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Digitalarti Mag #13 (Français)

Date post: 30-Mar-2016
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36 pages d'Art Numérique avec : l'actualité du Artlab et de New York - La machine à rêves de Leonardo da Vinci par Nicolas Clauss et Jean Jacques Birgé - l'Atelier Arts Sciences - Futurotextiles - l'Art Cinétique de la galerie Denise René - CInéma élargi et interactivité de Jeffrey Shaw - les Photomobiles de Norbert Hillaire - Le Digital Art Museum - Les nouvelles frontières du mapping au festival Sundance - Transmediale - le Guide de la création numérique française
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digital art i #13 avril-mai-juin 2013 - 6 / 8 $ US L'ATELIER ARTS/SCIENCES - CEA ART CINÉTIQUE FUTUROTEXTILES NORBERT HILLAIRE - PHOTOMOBILES WOLF LIESER - DIGITAL ART MUSEUM LA MACHINE Â RÊVES DE LEONARDO DA VINCI LES NOUVELLES FRONTIÈRES DU MAPPING ARTS, TECHNOLOGIES ET ÉVÈNEMENTS GUIDE ART NUMÉRIQUE JEFFREY SHAW Le Magazine International de l'Art Numérique et de l’Innovation www.digitalarti.com #13 CINÉMA ÉLARGI ET INTERACTIVITÉ
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L'ATELIER ARTS/SCIENCES - CEA ART CINÉTIQUE FUTUROTEXTILES NORBERT HILLAIRE - PHOTOMOBILES WOLF LIESER - DIGITAL ART MUSEUMLA MACHINE Â RÊVES DE LEONARDO DA VINCI LES NOUVELLES FRONTIÈRES

DU MAPPING ARTS, TECHNOLOGIES ET ÉVÈNEMENTS GUIDE ART NUMÉRIQUE

JEFFREYSHAW

Le Magazine International de l'Art Numérique et de l’Innovation

www.digitalarti.com

#13

CINÉMA ÉLARGI ET INTERACTIVITÉ

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AVRIL/MAI/JUIN 2013

SOMMAIRE

03 EDITO

04 DIGITALARTI.COMinfos, blogs et liens

05 ART-LABrésidences, workshops et événements

06 NEW YORKexpositions, lieux et initiatives

07 CHRONIQUESAriel Kyrou, Pierre Carniaux & Thierry Fournier

08 NICOLAS CLAUSS & JEAN-JACQUES BIRGÉ La machine à rêves de Leonardo da Vinci

10 L'ATELIER ARTS/SCIENCES - CEA un laboratoire de recherche et d'expérimentation

12 FUTUROTEXTILES design, mode et innovation

14 ART CINÉTIQUE Galerie Denise René

16 JEFFREY SHAWcinéma élargi et interactivité

20 NORBERT HILLAIRE Photomobiles

24 WOLF LIESER Digital Art Museum

26 SUNDANCE FESTIVALles nouvelles frontières du mapping

28 TRANSMEDIALEarts, technologies et événements

31 RESSOURCEDroit d’inventaire

32 AGENDAexpositions, festivals…

33 DIGITALARTIrendez-vous, infos…

EDITO

FRONTIÈRES INTERACTIVES NOUVELLES FRONTIÈRES

Les artistes contemporains qui travaillent en alliant l’art et la scienceexplorent un nouveau monde, un "monde de paquet" selon l’expressiond’Albertine Meunier, déterminé par de nouvelles unités de mesure:comment mesurer la vitesse de l’Internet? Comment ces paquets dedonnées transforment-il notre vie quotidienne, entre connexion etdéconnexion, micro-actions et actions collectives?

Dans ce numéro, deux pionniers de l’art numérique nous livrent leurs réflexions sur la convergence entre art et science qui délimite denouveaux horizons de création: Jeffrey Shaw, avec ses dispositifs de«Future Cinema» ou sa dernière œuvre interactive conçue avec SinanGoo: "Fall Again, Fall Better" (titrée selon la formule de Samuel Beckett).Norbert Hillaire nous livre ici ses notes de travail, ses "photomobiles",série réalisée avec son iPhone qui joue d’un "rapport entre temps extatique et arrêté, et un temps des flux, de la mobilité et du mouve-ment perpétuels, d’un rapport entre lenteur et vitesse".

Au sommaire également, une interview de Wolf Lieser du Digital ArtMuseum de Berlin, précurseur de l’intégration des œuvres numériquesdans le marché de l’art, le compte-rendu de la Transmediale et le CTM Festival, événements qui se focalisent sur les recherches ou pratiques entre arts et technologies, la visite guidée de l’atelierArts-Sciences à Grenoble…

"New Frontier" c’est aussi l’intitulé de la programmation du Sundancefestival consacrée à l’art numérique, aux expériences immersives, au mapping…, et ce pourrait être le sous- titre de l’exposition Futuro-textiles consacrée aux applications et aux vêtements intelligents.

Géolocalisation: Digitalarti inaugure en avril un site Internet bilinguepour mettre en valeur le réseau des structures françaises dédiées à lacréation numérique et au multimédia, réalisé à partir du Guide desRessources et des Lieux publié par MCD avec le soutien de la Directiongénérale de la création artistique (Ministère de la culture et de lacommunication: www.guideartnumerique.fr

Une nouvelle cartographie à découvrir…

ANNE-CÉCILE WORMS

#13

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Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011. © D.R.

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DIGITALARTI NEWS

DIGITALARTI.COMDernières news de la communautéInformations, blogs, liens et news à retrouver sur le site

Témoin de la création contemporaine, la Maison des Arts etde la Culture de Créteil est un lieu de production et de diffu-sion pluridisciplinaire et généraliste. Elle présente largementles œuvres de référence, soutient et favorise les formesexploratoires en art, particulièrement les collaborations artis-tiques hybrides. À ce titre, à Créteil, une troisième salle, le

Satellite, permet d’accompagner de jeunes artistes dans leur travail d’explorationsur des formes artistiques largement diffusées lors du festival EXIT, une manifes-tation portée par la volonté de relier spectacle vivant et arts numérique.< www.digitalarti.com/fr/blog/exit >

Consacré au jeu et au détournement dans la créationcontemporaine, Gamerz réunit chaque année à Aix-en-Provence des artistes, des chercheurs, des profession-nels de la création, français et étrangers. Issus de diffé-rents réseaux européens, les artistes se joignent aufestival pour partager leurs pratiques et leurs réflexions.

Expositions, performances, workshops, conférences et rencontres profession-nelles alimenteront une programmation riche, novatrice et ludique à la frontiè-re des arts et des nouvelles technologies.< www.digitalarti.com/fr/blog/gamerz >

Focus

FESTIVAL GAMERZFocus

FESTIVAL EXIT

AgendaExtension, croisements sonores du 2 au 29 maiIncontournable pour les curieux des arts sonorescontemporains, Extension a lieu du 2 au 29 mai en Îlede France. Il est porté par la Muse en Circuit, centrenational de création musicale créé autour de Luc Fer-rari en 1982, et dirigé depuis 1999 par David Jisse quisigne cette année avec émotion sa dernière program-mation. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_1 >

Videoformes du 20 mars au 7 avrilPour sa 28ème édition, Videoformes se déploie dansClermont-Ferrand du 20 mars au 7 avril. Le festi-val s'ouvre sur la traditionnelle remise des prix dela création Videoformes, qui récompense desvidéos inscrites dans une recherche artistique.Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_2 >

ArtistesAntonin Fourneau / Interfaces, pop-cultureet hybridations frénétiques(…) Si on se met dans la peau d'archéologues

d'un futur distant qui examineraient une collec-tion d'objets de notre époque, et au milieu duquelil y aurait une section "Antonin Fourneau" (ouplutôt du genre "EUFRCG-2013-09- AF"), quedirait notre équipe ? Que feraient-ils de tout cela ?Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_3 >

La fiancée du Tigre, tournée Amérique CentraleL’énergie des contacts physiques entre les deuxdanseurs induisent musique et lumière en tempsréel. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_4 >

Festivals, Centres d’ArtVisages du mondeLa ville de Cergy se dote d'un nouvel équipementculturel qui réunit mairie, médiathèque, locauxassociatifs, maison de quartier, salle de spectacle,espace multimédia, salle de danse et lieux de ren-contres artistiques. La programmation de Visages duMonde est particulièrement tournée vers la danse,les arts urbains et numériques.Lire la suite…< www.digitalarti.com/m13_5 >

Photos du Festival Gamerz 08Retrouvez les images de la dernière édition du festival Gamerz. Lire la suite…< www.digitalarti.com/m13_6 >

InnovationLe 1er épisode des" Hello World !" sur ProcessingAprès la sortie de quelques teasers assez inspirés,nous étions impatients de découvrir la série dedocumentaires Hello World ! (en anglais, réaliséepar l'Ultra-Lab) sur les langages de programma-tion créatifs, comme Processing ou encore open-Frameworks. Lire la suite… < www.digitalarti.com/m13_7 >

MYO, détecteur de la force, qui est avec vousMyo est un simple bracelet à porter entre le poi-gnet et le coude. Plusieurs capteurs se logent danssa structure, ainsi qu'une alimentation et untransmetteur Bluetooth. Lire la suite…< www.digitalarti.com/m13_8 >

la chaîne de l'Art numérique.Reportages, interviews, Art video, teasers…Découvrez l’installation monumentale FLUX de Stéphane Perraud à laGare de l’Est à Paris. Dans la lignée de Lueur — une précédente créationprésentée lors de la Nuit Blanche 2008 — Stéfane Perraud poursuit sa repré-sentation symbolique des cycles de vie, des flux démographiques eturbains : en montrant aux voyageurs une cartographie des flux de la gare del'est, j'essaie de mettre en relation à la fois les passagers entre eux — en propo-sant une conscience collective des déplacements — et de poétiser cette cartographie par un symbole très simple :un point lumineux/un homme, une femme. La vidéo a été réalisée par Bijan Anquetil. < www.digitalarti.com/fr/blog/digitalarti_services/flux_installation_monumentale_de_st_fane_perraud_dans_la_gare_de_lest >

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DIGITALARTI ARTLAB

by

Dernières news du Artlab

FocusSi le Artlab concentre de nombreuses ressourcestechniques, sa valeur vient des personnes qui le com-posent, des visiteurs qui le renforcent et des échangesriches se créant entre tous ses contributeurs. Cettesynergie des compétences et des imaginaires permetau Artlab d’être un foyer de créativité et de recherche.Petit tour d'horizon de ce que cette émulationhumaine rend possible.< www.digitalarti.com/fr/blog/artlab/que_fait_on_au_artlab_en_ce_moment >

RechercheRASPBERRY SUSHILe Artlab est aussi un lieu derecherche et développement. Notreattention est actuellement tournéevers l'ordinateur monocarte opensource Raspberry Pi (lienwikipédia). Tous les mois, nousavons le plaisir d'accueillir plu-sieurs développeurs expérimentéspour des sessions Raspberry Sushi :durant toute une après-midi et unesoirée, le matériel du Artlab est misà leur disposition pour essayer, tes-ter, chercher de nouvelles applica-tions au Raspberry Pi puis dévelop-per les fruits des premiers essaisconcluants. Lire la suite…< www.digitalarti.com/artlab13_1 >

ProjetLES CRÉATIONSPOUR ESCALIERSDU ARTLABAprès Hall effect de Jason Cook quiillumine de différentes couleurs lamontée de chaque personne dansl’escalier, l’imagination des résidentsdu Artlab se déchaine autour de cetespace commun. Grâce à un trans-metteur radio, les informations depassage sont transmises à un serveurqui permet de les utiliser pourconnecter différents dispositifs. Lire la suite… < www.digitalarti.com/artlab13_2 >

WorkshopWORKSHOP AU ARTLAB POURLES ÉTUDIANTS DE PARIS 8Du 15 au 18 janvier, Antonin Four-neau (résident au Artlab) animait unworkshop pour un groupe de 6 étu-diants de Paris 8 au Artlab de Digita-larti. Il était assisté par AlexandreSaunier, technicien permanent duArtlab. Plus qu'un simple workshop,ces quelques jours étaient une prépa-ration en vue du 13ème Eniarof (8 et 9 novembre 2013 à Aix-en-Proven-ce), le projet de fête foraine numé-rique développé par Antonin. C'étaitégalement l'occasion d'inaugurer latoute nouvelle salle de workshop. Lire la suite…< www.digitalarti.com/artlab13_3 >

ExpositionEXPOSITION "MELODIANE" AU ARTLABDepuis fin novembre, Nicolas deMelodiane expose à l'entrée du Art-lab trois œuvres de son projet Melo-diane. Melodiane est un projet desociété future utopique. Dans ce tra-vail de long terme, Nicolas imagine,dessine et écrit pour décrire la vie de900, cette cité sphérique évoluantdans les nuages et qui renferme unecivilisation entière. Architecte d'unrêve précis, organisé et détaillé, il sepenche à la fois sur le système d'édu-cation, les instances juridiques ouencore l'agriculture des habitants de900, les Mélodiens. Lire la suite…< www.digitalarti.com/artlab13_4 >

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IN SITU NEW YORK

Le 2 mars 2013, le fameux MoMA a ouvertune exposition inédite qui inaugure lepremier aperçu public de sa collection enherbe de jeux vidéo. Façon de dire que lestatut artistique de ces œuvres ludiquesest une évidence. Intitulée Applied Design,l’exposition propose de contempler, sinonde jouer, 14 jeux classiques (entre autresobjets d’art physiques et œuvres numé-riques) distingués pour leur exceptionnel“design d’interaction”. Le design donc, etpas seulement graphique. Il s’agit du codeutilisé comme matière première poursculpter une expérience, peindre des com-portements, définir l’interaction entre lejoueur et l’univers du jeu. On parlerait dela qualité de cette interaction numériquecomme on parlerait de la synthèse entre lefond et la forme d’une œuvre physique.

Ce premier choix sans nostalgie de 14 jeux à l’honneur au vernissage faitdésormais partie de la collection perma-nente du département d’architecture etdesign, une sélection qui devrait s’élargir à une quarantaine de jeux dans les annéesà venir. Incrustés dans les murs noirs, lesjeux sont exposés de manière relativementsobre, soit accompagnés d’un contrô-leur/casque, soit en version démo. Ainsi, on peut s’amuser à jouer à Passagependant cinq minutes colorées, musicales

et émouvantes, puis se plonger dans lavidéo démonstrative muette de Dwarf For-tress tout en ASCII RVB. Parmi d’autresmerveilles, on retrouve Vib-Ribbon, l’undes premiers jeux japonais propulsés parla musique, et les incontournables Pac-Man et Tetris (version originale en ASCII)des années 1980, tout à fait jouables.

Histoire de mettre en valeur la pertinencehistorique et culturelle de ces jeux, il estintéressant de les (re)découvrir parmid’autres artefacts de “design appliqué”,qu’il s’agisse d’une carte dynamique devols aériens, de chaises imprimées en 3Dou d’un détonateur éolien biodégradablemuni de GPS. Dans un paysage institu-tionnel où les jeux vidéo ont souvent dumal à trouver leur place entre œuvre d’artinteractif et exploit techno-ludique, leMoMA les recadre dans un contexte deculture générale. Mais si ce musée d’artmoderne respecté dans le monde entierouvre effectivement la porte à cette ava-lanche d’art des jeux vidéo (selon PaolaAntonelli, commissaire de l’expo), ellepose aussi la problématique très sérieusede la conservation muséale d’œuvresnumériques interactives.

En même temps dans la petite DevotionGallery de Williamsburg à Brooklyn, fon-

dée par des artistes/musiciens et dédiéeaux interactions entre art, science, designet nouvelles technologies, Mark Skwareka ouvert son exposition personnelle etrétrospective AR Intervention. AR comme"Réalité Augmentée", "Intervention" com-me la quinzaine de juxtapositions scéno-graphiées par l’artiste utilisant cette tech-nologie en guise d’actions activistes. Ainsi, on retrouve accrochées aux murscomme des tableaux des captures d’écranprises d’un smartphone ou tablette où l’onvoit des images numériques superposées àla scène réelle vue par la caméra de l’appa-reil, positionnées et affichées grâce à lagéolocalisation.

Ce sont ces visions de la réalité “augmen-tée” par ces images en contrepoint quicherchent la provocation : une vue aérien-ne de la foire Art Basel Miami 2012 inon-dée ; le corps d’un employé de Foxconnsuicidé par terre à l’intérieur d’un AppleStore à Manhattan ; des enfants de minori-tés ethniques dansant sur les îlots deSmall World à Disneyland ; des avatarsmanifestant pour Occupy Wall Streetdevant la bourse de New York, à Shanghaiet à Tokyo ; la Statue de la Liberté, le murséparant Israël de la Palestine, toutes lestraces de la Zone Démilitarisée (DMZ)séparant les deux Corées… effacées.

Mais le vrai vernissage AR est celui del’application creatAR, réalisée par Skwareket son équipe, qui permet à n’importe queltechnophobe de faire apparaître et depositionner une image de son choix enréalité augmentée. Il suffit de téléchargerl’appli sur son smartphone ou tablette,puis de saisir un nom de fichier (ou unmot à rechercher dans la base de données)pour appeler l’image désirée; ensuite onpeut soit saisir une adresse physique exac-te, soit voir l’objet virtuel se téléchargersur place, et le déplacer à volonté, dansl’écran de son appareil mobile. Et voilà lesfantômes de Code source, le roman deWilliam Gibson, d’autant plus accessiblesau grand public.

