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Date post: 10-Sep-2018
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1 INTRODUCTION Au Parlement le 8 octobre Chaque mois, l’associatif débarque au parlement bruxellois pour y faire entendre sa voix et ses revendications dans le cadre des "Jeudis de l’Hémicycle". L’initiative, mise sur pied par la présidente du parlement francophone bruxellois Julie De Groote (cdH), a pour objectif de rapprocher l’institution des citoyens et de casser l’image d’un parlement rigide où le public serait confiné dans des tribunes éloignées sans avoir la possibilité de prendre part au débat. Avide de "renouveau démocratique", Julie De Groote a ouvert l’initiative à l’ensemble des parlementaires, issus de la majorité et de l’opposition, qui peuvent donc proposer un programme. C’est ainsi que la rentrée des "Jeudis de l’Hémicycle" débutera ce 8 octobre avec un thème délicat proposé par la cheffe de groupe Ecolo Zoé Genot : "Quand la Belgique va-t-elle faire face à son passé colonial ?" Sur la question de la mémoire coloniale, plusieurs intervenants sont annoncés parmi lesquels l’Observatoire Ba Ya Ya, le Collectif mémoire coloniale et lutte contre la discrimination, le directeur du Centre interfédéral pour l’égalité des chances Patrick Charlier ainsi que Sarah Demart, socio-anthopologue et chercheuse à l’ULg. "Quand Zoé Genot a lancé cette idée, j’ai immédiatement trouvé qu’il était important d’y donner suite. Je pense que ce sera la première fois qu’un colloque sur ce sujet sera organisé au sein d’un parlement. Les nombreuses réactions et remarques, que cela a suscité confirment que le sujet reste très sensible et même polémique. Mais je suis convaincue qu’on ne peut pas préconiser un travail de mémoire pour les grands conflits comme le conflit israélo-palestinien ou le conflit turco-arménien sans faire nous- mêmes ce travail de mémoire. La Belgique fait partie de l’histoire du Congo et le Congo, c’est notre histoire aussi", déclare Julie De Groote. Selon elle, il ne sera pas question de faire le procès de la Belgique ni même de relancer les travaux de la commission parlementaires "Lumumba". "Il s’agit de lancer un débat et surtout de voir combien ce travail de mémoire est important en ce qui concerne les aspects quotidiens des Bruxellois", précise la présidente du parlement francophone bruxellois. Et de citer l’exemple de jeunes Belges d’origine congolaise en quête d’identité ou de l’éventuelle place Lumumba que la commune d’Ixelles refuse de créer malgré les demandes d’un comité de quartier. Un thème de rentrée aussi puissant que délicat qui attirera visiblement la foule au sein de l’hémicyle bruxellois : une petite centaine de personnes se trouve déjà sur liste d’attente. 01’45 » Zoé Genot : Remerciements aux collectifs présents
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INTRODUCTION

Au Parlement le 8 octobre

Chaque mois, l’associatif débarque au parlement bruxellois pour y faire entendre sa voix et ses revendications dans le cadre des "Jeudis de l’Hémicycle". L’initiative, mise sur pied par la présidente du parlement francophone bruxellois Julie De Groote (cdH), a pour objectif de rapprocher l’institution des citoyens et de casser l’image d’un parlement rigide où le public serait confiné dans des tribunes éloignées sans avoir la possibilité de prendre part au débat.

Avide de "renouveau démocratique", Julie De Groote a ouvert l’initiative à l’ensemble des parlementaires, issus de la majorité et de l’opposition, qui peuvent donc proposer un programme. C’est ainsi que la rentrée des "Jeudis de l’Hémicycle" débutera ce 8 octobre avec un thème délicat proposé par la cheffe de groupe Ecolo Zoé Genot : "Quand la Belgique va-t-elle faire face à son passé colonial ?"

Sur la question de la mémoire coloniale, plusieurs intervenants sont annoncés parmi lesquels l’Observatoire Ba Ya Ya, le Collectif mémoire coloniale et lutte contre la discrimination, le directeur du Centre interfédéral pour l’égalité des chances Patrick Charlier ainsi que Sarah Demart, socio-anthopologue et chercheuse à l’ULg.

"Quand Zoé Genot a lancé cette idée, j’ai immédiatement trouvé qu’il était important d’y donner suite. Je pense que ce sera la première fois qu’un colloque sur ce sujet sera organisé au sein d’un parlement. Les nombreuses réactions et remarques, que cela a suscité confirment que le sujet reste très sensible et même polémique. Mais je suis convaincue qu’on ne peut pas préconiser un travail de mémoire pour les grands conflits comme le conflit israélo-palestinien ou le conflit turco-arménien sans faire nous-mêmes ce travail de mémoire. La Belgique fait partie de l’histoire du Congo et le Congo, c’est notre histoire aussi", déclare Julie De Groote.

Selon elle, il ne sera pas question de faire le procès de la Belgique ni même de relancer les travaux de la commission parlementaires "Lumumba". "Il s’agit de lancer un débat et surtout de voir combien ce travail de mémoire est important en ce qui concerne les aspects quotidiens des Bruxellois", précise la présidente du parlement francophone bruxellois. Et de citer l’exemple de jeunes Belges d’origine congolaise en quête d’identité ou de l’éventuelle place Lumumba que la commune d’Ixelles refuse de créer malgré les demandes d’un comité de quartier.

Un thème de rentrée aussi puissant que délicat qui attirera visiblement la foule au sein de l’hémicyle bruxellois : une petite centaine de personnes se trouve déjà sur liste d’attente.

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Zoé Genot :

 Remerciements aux collectifs  présents

05’10 »

Quand j’ai déposé en 2014 une proposition de résolution du devoir de l’Etat belge par rapport à son passé colonial au Congo, au Rwanda et au Burundi, je trouvais cela très important tout comme cela l’a été au sujet de la collaboration durant la 2ème guerre mondiale.  Merci à Laurent Verfaillie pour la rédaction de ce texte et à tous ceux qui  ont fait un travail de relecture pour améliorer les pistes etc…

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Cite   quelques     déclarations   des   représentants   de   l’Etat   belge,   qui   lors   des   fêtes   des   50   ans d’indépendance ont déclaré :

- 1) « Ne regardons pas le passé », allons de l’avant…- 2) C’est un passé win-win, ils y ont gagné et nous avons gagné, passons à autre chose…-- 3) En 2003 le ministre de l’extérieur a reconnu que l’on pouvait être  « un peu redevable » et 

qu’il n’y a pas toujours eu de notre part de respect et de générosité…

On doit pouvoir dire au 21ème siècle que la colonisation est un principe anti démocratique et raciste qui   engendre   de   façon   culturelle   des   crimes   et   des   abus,   nous   devons   être   capables   de   le reconnaître.

Le travail de réconciliation doit être entamé, comme d’autres pays l’on fait, il est temps pour nous de le faire.

Le silence entretien le malaise, je me réjouis qu’aujourd’hui on  brise le silence.  L’objectif est de voir pourquoi   ce   travail   doit  être   fait   aujourd’hui,  pourquoi   après  55  ans   il  n’a  pas  encore  été   fait, pourquoi est-ce si difficile ?

Intervention de Sarah Demart, chercheuse à l’ULG, chargée de recherche dans un réseau de type postcolonial. Sarah Demart (1977) est docteure en sociologie de l'Université Toulouse- le- Mirail (France) et en sciences politiques et sociales de l'Université Louvain- la-Neuve

Remerciements à tous,…. pour ce moment important, afin de voir comment on peut dépasser ce point et savoir dans quoi on est pris.

Faire l’état des lieux de la mémoire colonial avant de rentrer dans ce qu’on sait de l’histoire, c’est se poser la question de ce qui fait mémoire.  Ce qui fait mémoire, ce que l’on a retenu, qu’est ce qui est tombé dans l’oubli et quels sont aussi  les mécanismes de sélection de certains éléments comme pertinents et d’invisibilation d’autres éléments perçus comme non pertinents.  C’est aussi le fait de pouvoir se poser la question de la mémoire au pluriel pour pouvoir réfléchir ensemble dans le champ académique, mais aussi dans le champ militant et du domaine du politique sur les conditions de possibilité d’avènement d’une histoire commune qui pourrait faire justice aux différentes mémoires. Effectivement, en Belgique on en est loin, on parlait tout à l’heure de l’absence de consensus, mais il faut dire que cet absence de consensus il absolument structurel hormis peut-être les dates de la colonisation, il  n’y a rien qui puisse construire quelque chose qui soit de l’ordre du bien commun de l’universel.

Une première étape c’est peut-être des éléments qui ont été apporté dans cette intervention, c’est de statuer sur la nature de cette histoire, est ce que c’est une histoire qui relève du particulier, est-ce la revendication des minorités, donc finalement cela n’intéresse pas tellement la société dans son ensemble, cela ne peut pas prétendre à de l’universel, ou est-ce qu’au contraire c’est un élément qui est fondamental, fondateur et central dans l’histoire et dans l’identité de la Belgique, mais aussi plus généralement de l’Europe.   Et si on considère que ça a une dimension centrale et fondatrice, et je vais   essayer   de  montrer   pourquoi   ça   l’est,   ça   donne   des   clés   pour   pouvoir   répondre   à   des 

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problématiques actuelles, voir résoudre les problèmes actuels, en particuliers dans le domaine de la migration qui semble être une préoccupation majeure pour l’Europe.

Bon, quelques oublis qui peuvent être intéressants avant de se pencher sur le cas plus particulier de la Belgique, les faits que ce qu’on appelle « l’Europe noire », donc la présence noire en Europe, ce n’est pas du tout un phénomène nouveau, un phénomène post indépendance, post colonial, mais ça remonte à plusieurs siècle.  C’est lié à la présence de l’Europe dans le monde, parce qu’il y a eu de l’esclavage, il  y   eu de la colonisation qu’il  y a eu une présence africaine, une présence noire en Europe.  Ça c’est un élément à prendre en compte, parce qu’on ne parle pas des dix, vingt ou trente dernières années.

Un autre élément à prendre en compte, c’est que dans les fondations même de l’Europe, lors des discussions qui ont précédés au traité de Romme en 1957,  il  a été très sérieusement discuté de l’avènement d’un espace eurafricain.  L’Europe a été pensée par rapport à des fondations africaines, par  rapport  à :  qu’est-ce  que pourrait-être  un espace eurafricain d’un point  de vue économique, politique, y compris en Belgique puisqu’on a pris activement part à ce débat-là.

Cela a été pensé dans les plus hautes sphères de l’Etat au moment des indépendances qui sont les différents processus de décolonisation.

Ce qui est aussi intéressant à prendre en compte, puisque la question coloniale fait renvoyer à la question de la race, à  la question de citoyenneté, c’est qu’il  y a eu une diversité de citoyenneté coloniale et décoloniale qui ont été pensées.  Finalement la question de se poser : qu’est-ce qu’une citoyenneté postcoloniale, est ce qu’on peut être belge et noir, est ce qu’on peut être français et noir ou est-ce que anthologiquement ce n’est pas possible pour l’Europe ce concept-là ?

En l’occurrence en Belgique on parle toujours de cette distinction qu’il peut y avoir entre les citoyens et les sujets, et si on prend le cas de la colonie belge le Congo, les Congolais ont été Belge bien avant 1960, bien avant 70, bien avant 80, mais ils étaient sujets, ils n’étaient pas citoyens, donc ils étaient belges, mais privés de droits politiques et ça c’est important à prendre en compte comme mise en perspective historique si  on veut voir en quoi  la mémoire peut éclairer  les différents régimes de citoyenneté qui sont à l’œuvre en Belgique, puisqu’il y a différents régimes de citoyenneté qui sont à l’œuvre du fait précisément de la question raciale.

Donc finalement  si  on prend en compte  la  manière dont ces  oublis  ont  été produits  à   l’échelle européenne et comment ils ont structuré l’Europe, aussi que le travail de mémoire peut nous aider non   pas   dans   une   perspective   de  management  multiculturel,   comment   incorporer   les   autres, comment intégrer ses autres, mais plutôt comment prendre acte du côté européen du fait que ces autres, sont partie prenante de l’Europe, appartiennent à l’Europe depuis des décennie, des siècles, en tant qu’ils ont été sujets de l’empire.

C’est une première étape pour considérer l’intérêt qu’il y aurait intérêt à faire un travail de mémoire d’un point de vue global et pas comme si c’était une concession qu’il fallait accorder à une minorité qui fait beaucoup de bruit où qui dérange et même pour des intérêts politiques électoraux.

Si on revient à la question de la mémoire coloniale en Belgique en particulier, effectivement, il y a très   peu,   il   n’y   a   pas   de   consensus   et   ce   qu’on  peut   remarquer   c’est   qu’il   y   a   deux   dossiers organisateurs  de   cette  mémoire,  deux  figures  de   traumatisme qui  organisent   la  mémoire,   c’est 

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Léopold II d’un côté, le temps de la conquête, et Lumumba de l’autre, le temps de la décolonisation, avec une invisibilité totale du Rwanda et du Burundi qui deviennent, qui sont sous tutelle belge après la première guerre mondiale, et que les soubresauts qu’i peut y avoir autour d’un débat postcolonial si débat il y a, sont toujours articulés à ces deux figures et à l’impossibilité de savoir ce qu’il se passe entre les deux et pourquoi on ne parvient pas à pouvoir écrire un récit national qui conviendrait à toute la population ou en tous cas de manière majoritaire.

D’un point de vue historique, c’est dans les années 1990 que l’on situe l’ouverture d’un débat post colonial, d’ailleurs la Belgique va donner le sentiment d’être à la pointe, à la suite de la publication de deux livres autour de Léopold II et de Lumumba, évidemment après la publication du livre de Ludo De Witte sur l’assassinat de Lumumba puisqu’il y a une commission parlementaire qui st diligentée et qui   aboutit   à   la   reconnaissance   de   l’implication   de  membre   du   gouvernement   d’époque   dans l’assassinat et   la  destitution du premier Premier Ministre  au Congo,  à  des excuses adressées au peuple congolais, et promesses de réparations.  Sauf que quinze ans plus tard, avec tous les débats qui peuvent entourer la question de l’avènement d’une place Lumumba, de son avènement dans un contexte qu’il y a plusieurs dizaines d’espaces publics qui portent des noms de coloniaux, de rues et de places, on peut s’interroger sur le fait de la disjonction des niveaux de pouvoir, pas au niveau global, mais plutôt au niveau local et ce qui fait que cette politique de repentance, si tant est que l’on puisse parler de politique de repentance, ne puisse se matérialiser.

Donc ça c’est une question qui doit être posée et qui permet aussi de donner certaines indications sur ce pourquoi ce travail de mémoire ne se fait pas du point de vue belge, c'est-à-dire du point de vue du ? , dans un enjeu, de dynamique, proprement belge et non pas belgo-congolais ou blanc noir puisque les choses peuvent aussi se dirent dans ces termes-là.

