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DOCUMENT À PARAÎTRECertaines mauvaises langues diront que les travaux du GTPR sont presque dans le...

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1 ISSN 0701-3086 Juin 2001 DOCUMENT À PARAÎTRE Pépin-Robarts redux: socialité, régionalité et gouvernance Gilles Paquet DOCUMENT DE TRAVAIL 01-25 Le présent document ne doit être ni cité, ni reproduit sans l'autorisation écrite de l’auteur.
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ISSN 0701-3086

Juin 2001

DOCUMENT À PARAÎTRE

Pépin-Robarts redux: socialité, régionalité et gouvernance

Gilles Paquet

DOCUMENT DE TRAVAIL 01-25

Le présent document ne doit être ni cité, ni reproduit sans l'autorisation écrite de l’auteur.

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Pépin-Robarts redux:

socialité, régionalité et gouvernance

Gilles Paquet Centre d'études en gouvernance

Université d'Ottawa [email protected]

Introduction

1. La problématique de la gouvernance 2. Les analyses du GTPR au premier degré 3. Les mécanismes de la socialité et de la régionalité 4. Du bon usage de Pépin-Robarts

Conclusion Version finale d'un texte préparé pour le colloque La Commission Pépin-Robarts: Quelques vingt ans après organisé par le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa qui s'est tenu à Ottawa les 16 et 17 mars 2001. Le support financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (410-97-0899 et 410-01-0367) a été fort apprécié.

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"The man who denies the sovereignty of the community is no member of it"

Jonathan Steinberg

Introduction Il est difficile de savoir ce que Pierre Elliott Trudeau avait en tête quand il a défini le mandat du Groupe de Travail Pépin-Robarts (GTPR) (Pépin-Robarts 1979). Mais le libellé du mandat est assez clair. On demande au Groupe de travailler de multiples façons à renforcer l'unité canadienne à un moment où elle est menacée par diverses forces centrifuges dont la plus importante est l'élection au Québec, au cours de l'année antérieure, d'un gouvernement souverainiste. En ce sens, le GTPR est moins une commission d'enquête per se qu'un instrument de défense et illustration de l'unité canadienne. Certaines mauvaises langues diront que les travaux du GTPR sont presque dans le même registre que ceux du Conseil pour l'unité canadienne, créé en 1964, ou du Groupe Tellier qui commence à germer un peu plus tôt en 1977, i.e., celui de la propagande fédéraliste. Quelles qu'aient pu avoir été les intentions de Trudeau, le GTPR va acquérir une dynamique propre. Il ne va pas accepter servilement le mandat étroit qu'on lui impose. Il va proposer une analyse clinique et originale de la situation et en arriver à des recommandations qui vont remettre en question nombre de postulats explicites et implicites sur lesquels était construite la vision du monde de Trudeau, une vision du monde qu'il imposait alors à la politique fédérale -- absolutisation des droits individuels, idéologie anti-communautariste, etc. Il y aura donc déviationnisme du GTPR par rapport à l'orthodoxie trudeauesque. Mais le GTPR doit travailler à la hache et vite: son analyse sera donc carabinée. On s'en tient à quelques dimensions jugées essentielles (dualités socio-culturelles et linguistiques, et régionalisme provincial), et au chapitre des recommandations, on met surtout l'accent sur les réformes de l'appareil administrativo-politique. Dans les propos recueillis auprès de la population, les "communautés" sont pourtant omniprésentes. On sent bien que le GTPR lui-même veut donner aux communautés toute leur place, mais que son sociologisme est anémié dans la transition entre les choses entendues et les recommandations formelles du Groupe.

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La stratégie de restructuration administrativo-politique du fédéralisme canadien proposée par le GTPR est prudente, précautionneuse même, et elle évite tout ce qui ressemblerait à de la ferveur communautaire et condamnerait, ce faisant, ses recommandations à faire long feu. Et pourtant les modifications à l'appareil de gouvernance que le GTPR suggère sont importantes, et elles auraient eu des effets d'entraînement sur la vie de la fédération canadienne. Malheureusement, cette approche sotto voce ne va satisfaire personne. D'une part, elle est perçue comme encore trop radicale par les Trudeauesques. Même si les références au caractère distinct du Québec ou au statut particulier des Premières-Nations paraissent strictement symboliques, la volonté de décentralisation qui soustend le rapport du GTPR ainsi que la reconnaissance explicite des droits collectifs faisaient violence au centralisme et à la fixation sur les droits individuels de Trudeau. Elles remettaient en question des postulats fondamentaux du trudeauisme. D'autre part, la stratégie du GTPR paraît insuffisante pour les tenants d'une décentralisation radicale de la fédération -- ceux qui défendent la stratégie confédérale -- parce qu'elle ne propose pas un appareil de gouvernance de rechange, mais se contente de mettre de l'avant certains principes d`architecture institutionnelle sans oser affirmer haut et fort (mais seulement à demi mot) que nécessité il y a d'un recadrage de la philosophie politique qui soustend la fédération. Certains ont applaudi l'enterrement de première classe qu'on a fait subir au rapport du GTPR; d'autres ont déploré l'insensibilité des radicaux à la sagesse stratégique de cette approche à petits pas. Quoi qu'il en soit, un vrai débat sur les coûts et avantages d'une gouvernance décentralisée et distribuée du pays n'aura pas lieu. Ce n'est qu'une décennie plus tard à l'occasion de Meech et Charlottetown (et dans les années qui vont suivre) qu'on y reviendra. Dans ce texte, nous esquissons d'abord un cadre d'analyse pour faciliter le débat sur la gouvernance. Puis, nous analysons rapidement le rapport du GTPR en tant qu'effort pour repenser la gouvernance du Canada, et montrons pourquoi il est critiquable à la fois pour sa timidité et pour sa fixation trop exclusive sur le politico-administratif. Nous examinons ensuite une vision de rechange qui affleure dans le rapport GTPR -- mobilisant les secteurs privé et public mais aussi la société civile -- pour recadrer les débats autour des notions de socialité et régionalité. Enfin nous nous demandons s'il est possible de faire bon usage des travaux du GTPR dans les débats de l'an 2001. 1. La problématique de la gouvernance Le défi de la gouvernance est celui de la mise en place d'une coordination efficace dans une organisation ou une socio-économie quand la connaissance, les ressources et le pouvoir sont distribués. C'est un défi omniprésent tout autant dans les secteurs privé et civique que dans le secteur public, et qui remet en question la présomption selon laquelle non seulement il est possible qu'une personne ou un groupe puisse normalement avoir ce qu'il faut pour gouverner seul, mais encore que ce soit désirable. La gouvernance présume subversivement que la collaboration est habituellement indispensable.

