, mais aussi en

raison de la puissance des acteurs dont on souhaite changer les habitudes.

En ce qui concerne notre cas-témoin. le Rhône. nous pouvons constater de nombreuses

ressemblances entre la situation de ce fleuve et celle du Saint-Laurent. Des ressemblances

entre les probièmes qui affectent les deux fleuves, mais aussi entre les solutions mises en

oeuvre pour y remédier. Dans les deux cas, une approche intégrée de gestion du fleuve a été

privilégiée. Ce type de gestion peut être défini en ces termes:

La prise en compte, par des décideurs informés, de L'ensemble des usages et des ressources d'un bassin hydrographique, d m une approche écusystémique. Elle

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vise à assurer la pérennité des collectivités humaines qui dépendent de ce bassin, par le développement de relations harmonieuses entre les usagers eu-rn êmes, et entre l'homme et le fleuve. À l'échelle locale. cette gestion nécessite la participation des usagers, au niveau approprié: à l'échelle nationale et surtout régional, elle doit tenir compte des considérations politiques et juridiques.

(Burton. 1997 : 17)

Aussi bien la gestion du Saint-Laurent que celle du Rhône cherchent. du moins en principe. à

se conformer à ce modèle de gestion.

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LES PERCEPTIONS DE LA PARTICIPATION DES CITOYENS

Dans cette partie, nous enchaînons avec l'examen de la perception qu'ont les acteurs de la

participation des citoyens dans le cadre du volet Implication communautaire de Saint-Laurent

Vision 2000. Nous exposerons les principaux points abordés lors des entretiens. que nous

regrouperons par thèmes. Pour illustrer nos propos, nous avons inséré des extraits d'entretiens

représentatifs à plusieurs endroits dans le texte. L'ordre de présentation des thèmes n'indique

nullement que les premiers thèmes abordés sont les plus importants, ni les plus pertinents.

Certains reprennent des questions que nous avons posées aux acteurs, alors que d'autres ont

été évoqués spontanément par ceux-ci. Ii faut aussi souligner que les répondants n'ont pas

émis une opinion au sujet de chacun des thémes que nous avons retenus.

Pour désigner les répondants, nous n'utiliserons que les categories d'acteurs et ce, afin d'éviter

de donner des détails qui permettraient de les identifier. Nous respectons l'anonymat des

personnes interviewées, d'abord parce que nous avons assuré aux répondants que leur nom

n'apparaîtrait pas dans noue étude, conformément à la façon de faire habituelle dans une

enquête sociologique, et ensuite parce que cela nous a été expressément demandé par certains

individus, un répondant ayant même refusé d'être enregistré.

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3.1 L'émergence de la participation des citoyens dans SLV2ûûû

Les répondants n'attribuent pas les mêmes causes à la mise en oeuvre du programme ZIP et à

celle du programme Interactions communautaires. En ce qui concerne le programme ZIP. pour

la majorité des répondants et peu importe la catégorie à laquelle ils appartiennent, la mise sur

pied des comités ZIP s'explique par la pression exercée par des associations écologistes en

faveur d'une ouverture à la participation des communautés dans SLV2000. La volonté de faire

participer les citoyens affichée par le gouvernement dans le Plan vert du Canada n'a jamais été

mentionnée.

Pour ce qui est de notre programme ici, Stratégies Saint-Laurent, c'est n i un petit peu inciépencîammrnt du Plan d'action Saint-Laurent. C 'itait 1' UQCN ici qui avait eu l'idée de regrouper des communautés riveraines dans une entité vouée au fleuve. [...] quand le Plan d'action Saint-Luurent a commencé à être plus populaire et que la phase 2 est apparue, ces gens-là se sont dit : Écoutez-là. vous avez un plan d'action complet, vous pensez à ça. ça, ça, mais les principaux intéressés vous ne les avez pas inclus: les communautés, c'est à eux qu'on veut redonner le fleuve ... Et là, ils ont amené Stratégies Saint-burent et ils ont dit : %Voilà, nous on représente les communaurcis du fleuve. Vous voulez les avoir? Bien, c 'est nous». (Mandataire)

Selon les répondants. cette pression a donné lieu à des ouvertures de la part du gouvernement,

telles la mise en oeuvre projet pilote du comité ZIP du lac Saint-Piem. Ces ouvertures ont

tracé la voie ii la mise en place d'un volet qui faisait officiellement une place à la participation

des citoyens.

Il n ' y avait pas de place prévue pour [les associations de protection de la nature] dans le plan 1. Par contre, en cours de route, ces organismes-là se sont réunis puis ont formé un organisme qui s'appelle Stratégies Saint-Laurent. C'était un aspect de participation communautaire, mais non oficiel, malgré qu'il y a eu, à force de négocier avec e u . il y a eu fa mise sur pied du programme Zone d'intervention prioritaire, qui est en fait une façon d'essayer de favoriser la concertation des divers intervenants le long du Saint-Laurent, [...] ça a pris naissance comme ça, mais c'était pas prévu dans le plan 1. Dans le plan 2, la pression existait toujours, elle était même plus forte, puis d'une certaine façon, il y a eu un genre de précédent qui a été fait, il y a eu une ouverture qui a été faite de la pan des gouvernements autant fédéral que provincial, à la participation communautaire, là il y a eu vraiment un volet. (Gestionnaire)

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En ce qui concerne le volet interactions communautaires, peu de répondants ont pu nous en

expliquer l'origine. Selon un gestionnaire, Interactions communautaires serait issu de

l'initiative de l'organisation administrative, et non d'une demande des associations. Ce

programme aurait été mis en oeuvre sans qu'il n'y ait eu de consultation des groupes

communautaires. O ajoute que le contexte d'urgence dans lequel se déroulaient les

négociations entre les gouvernements de Canada et du Québec en vue de la création de

SLV20ûû aurait rendu impossible la réalisation de telles consultations. Le programme aurait

donc été élaboré sur la base de programmes existants et dont le fonctionnement avait été

éprouvé. puisque le gouvernement fédéral possédait déjà de l'expérience dans les programmes

de financement de projets de ce type.

3.2 LES FONCTIONS DU VOiET PLICA CATION COMMUNAUTAIRE

À l'intérieur de ce thème. nous avons regroupé tous les éléments de discours faisant état de

fonctions du volet hplicatiori communautaire. Les fonctions que nous allons aborder sont

celles qui ont été évoquées par les répondants. Certaines concernent le programme WP,

d'autres le programme Interactions communautaires, et d'autres encore le volet Implication

communautaire dans son ensemble. Nous les avons regroupdes en deux catégories, soit les

fonctions déclarées, que nous opposerons aux fonctions masquées.

3.2.1 Les fonctions déclarées

Les acteurs ont évoqué certains avantages et certaines conséquences de la participation des

citoyens qui peuvent être assimilés A des fonctions déclarées du volet implication

communautaire. Ces conséquences sont souhaitées et reconnues par les acteurs, et sont

explicitement décrites comme faisant partie des objectifs du Plan d'action. Elles sont évoquées

dans les discours officiels et exposées dans les documents publiés par l'organisation

administrative.

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3.2.1.1 Permettre la concertation des actions des intervenants.

L'idée que le programme ZIP est un instrument de concertation est celle qui revenait le plus

fréquemment dans les discours. D n'est évidemment pas surprenant que les répondants

reprennent cette idée. puisqu'il s'agit de la fonction manifeste. du but affiché par cette

institution. Aux yeux de tous les répondants, il est clair que le programme ZIP favorise la

concertation entre les différents intervenants dont les activités ont un impact direct ou indirect

sur l'état du fleuve. et qu'il s'agit d'une façon d'améliorer la gestion des problèmes

environnemen taux.

Parce que moi. je ne crois p s du tout. personnellement, à la coercition. j ' n i jamais cru à l'qppliration de loir et de règlements. Personnellement. je crois que c'est vraiment par une approche de négociation. de consensus et concertution qu 'on peut arriver à des gains environnemen faur. (Mandataire)

Si le terme de concertation revient très fréquemment dans les réponses, plus rarement les

acteurs en expliquent les avantages. Pour eux, il semble que cela va de soi. Lonqu'on leur

pose la question. ils expliquent que la concertation permet de mieux coordonner les actions de

tous les intervenants et que les solutions mises de l'avant sont plus viables puisque les intér5is

de tous sont pris en considération.

Mais est-il vraiment possible de concilier les usages commerciaux avec la protection du

fleuve? Lorsque nous avons posé la question. les répondants restaient très prudents. la plupart

croyant que les mentalités des acteurs économiques allaient évoluer, mais très lentement.

tandis que d'autres estiment qu'ils devront toujours se battre pour faire respecter

l'environnement par certains adinosauresm. On peut aussi se demander si la participation d'un

trop grand nombre d'intervenants aux intérêts divergents n'alourdirait pas la structure de

SLV2000. au point de la rendre pratiquement inopérante. Les acteurs ne ressentaient pas cette

crainte, estimant le plus souvent que la structure de gestion de SLV2000 est suffisamment

souple pour que de nombreux acteurs puissent participer à la gestion concertée du fleuve.

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3.2. L .2 La transmission d'une demande sociale

est étonnant de constater que les comités ZIP sont somme toute assez peu fréquemment

présentés explicitement comme un outil de gestion démocratique du fleuve. Seul un participant

et un mandataire affirment clairement que la participation des citoyens à la gestion de

l'environnement doit être considérée comme un droit et que les comités ZIP permettent de

démocratiser la gestion de fleuve. Les comités ZIP sont plutôt présentés par la presque totalité

des répondants comme une façon pour l'organisation administrative d'avoir une meilleure

image des préoccupations de la population. D'ailleurs. après la concertation des intervenants,

la transmission des besoins des communautés est le rôle qui est le plus souvent évoqué. Les

fonctionnaires sont souvent décrits. et se décrivent parfois eux-mêmes. comme étant coupés

des réalités locales. Grâce aux comids. ils peuvent savoir quels problèmes sont considérés

comme prioritaires par les communautés riveraines.

Puis pour le gouvernement, ça a 1 'avantage aussi de cibler davantage l'attente des citoyens, ou niveau des gens, d'être plus prés finalement de leur réalité à eux, que des réalités qu'on peut se construire comme fonctionnaire, tu sais. On a des images, c'est sûr que les gens à l'échelle locale ont des préoccupations locales. Puis moi, j 'ai pas. je peux pas avoir autant de connaissances d'un milieu pour dire à des gens, bien c'est ça que vous devez faire, j'ai pfut6t une vision globale ... (Gestionnaire)

Mais comme le souligne ce même gestionnaire, les comités ZIP sont une arme à deux

tranchants. D'un côté, les politiciens ont tout intérêt A connaître les besoins de la population.

pour avoir plus de chances de se faire reélire. Toutefois, le puvernement peut se retrouver

dans une position fâcheuse si une priorité qui a été identifi6e par un comité se révèle trop

onéreuse à réaliser. S'ils ne peuvent réaliser les priorités qui ont été identifiées. les dirigeants

pourraient alors se faire reprocher leur inertie.

Pour qu'il soit possible d'affirmer que les cornitks ZIP reflétent l'image des prbccupations

des communautés, il est nécessaire qu'ils soient représentatifs. lls doivent être composés

d'éléments qui traduisent les intérêts de la communauté en général et non ceux de quelques

groupes sociaux particuliers. Il arrive d'ailleurs que la représentativité de certaines associations

de protection de la nature soit mise en doute. Deux répondants soulignent que certaines

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associations ne sont constituées que d'un noyau tri3 restreint d'individus très actifs. Toutefois.

aucun répondant ne remet en cause la représentativité des comités ZIP dans leur ensemble, car

la diversité des participants permet d'éviter qu'un comité soit «confisqué» par un petit groupe

d'activistes.

C'est l'implication communautaire, au lieu d'avoir I5 professionnels qui parlent. on a 2000 personnes qui parlent. (Mandataire)

3.2.1.3 La circulation de l'information

L'information occupe une place centrale dans les discours des répondants et ce, peu importe la

catégorie à laquelle ils appartiennent. Selon eux, le volet implication communautaire favorise

la circulation de l'information entre les acteurs. Pour la majorité des répondants. les

informations obtenues lors des travaux des comités ZIP permettent de prendre de meilleures

décisions. Ces comités offrent aussi t'avantage d'être interdisciplinaires. puisqu'ils sont

formés de gens possédant de l'expertise, et des compétences variées.

Dans une des premières consultations publiques des comités ZIP. au lac Saint- François. j'ai vu quelque chose d'extraordinaire. Dans une même salle on avait des experts, on avait des représentants gouvernementaux, on avait des gestionnaires, on avait des représentants d'industries et ce qui était extraordinaire. c'est que le représentant de l'industrie donnait une Ni/ormation. l'expert complétait cette infomtation-là. ies gens pouvaient obtenir des ... de la véritable information et puis dans Ia salle spontanément, ceux qui pouvaient éclaircir, compléter ou mettre en contexte quelque chose qui n'était pas tout à fait. .. qui était une demi-vérité. [...-] Là, on avait vraiment de l'information comme il faut pour prendre des décisions. (Participant)

Dans l'extrait qui suit. le répondant insiste sur I'importance de l'information qui est transmise

à la population par les comités ZIP dans la perspective d'une gestion démocratique de

l'environnement. Selon lui, il est essentiel de diffuser de l'information au sujet de l'état de

l'environnement local pour que les communautés puissent prendre des décisions éclairées. Ii

souligne que grâce aux comités, il devient possible de faire connaître à la population des

problemes environnementaux dont elle ignorait l'existence.

Spontanément la population ne sera peut-être pas, on peut pas h i demander d'être un bon juge. Par contre. ce qu'on peut faire, c'est lui fournir de l'infomtion. lui

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demander de prendre position, puis là à ce moment-là on a l'effet voulu. c'est-à- dire on a un effet de bonne gestion de son environnement local, puis de gestion démocratique de son environnement local, puis ça, c'est pour la bonne raison que si les gens sont pas au courant qu'il y a un problème. ils ne se manifesteront pas pour le régler. (Participant)

En ce qui concerne le programme Interactions communautaires, deux gestionnaires et un

mandataire estiment que, grâce aux mécanismes qui sont mis en place pour superviser les

projets des associations, les interventions des associations sont mieux coordonnées. De plus, le

fait que des experts soient mis à contribution pour évaluer les projets et conseiller les

associations pemet d'améliorer la qualité de leun interventions.