Un premier élément de discussion, mais aussi d’explicitation, c’est de voir que partout en Europe et particulièrement en Belgique, la critique postcoloniale est liée à une critique de la nation et que dans le contexte belge, on peut observer ces dernières années que la critique de la colonisation appuie plus fort,  plus visible, plus radicale du côté flamand, ce qui est par ailleurs en train de s’estomper, ça c’est  un  premier  élément,   et  différentes  hypothèses  peuvent  être  mises  en  avant,   c’est  que   la subalternité   flamande   pendant   la   colonisation   qui   fait   qu’on   peut   s’identifier   aux   subalternes colonisés,  soit  on peut saisir  cette position de subalternité pour justement mettre à distance  les grands récits impérialiste de l’Etat nation de l’Etat colonial et on peut aussi y voir et c’est une thèse défendue par certain que la critique coloniale c’est une volonté indépendantiste qui s’exprime, mais ce n’est pas tant ici le fait de savoir qu’elle est la bonne hypothèse qui est intéressante, mais de voir que finalement c’est les communies   sociétales à la Belgique c’est les rapports belgo-belge, c’est la question communautaire et linguistique belge qui peut faire un moment donné que le débat a lieu ou n’a pas  lieu ou qu’il  peut y avoir certains freins.       Et surtout cela nous amène à nous dire que finalement, une des raisons pour lequel le débat n’a pas lieu, le travail de mémoire ne peut pas se faire sereinement et cela pose la question de la fragilité identitaire de la Belgique et de ce qui fait le lien social.   Cela renvoi donc à la fonction du ciment de la colonie pendant la colonisation, ça c’est très important comme mise en perspective historique, mais cela renvoie aussi à cet agencement très complexe de voir comment on peut faire un travail  de mémoire sans que la nation ne se sente menacée de morcellement, de fragmentation.

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Un autre élément qui singularise le débat postcolonial belge où la question de la mémoire coloniale en Belgique, c’est le paradigme du mauvais colonisateur, de l’holocauste oublié comme l’avait dit Hochschild qui est un paradigme anglo-saxon, car depuis la fin du 19ème, depuis Conrad et maintenant on nous annonce une série de Scorcèse, il y a des productions qui sont faites sur Léopold II, comme le plus atroce, le plus terrible des colonisateurs.  A nouveau, la question n’est pas tellement là, à mon avis n’est pas vraiment là, mais qu’est ce qui fait, qu’est ce qui peut motiver ce paradigme-là, qui suscite un certain nombre de crispations identitaires, voire de velléités révisionnistes et de difficultés à dépasser ce stade-là.   C’est d’une part, il faut quand même le souligner, le manque de légitimité impériale de la Belgique, qui peut être une explication que la Belgique a pu être pointée du doigt par les autres puissances européennes comme étant un mauvais colonisateur, alors que la communauté internationale n’a pas forcément pointé du doigt les massacres britanniques, les massacres français ou les massacres portugais, ça c’est un élément important.   La personnification de la figure coloniale du fait que le Congo a eu un statut de propriété privée, peut-être de manière inédite à l’échelle européenne, on a mis une figure, une personne, sur l’entreprise coloniale, ce qui n’a ps été le cas dans les autres aventures impériales.

Donc   voilà,   cette   critique   internationale   récurrente   elle   est   importante   parce   qu’on   peut   se demander  si  elle  ne prend pas   la  place  d’une  critique  locale,  mais  aussi  parce  qu’elle  pointe   la Belgique du doigt et ce faisant elle l’expose à une certaine vindicte internationale, voire humiliation européenne qui  ne  fait  que complexifier   le  débat  et   rendre par  certains  aspects  psychologiques dangereux l’idée d’ouvrir la question du travail de mémoire sur la colonisation.

Donc entre Léopold II et Lumumba on a des choses importantes à discuter, notamment le rapport de la  métropole à son empire,   la  centralité  congolaise,   les  périphéries  rwandaise et  burundaise,   les différentes  politiques  qui  ont  pu être mises  en place,   la  circulation entre  ces  différents  pays,   la manière dont cela peut se répercuter aujourd’hui, les politiques raciales, puisqu’aujourd’hui on est quand même y compris dans le champ académique, très en mal de pouvoir identifier ces politiques raciales  pendant   la   colonisation.    Un  certain  nombre  d’observateur  à  nouveau  étrangers,  plutôt anglo-saxon, ont parlé d’apartheid, la notion a été réfutée disant qu’il n’y avait pas de cadre législatif pour pouvoir justifier le recours à ce terme, même si les politiques qui étaient mises en place étaient fortement segréenne au point de vue racial, mais cette identification, elle peut être importante pour pouvoir ensuite décrypter les mécanismes de racialisation qui sont en œuvre en Belgique et qui sont forts,   je  pense que d’autres  vont en parler  et  de se questionner sur  les  régimes de citoyenneté coloniale.  Comment est-ce que la citoyenneté des colonisés, des futurs décolonisés a été pensée en Belgique, c’est très important pour pouvoir décrypter la très très faible intégration des Congolais, Rwandais et Burundi et plus généralement des Africains et des noirs en Belgique.

Donc les questions qu’on peut se poser, c’est pourquoi certains thèmes sont difficiles à aborder, est-ce qu’il y a une prise de risques à formuler des mots, à parler de Léopold II, à parler de Lumumba, est ce qu’on prend un risque de parler de colonisation et pourquoi.   Est-ce que la métropole est-elle vraiment décolonisée ?     Est-ce que cet interdit colonial qui a structuré, on a dit qu’on n’allait pas vraiment rentrer  dans   le  détail  de comment   la  colonisation allait   fonctionner,  mais   il  y  a  eu un interdit   sur   la  mobilité   sociale  et   sur   le  mélange   racial   qui   a  été   la  marque  de   fabrique  de   la colonisation belge.  Donc c’est important de voir comment cela a fonctionné pour se demander si on l’a dépassé, si on est vraiment dans du post colonial ou est-ce qu’on est dans du colonial.

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Donc je conclus sur l’intérêt qu’on aurait à s’approprier la critique postcoloniale, donc c’est bien sur anticiper la critique internationale, éviter d’être pointé du doigt et éviter peut-être même, posture qui  est  déqualifiante  même et  perçu comme ridicule.    C’est  se donner  des   ressources  pour  des pensées d’intégration, de diversité et de citoyenneté en considérant le fait que même si la venue des Africains, des Congolais et Burundais en métropole n’était pas organisée, n’était pas voulue, n’était pas permise, elle a quand même eu lieu, les mélanges ont quand même eu lieu.  Dans les années 50 des   discussions   ont   eu   lieu   sur   l’avènement   d’une   communauté   belgo-congolaise   dans   la structuration européenne, métropolitaine belge.  On sait penser comme un espace eurafricain aussi, et pouvoir questionner ça, mais avec un nouveau vocabulaire, pas avec un vocabulaire nostalgique.

Ce évidemment conçu l’équation simpliste, on aurait pu penser qu’elle était dépassée, mais on se rend compte qu’elle est fortement d’actualité de identité nationale = homogénéité raciale, c'est-à-dire   blanche,   pouvoir   mieux   connaître   l’Europe,   mieux   connaître   la   Belgique   dans   toute   sa complexité historique.   La Belgique est un jeune pays qui émerge en 1830 et qui en 1885 devient une puissance   impériale,  donc  on  peut  dire  que   les   racines   coloniales,   congolaises,   africaines  de   la Belgique doivent être questionnées, c’est pas du tout un élément mineur, périphérique dans son histoire, dans quelque chose qui aurait des racines et des fondements et c’est aussi se donner les moyens de pouvoir se questionner les mécanismes de production du racisme en Belgique, parce que je pense et je vais lancer une petite pique au personne pour l’égalité des chances, c’est qu’on est très loin et qu’on a beaucoup de mal à analyser ce qu’on appelle les discriminations secondaires, c'est-à-dire implicites, invisibles, indirectes, que c’est repris dans la législation européenne, donc, on sait que la discrimination directe, elles existent en Belgique, il y a des gens qui se voient refuser l’accès à un magasin parce qu’ils sont noirs, ça c’est des choses qui existent toujours et que la majeure partie des discriminations elles sont de l’ordre de l’implicite et qu’on a pas les outils de prendre au sérieux les gens qui viennent avec ces problématiques-là et donc pour déconstruire, pour déraciser, déracialiser, la Belgique.    Je pense qu’à ce niveau-là  il  y a un travail  énorme à faire et que la question de la mémoire peut être une ressource certaine.

Et alors d’un point de vue plus global, plus politique, et là je termine, il ne faut pas oublier que le monde continue de bouger, et que même si les Congolais, les noirs en Belgique sont peu intégrés du point  de   vue  statistique,   je  pense  que   certaines  personnes   ici   vont  donner  des   chiffres,   ce  qui montrera la force des frontières raciales organisant le secteur socio-professionnel mais on peut aussi parler du secteur académique, et bien les gens bougent et la Belgique a très nettement perdu depuis une à deux décennies la centralité qu’elle avait dans l’espace des circulations congolaises et dans l’espace des géographies congolaises.   Et donc c’est aussi une perte de centralité qui on comprend bien peut avoir des répercussions en terme de rayonnement international, politique et d’économie important  pour   cette  ancienne  métropole.       Donc   voilà,   c’est   un  peu  un  plaidoyer   pour   l’actif postcolonial avec l’aide d’un travail de mémoire.

Je vous remercie.   

29.08

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Intervention de Kalvin Soiresse Njall – 31’25’’

Le conflit mémoriel autour de Patrice Lumumba, symptôme dumalaise de la Belgique face à son passé colonial ? (Kalvin Soiresse Njall – Collectif mémoire coloniale et lutte contre la discrimination)

Remercie Z.Genot d’avoir pris le risque de mettre le sujet pour la première fois dans un hémicycle du Parlement BELGE, parce que cette histoire qui fait presque la moitié de l’histoire de la Belgique, c’est la première fois qu’elle entre dans un hémicycle et on dit souvent qu’il n’est jamais trop tard et que c’est le début de quelque chose. Insiste sur les mots soulignés

J’aimerais faire une précision, parce qu’il y a un débat, mais de quoi nous accuse-t-on ?

On nous accuse de nous mettre à la place des historiens, on nous accuse d’inciter les politiques à se mettre à la place des historiens, ce qui n’est pas le cas. Dans mes cours de droit et de sciences politiques on m’a appris un principe : le principe de la continuité politique et les hommes et les femmes politiques doivent assumer les décisions politiques prises dans l’histoire à l’époque. C’est pour cela que la commission d’enquête « Lumumba » a été mise en place. J’en parlerai tout à l’heure.

Pour commencer mon intervention permettez-moi de tordre le cou à un canard qui a pris en Belgique la forme d’un stéréotype sociétal : les questions liées à l’histoire et à la mémoire coloniale ne concernerait que les africains ou les Belges d’origine africaine qui s’arc bouteraient sur le passé et qui sont parfois animés d’un sentiment de revanche historique. Et bien c’est faux !

C’est faux parce que la diversité du public présent à nos activités, que ce soit comme le 24 octobre sur « le rôle de la femme dans l’avancée du continent » ou nos visite guidée autour du patrimoine colonial et je ne cite que celles-là, mais vous renvoie à notre cite, prouve tout à fait le contraire.

Il s’agit d’une histoire partagée et commune. (Parle de l’expo « Notre Congo » organisée par la C.E.C. où il a vu des gens de Verviers venir pour la visite guidée) de même que la composition de l’assemblée ici présente est une preuve suffisante de cette mémoire partagée et commune.

Parle ensuite de Lumumba en tant que symptôme du malaise colonial en Belgique, mais espère que cette journée n’est qu’un début de la discussion entre le Collectif Mémoire colonial, la population et l’Etat, à tous les niveaux de pouvoir, pas uniquement au niveau bruxellois. 35’20’’

Les associations ici présentent, ne sont pas dans une posture de demande, elles ne visent pas à quémander quelque chose pour renforcer leur structure ou leur personne, ni de l’influence, ni du pouvoir ni de l’argent, elles font un travail de citoyenneté et si elle réclame des moyens c’est pour ça et pour rien d’autre.36’00’’

Remercie Patrick Charlier qui les a soutenus, ainsi que le MRAC où beaucoup de choses bougent, même si on ne peut pas tout dire pour le moment, mais le fait de la rénovation est déjà un signe important.

Ce colloque ne vise pas à juger qui que ce soit, ce n’est pas un tribunal……..

Il permettra à la Belgique de s’interroger sur son altérité noire comme l’a dit Sarah Demart et de mettre au clair sa propre histoire. Mettre au clair sa propre histoire voilà le remède de la Belgique face au malaise de son passé colonial. 37’29’’

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(quelques phrases sur l’intégration des étrangers, qui n’a rien à voir avec la colonisation)

En tant que jeune Belge d’origine africaine, je suis fier de l’action du Roi Albert pendant la 1 ère guerre a combattu avec ses troupes « l’ennemi nazi » et j’en suis fier en tant qu’humain et pour la lutte contre la barbarie, alors pourquoi l’Etat belge refuse-t-il de reconnaître P. Lumumba, reconnu partout comme un militant de la liberté et de la dignité de l’homme…

Pourquoi ne pas donner la même importance aux soldats congolais qui se sont battus sous le drapeau belge pendant la première guerre mondiale ?

Cette fierté envers le Roi Albert peut-elle rester encrée en moi jeune belge d’origine africaine si je continue à ressentir ce deux poids, deux mesures ? 40’21’’

Le conflit sur la place publique avec l’histoire de P.L. est le résultat d’une histoire mal assumée et mal intégrée dans l’histoire de Belgique. 40’44’’

La plainte de la famille Lumumba en est une preuve patente…….

Dans les écoles on n’enseigne pas l’histoire coloniale, 80 ans d’histoire passée sous silence, 80 ans d’amnésie qui ne sera révélée que par le livre de Dewitte sur l’assassinat du premier ministre congolais et par la commission d’enquête parlementaire qui s’en est suivi. 41’50’’

La Belgique aurait dû mettre en place une commission parlementaire au sujet de l’assassinat de P.L., mais le peu d’empressement du politique à ce sujet ramène encore au malaise de la gestion des périodes coloniales et post coloniales.

Une d’entre elles est celle du traitement des archives : in extenso elle disait ceci (je cite) : La commission invite le gouvernement à prendre toutes les mesures qui s’imposent, pour rechercher, inventorier, structurer et sauvegarder par une allocation adéquate d’effectifs et de moyens financiers, les archives des différentes instances fédérales et en particuliers celles du chef de l’Etat. Elle demande que les obligations légales en la matière fassent l’objet d’une évaluation et soient au besoin adaptés afin que les archives de l’Etat puissent être conservées correctement. La commission recommande de redéfinir les règles concernant l’accès aux documents relevant des pouvoirs publics.

Que constate-t-on depuis cette recommandation ?

Des contestations des historiens les plus éminents liés au traitement des archives demeurent. Pour preuve, des historiens belges et étrangers ont écrit l’année passée au 1er Ministre Charles Michel, lettre dans laquelle ils dénoncent le transfert des archives africaines du SPF affaires étrangères aux archives générales du royaume, craignant de ce fait une tentative d’enterrement des archives.

Rappelons que la consultation de ces archives a permis une avancée importante dans le dossier Lumumba et a continué à renouveler en profondeur la connaissance que l’on a de la révolution rwandaise de 1959 et de l’accession du Burundi à l’indépendance, ils demandaient au premier Ministre d’arrêter cette opération de transfert qui pourrait nuire à la crédibilité de la Belgique, être couteuse pour le budget national et qui donne l’impression que la Belgique a peur de son histoire colonial.