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Cette coordination ne se fait pas strictement à l'intérieur de la société, de l'économie et de la politie, mais aussi entre ces grands terroirs où règnent des mécanismes d'intégration fort différents (normes et conventions, mécanismes du marché, coercition et régulation étatique). a. Le triangle de Boulding Pour fixer les idées, j'utilise un petit graphique emprunté à Kenneth Boulding (1970). Ce graphique synthétise l'ensemble des relations et des forces d'intégration dans une socio-économie où cohabitent l'échange marchand, la contrainte et la réciprocité. La société traditionnelle s'ancrait fermement dans les relations de réciprocité de la zone A qui occupait le gros de l'espace en un temps où les relations mercantiles en (B) représentaient une petite portion des forces d'intégration, et les bureaucraties d'État avec leur force de coercition en (C) une portion encore plus petite. Dans un tel cas, le centre de gravité K était évidemment fort différent de ce qu'il est dans notre triangle stylisé. L'envahissement du triangle à tour de rôle par les mécanismes marchands et par les mécanismes de coercition de l'État va dramatiquement réduire le coefficient de confiance et de solidarité sur lequel était construite la socio-économie traditionnelle et engendrer une érosion dramatique de la socialité qui soustend la sphère A. C'est cette perte de capital social et du capital de confiance qu'ont publicisée Robert Putnam (1995) et Francis Fukuyama (1995). Les travaux de Fukuyama et Putnam ont aussi développé l'hypothèse fondamentale que ce soubassement de socialité est un support important de la croissance économique en B et de l'éthos démocratique en C. La socialité et le capital social ont donc une influence déterminante non seulement en A mais aussi dans toutes les zones du triangle de Boulding. En effet, la confiance est un substitut efficace à des mécanismes formels de coordination, une réponse à l'inadéquation des institutions économiques, sociales et politiques, et elle est au coeur des réseaux d'innovation (Thuderoz et al 1999). On est donc amené à voir de manière fortement intégrée le fonctionnement de l'économie, de la société et de la politie, et à souligner l'importance relative de la société civile dans ce maelstrom puisqu'elle constitue le soubassement socio-culturel sur lequel va se construire une économie forte et une démocratie robuste. Le défi de gouvernance est de mettre en place les mécanismes et instruments de coordination efficace, non seulement dans chaque zone mais aussi entre les zones, pour faire le meilleur usage possible de l'intelligence collective distribuée. Or c'est un monde éclaté en régions, en communautés, en paliers de gouvernement, en sections riches de compétences diverses qu'il faut d'abord reconnaître comme telles, puis répertorier avant de pouvoir espérer mettre en place les associations, liens et réseaux susceptibles d'en faire bon usage, et un cadre de gouvernance réseau qui puisse réconcilier les différentes représentations, perspectives et valeurs des intervenants, et insuffler à l'organisation l'énergie mobilisatrice nécessaire pour que l'apprentissage social procède aussi rapidement que possible.

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Figure 1. Le triangle de Boulding

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b. La gouvernance réseau L'ensemble des relations de collaboration constitue un système de gouvernance réseau dont la forme va dépendre de nombreux facteurs:

(1) le contexte (avec son coefficient d'incertitude, sa complexité, sa turbulence, etc.);

(2) les principales dimensions de la macroculture et de la socialité, i.e., l'ensemble des macro-structures informationnelles, symboliques et normatives qui soustendent tout le travail de réseautage et de collaboration et en même temps le contraignent (Granovetter 1992). Ce milieu intérieur relationnel et structurel -- souvent hérité du passé -- définit la nature du terrain des opérations, mais aussi l'espace de liberté qui balise ce qui est possible et ne l'est pas, ainsi que les formes de collaboration susceptibles d'être les plus viables. A tout moment, il y a un équilibre "écologique" plus ou moins stable de la macro-culture: c'est le résultat d'armistices (entre les contraintes géo-techniques du milieu extérieur et les valeurs et normes dans le milieu intérieur) qui se sont construits et ont subsisté au cours de l'histoire;

(3) les relations d'imputabilité et de gouvernance correspondant à la "logique dominante" qui définit la macro-culture et la socialité -- ou tout au moins à la saveur de la "logique résultante" -- celle qui ressort de l'arbitrage des diverses logiques économiques, politiques et sociales. Bien des logiques peuvent émerger comme dominantes: ainsi Joseph Heath (2001) a proposé qu'une de ces logiques -- celle de l'efficacité -- est dominante au Canada;

(4) l'ensemble des mécanismes et instruments que cette logique dominante privilégie et qui vont représenter un ensemble cohérent de mécanismes de collaboration [M] (qui ont émergé organiquement ou été mis en place explicitement) et d' instruments ou technologies de veille [I] qui scrutent l'environnement, définissent les métriques pertinentes, enregistrent les dérives et propulsent la rétro-action. Mais l'accord sur ces mécanismes et instruments va aussi dépendre des cadres de référence ou des perspectives [P] qui sont les grilles d'analyse que les divers acteurs et groupes utilisent pour lire le contexte et l'interpréter : il s'agit d'un ensemble de postulats, d'une façon sélective d'appréhender la réalité qui permet à l'individu ou au groupe à la fois de décoder l'environnement d'une certaine manière et de donner sens à sa propre expérience (Schön et Rein, 1994).

(5) la manière dont les diverses perspectives contribuent à modifier l'équilibre des collaborations; à court terme, de l'interaction mécanismes/instruments/perspectives vont germer des écarts importants entre les attentes des intervenants et la "réalité" telle que perçue, et s'ensuivre des efforts soit pour ajuster les expectatives soit pour modifier les arrangements en place. Il y aura ajustements réciproques de M, I et P, et arrimage, ce faisant, des perspectives avec les mécanismes et les balises : on va se faire une raison, accepter des compromis, négocier des mécanismes mieux adaptés. C'est l'apprentissage par la petite boucle

(6) le mouvement de récursion qui engendre des ajustements dans l'encastrement et les relations d'imputabilité et de gouvernance; à plus long terme, les efforts continus des groupes frustrés vont engendrer l'érosion de certaines normes, remettre en question la logique dominante, contribuer à augmenter la probabilité que s'installe des arrangements déviants, et

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donc engendrer le dominium d'une logique dominante de rechange, et de relations de gouvernance et d'imputabilité transformées. C'est l'apprentissage par la grande boucle.