Et tous ces petits projets-lu se font maintenant de façon concertée sur une vision L;cosysrémique, donc c'est un bloc, une action en bloc. Alors qu'avant on pouvait avoir quelqu'un qui réhabilite une frayére en pleine période de frai ou [rires] un autre qui fait du reboisement en pleine période de crue. bon, tu sais ... (Mandataire)

3.2.1.4 La sensibilisation de la population

L'approche communautaire est souvent présentée dans les documents du gouvernement

comme une façon de sensibiliser la population à la protection de I'environnement. Deux

répondants ont repris cette idée. Un mandataire explique que l'approche communautaire

permet de pallier au manque d'éducation en environnement qui existe au Québec, et que cette

approche permettra éventuellement de modifier les comportements des individus. Un

participant et un gestionnaire soulignent que les projets interactions communautaires ont une

bonne visibilité auprès de la population. et qu'ils peuvent intéresser les passants qui se

retrouvent près des chantiers à la protection de l'environnement.

3.2.1.5 La réalisation d'actions concrètes

L'intérêt majeur du programme Interactions communautaires, selon tous les répondants qui se

sont exprimés sur la question, réside dans le fait qu'il permet la réaiisation d'actions dont la

population est directement bénéficiaire. Selon un gestionnaire, ce programme permet de

dépasser la simple sensibilisation en donnant l'occasion aux particuliers qui se sentent

concernés par la protection de l'environnement de traduire leun convictions en action.

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On a mis de l'avant ce programme-là pour venir soutenir un peu tout I'eflort de sensibilisation qui est fait dans le cadre du programme ZIP. Puis soutenir aussi des rnomentum. Il y a des comités Z P où ils sont prgts a passer à l'action. où les intervenants on même pas eu de misère à s'entendre. où ils se sont concertés, puis: MC 'est ça qu'on faits. I f y en a qui étaient déjù prêts a faire les choses. puis au- delà de ça. il y a toujours eu des groupes qui étaient prêts à faire des choses concrètes sur le terrain pour améliorer l'environnement ou le consemer, tu sais. Ce programme-lu venait renforcer finalement tout 1 'aspect d'implication communautaire. (Gestionnaire)

Un autre gestionnaire croit que l'approche communautaire permet à SLV2ûûû d'atteindre plus

rapidement des résultats. Il avance même que si l'organisation s'était tournée plus vite vers les

communautés, la réalisation du plan d'action serait plus avancee. 11 explique que les bénévoles

souhaitent voir des résultats, et sont plus A même de juger de la pertinence des programmes.

Son discours devient étonnant. par rapport à la position qu'il occupe. lorsqu'il ajoute qu'à

l'inverse des bénévoles, les fonctionnaires n'ont pas intérêt à obtenir des résultats trop

rapidement :

Finalement, est-ce qu'ils ont pas intérit à faire traîner le processus pour que les programmes existent plus longtemps? Tandis qu 2 l'échelle locale, on veut voir des résultats. [Les bénévoles] n'ont rien à..., je veux dire, ils n'ont pas d'emploi à protéger. (Gestionnaire)

3.2.1.6 La mise en oeuvre du développement durable

Un gestionnaire et trois mandataires ont explicitement fait référence au concept de

développement durable. Ces quatre répondants voient dans le volet implication

communautaire une occasion de mettre en oeuvre le concept de développement durable.

[...]ça devient de plus en plus évident, avec la notion de développement durable. que si l'on veut foire en sorte que les décisions qui sont prises et les actions qui sont menées soient durables, il faut que les gens qui sont riverains du cours d'eau qu'on veut dépolluer soient impliqués dons les prises de décision, sinon ça donne rien. C'est de l'argent gaspillé. (Mandataire)

3.2.2 Les fonctions masquées

Les acteurs ont égaiement évoqué certains avantages et certaines conséquences de la

participation des citoyens qui peuvent être assimilés à des fonctions masquées du volet

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implication communautaire, O s'agit de conséquences qui, même si elles sont souhaitées et

reconnues par certains acteurs, ne font pas partie des objectifs officiels du plan d'action.

3.2.2.1 Une source d'économie

Pour un participant. il ne fait pas de doute qu'en ayant recours à la participation des

associations pour réaliser des projets de protection de l'environnement, les gouvernements

cherchent à réduire leurs coiits. Elle explique qu'en plus de bénéficier du bénévolat. les

organismes sans but lucratif peuvent obtenir des tarifs préférentiels sur les matériaux. les

équipements et les services nécessaires à la mise en oeuvre d'un projet. Sans aller jusqu'à

affirmer qu'il s'agit la de la seule raison qui motive les gouvernements. deux mandataires et un

participant estiment que la participation des citoyens permet de réaliser des études et des

travaux qui. s'ils avaient été confiés à des entreprises privées ou à des services

gouvernementaux, aurait été nettement plus co0teux. ils affirment en outre que les résultats

sont comparables à ceux qu'auraient obtenu des professionnels.

Amenez-en de l'argent, il y a beaucoup de bénévoles. du temps qu'ils consacrent pas à autre chose, je pense que c'est un bon investi.zsement comparé à d'autres places où l'argent pourrait aller,[ ...] c'est sûrement mieux de donner l'argent ci nous qu 'à des firmes conseil. (Participant)

3.2.2.2 Un moyen de pression

Les activités des comités ZIP sont présentées par plusieurs répondants appartenant à la

catégorie des mandataires et des gestionnaires comme un moyen d'influencer les actions

d'autres acteurs dont les activités ont un impact sur le fleuve. Un gestionnaire et deux

mandataires croient que la pression des communautés permet de faire aboutir plus rapidement

des dossiers qui tardent il se concrétiser.

J'ai l'impression qu'il y a comme un pouvoir d'accélération de certaines actions à l'échelle locale. qui ne se fait pas quand tu n'as pas la, ... qui peut se faire par les gouvernements, qui pourrait se faire, mais qui serait plus longue à aboutir. Quand tu as une pression à l'échelle locale, ça se fait, ça peut accélérer la prise de décision. (Gestionnaire)

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Ces pressions peuvent s'exercer auprès de politiciens de tous les niveaux de gouvernement. en

vertu de la qualité d'électeurs des participants. Les pressions sont d'autant plus efficaces pour

influencer ceux-ci que le nombre de personnes à faire valoir leur opinion est important. En

cela les comités peuvent être utiles en regroupant les individus et en leur fournissant la

possibilité d'exprimer leurs idées.

Leur rôle est très politique. C'est-à-dire qu'on va avoir ZOO0 personnes dans un comité ZP qui vont s'asseoir devant leur député et qui vont lui faire comprendre : r Écoute-là, veux-tu ton siège au prochain mandat ? N (Mandataire )

À titre d'exemple. un autre mandataire rapporte que la Communauté urbaine de Montréal

apprécie le rôle joué par les comités ZIP, car ils font pression sur les municipalités pour

qu'elles mettent en branle des projets que cet organisme souhaite voir se réaliser.

L'influence des communautés peut également s'exercer auprès des industriels. Un mandataire

et un gestionnaire ont exprimé l'idée que les comités ZIF peuvent aussi mettre de la pression

auprès des industriels, du moins ceux qui sont soucieux de leur image, afin qu'ils modifient

leurs pratiques nuisibles A l'environnement.

Ou bien d'aller voir l'industrie qui tient le village en otage depuis vingt ans parce qu'elle produit 500 emplois dans le village de 800 personnes, puis de dire: nhoute, c'est bien beau-là, tu nous fais ça tu nous fais ça. puis si ça marche pas, tu vas fermer, tu vas t'en aller. C'est bien beau, écoute-là. c'est les employés de ton entreprise qui vont décider. .. N Ça, c'est un gros point, les communautés. (Mandataire)

3.2.2.3 La justification des actions

Un gestionnaire croit que l'obligation faite aux promoteurs de réaliser des projets qui ont des

répercussions tangibles sur l'environnement permet de mieux justifier l'existence du

programme, auprès du vérificateur générai du Canada et auprès de la population.

Parce qu'on s'est fait demandé un moment donné par le vérifcateur général: #Quels sont vos résultats ?u Bien, on ne sait pas. Ce n'est pas évaluable les résultats avec la sensibilisation. Tu vos dire que t'as passé 50 000 dépliants, mais, c'est quoi les résultats, qu'est-ce que ça donne ? Qu'est-ce que ça a changé. quelle était [a situation avant, puis la situation après ? Les projets de sensibilisation, tu peux rien faire. Puis Fa, c'est quand même m e volonté politique aussi, de ... Parce

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que les citoyens. c'est ça qu'ils disent : nQulest-ce que vous faites avec 100 millions ? u [. .. ] En ayant des résultats: N Voici ce qu 'on a fait avec 100 rnillions~. lu, les citoyens peuvent juger si c'était bon. si c'était pas bon. si c'était une bonne affaire ou non. Mais au moins. tu as quelque chose à présenter. (Gestionnaire)

Pour les quelques répondants qui se sont exprimés sur la question. il ne fait pas de doute

qu'Implication communautaire favorise l'appui de la population à SLV2000, en raison de sa

visibilité. et du fait que la population est directement bénéficiaire des actions posées. Un

gestionnaire souligne d'ailleurs l'importance pour le gouvernement d'obtenir le soutien de la

population dans ses interventions de protection de la nature.

Je crois que les gouvernements se sont rendus compte qu'il y a toute une série d'actions qui ne peuvent pas se faire sans l'appui des populations, l'appui des gens au niveau local, que l'action doit se faire au niveau local. qu'il doit v avoir une appropriation des actions gouvernementales à 1 'ichelle locale.(Gestionnaire)

3.3 LES RELAXONS ENTRE LES ACTEURS

La concertation est donc aux yeux des acteurs un des rôles primordiaux du programme ZiP.

Mais pour que la concertation fonctionne. il est nécessaire que tous ces acteurs souhaitent

coopérer. Chez certains mandataires. la concertation est d'ailleurs perçue comme étant un

processus difficile et long. justement en raison des réticences de certains acteurs. Un de ceux-

ci compare même ceux qui défendent cette façon de procéder à Don Quichotte. tant les

obstacles seraient nombreux.

Travailler en concertation avec diffëentes sphères des communautés c'est jamais facile. Asseoir à la même table des industriels. des fermiers, des élus municipaux, des scientifiques, des gens qui sont strictement là parce que ça les intéressent, mais qui comprennent pas exactement ce qui se passe. C'est pus évident. Trouver une espèce de direction d'action commune à la fois à une usine de placage de métaux et à Daniel Green de la Société pour Vaincre la Pollution. hein! Ça marche, 1 'inconvénient, c'est que le processus est long. (Mandataire)

La question de l'attitude des acteurs qui participent aux comités ZIP a été abordée au cours des

entretiens. Les acteurs dont il a été question sont les associations de protection de la nature. les

industriels. les experts et les pouvoirs locaux. Rappelons que les gouvernements fédéral et

provincial ne font pas partie de ces comités, et qu'il ne faut donc pas s'étonner de leur absence.

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3.3.1 Les associations de protection de l'environnement

Tous les participants et les mandataires qui se sont exprimés sur le sujet croient que la

participation des associations aux comités ZIP démontre que les attitudes des associations ont

évolué et que cela est une bonne chose. Selon eux. la <<philosophie» des associations de

protection de l'environnement qui, il y a peu de temps. reposait sur la confrontation avec les

industriels et les gouvernements. repose maintenant sur la collaboration. La plupart des

répondants ne considèrent pas que la mise en oeuvre du volet Implication communautaire ait

suscité cette transformation, mais qu'elle l'accompagne. Toutefois, les discours de deux

mandataires laissent plutôt entendre que la participation aux comités ZIP fait plus

qu'accompagner cette évoluriun, car éiie pousse les wsociations il abandünner les discours de

confrontation et à défendre des idées moins radicales.

Si c'est des problèmes qui sont d'ordre économique, il faut aussi en tenir compte, c 'est pas juste 1 'environnement pour l'environnement aujourd'hui. [. . . ] il y a la vision idéale et la vision réaliste, c'est sûr que viser une... une option qui est réaliste, c'est aujourd'hui souhaitable, parce qu'on se fait taper sur les doigts autrement. (Mandataire)

3.3.2 Les industriels

Les répondants sont partagés en ce qui concerne la façon de qualifier l'attitude des industriels.

La plupart s'entendent pour dire que cette attitude a évolué. Ils ne sont plus perçus comme un

bloc d'opposants la protection de l'environnement. Particulièrement chez les mandataires.

plusieurs répondants croient que la concertation pousse les industriels à être plus coopératifs.

Mais ces répondants ne se font pas d'illusions, cette évolution ne s'expliquerait pas tant par un

réel changement de mentalité. que par une volonté d'améliorer une image corporative ternie.

ou par celle d'augmenter la productivité en remplaçant des équipements désuets. Deux

répondants insistent d'ailleurs sur le fait que la concertation doit rester un complément à une

législation stricte, qu'ils estiment nécessaire pour mettre au pas les récalcitrants.

Mais il y a toujours les ... les purs et durs, c'est pour ça que le cadre légal doit rester là. (Mandataire)

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La crainte que certaines industries détournent les comités ZIP pour qu'elles servent leurs fins

est ressentie par un participant et un mandataire.

Ce qu'il faut faire bien attention. c'est que ce ne soit pas dévié, euh, dans l'autre sens. c'est-à-dire l'industriel qui va auprès de la population dire: écoutez, on a pas vraiment le choix, on peut rien faire et puis faut que vous compreniez. (Participant)

3.3.3 Les experts

Les experts sont par définition des acteurs qui possedent une compétence particulière

primordiale dans l'atteinte des résultats par 1 'organisation. Les répondants ne remettent pas en

cause cette vision des choses. En principe, le volet Implication communautaire valorise des

connaissances autres que scientifiques. On pourrait penser que cette valorisation puisse se faire

au détriment du savoir scientifique, détenu par les experts. Au contraire. lorsque les répondants

nous ont parlé des experts. c'était pour souligner leur importance dans la réussite des

interventions. De plus. selon un gestionnaire. les experts ne craignent pas que la participation

des citoyens leur enlève du travail, puisqu'elle entraîne une multiplication des projets à

caractère environnementaux. auxquels ils sont souvent appelés à participer.

3.3.4 Les élus municipaux

La mise en place de comités ZIP bouleverse les relations entre les citoyens et les élus locaux.