Réalité augmentée : techno-gimmick outerrain artistique ? On se rappelle que dès2010, les artistes Mark Skwarek et SanderVeenhof n’ont pas attendu l’invitation duMoMA pour y exposer leurs œuvres invi-sibles. Car la toute première intervention,We AR in MoMA, qui s’emparait des coor-données GPS des galeries du musée,ouvrait grandes les portes à une avalanched’art dit augmenté.

CHERISE FONG+ D’INFO :Applied Design, exposition au MoMA, New York, jus-qu’au 31 janvier 2014< www.moma.org/applieddesign >creatAR < http://creatarapp.blogspot.fr >Devotion Gallery < http://areyoudevoted.com >Mark Skwarek < www.markskwarek.com >

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AR Intervention@ Devotion Gallery.

DES JEUX CONSERVÉS À L’ART AUGMENTÉEntre le très renommé Museum of Modern Art (MoMA) à MidtownManhattan et une minuscule galerie à Williamsburg, Brooklyn,l’art numérique casse les murs — physiques, virtuels, institutionnelset technocratiques… et ce, bien au-delà de New York.

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CHRONIQUES LIVRES - DVD

Dans Buzz, Frank Roze atti-rait notre attention sur l'in-dustrie du divertissement quidéveloppe de plus en plus desprojets protéiformes et multi-médias [cf. Digitalarti mag#12]. Cette tendance à ladéclinaison sur plusieursplans semble (enfin?) conta-miner la création artistique"pure". Preuve en est, en unsens, avec Last Room / Dépli.Un coffret (DVD + Appli +Livre) qui réunit Pierre Car-niaux et Thierry Fournier.À l'origine de ce"tryptique" : Last Room, unfilm de Pierre Carniaux quifut présenté en avant-pre-

mière au FIDMarseille 2011. C'est un documentaire tourné auJapon sur ces minuscules espaces proposés par des hôtels, qui n'enont que le nom, aux salarymen et autres citadins en perdition dansles mégapoles tentaculaires. Ces "hôtels capsules" mettent ainsi àla disposition de leur client quelques mètres carrés qui tiennentplus du sarcophage que de la suite, avec néanmoins tout le confortaux normes nippones (télé, accès internet, bain…).

Avec une image presque voilée, un peu trouble et troublante, Pierre Car-niaux filme donc les occupants de ces tanières high-tech. Ils y racontent leurhistoire ou des histoires… Mais plus que des portraits, c'est avant tout descorps, habillés ou dénudés, que Pierre Carniaux saisit dans ces instantanés.Thierry Fournier — que nous avions interviewé pour son projet scé-nique interactif Seul Richard d'après Shakespeare [cf. Digitalarti mag #5]— propose en parallèle une version presque modulable à l'infini de cefilm "néo-réaliste". Intitulé Dépli, cette proposition "miroir" reposesur une application pour iPad. Les plans et les rushs du films sont"dépliés", mis à disposition du "spectateur 2.0" qui est invité à recom-poser une trame cinématographique en "mixant" les séquences, leurdéfilement, leur agencement, etc. Co-édité par Shellac & Pandore en coffret, qui offre à la fois le DVDdu film de Pierre Carniaux et un lien de téléchargement ainsi qu'unnuméro de série pour accéder à l'application de Thiery Fournier, cetovni (objet visuel non identifié) est aussi "fixé" sur papier. Un livrequi offre des captures d'écran et photos de projections, des images ensituation de l'iPad, des informations complémentaires sur la démarchedes artistes et, surtout, des textes signés Jean-Pierre Rehm (directeurdu FIDMarseille), Philippe Avril (producteur), Anne-Lou Vicente (cri-tique d'art, commissaire d'expo et co-directrice de la revue VOLUME),Nicolas Feodoroff (critique d'art, programmateur au FIDMarseille).

Pierre Car niaux / Thierry Fournier, Last Room / Dépli (Coffret : DVD + œuvre pour iPad + Livre), Shellac & Pandore. < www.shellac-altern.org >

LAST ROOM / DÉPLI

L'accroche de la 4éme de couv'du livre d'Ariel Kyrou sur lagénération et les révolutionsmade in Internet est particu-lièrement significative :Cours, avatar, le vieux mondeest derrière toi ! En"remixant" le fameux slogande Mai 68, Cours, camarade,le vieux monde est derrière toi !— par ailleurs également letitre d'un des meilleur ouvra-ge écrit à chaud par Jean-Louis Brau sur cette année detous les possibles… —, ilnous fait mesurer mieux quen'importe qu'elle étude uni-versitaire à quel point nousavons changé de monde.

Un "changement dans la continuité" toutefois puisque que les racinesde la contestation demeurent les mêmes (contre l'autorité, les lois du

marché, etc.). C'est bien évidement le mode d'expression et de diffu-sion qui diffère. Mais le vieux monde est toujours agissant. Variante :son cadavre bouge encore. En témoigne la spirale sans fin de la problé-matique "droit d'auteur versus droit à la copie" (ou au partage, selon lepoint de vue…), neutralité du Net, etc. C'est sur cette guerre des mondes qu'Ariel Kyrou ouvre son ouvrage.Bien que cet antagonisme ne se résume pas à un affrontement bipolai-re, que de nombreuses nuances de gris soient perceptibles dans cetterecomposition qui dessine aussi un nouvel individu. Un individu doué d'ubiquité et qui a la connaissance universelle à laportée de son écran ; comme l'observe avec ravissement Michel Serresdans Petite Poucette [cf. Digitalarti mag #10]. Référence récurrente pourcomprendre cet individu et son imaginaire qui se perd dans le virtuel. Pour comprendre également les nouvelles formes de pouvoir et decontre-pouvoir (blogueurs influents, anonymous, etc.) qui accouchentfinalement et malheureusement de révoltes aussi désincarnées (au sensstrict) que désenchantées, comparées à celles de nos aînés…

Ariel Kyrou, Révolutions Du Net : ces anonymes qui changent le monde éditions Inculte / essais.< www.inculte.fr >

RÉVOLUTIONS DU NET

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ART NUMÉRIQUE CRÉATION

Que ferait Léonard de Vinci muni d'uniPad ? Si l'on se prend à rêver de l'utilisa-tion numérique d'artiste visionnaire aussiinventif que ce peintre italien, pourquoine pas faire écho à son voyage créatif enutilisant ces nouveaux outils ouvrant tou-jours plus les possibilités numériques. Initiée par la Cité des sciences et de l’in-dustrie, conçue par Nicolas Clauss, créa-

teur d’œuvres interactives, Jean-JacquesBirgé, compositeur, et avec la participationnotoire de Vincent Ségal (Bumcello) à l’ar-balète et au violoncelle, l’application Lamachine à rêves de Leonardo da Vincirépond à l’exposition in situ : Léonard deVinci, projets, dessins, machines, mais celasans visée pédagogique. Yves de Ponsaychef de projet de l’application à la Cité dessciences explique : cette application s'ins-crit dans une démarche stratégique construi-te, cherchant à utiliser au mieux les nou-velles écritures, avec entre autres objectifs :toucher de nouveaux publics via une média-tion numérique différente. Ainsi, cettemachine à rêves disponible sur iPad 2 et 3— afin d'utiliser au mieux les possibilitésoffertes par la haute définition — ne four-nit pas d'explications sur l'exposition,mais vient compléter l'univers de Léonardde Vinci, sans lui faire d'ombre mais en sebasant sur l'énergie de l'artiste.

L'idée n'était pas de coller à l'exposition. Le cahier des charges était précis sur le sujet,l'aspect artistique était une donnée de base,continue Yves de Ponsay. On peut cepen-dant entendre que l’exposition et l'application

se répondent à travers Léonard de Vinci et sadémarche créative picturale où la peintureétait science. Aujourd’hui, la peinture est icinumérique, technologique, générative. C'est une nouvelle offre numérique utilisantles ressorts de l'iPad et les softs Apple. Nicolas Clauss et Jean-Jacques Birgé sesont donc inspirés de Léonard de Vinci, etde ses réflexions plastiques sur l'interdisci-plinarité, sans toutefois le copier. L'appli-cation présente d'ailleurs beaucoup moinsd'images de l’œuvre du peintre qu'on ne lepense : chars, images architecturales, pho-tographies viennent s’apposer en transpa-rence aux images connues de l'artiste. Place à l'expérimental et à l'expériencevisuelle et sonore. Pour être clair : impa-tients, s’abstenir. Lors de la prise en main,il est quelque peu difficile d’entrer dansl’univers de l’application, peut-être trophabitué à des vocations pédagogiques ou àdes finalités clairement énoncées.

Pourtant, au gré des pérégrinations inter-actives (et après plusieurs prises en main),on se laisse volontiers plonger dans unmonde graphique et musical assez inéditprovoqué par la rencontre de musiciens,développeurs et artistes qui connaissentrespectivement le travail de l'autre, com-me le confirme le chef de projet : je savaisque le couple Jean-Jacques Birgé/NicolasClauss ne pouvait être que gagnant en leurdonnant un minium de moyens. De plus,Jean-Jacques et Vincent Segal jouent avecplaisir ensemble et de façon régulière. La mise en musique des visuels est le résultatde cette expérience, hétéroclite et une forma-tion très ouverte de Jean-Jacques — Louis-Lumière / Idhec / Femis — vers une imagede la musique. Une grande liberté a étéaccordée au duo, tout en pointant l'impor-tance de pouvoir lier l'application auxréseaux sociaux et répondre à des mis-sions claires : Faire aimer, découvrir, com-prendre et se poser des questions. Le projetpropose une nouvelle approche de la relationà l’œuvre. À l'utilisateur ensuite, de mettreen musique l'image.

En guise d’introduction, deux écrans suc-cessifs en forme d’ardoise expliquent lesdifférents gestes à adopter pour activer lamachine à rêves. Tourner, agrandir, tou-cher les coins, double-cliquer, une série decombinaisons digitales venant interagiravec les vidéos présentées. Puis arrive uneboîte présentant des billets déchirés. À chaque toucher, une note de musiqueretentit créant, si on accélère, une sym-phonie aléatoire.

PALETTE SONOREEn marge de l'exposition "Léonard de Vinci, projets, dessins, machines" à la Cité des Sciences et de l'Industrie à Paris, l'équipe des Éditions et du Transmédia a développé une application à visée contemplative. Si le peintre italien mêlait science et créativité, l'application "La machineà rêves de Leonardo da Vinci" compose un tableau visuel et sonore, numérique et interactif, autour de son univers visionnaire.

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À mesure de la découverte, on comprendque le dernier billet restant est une clépour entrer dans un univers graphique etmusical. Des vidéos HD dispatchées surquatre écrans sont dès lors activées. Avec le doigt l’on peut glisser les écranspour se concentrer sur un seul, puis reve-nir, agrandir, jouer avec l’image jusqu’à ceque celle-ci se fige et laisse apparaître unhublot. Dès lors la musique se fixe sur ununivers plus précis, l’on peut déformerl’image agissant du même coup sur lessons : un clic, l’image se floute, un deuxiè-me, une nouvelle couche s’ajoute. Aigu, grave, solo, ensemble, texturesd'image étranges, atmosphère inquiétante,visages déformés, images superposées,rien n'est interdit, au contraire.

Si on ne sait pas très bien où l’on va, ce qui sejoue sur l’écran et à nos oreilles est fascinant,à la limite du psychédélique. Les possibilitéssont elles, infinies : elles répondent à un fonc-tionnement de combinaisons multiples et d’ap-paritions aléatoires, nous précise le chef deprojet. C’est un mode génératif avec utilisationd’algorithmes spécifiques. Une vingtaine depetits morceaux de codex (papiers déchirésdans la boîte) déclenchent une même quantité

de "Rêves" dont les sources vont se combiner àpartir de la bibliothèque d'éléments prédéfinis.Pour découvrir toutes ces possibilités, letemps peut être extensible. Yves de Ponsayparle d’une fourchette large entre une demi-heure et plusieurs heures afin d'explorer lesdiverses combinaisons, très subjectives,entre images et sons.

Des conseils ? Se laisser aller, sans a priori,chercher à s'amuser, se faire plaisir, fouillerpour découvrir avec la sensibilité de chacun,émotion et empathie. De la même façon quel'on contemplerait un ensemble d’œuvresexposées, La machine à rêves de Leonardoda Vinci se consulte comme une galerie,mêlant peintures anciennes et possibilitésmodernes, dont vous, utilisateurs, seriezles premiers auteurs. Une ode onirique,un tableau sonore et visuel complètementinteractif qui amène à se questionner surle statut artistique de certaines applica-tions. Peuvent-elles devenir des œuvresd'art ? Raoul Pictor, artiste virtuel depoche sur iPod, iPad, et iPod Touch[1]

délivrant des peintures, toujours uniques,à imprimer à loisir, vous répondrait positi-vement. Reste à laisser libre court à l'ima-gination de développeurs toujours plus

pointus et volontaires. Quand une tablettedevient palette…

CÉCILE BECKER

[1] application gratuite inspirée par le travail del'artiste Hervé Graumann, disponible sur iPod, iPadet iPod Touch > www.raoulpictor.com

+ D’INFO :< http://davincireve.surletoit.com >

L'application La Machine à rêves de Leonardo da Vinci pour iPad 2 et 3 est disponible gratuitement sur l'Apple Store.Exposition Léonard de Vinci, projets, dessins, machines à la Cité des Sciences, à Paris, jusqu'au 18 août 2013 www.cite-sciences.fr

La machine à rêves de Leonardo da Vinci, une œuvre pour iPad de Nicolas Clauss et Jean-Jacques Birgé.

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INNOVATION LA SCIENCE DE L’ART

Innovation et hybridationÀ Grenoble, les rapports entre art, recherche,éducation et industrie semblent avoir trouvéun terreau fertile. Rivé sur sa presqu’île, lebien-nommé Polygone scientifique continueses implantations qui en font un des pôlesd’innovation technologique les plus en poin-te d’Europe, avec plus de 4000 chercheurs.Au cœur de ce noyau de structures bien gar-dées car sensibles, parmi lesquelles le CNRS,ST Micro, le CEA – et son fameux accéléra-

teur de particules, le Synchrotron – se taillentla part du lion, une équipe travaille à unemission plus particulière. L’Atelier Arts Sciences, créé en 2007 par leCEA, le théâtre scène nationale Hexagone, etauquel s’est adjoint depuis l’an dernier leCCSTI (Centre de Culture ScientifiqueIndustrielle et Technique), vise à rapprocherartistes et chercheurs dans la définition et laproduction de projets communs où les outilstechnologiques mis en chantier sont le gaged’une collaboration à la fois hybride et inno-vante. Il est important que le lien entre univer-sité, recherche et entreprises se fasse via la cul-ture et l’art, plaide Antoine Conjard,directeur d’Hexagone et fondateur de l’Ate-lier, comme pour mieux poser les enjeux. Avec ses nombreux laboratoires derecherche, le CEA-LETI (Laboratoire d’Elec-tronique de Technologie de l’Information),le CEA-LIST, plus tourné sur la réalisationde logiciels ou le CEA-LITEN, axé sur lesénergies renouvelables, le CEA ainsi disposed’une armée de chercheurs que l’Atelier s’ef-force d’associer aux projets artistiques qu’ilretient. Des projets développés dans des rési-dences réparties en périodes plus ou moinslongues, mais dont on s’efforce aujourd’huiqu’elle dure au moins deux ans, comme le pré-cise Eliane Sausse, Directrice de l’Atelier. Le temps de création — et d’échanges —entre artistes et chercheurs se situe doncdans la durée, ce qui n’empêche pas l’exis-tence de temps-forts et de monstration,comme la biennale des Rencontres-i (pro-chaine édition en octobre 2013) et le salonannuel Experimenta, dont l’idée est de pré-senter à des professionnels des technologiesamenées par des artistes et potentiellementutilisables par d’autres artistes, mais aussi desentreprises innovantes, comme le souligneEliane Sausse.

De l’"artisanat" au transfert industrielUn chercheur comme Angelo Guiga participeainsi depuis le début à l’Atelier et a contribuéà la réalisation de nombreux projets.

Avec Yann Nguema et le groupe Ez3kiel, il adéveloppé le ballon scénique sonore ou lesMécaniques Poétiques, celles de la madone-theremine ou des flacons aux multiplesivresses auditives. Les artistes nous amènentune autre vision, confie-t-il. Et celle-ci nousoffre des pistes pour développer de nouveauxprojets. Avec le compositeur italien MicheleTadini, il travaille davantage sur les rapportssons / lumière, comme dans les combinai-sons de couleurs primaires duchromatophore; un dispositif synesthésiqueque le duo s’évertue en ce moment à trans-former en un véritable outil de compositionlumino-musical dans le projet La Terza Luce. Si le principe artistique sert de fil conduc-teur, si la conception se pense presque defaçon "artisanale" (dixit Antoine Conjard),la notion de transfert industriel des techno-logies n’est pas occultée. C’est là qu’inter-vient une structure transversale au CEA dunom de SPICE (Service Pour l’InnovationCentrée Expérience utilisateur), dirigée parJean-Luc Vallejo. Sa mission est autant depermettre le financement et la mise à dispo-sition de chercheurs pour les projets, qued’accompagner les éventuelles déclinaisonsde produits industriels à travers le support àla création de petites start-up dédiées. Cette idée se retrouve également dans le pro-jet Pixel Motion sur lequel Angelo Guiga etYann Nguema travaillent actuellement ; despixels lumineux à propos desquels Jean-LucVallejo remarque déjà le potentiel de dériva-tion du produit, par exemple sous forme de dis-positifs pour des salles de concert.