Ces diverses dimensions sont présentées d'une manière succincte et intégrée dans la Figure 2 qui est tirée de Juillet, Paquet et Scala (2001). L'évolution constante des rapports de force dans l'environnement, dans la macro-culture, dans la logique dominante qui définit son centre de gravité, et dans l'habitus qui en définit les travers et propensions, va entraîner un processus de cristallisation de la gouvernance réseau, mais ce sera toujours une cristallisation temporaire transformée continuellement par les boucles d'apprentissage. Les arbitrages entre relations de gouvernance et d'imputabilité (axées sur l'efficacité, la résilience, la multistabilité, un certain sens de l'équité, etc. et formant des réseaux d'imputabilité plus ou moins extensifs) vont être différents selon le contexte et la macroculture. Par exemple, selon l'horizon temporel plus ou moins long, et l'importance ou non des valeurs de solidarité dans la macro-culture (Hollingsworth, 1993; Hampden-Turner et Trompenaars, 1993), on va faire appel à un arsenal différent de mécanismes et d'instruments. Mais les parties prenantes ne sont pas neutres dans tout ce processus. Les intervenants ont des grilles d'analyse qui les amènent à percevoir différemment le contexte, les "faits", les mécanismes en place, et à interpréter à leur manière les résultats enregistrés par les instruments de veille. À l'aune de ce cadre conceptuel, on doit dire que le rapport du GTPR laisse à désirer. L'analyse du contexte et de la macroculture est télégraphiée, le traitement des mécanismes de gouvernance est escamoté, et tout le processus d'apprentissage collectif grandement ignoré. Mais ce jugement sévère, après une première lecture, s'atténue quand on tient compte des conditions dans lesquelles le travail a dû être fait, et des ambitions stratégiques du GTPR face à des maîtres politiques qui n'avaient aucune sympathie pour des analyses qui donneraient raison aux communautés contre la raison d'État. Voilà qui suggère une lecture plus généreuse, au second degré: une lecture qui cherche à débusquer les éléments qui affleurent au long du texte, et les questions que le GTPR soulève mais n'ose pas traiter directement pour des raisons d'hyper-sensibilité politique. Nous tenterons dans les prochaines sections l'une et l'autre de ces lectures.

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2. Les analyses du GTPR au premier degré La situation telle qu'on la vit au Canada en 1977 est perçue comme critique par les intervenants de l'époque. La victoire surprise du Parti québécois a constitué une discontinuité déterminante: le contexte est bouleversé, la macroculture et la logique dominante sont remises en question. Le défi est nettement un défi de gouvernance. On sent le besoin d'un apprentissage par la grande boucle (Paquet 1977; Fortin, Paquet, Rabeau 1978). On sent qu'il faut rebâtir sur un terrain qui a bougé. Le GTPR sent bien cet impératif. C'est pourquoi il ne se contente pas de défendre et d'illustrer la gouvernance du Canada telle qu'elle existe -- il écoute attentivement et note bien la profondeur du malaise, et ensuite il essaie de traduire le malaise contenu dans les messages qu'on lui transmet en un langage de solution de problème qui soit capable d'en saisir l'essentiel, et de suggérer des réponses. Mais il doit aussi tenir compte des dogmes qui prévalent à Ottawa. Dans cet arbitrage entre dogmes et attentes exprimées par les communautés, le GTPR va finasser. a. Les trois parties du rapport du GTPR D'abord on va clarifier le vocabulaire. Il s'agit d'un exercice anodin à vocation pédagogique qui voudrait amener les intervenants à s'entendre sur une langue commune, et par là en arriver plus facilement à fonder des raisons communes. Cette stratégie cartésienne va faire long feu. On est en face de problèmes essentiellement contestés qui ne sont pas aisément dépeçables en des catégories étanches. C'est donc sans grand succès qu'on voudra imposer un lexique. Dans le monde complexe qu'on analyse, le flou malheureusement reste de rigueur. Ensuite on va écouter. On va procéder à un vaste effort pour ausculter les communautés et sonder les consciences. On va engager les citoyens à donner leurs opinions. Au coeur des témoignages recueillis, ce qui frappe le lecteur, c'est que, dans le conscient des citoyens, société, économie et politie sont en processus d'intercréation. Il s'agit là d'un maelstrom complexe où les contradictions fusent, où les désaccords quant aux forces primordiales sont importants, mais où le social, l'économique et le politique sont intégralement fusionnés. On va distiller en 300 pages les commentaires, opinons et propositions recueillis auprès des citoyens. Il s'agit là d'un matériau brut qui ressemble à un Rorschach dans lequel on peut trouver le fondement de nombreuses argumentations concurrentes. Enfin, le GTPR analyse ce matériau brut, et le résultat des réflexions des experts sur ces propositions "complexes" (i.e., ce qui est tissé ensemble, ce qui contient des éléments différents) mises de l'avant par les citoyens. Pour ce faire, le GTPR a recours à la méthode de simplification qui correspond à la science classique (Fortin 2000). On va dépecer le triangle de Boulding: société, économie et politie vont être analysées séparément. Et puis, dans chaque secteur, on va tirer du maelstrom certaines idées-forces qui semblent aux membres du GTPR mériter qu'on les extirpent des témoignages comme les plus signifiants. On va partir de là pour rationaliser une stratégie qui peut avoir des chances d'engendrer un certain consensus. Voilà qui impose des choix qui ne sont pas innocents puisqu'ils reflètent les tensions entre dogmes et attentes, et qu'ils vont infléchir le tonus des recommandations. Au coeur de ces choix, quelques décisions fort importantes sont prises par le GTPR: d'abord celle de départager deux ordres de

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problèmes -- les problèmes primordiaux de la "dualité" et du "régionalisme" et les problèmes subsidiaires des "droits des Premières Nations" et du "pluralisme culturel"; ensuite, celle de s'attacher aux premiers seulement; enfin, celle de procéder à une analyse de la socio-économie par morceau. Le premier choix important simplifie étrangement la socialité canadienne dans les années 1970 en reléguant au second plan toute la trame du pluralisme culturel (qui va bien au-delà des dualités) et en réduisant à toutes fins utiles la régionalité (qualifiée de "régionalisme" comme si c'était simplement une question d'idéologie) aux territoires des provinces. Or dualité n'est pas pluralisme, et province ne saurait épuiser la notion de région. Et c'est cette perspective fort limitante qui va orienter le travail pour débusquer les sources et causes de la crise, et chercher des réponses utiles. Ce travail se fera, mais au prix d'avoir exorcisé la complexité et le communautaire. Autre choix important, celui de découper les analyses socio-culturelles, économiques et politiques en segments étanches: on identifie les incontournables au niveau socio-culturel, on pose ensuite les impératifs économiques, également considérés comme incontournables, et on cherche dans le politico-administratif une façon créatrice de réconcilier ces incontournables. Cependant en aseptisant son analyse du socio-culturel, le GTPR se condamne à réduire ses interventions au niveau du politico-administratif. Ce processus de simplification est facile à comprendre quand on est conscient des contraintes imposées par les dogmes en vigueur et les ultra-sensibilités à Ottawa, mais n'est pas innocent pour autant. b. Une stratégie qui fait long feu Cette stratégie n'élimine pas les angoisses et les ambivalences du GTPR. Il comprend que la crise, qui a d'abord été économique, a entraîné des actions gouvernementales massives qui ont tourné court et qu'il a fallu légitimer (sans beaucoup de succès), et que la crise est en train d'être déportée vers la culture. L'État fédéral, incapable de légitimer ses insuccès, en arrive à pointer du doigt le soubassement socio-culturel comme la source du problème: c'est le pays qui a tort d'être comme il est, et ceux qui s'opposent au despotisme cognitif de l'État fédéral sont des saboteurs (Paquet 1977). Le GTPR ne tombe pas dans ce panneau, mais il n'arrive pas à y échapper complètement. Le GTPR reconnaît aussi d'emblée que la solution ne saurait être un simple ajustement de la plomberie politico-administrative. Il faudrait esquisser un projet de société qui vienne soustendre le projet de radoubs des structures. Et le GTPR s'attelle à ce dangereux projet en proposant trois objectifs à la réflexion des Canadiens: le respect de la diversité en tant qu'actif, une plus grande sensibilité à la dimension canadienne de la vie des citoyens, et la quête d'un fédéralisme restructuré capable d'ajuster nos institutions en conséquence. Astucieuse stratégie certes, mais cet effort modeste, prudent et louable au niveau des objectifs ne pouvait qu'entraîner le GTPR en eaux troubles. D'abord, le GTPR semble avoir sur-estimé jusqu'à quel point le "libéralisme absolutisant" à la Trudeau était capable de s'ouvrir à la diversité. Même si le gouvernement Trudeau est considéré comme le père du multiculturalisme, il s'est agi en 1971 bien davantage d'une stratégie électoraliste que d'un engagement intellectuel qui reconnaisse l'intégrité des cultures. A toute fin utile, le libéralisme à la Trudeau nie la diversité en hypostasiant les droits individuels. En