Sans passer par les municipalités, l'État consulte directement la population sur des projets dont

certains sont de compétence municipale. Pourtant. le pouvoir politique local. qui est l'échelon

le plus près des citoyens est traditionnellement censé représenter les populations locales auprès

de l'État. Dans les faits, cela ne modifie en rien les prérogatives de ce niveau de

gouvernement, car les municipalités gardent leur pouvoir de décisions sur les projets qui

tombent sous leur juridiction. Mais les comités ZIP court-circuitent en quelque sorte le pouvoir

local et relèguent ces dernières au rang de simples intervenants au sein de ces tables de

concertation.

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Nous avons demandé aux répondants si la crainte de perdre une partie de leur pouvoir

influence la qualité de la collaboration des élus locaux. Aucun des répondants. parmi ceux qui

se sont exprimés sur la question, ne croit que ceux-ci ressentent une telle crainte. Selon un

mandataire. l'inquiétude des politiciens ne réside pas tant dans le fait qu'ils risquent de perdre

une partie de leur pouvoir au profit des citoyens, mais plutôt dans la crainte que leur inaction

dans certains domaines soit dévoilée.

Mais c'est pas une inquiétude au niveau du pouvoir, c'est plus une inquiétude tant qu'à décrier des problématiques. c'est toujours de la politique, c'est la gang qui est en place qui veulent pas se faire dire : d o u s ne faites pas une bonne job.. (Mandataire)

En revanche, d'autres facteurs qui peuvent avoir une influence sur l'attitude des élus

municipaux au sein des comités ZIP ont été évoqués au cours des entretiens. Un mandataire

estime que les municipalités qui n'ont rien à se reprocher au point de vue de la protection de

l'environnement acceptent de bon gré de participer et que lorsque des municipalités font

preuve d'un moins bon esprit de coopération. c'est souvent parce qu'elles n'ont pas de plan

d'assainissement ou de système d'égouts adéquat. Un gestionnaire et un mandataire avancent

également que la collaboration se déroule mieux dans les régions ruraies où les problèmes

seraient beaucoup plus simples, et où les élus seraient plus enclins à soutenir les associations,

alors que dans les grandes municipalités, les réticences des politiciens municipaux seraient

plus fréquentes, car plus d'intérêts divergents entrent en conflits. Les elus des milieux urbains

seraient également inquiets de voir une nouvelle structure politique s'ajouter à celles qui sont

en place. déjà jugées trop nombreuses.

Les municipalités sont également appelées à participer au programme Interactions

communautaires, soit par le financement ou la fourniture de services aux associations. Un

participant nous explique que sa municipalité voyait d'un bon oeil et coopérait volontiers aux

activités de son association. qui s'occupait de l'aménagement et de la gestion d'un parc, ainsi

que de la réhabilitation des berges d'une rivitre. Toutefois. à partir du moment où elle a

commencé & contester les plans d'urbanisme qui portaient atteinte à la rivière, elle a dû faire

face à un manque de coopération de la part de celle-ci.

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C'esr délicat, on essaie d'avoir discussion avec la Ville [...]On a commencé à s'opposer à des projets de la Ville, c'est pas facile. Les urbanistes ne sont pas habitués à travailler avec nous autres. à se faire dire: "c'est pas correct". Ils ne pensent pas a u problèmes environnementaux. C'est pas demain matin que ça va changer. (Participant)

Un mandataire affirme qu'au sein des comités, des associations de protection de la nature font

face à ce qu'il appelle des problèmes de «personnalité».

Des fois, y a des équipes de travail au niveau des municipalités qui sont an ti mouvement qui ressemble un peu à de la pression environnementale et puis qui sont rébarbatifs a u groupes de pression environnementaux. (Mandataire)

Nous conclurons ce point avec la réflexion d'un mandataire qui déclare que les municipalités

acceptent la plupart du temps de bon gré de participer aux comités ZIP. mais que cela n'assure

en rien qu'elles soient prêtes à passer il l'action.

3.4 L'ÉVALUATION DU VOLET [MPUCATIQN COIMMUNAUTARE

Tous les répondants approuvent la participation des citoyens B SLV20ûû. mais cette belle

unanimité ne doit pas laisser croire que les acteurs n'émettent pas de réserves, voire des

critiques sévères sur la fqon dont les programmes sont mis en oeuvre.

3.4.1 La portée du pouvoir des citoyens

Une des questions qui se pose est celle de savoir si les citoyens disposent, par le biais des

comités ZIP. d'un réel pouvoir d'influencer les décisions qui concernent la gestion du fleuve.

Plusieurs répondants croient que les communautés possèdent une grande liberté pour définir

les priorités. Deux mandataires insistent sur l'importance donnée à l'autonomie laissée aux

comités ZIP dans le programme de dépollution du Saint-Laurent. ils comparent SLV2ûûû avec

le Plan d'action des Grands Lacs et affirment que le programme ZIP se distingue de sa

contrepartie ontarienne par la plus grande latitude donnée la population. Selon eux, en

Ontario, les équipes gouvernementales arrivent déja avec une liste de projets et le rôle de la

population se limite à décider quels seront les projets qui seront retenus.

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Tandis qu'ici. quand les comités ZIP s'assoient en consultation. quand la population s'assoit autour des tables, en atelier, ils partent de zéro. Et ils peuvent amener des idées qui ne sont pas incluses dans les études gouvernementales. l1.s peuvent amener des préoccupations qui sont associées uniquement à leur vision des problématiques particulières du milieu. (Mandataire)

Un mandataire souligne aussi que l'indépendance des comités ZIP par rapport aux

gouvernements est mieux assuré par le fait que Stratégies Saint-Laurent soit un organisme

autonome, alon que la coordination des comités consultatifs est gouvernementale en Ontario.

Par contre. certains mandataires et certains participants croient que la portée de ce pouvoir est

bien réduite. Relativement à cette question, un mandataire porte un jugement assez dur. Il

accuse le gouvernement de chercher à garder le contrôle des comités ZIP. Selon lui, le

programme ZIP n'est qu'une façade. une opération de relation publique pour améliorer l'image

du gouvernement. et lui donner abonne conscience». ii soupçonne également que des

fonctionnaires se servent de ce programme dans le seul but de justifier leur emploi.

On fait la pub pour Saint-Laurent Vision 2000 (Mandataire)

Ce mandataire estime en outre que le gouvemement cherche à garder le contrôle de comités

ZIP en cherchant à les bureaucratiser. 11 reproche au gouvernement son attitude paternaliste et

craint que les comités ZIP deviennent des «succunales du gouvernement». Selon lui. i l est

contradictoire d'être un organisme non gouvernemental, mais de subir la mainmise de

Stratégies Saint-Laurent et d'être soumis à l'arbitraire de ses décisions, sans savoir à quels

intérêts ses dirigeants obéissent.

Un autre mandataire ne croit pas que, malgré l'apparente latitude qui est laissée aux comités

ZIP. les citoyens soient en mesure de modifier radicalement les priorités établies par le

gouvemement. Il doute que les citoyens aient les compétences suffisantes pour juger des

problèmes complexes qui affectent le fleuve. Il croit que l'encadrement des experts, qui est

essentiel compte tenu de la complexité des problèmes en cause, pèse sur les décisions des

comités.

L'autre inconvénient, c'est quand on présente, pis là je tombe dans mon opinion de biologiste, quand on présente un bilan technique. à des populations, un bilan, euh.

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physico-chimique ou biologique. qui dit par exemple qu'il y a un problème de contamination au cadmium. dans les sédiments, devant telle ville. Un grave problème. Il y a de fortes chances qu'à la consultation publique. on se fasse sortir comme priorité : bien. il faut enlever le cadmium. On le sait. Mais comment. tu sais ?(Mandataire)

L'étape de la rialisation des PARE constituera le véritable test qui permettra de juger la portée

du pouvoir des citoyens. Tous les répondants qui se sont exprimés sur la question ont bon

espoir que les recommandations des comités ZIP soient en grande partie suivies par le

gouvernement.

Il n 'y a rien qui oblige les gouvernements à financer, c'est vrai. mais leur crédibilité est en jeu, je dirais. Si e u n'investissent pas ou se retirent, ce serait la pire des choses à faire. Que ie gouvernement dise qu'il faut que la population se prenne en main. d'accord. Mais si le gouvernement n'investit pas, ça va être un coup d'épée dans ['eau. (Mandataire)

3.4.2 Les moyens financiers et le support technique

Le reproche le plus fréquemment adressé il l'égard du volet Implication communautaire reste

celui du manque de moyens financiers. Chez les mandataires et chez les participants. certains

répondants s'estiment débordés par la tâche qu'ils doivent accomplir et souhaiteraient obtenir

plus de moyens financiers, que ce soit pour faire appel à des firmes de consultants ou engager

du personnel.

Par ailleurs, la grande majorité des répondants juge que le soutien technique fourni par

S L V Z O est adéquat, certains estimant que les associations possèdent déjA l'expertise

nécessaire pour mener à bien les projets qu'elles entreprennent, et qu'elles ont plus besoin de

financement que de conseils. Mais un participant ne partage pas cette opinion. Il affirme que le

transfert de connaissances vers les associations est il peu près inexistant dans le cadre

d'Interactions communautaires. Selon lui. les experts du gouvernement n'effectuent pas un

suivi adéquat des projets, et ne fournissent pas de moyens techniques qui pourraient être utiles

aux associations.

Puis au Canada, il n 'y a pas de support aux organismes comme nous autres. On n'a pas de logiciels gratuits. Par exemple, aux Etuts-unis, tu as des logiciels qui

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vont te montrer comment faire un suivi de la qualité de l'eau. Je pense que ça reste entre e u autres. ils gardent ça entre eux autres ... (Participant)

Ce même répondant affirme que les informations disponibles sur l'état de l'environnement

local sont incomplétes et qu'il s'agit d'une volonté délibérée de masquer certaines

informations.

Ici, les pesticides appliqués sur les bassins versants c'est secret. ils veulent pas les donner. tu sais. Ils ont peur que les compagnies leur tapent sur les mains, parce qu 'ils révèlent des in formations confidentielies. (Partici pan t )

3.4.3 Le professionnalisme des associations

Plusieurs répondants de toutes les catégories soulignent que les associations bénéficient

souvent de compétences et d'expertises aussi bonnes que celles des gouvernements. Dans

quelques cas toutefois, la valeur des connaissances des communautés est mise en doute. Un

participant doute que les communautés possèdent les compétences nécessaires pour réaliser les

PARE et craint que ceux-ci ne puissent être mis en application.

[ . .. ]les comités U P font des plans d'action et de réhabilitation environnementale. Dans certains cas je crains que l'on y sente l'absence des experts, autant des experts au niveau de l'évaluation de l'environnement que des experts au niveau de la faisabilité des mesures de contrôle et puis de réhabilitation, alors ce que je crains, c'est qu'en phase trois, que ... que les experts ouvrent ces pians-lu et disent: ça été mal fait, puis on peut rien faire avec Fa, puis on les oublie et on recommence.. . Ça se serait un échec terrible. (Participant)

Un mandataire doute quant à lui de la capacité des cornmunaut& de prendre des décisions

éclairées et ridiculise même la suggestion apportée par un intervenant lors d'une consultation

publique.

Le rôle qui n'est pas le leur, c'est dès qu'on commence à rentrer dans la compréhension des décisions prises, ... l'aspect technique des décisions prises. l'aspect fiancier de la distribution des ressources, la, les communautés, par définition, ça va être du tiraillage. ça va être, comme je te disais tantôt, des gens qui vont dire, ben, on va élever le béluga en captivité. Ça c'est pas leur rôle d'entrer à un niveau décisionnel & ce niveau-là. (Mandataire)

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3.4.4 L'efficacité des activités de sensibilisation

Un des objectifs du volet implication communautaire est de sensibiliser la population aux

problèmes qui touchent le fleuve. Les avis sont partagés en ce qui concerne les effets de cette

sensibilisation. Certains gardent espoir que l'approche communautaire puisse contribuer à

modifier les comportements de la population. Mais lorsque l'idée de sensibilisation se retrouve

dans les discours des acteurs, c'est généralement pour souligner ses limites. Deux problèmes

particuliers sont évoqués. D'abord. certains estiment que les programmes ZIP et Interactions

communautaires ne touchent que la partie de la population déjh réceptive aux questions

environnementales et que, par conséquent. ses effets sont à peu près inexistants pour le reste de

la population.

[...]ça rejoint ceux qui sont déj8 un petit peu sensibilisés. Alors ça améliore, ça aide mais ça rejoint pas la majorité des gens, ça les rejoindra jamais, ça touche une petite couche de la population. (Participant)

Ensuite, d'autres répondants doutent que la simple sensibilisation permette d'entraîner une

modification des attitudes et des comportements de la population.

La sensibilisation. ça reste de fa sensibilisation. puis on peut faire des dépliants, ad vitam aeternam. puis ça va rester des dépliants. (Gestionnaire)

3.4.5 La sélection des projets Interactions communautaires

Un participant s'est plaint des crithes de sélection des projets Interactions cornmuriautaires,

qui selon lui reposeraient plus sur un logique bureaucratique que sur une évaluation de la

qualité des projets. Ayant dQ présenter son projet ik plus d'une reprise, aprés avoir essuyé des

refus sous des prétextes qu'il juge discutables, il estime que la quantité de travail nécessaire

pour déposer une demande de subvention est trop importante.

Du côté des gestionnaires, on voit évidemment les choses sous un autre angle. Selon un

gestionnaire. les associations sont compétentes au point de vue technique pour réaliser les

projets, mais réussissent mal A rédiger un dossier de candidature. Et c'est ce qui explique une

bonne partie des refus.

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Souvent les gens n 'ont pas été capables de fournir ïinfomation nécessaire, ça c'est typique du communautaire. plus typique encore du bénévolat. pl us rarement au plan technique. Quand ils réussissent, la plupart de ceux qui ont été financés. c'est parce qu'ils avaient réussi à présenter l'information. Mais leur gros bug c'est ça, c'est présenter 1 'in fornation. (Gestionnaire)

3.5 L'AVENIR D' PLIC CATION COMMUNAUTAIRE

Tous les répondants souhaitent que les programmes ZIP et interactions communautaires se

poursuivent. il est possible de résumer l'opinion générale en ces termes: l'état du fleuve

s'améliore, mais il reste beaucoup de travail 2 effectuer et il est essentiel que les communautés

soient associées à cette démarche. Les répondants ne croient toutefois pas qu'il soit nécessaire

que la participation des citoyens soit élargie d'autres champs d'action. Ils considèrent que

plus de moyens doivent être accordés aux programmes existants. afin qu'ils puissent

pleinement jouer leur rôle. Pour parvenir à augmenter les budgets qui leur sont consacrés. une

gestionnaire suggère de mettre B contribution les industries et les municipalités. Un autre

gestionnaire souhaite que les liens avec les intervenants soient plus développés. notamment

avec les industries, les municipalités, et les organisations syndicales.