Showroom technologiquePour prendre conscience de cette politique devalorisation des technologies soutenue par leCEA, dans le sillage de l’Atelier Arts Sciences,mais aussi dans le cadre de ses recherchespropres, une petite visite au showroom, le"catalyseur d’innovation" du site, s’impose.Dans un décor de science-fiction au designtesselisé, plusieurs objets de recherche témoi-gnent d’une activité rayonnante.

Les projets au croisement de l’art et de la recherche portés par l’Atelier Arts Sciences s’inscriventparfaitement dans l’idée de valorisation technologique du CEA, menée au sein du site du Polygonescientifique de Grenoble. Une dynamique qui trouve une résonance complémentaire dans le travail demédiation et d’usinage de proximité de la structure associée du CCSTI.

LA SCIENCE DE L’ART

Les Flacons,Ez3kiel, Hexagone Scène nationale de Meylan / Rencontres-1, Biennale Arts-Sciences 2009.

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Les capteurs de mouvement sont évidem-ment bien représentés. Le chercheur AngeloGuiga travaille depuis 15 ans sur cette tech-nologie qui a atteint aujourd’hui une minia-turisation incarnée par l’intelligence embar-quée du Motion IC, un objet dont les qualitésd’accéléromètre et de magnétomètre permet-tent une précision ultime dans la détectiondu mouvement, de la vitesse et du sens dudéplacement. On donne la base, les brevets et ensuite lesindustriels prennent le relais, explique AngeloGuiga. Parmi les applications éventuelles, lescapteurs intégrés dans des tissus pour créerdes illuminations de LED semblent une véri-table manne pour les secteurs de la mode oude l’évènementiel. D’autres capteurs tradui-sent plus les ergonomies domotiques de lamaison de demain. Une captation de présencepeut ainsi interagir avec une baisse automa-tique du chauffage ou avec une augmentationde la luminosité dans une pièce. Le toutdirectement contrôlable grâce à un smartpho-ne puisqu’un protocole de communicationcommun à tous les capteurs, via un middle-ware, a même été conçu. Dans cette scénographie high-tech, la partiecabinet de curiosités, qui recense quelques-unsdes objets développés par l’Atelier ArtsSciences ne dépareille pas, apportant mêmeun soupçon de poésie supplémentaire. On yretrouve la Madone, la nouvelle mouture duballon sonore et lumineux d’Ezekiel aujour-d’hui renforcé d’un déclenchement gyrosco-pique de lumière, le fameux chromatophore deMichele Tadini et Angelo Guiga, où la lumièredes LEDs en périphérie d’un graphe convergeen longueurs d’onde vers son centre, avec unesuperposition de couches musicales en fonc-tion des effets. Plus étrange, l’objet baptisé Toi-miva, sorte de panier en origami, semble s’ani-mer d’une vie propre quand on le touche ou le

manipule. Il entretient parfaitement cetteproximité organique avec la technologie queles créations de l’Atelier Arts Science se plai-sent à entretenir.

Fablab pour tousCette proximité dans l’idée de conception etde production de l’objet, mais égalementavec le public, une autre structure, soutienactif de l’Atelier Arts Sciences depuis octobrede l’année dernière, la partage : le CCSTI(Centre de Culture Scientifique Industrielleet Technique) centre ses missions autour dela médiation vers tous les publics et de lamise à disposition d’outils d’usinage numé-riques pour des projets personnels au seinde son fablab. Au CCSTI, nous réfléchissons aux questions detransmission, de médiation entre le culturel, lescientifique et le technologique, explique sondirecteur Laurent Chicoineau. Dans le cadredu projet Living Lab, par exemple, nous avonsimaginé des dispositifs — principes de réalitéaugmentée sur smartphone, géolocalisation…— développés à destination des publics et desmédiateurs. Nous mettons ensuite en place desprotocoles d’évaluation et de tests pour les trans-férer vers d’autres domaines d’application… Il est remarquable que le culturel permette detester ce genre de choses. Cette volonté d’ou-vrir sa réflexion vers les autres est fondamen-tale et s’articule de façon idoine avec l’AtelierArts Sciences puisque les dispositifs ainsiimaginés sont présentés dans le cadre dusalon Experimenta, mais aussi dans des festi-vals extérieurs comme Muséomix. Mais, dans le fablab, l’accès au public se veutplus direct, avec une gamme de matériel quine dépareillerait pas dans les locaux du MIT(le CCSTI entretient d’ailleurs un rapportdirect avec les laboratoires de la célèbre uni-versité américaine, à l’origine du premier

fablab, dans le cadre d’un suivi pédagogiqueet de l’idée de fablabs en réseau). Il estimportant pour nous de trouver des idéesconcrètes de prototypage qui soient testées avecle public, insiste Laurent Chicoineau. Nous travaillons avec des artistes comme Ezraqui vient ici pour la conception de son gant 3D,développé dans le cadre de l’Atelier ArtsSciences. Mais nous sommes aussi ouvert versle jeune public et tout ceux qui veulent mettreen application leurs idées. Celles-ci sontd’ailleurs très larges comme en témoigneJean-Michel Molenaar, jeune ingénieur hol-landais en charge du fablab, qui se remémo-re cette personne venue réaliser sur fraiseuse3D un safran pour son bateau ! Nous mettonsles machines à disposition du public et faisonssimplement payer le temps d’usinage,explique-t-il, tout en regrettant une certainedifficulté pour documenter toutes les réali-sations passées. Nous avons créé un site Internet où les genspeuvent détailler leurs réalisations, leurméthodologie, pour aider d’autres à réaliserdes travaux similaires… Il faut aussi accompa-gner les gens dans cette démarche. Avec 900projets développés en à peine un an, on ima-gine le stock de savoir-faire potentiellementaccessible. Et les idées ne manquent pas,puisque l’équipe du CCSTI réfléchit actuel-lement à la réalisation d’un greenlab sur sontoit, un véritable jardin de végétation hors-sol, alimenté par des panneaux solaires etdes capteurs pour la distribution de l’eauaux plantes.

LAURENT CATALA

+ D’INFO :Atelier Arts Sciences < www.atelier-arts-sciences.eu >

CCSTI< www.ccsti-grenoble.org >

Angelo Guiga / Michele Tadini,

La Terza Luce@ Experimenta

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ART NUMÉRIQUE INNOVATION

Initiée à Lille en 2006 par la commissaireCaroline David et récemment déployée auCETI (Centre Européen des textiles inno-vants) dans le cadre de la manifestationLille Fantastic en 2012, Futurotextilesrevient en France à l'issue d'une tournéemondiale et s'installe à Paris, à La Cité des Sciences et de l'Industrie, jusqu'au 14 juillet 2013.

Bio-synthétiquesPour entrée en matière, un système debulles pédagogiques nous interpelle sur ladiversité des composants impliqués dansla fabrication des bobines, révélant debelles perspectives pour la rechercheappliquée en terme de prospective écolo-gique, quand la caséine de lait, le café, laracine de fraisier ou la betterave rejoi-gnent la composition des fibres, au mêmetitre que le coton ou le lin. On y découvrenotamment, le projet Mabiolac initié en2003, qui se concentre sur la fabricationde fils constitués de polymères compositeset biodégradables à base de PLA, un acidepolyactique issu de la fermentation de lasaccharine de betterave. Le même procédéqui réduit à néant le rejet de gaz, et d’oxy-dants, pourrait être décliné avec le maïs,le blé et la pomme de terre !Alors, pourquoi ne pas utiliser les racinesde fraisier ou de tomates cerise pour créerpar transformations génétiques, une fibre"naturelle" aussi souple et résistantequ'un polymère issu de l'industrie pétro-chimique ? C'est ce à quoi s'appliqueCarole Collet, enseignante chercheuse etdirectrice adjointe au Centre de Recherchepour les Futurs du Textile, à l'Universitédes Arts de Londres[1]. Comment la biologiede synthèse et les technologies du vivantpeuvent-elles radicalement changer laconception et la fabrication de nos produitsde consommation courante, pose t-elle, enpréambule d'une recherche de solutionsplus éco conscientes ?

CompositesAlors que l'exposition se déploie sous for-me d’îlots didactiques regroupant l'inno-vation textile par secteur industriel —mode, médecine, habitat, construction ou

transports, etc. —, on y retrouve à chaquefois le lin, qui semble s'imposer en tantque matériau écologique par excellence,alors que la France en est le premier pro-ducteur mondial. Particulièrement priséedans le développement d'objets compo-sites, sa fibre associée à un mélange derésine, supplante peu à peu les plastiquespour sa souplesse et sa résistance dans lafabrication de raquettes de tennis, de skis,de planches de surf et de casques[2], ets'immisce dans l’habillage des tableaux debord de véhicules tels que le Twizy, lenouveau concept car de Renault. Spéciali-sé dans le traitement de ce matériau légeret performant, le groupe Dehondt présen-te dans l'exposition, son Scube®, un tri-cycle électrique éco conçu en 2011, entiè-rement carrossé en fibre de lin.

Écologiques Sur le podium dédié à la mode sont suspen-dus les prototypes de stylistes à la recherched'esthétiques épurées, de fluidité et deconfort, autant inspirés par des matièresnaturelles recyclables que des tissus tech-niques, sensoriels, communicants ou "intel-ligents", dont les capteurs embarqués, etautres substances encapsulées confèrent auvêtement de nouveaux usages. Créée par l'artiste Helen Storey et le chimis-te Tony Ryan, Herself est une robe du soir"photocatalytique", dont l'étoffe à base depolyester et d'une soie imprégnée d'uncurieux mélange, de ciment et dioxyde detitane (TIO2), purifie l'air ambiant sous l'ef-fet de radiations lumineuses[3]. Un peu plusloin, une combinaison beaucoup moins gla-mour, développée par les laboratoiresOuvry, spécialiste des systèmes de concep-tion NRBC[4], propose une tenue auto-décontaminante pour les environnements à

Des prototypes issus de la haute couture aux nouveaux matériaux utilisés dans la construction, l'exposition "Futurotextiles" met en exergue le large spectre des applications textiles, et pointe autant l'innovation dans le domaine des biotechnologies que l'intégration des TIC dans la fibre : naturelle, synthétique ou hybride.

FUTUROTEXTILES LA RÉVOLUTION DES MATIÈRES

Vincenzo, vêtement luminescents.

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risque nucléaire, radiologique ou bactério-logique. Conçue à partir d'un média filtrantnon tissé, mais composée de microbilles decarbone activé, elle fait barrage aux toxinestout en laissant passer la vapeur d'eau pourque la peau de nos super-héros contempo-rains puisse respirer.

Techniques Ces matières hautement techniques, déve-loppées ici dans les domaines de la protec-tion civile et militaire, investissent denouveaux secteurs d'applications textiles :on fait déjà référence aux "cosmétotex-tiles", et ou "texticaments" qui intègrentde nouveaux procédés tels que la microou la nano encapsulation, une spécialisa-tion de la société Devan dont la techniquevise à incorporer dans des micro-capsules,des agents actifs fragiles, susceptibles desubir des oxydations, au contact d'autrescomposés ou libérés par frottementlorsque le vêtement est porté. On confectionne des t-shirts qui rafraî-chissent le corps des sportifs, des marquesde cosmétiques planchent sur l'encapsula-tion de parfums alors que la recherchemédicale envisage selon les mêmes pro-cessus, de libérer des produits soignants.Demain, nous dit-on, nos vêtements pour-ront non seulement laisser filtrer des sub-stances chimiques curatives, mais ilspourront également surveiller la régularitéde nos battements cardiaques, de notretempérature, de notre taux d’insuline… et pourquoi pas alerter le médecin en casd'insuffisance critique. Et si l’ingénierie tissulaire progresse nette-ment quant aux possibilités de reformer desorganes, voire de les substituer à la peau ouaux cartilages, les caractéristiques antibac-tériennes naturelles de la chitine de crabeutilisées dans la fabrication du fil chirurgi-cal et de la peau artificielle semblent encorenon égalées ! Autrement dit le bio-mimétis-me a de l'avenir dans le textile.

OptiquesParmi les applications "Medtex" (médi-cales) ingénieuses, Philips a développéune sorte de couverture, à base de microleds, qui se substitue au traitement actuelde la jaunisse du nourrisson et consiste àplacer le nouveau-né sous une lampe delumière bleue : la "bilirubine" permet nonseulement d'envelopper toute la surfacedu corps du bébé mais de le porter, bai-gnant dans une source lumineuse curativeconstante, qu'offre la Led. Une des raressources de lumière artificielle que l'onpeut placer aussi près de la peau. La micro Led et la fibre de verre sontaujourd'hui au cœur des recherches danstous les domaines d'applications textiles,de la construction à l'habillement. Car sil'on connaissait déjà depuis 5000 ans lespropriétés du verre en Mésopotamie,c'est seulement en 1970 que le laboratoi-re Corning met au point la premièrefibre optique à partir d'un matériauabondant, non polluant, et recyclable,qu'il "suffit" de chauffer à de très fortestempératures pour le "filer" et l'enroulersur une bobine. Composante déterminante de la révolu-tion numérique la fibre optique intégréedans la trame permet non seulement dejouer avec la couleur, mais de véhiculertoute sorte d'information : emblématiquede l'exposition, le col de micro Leds inté-gré au tissu conducteur de la petite robe"saute d'humeur" (Mood swings) dessinéepar Sensoree et Kristin Neidlinger, révèlepar des variations du rose au bleu, desinformations tangibles prises par un cap-teur placé dans la paume de la main.Considérés comme "techniques" car ilsétaient à l'origine destinés à l'industrie —intégrés dans les moteurs d'avions, sousles rails de TGV pour en indiquer lesdéformations, ou sous les ponts en régionsismique —, les tissus déjà prisés pourleur souplesse et leur résistance aux tem-

pératures extrêmes nous annoncent unepetite révolution dans les domaines de laconstruction, de l'habitat et la domotique,etc., dès lors qu'ils deviennent communi-cants, et boostent un segment de marchéen expansion depuis quelques années[5]. Complétée par quelques applicationscréatives dans le domaine du design,l'exposition Futurotextiles laisse claire-ment apparaître toutes les collabora-tions et synergies possibles entre savoir-faire ancestraux et technologies depointe au sein d'une industrie dite "encrise", dont la conscience de l'étenduedes applications modifie notre rapportau quotidien et à l'environnement, defaçon irréversible.

VÉRONIQUE GODÉ

[1] www.carole collet.com - www.csm.arts.ac.uk [2] www.libeco.com[3] www.catalytic-clothing.org [4] Les laboratoires Ouvry travaillent avec l'ANRAgence Nationale pour la Recherche sur des systèmes de protection NRBC (Nucléaire, Radiolo-gique, Biologique, Chimique et Explosif)[5] le CA de l'industrie textile est estimée à 13 milliards d'euros en France avec 70 000 salariés.La France détiendrait 40 % du marché des tissustechniques en Europe, en deuxième place derrièrel'Allemagne.

+ D’INFO :Futurotextiles, du 5 février au 14 juillet à La Cité des Sciences et de l'Industrie. < www.futurotextiles.com >

Vue du podium mode. Tenue auto-décontaminante Ouvry.

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ART NUMÉRIQUE FRONTIÈRES INTERACTIVES

Exposition Julio Le Parc au Palais de Tokyo,présentation de pièces de Jesús-Rafael Sotodans les murs du Musée national d’art moderneau Centre Pompidou, sans oublier deux rétros-pectives plus discrètes mais tout aussi essen-tielles de ces deux artistes-phares au sein desdeux espaces — Rue Charlot et BoulevardSaint-Germain — de la galerie Denise René,l’art cinétique a démarré l’année 2013 avec unevisibilité qui n’échappera pas au grand public.Preuve en est avec la manifestation monumen-tale Lumineux! Dynamique! Espace et visiondans l’art, de nos jours à 1913 qui vient tout jus-te d’investir le Grand Palais et qui, surtout, nes’arrête pas à la seule volonté de dresser unerétrospective des œuvres de ses grands maîtres. Dans ce contexte, la Galerie Denise Renétémoigne de sa spécificité avant-gardiste, fer delance de l’art cinétique, dont elle est le lieudédié le plus ancien d’Europe — créée parDenise René et sa sœur Lucienne en 1944 pourfaire connaître les dessins et des compositionsgraphiques de Victor Vasarely, avant de produi-re l'exposition Le Mouvement, réalisée avec Pon-tus Hulten, et marquant la naissance de l'artcinétique proprement-dit en 1955. Pour l'expo-sition Art Cinétique – Art Numérique, la Gale-rie Denise René procède, à travers le choix despièces présentées, à un rapprochement plutôtcirconstancié entre cet art cinétique et unecréation numérique actuelle qui participedésormais, par ses grands principes, mais aussipar ses outils, ses pratiques et certains repré-sentants parmi les plus talentueux de sa nou-velle génération d’artistes, au renouvellementde ses formes expressives. C’est un véritableenjeu qui se dessine là. Autant pour la capacitéd’évolution de l’art cinétique, qu’en termes

d’opportunité pour l’art numérique de s’inscriredans le sillage d’un des courants artistiquesmajeurs du XXème siècle.