Pour terminer ils posaient une question cruciale au 1er Ministre : comment ne pas croire que l’établissement de la vérité historique est le premier pas entre des nations apaisées et les peuples ?45’19’’

Cette question importante, Mme la Présidente, Mesdames et Messieurs, je vous la pose.

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Ne croyez-vous pas, qu’éclaircir le passé, aussi douloureux soit-il, aussi sensible soit-il, aussi gênant soit-il, permettrait à des milliers de Belges de se réconcilier avec leur histoire et de permettre à d’autres milliers d’entre eux de se sentir pleinement citoyen de ce pays ?

La visibilité et l’apport des anciennes colonies belges est également un point sur lequel le symptôme Lumumba révèle le malaise colonial belge. En effet, aucune initiative n’aura fait couler autant d’encre et de salive que de baptiser une place au nom de P. E. L.

Dans d’autre pays comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Italie qui ne sont pas pourtant des creusets du communisme dont Lumumba fut injustement accusé, les infrastructures portant son nom sont légions. Les arguments au niveau communal pour refuser cette requête sont aussi révélateurs : les personnes d’origine africaine utiliseraient cette place pour attiser la violence dans Matonge ! Un stéréotype ici de la propagande coloniale sur l’africain qui ne maitriserait pas assez ces instincts les plus violents. On a parlé aussi du manque de sensualisme et je remercie la Présidente dont le groupe a soutenu la résolution introduite au niveau communal par mon ami Ken Ndyaie qui est ici, parce qu’on a parlé et on a dit que L. n’était pas assez consensuel et la Présidente avait rappelé : moi dans mes études d’agrégation on a parlé d’un certain Charles Woeste qui n’était pas du tout consensuel, qui était détesté par le monde libéral, le monde socialiste, mais il a une effigie, une statue. Est-ce qu’il était consensuel lui ? De nombreux jeunes belges dont certains sont ici présents ont P. L. comme référent historique et politique. Ont-ils tort de soutenir ce projet qui a d’abord émergé dans l’esprit de Antoine Tshitungu et Lucas Catherine et X Ndiaye, impulsé par la suite par un groupe de citoyen poussé par Ph. Buyck, puis porté par plusieurs mouvements citoyens associatifs. 47’48’’

Aujourd’hui notre parlement fédéral a engagé depuis plus de 15 ans, l’une de ses plus importantes procédures afin qu’une injustice historique soit réparée. La commission parlementaire sur la mort de P.L. statuait ceci et je cite : Ni la population congolaise, ni la population belge n’ont exorcisé les démons du passé. Quinze ans plus tard, les réactions violentes sur la Place Lumumba révèle que les démons n’ont pas été exorcisés et que le travail parlementaire n’a pas eu de réel impact sur la société belge.

Les mouvements et associations qui portent le projet de la place Lumumba sont dans une perspective de dialogue et de discussion avec le politique, je veux le rappeler. Après ce premier refus de la commune d’XL, ils gardent toujours cette main tendue en espérant qu’enfin arrive une volonté de faire une petite place à ces 80 ans d’histoire dans la construction mémorielle et historique de notre pays.

Mme la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le crédo enseigné à tous les étudiants en agrégation et j’en fus un, est de formé des élèves futur professeurs dans notre pays, qui deviendront de futur citoyen capable de prendre du recul et de s’extirper de leur condition afin de critiquer notre société dans le but de susciter une prise de conscience positive pour son avancement. C’était l’un des objectifs qui avaient été fixé à nos professeurs.

Comment y parvenir si ces élèves deviennent ignorants de 80 ans de l’histoire de leur pays ?

Je rappelle à cet effet l’étude publiée par le sociologue Nico Hirtz i y a quelques années : un élève sur deux dans l’enseignement professionnel et un sur quatre dans l’enseignement général ne sait pas que le Congo fut une colonie belge ! C’est un scandale !

La jeunesse militante qui se lève pour réclamer une place Lumumba et la systémisation de l’histoire coloniale dans les écoles par exemple ne fait que remplir ce rôle critique après avoir découvert par elle-même cette histoire. Cette génération est celle qui sur ce sujet a le plus engagé de dialogue avec les politiques ou les institutions.

Je termine en disant que nous ne pouvons lutter contre les discriminations, dont parlera Patrick Charlier de l’Egalité des Chances, si ce travail de mise en perspective de l’histoire coloniale par

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rapport à des migrations africaines n’est pas effectué, les stéréotypes, préjugés et amalgames de tout genre de l’époque persisteront, on l’a vu lors du débat à la commune d’XL.

La première génération d’origine africaine baissait la tête, la seconde a affirmé sa citoyenneté et est passée au dialogue.

Mme la Présidente, Mesdames Messieurs les Députés, j’aimerais attirer votre attention sur une menace qui guette notre société. La troisième génération si elle n’est pas entendue ne se posera pas beaucoup de question, elle a cessé de se poser des questions d’ailleurs et elle ne s’éternisera pas dans le dialogue si elle n’est pas écoutée et elle cherchera d’autres moyens pour se faire entendre et le temps du dialogue sera dépassé malheureusement. Il est donc grand temps de réagir   !

Mme la Présidente, Ms et Mrs les D. etc, au nom du Collectif Mémoire coloniale, j’ai dit, et je vous remercie.

51’34’

Patrick Charlier – directeur f.f. du Centre interfédéral pour l'égalité des chances)La mémoire coloniale, les préjugés, les discriminations et leur impact sur les cas de négro phobie .

52’22’’

Merci pour cette invitation……

La semaine passée j’étais à Kigali à l’occasion d’un séminaire sous régional organisé par le Haut-commissariat des Droits de l’homme des Nations-Unies sur le suivi des plans d’actions sur le racisme qui rassemblait toute une série de représentant des droits de l’homme du Burundi, de RDC, du Congo Brazzaville, Tanzanie, et Rwanda évidemment. On a eu à cette occasion de visiter le mémorial du génocide à Kigali et j’ai eu une pensée en visitant ce mémorial pour la matinée d’aujourd’hui, dans la mesure où quand on se trouve dans des endroits comme ceci, on se rend compte combien l’histoire pèse sur la réalité d’aujourd’hui et que le travail de mémoire est indispensable pour pouvoir prévenir et combattre les formes d’exclusions, de discrimination, de ségrégation et dans les cas les plus graves et dramatiques de génocides la nécessité d’une demi-journée d’étude comme aujourd’hui me paraît d’autant plus importante.

Je vais aller vite sur le premier point puisque Kalvin a eu l’occasion de citer la question de l’altérité noire, un travail que nous avons fait en 2011, et simplement dire que si nous avions fait ce travail en 2011, c’est parce que les N-U. avaient déclaré l’année 2011 l’année des personnes d’ascendance africaine et qu’elles voulaient mettre en avant les problèmes de discrimination raciale auxquelles sont confrontées les personnes d’ascendance africaine spécifiquement et à faire avancer l’intégration de ces personnes dans la société, sous tous ses aspects, politiques, économiques, socio-culturels, et à promouvoir un plus grand respect de la diversité de leur patrimoine et de leur culture.

Donc si on parle aujourd’hui de la colonisation belge, c’est un problème, c’est une question qui traverse d’autres états, ce n’est pas uniquement et spécifiquement belge et d’ailleurs quand je parle de la conférence mondiale de Durban, la question des personnes d’ascendance africaine est un des axes central des conclusions de cette conférence.

Je vais vous parler aujourd’hui des discriminations et vous donner les chiffres les plus récents que nous avons pu avoir et que mes collègues ont préparés. Je vais vous donner quelques chiffres de 2014-2015, sur à la fois la discrimination et les discours de haine en essayant de mettre en avant les spécificités des discriminations et les discours de haines dont les personnes d’origine africaine font l’objet par rapport à d’autres groupes, par rapport à d’autres minorités.

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Le premier tableau montre ici sur les dossiers de 2014-2015 et je ne sais pas si vous savez le lire, c’est peut-être un peu petit, le premier quart concerne les discriminations dans les biens et services. Vous voyez 25% là au-dessus, cela veut dire que dans l’ensemble des discriminations strictement raciales, on a une proportion un tout petit peu moindre et donc sur les autres critères la proportion est un petit peu moindre, ce qui veut dire que sur les dossiers que l’on traite, un des problèmes auxquels les personnes d’origine africaine font face, c’est l’axes au logement. Il y a là une spécificité de la difficulté d’accès au logement, je donnerai un exemple plus loin, il y a le stéréotype de la représentation négative de la part des propriétaires, des agences de locations pour les personnes noires, et c’est souvent pour ces personnes-là que c’est le plus marquant. Le deuxième ‘fromage’ concerne l’emploi, le travail et l’emploi et là vous voyez que les personnes d’origine africaine sont un tout petit peu importantes que la moyenne des personnes qui sont sujettes à des discriminations raciales dans ce secteur-là, et quand on parle d’emploi c’est souvent une discrimination à l’embauche, au moment du recrutement que l’on va écarter des personnes d’origine africaine avec le stéréotype négatif que ce sont des personnes qui travaillent peut-être moins, qui ont des difficultés à s’intégrer sur le marché de l’emploi, qui ne sont pas très efficaces, ce sont des choses que l’on entend malheureusement, mais aussi en emploi, ce qu’on constate c’est le problème de harcèlement, les personnes noires sont l’objet d’harcèlements, soi-disant de l’humour pour traiter de manière particulièrement humiliante, des propos qui renvoi – et je n’ai pas besoin de faire de dessins – des choses comme ‘retourne dans ton arbre, et prend tes bananes, des choses de cet ordre-là, des choses extrêmement pénibles, mais c’est la réalité que l’on constate en matière d’emploi.

Par contre les trois autres fromages montrent que les personnes d’origine africaine font mois l’objet de discours de haine sur internet, il y en a, on est quand même à 24% et sur l’ensemble des phénomènes de racisme, c’est le phénomène qui est le plus important, le discours de haine sur tout ce qui se passe sur internet et là il y a une proportion un peu moindre par rapport à d’autres groupes.

Le dernier point que je vais mettre en avant, c’est le problème de police, les relations avec la police et là on voit que si en moyenne les personnes d’origine étrangère font l’objet de 8% des dossiers, cela monte à 11% pour les personnes d’origine africaine, et là il y a donc un problème spécifique et des questions spécifiques qui se posent dans la relation de ces groupes avec les services de polices.

Ça c’est sur le dossier individuel, mais cela permet de bondir et de répondre à l’interpellation qu’on a eu sur la question des discriminations indirectes que moi j’aurais tendance à traduire par des discriminations structurelles, parce que discrimination indirecte cela peut être aussi individuellement en terme juridique et les discriminations structurelle c’est l’organisation qui fait que des groupes soient exclus, sans qu’il y ait d’intention ou un complot ou quoi que ce soit, et l’organisation de notre société fait que l’on est exclu du marché de l’emploi, de certaines filières d’enseignements, de logements etc… De ce point de vue-là, le Centre a publié en 2013 et va publier la deuxième édition au mois de novembre prochain « Le monitoring socio-économique ». Le monitoring socio-économique, qu’est-ce que c’est, c’est la fusion de deux bases de données importantes, bien entendu avec l’accord et toutes les protections de la vie privée, d’une part le registre national de la population, et le registre national permet d’avoir des informations sur la nationalité, sur la nationalité d’origine, sur celle des parents, nationalité ou nationalité d’origine des parents et même pour certains d’entre eux sur les grands-parents, ce qui permet d’avoir une vision des personnes en fonction de leurs origines et pas uniquement en fonction de leur nationalité. On fusionne ce fichier avec la « banque carrefour de la sécurité sociale » qui donne des informations sur toutes les relations qu’on a à l’emploi. Est-ce qu’on a un emploi, oui ou non, si on n’a pas d’emploi dans quel statut se trouve-t-on. Si on a un emploi, est ce que c’est un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Est-ce qu’on est dans le secteur de l’intérim, est ce qu’on a un temps plein ou un temps partiel. Dans quel secteur on travaille, quel est le niveau de salaire etc…

Donc quand on fusionne ces données on ne travaille pas seulement sur un sondage, mais sur 6.000.000 de données, puisqu’il ne s’agit de rassembler les données sur les personnes de 18 à 60 ans, et là qu’est-ce qu’on constate sur les personnes d’origine africaine, parce que quand on fusionne

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ça, on a fait quatorze catégories, il y a les personnes du Maghreb, les personnes belges d’origine belge, les personnes d’origine des quatorze pays de l’union européenne, ceux qui sont arrivés après 2004 etc…

Qu’est-ce qu’on constate pour les personnes d’origine africaine, ce groupe-là, il y a quelque chose de tout à fait singulier, c’est que le taux d’emploi par rapport à d’autres groupes n’est pas spécialement plus mauvais, le taux d’emploi des personnes d’origine sub-saharienne n’est pas spécialement plus mauvais, par contre il y a une singularité liée à l’emploi qui est une très très grande mobilité. On voit par rapport aux autres groupes c’est un groupe de personnes qui changent énormément d’emplois, alors que les autres groupes sont beaucoup plus stables et cela se traduit aussi per le fait que les personnes d’origine sub-saharienne ont recours pendant leur temps de vie professionnelle à l’intérim beaucoup plus que les autres groupes en question.

Je n’en tire pas de conclusions, je ne dis pas que c’est bien ou que c’est mauvais, sauf que l’intérim on sait est une forme de travail où l’on est plus précarisé, on a moins de revenus réguliers et donc on se trouve dans une situation plus précaire en ce qui concerne le revenu professionnel. Là on se trouve avec des informations sur la discrimination structurelle organisée en se disant : on a ces données-là, et il y a peut-être un travail et une attention particulière à avoir pour ce groupe-là dans les politiques qui sont mises en place. 01’02’’44’’’

Je vais poursuivre parce que le temps passe et arriver à l’analyse du discours de haine, «  hate speech ». On voir que dans le discours de haine, au moment où l’on fait une analyse plus qualitative, qu’est ce qui se passe, qu’est ce qui se dit par rapport à ce groupe-là, je vous l’ai dit, proportionnellement il y en a moins que vis-à-vis d’autres groupes, mais il y a une singularité dans le racisme qui s’exprime sur la toile par rapport aux personnes d’origine africaine par rapport aux autres groupes, alors qu’il y a quand on parle d’une forme de racisme vis-à-vis des personnes d’origine maghrébine, d’origine turque, qu’on parle d’antisémitisme ou d’autres formes de racisme, on est plus dans des questions qui relèvent d’un sentiment d’invasion, d’un sentiment de manque d’intégration, de manipulation, d’opposition de valeurs, d’incompatibilité de valeurs, de racisme culturel, et on se retrouve devant des personnes d’origine sub-saharienne face à un racisme de la première génération, à savoir de considérer dans l’expression que l’on voit sur la toile, les personnes d’origine sub-saharienne comme des personnes inférieures, un racisme au sens premier du terme et ça c’est quelque chose qui reste, qui persiste et qui est une singularité et je pense que c’est quelque chose qui indéniablement a à voir avec effectivement notre passé colonial et il y a un travail spécifique à faire pour combattre cette forme de racisme. D’un côté, c’est plus une peur et de l’autre côté on est plus dans une forme de déconsidération et de considérer une infériorité raciale.