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conséquence, quand le GTPR embrasse délicatement mais fermement une notion de diversité qui accepte le caractère d'incommensurabilité des cultures -- la même faute que la Commission Laurendeau-Dunton avait commise -- ainsi qu'on pouvait s'y attendre, les Trudeauesques vont l'attaquer avec la même verve qu'ils avaient mise à combattre les analyses et les conclusions de la Commission Laurendeau-Dunton. Ensuite, en mettant l'accent sur l'importance d'un lien national affectif, sorte de ligature définissant un certain syncrétisme canadien, le GTPR exhaussait le rôle d'un nationalisme civique qui, pour être éthéré, n'en demeurait pas moins fondamentalement inacceptable pour ceux qui considèrent que seule que la transfiguration de tous les conflits par et dans le politique (dans un espace public nettoyé de toute scorie affective) est acceptable comme instrument de gouvernance. Pour la doctrine Trudeau, toute forme de nationalisme est inacceptable. C'est qu'en un sens Trudeau a fort bien compris que le nationalisme dit civique est un être de raison, qu'il cache toujours et mal un nationalisme non-civique contenant un certain degré d'exclusion, et qu'il entraîne toujours certaines limites à la diversité. Or la stratégie Trudeau était justement d'utiliser la diversité pour atomiser la société et effacer les réalités communautaires comme le nationalisme. Cette avenue ouverte par le GTPR va donc vite l'entraîner en terrain interdit. Enfin, comme les deux objectifs de base mentionnés plus haut ne semblent avoir pour les Trudeauesques aucune légitimité, il est facile de comprendre qu'ils ne seront pas convaincus que l'on doive recadrer ou restructurer le fédéralisme en conséquence. Tout au plus on sera prêt à un bricolage symbolique ou administratif assez mineur, et parfois même pas. Ainsi malgré la grande prudence du GTPR et ses efforts (1) pour construire son argumentation sur des fondements aseptisés, -- considérations communautaires expurgées, aucune référence à la société civile, capital social ignoré, etc.; (2) pour éviter les tabous imposés par le libéralisme de Trudeau, et (3) pour esquisser un projet de société relativement modeste réclamant seulement des réformes à la marge des structures politiques à court terme -- son rapport essuie une fin de non recevoir. Si ce rejet était à prévoir des autorités fédérales, ce qui l'était moins c'est la même réaction négative de la part de ceux qui prétendent vouloir que le Canada apprenne un peu des expériences de la Suisse confédérale, qui exhausse le rôle des communautés. Pour ces derniers -- comme pour certains réformateurs de l'époque Meech dix ans plus tard -- le désaccord viendra d'une certaine naïveté politique qui va les amener à critiquer la timidité du GTPR sans bien comprendre que parfois le mieux est l'ennemi du bien. On dénoncera la prudence politique du GTPR simplement comme un manque de courage et un refus de s'attaquer de front au problème de la démocratie des communautés qui restait ouvert depuis le temps de Laurendeau.

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3. Les mécanismes de la socialité et de la régionalité Si la prudence du GTPR le sert mal, ses analyses subtiles (même simplifiantes) méritent d'être reprises et développées. Et il nous semble que la voie la plus prometteuse passe par un approfondissement des notions de socialité et régionalité qui sont au coeur de ses analyses. a. Deux sortes de ciments sociaux La socialité est "la capacité humaine à inventer des morphologies, des ciments sociaux qui fassent tenir les individus, les réseaux et les groupes en ensembles stables et fonctionnels"(Baechler 1994). La régionalité est un type de socialité plus proprement rattachée au territoire et au milieu -- "un ensemble territorial formé de réseaux intégrés de ressources matérielles et immatérielles, dominé par une culture historiquement constituée, vecteur de savoirs et savoir-faire, et reposant sur un système relationnel de type coopération/concurrence des acteurs localisés" (Lecoq 1989). Les notions de socialité et de régionalité connotent trois ensembles de forces: (1) les contours d'un "espace" qui a une certaine unité et un certain tonus; (2) la logique organisationnelle d'un réseau d'agents en interdépendance imbriqués dans une sorte de collaboration innovatrice; et (3) des mécanismes d'apprentissage organisationnel construits sur la dialectique entre des agents qui s'adaptent et un milieu qui adopte (Maillat 1992). Le GTPR perçoit cette double trame -- fondée sur le pluralisme culturel et sur la multiplicité des terroirs. Mais au lieu de construire son diagnostic sur ces réalités complexes et meubles, il simplifie indûment: là où pluralisme culturel et communautés diverses se sont exprimés avec force, on ne retient que des dualités réductrices; là où les communautés locales et régionales ont exprimé haut et fort des systèmes de valeurs fort différentes dans le chaudron des grandes villes, on ne retient que les unités administratives provinciales. Ce double processus de simplification et d'aplanissement de la réalité canadienne va porter à conséquence. On en arrivera à exhausser certaines dualités qui sont perçues comme des icones mais à gommer le pluralisme culturel; on occultera la complexité du paysage géographique du pays, et en particulier l'importance des cités-régions, pour ne pas remettre en question une architecture provinciale vétuste qu'on ne questionne que bien obliquement. Voilà qui est bien davantage explicable à la fin des années 1970 qu'au XXIe siècle, car ces tendances lourdes n'étaient peut-être pas aussi visibles en 1979 qu'aujourd'hui. Ceci dit, on prend au sérieux socialité et régionalité, et on reconnaît qu'il y a crise dans la société civile de ces deux capacités à inventer des ciments sociaux, et nécessité de mettre en place des stratégies qui les réjuvènent. Or ces stratégies ne sauraient ignorer les "communautés" puisque ce sont les unités de base. C'est donc vers une démocratie des communautés que le GTPR est amené à dériver (Paquet 1999/2000). Or la philosophie politique canadienne doit à sa parentèle britannique un certain travers assimilatoire et une incapacité fondamentale à reconnaître aux communautés un droit à être représentées comme telles (Tully 1995).