Principes partagésÀ l’évidence, ce rapprochement s’impose de lui-même. L’art cinétique et l’art numérique dispo-sent dans leurs principes même d’un doublepoint commun. Tout d’abord, l’importance dumouvement, qui peut aller jusqu’à s’exprimerchez l’un comme chez l’autre dans une mêmelogique de déstabilisation perceptive. En dépitde leur différence, les installations audiovi-suelles de Kurt Hentschläger et les jeux demiroirs de Julio Le Parc procèdent de la mêmeradicalité physique, celles des effets strobosco-piques par exemple, pour induire l’extrêmemotricité des sens. Ensuite, et surtout, lanotion d’interaction avec le spectateur. En artnumérique, il n’y a le plus souvent pas d’œuvresans l’intervention cruciale de l’utilisateur-spec-tateur. En art cinétique, il ne peut y avoir devisualisation de l’œuvre sans cette idée dedéplacement aléatoire du point de vue du spec-tateur, constitutive par exemple du concept de"quatrième dimension" développé par l’artisteYacoov Agam. Concrètement, on assiste depuis quelquesannées à une véritable réciprocité créative.Depuis les années 80, des artistes majeurs del’art cinétique, comme Carlos Cruz Diez ouYaacov Agam justement, ont progressivementintégré les nouvelles technologies dans leursréalisations, réactualisant ainsi leurs stratégiesoptiques, modulaires et géométriques.Aujourd’hui encore, ils restent attentifs aux der-nières avancées numériques, traduisant leurinterrogation sur la question de la mémoire par

le biais de celle des systèmes informatiques.Dans l’autre sens, d’autres artistes issus d’unenouvelle génération plus directement forméeaux nouvelles matrices des logiciels et des algo-rithmes, s’inspirent à leur tour des préceptescinétiques pour faire désormais de l’ordinateurle vecteur d’une certaine continuité esthétique.L’exposition Art Cinétique – Art Numérique s’ins-crit donc dans ce sémillant parallèle, puisqu’el-le présente à la fois des travaux de pionniersconvertis aux outils numériques et des piècesd’artistes numériques procédant de la mêmetentation pour le mouvement à travers la colli-sion du regard et de l’abstraction géométrique.La tendance "manipulation numérisée interac-tive", un artiste référence de l’art cinétiquecomme Carlos Cruz Diez se l’est déjà appro-priée. Sa pièce Expérience Chromatique AléatoireInteractive se présente ainsi sous la forme d’unprogramme informatique qui permet à l’utilisa-teur de réaliser des compositions de formes etd’harmonies de couleur, à partir de matériauxvirtuels appartenant au langage "Cruz Diez".Une manière de placer le programme informa-tique dans le rôle de médiateur entre l’artiste etle spectateur. Cette option tableau numérique transfor-mable se retrouve dans d’autres pièces d’ar-tistes fondamentaux du courant cinétique pré-sentée dans l’exposition, et notamment dansles deux œuvres interactives de Yacoov Agam.Le public est invité à réorganiser tactilementun espace porté sur l’écran, en déplaçant digi-talement des prismes triangulaires. Mais, cepas vers les nouvelles technologies est évi-demment encore plus marqué dans la généra-tion d’artistes suivante. C’est ainsi qu’on laretrouve comme une évidence dans la projec-

+ D’INFO :Art cinétique - Art numérique, Galerie Denise René, à partir du 25 avril2013.< http://deniserene.com >

Avec son exposition "Art Cinétique – Art Numérique", la galerie parisienne Denise René proposeun exercice de rapprochement entre art cinétique et art numérique qui tombe sous le sens. Celui du mouvement et de l’interaction révélée à travers des œuvres où le spectateur reste plus que jamais au centre du processus artistique.

FRONTIÈRES INTERACTIVES

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tion interactive Trame en temps réel de Santia-go Torres, où l’artiste se sert d’un objet interac-tif presque familier désormais, une kinect,pour traiter la reconnaissance de mouvementdans un espace tridimensionnel.

Incidences lumineuses et chromatiquesUne autre pièce de Santiago Torres révèle uneautre filiation intéressante entre art cinétiqueet art numérique, celle tournant autour de lalumière. Réalisée à partir d’un matériau parti-culièrement innovant, le très contemplatif dis-positif lumineux Composition Rouge de Torresrenvoie à l’évidence à la série ContinuelMobiles Lumières de Julio Le Parc. On y retrou-ve les mêmes jeux de contraste imprévisibles,la même tentation à vouloir titiller les illu-sions optiques. Cette fascination convergentepour la lumière peut encore se doubler deréférences communes en matière de recherchechromatique par exemple. C’est notamment lecas pour la pièce environnementale m0za1que,déjà présentée à La Maison Mécatroniqued’Annecy-le-Vieux, du groupe d’artistesbruxellois Lab[au]. Dans cette œuvre fasci-nante, où un mur carrelé soumis aux projec-tions lumineuses de projecteurs RVB semble"libérer" par intermittence les mouvementscoulissants de ses dalles frémissantes, jouantde leur mise en relief, une référence apparaîten filigrane, celle de Carlos Cruz Diez et deses Chromointerférences. Comme dans ces dernières, où la lecture del’intersection de différentes trames de couleurs,en fonction de la position du spectateur et donc

de la superposition apparente de ces trames,créait des variations chromatiques de cesmêmes couleurs, le dispositif des Lab[au] profi-te des faux prismes créés par les dalles pourinstiller une idée de mutation visuelle des cou-leurs projetées. Il est amusant de constater queprincipe de mutation se retrouve dans uneautre pièce de l’exposition réalisée par le grou-pe Lab[au], à une échelle plus générative. Leur pièce Pixflow #2 se présente ainsi sous laforme d’une sculpture-écran semblant dotéed’une vie propre, et visualisant dans une curieu-se interférence des champs organiques et tech-nologiques, des formes abstraites procédant dela fluctuation de flux de particules et de pixels.

Le renouvellement par le sonCertaines pièces de l’exposition conçues parcette nouvelle génération d’artistes essayentcependant de rester conforme à l’esthétique del’art cinétique, notamment dans une utilisationde matériaux simples, qu’il s’agisse de fil, decarton ou de petits matériels motorisés, venantse confronter à la réalité de l’expérience mathé-matique. Même si les mouvements sont icicontrôlés par ordinateur, cela est particulière-ment vrai dans la prévalence mécanique desballets curvilignes conçus par Elias Crespin.Qu’il s’agisse des spirales rouges et blanches deson nouveau Circuconcentricos, ou des jeux desuspension chorégraphiés de barrettes métal-liques de sa création Paralela, déclinaison de safameuse série Parallels, on ressent dans le tra-vail de l’artiste la même volonté d’explorertoutes les trames incertaines procédant de la

mise en mouvement de ces architecturesstrictes en apparence. L’intérêt de cette continuité esthétique estcependant décuplé lorsqu’elle permet d’accéderà une nouvelle "optique" de cette idée derenouvellement de l’art cinétique: en l’occur-rence via le son. C’est le cas dans les piècesMoving objects n° 807 et New Ring Work de Pe Lang, où les forces mécaniques parfoiscontraires des dispositifs viennent semer lechaos dans un agencement de cordes et d’an-neaux. Dans ces pièces, tout comme dans celleprésentée par l’artiste suisse Zimoun (121 pre-pared dcmotors, tension springs 35 mn), les qua-lités acoustiques du son ont aussi leur impor-tance. Ici, l’idée de mouvement de naturealgorithmique se traduit de la même manièrepar la création, la répétition et la perturbation àl’infini d’un même évènement mécanisé quepar la traduction simultané de ses incidencesaudibles. On l’entend donc aussi, l’associationd’une expression sonore au mouvement despièces est donc elle aussi susceptible de venirenrichir le vocabulaire de l’art cinétique. Une preuve supplémentaire, portée par cetteexposition aux frontières mouvantes et interac-tives, que c’est moins par la nature techniquedes nouvelles pièces créées par le biais de cerapprochement art cinétique / art numériqueque par sa capacité à garder en éveil le sens duspectateur — toujours amené à être au cœur del’œuvre — que se manifestera de façon certainela véritable pertinence de cette convergenceartistique hybride.

LAURENT CATALA

m0za1que, installation

variation 01,kinetic light art

LAb[au], 2013

system : generative

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PROFIL JEFFREY SHAW

Depuis quelques années, il travaille sur desdispositifs de plus en plus cinématiques ettechnologiques, au sein d’unités derecherche comme le iCinema ResearchCentre de l’Université du New South Walesou encore la School of Creative Media del’université de Hong Kong, mais a su garderprévalent le principe fondamental de la misedu public au centre des dispositifs numé-riques qu’il conçoit. Entretien.

Le déploiement de moyens technologiques in-teractifs que les nouveaux outils numériquesoffrent au public sont aujourd’hui évidentsmais, dans vos premiers travaux, qu’est-ce quivous a poussé à travailler sur cette mise en

avant du public et sur cette logique d’inter-action, d’immersion du public dans l’œuvre ? L’idée de focaliser sur l’interaction dans mapratique artistique a avant tout pour originele désir de construire un rapport nouveau etune dynamique entre l’œuvre et le specta-teur. Tout est parti en fait d’une certainedésillusion concernant les modes tradition-nels de production artistique — la peinture,la sculpture, etc. — qui ont semble-t-il perduà partir des années 60 leur capacité à mobili-ser le spectateur de façon profonde et attenti-ve. Pour paraphraser Guy Debord, l’artmoderne semble avoir été totalement cor-rompu par la "société du spectacle" ! En cherchant à établir différentes modalitésd’interaction, j’ai découvert une propriétéessentielle de ce genre d’installations : ellesne font pas seulement appel aux capacitésvisuelles du spectateur, mais elles invitent cedernier à partir à leur découverte, à les diri-ger voire à les modifier par ses actionspropres. Concrètement, les spectateurs setransforment en partenaires de création endevenant des agents de performancesuniques. Cette propriété très intéressante etporteuse — d’un point de vue conceptuel,esthétique et expressif — a été grandementfacilitée par l’apparition des nouveauxmédias. Spécialement celle des médias

numériques utilisant des plateformes logi-cielles car l’articulation du travail d’interac-tion est largement définie par cette architec-ture software, où l’interface avec l’usagerintervient comme un élément de design.

Votre travail a toujours été marqué par sonattirance par le médium cinéma. Vos premièrespièces dans les années 60 étaient très cinématographiques (Continuous Sound andImage Moments, Corpocinema, Moviemovie).Je me souviens également de l’exposition"Future Cinema", codirigée avec Peter Weibelau ZKM en 2003. Qu’est-ce qui vous attiretant dans le cinéma ? Pensez-vous qu’ils’agisse du média le plus à même d’intégrerles arts numériques ?Le cinéma est indubitablement la techniqueet la forme esthétique la plus audacieuse du20e siècle. C’est le gesamtkunstwerk [NDLR :l’œuvre d’art total] de notre temps, une pla-teforme conceptuelle et esthétique qui s’estrévélée comme le point culminant de tantd’aspirations et de pratiques artistiques à tra-vers les siècles. Il est donc plutôt approprié,je trouve, qu’un art expérimental comme lemien ait pris le cinéma comme contexte etcadre de référence pour repousser les limitesd’un "nouvel art à venir". Comme je l’ai écritdans mon livre Future Cinema [NDLR : paruaux éditions MIT Press, 2002], la grande tra-dition expérimentale du cinéma, celle desréalisateurs et plus largement des artistes,s’est perdue à cause de l’hégémonie du ciné-ma hollywoodien, de ses modalités de pro-duction, de sa façon d’écrire des histoires. J’ai donc ressenti comme nécessaire de sub-vertir ce modèle et de déplacer mes propresrecherches dans cette idée d’expandedcinema, de "cinéma élargi", où le génie ducinéma pourrait encore trouver de nouvellesdirections artistiques expressives et amélio-rer l’expérience du spectateur.

L’idée de cinéma interactif est venue très tôtdans votre travail, au sein du Research Groupà Amsterdam dans les années 70 puis après auZKM de Karlsruhe où vous avez d’ailleursinitié le projet de cinéma interactif "EVE".Dans ce dernier, les spectateurs peuventchoisir ce qu’ils veulent voir d’un film danslequel ils sont immergés, en devenant à lafois preneurs de vue et monteurs de chaqueprojection. Jean-Michel Bruyère ("Si Poteris

JEFFREY SHAW

L’ART DU CINÉMA INTERACTIFReconnu comme l’un des artistes pionniers dans le développementd’environnements numériques cinématographiques virtuels, interactifs ou faisant appel aux principes de la réalité augmentée,l’artiste australien Jeffrey Shaw a été l’un des premiers à réaliser des installations hybrides, à l’image de sa pièce "The Legible City", où l’utilisation d’un véritable vélo permettaitd’explorer un paysage urbain défilant en temps réel sur écran.

Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011.

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narrare, licet") et UlfLangheinrich ("Perm")ont utilisé ce dispositif. Est-ce que combiner cinéma et interaction est pour vous l’évolution logique du cinéma ?Oui. Depuis la fin des années 60, j’ai sentique la notion de cinéma interactif étaitl’avancée la plus logique et la plus intéres-sante qui pouvait procéder de cette idéed’élargissement du médium cinématogra-phique. Elle permettait au pouvoir expressif,à l’approche idéalisée du gesamtkunstwerk,de l’art total cinématographique, d’êtretransposée dans un rapport plus personnelet plus intime avec le spectateur. C’était éga-lement une manière de s’affranchir de cesformes narratives, linéaires et compulsives,du cinéma traditionnel. Et de découvrir, defaçonner, toute une gamme beaucoup plusintéressante de structures narratives interac-tives. Jean-Michel et Ulf sont des artistes quiont su relever ce challenge et, chacun à leurmanière, ils ont participé au repoussementdes limites esthétiques délimitant un nouvelYouniverse, un espace narratif à la fois per-sonnel et interactif.

Vous travaillez à de véritables plateformescréatives depuis les années 90, avec les systèmes "Extended Virtual Environment" en1993, "PLACE" en 1995 ou "Panoramic

Navigator" en 1995.Pouvez-vous présenter le

principe interactif de ces en-vironnements ?

J’ai exploré — et parfois même inventé —de nombreuses modalités d’interaction dansma pratique artistique. Certains dénomina-teurs communs apparaissent de différentesmanières dans ces dispositifs. Il y a ainsi unecertaine pertinence dans le fait que deux demes installations les plus anciennes s’intitu-laient Viewpoint (Paris, 1986) et Points of View(Amsterdam, 1989). Parce que je cherchais àdévelopper surtout à l’époque des systèmesoptiques qui donnaient au spectateur desoutils de contrôle personnalisés, pour voir etexplorer les espaces de représentation quiconstituaient les œuvres. Alors que dans lecinéma, nous — en tant que spectateurs —,sommes toujours rivés à l’œil de la caméra quiest dirigée par le réalisateur, des dispositifscomme EVE et PLACE ouvrent la perspectived’un cinéma élargi où le rôle plus interactif duspectateur lui permet de contrôler le mouve-ment d’une caméra virtuelle, mais aussid’avoir un vrai pouvoir de décision sur lemontage et la narration qui en découle. L’idée est que, nous, le public, puissions voiret expérimenter l’œuvre à travers nos propresyeux. Que nous puissions nous l’approprier,en devenir complice dans son déroulement.Ce qui est intéressant, c’est que cette réappro-

priation personnelle du principe de visionna-ge s’étend même aux spectateurs inactifs,ceux qui regardent juste ce que fait un autrespectateur, car il y a de fait un caractèreunique, impossible à répéter, dans ce genre deperformance.

"PLACE" est un dispositif particulièrementmonumental, un panneau à 360° qui se matérialise sous la forme de photographiespanoramiques 3D et de sources d’enregistre-ments spatialisés, d’origine turque sur leprojet "Yer-Turkiye", ou dans des influencesplus indiennes sur "Place-Hampi". Est-ce quel’idée de voyage, de connexion entre les gensà un autre champ de connaissances, est quelquechose qui a aussi une grande importance dansvotre travail ?Dans une pratique artistique, il y a toujoursbeaucoup de "places" possibles, qui peuventdevenir autant de lieux de représentation.Comme dans le cinéma, le lieu est autant unprotagoniste que le sont les acteurs. Si on vaplus loin, l’histoire de l’art est une histoire deréférences qui s’entrecroisent, de réappro-priation, car l’art opère au plus large desdomaines de la culture humaine et de lamémoire. Si ma pratique artistique peut êtreréduite comme une stratégie pour voir etexpérimenter de façon nouvelle — et à tra-vers l’idée d’interactivité, de "découvrir ànouveau" — il n’y a donc pas de surprise à >

Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw,ReACTOR, 2008.