En matière de discrimination, j’ai repris cet exemple-là, et ce n’est pas toujours que c’est aussi clairement indiqué, mais j’ai ici un logement qui est mis en vente, en location pardon, et le propriétaire veut une personne seule et si possible pas de noir ! C’est quelque chose qu’on entend parfois, qu’on lit plus rarement, mais c’est la réalité et je voulais juste montrer ça pour illustrer le problème de l’accès au logement.

Je termine avec quelques illustrations de cas de jurisprudence, car si le Centre promeut la conciliation et la recherche de solution extra-judiciaire, ici en 2014-2015, la jurisprudence en matière de racisme qui vise des personnes noires, il y a de la jurisprudence et un amalgame assez singulier mais une réalité, un tram de la côte avec un groupe de jeune qui agresse des passagers noirs, qui commence à faire le salut hitlérien et il y a un mélange d’une forme d’antisémitisme et d’agression vis-à-vis des personnes noires et ils ont été condamné.

Dans un centre récréatif, des incidents se passent, des policiers interviennent et un des policiers est noir, i intervient et se fait agresser et se fait traiter de -vuile zwarte hap- vuile macaque- et des choses comme ça. Donc ici c’est le policier qui est victime, il n’est pas l’auteur. Là il y a eu une condamnation pour racisme.

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Un accident de la circulation entre une voiture conduite par des maghrébins et un chauffeur noir, et là aussi cela a tourné à des injures à caractère raciste, ce qui me permet de dire que le racisme n’est pas l’apanage de la population blanche BBB et que le racisme est quelque chose qui est partagé par tous les groupes et que si on est soi-même victime de racisme on peut parfois être auteur.

En question de logement, on ne veut pas des noirs, ni des non belges, ni des insolvables, là il y a eu condamnation.

Pour conclure je voudrais dire que le changement d’aptitude vis-à-vis des personnes d’origine africaine, la transformation des stéréotypes, positifs et négatifs, parce qu’on se rend compte aussi qu’il y a certains stéréotypes positifs vis-à-vis des personnes noires que l’on ne trouve pas vis-à-vis d’autres groupes de la part de la population majoritaire, mais la formation de ces stéréotypes passera aussi par u regard lucide et l’analyse sans concession de notre passé historique et de notre passé colonial.

Je vous remercie de votre attention.

01’16’’13’’’

Intervention de Mireille Tsheusi Robert, Bayaya asbl

Les conséquences psychosociales des non-dits postcoloniaux sur les jeunes belgo-africains et les stratégies juvéniles de résilience

01’18’’

(Le PPS préparé ne fonctionne pas !) Elle commence sans…

Bonjour à tous, je suis une travailleuse de terrain donc je n’ai pas tout le verbe de toutes les grandes têtes qui sont passées avant moi, et cela fait quinze ans de travail dans l’intimité d’enfants et de jeunes d’origine africaine surtout et les constats dont je vais vous parler sont tirés de ces relations d’intimité avec ses jeunes, où j’ai pu au plus profond de leur être comprendre ce qu’ils ressentaient.

Ces analyses se basent aussi sur une recherche action que l’on a menée avec des « bandes urbaines africaines», appelées ainsi par les médias. C’est un travail sur quatre ans où nous avons pu faire comme le nom l’indique, de la recherche mais aussi de l’action, on a pu interviewer des jeunes sur des points tels que la représentation qu’ils ont de leurs aînés, de la Belgique, d’eux-mêmes, etc…

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Le constat général que j’ai pu inscrire avec ces jeunes-là, c’est qu’il y a une énorme aliénation, notamment culturelle, mais aussi politique par rapport à l’Afrique et aux africains. Donc les contre vérité qu’ils ont pu voir dans les médias et qu’ils ont pu entendre au cours de leur socialisation les a amené à penser parfois comme des européens, ou des belges qui seraient racistes.

C’est très compliqué à comprendre ce que je dis, parce que quand on pose la question aux jeunes que j’ai rencontrés : que pensez-vous des africains ?

Parmi les réponses que j’ai eue, il y en a qui disent que ce sont des gens qui ne savent pas s’organiser, ou , ce sont des gens qui ont un pays sous-développé, ce sont des gens qui ne savent pas se défendre, ils se sont quand même laissé faire pendant la colonisation… Des discours très négatifs qu’ils ont assimilés pendant leur socialisation en Belgique. Je parle bien de jeunes qui pour la plus part sont nés et ont été socialisé en Belgique. Parce que ceux qui sont venus à un âge de 18-20 ans n’ont pas du tout ce discours-là. Donc c’est du produit belge, du made in Belgium.

Les jeunes rencontrés disent aussi que leurs sources d’informations principales ce sont les médias, ils citent par exemple les publicités. Une publicité qu’un jeune m’a cité c’était une publicité Nivéa où l’on voyait un métis avec des cheveux afro, bien surélevés et à un moment donné, ce métis arrache ses cheveux et un slogan sort : recivilisez-vous ! Et par processus d’images, il devient blanc ! Il passe de métis à blanc.

Cette publicité a créé un tollé et a été annulée, mais entre-temps ce sont des images comme ça qui les choquent.

Une autre publicité qui parle du chocolat, où l’on compare le torse d’un homme musclé à du chocolat, Côte d’Or.

Ces contre vérité qu’ils entendent dans les médias, s’accumulent aux dissimulations qu’ils y a dans les livres scolaires et le représentant de « Change » en a bien parlé tout à l’heure et le problème est qu’il y a des choses qu’il aimeraient entendre ou qu’ils aimeraient savoir, par exemple : si Anvers est aujourd’hui la capitale mondiale du diamant, c’est pas parce qu’il y en a dans son sous-sol. Si aujourd’hui Bruxelles est la capitale mondiale du chocolat, ce n’est pas parce qu’il y a du cacao au Bois de la Cambre. Donc ce sont des messages qui sont valorisant et que les jeunes aimeraient entendre.

On leur dépeint l’Afrique comme une terre de guerres ethniques, de guerre intra ethniques etc, mais pas grand monde ne leur dit, comme on l’a souligné, qu’à Herstal il y a une fabrique d’armes et que ces armes se retrouvent en Afrique centrale.

Cette dévalorisation aussi sur le plan politique, parce qu’on leur dit que les présidents africains sont des dictateurs, mais personne ne leur dit que Mobutu pendant sa dictature était amis avec le Roi Baudouin. Vous voyez, des messages incohérents que nos jeunes ne comprennent pas.

Le PPS fonctionne !

Une image montre que le jeune est en état d’aliénation, il se rend compte pendant l’interview (j’en avais la chair de poule) parce qu’il finissait de parler et se rendait compte qu’il parlait comme un belge raciste alors que lui ne l’était pas nécessairement et il se rend compte que la définition qu’il fait au vu de tout ce qu’il a vu et entendu de l’africain qui serait violent etc etc, il se rend compte que cet africain s’est lui et il se trouve dans un mal être psychologique, parce qu’en même temps il a eu foi en tout ce qu’il a entendu de négatif sur les africains et en même temps cet africain-là, c’est lui. Quelle estime de soi peut avoir un jeune dans cette situation.

Alors, à l’adolescence, il fait sa propre expérience du mépris et de la discrimination, il observe aussi les conditions de vie de ces aînés. Quand je parle de ses aînés, c’est bien sûr ceux qui essayent par

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leurs propres moyens de briser le plafond de verre dans le milieu professionnel, qui font des études, il observe où ils en sont dans leur vie, au point de vue matériel déjà, par exemple et souvent ils font la conclusion qu’ils n’en sont pas très loin. Il observe aussi les associations, oui, nous, Collectif, Mémoire coloniale, Change et bien d’autres et il nous observe dans le combat social collectif, et il se demande : mais où ils en sont ces gens ? Par rapport à leurs combats, cela avance ou cela stagne ?

Bien souvent la conclusion est : mais ça ne sert à rien ! Voilà leur conclusion la plus part du temps.

Ces violences symboliques qu’ils vivent donnent un sens à l’adolescence parce que c’est l’âge de raison, ils ont vu des choses, ils ont vécus des choses, mais les contradictions avec ce qu’ils ont cru au début explosent à l’adolescence. Il s’engage dès lors une guerre psychologique dans sa tête, entre ce qu’on dit qu’il est et ce qu’il pense qu’il est, ce qu’il a appris, vu, expérimenté, durant sa socialisation en Belgique, l’informe sur la valeur des africains : un africain cela ne vaut pas grand-chose puisque même s’il a un diplôme on ne lui donne pas le poste. Cela l’informe aussi sur le rôle qu’ils sont sensés occuper dans la société : un rôle de subalterne.

Donc il en fait une synthèse, et j’ai essayé de résumer les trois grands états d’esprit dans lesquels les jeunes finissent par se retrouver :

- Il y en a qui tombe dans la déprime, dans l’angoisse et vous n’avez pas besoin qu’il ouvre la bouche, il vient pour l’entretien et cela transparait de lui. C’est un état général, le jeune n’est pas bien, et certains d’entre eux, je les ai retrouvés en hôpital psychiatrique. Pas tous, mais il y en a qui y sont. Ces jeunes-là, les déprimés, les angoissés sont défaitistes mais n’arrivent pas à exprimer, à expliciter leur mal être. Il le comprenne, il sente ce qui leur pèse, mais ne savent pas le partager.

- Il y a ceux qui sont dans le déni, le relativisme : mais non, chacun peut réussir, il suffit de travailler dur, il n’y a pas tant de chômage que ça dans la communauté, il n’y a pas tant de racisme que ça chez les belges. Il relativise, mais quand vous l’interviewer, vous vous rendez compte qu’il parle au fur et à mesure d’expérience de racisme, alors qu’au début il a dit qu’il n’y avait pas tellement de racisme, mais sa vie en est jalonnée.

- Et puis il y a le résilient, mon travail, je suis éducatrice et j’ai l’habitude de me définir comme un tuteur ou une tutrice de résilience, mon travail est de faire que les jeunes angoissés, déprimés ou qui sont dans le déni, deviennent des jeunes résilients.

Une petite définition de la résilience : c’est un terme que l’on a emprunté à la physique métallurgique, c’est la capacité d’un matériau à retrouver son état initial à la suite d’un choc ou d’une pression continue. On peut simplifier en pensant à un élastique, on tire, il revient, on tire, il revient, sauf que si on tire très fort et très longtemps, il perd de son élasticité.

Boris Syrulnik qui est un des grands prêtres de cette théorie dit que la résilience c’est l’art de naviguer dans les torrents.

Donc la résilience c’est : comment le jeune après un choc traumatique, où il vit des expériences trop négatives arrive à passer outre pour continuer sa vie comme il l’aurait voulu ou en s’adaptant. Mais la résilience c’est aussi la capacité à vivre sa vie pendant le trauma, pendant qu’il est sous pression. Et tant qu’il ne sort pas de la Belgique, les jeunes sont sous pression. Donc il doit s’adapter, il doit être résilient et mon métier c’est d’apprendre à devenir résilient, sauf que ces derniers années c’est devenu très fatigant. Je suis fatiguée de mettre des rustines, de leur apprendre à nager, ou à marcher entre les gouttes, surtout qu’au niveau associatif où nous sommes, nous sommes tout le temps butés à des problèmes idéologiques, des problèmes politiques ou de budget etc… ce qui ne nous permet pas de mener à bien notre travail. Alors on s’est dit : on va prolonger, on va aller plus vite dans notre

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processus que l’on pense, pour que la résilience de ces jeunes qui aujourd’hui on déjà trente ans que l’on a connu il y a quinze ans aille plus vite, parce qu’ils perdent leur vie.

La première étape : on ne peut pas être résilient sans désaliénation. J’ai fait des ateliers sur la beauté africaine, sur les produits éclaircissant, sur les défrisant pour cheveux et je l’avoue, à chaque fois cela s’est très mal passé. Ça s’est très mal passé parce qu’il est difficile pour les jeunes d’accepter que quelque part ils se sont fait avoir, que quelque part il y a une aliénation culturelle, c’est difficile à accepter et ils mettent en avant que peut être ce n’est pas pour ressembler « au blanc », mais juste qu’on aimerait changer de style etc…sauf que c’est toujours le même style. Chaque fois ces ateliers-là se sont extrêmement mal passés et j’ai décidé de les arrêter parce que cela leur faisait mal et que ce n’est pas du tout mon objectif.

Par contre, ce qu’on a fait, ce que nous faisons, (montre des photos) sur la première, qui retient son masque, qu’on pourrait appeler son masque d’aliénation, elle le retient mais il s’effrite malgré elle. Il y en a beaucoup qui sont dans ce cas-là, qui n’aimeraient pas bouger, qui n’aimeraient pas changer d’idée sur l’Afrique et les africains.

Pourquoi ? Parce que c’est rassurant, c’est ce qu’on a toujours connu. De la même manière qu’il y en a qui diront : je ne vais pas voter pour un noir, pas question ! Il n’en est pas question.

Quand on lui demande pourquoi, il dit que si on vote pour lui et qu’il devient ministre de la justice ? Est-ce qu’il va pouvoir gérer ça ?

Que ce soit l’idéologie ou le Belge lui-même, il y a quelque chose de rassurant. Je ne dis pas que toute l’idéologie belge est basée sur la dévalorisation des africains, mais c’est ce qu’ils ont connu de manière diffuse et c’est quelque chose de rassurant parce qu’ils la connaissent depuis l’enfance, et il y en a même qui n’ont rien connu d’autre, nés à Ixelles, scolarisés à Schaerbeek et passant son temps à Saint Jos, donc voilà, c’est très rassurant tout cela.

Nous avons créé un projet, Mukamba. : Kamba est une terre spirituelle au Congo.

Nous avons fait un projet qui s’appelle Sinda safari. Sinda veut dire : racine, et safari veut dire voyage en kikongo-swahili, retour aux sources.

C’est un projet de résilience parce qu’il permet au jeune de se décentrer, on ne peut pas sortir de l’aliénation sans se décentrer d’abord, sortir de la Belgique, voir autre chose, voir qu’il y a d’autres endroits où le fait d’être noir ne donne pas tout de suite le fait d’une dévalorisation. Voir qu’ailleurs on peut avoir un autre rôle que celui d’un subalterne. Ils doivent le vivre, ils doivent le voir, sentir qu’un autre monde est possible, (phrase des inters mondialistes). Et quand ils le vivent, on a fait un premier voyage cet été, avec un groupe témoin, c’était un test, un test de jeunes, et ils y sont allés bien sûr pour faire un retour aux sources et travailler sur la question de l’identité tel que la bien mentionné « Change », mais ils y sont allés aussi pour les affaires, pour l’emploi. Donc ces jeunes qui ont eu des bourses belges parfois, (il y a une fuite de cerveau là. Ces jeunes qui ont étudié ici ne trouvent pas d’emplois et nous rebelles que nous sommes nous les amenons au Congo pour qu’ils puissent développer des affaires.

On a amené un groupe de jeune qui va ouvrir une imprimerie, ils préfèrent travailler avec des chinois qu’avec des belges, ce n’est pas sous notre conseil.

Il y a un groupe de jeune qui s’investi dans un projet informatique et après le voyage il a eu une proposition d’un marché avec le pouvoir politique en place pour développer un réseau informatique sur place.