L'avenir dira aussi quel son sera réservé aux PARE, car c'est au cours de l'éventuelle

troisième phase du plan d'action qu'ils devraient être réalisés. Toute la pertinence de

l'expérience des comités ZIP repose sur la concrétisation de ces PARE. La plupart des

répondants sont confiants que ces PARE seront réalisés, du moins en partie. Un mandataire

souligne que la crédibilité du gouvemement est en jeu.

Il n*y a rien qui oblige les gouvernements ù financer, c'est vrai. mais leur crédibilité est en jeu, je dirais. Si eux n'investissent pas ou se retirent. ce serait la pire des choses à faire. Que le gouvernement dise: nFaut que la population se prenne en mainu, d'accord, mais si le gouvemement n'investit pas, ça va être un coup d'épée &ns l'eau. (Mandataire)

Seul un mandataire aborde la question dans une perspective plus générale et prevoit que la

participation des citoyens va s'étendre d'autres domaines de la vie publique.

La, ce qui va provoquer [le recours à la participation des communautés dans d'autres domaines], ça va peut-être être en partie l 'espèce d'engouement, de mode

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de, de ... consultation publique pour une chose ou l'autre en environnement. Mais. ça va se produire aussi tranquikment, puis je pense qu 'on aura pas le choh dans ci 'autres domaines, parce que pour une piastre dépensée, il faut avoir une piastre d'encacité. Tout le monde en est tellement conscient que ça devient une espèce de religion. une espèce de besoin de société de savoir ce que les maudits gouvernements font avec notre piastre. Ça, ça veut dire qu'on risque de voir un jour quand y, quand il va y avoir des budgets qui vont être votés dans les municipalités, il va y avoir des consultations pour dire. nous on veux plus de travaux sur une route. plus de réglementations au niveau des écoles. on veux plus de ... on coupe dans telle, telle affaire parce que ça coûte cher puis ça nous donne rien en bout de ligne, puis les maudites taxes, on veut que ce soit réduit. [...] Sinon il va y avoir un soulèvement tranquillement. (Mandataire)

À la lecture des entretiens. nous avons pu constater la diversité des significations qui sont

attribuées à la participation des citoyens dans le cadre de SLV2ûûû. Afin d'analyser notre

corpus nous avons regroupé les intentions 6voquées par les acteurs en nous basant sur nos trois

hypothèses. Nous avons donc relié les points traitant de la réalisation d'actions concrètes,

d'économies et de transmission de l'information à notre hypothèse sur la réussite des actions.

Les affirmations concernant les pressions politiques et la justification des actions ont été

associées à celle portant sur la reconnaissance de l'organisation administrative. Quant aux

élémttits de discours portant sur la mise en oeuvre du développement durable et l'éducation de

la population. ils concernent la diffusion de valeurs démocratiques. Les autres points dont nous

avons discuté avec les répondants nous permettent de replacer ces éléments de discours dans

leur contexte et de relativiser certaines affirmations.

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LES INTENTIONS ASSOCIÉES À LA PARTICIPATION

Dans cette section, nous allons chercher A discerner les intentions qui peuvent être prêtées aux

acteurs impliqués dans les activités faisant appel à la participation citoyenne. en fonction des

catégories auxquels ils appartiennent.

4.1 PREMIERE INTENTION: LA REUSSITE DES ACTIONS DE RESTAURATION DU FLEUVE

L'amélioration de l'état du Saint-Laurent est le but manifeste de SLV2000, il est donc

inévitable que des considérations sur la réussite des actions de restauration du Saint-Laurent se

retrouvent dans les discours des acteurs. Les entretiens ont évidemment rév616 qu'il s'agit

d'une préoccupation importante chez toutes les catdgones d'acteurs. Et cette préoccupation ne

repose pas seulement sur une obligation de justifier les actions posées qui serait ressentie chez

les gestionnaires et les mandataires. En effet. tous les acteurs que nous avons rencontrés ont la

conviction que le fleuve doit être dépollué, souvent dans l'espoir que l'être humain recouvre

des usages perdus, mais la plupart du temps simplement en raison de la valeur que le fleuve

possède à leurs yeux.

Mais ce qui nous intéresse surtout ici, ce sont les raisons invoquées par les acteurs pour

expliquer que le volet Implication communautaire est une approche qui permet de restaurer

plus efficacement le Saint-Laurent. Une de ces raisons est la possibilité de favoriser la

concertation des actions des intervenants. La concertation possède deux avantages majeurs.

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D'une part. elle permet de mettre en commun les ressources humaines et financières

d'organismes gouvemementaux ou non gouvernementaux dont les activités ont un impact sur

le Saint-Laurent. D'autre part. elle permet d'éviter que les interventions de protection du

fleuve puissent être mises en péril par les actions d'autres acteurs.

La concertation est un des maître-mots du PASL et de SLV2ûûû. Déjà. avec le Plan d'action

Saint-Laurent. les gouvernements provincial et fédéral parvenaient à rharmoniser>~ leurs

actions et à éviter les chevauchements administratifs entre certains organismes

gouvernementaux dont les activités touchent le fleuve. Puis, lors de la mise en oeuvre de

SLV2000. 1 'organisation administrative s'est de nouveau associée avec d' autres organismes

gouvemementaux, tel que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

La concertation des actions entre les organismes gouvemementaux permet de mettre en

commun les ressources de ceux-ci. La crise actuelle des finances publiques rend la

collaboration entre les organismes gouvemementaux encore plus profitable. Un exemple des

avantages de cette collaboration concerne la rédaction des bilans des 2IP. qui sont élaborés

grâce à la mise en commun d'informations dispersées dans différents organismes

gouvemementaux.

Grâce à l'approche communautaire, la concertation a pu s'étendre à l'extérieur de l'appareil

gouvernemental. Les gestionnaires ont ainsi pu se trouver de nouveaux partenaires, notamment

les associations. Dans le cadre du programme Interactions communautaires, certains projets et

certaines études sont réalisés à moindre coGt par des associations. En outre. la circulation des

informations entre les intervenants s'est améliorée. Les liens créés grâce à 1' approche

communautaire permettent des échanges entre des acteun qui auparavant n'étaient pas en

contact. L'utilisation des informations et des connaissances scientifiques qui deviennent ainsi

plus facilement disponibles profite il tous les acteurs. Selon eux, elle permet de prendre des

meilleures décisions et la qualité de réalisation des projets se voit améliorée.

Mais les acteurs sont conscients que cette forme de partenariat a ses limites. Les associations

réalisent des projets à petite échelle. En général, leurs interventions se limitent au nettoyage

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des berges. à t'aménagement et à la restauration de milieux naturels. ainsi qu'à des activités de

sensibilisation de la population et de vigilance environnementale. Il est peu réaliste de penser

que n'importe quel type de projet puisse être rsous-traité» à des associations. puisque les

projets à plus grande échelle. par exemple la décontamination des pons. nécessitent des

moyens techniques et financiers importants. D'ailleurs. si l'on considère les résultats globaux

atteints par le plan d'action SLV2000. l'apport des citoyens paraît marginal. Cela s'explique

en partie par le fait que le budget consacré à ce volet représente une faible proportion de

budget total de SLV2000 (6.5 millions sur les 191 millions de dollars consacrés à SLV2000).

mais surtout par la nature des interventions qui peuvent être confiées aux associations.

Par ailleurs. l'obligation faite aux associations de trouver une partie de leur financement

auprès des partenaires locaux permet de bonifier les sommes que le gouvemement consacre à

des projets de protection de l'environnement. Du côté des gestionnaires, on prétend que les

intervenants du milieu doivent investir dans ces projets pour qu'il y ait une «appropriation

locale» des actions gouvernementales. ii n'empêche qu'en plus de la contribution fournie par

I'association qui réalise le projet (le promoteur). l'exigence d'obtenir au moins 30% de

financement extérieur permet de diminuer encore plus les sommes que le gouvemement

devrait investir pour qu'il se concrétise. En 1994-1995, les partenaires du programme ont

fourni 44% du financement des projets, ( 19% en contributions financières et 2 5 8 en bénévolat

et services), soit 19% fourni par les promoteurs et 25% par d'autres partenaires. (SLV2ûûû:

1995). Ces partenaires étaient pour la plupart des organismes publics. En effet. 2146 du

financement provenait d'organismes gouvernementaux ou parapublics fedéraux ou

provinciaux ou encore des municipalités, le 4% restant provenant d'entreprises ou d'individus.

il est intéressant de iioter qu'Environnement Canada réussit ainsi à récupérer pour ce

programme de l'argent d'autres organismes gouvernementaux, bien qu ' il s'agisse de sommes

relativement modestes. Toutefois, le financement obtenu d'entreprises privées reste pour le

moment bien en deçà des espérances des gestionnaires, en se situant à seulement 2% du total.

Bien sûr, ce partenariat ne bénéficie pas qu'à l'organisation administrative, puisque de leur

coté* les associations bénéficient elles aussi d'une nouvelle source de financement. Elles

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peuvent ainsi espérer voir certains de leurs projets se réaliser, à condition qu'ils soient

conformes aux critères fixés par le gouvernement.

II semble donc que le constat de Gaudin. dont nous faisions état dans la première partie. et

selon lequel le partenariat entre les associatiow et ies pouvoirs publics permet de wivifierm les

politiques urbaines. s'applique également au cas de Saint-Laurent Vision 2000. Si l'impact de

cette collaboration est réduit pour le moment, A moyen terme. elle pourrait devenir plus

avantageuse pour les gestionnaires. puisque les associations vont développer une expertise qui

va assurer que leurs interventions soient effectuées de manière de plus en plus professionnelle.

La concertation permet également de concilier les usages sans avoir recours à la

réglementation. Cela est nécessaire pour ne pas que les efforts de restauration du fleuve soient

anéantis par les activités d'autres acteurs. Un exemple de cette menace est celui du projet du

Conseil international de contrôle du Saint-Laurent, un organisme binational dont le mandat est

de superviser la gestion des débits du fleuve et dont les décisions affectent les cycles naturels

du Saint-Laurent. Cet organisme a présenté il l'automne 1995 un projet proposant de réduire le

niveau de la crue printanière. ce qui menace les efforts de restauration du fleuve. en mettant en

péril les milieux humides et les frayéres. Ce projet avait d'ailleurs suscité une forte réaction

dans les milieux écologistes. (Francoeur, 1995. p.A- 1 )

Dans le but d'éviter les conflits d'usage. les gestionnaires souhaitent s'assurer la participation

d'autres organismes lors de I'éventuelle troisième phase du plan d'action. D'ailleurs, lors du

colloque Le Saint-Laurent pour la vie, (Lauzon. Dion et Delisle, 1997) des intervenants ont

fortement insisté sur la nécessité d'obtenir la collaboration de Transport Canada, qui

réglemente la circulation des bateaux sur le Reuve. Compte tenu des impacts importants de la

navigation commerciale sur le fleuve. plusieurs intervenants croient qu'il est essentiel de faire

participer cet organisme au plan d'action, qu'il intègre des préoccupations

environnementales ses objectifs.

À l'échelle locale. les comités ZIP permettent de favoriser cette concertation. L'approche

communautaire permet de s'assurer plus facilement de la collaboration d'autres partenaires en

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créant des espaces de discussion. dans lesquels s'établit un dialogue entre les intervenants.

Bien sûr, la collaboration des associations de protection de la nature a pu être obtenue grâce à

la mise en place du volet Implication communautaire. mais la concertation locale constitue

aussi un moyen de s'assurer la collaboration d'autres acteurs qui auraient été moins enclins à

s'associer avec les gouvernements dans une telle entreprise. En adoptant une philosophie

reposant sur la négociation et la recherche de consensus. les gestionnaires ont réussi à

convaincre les industries et les municipalités de participer de leur plein gré SLV2ûûû. S'ils

avaient eu recours à la coercition. non seulement auraient-ils dû tenter de faire adopter de

nouveaux règlements par le gouvernement, ce qui constitue une démarche longue aux résultats

incertains. mais ils se seraient heurtés h une plus grande opposition d'acteurs peu désireux de

se voir imposer des contraintes par les gouvernements supérieurs.

Cette approche est cohérente avec la volonté affichée des gestionnaires de trouver une

alternative aux approches coercitives. Portée par l'idéologie néo-libérale. la vague de

déréglementation qui affecte de nombreux États n'est pas étrangère A cette orientation. La

suppression de barrières protectionnistes a exacerbé la concurrence entre les provinces et les

pays pour attirer les investisseurs. Les réglements de protection de l'environnement

apparaissent comme des freins A I'investissement et une plus grande <<souplesse» des

règlements est souvent perçue comme le seul moyen d'empêcher une fuite des capitaux. Même

si elle ne repose que sur la bonne volonté des participants, une approche incitative peut quand

même permettre de modifier les pratiques des acteurs dont les activités ont un impact négatif

sur les écosystèmes. La plupart des répondants considèrent d'ailleurs qu'il s'agit de la

meilleure façon de faire avancer la cause de la protection de l'environnement. Comme le

déclarait Harvey Mead, du Comité consultatif SLV2000: (C'est la concertation entre les

différents acteurs qu'il faut privilégier. Il faut viser l'établissement d'un dialogue social basé

sur la reconnaissance des droits, des capacités et des obligations de chacun.^ (SLV2000,

1997b: 1 1)

Ainsi. le volet Implication communautaire permet de favoriser la réussite des actions de

restauration du fleuve et son principal avantage est de permettre la concertation des

intervenants. Nous rejoignons donc le constat de Parenteau (1988) selon qui la participation

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constitue un instrument de gestion sociale des conflits. Il faut toutefois souligner que dans

cette optique les citoyens ne jouent pas un rôle de premier plan. Ils ne sont que des

intervenants parmi d'autres dans la gestion partenariale du fleuve. C'est pourquoi il serait plus

approprié ici de parler de prise en charge de la gestion du fleuve par les acteurs locaux. plutôt

que de simple participation des citoyens.