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b. Occultation des communautés et des différences substantielles La notion traditionnelle de démocratie rejette les communautés au nom d'une notion de citoyenneté qu'on déclare essentiellement individuelle et dont l'objet est justement de transcender les particularismes communautaires: les droits collectifs sont des êtres de raison; les communautés n'existent pas. Tout au plus les références aux communautés sont considérées comme l'usage abusif de marqueurs insignifiants (si ce n'est au plan symbolique) qui ne sauraient entamer la réalité politique considérée comme la seule forme valable de participation pour le citoyen une fois qu'il est dégagé de sa gangue communautaire. Le GTPR n'accepte pas cette perspective. Il est amené à renouer (avec une prudence infinie et sans le dire explicitement) avec la tradition de la démocratie sociologique à la André Laurendeau. Laurendeau a défendu l'idée d' assurer la représentation politique des communautés premières en leur donnant un ordre de gouvernement à elle. C'est une réponse qui n'a pas été davantage retenue à l'époque de Laurendeau qu'elle ne semble l'être dans la plupart des analyses plus récentes qui cherchent une réponse aux défis posés par la gouvernance des sociétés polyethniques et multiculturelles. Dans la plupart des cas (alors et maintenant) on essaie de contourner la difficulté en assurant une certaine reconnaissance symbolique aux communautés, ou en fournissant un certain support administrativo-politique pour renforcer certains aspects mineurs de leurs activités. Mais cette politique de reconnaissance demeure fort superficielle -- "boutique multiculturalism ... (which) honors diversity only in its most superficial aspects" dira Stanley Fish (1999:62) -- et n'accepte pas de donner véritablement voix aux communautés ou de reconnaître des droits à la différence dans des domaines importants. C'est ce dont se plaint Laurendeau qui veut rien de moins qu'une souveraineté partagée entre les communautés. Pour ce faire, il faut s'entendre sur la nature des communautés primordiales (par rapport aux autres qu'on peut ignorer), et en arriver à définir des moyens de partager utilement la souveraineté. Laurendeau n'est pas intimidé par ces difficultés conceptuelles. Il ne définit pas la communauté, il en prend acte. Il n'a pas d'état d'âme quant aux difficultés de partager la souveraineté, il considère le fédéralisme comme un moyen pratique de le faire dans le cas qui l'intéresse. Pour lui, les communautés stricto sensu ont des racines profondes dans l'histoire, et la notion ne s'applique pas aux groupements dont la réalité est strictement nominative ou symbolique. Voilà qui l'amène à développer une vision assez particulière de la démocratie: la démocratie sociologique -- une démocratie qui sourd de la société civile (Paquet 1999/2000). La communauté substantialiste de Laurendeau est donc bien différente de celles qui soustendent la démocratie des identités à la Charles Taylor (1992), la démocratie de la citoyenneté multiculturelle à la Will Kymlicka (1995) ou la démocratie polyphonique à la Michael Sandel (1996). Laurendeau définit la communauté par l'ethno-culture: pour lui, la communauté est immanente, essentielle, alors que, dans les travaux de ces philosophes qui écriront plus tard, les communautés sont strictement relationnelles. Les travaux du GTPR élisent domicile inconfortablement à mi-chemin entre le monde de Laurendeau et celui des tenants des politiques de reconnaissance qui viendront plus tard. Le GTPR cherche des accommodements qui permettraient de donner leur place aux communautés sans remettre en question le libéralisme à la Trudeau. Ce faisant les analyses du GTPR définissent

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une problématique qui occupera une phalange d'intellectuels canadiens au cours des trente ans qui vont suivre. Mais, le GTPR reste plus près de Laurendeau que des philosophes politiques qui ont proposé leurs solutions au cours des dernières décennies Pour Laurendeau, la différence est inscrite dans la réalité; pour Taylor, elle est dans la tête des croyants. Laurendeau ne saurait donc se satisfaire des efforts par l'autorité publique pour reconnaître les identités soucieuses de se faire reconnaître. Cette stratégie de nature rhétorique et symbolique est seulement une ruse qui n'entame pas l'ordre politique. Laurendeau n'aurait pas plus de sympathie pour les analyses de Kymlicka qui cherchent une accommodation de la différence à l'intérieur d'un seul État, mais semblent prêtes à invoquer un processus étatique plus intrusif que celui que propose Taylor. En effet, la reconnaissance des droits culturels collectifs est sans doute un pas dans la direction de la position de Laurendeau, et l'insistance que ces droits doivent se traduire par une certaine représentation est plus musclée que la reconnaissance symbolique à la Taylor. Mais pas question pour Kymlicka de souveraineté partagée. En conséquence, il reste bien vague sur les accommodements qu'il considère comme envisageables, mais qui n'entameraient pas l'ordre politique libéral. Sandel, comme Laurendeau, dénonce le caractère procédural de la démocratie. Il dit beaucoup plus clairement que Laurendeau que la cohésion sociale (une communauté ou des communautés) est la condition nécessaire de la démocratie active. De là, sa croisade pour revigorer la communauté et pour créer une philosophie publique fondée sur celle-ci qui vienne arc-bouter l'ordre politique. Mais Sandel nous laisse sur notre faim. Il ne produit pas une version de cette philosophie commune, il la cherche. De plus, il n'explique pas comment cette réjuvénation de la tradition républicaine pourrait changer le processus de représentation. Même si l'esprit communautaire imbibe le processus démocratique, cela ne pourra suffire pour assurer une représentation des communautés. À cette aune, le GTPR fait oeuvre de pionnier. Il met les communautés au centre du débat, propose de les prendre au sérieux, et suggère des radoubs à l'appareil administrativo-politique pour ancrer ces valeurs nouvelles dans le concret. Mais sa timidité le fait dérailler. Timidité, il faut le dire, qui est facile à comprendre en ces années dominées par la philosophie politique de Trudeau. A l'époque, toute référence à des droits collectifs ou culturels ne pouvait que heurter de front les dogmes trudeauesques. Dans son manifeste démocratique, Trudeau pose clairement le socle sur lequel ses positions sont érigées: ce qui importe au plus haut point c'est l'accord inconditionnel sur la transcendance du politique et du processus démocratique dans lequel elle s'accomplit. Trudeau voit dans le refus des Canadiens français à faire ces actes de foi une sorte d'inaptitude congénitale à la démocratie (Trudeau 1958). Le GTPR est donc piégé: il met clairement sur la table la centralité des communautés, mais il sait que la philosophie politique dominante refuse de construire sur les communautés. Il relègue donc le discours sur les communautés aux oubliettes des "contraintes" à tenir en tête (tout comme les impératifs économiques et géo-techniques), et propose des "solutions" "vendables" aux autorités fédérales. c. Subsidiarité + collectifs intelligents + milieu