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Je ne vais pas citer tous les exemples, mais il y a des jeunes qui vont s’investir au Congo, qui ont commencé avant ce projet et ce projet s’inscrit dans une dynamique générale et l’ambassade du Congo a déjà fait un voyage dans ce sens.

J’ai en tête et je terminerai bientôt par-là, l’exemple d’un jeune qui est allé au Congo dans le même cadre du même projet, pour ouvrir un petit café, un salon de thé plus précisément, et autour de quoi ? Autour du chocolat belge ! A Kinshasa ! Et il a décroché un contrat d’exclusivité avec Léonidas. Un contrat d’exclusivité sur tout le Congo avec Léonidas.

Ce jeune traînait ici, il tonnait les immeubles comme on dit quand on s’appuie sur le coin, on a été le chercher dans un groupe de jeune violent et aujourd’hui il est patron d’un salon de thé certifié par Léonidas.

Alors, aurai-ce été possible ici ? Je ne veux pas dire non, je garde de l’espoir, mais personnellement je ne peux plus regarder un jeune africain en face, et lui dire : va à l’école, fais tout bien comme on te dit, et tu auras un emploi et tu seras respecté. Je ne peux plus le faire, ce serait de la malhonnêteté. Tout ce que je peux lui dire c’est prend ton diplôme, c’est déjà une chose et après, le monde est vaste !

Merci de votre attention.

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Projection d’un extrait du court métrage de Monique Phoba : Sœur Oyo

01’38’’22’’’

Soeur OyoMonique Phoba MBEKAwww.facebook.com/soeur.oyo

Pays Concerné : République démocratique du Congo

Réalisateur : Monique Phoba MBEKA

Pays du réalisateur : Belgique, République démocratique du Congo

Durée : 23'

Genre : historique

Type : fiction

Format de Distribution (HD)

Dans le Congo colonial des années 50, une écolière congolaise, Godelive, vit dans le pensionnat catholique de Mbanza-Mboma, première école en français pour congolaises. Elle s'occidentalise, suivant le souhait de ses parents, mais, le souvenir de sa grand-mère s’interpose...

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Un film de Monique Phoba

Court métrage, fiction, 2014, 23min40s, HD

Intervention de Monique Phoba.

Monique MBEKA Phoba est née en 1962 à Bruxelles.Fille de diplomate, elle ne va au Congo qu'à l'occasion des vacances scolaires. Elle s'installe en Belgique à seize ans quand son père renonce à ses fonctions.

Je voulais me présenter à travers ce film, je suis une des rares personnes représentantes de l’audio-visuel et nous savons tous à quel point au niveau de la médiatisation, l’opinion publique dans une société, l’image est importante, et cette image bien souvent nous est confisquée et que nous avons les soucis de dépréciations que nous connaissons, parce que, que ce soit dans les témoignages ou certains documentaires, effectivement ce n’est pas toujours le meilleur côté et nos points de vues qui passe, alors en faisant ce métier de réalisatrice, j’ai évidemment une énorme responsabilité et d’autant plus qu’il n’y n a pas beaucoup comme moi et c’est excessivement dommage et quand bien même il y en a on nous donne très peu souvent l’opportunité d’être visible dans les gros médias, que ce soit dans les cinémas ou à la télévision et c’est un travail énorme qui est à faire et que je tente de faire à mon niveau et en me concentrant dans mon dernier film sur le sujet de la colonisation.

Pourquoi je me suis concentrée sur la colonisation, parce que je me suis dit qu’il y a très peu d’opportunité pour que nous fassions des films et au lieu de me disperser à faire des choses que d’autres pourraient faire, je vais faire quelque chose qui convient à la situation psychologique que j’ai, d’être une personne de 53 ans et donc d’avoir accès à une histoire, auquel d’autres personnes plus jeunes que moi qui sont dans ce métier n’auraient pas nécessairement accès et de plus n’aurait pas l’idée de se lancer. Je suis effectivement quelqu’un né en 1962, c'est-à-dire deux ans après l’indépendance et évidemment par cette situation-là, de ma vie et de mon âge, j’ai accès à cette histoire, par mes parents et mes grands-parents que j’ai eu la chance de connaître et je crois que ce bout d’extrait que vous avez vu me situe totalement, situe aussi bien la situation de ma mère et le modèle de cette petite fille, mais me situe totalement dans le sens où j’ai été une petite fille agressée, harcelée de fait de grandir, de vivre dans les institutions éducatives d’aujourd’hui, qui n’ont à mon avis pas changés en 30 ans.

C’était important pour moi de faire ce passage-là, parce que très souvent la jeune génération c’est très différent semble-t-il. Pour moi, il n’y a rien qui a bougé, il n’y a rien qui a changé.

Je me suis beaucoup reconnue dans le speech que vient de faire la très talentueuse Mireille Tsheusi et même compris beaucoup de chose par rapport à moi-même, et je suis effectivement une activiste de cette question de la résilience. J’ai eu sans arrêt à devoir me protéger d’agressions continuelles contre mon identité, contre ma culture, contre mon intégrité psychique et j’ai pu me battre grâce au cinéma, raison pour laquelle je peux revendiquer un bilan d’une dizaine de film à ce jour.

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Mais ce que je voudrais dire, c’est que même si vous faites des films, si vous n’avez pas accès à certaines institutions, je voudrais citer par exemple : la cinémathèque qui est quand même le musée du cinéma qui a la mission de diffusion de l’image et de l’éclaircissement de l’histoire et des mouvements sociaux qui est extrêmement important, il n’y a pas moyen d’avoir accès à la cinémathèque, les films qui sont montrés la plupart du temps sont des films coloniaux. Aujourd’hui, il y a eu récemment un cinquantenaire, nous avons à nouveau eu la rétrospective de films coloniaux, fait dans un esprit de propagande, faits par des coloniaux de l’époque. C’est extraordinaire qu’il n’y a pas moyen d’avoir accès à cette institution de la cinémathèque.

Deuxièmement, nous avons par exemple la RTBF, je parlais du cinquantenaire, au moment du cinquantenaire du Congo, il y a eu énormément de places données à des reportages et des documentaires sur le Congo, pas moyen qu’il y ait un Congolais ou un originaire du Congo à pouvoir avoir accès à un moment où il y avait une énorme visibilité pour ce pays, pas moyen d’y avoir accès. Il y avait deux Belges qui ont fait des films intéressant, mais c’est quand même stupéfiant qu’à une telle occasion qu’encore aujourd’hui il est impossible de faire passer d’autres discours.

Troisièmement, il y a le festival du film international de Namur qui se passe actuellement, je vous assure que j’ai fait des pieds et des mains pour que ce film que vous venez de voir puisse passer, impossible qu’il passe, alors que les critères qui étaient donnés me sont appliqués, c'est-à-dire qu’i faut avoir un film financé par la Fédération Wallonie Bruxelles, par la une institution télévisuelle, la RTBF a financé mon film, la direction Wallonie-Bruxelles à subventionné mon film, même la Communauté ce film et il a été dans plusieurs films francophones de par le monde, sauf ici en Belgique. Donc ce combat, il est permanent, perpétuel, épuisant et je tenais à en témoigné aujourd’hui.

Je crois que je vais peut-être redire ce que tout le monde a dit, donc je ne vais pas m’éterniser parce que nous avons pris du retard et je vais répondre à la demande de Z.G. qui avait envie que je vous fasse lecture d’un de mes textes de poésie et celui-ci s’appelle : Histoire d’ancêtres. Histoire d’ancêtres c’est pour vous dire, comme elle l’a dit, que le fait d’avoir eu la connexion à mon histoire familiale, d’avoir pu aller au Congo, d’avoir fréquenté mes ascendants a été extrêmement fort pour me protéger des agressions que je vous ai suffisamment décrites.

Voici le texte : Histoire d’ancêtres.

Je suis dans l'enfoncement de moi. Comme l'arbre, ma paume caresse le temps. Et à l'équerre des continents, Je prends le vent.

Les signes passent, Les souffles contredisent mon élan. Ce que l'ancêtre au fond de moi suggère Prend du temps.

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Ces corps qui franchissent la barrière Et viennent se repaître d'images, Ces airs d'autres qui viennent Sur les visages des miens, Ces pas qui recomposent la mine Et la stature de quelqu'un, Moi seule les sens.

Car je suis à l'équerre du temps, Au centre des jaillissements, Voix de l'être en déshérence Et toujours présent.

Merci.

Zoé Genot, remercie et dit que le but de cette matinée est aussi d’avoir un dialogue, et entre autre avec les collèges députés, nous avons été rejoints par Pierre Kompany et Youssef Amisi et l’importance est d’avoir un débat dans cet hémicycle et pas ailleurs…etc…

Question de Zoé Genot : ce qui est très difficile quand on parle de mémoire coloniale, c’est cette question qui est une vraie question, c’est : faut-il réécrire l’histoire ? De façon générale, l’histoire coloniale, faut-il réécrire l’histoire ? C’est intéressant parce qu’on a souvent ce débat. On a parlé par exemple de la Place Lumumba ou de Charles Woeste, et c’est vrai qu’on a partout dans la ville des témoignages de notre histoire coloniale, coloniale ou non, qui si on les réécrit avec ce que l’on a dit, avec nos valeurs contemporaines ne sont pas supportables. C’est vrai que le personnage de Charles Woeste n’est pas le personnage le plus consensuel et le plus sympathique que notre histoire de Belgique ait créé. Mais juste un peu plus loin, si vous avez la place du Luxembourg, vous avez Cockerill, et sur le socle de John Cockerill on voit le père de la nation, le père du peuple… John Cockerill n’était pas exactement un Ernest Solvay qui s’est battu pour introduire les congés payés ou la limitation du temps de travail. Mais cela fait partie d’une conception de la Belgique qui n’est pas celle de nos valeurs contemporaines. Pour autant, et c’est une belle question, pour autant faudrait-il enlever toutes les statues, noms de rues, la rue des colonies, etc, qui émaillent notre paysage politique. Je parle de cela ici parce que c’est ça que l’on fait ici dans un parlement Bruxellois. C’est ça ce travail de mémoire et qui est constitutif, comme vous le disiez, qui ne doit pas être vécu comme une fragilité, comme une fragilité identitaire de la Belgique et qui pourrait mettre à mal le ciment sociétaire de la Belgique, mais qui au contraire est le socle de notre histoire. On a eu ce débat à L’horloge du Sud, c’est le débat autour de Tintin, et c’est une question ouverte : est-ce qu’il fut « élevé » Tintin au Congo » ou le contextualiser et avoir avant chaque édition une contextualisation ?

C’est un beau débat pour nous et qui a ses répercussions sur les manuels scolaires et la façon dont on enseigne notre histoire et pour moi c’est quelque chose qui me passionne et je suis passionnée par cette histoire coloniale et en particulier par ex. au moment de la Conférence de Berlin, 1884-1885, où des messieurs en frac, à l’invitation de Bismarck se partagent une carte, la carte de l’Afrique, mais au fond si je peux le dire, Léopold II ne s’empare pas de ce territoire, on le lui donne. On le lui donne alors qu’il n’est pas autour

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de la table. La Belgique n’est pas autour de la table puisqu’elle n’est même pas une grande puissance. Et les grandes puissances lui donne à ce grand, et je le dis sans ironie, à ce grand personnage qui lutte contre l’esclavagisme à ce moment-là. Et vous l’avez bien dit en tout premier il y a un mouvement anglo-saxon de la lutte antiesclavagisme et ce n’est que grâce à ces mêmes anglo-saxons que l’on se rend compte très peu de d’années après, très peu de d’années, que la lutte antiesclavagisme rejoint tout à fait et c’est parfois même pire, rejoint le colonialisme.

Mais comme quoi, fait intéressant d’entendre l’histoire, que l’on a la Conférence de Bruxelles, 1878, tous des gens qui pensent qu’ils sont des grands civilisateurs de l’humanité, et puis la Conférence de Berlin, on va introduire la civilisation et combattre l’esclavagisme qui était mené de front par les Portugais, c’était cette grande période-là et on se dit que c’est en connaissant l’histoire vraiment pas à pas qu’on se rend compte que l’on doit pouvoir mettre les bons mots et que par exemple les gens aient compris « trop tard » » que la colonisation en mettant sous le couvert de l’antiesclavagisme qui a mené à des exactions qui étaient semblables ou similaires ou qui pouvaient être parfois même pires. 02/03/48

Je trouve cela vraiment fort intéressant de voir combien l’histoire peut s’écrire, peut se tromper et de connaître exactement ces passages de notre histoire qui font que, je ne sais pas si on peut ne pas les répéter, mais en tous cas travailler sur la résilience de ceux qui se fondent sur cette histoire et ne pas se tromper, mais on voit partout que l’on continue à se tromper, mais en tous cas travailler sur la résilience.

Et voilà pourquoi la place Lumumba, place Lumumba, la place Charles Woeste, Cockerill, c’est aussi le long des étangs d’XL, je reste dans ma commune, une statue à la mémoire du colonialisme et tout cela est questionnant, je ne sais pas s’il faut les abattre ou s’il faut les contextualiser, voilà. C’est une belle question qui concerne aussi bien les historiens, les artistes que les politiques et que nous ici.

Est-ce que certains de mes collègues veulent prendre la parole ?

Béa Dialo, député PS.

Échevin à IxellesSes domaines d’action à la commune sont  prioritairement l’emploi et particulièrement l’emploi

des jeunes, la lutte contre toutes les inégalités et discriminations, le sport comme outil

d’accrochage et d’insertion, et tous les domaines qui touchent à la jeunesse.

M. la Présidente, Ms. et Mrs. Les députés, chers amis, la colonisation est une question qui est tabou depuis des années, des questions que l’on n’ose jamais aborder, moi je suis né au Libéria, pays qui a été fondé par une société philanthropique américaine de colonisation. C’est à l’âge de cinq ans que j’arrive à Paris. Ouaw  le choc ! Des blancs partout, je ne croise plus de noirs, si, de temps en temps, et je découvre le mot communauté, les blancs, les blacks, les beurs, les chintocs, et j’entends pour la première fois le mot « nègre ». Qu’est-ce que c’est qu’un nègre, je ne le sais pas. Je suis noir de

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peau, je suis é dans un pays autrefois sous le joug d’une puissance américaine et je ne sais pas.

Quand j’étais effectivement à l’école mes professeurs changeaient leur enseignement sur le colonialisme, le colonialisme changeait avec eux, certains passaient la période sous silence. J’ai eu un jour le malheur de contredire un de mes professeurs et j’ai eu droit à ces mots d’une violence rare : vous les noirs, les arabes, vous venez chez nous, on vous donne à manger, on vous permet d’apprendre à lire et à écrire, pan, pan, pas le temps de finir la phrase, pas le temps de finir sa phrase ! Je découvre alors la violence, la révolte, le racisme, oui, mon meilleur ami venait de se faire tabasser par des skins, pourquoi ? Parce qu’il fréquentait des noirs. Il s’est retrouvé paralysé à l’âge de 11 ans, avec un œil en moins. Je ne peux plus m’exprimer. Mon seul mode d’expression est la violence. Violence, violence, violence !