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ce que la richesse de contextes culturels aus-si passionnants que les cultures turques ouindiennes interagissent avec mon propreintérêt. L’imaginaire esthétique n’est pas seu-lement un lieu d’invention, c’est égalementun lieu de récupération, de reformulation etde réinterprétation.

L’orientation en 360° vous a conduit a développé l’"AVIE" (Advanced Visualisationand Interaction Environment), un système deprojection en cylindre argenté composé dedouze écrans vidéo, conçu pour une interac-tion avec un ou plusieurs usagers grâce à unjoystick, un iPod ou un système de trackingvisuel que les spectateurs peuvent endosseravec des lunettes polarisées spéciales. Plusieurs artistes ont utilisé ce dispositif.Vous l’avez fait vous-même avec le projet"T_Visionarium"… Est-ce important pour vousde continuer à créer des dispositifs qu’utili-seront d’autres artistes ?Pour AVIE comme pour le reste, le cinémaest à la fois le modèle et l’inspiration. Au cinéma, tout un appareillage technolo-gique a été inventé : la pellicule, la caméra, leprojecteur… Un nombre infini d’artistes autilisé ces outils pour exprimer sa créativité.Je développe beaucoup de mes "machines"avec le même souci générique de les mettre à la disposition d’autres artistes. AVIE est unenvironnement paradigmatique contempo-rain qui exprime des espaces de représenta-tion panoramique. Il suit en cela la tradition

immersive, "surround", des panoramas enpeinture baroque. En tant qu’artiste, je mevois autant comme un créateur de nouveauxsystèmes de représentation — que d’autresartistes peuvent d’ailleurs utiliser avec plusde talent que moi ! — que comme un créa-teur de systèmes permettant des temps dereprésentation absolument uniques.

EN 2003, vous êtes retourné en Australiepour cofonder et diriger le programme de recherche en systèmes interactifs du iCinemaResearch Centre de l’Université du NewSouth Wales [NDLR : une unité de recherchetournant autour de trois axes majeurs : lessystèmes interactifs narratifs, les systèmes devisualisation immersive et les systèmes avecinterface connectable au réseau internet]. Est-ce que ce poste vous a permis de pousservotre réflexion et vos conceptions encoreplus loin ? Ce travail dans le cadre d’iCinema que vousévoquez est la continuation complète de mesprécédents projets artistiques, à Amsterdamou au ZKM. Ce qui peut peut-être distingueriCinema est que pour la première fois cesrecherches sont conduites dans un contexteplus académique, avec donc un cadre derecherche plus rigoureux mais aussi plus demoyens financiers. C’est quelque chose depositif dans mon cas car beaucoup de mesréalisations précédentes l’ont été dans uncontexte plutôt en-dehors du "marché del’art", de sa logique économique et de sesmodalités de production et de consomma-tion. L’institut des médias visuels du ZKM etle iCinema de l’Université du New SouthWales sont des lieux de création qui offrentun contexte de création différent mais inno-vant. C’est toujours une excellente opportu-nité pour saisir de nouvelles opportunités detravail et étendre mes centres de réflexion.

Quand on s’intéresse de plus près au pro-gramme de recherche d’iCinema, on y dénotedes modalités collaboratives entre artisteset chercheurs qu’on peut retrouver enFrance, dans des structures particulièrescomme l’Atelier Arts Sciences de Grenoblepar exemple…C’est le genre d’expérience que j’avais déjàgoûtée. L’approche scientifique de la recherche

est quelque chose de très bénéfique pour lesartistes de nos jours, et le fait de s’intéresseraux nouvelles étapes de développement tech-nologique est une source de compréhensionet d’inspiration indispensable pour quiconqueréfléchit à des modalités humaines dans sontravail artistique. On constate une convergen-ce de plus en plus forte entre l’art et lessciences, souvent guidée par la reconnaissan-ce par les artistes du fait que les sciences sontun domaine de réflexion critique et esthétiqueparticulièrement approprié. Mais je partageaussi votre point de vue sur le fait que lesartistes intégrés dans des structures plutôtacadémiques bénéficient grandement de cetteplus grande proximité avec des étudiants. Le principe de participer à l’éclosion de nou-velles générations pour délimiter de nou-veaux horizons de création est d’ailleurs com-mun à l’art et aux sciences.

Vous avec toujours beaucoup aimé travailleren collaboration, avec Bernd Linterman, DirkGroeneveld, Sarah Kenderdine, Ulf Langhein-rich, Jean-Michel Bruyère… Est-ce parcevous aimez travailler au sein d’une équipe ouavec des amis ? Ou alors est-ce que la com-plexité technologique de vos dispositifs re-quière un certain nombre de contributeurs ?Un peu les deux. Tous ces dispositifs particu-lièrement techniques nécessitent un travailcollaboratif car chaque membre est respon-sable, en fonction de ses degrés de compé-tence, d’une partie bien spécifique. La plupart des œuvres conduisent doncnaturellement à une forme de co-écriture àpartir du moment où, comme moi, on aimecette façon de partager les processus créatifs.Après, les œuvres elles-mêmes réclamentl’activation d’une certaine interaction socialedans leur proprioception. La phase de créa-tion et aussi de réalisation de mes pièces estpar nature sociale. C’est un plaisir réel quede bénéficier d’une véritable plateforme artis-tique, que de nombreux artistes peuventrejoindre pour apporter leur savoir-faire spé-cifique ou pour contribuer au succès de lacoloration transdisciplinaire des projets.

Au-delà des facteurs interactifs et cinéma-tiques, vos projets ont toujours été marquéspar leur nature transdisciplinaire justement.

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Jean-Michel Bruyère, La dispersion du fils(Lfks + AVIE).

Jeffrey Shaw, AVIE(Advanced Visualisation and Interaction Environment), 2006.

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Je pense à ce cochon gonflable qui surplom-bait la station électrique de Battersea àLondres, utilisé pour la pochette d’album dePink Floyd, à l’utilisation de textes en troisdimensions, aux collaborations avec PeterGabriel… Pensez-vous que l’heure est venuepour les arts numériques d’être véritable-ment au centre de la création artistique… ? À mes yeux, les arts numériques sont la forcela plus expressive de la culture contemporai-ne. Comme je disais, je peux encore êtreenchanté quand une pièce non-numériqueexprime une force équivalente, voire supé-rieure. De nombreux artistes en sont encorecapables. Mais c’est vers le numérique que vama préférence — peut-être parce que malongue expérience me permet d’être familia-risé avec toutes les possibilités qu’il induit. Il y a aussi un autre facteur. Les outils de laculture contemporaine se sont largementinsinués dans notre vie quotidienne. Même àl’échelle de la communication humaine, lesrapports directs et transmis par les nouveauxmédias sont tellement enchevêtrés que lesrelations sociales — mais aussi les logiquespolitiques — en sont transformées. Tout celacrée les conditions d’un besoin urgent pourune critique esthétique qui exploite ce fais-ceau de supports médiatiques numériquesdans des réflexions plus alternatives, selondes modèles sociétaux globaux qui vien-draient remettre en question ceux produitspar les "industries médiatiques".

De 1991 à 2003, vous avez été le directeurfondateur du ZKM de Karlsruhe. Le ZKM a récemment conduit toute une réflexion autourde la question de la conservation des œuvresnumériques, à travers un programme de protection des œuvres existantes mais aussipar le biais de l’exposition Digital Art Works:The Challenge of Conservation… Est-ce uneproblématique dont vous étiez conscientlorsque vous avez créé vos premiers dispositifsinteractifs ?Pour la plupart des gens, la présence d’untémoignage artistique du passé est un bieninestimable pour les générations suivantes.Cela perpétue à l’échelle la plus fondamentalela lignée d’une culture humaine axée sur lequestionnement et l’expérience, et participe

nature métaphysique de la chute jusqu’à laservitude de l’amour, qui traverse les désastresde l’histoire ou le caractère tragicomique dupersonnage de Buster Keaton. En ce sens, cet-te œuvre peut être interprétée comme un"monument dédié à la chute". L’idée n’est pasde donner une lecture cryptée de l’état deregret, mais plutôt de proposer un regardcruel, numérique et théâtral d’une constanteremise en action de cette chute. Chaque spec-tateur en est l’acteur interagissant, à traverslequel la morale de Beckett peut être constam-ment visionnée et répétée.

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT CATALA

à la connaissance et à l’enchantement de nosdestinées. Si l’on s’accorde sur la valeur de l’artsur la durée, le défi de sa conservation serarelevé. Un artiste peut ensuite choisir d’inté-grer ou pas cette réflexion sur la durée dansson œuvre. Quel que soit son choix, il est dela responsabilité des conservateurs de se don-ner les moyens de conserver les œuvres avecles méthodes les plus appropriées, qu’il s’agis-se d’une fresque sur un mur abîmé ou d’unepièce numérique fonctionnant sur un systèmeinformatique obsolète. Dans la plupart de mespièces, je privilégie davantage une stratégie de"reconstruction numérique" plutôt que celled’une maintenance permanente en l’état dusystème original. Une telle méthode s’appuietout autant sur une documentation solide etrigoureuse. Ce principe de portage vers unenouvelle plateforme informatique est donctout autant respectueux de l’intégrité d’originede l’œuvre. Et il a l’avantage de pouvoir êtremis en action par n’importe quel techniciendans le futur.

Vous avez présenté récemment à la neuvièmeBiennale de Shanghai une nouvelle créationinteractive, conçue avec Sinan Goo : "FallAgain, Fall Better". Elle se compose d’un immense écran où les spectateurs peuventdéclencher la chute de silhouettes humainesmodélisées en 3D en actionnant une commandespéciale. Le commissaire de la biennale QiuZhijie a écrit que cette pièce "révèle un senstragique de la tristesse…"Elle a effectivement un côté très tragique !Autant par son expressivité que par l’usageque peut en avoir le public. Dans cette instal-lation, deux lignes de réflexion se conjuguent.L’une est directement tirée de la formuledésenchantée de Samuel Beckett : Try Again.Fail again. Fail better. Et l’autre repose sur lesmultiples façons dont les notions de chute etles déclinaisons du mot Fall [tomber] interfè-rent avec nos vies, notre littérature, nosmythologies et nos conversations du quoti-dien. Failure et Falling [l’échec et la chute]sont synonymes en termes d’anxiété quandces mots expriment les ruptures d’environne-ment, les ruptures sociales qui hantent lesconsciences globales de la modernité. C’est une vaste thématique qui part de la

PROFIL JEFFREY SHAW

+ D’INFO :< www.jeffrey-shaw.net >

Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw,Place - Hampi,

2006.

Sarah Kenderdine & Jeffrey Shaw, Place - Turkey,

2010.

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PROFIL NORBERT HILLAIRE

Les photomobiles, qui sont à peine des photos,ou des photos comme volées à travers un télé-phone, semblent destinées à répondre de la fui-te du temps et de cet empire de l’éphémère quien est comme l’ombre portée aujourd’hui, parle mouvement symétrique d’une prise effectuéesans aucun souci de pause, ou de constructionorganisée de l’image. Une prise en mouvement,comme l’objet même qu’elle tente de saisir.

Il s’agit dès lors de se laisser (sur)prendre, à tra-vers le mouvement et la vitesse asynchrones deces divers mobiles, de laisser ce temps qui nouséchappe s’ouvrir sur lui-même dans le prismede ces appareils. Comme si la fameuse conver-gence des médias, et la puissance de synchroni-sation mondiale des images et des opinions qui

la soutient (et qui conduit à un écrasement dutemps sous les formes du direct, du live, dutemps réel), produisait en retour, en une sorted’effet boomerang qui est aussi un contrepoi-son, une formidable puissance de divergenceartistique et esthétique, d’ouverture de l’œuvred’art vers des régimes spatiotemporels infini-ment divers.

Ainsi, là où l’on peut constater avec les progrèsconstants du numérique, le devenir picturald’une certaine photographie dans l’art contem-porain, comme fascinée par l’immobilisme de lagrande peinture d’Histoire, le téléphone por-table serait comme un appareil de photo incer-tain, qui, outre qu’il contribue à une étrangeredéfinition des rapports entre image et société,ouvrirait vers de nouveaux horizons et nousrenverrait paradoxalement à ce tremblement dutemps caractéristique de la photo des origines.

Ce qui est en jeu, c’est ce qui se passe, commedit Rancière, entre un voir et un savoir, unregard et une action (revoir la question dumaître ignorant, en un sens, ces photos posentaussi la question de l’amateur). Ce qui se passeentre l’œuvre et le spectateur, et qui n’appar-tient ni à l’auteur ni au spectateur (est-ce ceque Duchamp appelle coefficient d’art ?).

Cela pose la question de ces médiations, entreles deux polarités du regard (celui de l’artistequi sait, qui est lui-même son premier specta-teur), et le spectateur qui ne sait pas (maisqui partage avec l’artiste) ce machin, ce mana,qui se déplace de l’un à l’autre, qui leur estcommun, qui s’interpose entre l’un et l’autre,comme une grille, un hors-champ, qui vientscander le champ construit de l’image. Ces objets intermédiaires peuvent être parexemple des essuie-glaces dans la série desessuie-glaces. Ils servent à dessiner l’espaceen dehors de l’espace.

Ce qui conduit à un autre aspect de ce projet, etqui touche à la porosité du dedans et du dehors :il s’agit d’articuler un point de vue du dedans(des intérieurs) et des extérieurs, de tracer del’un à l’autre, comme des lignes de fuite, demanière à ce que chacune de ces lignes appa-raisse comme ces energons dont parle Deleuze àpropos de Kafka.

Mes tableaux/dessins /peintures sont aussi desmusiques pour l’œil (dès lors qu’ils sont photo-graphiés et recyclés dans mes photomobiles),au sens de ces tableaux-rouleaux chinois quiinspirèrent Eisenstein dans l’invention de sonart du montage.

Les fragments qui suivent ont été écrits comme autant de notes de travail accompagnant la réalisation en 2012 de mes photomobiles — série "lignes de fuite" —, photos réalisées avec mon iPhone, en conduisant parfois, et nécessitant ensuite un long travail de montage — mais pas de retouche — sous forme de diptyques ou de triptyques, avant d’être parfois "rehaussées" à l’or (comme le faisaient les enlumineurs au Moyen Âge), puis imprimées. C’est cette "connaissance par le montage" (Didi-Huberman), qui est ici explorée, comme expérience d’un retournement de la modernité sur elle-même et ses appareils de projection — de la peinture et de la perspective, jusqu’au cinéma, mais au moyen des nouveaux médias de la mobilité).

PHOTOMOBILES LA FIN DE LA MODERNITÉ SANS FIN

Schifters, Norbert Hillaire,Photomobiles, sérieLignes de fuite.

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Ce qui est premier, c’est la ligne, la ligne de fui-te — qui est le lieu de l’insistance d’une formeet d’une énergie à s’imposer à travers quelquefigure que ce soit, quelque matière, ou mêmequelque point de vue, ou quelque référent. Ce serait comme si cette ligne était la carte d’unterritoire énergétique, dont les objets qui lepeuplent importent moins que l’énergie qui vade l’un à l’autre, qui les traverse, et qui trans-gresse, en s’imposant au delà de tout référent,contre le référent, des signes sans référent, ensomme. Et donc, en effet, il faut "sauver lecontour" (Deleuze), mais contre lui-même ouce qu’il tente de retenir, et qu’il ne réussit pas àretenir. Et qui échappe. Ou comme ce qui laissevoir que quelque chose échappe dans le mou-vement de sa rétention même.

C’est pour cela que ce sont des diptyques oudes triptyques, mais qui ne rassemblent pastant en leur centre, qu’ils ouvrent un horschamp, qui ouvrent vers d’autres images poten-tielles, hors celles qui sont retenues dans lechamp et l’espace des trois images. Ce serait ence sens des iconostases, au sens de Ouellet (il ya quelque chose de l’idiot et du Dieu, qui doitcirculer entre ces images). […/…]

Chercher quelles peuvent être ces intermédia-tions, qui prennent place comme des machinesde vision entre le spectateur et nous et quiseraient comme une délégation de compétenceà des objets mobiles, qui introduisent une vites-se, un rythme à la fois voulu et hasardeux,intentionnel et aléatoire (ce serait une manière,avec les essuie-glaces par exemple, de réintro-duire l’aléatoire dans l’art, comme ont voulu lefaire les compositeurs de l’âge moderne enmusique). Les essuie-glaces rythment, commeune partition, ils introduisent aussi des signesqui ne sont pas sans évoquer les signes et lemouvement du pinceau dans l’art et l’écriturecalligraphique de l’extrême Orient.

Mais aussi, ils sont comme des shifters, desembrayeurs, ils sont à la fois énoncé et sourceénonciatrice dans l’espace du "tableau", entre

l’espace construit et l’espace perçu, ils sontsujets et objets, instruments de dessin et partiedu dessin, cartes et territoires, référents etsignes servant la représentation. Comme pour-raient l’être en un sens d’autres objets qui vien-nent suturer, scander, rythmer un espace et quisont des instruments, mais empruntés au mon-de commun de l’industrie – en un sens, cettedémarche s’inscrit dans la continuité du trans-fert de César, avec ses machines industrielles àcompresser utilisées comme des instruments desculpture (ou qui sont une forme de transfertde l’industrie, ou de détournement demachines ou d’appareils qui ont d’abord leursens dans d’autres contextes, leur usage).