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Les collègues politologues pourront m'accuser avec raison d'être un peu cavalier en réduisant les recommandations du GTPR à du bricolage ou de la plomberie politico-administrative. En fait les observations et recommandations contiennent deux séries de propositions: les premières portent sur la plomberie per se; les secondes sur l'esprit qui devrait habiter les pratiques de la gouvernance au Canada. Ces dernières propositions laissent entrevoir que le GTPR attache autant d'importance aux changements dans les attitudes et les comportements qu'aux modifications dans les structures. Mais le caractère précis des premières propositions, et le vague stratégique des secondes, ont fait qu'on a porté beaucoup d'attention aux premières et presque pas aux secondes. Ces secondes propositions invitent à des clarifications, à des efforts pour que le débat dépasse les jalousies traditionnelles entre niveaux de gouvernement, et à un esprit de créativité et d'innovation. Elles émaillent le rapport de considérations et d'énoncés qui constituent rien de moins qu'une grammaire des règles à suivre pour qu'on puisse gouverner correctement le pays. Mais ces règles ne sont jamais évoquées que d'une manière oblique à cause justement du contexte hostile à toute dévolution systématique des pouvoirs du fédéral et du mépris affiché des instances fédérales pour les instances régionales et locales. Trois thèmes reviennent pourtant comme des leitmotiv tout au long du texte. Le premier porte sur la division du travail entre les divers intervenants dans la gouvernance du pays. Comme le GTPR se concentre sur le politico-administratif, il fixe son attention sur le secteur public. Mais il insiste constamment sur le respect des juridictions des divers niveaux de gouvernement, sur l'impact d'une clarification des rôles, sur le fait que le fédéralisme est un arrangement entre instances considérées comme égales, et sur l'importance d'attribuer les pouvoirs résiduels aux provinces. Même si le mot n'est jamais utilisé, le principe de subsidiarité est omniprésent en filigrane dans le rapport. Il s'agit là d'un principe d'architecture socio-politique qui implique une dévolution des pouvoirs vers les instances les plus proches de l'individu, les instances les plus locales, comme étant l'endroit où les décisions peuvent être le plus efficacement prises, les instances plus vastes ayant pour fonction de donner support aux instances locales (Paquet 2001a). Il y a cependant dans les travaux du GTPR une certaine schizophrénie: d'une part une propension à la dévolution (qui ne semble limitée que par les impératifs de redistribution nécessaire) au nom d'une reconnaissance de la centralité des communautés, et, d'autre part, le respect du "projet de constitutionalisme libéral" du gouvernement central qui présume être bien davantage capable de trouver les bonnes réponses aux problèmes du pays que les instances régionales et locales (Carter 1998:20). Le GTPR va être déchiré par ces deux tendances qui sont défendues par divers membres du Groupe. En bout de piste, cependant, le Groupe rejoint les vues de Maurice Lamontagne en 1954 -- "autant de décentralisation que possible, mais autant de centralisation que nécessaire" (Lamontagne 1954:100). Voilà qui d'ailleurs refait le lien avec l'esprit de la Confédération qui, on s'en souviendra, était un compromis entre une union législative que demandaient les forces économiques, et la souveraineté régionale que la culture et la géographie commandaient. Le second thème porte sur la centralité des communautés en tant que collectifs intelligents. Evidemment, comme cela va contre la doctrine trudeauesque en vigueur, on suggère plutôt qu'on

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affirme. Mais on reconnaît explicitement l'importance (1) des associations et réseaux, (2) des valeurs et qualités affectives, et (3) du besoin d'une énergie mobilisatrice. Le GTPR comprend bien que les nouvelles communautés sur lesquelles on peut espérer construire ne sont plus la famille, l'école et l'église. Elles vont être bariolées, chaotiques, échevelées, transversales, c'est-à-dire des réseaux qui vont ressembler à un filet de pêche aux mailles étirées dans toutes directions qui va relier directement et indirectement, et avec plus ou moins d'intermédiaires, tous à tous (Hine 1977). L'objectif est de reconnaître l'existence de ces réseaux pensants -- groupes d'exploration, de prospection et d'entraide -- et d'aider à les conforter et à les supporter. Or pas moyen de construire des capacités à collaborer sur la base de liens ténus (Granovetter 1973) sans un système de représentations communes, un langage commun, capables de supporter des contrats moraux puissants (Paquet 1991/1992). Et ces solidarités pratiques ne peuvent venir que de la société civile et du niveau local. Une fois mise en visibilité la référence, et une fois les succès communiqués, signalés, réverbérés dans tout le système, il y aura des effets d'imitation, l'émergence de modèles qui vont devenir des arc-boutants pour des alliances encore plus ambitieuses. Les réseaux ne vont prendre (comme on dit qu'une mayonnaise prend) que s'ils sont valorisés, que si l'image de la communauté et de ses succès est vastement diffusée et célébrée au point de devenir un point d'ancrage. Et ceci est vrai tout d'abord des alliances plus restreintes et locales au niveau des communautés. Les alliances plus ambitieuses et intégratrices au niveau des grandes régions et du pays ne viendront que plus tard. Voilà où la fierté et l'affect deviennent des ingrédients essentiels. Et ces sentiments procèdent de bas en haut et s'érigent sur un certain capital de confiance et sur un capital communautaire certain qui met bien du temps à se construire (Paquet 1996). Le troisième est un profond respect pour le milieu dans son sens géographique. Le GTPR pose clairement que le retour aux communautés doit se faire pour des raisons d'efficacité et d'apprentissage collectif. Or les communautés construisent sur la proximité, le dialogue, l'interaction -- qui alimentent l'apprentissage collectif surtout à cause des rendements croissants attribuables à l'agglomération et du degré de confiance qui monte des communautés d'expérience. Voilà qui économise les coûts de transaction et qui alimente une capacité accrue à apprendre et à se transformer à proportion que le capital social s'accumule (Saxenian 1994; Lévy 1994; Paquet 1999a,b; Henton 2001). Le GTPR anticipe ici sur des débats qui hanteront les décennies à venir. Mais sa timidité et sa prudence excessive pour éviter d'attaquer de front l'idéologie anti-communautariste et anti-régionaliste vont faire que le message ne sera pas bien entendu. Cette timidité fera surtout que les citoyens ne seront pas capables de pressentir clairement ce qu'on pourrait construire sur les assises nouvelles proposées par le GTPR, ce que les modifications plombières et prudentes auraient permis de faire, si seulement on avait accepté de faire le pari proposé par le GTPR et de commencer à construire un nouveau Canada. 4. Du bon usage de Pépin-Robarts