J’ai la chance d’arriver en Belgique à l’âge de 14 ans, je découvre la boxe, je lis Gandhi, Martin Luther King, Aimé Césaire, Léopold Cedar Senghor. Je découvre que je ne suis pas moi l’homme de couleur quand Léopold Senghor dit : quand je suis né j’étais noir, quand j’ai grandi j’étais noir, quand j’ai peur je suis noir, quand je vais au soleil je suis noir, quand je suis malade je suis noir. Quand tu es né tu étais rose, quand tu as grandi tu es devenu blanc, quand tu vas au soleil tu deviens rouge, quand tu as froid tu deviens bleu, quand tu as peur tu deviens vert, quand tu es malade tu deviens jaune. Et après tout cela tu oses encore m’appeler « homme de couleur » !

Ce jour-là je change et effectivement je n’ai plus ce complexe, je suis un homme de couleur. Quand j’étais à l’école, comme je vous l’ai dit, mes professeurs changeaient et changeaient souvent, mais à l’école l’histoire ne change pas en Belgique, même si on avait droit à une opinion plus tranchée et plus exotique. L’impérialisme est le stade suprême du développement du capitalisme et dans les pays avancés le capital a débordé le cadre des états nationaux et substitue le monopole à la concurrence en créant toutes les prémices à la réalisation du socialisme. Ce furent les paroles de Lénine, son analyse était-elle erronée ? Non assurément, doit-on lui donner raison quand il minimise et dénigre même le droit des nations à disposer d’elle-même, non assurément. Suis-je pour autant plus avancé sur ma question de départ ? Non assurément.

1958, le Général de Gaule propose à la Guinée d’adhérer à la Communauté et métropole français, et il dit cette phrase, fameuse phrase : On a parlé d’indépendance, je dis ici tout haut que l’indépendance est à la disposition de la Guinée. Elle peut la prendre le 28 septembre en disant non à la proposition qui lui est faite, et dans ce cas, je garantis que la métropole n’y fera pas d’obstacle. Elle en tirera bien sûr toutes les conséquences, mais d’obstacles elle n’en fera pas. Votre territoire pourra comme il le voudra et dans les conditions qu’il voudra suivre la route qu’il voudra. Et Sékou Touré répond, nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage. Et nous sommes toujours dans la pauvreté, et les conséquences on les subi.

1960, Lumumba, 30 juin, dit une phrase qui me marque : qui oubliera qu’aux noirs on disait « tu », certes comme un ami, pas comme un ami, mais parce que le vous honorable était réservé aux seuls blancs… La suite on la connaît.

Comment s’inscrire dans une logique de devoir de mémoire alors qu’on ne sait pas ce dont il faut se rappeler. Les enfants qui vont aujourd’hui à l’école savent-ils mieux ce

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qu’était le colonialisme, je le veux, nous le voulons tous, mais sommes nous les mieux placés pour leurs transmettre ce savoir ? Oui et non à la fois. Oui, parce que nous sommes leurs aînés, oui parce qu’ils n’ont que nous comme parents et comme instituteurs, mais non, parce que nous sommes en la matière un piètre exemple à suivre.

Devons-nous cependant nous cacher derrière le paravent de notre méconnaissance ou de notre ignorance ? Non et mille fois non !

On ne peut plus attendre plus longtemps, feindre qu’il ne s’est passé et espérer que bientôt il ne reste plus personne pour témoigner de l’époque coloniale, que plus personne ne se rappelle ce qu’est être un nègre !

Etre un nègre n’est pas une insulte, ou plutôt est pas seulement ça. C’est un état d’esprit, une condition, un métier même. C’est de vivre dans l’humiliation, dans la soumission à des maîtres et dans la peur permanente à des gens civilisés qui s’instituent en Dieux, libres de faire et de défaire des mondes. C’est côtoyer le pouvoir et la richesse, mais sans pouvoir les palper, y goûter et en profiter.

C’est être un acteur passif et subissant malgré lui l’injustice permanente, humiliations, réprimandes coups. Je ne suis pas venu ici pour paraphraser l’ouvre de Franz Fanon «  Les damnés de la terre » des enseignements doivent cependant en être retirés. F. Fanon écrivait que la grande confrontation ne pourra être définitivement reportée. Mais quelle confrontation ? S’agit-il de la guerre qui d’après Machiavel ne peut être évitée, mais juste retardée qu’à l’avantage de l’ennemi, non, il s’agit aujourd’hui de la confrontation avec ce que nous sommes tous. Nous avons été portés à cette noble magistrature qu’est l’appartenance à l’assemblée législative bruxelloise, par les citoyens bruxellois. Eux, moi, nous tous, nous sommes des « ketjes », des « zinnekes » de Bruxelles, et nous en sommes fiers. Notre corps institutionnel est une émanation de la nation, celle-ci ne peut pas être déshonorée par l’oubli volontaire et coupable et c’est au nom de la nation que des étendards noirs jaunes rouges ont été plantés dans les terres d’Afrique, que des roches ont été creusées et exploitées. C’est en son nom que ses indigènes ont souffert et versé leur sang, c’est un son nom que des indigènes sont devenus des nègres. Par respect pour la nation et tout ce que la Belgique représente pour nous, nous ne pouvons pas nous mentir, nous ne pouvons pas continuer à nous permettre de nous complaire dans le confort médiocre et l’amnésie collective, la lâcheté même, nous ne pouvons pas oublier.

Aujourd’hui il ne saurait-être question de rapports coloniaux, de paternalisme et d’oncles.

Peut-être me trouverez-vous vieux jeux, mais je crois sincèrement à l’internationalisme et à l’amitié entre les peuples, les rapports ne peuvent être que d’égal à égal, dans le respect et fondé sur la vérité. Peut-être que tous et toutes ici présents n’adhèrent pas au socialisme et à ses idéaux éternels comme moi, mais je crois, visent le bien commun belge et bruxellois. Si personne ici ne porte la responsabilité personnelle pour la souffrance des tortures et des morts du colonialisme, tous revendique de la Belgique et de Bruxelles pour le meilleur comme pour le pire.

On doit donc à la Belgique et ses habitants et tous ce qu’elle représente pour nous, de nous rappeler du mal et de l’injustice qu’elle a jadis causé en son nom.

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On doit aussi le dire tout haut et le répéter aux plus jeunes, la véritable réconciliation ne peut s’appuyer que sur la vérité et la connaissance des responsabilités. Osons donc prendre la peine d’apprendre, de lire ou d’écouter ce que les historiens peuvent nous apprendre. Nous même en tant que Belges et Bruxellois, osons nous regarder dans le miroir, il n’y aura comme cela que nous saurons ce que nous sommes, ce que nous avons été, ce que nous voulons être, mais également ce que nous ne voulons pas être dans l’avenir.

Je conclurai par une citation de Churchill qui disait : Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revenir.

Merci.

2’15’’51’’’

Fabian Maingain. Député FDF.

Excusez Fatoumata qui a du s’absenter et la remplacer au pied levé pour m’adresser à vous, je vais essayer d’être le plus bref possible.

Il est vrai que la présence belge au Congo c’est presque un siècle d’histoire et que la Belgique et le Congo ont une histoire partagée. La Belgique doit affronter son passé colonial, passé qui est encore tabou et qui laisse encore des empreintes douloureuses sur le présent et je crois que la matinée aujourd’hui l’a plus que démontré.

Ce travail que doit faire la Belgique, elle doit le faire pour une raison très simple, ce devoir de mémoire, c’est d’abord et avant tout, permettre à notre jeunesse, à tous ceux qui font vivre aujourd’hui notre pays d’avoir la clé de la compréhension de leur place, de leur avenir, de là où il viennent et où-est-ce qu’ils veulent aller.

Ce devoir de mémoire c’est effectivement un enjeu sociétal, dans une Europe, ce vieux continent comme le reste du monde le voit, qui cherche sa place plus que jamais. Ce devoir de mémoire c’est aussi permettre à tous de comprendre le monde, comprendre qui nous sommes dans ce monde et ce parcours individuel on doit le construire dans cette mémoire qui n’est pas qu’individuel, mais collective. Et c’est pour ça que ce devoir de mémoire est aussi important.

Il y a donc un travail de mémoire à faire, il faut donc reconnaître et commémorer le passé colonial, enseigner l’histoire coloniale dans nos écoles et permettre aussi les liens avec les questions de migrations et les luttes contre les discriminations. La connaissance passe par la visibilité et nous avons le débat et nous devons continuer à le porter dans tous les échelons dans lequel nous sommes présents, mais c’est vrai qu’il passe par la visibilité dans les espaces publics. L’enseignement, c’est et ce sera, et cela ne peut être que la clé, c’est là que tout se joue. Donc l’enseignement des colonisations en général mais aussi l’histoire de l’immigration c’est l’enjeu de nos sociétés multiculturelles, l’enjeu de la grande majorité des élèves qui ignore que le Congo a été colonisé par la Belgique. C’est véritablement là que nous gagnerons sur le devoir de mémoire.

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Enfin sur la citoyenneté et la lutte contre la discrimination, c’est vrai que nous avons un engagement profond au quotidien à essayer de lutter contre ces discriminations, avec les actions de Didier Gosuin en tant que Min. de l’économie et de l’emploi en région bruxelloise, mais aussi avec l’ensemble des interpellations et Fatoumata interpellait encore récemment sur la création d’un musée de l’immigration. C’est vrai que c’est à tout le personnel politique, dans l’ensemble des partis, dans l’ensemble des origines et des cultures, dominer ce qu’on voit au quotidien, chacun à notre niveau de pouvoir, pour justement permettre ce travail de mémoire à travers tout l’arsenal qu’offre la poitique.

Je vous remercie.

2’19’’38’’’

Pierre Kompany. CdH.

Enorme, Madame la Présidente et merci d’avoir permis qu’un tel évènement ait lieu ici. Zoé, je sais qu’on a une note de sympathie assez particulière pour toi, tu es franche directe, comme notre boxeur qui est passé par ici, charmant, les pieds sur terre ; même quand les mains sont hors des gants, il est capable de livrer la leçon.

Le jeune Maingain, appréciable, quand les jeunes ont le courage de parler, de se parler, c’est un pas en avant. It’s change, voyez les jeunes, vous êtes jeunes. Tous ceux qui ont parlé ici à art Mme la professeur dont je n’ai pas eu la chance d’écouter, mais on m’a fait un résumé, parlant de beaucoup de bien de vous et de ce que vous avez dit, je crois que le moment est réellement venu pour qu’on puisse se dire à haute voix ce que souvent on n’ose pas.

Pour ceux qui sont intervenu ici, pour les associations et notre cinéaste, qui quand je pense souvent, je me dis, je n’avais pas tort dans ma jeunesse et jusqu’aujourd’hui je me dis : les gens qui veulent parler des femmes, qu’ils laissent parler les femmes. Moi je n’ai pas eu une fille pour que les hommes décident de ce qu’elle fera, encore moins d’une coutume qui a l’avantage de l’homme, voilà notre cinéaste. Je vous dirais quand même que vous êtes en marche, l’histoire est en marche.

Il y a 20 ans, 30 ans, 40 ans, je m’arrête à 40 ans, parce qu’au mois de novembre, j’ai 40 ans dans ce pays, face à la loi, face à tous les combats, et dans ce pays, des clowns m’ont mis des menottes, parce que j’avais l’ordre de quitter le pays. Et ces clowns ils étaient cachés dans un petit commissariat. Je n’ai pas voulu soulever le problème, parce qu’il y avait le quartier avec moi. J’animais un quartier grâce au sport, cette fois-là c’était le passage du football, moi-même j’ai joué au football à un très haut niveau, pour les africains ici, j’ai joué au TP Mazembe, avant-centre et ailier-droit. J’ai arrêté pour les études et la politique. La politique, oui…

La démocratie nous permet de parler comme vous parlez aujourd’hui de dire ce que vous dites aujourd’hui. Mais cette politique on l’a commencé quand on avait 18 ans, mais un jour j’ai perdu treize mois et quinze jours de ma jeunesse après avoir été fouetté, après avoir été malmené, je n’étais pas seul, parce qu’on a dit non. Voilà que vous vous pouvez dire non, vous pouvez dire le colonialiste, il n’avait pas raison. J’ai vu la réaction quand Julie a dit qu’à Léopold II on a offert… Oui c’est une vérité,

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et cette vérité nous la vivons jusqu’aujourd’hui. Vous allez la retrouver où, regardez les anglais, regardez les français, ils se regardent tous les deux à travers le Congo. Les Français ont perdu le Congo, les Anglais ont perdu le Congo, et quand deux éléphants se battent, qu’est-ce qu’on fait, on laisse ça. Malheureusement pour eux, c’était un jeu avec foulard bandant les yeux, parce que c’est après qu’ils réaliseront que le Congo, et ça j’ai eu une chance face aux jeunes congolais médecins ou autres, à cause d’un débat sur l’hydraulique, et j’étais l’orateur ce jour-là du Congo, j’ai eu la chance de réaliser, réellement que les deux qui n’ont pas partagé le Congo entre eux deux et donné à Léopold un tout petit morceau, c’étaient complètement planté, ils ont donné une assiette complète à la Belgique. Mais pour les Congolais, j’aimerais quand même vous dire, que le Congo, les guerres et autres, préparez-vous à les éviter, vous les aurez même pour vos os. Est-ce que vous savez que le Congo est une assiette, et cette assiette c’est une cuvette énorme. Et comme par hasard, autour de cette cuvette, si vous tournez, c’est ce que j’ai appris à l’école primaire mais aux humanités surtout, si vous tournez dans le sens anti horlogique, de cette assiette qu’est le Congo, vous allez être surpris ? C’est presque tous les minerais du monde qui se retrouvent là.

Vous passez le Katanga, vous avez le cuivre, l’uranium qui a permis d’arrêter la guerre 40-45, vous remontez vers le coltan, vous remontez vers l’or, et aujourd’hui on vous dit : il y a du pétrole par ici, il y a ceci par-là, oui, par satellite, et beaucoup en savent peut-être plus que d’autres, ce n’est pas fini… De combien de lacs le Congo regorge ? Est-ce que vous savez que l’eau du Congo nourrit la mer Méditerranée ? Est-ce que vous savez que l’eau du Congo nourrit l’océan Indien ?

Reprenez ces histoires, reprenez votre géographie. Nous avons le lac Tanganyika, l’un des plus grand lacs au monde, nous avons le lac Kivu, vous pouvez compter toute la chaîne, la série des grands lacs. Le Nil, si demain au Congo nous décidons de modifier les cours d’eau, les Egyptiens viendront très vite nous parler, parce que le Nil prend aussi sa source au Congo.

Maintenant je sais que c’est la mémoire de la colonie, c’est vrai, mais je voudrais vous rappeler simplement, que déjà, les Congolais, soyez unis. On a parlé des tribus, on a parlé des guerres ethniques, mais moi souvent je balaye ça d’une main. Je dis simplement, oui, quel est le monde ou il n’y a pas de localité ? Une tribu se trouvait là, c’est une localité, mais attention, avec le Congo c’est différent. Les Congolais développent u art que très peu de peuples développent. Je veux dire l’ensemble du Congo, on n’y voit pas, on n’y pense même pas, mais les Congolais, par leur musique qui est d’ailleurs la base de plus d’une musique en Afrique et ailleurs, même déjà tiré de l’esclavage, vers l’Amérique, les Congolais par leur musique, mélangent leurs peuples, leurs tribus. Il n’y a pas un seul peuple au Congo, j’ose le dire, il n’y a pas même dans quelqu’un dans une case, loin de Kinshasa, entrai de cultiver, qui ne vibre pas à la musique qui vient de Kinshasa, et cette musique elle est chantée en lingala, en grande partie, et dans ce lingala vous allez trouver des gens en train de mettre leur langue à eux, de la tribu, dans la musique qui est chantée en lingala. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire : si je chante en lingala, si tu ajoutes ta langue à toi, tu es du Nord, tu vas mettre ta force dedans, tu es du centre, tu amènes ta façon de parler là-dedans, et on est heureux.