Mais les automobiles et les Smartphones sontaujourd’hui des machines de vision, desmachines à travers lesquelles le réel s’offre à nousde manière quasi permanente (ces appareils ryth-ment notre propre machine de vision interne).Les essuie-glaces dégagent l’horizon de notrechamp de vision et ils sont comme l’équivalentde la fenêtre chez Matisse, mais celle-ci est à l’ar-rêt chez Matisse, alors que nous vivons aujour-d’hui en automobile, en avion, dans des trans-ports rapides. Il y a aussi cette idée de balayage,d’une image qui participe de ce mode particulierde structuration de la mémoire et du temps queLyotard appelle le balayage, qui n’est plus du toutle frayage des anciennes cultures, et qui pourrait,à certaines conditions — se subsumer, se « rele-ver » en une temporalité plus dense, que le philo-sophe nomme passage.

Évidemment, ils sont aussi une forme de miseen abîme de la question de la mobilité, car ils

sont mouvement, battement artériel ou rythmedu temps routier, et en même temps, ils sont àl’arrêt, jambes scandant les pas à pas internesde l’image, ou de l’enchaînement des images ;sans que ces enchaînements et ces superposi-tions rythmiques aient pu être calculées entre lavitesse de l’automobile, celle des essuie-glaces,celle de la reconstruction ou de la reconnais-sance : ce sont comme des temporalités diver-gentes, qui ouvrent sur des points de vue eux-mêmes divergents (mais que chacun peuts’approprier car ils sont le commun, sorte d’ico-nostase temporelle, qui laisse perler le tempsdiffracté que nous vivons, les ruptures derythmes qui sont notre lot commun). […/…]

Ces images sont en ce sens (et pour reprendrela formule de Lautréamont) "faites par tous,non par un" (et doivent reposer la question del’amateur et du professionnel photographe).Leur beauté, ou leur efficacité tient à ce qui, enelle, échappe à la maitrise de celui qui les a pro-duites : ce sont comme des ready-made, maistemporels et rythmiques, qui introduisent, maispar condensation, et repliement interne, oumise en abyme des rythmes, une spatialitéautre qui ne serait faite que de strates tempo-relles divergentes. Des mouvements asyn-chrones, mais qui sont beaux, non parce qu’ilstémoigneraient de la possibilité de restituer lemouvement à l’arrêt (comme l’ont fait les futu-ristes), car dans ce cas là, il n’y aurait plus qu’àfaire du cinéma, mais parce qu’ils témoigne-raient au contraire de la possibilité d’arrêter leflux, de contempler le temps dans les arts del’espace, mais le temps à l’arrêt (comme chezles impressionnistes), le retenir dans sa fuite

"Je hais le mouvement qui déplace les lignes" (Baudelaire)

Répons, Norbert Hillaire,

Photomobiles, série

Lignes de fuite.

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(sans doute) ; en somme, ce qui est intéressant,c’est l’impossibilité d’arrêter le flux et le temps,tout en l’arrêtant quand même, comme les for-cados interrompant la charge du toro dans lacorrida portugaise.

C’est donc aussi un éloge de la lenteur : unemanière d’ek-stasis temporelle, comme cesréactions en chaîne dont parle Eisenstein, maisqui sourdent l’une de l’autre — sauf que dans lecas d’Eisenstein, cela produit une profondeurqui s’ouvre dans la continuité même du tempscinématographique et ses effets de coïncidenceavec le temps réel pour produire un récit, alorsque ce qui m’intéresse, c’est de condenser lemouvement, le laisser vivre et même sourdrecomme un irrésolu, une extase, mais visible,perceptible à l’arrêt — des compteurs, desmesures, des médiations techniques diversesqui jalonnent notre espace temps (le GPS peutêtre un instrument intéressant de ce point devue, ainsi que les autres outils d’orientation quel’homme invente chaque jour pour se déplacer,s’aider dans ses déplacements, et qui introdui-sent une temporalité nouvelle). Les GPS sontintéressants aussi de ce point de vue (en unsens, je pourrais appeler ces travaux "l’écritureen suspens", en référence à mon premiermémoire de recherches dans lequel j’expliquaisque les objets, les décors sont de quasi-person-nages dans les contes de Flaubert : «des éclatsde langage », comme me dit Barthes un jour).

La dernière idée, au delà de celle de l’arrêt duflux et du mouvement (comme si ces essuie-glaces étaient l’équivalent de la saisie que nousavons aujourd’hui de ces personnages à l’arrêt àPompéi, arrêtés par l’accident, la catastrophe —et l’accident, au sens de Virilio est aussi sous-jacent à ces photomobiles), donc du temps,c’est celle de l’espace.

Ces photomobiles de la série 2011 (je hais lemouvement qui déplace les lignes), sont, doiventaussi entrelacer un point de vue surplombant,panoptique (celui du cartographe qui voit le

monde d’en haut, ou à travers les outils et ins-truments de la représentation objective), et lemonde en perspective cavalière, ou le mondevu depuis un point de vue local, ou subjectif.

Le point de vue objectif et le point de vue sub-jectif doivent se coupler s’hybrider : l’essuie-gla-ce, en tant qu’objet qui a été arrêté dans sacourse échappe au contrôle de l’observateur : il est la trace d’une réalité spatio-temporelleobjective, objectivé dans et par l’œil de l’objec-tif du smartphone. […/…]

On peut dire aussi que chaque "œuvre" est nonune photo, un dessin, une peinture, mais une"source", qui se décline de manière multimodalesur plusieurs formats et plusieurs objets. Chaqueœuvre est une "modèle trouvé", ou une abstractiontrouvée. Un "ready modèle" (à rapprocher de monidée d’un duchampisme généralisé). […/…]

Si le paysage que nous voyons se projetait lui-même dans un miroir et que nous ayons vuesur ce miroir en le traversant, nous verrions lepaysage mais inversé.Je veux travailler sur cette idée que le paysagedevient l’agent du tableau, qu’il est lui mêmel’artiste en se représentant et se contemplantdans un miroir.Au sens ou l’on dit que l'art invente la nature - maislà, ce serait plutôt un chiasme; l’art invente la natu-re (la nature est écrite en langage mathématique etartistique) et la nature invente l'art. […/…]

Dans certains triptyques, il s’agit donc derehausser, comme le faisaient les enlumineursdu Moyen Âge, les traits et les lignes de fuite lesplus saillantes d’une figure ou d’un paysage, àl’or, mais ces lignes tracées au pinceau ou aufusain doré sont l’image inversée de celles quifigurent et scandent le paysage réel photogra-phié à l’arrière plan. On joue ainsi d’un rapportparadoxal – et en un sens conflictuel - entreune esthétique médiévale et une esthétique duSmartphone et de la mobilité, d’un rapport entretemps extatique et arrêté (l’or souligne ce rap-

port au temps), et un temps des flux, de lamobilité et du mouvement perpétuels, d’unrapport entre lenteur et vitesse. […/…]

Il y a aussi cette idée que, le paysage se réflé-chissant en lui même, on est à la fois dans lerégime de l’actuel (écrans, remix, sample dupaysage, le paysage réduit dans sa mise en abî-me même, dépaysé), et dans un espace très clas-sique : le paysage à l’arrêt, comme les tableauxde la renaissance. […/…]

Peut-on imaginer de faire dialoguer des appa-reils hétérochroniques entre eux, des appareilsqui ne relèvent pas du même régime de destina-tion époquale ? Certains appareils relèvent denormes très différentes (par exemple, pour lesnormes de révélation (incorporation ou incar-nation), l’interdit de la représentation privilé-giera la calligraphie, le géométrisme non figuralappliqué aux décors architecturaux. Pour lesnormes de délibération, qui définissent le sujetet l’être-ensemble modernes, ce sont les appa-reils de projection qui portent le sens d’unedestination époquale commune (de la carte, auglobe terrestre, ou au cinéma). Ces appareils"traduisent et font époque, ils créent pour lasingularité et l’être ensemble une destination"(voir ici les thèses de Jean-Louis Déotte).

Mais la question se pose de savoir si unecoexistence de normes hétérogènes est possible(dans nos sociétés comme dans mes photomo-biles) : par exemple la norme de révélation (lesenluminures du Moyen Âge), et la norme dedélibération (disons Le déjeuner sur l’herbe). Mais, la perspective est un appareil qui fait lienentre ces deux normes, qui libère (et qui assujettitau sens de Lyotard). Il faut donc continuer à s’inté-resser à la perspective, et c’est ce que je tente defaire dans mes photomobiles. Mais après l’appa-reillage du cinéma, après l’appareillage de l’époqueet des autres arts par le cinéma, et ses emprunts àd’autres appareils (en particulier pour le montage),de manière à me trouver confronté à un conflitd’époques et d’appareils… de normes.

+ D’INFO :< www.norbert-hillaire.com >

< www.m2icm.fr >

>

Le vecteur des archives, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

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PROFIL NORBERT HILLAIRE "

Et mieux encore, ou pire encore, s’il s’agit defaire coexister "appareils" et "moyens de com-munication".

Ma photo est "mobile", non seulement dans lesens de la mobilité voulue et imposée par lesportables, mais aussi par l'impossibilité d'assi-gner à ma pratique (ou le refus de ma part),une résidence (dans la photo plasticienne parexemple et ses diverses tendances : que ce soitla forme tableau à la Jef Wall, que ce soit l'artdu métissage à la Fleischer, ou encore les ten-dances post-conceptuelles). […/…]

Le monde de l'art se partage clairement aujour-d'hui entre deux mondes, un monde appareilléencore à la modernité et aux avant-gardes (unevolonté de dépassement des tentatives précé-dentes), et un autre au post-modernisme. Par leur appartenance à la sphère des questions

les plus actuelles, l'amateur et le professionnel,l'importance prise par les nouveaux médias dela mondialisation, ce travail est paradoxalementmoderne : il postule le mouvement de l'histoire,et le fait que nous n'en avons pas fini avec lesrécits d'émancipation. Nous sommes bien alorsdans une modernité sans fin, qui n'en finit pasde se réinventer. Mais, en un autre sens, c'est bien la fin de lamodernité : et dans ce constat, se dessine alors la possibilité d'une relecture, d'une cita-tion, d'une réappropriation des formes de l'artdu passé, un art envisagé comme retraitementde cet inépuisable répertoire de formes quinous précède et qui nous suit (à la trace) : maislà aussi, il n'y a pas une seule postmodernité enphotographie. Ce serait alors cela peut-être, lafin de la modernité sans fin. […/…]

TEXTE : NORBERT HILLAIRE

Théoricien, professeur à l’université deNice-Sophia Antipolis où il dirige lemaster "ingénierie de la création multi-média", artiste, Norbert Hillaire s’estimposé comme l’un des initiateurs de laréflexion sur les arts et les technologiesnumériques, à travers de nombreusespublications, directions d’ouvrages etmissions prospectives pour de grandesinstitutions (ministère de la Culture,Centre Pompidou, Datar). Son ouvrage,coécrit avec Edmond Couchot, L’artnumérique (Flammarion), fait aujour-d’hui référence. Comme artiste, sesphotomobiles interrogent les relationsentre peinture, photographie et cinémaet sont régulièrement exposées enFrance et à l'étranger

Bibliographie • Art Press 2, L’art numérique et après ? (direction

éditoriale) [à paraître le 13 mai 2013] ;• Arranger le monde, éditions Scala [à paraître] ;• La fin de la modernité sans fin, L’Harmattan, coll.

Ouverture philosophique Esthétiques, février 2013 ;• Double vue, 50 fragments pour Julien Friedler,

éditions Somogy, 2012 ;• La Côte d’azur après la Modernité, éditions Ova-

dia, 2010 ;• L’expérience esthétique des lieux, L’Harmattan, coll.

Ouverture philosophique Esthétiques, 2008 ;

• L’artiste et l’entrepreneur (dir.), éditions de la Citédu design, Saint-Etienne, 2008 ;

• L’art numérique, comment la technologie vient aumonde de l’art (en coll. avec Edmond Couchot)Flammarion, coll. Champs, 2005 ;

• Œuvre et Lieu, essais et documents(en collaboration avec Anne-Marie- Charbon-neaux), Flammarion, octobre 2002 ;

• Internet All over. L’art et la Toile (dir.), Art Press +, (1999) ;

• Nouvelles technologies, un art sans modèle ? (dir.),Art Press Hors-Série (1991).

Expositions • Photomobiles, série Lignes de fuite, exposition

collective, Galerie Gourvennec Ogor, Marseille,du 29 juin au 30 août. > www.galeriego.com

• Photomobiles, série Lignes de fuite, exposition collective, Galerie SAS, 372 Sainte-Catherine Ouest,suite 416, Montréal (Québec) Canada, du 30 aoûtau 6 octobre. > www.galeriesas.com

• Exposition personnelle au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains [en préparation]

La noyade de l'eau, Norbert Hillaire, Photomobiles, série Lignes de fuite.

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PROFIL WOLF LIESER

Le grand public, aujourd’hui, n’est-il pasdéfinitivement prêt à accueillir des œuvresnumériques ?Quand vous travaillez dans ce domainedepuis un certain moment, vous avez connuune période où elles étaient refusées. Les gens ne comprenaient pas les nouvellestechnologies, ils ne comprenaient pas l’im-portance et l’influence qu’elles auraient surla culture et l’art contemporains. Je fais çadepuis 20 ans, et maintenant on entre dansune période différente, ce qui m’a poussé àchanger la stratégie de DAM. Cette nouvelle période est "post-Internet";selon le terme défini par Rachel Greene deRhizome. Elle parlait de ces "digital natives"qui ont grandi avec Internet et ce genre detechnologies qui font partie de leur vie quoti-dienne, de leur pratique artistique.Cela se voit dans la façon dont les gens seservent des applications ou de petiteschoses ludiques sur leur iPads ou autre, deschoses comme celles réalisées par l’artisteautrichienne Lia. S’agit-il d’art ou ne s’agit-il pas d’art ? Cela n’a pas d’importance. Ils le téléchargent, ils pensent que c’estgénial, ils aiment bien jouer avec. C’est celaqui m’intéresse maintenant. Les peintresqui font des paysages dans un nouveau for-mat ne m’intéressent pas.

Mais qu’en est-il des institutions muséaleset du marché de l’art ?J’ai toujours un pied du côté du marché,avec les gens qui n'y connaissent rien, et unpied du côté des gens qui réalisent desœuvres numériques. Je fais le pont entre lesdeux, et je trouve que le monde artistique

en général, arrive tout juste à comprendrel’importance du numérique. C’est ma per-ception. Je vois que les musées implémen-tent des commissaires qui ont une petiteidée (ceux d’avant n’en avaient aucune),qui essaient d’en apprendre plus et d’appro-fondir. Je réussis actuellement à trouver descollectionneurs qui commencent vraimentà comprendre et à voir l’avenir.

Comment est née l’idée de créer un muséevirtuel en ligne ?Quand j’ai commencé DAM, j’avais déjàune deuxième galerie à Londres en parallè-le à celle que j’avais à Francfort, qui étaitconsacrée à l’art numérique, de 1999 à2002. La galerie londonienne n’était pastrès connue. Je l’ai fait avec un associé, qui

l’avait déjà commencé à l'origine avec quel-qu’un d’autre… Ça n’a jamais marché. On payait chaque mois ; lui gagnait de l’ar-gent en faisant des sites web, et moi jegagnais ma vie avec la galerie près deFrancfort en vendant des supports tradi-tionnels (peintures, photographies).Mais à l’époque je réfléchissais à unconcept et à la possibilité de développerquelque chose autour des œuvres numé-riques pour le marché de l’art. C’est alorsque j’ai eu l’idée du musée en ligne. Nousavons développé ce site web afin de faireconnaître aux gens l’histoire de l’art numé-rique, de leur montrer que l’histoire a com-mencé dans les années 1960 et qu’il existedes pionniers qui travaillent encore, quiont une carrière qui persiste depuis 30 ou40 ans. Voilà pour le début. La deuxièmeétape a toujours été d’avoir une galeriepour développer le marché, parce tous cesartistes n’ont presque rien vendu.

Comment gérer la question de l’original, doncde la rareté, quand il s’agit d’œuvres quel’on peut copier, coller ou télécharger ?Nous savons tous qu’il n’existe pas d’origi-nal, puisque la copie est identique. Donc, les artistes ont adopté les stratégieshabituelles du marché. Par exemple, CaseyReas ne réalise qu’une seule œuvre de logi-ciel. S’il réalise une nouvelle œuvre, elle estproduite et vendue une seule fois. D’autresfont 3 ou 5 éditions de l’œuvre, ce qui est lanorme. Tout cela à cause du marché. Évidemment, ce serait facile d’en faire descentaines. Il y a d'ailleurs un nouveau siteweb qui commence à commercialiser des

Wolf Lieser est l’initiateur du projet DAM - pour Digital Art Museum - qui regroupe un musée virtuel en ligne, un prix en partenariat avec la Kunsthalle de Brême et une galerie à Berlin. Sa stratégie : l’intégration des nouveaux médias dans l’art.