4.2 DEUXLEME [N?ZNTION: L'AFFIRMATION DU POUVOIR DE L'ORGANISATION

ADMiNISTRATiVE

L'analyse des discours des acteurs permet de voir que la volonté d'assurer la reconnaissance de

I'organisation administrative de Saint-Laurent Vision 2000 joue un rôle majeur dans

l'émergence de la participation des citoyens. Cette intention n'est pas manifeste. mais les

acteurs tirent profit des conséquences subsidiaires de la mise en oeuvre du Volet Implication

communautaire pour s'en servir à leurs fins. Les mandataires et les gestionnaires sont les

catégories pour lesquelles la reconnaissance de l'organisation administrative est une intention

importante. Ce n'est pas étonnant puisque ces acteurs sont devenus des alliés.

4.2.1 La formation d'une alliance

LI est clair que l'engagement des citoyens a permis de tisser des liens entre l'organisation

administrative de Saint-Laurent Vision 2000 et certaines associations de protection de

l'environnement, notamment celles qui sont membres de Stratégies Saint-Laurent. L'analyse

de nos entretiens laisse entendre que les attitudes de la plupart des associations ont nettement

évolué, qu'elles sont passées d'une idéologie de confrontation à une volonté de collaborü,ion,

et qu'elles cherchent maintenant à dtre en phasen avec les interventions gouvernementales.

Comme l'avaient constaté Doem et Conway ( 1994), les réticences du gouvernement canadien

face à cette alliance semblent également être tombées.

Selon Lemieux (1995), une alliance dans la réalisation d'une politique publique peut permettre

d'atteindre un seuil (le seuil effectif de décision) qui peut faire basculer des décisions en

faveur des acteurs qui se sont associés. Elle permet de valoriser les atouts des alliés et de

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dévaloriser ceux des rivaux. Les acteurs qui. dans le cas qui nous intéresse. sont le plus

souvent présentés comme des rivaux sont les industriels et, dans une moindre mesure, certains

politiciens. Le volet implication communautaire favorise les alliances durables, c'est-à-dire

non conjoncturelles et négociées qui, selon Lemieux. assurent la stabilité des politiques. En

effet, contrairement aux activités habituelles de consultation en environnement, telles que

celles menées par le BAPE. le programme ZIP ne favorise pas la participation d'associations à

visée unique. souvent fondées pour s'opposer à un projet particulier. il s'agit en effet d'une

participation négociée entre le gouvemement et les associations qui s'inscrit dans un vaste

projet de protection de l'environnement.

il est difficile de dire si, dans les faits. cette alliance a effectivement permis de faire basculer

une décision particulière. Mais des répondants ont affirmé que le programme uP permet de

faire pression sur les politiciens. paniculièrement municipaux. et sur les industriels. en faveur

de la protection du fleuve. Et force est de constater que de plus en plus de critères

environnementaux semblent être pris en compte par des industriels. On ne peut toutefois pas

affirmer que le programme ZIP joue un rôle important dans cette évolution. puisqu'elle était

perceptible bien avant la mise en oeuvre du programme.

Doem et Conway (1994) nous rappellent que lors de la création d'Environnement Canada. ses

défenseurs souhaitaient que ce ministère soit doté de pouvoir d'intervention en matière

d'environnement auprés de tous les ministères et organismes gouvemementaux. Le

gouvemement ne lui a pas accordé un pouvoir horizontal acssi étendu. Par la suite, le Plan

vert, même s'il s'agit d'une initiative du gouvemement canadien et non d'Environnement

Canada, avait aussi pour objectif d'imposer des préoccupations environnementales auprès de

tout l'appareil gouvernemental. Mais, selon ces mêmes auteurs, ce plan s'est égaiement heurté

à des réticences d'organismes et de ministères qui n'étaient pas prêts à changer leun façons de

faire. On peut se demander si les comités ZIP n'apparaissent pas comme un moyen détourné

pour l'organisation administrative si ce n'est d'obtenir de réels pouvoirs. du moins d'imposer

des préoccupations environnementales à d'autres acteurs gouvemementaux.

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Mais le volet hpiication communautaire peut aussi bien jouer en faveur qu'en défaveur de la

protection de l'environnement. Le cas du comité ZIP Ville-Marie qui n'aurait pu se prononcer

sur un projet de dragage du fleuve. à cause de la présence du Port de Montréal dans ses rangs a

notamment a été cité par un répondant. Le Port de Montréal projette en effet de draguer les

hauts-fonds du fleuve de trente centimètres supplémentaires entre Montréal et Cap-à-la-Roche.

Principalement destiné à permettre aux porte-conteneurs de naviguer avec un chargement plus

lourd, ce projet risque d'aggraver certaines perturbations dont est victime le Saint-Laurent et

est d'ailleurs fortement décrié par les associations écologistes (voir Francoeur. 1996a et 19%).

Mais celles qui étaient membres du comité n'ont pas pu faire entendre leur voix par le biais de

celui-ci. Elles ont dû se conformer aux critères économiques qui ont prévalu.

4.2.2 L' indépendance poli tique des associations

Comme nous l'avions mentionné, l'alliance entre les associations de protection de la nature et

l'État est risquée pour ce dernier et pourrait se retourner contre celui-ci. En effet, i l pourrait

venir à l'idée des associations de «trahir» cette alliance et de contester, par exemple. l'action

ou l'inaction du gouvemement. L'analyse des entretiens nous pousse à croire que certains

facteurs permettent effectivement d'exercer une forme de contrôle sur les associations. Mais

les témoignages étant très nuancés sur cette question, nous ne pouvons affirmer qu'il s'agit

d'une intention délibérée de la part des gestionnaires.

En parlant du rôle de contre-pouvoir des associations, Coulet se trouve à exposer les moyens

dont le gouvemement peut se servir pour contrôler les associations. &a diffusion de

l'information est !e moteur d'ur. contre-pouvoir fondé sur la crédibilité des associations. elle-

même largement liée à l'indépendance politique de ces associations.~ (1992: 281). En nous

appuyant sur cette nous nous sommes demandés si les gouvernements ne

tenteraient pas, soit de restreindre le transfert d'information vers les associations, soit de

limiter leur indépendance politique.

Quelques rares témoignages ont laissé entendre que l'État cherche effectivement contrôler le

transfert de certaines informations sensibles vers les associations. Sans informations

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incriminantes à divulguer, les associations ne peuvent dénoncer les pratiques peu écologiques

des entreprises. D'apr2s ces témoignages, i l semblerait que les gestionnaires cherchent moins à

éviter que les associations se retournent contre eux. que d'éviter de contrarier d'autres

partenaires. c'est-à-dire les industries. Un tel filtrage des informations permettrait d'éviter à

l'organisme gestionnaire de s'aliéner davantage certains acteurs, car les compagnies pourraient

être froissées de voir leur image ainsi ternie par l'indiscrétion du gouvernement.

Cette précaution est d'autant plus importante que le partenariat et la concertation avec les

industries restent à la base de la nphilosophie* du plan d'assainissement du Saint-Laurent. Non

seulement la volonté de collaboration des industriels. traditionnellement peu enclins à soutenir

les politiques environnementales risquerait d'en souffrir, mais l'incident risquerait d'avoir des

répercussions dans d'autres sphères de l'appareil gouvernemental. En effet, on peut supposer

que les gestionnaires cherchent aussi à éviter de s'aliéner les industriels, pour ne pas risquer

d'accroître la rivalité qui existe avec d'autres organismes gouvernementaux, et

particulièrement ceux vocation Çconomique. Cette accusation est toutefois difficile à étayer,

car SLV2000 accorde une grande importance à la diffusion d'informations et a même publié

les noms des entreprises les plus polluantes du fleuve.

En ce qui concerne l'idée que le gouvemement pourrait chercher à contrôler les associations en

limitant leur indépendance politique. il est vrai que certains facteurs tendent à limiter

l'indépendance des associations. Les gestionnaires en sont conscients et ont même cherché

dans le Plan vert A rassurer les associations. a[ ...J le gouvemement du Canada ne souhaite pas

encourager une relation de dépendance, ni diminuer les droits et capacités des groupes à

poursuivre leurs propres démarches à l'égard des priorités en matière d'environnement et des

stratégies de changement.» (Canada, 1990 : 135)

Un des facteurs qui peuvent limiter l'indépendance est l'assujettissement aux critères

bureaucratiques. Par exemple. pour obtenir un financement de la part du gouvernement. elles

doivent se plier à des contraintes bureaucratiques qui irritent les membres de certaines

associations. En outre, les mandataires, plus proches du gouvernement se voient forcés

d'abandonner leur discours radical et de tenir compte de critères autres que des critères

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écologiques. comme l'exemple du dossier du dragage du fleuve le démontre. D'ailleurs. il est

possible que I'UQCN ait cherché à se protéger du contrôle gouvernemental en se détachant de

Stratégies Saint-Laurent. Cet organisme est ainsi devenu un organisme autonome même si

I'UQCN en est resté membre.

Bien que ces facteurs puissent avoir une iilfluence sur l'attitude des associations. cela ne veut

pas dire que les associations soient parfaitement en phase avec le gouvernement. Le fait que

certains mandataires et certains participants ne se privent pas de critiquer ouvertement ie

programme en témoigne.

4.2.3 L'appui de I'opinion publique

Nos entretiens nous ont aussi montré que les gestionnaires ne comptent pas seulement sur leurs

nouveaux alliés pour les appuyer, mais également sur le soutien de la population en général.

Nous avons vu qu'avec l'appui de la population. une pression peut être exercée sur les

industriels, pour qu'ils modifient leurs pratiques ou sur les politiciens, pour qu'ils appuient la

mise en oeuvre du programme.

SLV2000 est conçu de façon à obtenir ce soutien. Cette préoccupation se traduit, dans le cadre

d'Interactions communautaires par la volonté que des actions concretes soient posées. Ces

actions à l'échelle locale sont visibles. afin que les riverains se sentent concernés. De

nombreux projets visent à ramener les gens au fleuve: ils seront ainsi en mesure de constater

certains des bienfaits du plan d'action. Pour ce qui est des comités ZIP. en assurant la

transmission d'une demande sociale, ils permettent aux gestionnaires de coller aux

préoccupations de la population. L'importance accordee la reprtsentativité des comités

témoigne de l'intérêt suscité par cette fonction.

Par ailleurs, on peut se demander si les activités de sensibilisation visent seulement à modifier

les comportements de la population. un objectif qui. si l'on en juge par l'opinion des

répondants, est loin d'être atteint. On peut supposer que la sensibilisation vise plutôt à faire

connaître aux personnes ayant déjjl des préoccupations environnementales ce que le

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gouvernement fait pour remédier aux problèmes du fleuve. D'ailleurs au sujet des

conséquences de la sensibilisation. Guimont. un des coprésidents de l'entente. ne parle pas de

modification des comportements. mais plutôt de la reconnaissance d'un enjeu. il affirme que

SLV20ûû a suscité une «sensibilisation des riverains face à leur fleuve. En effet, la santé du

Saint-Laurent est de nouveau un enjeu important.» (1996: 260) Une fois que l'état du fleuve

est entré dans les préoccupations de la population. l'organisation administrative se voit dotée

d'un atout supplémentaire pour défendre le programme auprès d'autres acteurs politiques.

Les activités qui se déroulent dans le cadre du volet Implication communautaire peuvent

contribuer à la reconnaissance des problèmes du fleuve. Hannigan ( 1995) distingue trois tâches

que doivent accomplir les acteurs qui souhaitent faire reconnaître un problème

environnemental. soit assembling, presenting et contesring. que nous traduirons par :

l'élaboration, la diffusion et la contestation.

Dans le cas qui nous intéresse. les problèmes qui touchent le Saint-Laurent sont reconnus,

puisqu'un plan d'action a été mis en oeuvre pour y remédier. Le but que l'on peut prêter aux

acteurs est celui de maintenir l'intérêt pour les problèmes qui touchent le Saint-Laurent. Ainsi.

même si les acteurs ne cherchent pas à dlaborem un nouveau problème, l'organisation

administrative accorde une grande importance ii l'étude de l'évolution de l'état du milieu. La

mise sur pied du Centre Saint-Laurent' témoigne de la volonté d'assurer une base scientifique

à cette politique.

En plus, grâce au volet Implication communautaire les connaissances pratiques des riverains

deviennent en principe une nouvelle source d'informations pour mieux connaître les

conséquences locales des problèmes de pollution. Par exemple, les pêcheurs sont souvent les

premiers à constater la diminution de la population d'une espèce, et peuvent ainsi devenir les

déclencheurs d'une démarche scientifique. Mais dans les faits, malgré la volonte flichée par

les gestionnaires, il semble que ce soit plus l'expertise des scientifiques qui soit valorisée.

Fondé en 1988 par Environnement Canada dans le cadre du PASL, le Centre Saint-Laurent est un centre de recherche consacré à l'étude de l'état du Saint-Laurent.

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alors que le savoir des riverains semble en général être perçu comme folklorique. ou même

ignoré.

Le rôle de diffusion parait cependant être plus important. SLV2000 dispose d'un volet

communication bien développé et le volet Implication communautaire permet de compléter ces

efforts. Les entretiens nous ont appris que les comités ZIP pouvaient faire connaître aux

intervenants et aux citoyens présents lors de consultations publiques les problèmes qui

touchent le fleuve.

Finalement, l'approche communautaire joue aussi un rôle dans la troisième tâche de la

construction d'un problème selon Hannigan, la contestation. Le partenariat institué par le volet

implication communautaire fournit aux associations un commanditaire institutionnel qui

assure la légitimité de leur démarche pour protéger le fleuve et la continuité du processus.

Tous ces facteurs jouent un rôle dans la reconnaissance de l'organisation administrative, mais

nous avons constaté qu'il est en fait difficile de faire une distinction entre cette intention et

celle d'assurer la reconnaissance de SLV2000, voire des politiques environnementales en

général. Si nous abordons la question sous cet angle, nous nous apercevons que toutes les

catégories d'acteurs ont un égal intérêt h assurer la reconnaissance des politiques

environnementales. il ne s'agirait dors plus simplement d'une volonté qui concerne les

gestionnaires et les mandataires d'assurer le maintien de l'organisation à laquelle ils

participent, mais d'une volonté qui concerne également les participants d'obtenir l'appui de la

population envers les politiques de protection de I'environnement.