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Jamais les Congolais n’ont fait ce problème qu’à l’extérieur on veut vous imprimer sur tout ce qui se passe au Congo. Combien de mariage entre tribu… Est-ce que vous avez le contrôle de vos enfants quand ils veulent se marier ? On est des millions.

Moi j’en suis le vieil exemple. Mon père vient du Kasaï, là où il y a du diamant, donc ce fameux plateau et tout cela est mélangé, ma mère est de Bukavu, là où il y a des lacs somptueux et je pense qu’en son temps c’était un problème, aujourd’hui, i n’y a plus de problème. Donc rassurer vous, que les gens se comportent de façon tribale, parce qu’ils se connaissent, ils parlent la même langue, le petit dialecte qui fait le sucre pour eux, mais ce n’est pas de ça que les gens s’alimente toute leur vie.

Les jeunes qui sont en train de se battre se battent pour les Congolais, les Africains, l’Afrique, ils ne se battent pas pour leur nombril.

Alors, je peux continuer des exemples à n’en point finir, ici dans cette salle, je vais vous surprendre, il y a une dame, elle est discrète, mais on a connaît aussi par ses coups de poings comme Bea Dialo, elle s’appelle Sophie Ilunga, elle est métisse, et quand elle était enfant, à l’âge ou on court après sa maman, après son papa, et bien elle il fallait la teindre, il fallait la teindre en noir, pour que les colonialistes, les blancs, ceux qui étaient des lâches parce que d’autres ne le sont pas, on a des exemples de ceux qui ont épousé leur femme avant la colonisation, J’ai moi-même une tante qui a eu 8 enfants avec un liégeois, ça n’a pas posé des problèmes, d’autres ce sont cachés derrière les curés, pour qu’ils relèvent le nom de leurs enfants e pour qu’ils leurs disent comment ça va, comment ils avancent, comment ils progressent, ils sont peut-être devenu ministre ou autre, mais ne peuvent pas parce qu’ici, les salaires sont énormes, le nouveau mariage ne lui permet pas cela, parce que le type pense à l’héritage et la toute la famille pense au nègre, mais elle est là, parce qu’elle a été sauvée par sa famille, parce qu’on l’avait peinte en noir, pour la cacher contre les griffes des blancs. Alors je termine en vous disant simplement que la démocratie, profitons-en. « Les Bayaya » que je connais bien, « It’s change », que je connais bien, vous êtes des montreurs, vous sondez un chemin très difficile, mais n’ayez pas peur, l’avantage que vous avez, vous, c’est qu’il y a quarante ans, nous on ne pouvait pas entrer dans ce parlement et parler comme ça. Mais je vais être honnête avec vous en vous disant que nous aussi, o n’a jamais, jamais pensé rester ici, on étudiait, on rentrait. On rêvait être des recteurs d’université, on rêvait être des scientifiques, mais cela n’a pas été le cas, il a fallu le temps et vous, vous êtes là, vous marchez.

Tout ce que je peux faire c’est souhaiter à Zoé et à notre Présidente, cette capacité à continuer, de ne pas reculer devant ce combat, c’est un combat réel. Moi, je ne pleure plus, j’ai entendu les gens pleuré, c’est normal, vous pouvez pleurer. Je vais vous citer le château de Seneffe, un des plus beaux châteaux, mais Seneffe il s’est fait l’argent avec les bateaux des négriers.

C’est vieux, merci beaucoup.

02’34’’43

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(La personne qui parle n’est pas nommée), membre de l’asbl INTAL

Ms. Mrs, Madame la présidente etc …

Nous vous remercions pour votre invitation, ainsi que pour votre écoute attentive à l’occasion de cet hémicycle consacré à la mémoire du passé colonial de la Belgique, nous constatons que cette question concerne tout le monde et de par votre position vous pouvez contribuer à ouvrir un débat qui remette en question l’image « polissée » du colonialisme belge. Avoir une place Lumumba en est un acte concret. Nos enfants doivent apprendre, qui sont les héros du passé et aussi la vérité sur la colonisation.

Applaudissement.

Notre mouvement pour la solidarité nationale « INTAL » a également cet objectif. Nous avons rejoint le mouvement pour avoir une place Lumumba à Ixelles, en effet depuis dix ans la population se mobilise pour avoir une place à Ixelles, dans ce quartier, au nom de ce héros de la lutte contre la domination coloniale. En novembre 2014, notre mouvement a lancé une pétition pour que la commune d’XL nomme la place sans nom qui se trouve derrière l’église St Boniface, la place P.E.L., 1er

ministre du Congo entre 1960 et 1961. La pétition a récolté plus de 1000 signature et a été soutenue par un rassemblement de plus de 300 personnes, le 30 juin 2015. Ce combat comprend plusieurs spécificités, tout d’abord, comme Nelson Mandela n’appartient pas au sol Sud-Africain, P. Lumumba n’est pas uniquement le héros des Congolais, il appartient à l’humanité. Cette campagne met en contact des gens d’origines différentes, dont le point commun est l’adhésion de l’émancipation des peuples africains et la lutte contre le néocolonialisme. Ensuite cette lutte montre que la population se montre responsable et enthousiaste de porter des mobilisations concrètes sur des sujets significatifs. Enfin avoir une place Lumumba nous aidera à améliorer ou pacifier les relatons belgo-congolaises, marquée par l’assassinat de l’ancien 1er ministre congolais. La Belgique est encore trop marquée par une seule vision de la colonisation, celle des colonisateurs. Avoir une place L à Bruxelles permettra de reconnaître une personnalité politique de premier plan et de se distancier de façon symbolique du passé colonial belge et des crimes commis en son nom.

Nous demandons donc que les partis présents soutiennent cette revendication qui permettra de changer la vision de la colonisation.

02’38’’39’’’

Intervenant non nommé.

Je ne voudrais pas être très long, je voudrais juste faire une petite suggestion, et nous sommes ici dans ce cadre-là. Nous nous focalisons beaucoup sur notre héros P. Lumumba et je suis parmi ceux qui porte ce nom-là, mais je pense que si la Belgique veut vraiment faire face à son passé colonial, étant donné que Lumumba est considéré comme la personne opposée à la Belgique, il y a des personnalités congolaises portées au pouvoir par la Belgique, et restées au pouvoir longtemps, pourquoi la Belgique n’honore pas même celles-là ?

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Je ne suis pas pour ces personnes-là, mais je voudrais citer leurs noms, Mobutu, Tshombe, Bomboko, ce sont des personnes qui ont aussi servi la Belgique, toute leur vie, pourquoi la Belgique ne peut pas honorer celles-là ?

Si on ne veut pas honorer Lumumba, qu’on honore au moins celles-là, qu’onn honore Mobutu, qu’on honore Tshombe, qu’il y ait des rues avec les noms de ces gens-là, qu’il y ait des statues de ces gens-là. Alors nous allons comprendre que la Belgique n’est pas raciste. Si non il y a racisme. Voilà.

02’40’’18’’’

__________________________________________________________________

Anne Dubois, 

Membre du MRACS également. Je parle ici au nom de Bakushinta et avec plusieurs partenaires nous travaillons sur la mémoire des anciens combattants et j’ai trouvé bon de réagir aux propos de Mme la Présidente lorsqu’elle demande s’il faut réécrire l’histoire coloniale en tenant compte de nos valeurs contemporaines, faut-il enlever des statues, des noms de rues ?

Je crois qu’ici nous sommes devant un problème crucial et je félicite encore Zoé Genot pour tout ce combat qu’elle a mené, j’ai eu à lire ses propositions à la chambre.

Oui il est absolument nécessaire de réécrire l’histoire coloniale, lorsque nous penchons sur l’histoire de la Force Publique, nous savons que l’armée belge a eu ses titres de noblesse, uniquement grâce aux victoires de la Force Publique, et cela a été un problème sérieux au moment du centenaire, que le centenaire soit fait sans qu’il ne soit prononcé nulle part l’apport du Congo, nulle part l’apport de la Force Publique. Et lorsque nous parlons de l’effort de guerre, les deux guerres, la Belgique est occupée, les deux gouvernements sont en exil sont pris en charge par la trésorerie congolaise. Ce n’est pas la peine de dire chaque fois que les Congolais vivent de l’aide de la Belgique, que les migrants sont ici à vivre de l’aide…

Alors qu’on sait… pourquoi ne pas le dire, pourquoi ne pas le dire ne fusse qu’au moment du centenaire ? Pourquoi ne pas mettre à l’honneur la Force Publique ?

Je donne un chiffre, pendant la deuxième guerre mondiale, le gouvernement belge se trouve à Londres et tous ses frais, les services diplomatiques, les réceptions qui sont données à Londres, c’est près de 40 millions de livres sterling, payés au frais du Congo.

Quand on parle encore de l’effort de guerre, ce sont des impôts, du travail obligatoire qui a été imposé aux Congolais de 40 à 45, en dehors de toutes ces victoires militaires, parce que ces victoires militaires portent à l’honneur, ce sont les victoires militaires qui vont donner l Rwanda et le Burundi, mais pas seulement le Rwanda et le Burundi, mais aussi les cantons de l’Est, Eupen, St

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Vith, Malmédy. On a compté les morts congolais, mais quand est ce qu’on parlera de ces morts, ce n’est quand même pas une histoire qu’il faut taire ?

Intervention de   Zoé Genot ou de la Présidente.

Je suis tellement d’accord avec vous, (que ce parlement bruxellois), on n’a pas de leçon à recevoir, parce nous sommes vraiment en pointe en cette matière, parce que chaque année, moi, avec mes collèges, on emmène 1000 jeunes bruxellois par an, par an, pas sur une législature, visiter les lieux de mémoire, les différents lieux de mémoire, dont le cimetière de Chastres, où il y a surtout des Sénégalais, des Tunisiens, des Marocains qui sont tombés. Je n’ai pas dit : faut-il écrire l’histoire, sinon je ne serais pas là, mais il faut l’écrire vraiment en comprenant nos fautes. Par ex. pourquoi à la Conférence de Berlin on donne ce territoire à Léopold II en pensant que c’est une œuvre civilisatrice.

Il faut emmener nos jeunes voir nos lieux de mémoire, mais il ne faut pas la réécrire, il ne faut ps effacer la mémoire de nos places de nos rues, il ne fut pas l’effacer, c’est ça que je dis.

En terminant, je crois que nos propositions, parce que la Belgique est confrontée à une falsification de l’histoire et ce que nous devons arriver c’est à une désaliénation, une désaliénation aussi bien des colonisés et essentiellement du colonisateur, du peuple colonisateur, doivent être à une décolonisation des mentalités. Il est nécessaire de décoloniser tout le monde, sinon nous avançons dans beaucoup de non-dits et on doit mettre fin au silence. Nous devons mettre fin au silence et j’espère que cette démarche qui est entreprise, nous aurions souhaité pour nous que cette avance qui est faite, il y ait aussi des députés fédéraux des membres du gouvernement, pour qu’ils puissent relayer, parce qu’on aimerait que ça ne se limite pas uniquement au Parlement bruxellois, mais que ce soit porté au Sénat.

02’45’’30’’’

??? Qui ???

Peut-être très brièvement, que pourrait faire la Belgique face à son passé colonial, si pas la Belgique, au moins ce parlement bruxellois et les partis qui en font partie sont à ce niveau-là, capable : un de reconnaître le passé colonial pour ce qu’il est en partie, un passé de crimes coloniaux, de crimes contre l’humanité, et une minute de silence par exemple, cela ne demande pas de grands moyens, juste une disposition politique en mémoire des crimes coloniaux de la Belgique, est-ce quelque chose d’envisageable dans ce parlement ?

02’46’’30’’’

??? Qui ???

Merci je ne serai pas long, je vais faire une première observation, ou même une suggestion, est ce que, au-delà de cet échange il n’y aurait une possibilité dans le suivi de cette journée de nous présenter les modalités qui pourront nous permettre ici de participer à ce travail, parce qu’il me semble qu’aux dires de certains il y a des problèmes au niveau même de l’histoire dont on fait allusion, il me semble qu’il y a beaucoup de correctifs qu’il faudra apporter. Notamment ce que vous avez dit Madame sur le fait que Léopold II a reçu le Congo en héritage, alors que l’histoire est tout à fait autre. On sait très bien et je ne vais pas polémiquer, on sait qu’il y a toute une étude qui a été faite en 1875,

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qui a été fiancée par lui, et qu’il notamment envoyer comme émissaire à la Conférence de Berlin, Emile Banning, (je ne fis que rappeler les faits), il a financé les expéditions de Stanley au Congo, il a créé l’Association Internationale du Congo, et d’autres études sur le Congo, pour que ce soit reconnu à la Conf. De Berlin où était Bismarck qui était avocat à cette époque.

Je voudrais aussi poser une question fondamentale, est ce qu’on ne se lance pas dans un travail périlleux qui consiste à écrire la mémoire, est ce qu’il y a une mémoire sur cette réalité ?

Parce que quand on regarde la ligne de temps, on voit que la réalité historique qui a été vécue par les Congolais, n’est pas celle qui a été vécue par la Belgique. Il y a deux réalités historiques, est ce qu’à partir de deux réalités qui n’ont aucun point de convergence, peut-on écrire une histoire commune, une mémoire commune. Moi je pense qu’il faudrait peut-être aller dans le sens inverse, c'est-à-dire écrire les mémoires pour arriver à un patrimoine commun où il y a les différentes mémoires, parce que nous n’avons pas le même passé historique. Je demande que ce ne soit pas comme ici, comme vous l’avez dit, que ce soit un lieu de point de contact pour qu’on puisse aller très loin et voir si nous avons des points de convergence pour mener cette réflexion. Vous avez-vous, tout à l’heure un exemple de Tintin, c’est vrai que Tintin, c’est un fait qui se révèle vrai. Est-ce qu’il faut réécrire cette histoire, mais en ce qui concerne la colonisation de l’Afrique c’est différent, on n’a pas la même réalité et puis quand on regarde cette période de la colonisation, ce n’est pas un fait singulier de l’histoire, c’est un cheminement qui a pris des racines, cela a été dit par l’intervenant de « It’s Chance », c’est depuis l’esclavage, où l’Europe a décidé en pleine conscience, avec la bénédiction de l’Eglise catholique à mener cette entreprise coloniale qui perdure encore jusqu’aujourd’hui. Il y a tout un travail à faire.

Je ne veux pas intervenir très longtemps sur ce sujet, mais je voudrais que vous me donniez les possibilités de participer à ce travail, pour qu’on puisse apporter un autre son de cloche.