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Il n'est pas déraisonnable de suggérer que les travaux du GTPR ont fait long feu: le contexte n'était pas favorable, et le genre de recadrage que le GTPR suggérait a donc constitué une occasion manquée pour le Canada. Mais le contexte a changé, et il y a eu dérive vers une philosophie politique moins étriquée que celle que défendait Trudeau. On peut donc se demander légitimement: les réflexions du GTPR à la fin des années 1970 sont-elles encore d'actualité? peut-on encore en faire usage dans les stratégies que nous sommes en train de construire pour le XXIe siècle au Canada? M'est avis que les réflexions du GTPR restent d'actualité, et qu'elles peuvent inspirer des stratégies utiles dans les débats actuels dans trois directions: pour réaffirmer la centralité de la communauté dans la définition de la socio-économie, pour redéfinir la citoyenneté en conséquence, et pour repenser la gouvernance du pays de manière à tenir compte de ces dimensions. D'abord, on peut commencer par reconnaître avec le GTPR (et avant lui François Perroux (1942)) que le pays est une "hiérarchie de communautés", et que sa trame communautaire évolue de telle manière qu'elle devient de plus en plus complexe (Laurent et Paquet 1998). Face à cette évolution, on peut soit gommer les communautés dans un effort d'homogénéisation et de simplification, avec pour résultat que la centralisation devient la solution au problème de gouvernance -- c'est la stratégie à la Trudeau que nous avons dénoncée plus haut -- , soit assumer pleinement les communautés et en prendre acte dans le design de la nouvelle gouvernance (Paquet 2001b,c). Le sens de certaines recommandations du GTPR est d'améliorer le processus de représentation des communautés. Cela peut se faire de deux façons: (1) en découpant (selon les impératifs de la subsidiarité) les responsabilités et la souveraineté en tranches correspondant aux divers niveaux de matérialité publique d'usage des biens et services publics de manière à donner l'autonomie nécessaire aux communautés globales, nationales/socio-culturelles, et locales; et (2) en assurant par des mécanismes électoraux renouvelés une meilleure représentation des communautés à chaque palier. Or ces deux avenues sont encore ouvertes. La politique d'Examen des programmes du gouvernement fédéral (si elle avait été honnêtement poursuivie) aurait entraîné une dévolution considérable des activités vers les instances plus locales (Paquet et Roy 1995); et on est tenté ces temps-ci d'expérimenter avec un mécanisme électoral qui assure qu'une proportion des sièges soit réservée aux partis politiques qui briguent les suffrages selon le pourcentage du vote. Voilà qui aurait l'avantage d'améliorer dramatiquement la qualité de la représentation dans une démocratie dite représentative. Ensuite, on doit commencer à redéfinir la citoyenneté d'une manière qui soit moins jacobine. Puisque les communautés existent, il faut que la citoyenneté soit définie en conséquence. Cela veut dire soit une solution à la suisse où il n'existe pas de citoyenneté suisse mais une citoyenneté dans le canton qui elle donne accès à la citoyenneté suisse (Steinberg 1976:57), soit une solution à l'australienne où il existe une citoyenneté australienne qui requiert un engagement ferme vis-à-vis les valeurs de base sur lesquelles les Australiens se sont entendus en tant que communauté de communautés (Paquet 2001d). Dans l'un et l'autre cas, ces notions de citoyenneté impliquent des limites définies à la diversité et à l'inclusion, et une sorte de contrat moral définissant les obligations des citoyens tout autant que leurs droits. Il n'est pas certain que les règles à la suisse soient acceptables au Canada, mais l'idée

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d'une portion du pays où le français soit la langue officielle et une autre portion où ce soit l'anglais semble émerger naturellement des analyses du GTPR. C'est le cas pour les trois langues en Suisse, et si un citoyen se déplace d'un canton germanophone à un canton francophone, il accepte ce faisant de s'ajuster aux règles en vigueur qui peuvent être fort différentes. En Australie, l'engagement ferme à défendre en priorité les valeurs australiennes définit aussi un contrat moral qui lie le citoyen (Paquet 1989, 1994, 2001d). Au Canada, la notion de citoyenneté a été trivialisée de multiples manières en trivialisant le contrat moral qui la soustend. Ce à quoi nous engage le GTPR, c'est à une réflexion à la fois sur la limite de la diversité acceptable et sur le contenu du contrat moral liant les citoyens entre eux et à leur pays. Enfin, la gouvernance qui s'impose à un pays quand on a donné une telle valence aux communautés, et quand on a redéfini à l'avenant la citoyenneté, est nettement plus décentralisée et distribuée. On rejoint ici les impératifs de la subsidiarité mais aussi ceux de la socialité et de la régionalité imposées par une trame socio-culturelle pleinement assumée. Or pour mettre en place cette gouvernance distribuée, quel que soit le contexte, la nouvelle coordination doit prendre en compte un certain nombre de réalités nouvelles incontournables: (1) spectralité de la socio-économie moderne (décomposée en jeux fragmentés, mais aussi évanescente, incapable de se cristalliser fermement), (2) relations commutatives entre personnes (un monde d'identités multiples et partielles où il y a cohabitation avec commutation via des contrats instables, mouvants et constamment renégociés), (3) modularité du citoyen (capable de s'engager par morceau simultanément dans des aventures diverses, d'opérer dans plusieurs registres en même temps) et (4) un pluralisme économique social et politique omniprésent qui sans brimer l'individualité veut protéger contre les excès du centralisme (Baudrillard et Guillaume 1994; Gellner 1994; Paquet 1995, 1999b). Les réseaux de relations nécessaires pour assurer une bonne gouvernance ne croîtront pas organiquement. Qu'il s'agisse de blocs économiques régionaux, de grappes industrielles, de communautés de pratique, dans tous les cas il s'agit d'intégrer les compétences individuelles en alliances stratégiques. Pour ce faire, il faut multiplier les collectifs intelligents et donc susciter le plus d'associations, de réseaux, de liens et relations possibles. Cela ne veut pas seulement dire créer des organisations mais aussi multiplier les moyens de communication: moyens de réticuler les sous-groupes les plus divers. L'État garde un rôle fondamental mais moins intrusif et plus subtil. Cela se traduit dans une triple stratégie d'intervention. D'abord, mettre en place les infrastructures permettant de tirer le maximum des connections possibles entre personnes et groupes. C'est la stratégie de connectivité qui veut combattre l'exclusion. Ensuite, intervenir pour faciliter le fonctionnement de la boucle d'apprentissage collectif en éliminant ou atténuant les blocages. C'est la stratégie de catalyse. Enfin, l'ingénierie de technologies nouvelles de gouvernance de l'intelligence collective quand il semble bien qu'il y ait "governance failures". C'est la stratégie de complétude (Paquet 2000; Juillet, Paquet, Roy 2001; Paquet 2001e). Conclusion Le GTPR a donné un coup d'épée dans l'eau en 1979.