4.3 TROISJEME INTENTION: LA DIFNSION DE VALEURS

L'analyse des entretiens démontre que la volonté de rendre plus démocratique la gestion de

I'environnement est présente chez quelques acteurs, mais joue un rôle secondaire. La

revendication du droit de la population de participer à la gestion de I'environnement se fait

discrète. Quant à l'idée que l'approche communautaire ne s'arrête pas à la gestion ae

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l'environnement, mais qu'elle pourrait s'étendre à d'autres domaines de la vie publique, elle

est quasiment absente des discours.

Pourtant au Québec. les revendications qui concernent le droit de participer à la gestion de

l'environnement se font entendre fréquemment. Par exemple. des associations ont revendiqué

haut et fort leur droit de participer aux débats concernant la mise en place d'une politique de

l'eau. Lorsque le gouvernement a profité de la crise du verglas pour adopter le plan stratégique

dTHydro-Québec, qui prévoit le retour de grands aménagements sur les rivières, des voix se

sont élevées pour protester et sxiger des audiences publiques. De telles revendications ne

touchent pas que le domaine de la protection de l'environnement. mais aussi celui de

l'urbanisation. «De même. dans un Québec démocratique et pluraliste appelé à faire des choix

[...] chez une population plus instruite. mieux informée et sollicitée par des mouvements

sociaux. tel I'écologisme. la participation est une valeur déclarée. Les groupes d'intérêts de

plus en plus organisés et nombreux réclament régulièrement d'être entendus.~(Thibault. 1996:

5 )

Si peu de répondants ont revendiqué le droit de participer à la gestion de l'environnement,

c'est peut-être justement parce que ce droit institutionnalisé d'influencer les décisions est

acquis. du moins en principe. Il est vrai que le programme ZIP se situe dans une approche

comparable à celle proposée par l'écologie sociale, selon laquelle un accroissement des

pouvoirs de la communauté doit reposer sur de nouvelles institutions dans lesquelles les élus

n'ont pas une voix plus forte que celle des groupes de citoyens. D'ailleurs, d'après les

témoignages que nous avons recueillis, Stratégies Saint-Laurent accorde une importance

particulière la question de la représentativité des ZIP. Ainsi, pour que la demande d'un

organisme qui souhaite fonder un comité soit acceptée, il est nécessaire que celui-ci ne soit pas

considéré comme marginal, et qu'il parvienne à s'assurer la participation de représentants de

suffisamment d'intervenants issus de différents milieux.

Mais, dans les faits, on reste loin de I'établissement d'une démocratie participative. En effet,

les décisions ne sont pas contraignantes pour le gouvernement, et tous les acteurs gardent le

droit d'exercer leun compétences. Des revendications risquent d'ailleurs de réapparaître lors

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de la mise en oeuvre des PARE. si les acteurs jugent que les plans que les communautés ont

élaborés ne sont pas réalisés à leur satisfaction. En effet, toute la pertinence de l'expérience

des comités ZP repose le pouvoir d'influencer les décisions dont les citoyens disposent dans

les faits. Comme le souligne Godbout. «Pour constituer un phénomene stable, la participation

suppose un équilibre entre pouvoir et mobilisation.» (1983: 35). Les décisions des comités ZIF

devront être mise en oeuvre. sinon ce programme risque de susciter une grande insatisfaction

chez ceux qui sont devenus les partenaires de l'organisation administrative, mais qui

pourraient alon se retourner contre elle.

Si les revendications démocratiques restent secondaires, par contre. nos entretiens nous ont

démontré que la volonté de diffuser des valeurs écologiques était très présente dans les

discours et ce, chez les acteurs de toutes les catégories. Même si certains acteurs restent

prudents par rapport B cette idée, il n'empêche que tous espèrent qu'une évolution des attitudes

et des comportements face à I'environnement se produise et que le programme hplication

communautaire y contribuera. D'ailleurs, la participation des citoyens à la protection de

I'environnement n'est pas simplement perçue comme un moyen de changer les

comportements, mais également d'accompagner, voire de susciter un renversement de

responsabilité. La responsabilité de protéger l'environnement appartenait principalement a

l'État, elle s'étend maintenant égaiement aux citoyens.

Le développement de ce sentiment nous renvoie il la notion d'écocitoyenneté. aussi appelée

écocivisme, selon laquelle la protection de l'environnement est une des responsabilités qui

incombent aux citoyens. L'écocitoyennete consiste en un engagement concret des individus en

faveur de l'environnement. Cet engagement peut se traduire par une simple modification des

comportements, pour que ceux-ci deviennent plus respectueux de I'environnement. Mais les

«écociioyens» peuvent également prendre part B la prise de décision en matière de gestion de

l'environnement, Ion de consultations publiques. L'écocitoyenneté peut aussi se concrétiser

par la participation volontaire B des activités collectives visant à régler des problèmes

environnementaux qui touchent une communauté. Le plus souvent cette participation est

bénévole. mais jamais elle ne repose sur la seule base d'une compétence statutaire. Un citoyen

s'engage à titre de membre d'une communauté. L'écocitoyenneté se veut une façon de mettre

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en oeuvre le concept de développement durable et se déploie surtout A l'échelle locale. s'agit

d'une réponse des communautés h des probltmes locaux ou 2 des manifestations locales des

problèmes de nature globale.

Le développement de l'écocivisme est une volonté affichée dans le Plan Vert du Canada. «Le

Canada se donne pour but de créer une société sensibilisée à l'environnement et dont les

citoyens possèdent les connaissances. la capacité et les valeurs nécessaires pour agir.*

(Canada, 1990: 145) Dans le document dotions d'écocivisme» publié dans la foulée du Plan

Vert, on explique comment I'écocivisme contribuera à atteindre, selon les auteurs, un meilleur

équilibre social et écologique.

-D'abord, en contribuant à prévenir l'émergence de problèmes aux solutions coûteuses et difficiles er en encourageant la compréhension et l'action individuelles.

-Ensuite, 1 'écocivisme contribue ù une amélioration qualitative des politiques. Un haut degré de participation éclairée aux débats publics sur les questions de progrès et d'environnement suscite l'élaboration et la mise en oeuvre de bonnes politiques. Une telle participation est aussi garante que les politiques sont conçues pour le plus grand nombre et ne servent pas seulement les intérêts d'une minorité influente.

-Eq%. 1 'écocivisme stimule l'éclosion de buts et valeurs communs. Alors que la vie en société engendre naturellement le conflit, l'apanage d'une société évoluée esr de régler le conflit de manière constructivr. Il est de toute première imporîance que l'énergie déployée à promouvoir les diverses thèses entourant les questions d'environnement et de développement soit canalisée vers la découverte de solulions pratiques. L 'écocivisme incite les Canaàiens à reconnaître d'abord ce qui les unit et, ensuite, a dégager les objectifs communs vers lesquels toute action devra tendre.

(Environnement Canada, 1993: 6)

Ii est intéressant de noter les intentions que les rédacteurs de ce document associent à la

difision de l'écocivisme. Certains éléments se rapprochent de nos hypothèses. Une première

intention est instrumentale et concerne directement la protection de l'environnement. grâce

aux changements de comportements et à la prévention. Une deuxieme intention concerne

l'amélioration de la qualit6 des politiques de protection de l'environnement, grâce au soutien

Page 104: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

de la population. La troisième intention est de favoriser la concertation. voire même de

renforcer l'unité canadienne !

4.4 LES CORRESPONDANCES ENTRE LES CA~~GORIES D'ACTEURS ET LES iNTENTiONS

Si nous revenons à notre diagramme. nous pouvons voir qu'à la suite de l'étude des entretiens.

nous pouvons donc associer I'intention d'assurer la réussite des actions de restauration du

fleuve aux trois catégories d'acteur. L'intention d'assurer la reconnaissance de l'organisation

administrative peut être associée aux catégories des mandataires et des gestionnaires. Quant à

I'intention de diffuser des valeurs démocratiques. il ne s'agit d'une intention importante pour

aucune catégorie.

Tableau 4.1 : Correspondance entre les catégories d'acteurs et leurs intentions : résultats

La réussite des actio La reconnaissance de restaurataon du f iewc I'organisahon adnunistrative

G : gestionnues La &on de nowcUcs M : mandataires vakurs démocratiques P : participants

Les mandataires et les gestionnaires se retrouvent donc dans la même intersection. Quant aux

participants, ils ne se distinguent que par la moins grande importance qu'ils accordent à la

reconnaissance de l'organisation administrative. Ii est intéressant de noter que pour la plupart

des éléments étudiés, il est difficile d'associer un type de discours à une catégorie d'acteurs. Il

s'agit donc là d'une indication que les associations de protection de la nature et l'organisation

administrative sont devenues des partenaires qui, par le biais de l'approche communautaire,

poursuivent des buts communs.

Page 105: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

n faut quand même souligner que les questions concernant l'évaluation du volet implication

communautaire permettent de distinguer les discours des acteurs appartenant à la catégorie des

gestionnaires des autres discours. Sur cette question, les mandataires et les participants étaient

nettement plus critiques que les gestionnaires. On pouvait bien sor s'attendre à un pareil

résultat. mais cela indique tout de même que la mise en place du volet Implication

communautaire a ssulevé de grandes attentes auprès des associations de protection de la nature

qu'il est maintenant difficile de combler.

4.5 LA PARTICIPAIION DES ClTOYENS À LA RESTAURATION DU M ~ N E

Nous allons ici nous attarder aux intentions des acteurs impliqués dans le Plan d'action Rhône,

pour voir si elles se comparent ZL celles que nous avons discernées dans l'étude de SLV2000.

Rappelons que la partie de notre étude qui concerne la France nous sen de cas-témoin. de point

de référence pour effectuer des comparaisons. Ii ne s'agit pas d'une étude comparative à

proprement parler ; l'analyse des intentions des acteurs y sera donc moins développée. Pour

cette partie de l'enquête, nous nous sommes appuyés sur des documents officiels et sur les

informations fournies par les informateurs que nous avons rencontrés (voir annexe B).

Nous avons vu que de nombreuses similitudes existent non seulement entre les problèmes

environnementaux qui affectent le Rhône et ceux du Saint-Laurent, mais aussi en ce qui

concerne les actions qui ont été entreprises pour le restaurer. En France, comme au Québec, les

gestionnaires cherchent à faire participer les citoyens et les associations aux politiques de

protection de l'environnement, tant au niveau de la prise de décision qu'au niveau de l'action.

Dans le SDAGE du bassin Rhône-Méditerranée-Corse est décrit le rôle qui incombe aux

citoyens dans la protection des cours d'eau:

Leur contribution se situe à deux niveau principaux :

- Intégrer dans la vie quotidienne des réflexes et des habitudes contribut à une gestion équilibrée de L'eau et respectueuse de l'environnement [...] A ce titre le SDAGE. qui souligne l'importance des actiuns à la source, doit être prolongé par une politique forte de sensibilisation et de communication.

-Participer sur le terrain par I'intennédiaire de structures associatives à la gestion de l'eau et des milieux. Sur ce sujet le SDAGE rappelle toute l'importance

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des diverses associations qui peuvent jouer un rôle important d'incitation. de relais de certains intérêts publics, etc ...

(Comité de bassin RMC, 1995, vol. 1: 1 13)

Sans affirmer explicitement l'idée que la délégation de projets et d'études aux associations

permet au gouvernement d'économiser, les acteurs voient beaucoup d'avantages B la

participation des associations. Selon un mandataire. cette participation permet d'insuffler un

nouveau dynamisme A la mise en oeuvre des politiques environnementales, notamment car elle

permet de profiter des réseaux existants pour transmettre des informations scientifiques ainsi

que pour effectuer de la vigilance environnemen tale. il souhaiterait d'ailleurs pouvoir mieux

profiter de ce réseau. et confier des activités de communication à d'autres associations.

Mais la capacité d'intervention des associations est ici aussi limitée. Par exemple, celles-ci ne

peuvent intervenir sur le Rhône, car de nombreux aménagements lourds ont été réalisés sur ce

cours d'eau et car la Compagnie nationale du Rhône (CNR)' est la seule responsable de

l'aménagement du Rhône. Toutefois, dans le cas du schéma de vocation piscicole,

l'association MRM agit en maître d'oeuvre des travaux qui sont réalisés par la CNR.

Les gestionnaires cherchent également à tirer profit des connaissances scientifiques des

membres des grandes associations, en leur confiant la réalisation d'études. En retour, cela

constitue une interessante source de financement pour ces associations. Toutefois, la question

de la compétence des associations est la aussi soulevée, notamment par un participant, ce qui

peut paraître étonnant. A ce sujet. un mandataire qu'avant de confier une étude à une

association. il est nécessaire de faire une sélection, mais que les associations choisies font leur

travail de façon tout-&-fait professionnelle. L'idée que les riverains et des pêcheurs peuvent

fournir des connaissances essentielles est aussi mise en doute. Comme l'explique un

mandataire, ils ne peuvent décrire l'état dts stocks de poisson que par rapport au rendement de

La CNR est une société d'intérêt générai sous contrôle de l'État. Elle est «ltopirateum unique du Rhône, et a pour missions de produire de l'élecîricité, de faciliter la navigation. et de favoriser le développement agricole par des travaux d'imgation et de protection contre les inondations.

Page 107: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

leur pêche. Si les prises diminuent. c'est peut-être à cause d'une diminution réelle des stocks.

mais aussi peut-être simplement parce que les poissons sont ailleurs.

Il est vrai que la participation des citoyens a une cenaine incidence sur l'efficacité des actions.

mais d'après nos entretiens, il faut plutôt voir dans cette orientation une façon d'assurer la

reconnaissance de cette politique de protection de l'environnement. De plusieurs façons. les

gestionnaires cherchent à obtenir le soutien des associations et de la population en général.

Comme nous l'affirmait un mandataire. l'appui de la population est pour eux un atout majeur.

car les politiciens seront réticents à sacrifier un programme que leurs électeurs jugent

important. Par exemple, le Comité de bassin accorde une grande importance à cet usage qu'est

la pêche, comme en témoigne le schéma de vocation piscicole qu'il a produit. Selon le

ministère de l'Environnement, de 20 000 à 30 000 pêcheurs fréquentent le Rhône. Les

gestionnaires peuvent donc compter sur une base de sympathisants. faisant souvent partie de

réseaux qui comptent de nombreuses associations de pêcheurs et fédérations.