WOLF LIESERDIRECTEUR DE LA GALERIE DAM

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Aram Bartholl, Olia Lialina, 2012.

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formats numériques dupliqués 500 ou 200ou 300 fois. Mais d’après ce que je vois,c’est toujours plus facile de vendre unebonne œuvre d’art pour 5000 euros plutôtque de la vendre 200 fois pour 100 euros… L’évolution du marché fera émerger de nou-velles façons de marchander l’art logiciel,ce qui revient essentiellement à des œuvreslogicielles, parce qu’elles seront disponiblesà un public plus large et seront diffuséessur d’autres réseaux, comme cela a été lecas avec la musique. Je pense qu’il se passe-ra la même chose avec les expériences etœuvres visuelles qui reposent égalementsur le logiciel, à travers Internet et d’autresréseaux de distribution. Mais cela se passe-ra probablement en parallèle au marché. Le marché de l’art existera toujours, parceque les gens ne voudront dépenser de grossessommes d’argent que s’ils ont au moins lasensation d’une certaine d’exclusivité.

La plupart des artistes numériques se sontpassés du marché, allant de résidences enfestivals, de workshops en conférences. La mission essentielle du galeriste n’est-elle pas de les accompagner pour que leursœuvres pénètrent le marché dont on sait la position dominante actuellement ?C’est évident. Un bon exemple est AramBartholl, un artiste que je connais depuisdes années à Berlin, j’ai suivi tout son déve-loppement. C’est comme ça qu’il vit : invitéà des conférences, voyageant là-bas, rési-dences, bourses, et ainsi de suite. Il gagnaitsa vie ainsi. Après tout, ce n’est pas une viefacile, et vous ne gagnez toujours pas assez,en fin de compte. Vous êtes toujours en

train de bouger, de voyager, et en plus ilfaut que vous pondiez des idées extraordi-naires entre les deux pour assurer que çacontinue. Aram était doué pour ça, et il afait de très bons projets qui l’ont renducélèbre sur le plan international.Dès le moment où vous arrivez à vous éta-blir sur le marché de l’art, et c’est comme çaque ça fonctionne, les prix monteront aufur et à mesure que vous vendez vosœuvres, ce qui vous permettra de sortir decette phase de voyage non-stop et de vousconcentrer enfin sur votre travail artistique.Voilà qui est, évidemment, une bienmeilleure prospective. Je n’ai rien contre lefait de donner une conférence, mais beau-coup de ces rencontres ou festivals n’ontfinalement absolument aucune importancepour votre carrière.

J’imagine alors, quant à cet accompagne-ment vers d’autres territoires, que les artistes réagissent diversement ?Certes, la meilleure façon de s’y prendrec’est d’avoir une bonne galerie qui travailledur pour vous présenter aux collection-neurs. C’est ce qui s’est passé avec Aram.On a vendu plusieurs de ses œuvres, et çava continuer, il fait du bon travail. On n’arien changé sur ce qu’il fait, parce qu’il adéjà produit des œuvres qui se vendent.D’autres ne se vendent pas, mais ça va aus-si. Je pense que c’est important de laisserles artistes faire leur travail, ce qu’ils veu-lent faire, même si c’est risqué.Actuellement on fait une expo avec CaseyReas. Il a tout simplement abandonné l’es-thétique de ses œuvres logicielles précé-

dentes. Jusqu’à 2010-2011. Ses nouvellespièces sont très dures visuellement, accom-pagnées d’une esthétique totalement diffé-rente. Il avait décidé de faire ça pour la pro-chaine exposition et il travaillait jusqu’audernier moment, donc je ne savais pas cequi allait venir, et je savais que ça pouvaitêtre risqué : il se pourrait que le client, sescollectionneurs, disent, je n’aime pas ça,vous n’avez pas quelque chose d’avant ?

Récemment, j’ai vu une fresque murale deCasey Reas à l’Art Institute de Chicago.Mais c’était au sein des salles dédiées àl’architecture et au design. Est-ce laplace d’un artiste numérique ?Casey est très sensible à tout cet aspect design.Il essaie de l’éviter si possible. Mais d’unautre côté, il a eu tellement d’influence avecson Processing et tout ce qu’il a développédans ce domaine, il est tellement renommépour cela, qu’ils y reviennent toujours. Mais même s’il avait cette influence, à la fince ne sera pas important qu’il a commencépar influencer le monde du design. Je connaisbeaucoup, beaucoup d’artistes qui travaillentavec Processing. À un certain moment dansl’avenir, il ne restera plus que ça. Cela n’aaucune importance à la fin. Maintenant il estparfois un peu mal à l’aise, mais à la fin, cequi compte, c’est que son œuvre persistera.Vous avez vu sa longue fresque murale, c’estune pièce numérique qui a été réalisée surplace. On s’en fiche si quelqu’un déclare qu’ils’agit de design ou qu’il s’agit d’art. Les gensadorent la pièce. L’art, c’est ça.

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MOULON

+ D’INFO :< www.dam.org >

Casey Reas, Signal to Noise,

2012.

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FEEDBACK FRONTIÈRES NOUVELLES

Depuis trente cinq ans, fin janvier, la foule"indie", déferle de Los Angeles ou Brooklyndans les rues enneigées de la sinon paisibleville de Park City, Utah. Depuis toujours,Sundance parle "storytelling", "characterdevelopment" un peu, beaucoup, passion-nément, avant chaque projection, danschaque panel, dans les conversations, oudans les workshops très courus de l’InstitutSundance. Or avec la montée en charge desnouveaux médias, les programmateurs dufestival ont décidé d’arpenter ces territoiresoù le fameux "storytelling" était bousculé :New Frontier était né. Depuis 2007, Shari Frilot, curatrice duprogramme, propose à la foule festivalièrede sonder — hors compétition — ce terri-toire mouvant des œuvres numériques.Avant, nous étions des consommateurs desrécits. Aujourd’hui les histoires ne sont plusconsommées à proprement parler. Nous utili-sons plutôt les histoires comme une sorte delangage entre nous, comme un outil de com-

munication. C’est une chosenouvelle dans notre culture.C’est cette conversation quiforme l’œuvre. nous confieShari.

Un pavillon de pixels dansla neigeLe mapping a clairementfait l’objet d’une attentionparticulière cette année.Cette technique excelle àmanipuler, à même le réeldevenu media, l’espace et letemps, dans une sorted’augmentation des senspar des perceptions géné-rées par des algorithmes. À la tombée du jour, le bâti-ment abritant New Frontier — The Yard,un entrepôt anonyme de tôle ondulée àl’écart de Main Street —s’anime. RicardoRivera (Klip collective), un "vétéran" dufestival, a conçu un impressionnant map-ping 3D, projeté sur trois côtés du bâti-ment (et sur le toit). Sa pièce, intituléeWhat is he building in there ? — inspiréepar un texte de Tom Waits — dématériali-se intégralement les façades extérieures.Des pans de murs disparaissent - commesi le spectateur était instantanément équi-pé de lunettes Google à Rayon X, et lais-sent voir à l’intérieur des mécaniquescomplexes et inquiétantes, et les déambu-lations d’un homme filmé en stop motion.L’idée du "pavillon pixellisé" c’est que chaquesalle, que l’architecture entière, chaque murdevienne le média. C’est le principe de cette

exposition. A peine arrivédevant le bâtiment, la façade,c’est le film qui commence. Installations et projectionscohabitent dans un espacetrès décloisonné, qui se pré-sente comme un parcoursimmersif, un grand récit.Dans l’espace intérieur duYard, une fois franchie uneporte de pixels de Rivera, lapremière bande-son rencon-trée est celle des dronesmusicaux conçus par Tho-mas Vaquié (antiVJ) pourCityscape 2095, un dessinaugmenté de Mandril, archi-tecture urbaine entre cyberpunk (Bruce Sterling est fan

d’AntiVJ), et manga façon Ghost in theShell. Eyjafjallajökull, du même jeune labelbruxellois (Joanie Lermercier), est l’étrangecontemplation d’un volcan numérique enéruption, une visualisation qui parvient àretrouver une émotion à la fois primitive etinédite, celle du témoin d’un tremblementde terre digital. On touche plus quelque chosequi est de l’ordre du poème, raconte ThomasVaquié. Joannie est plus dans la matière, etl’écriture se fait plus à partir de la matièreelle même, confirme Nicolas Boritch, pro-ducteur pour le label. La technologie mobile fait maintenant partieintégrante de notre vie, nous passons beau-coup de temps, à créer, à nourrir des réalités,des identités virtuelles sur petit écran, maisen même temps il n’y a que les mains, lesyeux et le cerveau qui travaillent, le reste du

Dans ce sanctuaire du "storytelling" qu’est le Festival du Film de Sundance, "New Frontier" est une section entièrement dédiée aux arts numériques. Tout en défiant radicalement les modes de narration traditionnels, ces installations, ces apps, ces projections 3D sont à leur tour mises au défi de raconter, de parler aux sens, de saisir, d’émouvoir.

FRONTIÈRES NOUVELLES

AntiVJ, Cityscape 2095.

Rafael Lozano-HemmerPulse index.

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corps en est comme absent. Donc cette expo-sition tente de créer cette situation où lespectateur est intégralement immergé dansun univers artistique, dans une narrationdigitale, qui en fait s’adresse au corps toutentier, qui engage tout le corps. C’est le pas-sage de l’étape homme de Cro-Magnon à cel-le de la position droite. Surtout avec l’arrivéedes lunettes Google qui vont nous permettrede nous relever et ouvrir de nouvelles moda-lités de narration, s’enthousiasme Shari.Dans la lounge occupée par Rafael Loza-no-Hemmer (Pulse index), et Yung Jake,un inclassable geek-artiste hip hop de LosAngeles, les images se font enveloppantes,omniprésentes (avec le dispositif HTML5très invasif et virulent de Yung Jake).L’image de la peau des visiteurs, captée surplace en même temps que leur rythmecardiaque, forme sur les murs autourd’eux un continuum au rythme lent, orga-nique, une sorte de membrane digitalepalpitante. Le visage du jeune rappeur,traité au data mosh s’affiche lui sur tousles écrans alentours, et son corps sublimésurgit en 3D sur les portables des visiteurs :son personnage a totalement effacé la notiond’espace, il incarne bien cette situation oùnous sommes : la réalité digitale et le mondephysique ont complètement fusionné,explique Shari.

Expérimentations dans la narration commedans la diffusion des œuvresLe showcase proposait aussi les nouvellesformes de narration cinéma de Meredith

Danluck (North of South, West of East),avec un polyptique pour les quatre mursde l’espace de projection. Sur chaqueécran, un récit autonome, que le specta-teur, en pivotant sur sa chaise, est invité àsuivre en alternance avec les trois autres.L’immersion dans cette œuvre ambitieuse,dense, chorale, n’est pas tant de chercherle récit rhizomatique, que de créer uneperspective où les personnages vont sedévelopper en profondeur.New Frontier accueillait enfin QuentinDupieux (aka Mr Oizo), qui projetait pourquelques happy few survoltés les premierschapitres de Wrong Cops (Marylin Manson

en adolescent malmené par un ripoux àmoustache de la LAPD). Le film, tournéfaçon commando, commencera sa carrièreen ligne (sur elevision.com), pour la finirdans les salles en 2014, une idée du pro-ducteur Grégory Bernard, un pied de nezaux modes de diffusions classiques. Ces frontières nouvelles forment un vastehorizon, à la fois proche et constammenten mouvement : un vrai paysage de l’ouestaméricain.

IVAN BERTOUX

+ D’INFO :< www.sundance.org/festival/ >

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FEEDBACK BERLIN

Le festival TransmedialeJe me souviens du festival Transmediale2006. C’était à l’Akademie der Künste,quand il était encore question de pratiquesartistiques émergentes. La planète Pluton,alors reconsidérée par l’Union Astrono-mique Internationale, devenait naine etInternet se faisait de plus en plus participa-tif. Les caractères B,W,P,W,A et P (BackWhen Pluto Was A Planet) qui ornent laHaus der Kulturen der Welt font référenceà ce passé immédiat en nous incitant àmesurer l’impact grandissant du numé-rique sur nos sociétés. Les problématiquessociétales sont en effet au cœur des mul-

tiples conférences de cette Transmediale2013. Mais théoriciens et chercheurs nepeuvent ignorer le gigantesque octopus deplastique jaune que les membres du col-lectif Telekommunisten ont installé à l’in-térieur de la HKW. OCTO P7C-1 est undispositif tubulaire à air pulsé évoquant lespostes pneumatiques qui se sont dévelop-pés durant la deuxième moitié du XIXe

siècle. On mesure ainsi le pouvoir absoludes opérateurs qui établissent lesconnexions. Dans un monde où quelquesrares puissances, essentiellement privées,veillent sur nos données et communica-tions personnelles.

Un cabinet de curiositéC’est aux artistes Matsuko Yokokoji et Gra-ham Harwood que l’organisation de l’expo-sition Evil Media Distribution Centre a étéconfiée. Conçue en réaction au livre EvilMedia récemment publié par Matthew Ful-ler et Andrew Goffey, elle a les allures d’uncabinet de curiosité. On y découvre lescontributions de 66 artistes au travers d’au-tant de descriptions textuelles d’objets de“média gris”, un concept emprunté auxauteurs du livre Evil Media. Graham Har-wood y décrit le commutateur télépho-nique automatique inventé par AlmonStrowger en 1891. Ce dernier, alors entre-preneur de pompes funèbres aux États-

Unis, avait eu l’idée de cette innovationaprès avoir suspecté l’opératrice du centraltéléphonique local, qui n’était autre quel’épouse de son concurrent direct, de le pri-ver de clients potentiels. Ses commutateursautomatiques, nous apprend Graham Har-wood, n’ont été remplacés que très récem-ment par les technologies du numérique.Celles-là même qui permettent aujourd’huià quelques entreprises du Nasdac d’épier lesmoindres de nos échanges.

À la Hamburger BahnhofIl faut traverser la rivière Spree pour allerde la HKW à la Hamburger Bahnhof où setient l’exposition consacrée aux 9 Evenings:Theatre and Engineering organisée à NewYork en octobre 1966 par l’artiste RobertRauschenberg et l’ingénieur du Bell LabsBilly Klüver. La performance intitulée OpenScore que Rauschenberg y conçoit avec lacomplicité de l’ingénieur Jim McGee com-mence par un match de tennis opposantMimi Kanarek à Frank Stella. Mais lesraquettes ont été préalablement augmen-tées de microphones sans fil par BillKaminski afin qu’elles résonnent au sein del’Armory du 69e régiment originellementdédié à la pratique de ce même sport. Sansomettre la lumière qui diminue graduelle-ment, impact après impact, jusqu’à l’obscu-rité totale. Quand près de cinq cent per-

En Hiver, à Berlin, deux événements se focalisent sur les recherches ou pratiques entre arts et technologies :la Transmediale et le CTM Festival. Mais c’est aussi l’occasion d’appréhender quelques œuvres au sein desexpositions de la Hamburger Bahnhof, de l’institut KW pour l’art Contemporain, du LEAP ou laboratoire pourles arts électroniques et performatifs avant de terminer par la DAM Gallery.

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sonnes, filmées en infrarouge, investissentl’espace de jeu tout en respectant les direc-tives de Rauschenberg. Cette performancedésormais historique révèle l’inévitablepénétration des technologies dans l’art,dans l’attente de la reconnaissance des pra-tiques artistiques émergentes initiées il y après d’une cinquantaine d’années.

Un laboratoire pour les arts électro-niques et performatifsLe LEAP (Lab for Electronic Arts and Per-formance), localisé à quelques pas del’Alexanderplatz, est un projet associatif sesituant dans la continuité de l’Experimentsin Art and Technology, une organisation quifait elle-même suite aux 9 Evenings. Associé pour l’occasion aux festivals Trans-mediale et CTM, le LEAP présente une expo-sition portant sur les “Mondes Abstraits”.C’est l’occasion de découvrir Transducers deVerena Friedrich. Cette installation qui adéjà fait le tour du monde s’articule autourde bien peu de chose : juste quelques che-veux. Des cheveux provenant de différentsindividus, aussi insignifiants les uns que lesautres bien que témoignant tous des singu-larités qui nous sont propres. Or c’est préci-sément ces singularités qui s’expriment ausein des tubes de verre où ils vibrent pourrésonner dans l’espace entier de la galerie.Les sons vibratoires s’accordant, c’est unemusique à vivre comparable à celle de LaMonte Young qui s’étire sans fin dans lesmoindres recoins de l’environnement quifait œuvre.

À l’institut KWL’exposition One on One du KW Institutefor Contemporary Art regroupe 17 instal-lations ne pouvant être appréciées que parun seul spectateur à la fois. Elles sont,pour la plupart, à l’intérieur de petitespièces bien qu’il y ait aussi ce téléphonefilaire sur une table blanche. Une lignedirecte avec l’artiste Yoko Ono nous dit-onet la médiatrice de préciser qu’elle va appe-ler sans mentionner quand ! Elle ajoutetoutefois que Yoko appelle tous les jours,une ou deux fois. Alors il est des specta-teurs qui attendent l’appel de celle quicompte aussi plus de trois millions de fol-lowers sur Twitter. Étrange situationmuséale, par l’absence, que ce possibleéchange non contrôlé quand noussommes tous convaincus d’être, en perma-nence, connectés au monde entier. Mais cette œuvre, de par sa relative obso-lescence, n’est-elle pas plus étrange aujour-d’hui qu’elle ne l’était hier, alors que "Plu-ton était encore une planète", quand nousne pouvions imaginer devenir les amis detoutes les Yoko Ono de Facebook ? Avant même qu’une notoriété promise nenous soit enfin accessible à tous.