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En réponse au malaise canadien, le GTPR a tenté d'explorer avec précaution une façon différente de penser la gouvernance du pays: une façon qui jette les fondements d'une démocratie des communautés. Mais cela n'a pas été vraiment clairement perçu à l'époque. Certains ont dit que le GTPR a été une simple mesure dilatoire dans la stratégie fédérale et qu'il a joué surtout un rôle d'obfuscation; un autre groupe suggérera que le GTPR a été une aberration et un dérapage qu'il n'a pas rempli le rôle pour lequel il avait été créé -- i.e., défendre le fédéralisme canadien. D'autres ont critiqué la timidité et le caractère tatillon de ses analyses, la fixation sur le politico-administratif, le trop grand respect pour l'idéologie libérale dominante à la Trudeau, et ont attribué à ces travers le caractère fade de ses travaux et leur manque d'impact. Pour nous, le GTPR a été surtout une occasion manquée de réformer la gouvernance du pays. L'occasion a été manquée parce que fondamentalement, et malgré les apparences, le GTPR ne se contentait pas de vouloir faire de la plomberie: il suggérait rien moins qu'un recadrage de la gouvernance du Canada fondé sur la prise en compte des communautés. Le GTPR n'a pas dit suffisamment clairement que ce qu'il cherchait à engendrer, c'était un fédéralisme communautaire et territorial donnant droit de cité aux nations et aux peuples fondateurs. Pourquoi? Parce que c'était anathème pour Trudeau pour qui la nation civique atomiste -- désincarnée et déterritorialisée -- reste le modèle. Mais l'aurait-il dit plus clairement, l'accueil n'aurait pas été meilleur. On vivait à l'époque au Canada la tentation de la nation civique: on avait à Ottawa une grande peur des "patries charnelles", et des tribalismes et racismes qui supposément ne pouvaient qu'en découler (Burelle 1996). Au nom de cet idéal, on voulait exorciser la communauté porteuse de ces péchés potentiels. Voilà qui va conduire à éviter le mot nation, et, quand il est incontournable, à le purifier de la moindre trace d'ethnicité. Pour Burelle, comme pour Laurendeau et le GTPR, la communauté et l'ethnicisme sont incontournables. Cette volonté d'ancrage dans la communauté incarnée et territorialisée est un réflexe normal face au processus de mondialisation. Il est normal aussi que la nation, qui a une composante ethnique incontournable, et constitue une communauté primordiale à la Laurendeau, puisse réclamer et avoir droit de cité comme telle dans la communauté politique plus vaste (Dumont 1995:66). Enfin, il n'y a rien de plus normal pour les "petites nations" que de poursuivre par d'autres moyens (i.e., le processus des politiques publiques) ce que les "grandes nations" obtiennent par assimilation réussie sur leur territoire pourvu que ce processus "soit soumis à la règle de droit, restreint au domaine public et respectueux des communautés de proximité" (Burelle 1996; Burelle, communication privée 2001). Occasion manquée par le GTPR donc, mais le problème qu'on aurait pu résoudre en 1979 est demeuré entier. Et le dominium du libéralisme anti-communautaire à la Trudeau reste hégémonique. Il se pourrait même que ce virus ait infecté une portion de l'intelligentsia québécoise qui se dit souverainiste. En fait, comme le craint André Burelle, il se peut fort bien que ceux qui, au Québec, défendent la notion de nation civique ne fassent que défendre la construction d'une société politique à la Trudeau pour le Québec. Ils veulent penser la communauté désincarnée et déterritorialisée, dirait Burelle, comme les puritains voulaient penser "l'homme sans la chair, parce que la chair est source potentielle de péchés et de débordements" (Burelle, communication personnelle 2001).

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Le problème de Laurendeau reste donc entier. Est-on davantage prêt à y faire face en 2001 qu'en 1979? Est-il possible de considérer au Canada du XXIe siècle l'option d'un fédéralisme supranational qui reconnaîtrait les minorités historiques comme communautés primordiales ayant des droits collectifs? . Compte tenu du fait que le Canada anglais semble encore obsédé par le projet libéral absolu à la Trudeau, il est peu probable qu'on trouve acceptable ce compromis d'un fédéralisme supranational et l'obligation qu'il impose de bricoler des manières d'intégrer les communautés (nouvelles et anciennes) via des contrats moraux souples. Mais il est peut-être possible de faire des pas dans cette direction, obliquement, par un bon usage de la socialité et de la régionalité -- un mélange judicieux de droits collectifs pour les uns et régions autonomes pour les autres. Une référence nouvelle pourrait en sortir qui ne soit plus exclusivement marquée au point de l'ethnie mais qui n'en fasse pas non complètement l'économie pour autant. Le GTPR a contribué de manière significative à long terme à garder à l'ordre du jour certaines données que le libéralisme à la Trudeau aurait voulu gommer. Ce n'est pas un hasard si un pan de la philosophie politique canadienne est encore aux prises avec les défis identifiées par le GTPR. Qu'espérer? Il se pourrait qu'en 2020 non seulement le Canada continue à être considéré comme le premier pays postmoderne (Grimond 1991) qui a réussi sa transition vers une gouvernance distribuée (certains comme Heath (2001) pense même qu'on y est déjà arrivé glorieusement), mais encore que le Canada soit le pays qui aura inventé "une morale des petites nations" guidant ses politiques et ayant valeur exemplaire dans un monde de plus en plus polyethnique et multiculturel où tous les petits pays cherchent à échapper à l'homogénéisation et à préserver leur identité culturelle face à la globalisation en bâtissant sur les communautés. Si c'est le cas, nous serions passés de la situation actuelle fort problématique où on doit dire avec Alain Finkielkraut (1999:130) -- "nous sommes tous des Québécois" -- (i.e., nous sommes tous à la recherche de moyens pour le faire), à la célébration de progrès faits au Canada dans la direction d'un fédéralisme supranational et communautaire à saveur Pépin-Robarts qui pourrait faire dire à tous ces petits pays qui verront là une solution à leur problème de préservation d'identité culturelle -- "nous sommes tous des Canadiens"

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