Pour maintenir et accroître l'intérêt envers le Rhône, des activités de communication sont

organisées. Par exemple, des activités de promotion du «tourisme-pêche» sont prévues dans le

schéma de vocation piscicole. De plus. l'association MRM réalise une exposition itinérante sur

la pêche et son histoire sur le Rhône, qui porte aussi sur ses efforts pour rétabiir les migrations

de poissons. Il faut aussi souligner que contrairement à d'autres associations ~Migrateurs, qui

regroupent exclusivement des associations de pêcheurs, l'association MRM a cherché à

obtenir une meilleure représentativite des communautés. Elle s'est donc associée avec des

associations de protection de la nature. telle Ia FRAPNA Ardeche.

La recherche de l'appui de la population ne s'arrête pas à la pêche. Tout comme au Québec. on

cherche ramener les gens au fleuve pour que les effort de restauration du fleuve profitent à la

population, et qu'ils soient visibles au plus grand nombre possible. Des villes. comme Lyon,

aménagent des parcs pour redonner accès au fleuve à la population.

La volonté de faire pression sur d'autres acteurs politiques semble aussi être une intention des

acteurs. En effet, une des raisons évoquées par un mandataire pour expliquer le fait que le

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comité de Bassin ait créé l'association MRM est que cela permet de faire accepter plus

facilement des décisions de l'État par les pouvoirs locaux. Un mandataire nous a expliqué que

son association agissait en quelque sorte en prête-nom de l'État. pour vaincre l'opposition des

pouvoirs municipaux aux directives émanant du gouvernement. D affirmait qu'il était plus

facile de faire accepter aux élus municipaux de participer à un projet s'il semble être issu des

citoyens plutôt que s'il découle d'une décision prise par un niveau de gouvernement supérieur.

Selon lui, une association a une meilleure image auprès des élus locaux que l'État. parce

qu'elle a d'air indépendantm.

En ce qui concerne la volonté de diffuser des valeurs démocratiques, les témoignages se

rapprochent encore une fois de ce que nous avons entendu au Québec. Bien que des enjeux

démocratiques sous-tendent la participation des citoyens, lonqu'on se retrouve sur le terrain.

les acteurs sont plus pragmatiques et ne font pas de liens entre la participation des citoyens et

l'idée de nouvelle démocratie. Ils évoquent plutôt l'importance de changer les attitudes et les

comportements des citoyens envers le Rhône et l'environnement en général.

Pourtant. des auteurs français croient que la participation des individus à la gestion de

l'environnement, et dans d'autres domaines de la vie sociale s'inscrit dans un mouvement plus

vaste de transformation des rapports entre l'État et le citoyen. Barraqué souligne qu'en Europe,

nUn niveau régional est de plus en plus souvent chargé de gérer la ressource et de la répartir

entre les différents types d'usagers. D'où la création de "parlements de I'eau". ou

s'expérimentent peut-être une autre façon d'exercer le pouvoir en démocratie.)> (1992a: 3).

Gaudin, quant à lui, explique l'essor de la participation du public dans différents domaines de

la vie sociale à partir du constat que la France est en proie à une dkmobilisation politique liée

au développement des organisations bureaucratiques et il la trop grande abstraction de la

représentation du pouvoir. Selon lui. l'État français cherche à introduire de nouvelles

médiations entre les institutions et la société pour y remédier.

D'ailleurs, les pouvoin de tables de concertation que sont les comités de bassin et les

commissions locales de I'eau vont assez loin. En effet, les SDAGE et les SAGE ont une valeur

légale. En contrepartie. le rôle des associations et des citoyens est rtduit. Les procédures sont

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beaucoup plus lourdes et contrôlées plus directement par les pouvoirs publics. Plusieurs

décisions. telle la délimitation du périmètre du SAGE et la composition des Commissions

locale de I'eau doivent être approuvées par arrêté préfectoral.

Puisque les SDAGE sont prévus par la Loi sur I'eau de 1992 et sont donc incontournables.

selon certains témoignages, les acteurs opposés aux activités de protection du fleuve cherchent

à imposer des objectifs trop peu précis pour être contraignants, afin qu'il n'y ait pas de recours

légaux possible. Et il semble que certains y soient parvenus. nEn France, pendant des années.

certaines agences de bassin sont devenues des clubs d'exploitants des cours d'eau. Les

responsables des inondations, les producteurs d'électricité et les responsables de la navigation

se sont vite ligués contre l'émergence d'une problématique environnementale qui accordait la

priorité à la conservation de la ressource elle-même, voire la restauration des écosystèmes.>~

(Francoeur, 1997d: A-2)

Mais, comme le mentionnions, la participation semble plus liée à une volonté chez les

décideurs de susciter une prise en charge de la protection de I'environnement par les

populations qu'à des considérations démocratiques. Tout comme au Québec, Ie ministère de

l'Environnement français a mis en oeuvre un programme ayant pour objectif de développer

I'écocitoyenneté. Ce programme se concrétise par des opérations tel le rNettoyage de

printemps, qui pendant deux jours mobilise les acteurs locaux dans des travaux de nettoyage

et de réhabilitation des sites. On souhaite ainsi modifier les comportements des individus, car

l'objectif à long terme de cette opération est qu'un jour il n'y ait plus de déchets à ramasser!

En raisons de facteurs politiques et culturels qui distinguent la France du Québec, la

participation des citoyens s'organise différemment. Toutefois, après le rapide survol que nous

avons fait du Plan d'action Rhône, nous pouvons constater que les intentions des acteurs qui

participent aux activités faisant appel à la participation des citoyens et des associations

semblent être comparables il celles qu'on retrouve au Québec, soit assurer la réussite des

actions de dépollution du fieuve, assurer la reconnaissance des politiques de protection de

l'environnement et développer la responsabilité des citoyens face à I'environnement.

Page 110: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

L'intégration de la participation des citoyens dans le plan de restauration du Saint-Laurent était

souhaitée et revendiquée par le milieu associatif. Stratégies Saint-Laurent et le comité ZIP du

lac Saint-Pierre ont été fondés par des associations de protection de la nature dans le but de

promouvoir la participation des communautés dans la gestion du fleuve. Après quelques

années et une expérience pilote. elles furent exaucées: les gestionnaires ont ajouté un pan

majeur au PASL lors de la refonte qui a donné naissance à SLV2ûûû. le volet implication

communautaire. On peut supposer que si les associations avaient revendiqué des tels droits au

cours des années 1970. Ion de formulation des premitres politiques de protection de

l'environnement, les pouvoirs publics leur auraient tout simplement opposé une fin de non-

recevoir. La protection de I'environnement était alors une prérogative de l 'État, qu'il n'était

pas question de partager avec les citoyens.

Cette fois. l'organisation administrative a accepté de déléguer une partie de son pouvoir aux

comités ZIP et en plus de mettre en place un programme pour subventionner les projets des

associations de citoyens. il serait inexact d'affirmer que les gestionnaires ont cédé la pression

des associations, puisque le virage vers les communautés était prévu depuis I'adoption du Plan

Vert du Canada, plusieurs années avant la mise en oeuvre de SLV2000. Comme le souligne

Godbout (1983), il ne faut pas concevoir la participation comme un adon» de pouvoir des

gouvernants aux gouvernes; tous les acteurs doivent trouver leur intérêt dans ce partenariat.

Nous avons donc cherché à savoir quelles étaient les intentions qui pouvaient être associées à

la participation des citoyens dans le cadre de SLV2000. Les résultats de notre étude nous ont

poussé à. reformuler certaines des intentions que nous avions supposé être celles des acteurs.

Nous avons vu que la volonté d'assurer la reconnaissance de I'organisation administrative se

confondait souvent avec celle d'assurer la reconnaissance des politiques publiques de

protection de :'environnement en général et de Saint-Laurent Vision 2000 en particulier. Nous

avons aussi vu que si les acteurs n'accordent pas une importance majeure h l'idée de nouvelle

démocratie, ils espèrent que des valeurs écologiques se diffusent parmi la population.

Finalement. en ce qui concerne l'intention de favoriser la réussite des actions de restauration

Page 111: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

du Saint-Laurent. nous avons vu qu'elle se retrouve bien chez les acteurs. De plus, nous avons

constaté qu'ainsi formulées. ces trois intentions se retrouvaient chez chacune des catégories

d'acteurs que nous avons étudiées.

SLV2000 est loin d'être la seule expérience de gestion participative au Québec. Depuis

quelques années. on assiste à une diversification des modes de gestion de l'environnement. qui

touche particulièrement la gestion des cours d'eau. Cela s'explique notamment en raison de

l'attrait qu'exerce auprès des populations les fleuves et les rivières. Mais toutes ces

expériences ont ceci de commun qu'elles cherchent A mobiliser les acteurs locaux dans une

optique de gestion intcgrée des cours d'eau.

Au Québec, plusieurs associations ont cherché à devancer ['action des gouvernements et ont

pris en charge la gestion des rivières. Le Réseau des organismes de rivières du Québec

regroupe une trentaine d'organismes sans but lucratif. issus des milieux locaux avec pour

objectifs la restauration et la préservation des rivieres. Cette participation des communautés à

la gestion des rivières repose sur des modèles d'intervention variés (Francoeur 1997 a.b,c et d).

Par exemple. la formule européenne du contrat de riviere a été reprise par les riverains de la

rivière Sainte-Anne. Ces contrats, issus d'un pacte collectif, sont des engagements légaux qui

définissent la teneur de ta contribution de plusieurs intervenants à la restauration d'une rivière.

P m i ces intervenants, on retrouve des municipalités, des entreprises, des agriculteurs. des

pourvoyeurs, des associations de chasse et pêche, et des villégiateurs. Un autre exemple est

celui de la société de conservation et d'aménagement du bassin de la nviére Châteauguay

(SCABRIC), qui s'est inspiré du modéle des Conservation autorifies qui existent en Ontario

depuis un demi-sièc!e, et qui sont des instruments de gestion des eaux par bassin versant.

financés par le gouvernement ontarien et qu i possèdent des pouvoirs d'intervention.

Le gouvernement du Québec tente lui aussi certaines expériences. À la demande de

l'Association québécoise des techniques de l'eau, le ministère de i'Environnemnent créait

comité de bassin de la rivière Chaudière, le (COBARIC) pour étudier la meilleure façon

d'assurer la gestion des cours d'eau. Tout comme les commissions Peane et Legendre par le

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passé, la COBARIC propose la création d'agences de bassin. dont le fonctionnement et le

mandat s'apparentent h ce qui se fait en France.

Page 113: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

CONCLUSION

L'ambition de cette étude était de comprendre les logiques sociales qui ont contribué à

l'émergence de la participation des citoyens dans le cadre du programme de dépollution du

Saint-Laurent SLV2000. Pour ce faire nous avons cherché i connaître les intentions que les

acteurs associent à cette forme de gestion de l'environnement.

Une première constatation a été de voir la convergence qui existe entre les intentions des

acteurs appartenant à l'organisation administrative chargée de la gestion de SLV2ûûû et celles

des acteurs appartenant B certaines asociations de protection de l'environnement. Nous

croyons que cette convergence des intentions explique pourquoi la participation des citoyens a

pu s'imposer facilement dans le cadre de SLV2000. Elle démontre que ceux-ci sont réellement

devenus des partenaires dans la mise en oeuvre de ce programme de restauration du Saint-

Laurent. Leur rapprochement est tel qu'un nouvel acteur est apparu dans le domaine des

politiques publiques de protection de l'environnement, soit les associations ayant obtenu un

mandat du gouvernement pour participer à la gestion d'une politique publique de protection de

l'environnement. Bien sûr, cette belle unanimite ne doit pas cacher que certains intérêts restent

divergents et que la mise en oeuvre des PARE risque de soulever certains problèmes.

Une première intention que nous avons discernée est une intention instrumentale. celle de

favoriser la réussite des actions de restauration du Saint-Laurent. La participation des citoyens

et des associations provoque en effet une dynamique de concertation des intervenants et le

développement de réseaux grâce auxquels I'information circule plus facilement. Ces facteurs

permettent d'améliorer la qualité et l'efficacité des actions posées.

Page 114: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

Une deuxième intention est celle d'assurer la reconnaissance des politiques de protection de

I'environnement. Grâce Li l'alliance entre l'organisation administrative et certaines associations

de protection de l'environnement, ainsi qu'avec l'appui de la population, les dkfenseurs de la

protection de I'environnement accroissent leur pouvoir face à leurs adversaires, notamment les

industriels et certains élus, et assurent la continuité de ces politiques.

Finalement. une demiere intention est de développer une éthique de l'environnement chez la

population. Les acteurs souhaitent ainsi faire évoluer les valeurs au sein de la population de

manière à ce qu'elles soient plus conformes à leur propre système de valeurs. La diffusion de

telles valeurs aurait pour conséquence de modifier les attitudes et les comportements de la

population à l'égard de l'environnement.

il est nécessaire de souligner que la distinction des intentions en fonction de catégories

reposant sur les finalités, les conséquences subsidiaires, et les valeurs a ses limites. Bien sûr,

elles nous ont permis de dégager certains éléments de la réalité complexe que constitue la

participation de citoyens aux politiques de protection de I'environnement. En cela. elles

s'avèrent pertinentes. Mais elles ne doivent pas nous faire perdre de vue que les intentions que

nous avons dégagées finissent par se recouper. Par exemple, le développement de

I'écocitoyenneté, qui repose sur des valeurs écologiques peut avoir un impact non négligeable

sur l'état des écosystèmes. grâce h la modification des comportements qu'elle suscite. En

retour, cette amélioration du cadre de vie assurera la reconnaissance des politiques de

protection de l'environnement. ainsi que des institutions chargées de les mettre en oeuvre.

Pour approfondir cetk recherche, il pourrait être intéressant de former des sous-groupes au

sein de certaines catégories, ce que le nombre d'acteurs que nous avons interrogés ne nous a

pas permis de faire. Par exemple, en distinguant les acteurs appartenant a Stratégies Saint-

Laurent, plus proches de l'organisation administrative, d'avec ceux appartenant aux comités

ZIP, il aurait peut-être été possible de classifier les discours très variés des mandataires, qui

reflètent en fait l'ambiguïté de leur situation. En effet, dans la même catégorie, nous avons pu

entendre des discours qui se rapprochent de celui des gestionnaires, alon que d'autres étaient

Page 115: DES CITOYENS FLEUVE SAINT-LAURENTLa participation des citoyens à la protection de I'environnement a pris une place importante dans le cadre de la deuxième phase du programme de restauration

critiques ii l'égard des associations et d'autres encore qui étaient critiques à l'égard du

gouvernement.