Au CTM FestivalLa principale exposition du CTM Festival,depuis déjà quelques années, se tient auBethanien dans le Kreuzberg. Elle regrou-pe quelques œuvres, numériques pourl’essentiel, dont celles de Constant Dul-laart qui inscrit sa pratique dans la conti-

nuité de Marcel Duchamp. Terms of Servicepouvant être considéré tel un ready madepuisque c’est la page de Google qui estvidéo-projetée. Mais celle-ci prend lesallures d’un visage dictant les conditionsd’utilisation, datant de 2012, de l’entrepri-se américaine. La voix de synthèse,quelque peu autoritaire, nous dictedonc ce que nous devrions savoir, par

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Graham Harwood & Matsuko Yokokoji, Evil Media Distribution Centre, 2013.

Verena Friedrich, Transducers, 2009.

9 Evenings, Opening,

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Yoko Ono, Telephone Piece,1971-2012.

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FEEDBACK BERLIN

exemple : nous nous réservons le droit desupprimer ou de refuser d’afficher tout conte-nu que nous estimons raisonnablement êtreen violation de la loi ou de notre règlement.Mais qu’est-ce donc qu’une “estimationraisonnable” ? Ou encore : en utilisant nosServices, vous acceptez que Google puisseutiliser ces données. Les nôtres ? Toujours dans la continuité des pratiquesduchampiennes, il y a une série deséquences intitulée YouTube as a subject etdétournant le précédent player du géantde la vidéo en ligne.

Sujet, médium et support à la foisPlusieurs artistes, dès 2008, se sont appro-priés l’esthétique du lecteur vidéo de You-Tube, et parmi ceux-ci il y a Ben Coonleyavec ses 7 Responses to Constant Dullaart's"YouTube as a Subject”. Les deux séries, auKunstraum Kreuzberg, dialoguent et serépondent en face à face. Quant aux spec-tateurs, ils peuvent alors observer ce qu’ilsont pourtant vu tant de fois sans y prendregarde. A chaque détournement sa surprise.Mais toutes les séquences commencenttoujours comme si de rien n’était, avantque l’interface ne semble s’émanciper, parl’animation, du design de ses concepteurs.Toutes ces pièces sont évidemment

visibles en ligne, sur le serveur de YouTubecomme il se doit. C’est ainsi qu’opère unetotale fusion entre le sujet, le médium et lesupport. Pour Constant Dullaart et BenCoonley, le numérique offrant bien plusque des palettes d’outils ou de simples“gains de productivité”. Sans omettre l’as-pect “détournement” qui est au centre detant de tendances artistiques, de Fluxusaux Nouveaux Réalistes.

La Dam GalleryC’est à la DAM Gallery de Berlin dont il estle fondateur, que Wolf Lieser expose soncabinet de curiosités, Wunderkammer enallemand. Et il y a, parmi les œuvresnumériques présentées, la pièce de FlavienThery intitulés “Les contraires”. Une sortede prisme coloré ayant les allures d’unécran recomposé et dont l’affichage, com-

me il se doit en sculpture, dépend dupoint de vue. En dissociant la source lumi-neuse du filtre de l’écran, l’artiste françaisdont le travail s’articule autour de la rela-tion entre l’art et la science invite le specta-teur à se déplacer dans l’espace. Cette piè-ce questionnant la vision correspond toutà fait aux constructions perspectivistes queles humanistes italiens de la Renaissancecollectionnaient dans leurs studioli. "Où est l’information qui fait varier lesaplats de couleurs, dans le plan, dans l’es-pace ou dans la source ?", se demande l’ob-servateur en scrutant l’objet sculpturaldont les qualités artistiques sont inhé-rentes à la pertinence des questions qu’il sepose. Car c’est le regardeur qui, se dépla-çant dans l’espace, fait l’œuvre. Quand cel-le-ci, en retour, questionne le regardeur autravers de ses multiples réalités.

DOMINIQUE MOULON

+ D’INFO :Transmediale < www.transmediale.de >

Hamburger Bahnhof < www.hamburgerbahnhof.de >

Lab for Electronic Arts and Performance< www.leapknecht.de >

KW Institute for Contemporary Art< www.kw-berlin.de >

CTM Festival < www.ctm-festival.de >

[DAM]Berlin < http://dam-berlin.de >

Ben Coonley, 7 Responses toConstant Dullaart's"YouTube as a Subject”, 2008.

Flavien Thery, Les contraires, 2009.

Constant Dullaart, YouTube as a sculpture,2009.

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RESSOURCE DROIT D'INVENTAIRE

Aussi curieux que cela puisse paraître, il n'existait pas de nomenclature des structures dévolues à la création numérique et au multimédia. C'est désormais chose faite : la revue MCD ("Magazine des Cultures Digitales") vient de publier un "Guide des Ressources et des Lieux" qui dessine une première cartographie du genre. Simultanément à cette parution, Digitalarti met en place un site dédié, offrant des infos complémentaires et réactualisées.

DROIT D'INVENTAIRE

Réalisé avec le soutien de la Directiongénérale de la création artistique du Minis-tère de la culture et de la communication,cette première édition recense près de 150 lieux à travers la France, ainsi quequelques initiatives dans l'espace franco-phone (Belgique). Classé par région, chaque lieu fait l'objetd'une fiche détaillée qui indique notam-ment les modalités d'accueil en résidence,les disciplines et activités dominantes, lesmoyens techniques mis à disposition, lespossibilités d'interventions, les publicsvisés, les espaces de travail et de diffusion,les dispositifs de soutien, les contactsadministratifs… L'ensemble dessine une cartographie enréseau qui s'étend des scènes nationalesaux associations indépendantes, descentres culturels aux espaces multimédia,des laboratoires aux écoles d’art… En annexe, ce guide comporte aussi unrépertoire des DRAC, des contacts etadresses pour demander des aides (natio-nales et régionales), des références dedocumentation et un index des principauxfestivals réservant un large volet à la créa-tion numérique dans leur programmation.Cette densité et diversité d'information fontde ce guide pratique un véritable outil à des-tination des artistes et, plus généralement,de tous ceux qui, professionnels et amateursde la création émergente, allient nouvellestechnologies et art contemporain.Enfin, comme un tel projet ne saurait êtreexhaustif, ni figé dans le temps, un site

dédié permettra de référencer de nou-veaux lieux et, à ceux déjà indexés, deréactualiser les informations concernantleur condition d'accueil ou initiatives encours, par exemple. Bilingue et régulièrement mis à jour, cesite — www.guideartnumerique.fr — a étéformalisé sur un mode contributif grâceaux structures qui ont accepté de répondreau questionnaire qui leur a été adressé. En outre, il est proposée une géolocalisa-tion des lieux sur une carte de France, ain-si qu'une recherche par catégories (forma-tion, résidence, production, diffusion,soutien, etc.), régions et mots clés.En "bonus", trois articles en forme de"case studies" autour de Nicolas Clauss(Terres Arbitraires), Ez3kiel (Méca-niques Poétiques) et Adrien Mondot(Cinématique), permettent de suivrele parcours d'une œuvre, fruit derésidence et collaboration technico-scientifique, de sa conception à samonstration.Comme le sou-ligne Michel Orier,Directeur généralde la création artis-tique au Ministèrede la Culture et dela communication,dans son texte deprésentation de ceguide: cette visibili-té nouvelle donnéeaux moyens dispo-

nibles, prenant en compte la dimension terri-toriale, avec des données actualisées grâce àun site Internet associé, favorisera leséchanges interdisciplinaires entre artistes,chercheurs, ingénieurs et techniciens d’hori-zons différents et contribuera à la dynamiquepropre de la création artistique.Nul doute qu’elle facilitera également la pro-duction transversale des œuvres dans tous leschamps artistiques et à toutes les étapes duprocessus de création et contribuera au déve-loppement d’un secteur déjà reconnu pour sondynamisme, sa richesse et sa diversité.

LAURENT DIOUF

+ D’INFO :Guide des Ressources et des Lieux :création artistique, numérique et multimédia

MCD, hors-série #07, 132pages, avril 2013.

< www.digitalmcd.com >Site Internet, www.guideartnumerique.fr

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EVENTS COMING SOON

(AGENDA)

UNIVERSO VÍDEO. "PRÁCTICAS EXPERI-MENTALES"Exposition au Laboral Art CenterGigon, EspagneJusqu’au 2 juin< www.laboralcentrodearte.org >

EELCO BRAND, "THE ACT OF BRINGING TOLIFE" Exposition à la DAM GalleryBerlin, Allemagne.Jusqu’au 13 avril < www.dam-berlin.de >

DU ZHENJUN, "BABEL WORLD"Exposition au ZKMKarlsruhe, AllemagneJusqu’au 4 août< www.zkm.de >

ELECTROCHOCBourgoin-JallieuJusqu’au 20 avril 2013< www.electrochoc-festival.com >

SOUND:FRAMEVienne, Autriche4 au 21 avril< http://2013.soundframe.at/index.html >

EXITCréteil4 au 14 avril 2013< www.maccreteil.com >

BOUILLANTS #5Vern-sur-Seiche, Rennes & autres villes de Bre-tagne.7 avril au 9 juin< www.bouillants.fr >

SIANA6 au 13 avril Evry< http://siana-festival.com >

EMPREINTES NUMÉRIQUESToulouse10 au 13 avril < http://empreintes.toulouse.fr >

SONIC PROTESTParis & Île de France11 au 21 avril 2013< www.sonicprotest.com >

FESTIVAL INTERNACIONAL DE LA IMAGENManizales, Colombie15 au 19 avril< www.festivaldelaimagen.com >

ROKOLECTIV FESTIVALBucarest, Roumanie19 au 22 avril< www.rokolectiv.ro >

IRL PERFORMANCESParis20 avril< http://i-r-l.vision-r.org >

COMMUNIKEY 2013 FESTIVALBoulder, Colorado - USA25 au 28 avril< http://communikey.us >

ELEKTRA FESTIVALMontréal, Canada / Québec1er au 5 mai< www.elektrafestival.ca >

FESTIVAL EXTENSIONParis2 au 29 mai< www.alamuse.com >

FÊTE DES 01Orléans6 au 12 mai < www.labomedia.net >

NUITS SONORESLyon7 au 12 mai < www.nuits-sonores.com >

CAPITAINE FUTURParis7 au 26 mai < www.gaite-lyrique.net >

BIENNALE WROWroclaw, Pologne8 au 11 mai< www.wrocenter.pl >

FESTIVAL ART ROCK17 au 19 mai Saint Brieuc< www.artrock.org >

IRL PERFORMANCESParis, france18 mai< http://i-r-l.vision-r.org >

LIVE PERFORMER MEETINGRome, Italie23 au 26 mai< www.liveperformersmeeting.net >

SONAR SAO PAULOSao Paulo, Brésil24 et 25 mai< www.sonarsaopaulo.com.br >

VIDEOEX FESTIVALZürich, Suisse24 mai au 2 juin < www.videoex.ch >

MUTEKMontréal, Canada / Québec29 mai au 2 juin< www.mutek.org >

MUVFlorence, Italie29 mai au 3 juin< www.firenzemuv.com >

BIENNALE DE VENISEVenise, Italie1er juin au 24 novembre < www.labiennale.org >

PANORAMATourcoing1er juin au 21 juillet < www.lefresnoy.net >

FUTUR EN SEINEParis et Ile-de-France13 au 23 juin < www.futur-en-seine.org >

SONAR FESTIVALBarcelone, Espagne13 au 15 juin< www.sonar.es >

FESTIVAL DES NOUVEAUX CINÉMASParis et Ile de France14 au 23 juin < www.cinefac.fr >

MANIFESTE 2013, L' ACADÉMIEParis17 au 30 juin < www.ircam.fr >

MASHUP FILM FESTIVALParisJuin< http://mashupfilmfestival.fr >

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digitalarti #13 - 33

DIGITALARTI EVENTS

WATER LIGHT GRAFFITI en tournée !Après avoir traversé l'Atlantique pour le CES àLas Vegas, programmé ensuite pour l'ouvertu-re de Visages du Monde à Cergy et pour la soi-rée d'inauguration du Mobile World Congressqui réunit plus de 70000 personnes à Barcelo-ne, la saga Water Light Graffiti continue à tra-vers l'Europe. Le 9 mars, l'installation conçue par AntoninFourneau a illuminé la Nuit des Musées deRotterdam, invitée par le New Institute, quiregroupe le Netherlands Architecture Institu-te, Premsela et Virtual Platform.Du 5 au 13 avril, les artistes du Cully Jazz Fes-tival, en Suisse, interagiront avec Water LightGraffiti sur la scène du Next Step. Du 24 maiau 16 juin, il sera à Nancy Renaissance, le 25 mai au centre Saint Exupéry de Reims.Le 1er et 2 juin à la Gaîté Lyrique pour ParisZone Dream.

Suivez l'aventure de Water Light Graffiti surnotre site!< www.digitalarti.com/fr/blog/digitalarti_services/la_tourn_e_de_water_light_graffiti >

FLUX, installation monumentale de Stéfane Perraud dans laGare de l'EstDe décembre à mars, une installa-tion monumentale de Stéfane Perraud a illuminé la Rosace histo-rique de la Gare de l'Est au rythmedes arrivées et des départs de voyageurs. Visibles jour et nuit, à la descentedes trains comme depuis la rue, sesscintillements reflétaient les palpita-tions et les intensités de la Gare.Dans la lignée de Lueur — une pré-cédente création présentée lors dela Nuit Blanche 2008 — Stéfane Per-raud poursuit sa représentationsymbolique des cycles de vie, desflux démographiques et urbains.

Lire plus…< www.digitalarti.com/fr/blog/digitalarti_services/flux_installation_monumentale_de_st_fane_perraud_dans_la_gare_de_lest >

Water Light Graffiti @ Rotterdam. Antonin Fourneau.

Flux. Stéfane Perraud.

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WHO’S

Digitalarti MagDigitalarti est publié par Digital Art International.

RÉDACTRICE EN CHEF :Anne-Cécile Worms < [email protected] >

RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT :Laurent Diouf < [email protected] >

CONSEILLERS ÉDITORIAUX : Julie Miguirditchian < [email protected] >Malo Girod de l’Ain < [email protected] >

RÉDACTEURS : Cécile Becker < [email protected] > Cherise Fong < [email protected] > Dominique Moulon < [email protected] > Ivan Bertoux < [email protected] >Laurent Catala < [email protected] > Laurent Diouf < [email protected] > Norbert Hillaire < [email protected] > Sarah Taurinya < [email protected] > Véronique Godé < [email protected] >

TRADUCTION : Cherise Fong (Français > English) < [email protected] >Valérie Vivancos (English > Français) < [email protected] >

PARTENARIAT & PUBLICITÉ :Julie Miguirditchian < [email protected] >

COMMUNICATION : Sarah Taurinya < [email protected] >

MAQUETTE ORIGINALE : Autrement le Design, Antoine Leroux, < [email protected] >

GRAPHISTE :Yann Lobry < [email protected] >

CONTACT:Digital Art International, 13 rue des Écluses Saint Martin, 75010 Paris, France.Représenté par sa gérante, Anne-Cécile Worms,directrice de la publication. E-mail: [email protected]: www.digitalarti.com

Couverture © Robert Lepage / Ex Machina, Fragmentation (ReACTOR), 2011, D.R.

DIGITALARTI est membre du RAN (Réseau Arts Numériques/Digital Art Network)< www.ran-dan.net >

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> Le premier réseau social international dédié à l’art numérique et à l’innovation, avec une communauté en ligne, des appli mobiles, et une newsletter envoyée à plus de 65 000 abonnés.

< www.digitalarti.com/community >

> Un média avec ce magazine trimestriel, reconnu par le Ministère de la Culture et de la Communication comme entreprise de presse en ligne. Ce magazine est disponible en français et en anglais, en téléchargement gratuit, en version multimédia à lire en ligne augmentée de vidéos, et sur tablettes & mobiles. Il est également imprimable à la demande.

< www.digitalarti.com/blog/digitalarti_mag >

> Des services aux entreprises : événementiel clé en main"art numérique et innovation", conférences et colloques, conseil eninnovation, communications innovantes, contenu artistique exclusif…

< www.digitalarti.com/blog/digitalarti_services >

> Le ArtLab : un atelier de création ouvert spécifiquement pour lesartistes numériques, sur le modèle des Fablab ou techshops, avec unespace informatique, un espace de fabrication et un studio d'enregis-trement, dans le 10ème à Paris. En cours de réalisation, de nombreusesco-productions innovantes avec des artistes numériques.

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Digitalarti Mag distribution:

> Commander un exemplaire papier, 6€ + frais d’envoi,

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