De plus. les discours que nous avons recueillis nous poussent B nous demander si deux sous-

groupes ne se distinguent pas aussi chez les associations. Le premier regrouperait les

associations A vocation générale. telles les associations de protection de la nature à caractère

national. qui participent généralement aux comités ZIP. et le second. les associations ayant une

vocation particuli&re. qui défendent une cause précise. telle la protection d'une rivière. et qui

participent généralement à Interactions communautaires. II qerait alors possible de vérifier. si.

comme certains entretiens le laissaient entendre, dans le premier sous-groupe. les valeurs liées

à la démocratie et A l'écologie seraient plus présentes que chez le deuxième sous-groupe qui

seraient plus orientés vers la réussite des actions.

Le volet Implication communautaire de SLV2000. ainsi que de nombreux autres exemples de

participation des citoyens et des associations dans la gestion cours d'eau. montrent clairement

qu'un renversement de responsabilité se produit actuellement dans le domaine de la protection

de l'environnement. Certains y voient un désengagement de l'État qui fuit ses responsabilités.

d'autres une prise en charge par les communautés, plus proches des milieux à protéger.

L'avenir nous dira si la gestion concertée et partenariale est la voie à suivre pour protéger les

cours d'eau. Mais, pour que la dynamique de la participation des citoyens donne sa pleine

mesure, il est clair que des moyens financiers et techniques encore plus importants devront être

mis à la disposition des associations. et qu'un pouvoir r6el devra être delégue aux

communautés riveraines. L'ouverture créée par SLV2ûûû a suscité de nombreuses attentes qui

restent à être comblées.

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ANNEXE A

LISTE DES SIGLES

BAPE : Bureau d'audiences publiques en environnement

CMED : Commission mondiale sur l'environnement et le développement

ISTC : Industrie, Science et Technologie Canada

MEF : ministère de l'Environnement et de la Faune (Québec),

MRM (association) : Migrateurs Rhône-Méditerranée

ONU : Organisation des Nations Unies

PASL : Plan d'action Saint-Laurent

PARE : Plan d'action et de réhabilitation de I'environnement

RMC : Rhône-Médi terranée-Corse

S L V 2 0 : Saint-Laurent Vision 2000

SAGE : Schéma d'aménagement et de gestion des eaux

SDAGE : Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux

UQCN: Union québécoise pour la protection de la nature

ZiP : Zone d'intervention prioritaire

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ANNEXE B

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

Pour rencontrer nos informateurs. nous avons procédé de deux façons. Dans certains cas. nous

avons communiqué avec des individus qui nous avaient été référés par des personnes tierces.

ce qui permet une meilleure sélectivité et facilite le contact. L'autre partie des répondants a été

choisie au hasard à partir de listes des associations participantes au programme Interactions

communautaires et des comités ZIP, ce qui permet une plus grande neutralité dans le choix des

répondants .

Au Québec, nous avons rencontré:

Cinq représentants de la catégorie des gestionnaires. soit:

- 5 fonctionnaires d'Environnement Canada. occupant différents postes de gestion;

Quatre représentants de la catégorie des mandataires, soit:

- 2 personnes oeuvrant pour Stratégies Saint-Laurent. - 2 personnes oeuvrant pour des comités ZIP:

Trois représentants de la catégorie des participants. soit:

- 2 membres d'associations de citoyens à visée locale - 1 membre d'une association de protection de la nature à caractère national.

En France, nous avons mené des entretiens avec:

- Un fonctionnaire de la Direction régionale de l'Environnement Rhône-Alpes - Un fonctionnaire de l'Agence de l'Eau RMC

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- Un responsable de I'association Migrateur-Rhône-Méditerranée - Un membre d'une association de protection de I'environnement 6 visée régionale

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ANNEXE C

GUIDE D'ENTRETIEN

Nous présentons ici les grandes lignes des guides d'entretien qui nous ont servi à réaliser notre

étude. il faut toutefois souligner qu'il ne s'agit ici que d'un canevas, et qu'au cours des

rencontres certaines questions ont été ajoutees ou modifiées en fonction des catégories

d'acteurs auxquelles appartenaient les répondants et des sujets qu'ils ont abordé.

Identification du répondant

1 ) Poumez-vous décrire votre fonction ? a) Comment en êtes-vous arrivé à occuper ce poste ? b) Votre formation est-elle reliée au domaine de l'environnement ?

L 'organisme

2) Quels objectifs poursuit votre organisme? a) Comment a-t-il pris naissance?

3 ) Pourquoi votre organisme a-t-il decidé de participer au volet implication communautaire?

Le programme de restauration du Saint-Laurent

4) Pourquoi était-il nécessaire de mettre en place un plan d'action pour améliorer l'état du fleuve?

5) À quand remonte la prise de conscience des problèmes de pollution du Saint-Laurent? a) Comment s'est opérée cette prise de conscience?

6) À votre avis, pourquoi le gouvernement a-t-il mis en place le programme Implication communautaire? a) Quel intérêt y trouve-t-il?

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Les relations entre les acteurs

7) Est-ce que les dus locaux acceptent de bon gré de participer aux activités de votre organisme?

8) Est-ce que la population appuie votre démarche ? a) La population considhe-t-elle qu'il est important de dépolluer le fleuve?

9) Comment qualifieriez-vous vos relations avec les entreprises ?

Évaluation

10) Quels sont les avantages de la participation des groupes communautaires à la protection de I'environnement ? a) Quels sont les inconvénients ? b) Les groupes communautaires peuvent-ils effectuer des interventions de façon

professionnelle et en assurer le suivi ? c ) Croyez-vous qu'il soit souhaitable d'élargir leur participation ?

1 1 ) Considérez-vous que les projets réalisés par votre organisme sont des succès? a) Est-ce que vous comptez réaliser d'autres projets ?

1 2) Comment évaluez-vous le programme Interactions communautaires? a) Comment pourrait-il être amélioré?

13) Est-ce que les comités ZIP remplissent adéquatement leur mandat? a) Quels poids ont les décisions des comités ZIP? b) Croyez-vous que les PARE vont être mis en oeuvre?

14) Les procédures de consultation population ne risquent-elles pas de faire grimper les coûts de coordination et de ralentir l'aboutissement de projets?

16) En termes économiques, de coûts et de bénéfices, peut-on considérer qu'il s'agit d'un bon investissement ?

17) Croyez-vous que l'implication des associations peut favoriser une modification des attitudes du public à l'égard du Saint-Laurent en particulier et de I'environnement en général?

18) A votre avis, pourquoi doit-on dépolluer le fleuve ? a) SLV2000 a-t-il atteint ses objectifs? b) Comment poumit-on améliorer SLV2000?

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ANNEXE D

LlSTE DES RÉFÉRENcEs

Ouvrages nénéraiix

BOOKCHIN. Murray ( 1993). Une société a refaire, trad. de l'américain par Catherine Barret. Montréal, les éditions Écosociété.

BRAVARD. Jean-Paul (1987) Le Rhône: Du Léman à Lyon, coli. L'homme et la nature. Lyon. La Manufacture.

COMMISSION MONDIALE SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT ( 1989). Notre avenir à tom, Montréal, Éditions du Fleuve.

DOERN. Bruce G. et CONWAY, Thomas (1994). The Greening of Canada, Federal institutions and Decisions, Toronto. University of Toronto Press.

FREUND. Julien ( 1990). h i e s sur Mar Weber, Genève. Librairie Droz.

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GODBOUT, Jacques (1983). Lo participation contre la démocratîe, Montréal. les éd. coop. A. Saint-Martin.

GUAY. Louis (1993). La dégrCrdarion de l'environnement et l'institutionnalisation de sa protection, Québec, Cahiers du GERPE. juin. no 93-02.

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HANNIGAN. John A. ( 1995). Environmental sociology: A Social Constructionist Perspective, coll. Environment and Society, London. Routledge.

LASSERRE. Jean-Claude. ( 1980). Le Saint-Laurent: Grande porte de 1 'Amérique. coll.Géographie. Lasalle, Hurtubise HMH.

LEMIEUX, Vincent ( 1 995). L 'Étude des politiques publiques: les acteurs et leur pouvoir, Sainte-Foy. Presses de 1' Université Laval.

ROUSSOPOULOS. Dimi trios I ( 1994). L 'écologie politique. trad. de l'anglais par Annie Chauveau. Montréal, les éditions Écosociété.

RICHARD, Pierre (1995). Le temps des citoyens. Pour une démocratie décentralisée. coll. Politique d'aujourd'hui, Paris, Presses Universitaires de France.

STREN. Richard, WHITE. Rodney et WHITNEY. Joseph (ss.dir.1 ( 1 992). Sustainable Cities, Urbanization and the Environment in International Perspective. Boulder. Westview Press.

WEBER. Max ( 197 1 ). Économie et société. tome premier. trad. de l'allemand par Julien Freund, Paris. Librairie PIon, 197 1.

Articles de revues et d'ouvraeres collectifs

BARRAQUÉ. Bernard ( 1989a) Avant-propos n, in BARRAQUÉ. Bernard (sous la direction de) Problèmes politiques et sociaux-& gestion de l'eau, Documentation française. No 686. septembre, pp. 2 il 4.

BARRAQUÉ, Bernard (1989b) u ... et en Europe », in BARRAQUÉ, Bernard (sous la direction de) Problèmes politiques et sociaux-la gestion de l'eau. Documentation française. No 686. septembre, pp. 33-42.

COULET, Monique (1992). « Le rôle des associations dans la prise en compte des problèmes d'environnement dans la gestion des grands fleuves », Revue géographique de Lyon, voi.67, no 4. pp. 28 1 à 284.

FABIANI. J.-L. (1989) «La nature, l'action publique et la régulation sociale » in ASSOCIATION DES RURALJSTES FRANCAIS. Du rural à l'environnement, La Question de la nature aujourd'hui. MATHIEU, Nicole et JOLLIVET, Marcel (sous la direction de). A.R.F. éditions / l'Harmattan, pp. 195 à 302.

GIBSON, Robert B. ( 1975). a The Value of Participation », in P.S. Elder (sous la direction de), Environmental Management and Public Participation. Canadian Environmental Law research Foundation, pp.7 à 39.

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GROULX. Lionel H.(1994). r Participation. pouvoir et services sociaux W . in Traité des problèmes sociaux, DUMONT. Femand. LANGLOIS. Simon et MARTIN. Yves (sous la direction de), Québec. IQRC, pp. 1035 à 105 1.

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Actes de colloaue

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GUIMONT, François ( 1996). « Vision 2000 et le Plan d'action Saint-Laurent-Grands Lacs » in CENTRE JACQUES CARTER. Neuvièmes entretiens du Centre Jacques Cartier. Actes du colloque Fieuve et patrimoine Mettre en valeur unfleuve: pourquoi?. pp. 257 à 264.

LAUZON. Lyne. DION, Hélène et DELISLE, Claude E. (sous la direction de) (1997). Le Saint-Laurent pour la vie: actes du Zlième congrès de 1 'Associadon des biologistes du Québec; collection Environnement de l'université de Montréal, vol. 23.

MERMET. Laurent (1995). «L'environnement comme problème de gestion )> in Sciences. société, environnement. Actes de 1 'école d'été européenne (Chamrousse, 28 août-8 septembre 1993, Institut de l'environnement de Grenoble-Chambéry, pp. 163- 169.

TKIBAULT. André (1996). J e participe. tu participes. il consulte» in AQÉI, 1996. Compte rendu du quatrième congrés annuel de l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts sur La participation du public à l'heure des bilans (Montréal, 24-25 novembre 1995). Collection Environnement de l'Université de Montréal. No 5 (hors série), pp.5- 17.

Articles de iournaux

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-( 1 996b). Le Saint-Laurent: mort ou vif (2): Le fleuve est toujours moribond en comparaison du Rhin. où le saumon est de retour>> Le Devoir, 26 juillet, p. A-9.

CLEARY. Lynn ( 1996). «Le Saint-Laurent ne se porte pas trop mal. merci! Le Saint-Laurent fait très bonne figure quand on le compare aux autres grands fleuve du monde» Le Devoir. 6 août, p. A-7.

LAMON, Georges (1996). «Réduction globale de 96% des déchets toxiques dans le fleuve». La Presse. 20 septembre. p. A-6.

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-( 1997b) «La transformation de la rivière Sainte-Anne: La formule du «contrat de rivière a permis de mobiliser la population», Le Devoir,le 29 juillet 1997, pp.A- 1 et A-8.

-( 1997c) «Petite révolution dans la région de Châteauguay: Sur le modèle des Conservation Authorities ontariens, les citoyens ont entrepris la gestion de tout le bassin de leur rivière». Le Devoir, Le Devoir. le 30 juillet 1997, pp. A-1 et A-8.

-( 1997d) «La gestion du patrimoine aquatique: Grand bond en avant ou retour au "paradist* de l'ère Duplessis?)>, Le Devoir, 3 l juillet. p.A-2.

4 1 9 9 8 ) « "On donne le fleuve aux armateurs" Les environnementalistes dénortcent la décision d'Ottawa de donner le feu vert au creusement de la voie navigable sans audiences publiques.», Le Devoir, 24 mars, p.A- 1 et A-8.

PAINCHAUD, Jean (1996) <<Un courant alarmiste sur le Saint-Laurent: Aucune dcnnée ou information ne permet d'affirmer que les fonctions écologiques essentielles du fleuve sont à ce point dégradées qu'il soit moribond», Le Devoir, 26 août, p.A-7

Publications gouvernementales

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PARENTE AU, René ( 1 Mg) , LA participation du public aux décisions a' 'aménagement, Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services.

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IMAGE NALUATION TEST TARGET (QA-3)

APPLIED 1 IMAGE. lnc - 1653 East Main Street - -. - - Rochester. NY 14609 USA -- -- - - Phone: 71 6/482-0300 -- -- - - Fax: 71 6/20&5989

O 1993. Appiied Image. Inc.. All Righis Resewed


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