02’49’’56’’’

Lydvine Verhaegen

Je voudrais remercier Julie Degroot et Zoé Genot pour cette matinée et tous les orateurs, parce que c’était vraiment remarquable, je m’appelle Lydvine Verhaegen, je suis la fille de Benoit Verhaegen et je voudrais lui faire un témoignage, il a écrit toute l’histoire politique du Congo à partir des années 59-60, jusqu’aux années 80, on a vécu à Lovanium, il était aussi u ami de Lumumba, mais moi j’ai été très touchée à propos de Sœur Oyo, parce que je suis arrivée au Congo en 1959, je suis partie en 1967, j’ai été à l’école au Congo avec les Frères Maristes, on a vraiment vécu la liberté et ce n’est qu’après quand je suis rentrée en pensionnat en Belgique que ça a été l’inverse, et plus l prison comme vous l’avez montré. Donc pour moi c’était synonyme vraiment de liberté et de bonheur.

Voilà, je crois qu’i faut donner parfois des témoignages dans les deux sens.

02’51’10 ‘’’

?? qui ?? A mon avis  Mireille Tsheusi !

En fait je ne veux pas viser quelqu’un, comme je l’ai dit, je suis une actrice de terrain et je suis profondément choquée par la prise de parole de certains politiques, qui quand il faut agir ne sont pas là, mais quand il faut faire des témoignages, ils en profitent pour leur image. Je suis désolée, mais i y a eu à XL, un débat au conseil communal je pense, sur la place Lumumba et i y a des partis qui se sont carrément positionné contre. Alors qu’ils ne viennent pas aujourd’hui nous faire l’éloge des Fanon ou autres, alors que quand il faut lever la main ils ne sont pas là.

Je n’en dis pas plus sinon je vais m’énerver.

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02’52’’13’’’

??? qui ???

Bonjour et merci pour la parole Mme la Présidente,

Juste préciser deux choses, Bili Kalondji de « Mémoire coloniale », ici je reviens à ce que vous avez dit tout à fait au début, à questionner le Parlement bruxellois etc… et bien on est vraiment le lieu indiqué pour parler de ces questions-là.

Je tiens à préciser que notre vie dans ce pays, quand on se lève, quand on va à l’école, quand on est malade, quand on meurt, etc… est marquée par cette histoire coloniale. A compétences égales, je n’ai aucune chance, ni dans le sport, ni dans le travail, de trouver une place. Nous devons exceller dans ce pays, pour avoir une place, que ce soit même au niveau sportif etc, etc…

Donc il est temps, quand une partie de la population se sent mal à l’aise, il est temps que le politique s’y intéresse. Il est temps de comprendre se débat. Donc je reviens à dire que la période coloniale, c’est une petite période, mais elle a eu des conséquences immenses, qui fait que aujourd’hui, moi qui vous parle, même en ayant vingt diplôme, quand je sors avec vous, ici dans la rue, on vous fera plus confiance à vous qu’à moi. Dans ce pays, et dans mon propre pays d’origine, exactement.

Donc Madame la Présidente cette question est cruciale et c’est pour cela que « Mémoire coloniale » s’y intéresse et s’y intéressera complètement toute la vie que nous mènerons ici dans ce pays.

02’54’’22’’’

??? qui ???

Je vais être bref, cinq seconde pas plus, je ne fais pas l’histoire, mais je vais être futuriste et personne ne saura y remédier à notre place. C’est bien qu’on aborde tous les sujets sans barrière ni complexe, mais ne mettons pas tout le poids de notre mal être sur les occidentaux. Nous devons d’abord travailler sur nous même, puisqu’on ne s’aime pas, nous les africains, à la base. Un Congolais n’aime pas un Camerounais, un Camerounais, n’aime pas un Sénégalais et un Sénégalais n’aime pas un Mauritanien, et là cela ne va pas, il faut s’unir et se battre ensemble.

02'55’12’’’

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Madame M. Tambwe

Merci Mme la Présidente, je suis Maudine Tambwe, et aujourd’hui je m’adresse à l’assemblée et à vous-même en tant que coordinatrice du groupe « Plaidoyer du réseau européen des personnes d’ascendance africaine » qui soutien toute les initiatives portées par les associations qui s’adressent à vous aujourd’hui.

C’est un grand moment, il faut savoir que et il faut reconnaître que la Belgique est souvent à la pointe de bonnes initiatives et vous êtes le deuxième pays en Europe qui accueille l communauté afro-descendante, et ici en particulier la communauté congolaise pour aborder la thématique qui a quand même été conseillée dans la recommandation des Nations-Unies, nouvellement faite lors du lancement de la décennie des personnes d’ascendance africaine, dans la thématique « reconnaissance et considération ». C’est de cela que les Nations Unies parlent de reconnaissance

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et considération et d’avoir le courage, parce qu’il faut du courage, les discussions seront très difficiles, seront très douloureuses, vont faire mal dans tous les camps et il faut pouvoir se retrouver dans des hémicycles où des décisions politiques comme vous l’avez rappelé ont eu des conséquences historiques et souvent néfastes pour nous les noirs.

Ça c’est une chose, donc vous êtes parfaitement en ligne avec cette dynamique-là. Moi ce que je voudrais insister c’est qu’on ne pense pas que comme vous l’avez bien dit que ce n’est juste qu’une question belge, c’est une question belgo-congolaise et africaine. Tant qu’elle n’est pas résolue pour la communauté congolaise, elle ne le sera pas pour tous les autres noirs de Belgique. J’invite vraiment à ce que, comme Bili vient de le dire, on puisse faire des discussions larges qui dressent le tableau pour nous tous et pour les parlementaires ici, mais que l’on puisse aussi vous faire des propositions. Moi, la proposition concrète, c’est l’établissement d’un groupe de travail, un groupe de travail composé de parlementaires, d’académiques, d’associatifs et de nous autres pour accompagner cela, parce qu’au niveau européen, nous sommes en train de vouloir que les Etats aient le courage de mettre en place une commission de travail dans laquelle les communautés sont inclues. Nous sommes souvent invités en bout de course, lorsque des résolutions qui auront un impact sur le quotidien des jeunes, je pense à ce que Mireille dit, parce que ça a un impact sur le quotidien et la vie quotidienne des jeunes et quelqu’un comme Mireille doit être une part prenante dans une telle commission.

Je vous remercie.

02’58’’18’’’

??? qui ???

Bonjour Mme la Présidente, je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs et particulièrement M. Zoé Genot que je connais depuis longtemps, j’ai toujours su que c’était une femme de conviction et je vous remercie d’avoir amené une telle thématique ici au parlement et aussi vous remercier par rapport aux intervenants, parfois on invite des gens par complaisance, aujourd’hui c’était des interventions percutantes et je vous en remercie sincèrement.

En tant qu’administratrice interfédéral pour l’égalité des chances, je voudrais dire une chose que Patrick Charlier a déjà dite, que cette année nous allons vraiment nous focaliser sur les actions, sur les luttes sur les discriminations structurelles et j’ai quand même un petit bémol par rapport à la communauté congolaise et africaine en général, c’est que ces personnes font parfois face à des discriminations, ne vont jamais porter plainte, ne vont jamais voir les centres pour l’égalité des chances. Donc il y a un travail à faire au sein de la communauté et je vous invite vivement quand vous êtes discriminé par rapport au logement, par rapport à l’emploi, de faire appel au centre, parce qu’il y a des actions à mener et c’est à travers ses actions qu’on pourrait faire évoluer la société dans son ensemble.

Merci.

03’00’’04’’’

?? qui ??

Voilà, c’est un peu une interpellation pour le personnel politique qui était ici, je sais qu’ils ne pourront pas répondre mais je vais quand même poser la question, en 2010 il y avait eu un débat sur le passé colonial de la Belgique et le député MR Louis Michel expliquait que c’était de la démagogie pure que de s’attaquer à Léopold II, que la colonisation consistait à une incontestable avancée de la civilisation, que le nombre de morts était fortement exagérée et les méthodes du colonisateur reflétait l’étape de l’époque et que ce n’était donc pas si grave que ça. J’aurais bien voulu avoir la réaction du MR par rapport à ça, par rapport à ce qui est une entreprise de révisionnisme, mais ce qui est encore plus

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intéressant c’est de savoir, les partis progressistes qui sont ici n’ont à l’époque que très peu réagit à ces propos et comment expliquer ce silence assourdissant ?

Je sais qu’il y a eu une interpellation parlementaire d’Ecolo, il y a eu un article dans la revue du PTB qui condamnait ce propos, mais ça restait sans aucune commune mesure avec les réactions très légitime qui ont eu lieu avec les propos d’un Yan Jambon ou d’un Bart de Wever sur le rôle de la Belgique par rapport à la collaboration et je m’interrogeais un peu sur ce deux poids deux mesures. Je voulais aussi demander comment ça se fait qu’avec tous les partis progressistes de la communauté française depuis sa création, et étant donné le constat partagé de défaut de mémoire coloniale dans tous les partis présents à cette conférence, comment se fait-il qu’il n’y encore aujourd’hui qu’une demi page qui soit consacrée à l’histoire coloniale dans les manuel scolaire.

O3’02’’23’’’

On va terminer par un poème de Djandji ( ?)qui aura le dernier mot, mais je voudrais vous remercier pour ceci, et on va y donner suite, on va y donner suite et effectivement il faudra y donner suite de façon multidisciplinaire, comme dit… ? à la fois d’historien je ne sais pas si on est si opposé que ça, je connais bien Yaya, AIC, et justement l’aveuglement du monde face à une position très délibérée, une construction très délibérée, celle de Léopold II qui a mené à ce qu’on savait, donc les historiens, mais aussi l’associatif et c’est bien de le rappeler, de le re-rappeler, que c’est dès le départ et pas en bout de course pour donner son regard sur ce qui a été fait. Et tout à fait, la jeunesse qui fait partie de cet associatif, tout compte fait si je peux me permettre une incise plus locale, ce n’est pas quelque chose qu’on avait demandé à partir de la place Lumumba. Justement il y avait un problème et nous on avait demandé qu’au moins une commission puisse y réfléchir.

Voilà, j’espère que du coup il y aura une suite qui sera donnée à ce qu’on avait demandé à ce moment-là… Je te regarde Ken, mais depuis un an on n’a rien vu.

Je n’ai pas envie ici de faire de l’opposition, on a tous des casquettes, mais à partir de maintenant, voyons si des suites sont données et vraiment je voudrais vous remercier parce que c’est quelque chose de très positif qui est fait et Zoé qui est cheville ouvrière là-dedans. 02’04’’20

Djandji qui accepte de clôturer ce moment qui a été très intense, et Parfait ( ?) qui est photographe, un vrai artiste pluridisciplinaire. J’espère que vous aurez retiré pas mal de choses et nous dans les différentes assemblée, on continuera le travail avec vous qui aurez laissé vos coordonnées, on vous tiendra au courant.

Il faudrait savoir qui ?

Bonjour à tous,

Alors si je vous disais où j’étais né, vous ne me croiriez pas, pourtant je suis né au milieu du lac Tanganyika, un soir d’hiver comme on dit chez vous.

Dans un de mes rêves, j’écoutais attentivement Kimpa Vita et Patrice Lumumba, j’écoutais comme ils échangeaient un proverbe : les marques du fouet disparaissent, la trace des injures jamais.

Moi, je voulais retrouver les liens, je voulais retrouver les liens qui m’avaient empêché de me noyer au milieu du lac Tanganyika.

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Je voulais retrouver la mémoire des miens, morts sans avoir raconter leur version de l’histoire, leurs versions des indépendances avant la colonisation, avant l’invasion barbare du triple « C » Commerce, Civilisation, Christianisme. Triple couverture pour l’aliénation mentale et physique de l’Afrique.

Vous savez, quand les vainqueurs se protègent entre eux, ils s’installent dans de hautes tours, pour s’éloigner un maximum de l’odeur du crime contre l’humanité.

Je me souviens des Belges qui confisquaient nos ressources avec la complicité des Congolais, ou serait-ce le contraire, bref dans tous les cas on a remis à mes héros la clé d’une maison vide. Une maison vide parce que leurs idées ne plaisaient à l’occident pendant la guerre froide. Une maison vide parce que l’unité nationale n’allait pas dans le sens des intérêts de l’intérêt des impérialistes.

Mais moi, je suis né au milieu du lac. A cette époque le Congo s’appelait Zaïre je crois. Mes sœurs, mes frères et moi étions fiers d’affirmer notre authenticité, fiers de notre couleur de peau, fier des cheveux qui poussaient sur nos têtes, sans aucun doute, aucun sur qui nous étions. Nous sans aucun doute sur les marques du fouet appelé à disparaître. Mes frères et mes sœurs, mes frères et mes sœurs, mes frères et mes sœurs, pour ceux et celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s’élever matériellement, il y a encore l’élévation spirituelle, d’ailleurs il reste encore des cultes qui calment nos blessures, des cultes qui effacent la trace des injures, vous savez, on y avale des aspirines, oui des aspirines sous forme de prières. On y avale ces aspirines, il faut bien cela vous savez, il faut bien cela pour faire passer les douleurs, il faut bien cela pour faire passer nos hantises, nos hantises des actes manqués, et que dire alors des innombrables preuves de mépris pour nos nations en manquent de leaders, des innombrables preuves de mépris pour nos nations en manquent de leaders.

C’est pour cela que dans le corps du saint Esprit, en attendant le paradis, on s’endort un peu.

A force de travailler pour rien, on s’endort, et je comprends bien qu’il faille dormir, il faut dormir.

Il faut dormir avant d’aller dans l’église du réveil. Apprendre à chanter au nom de plusieurs seigneurs, apprendre à danser, au nom de tous les seigneurs, afin d’accueillir la DEMOCRATIE… ou peut-être pas tout de suite. Ça dépendra de nos sponsors.

Alors parlons des choses sérieuses, parlons de l’exploitation des ressource si précieuse pour la croissance de tous, à l’exception de la majorité des Congolais. Vous avez vu ce que l’on peut faire avec des complicités externes ?

On a fini par désosser un peuple, pour le faire tomber et le voir ramper. Pour cela très simple, il a fallu déshumaniser ma couleur, il a fallu banaliser le sort des noirs où qu’ils soient. Banaliser leur sort, pour ne plus s’émouvoir, pour ne plus s’émouvoir des millions de morts violentes à répétition.

Hommes, femmes, enfants, filles, garçons…

Cela me fait penser, c’est vrai, l’homme reste un loup pour l’autre. L’homme reste un loup, et encore plus loup, si l’autre est une femme. Pourtant c’est grâce à elles que l’on se lance à a poursuite d’un paradis, les déesses. C’est grâce à elles, qu’on sait qu’il faut une guerrière pour prélever un guerrier.

Elles, les déesses qui savent si bien décrire l’enfer qu’elles vivent quand l’homme ne vaut rien.

Elles qui savent si bien décrire l’enfer quand l’homme n’en ‘est plus un. Toutes des déesses, dans l’enfer qu’on creuse à chaque fois qu’une fois qu’une femme se fait violer.

L’enfer qu’on creuse à chaque fois qu’une fille se fait violer.

L’enfer qu’on creuse chaque fois qu’un bébé se fait violer.

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Nos déesses savent vous décrire cet enfer, nos déesses connaissent cet enfer.

Il ne faut pas leur en vouloir si elles ne veulent pas y rester, qui voudrait y rester ?

L’enfer ce n’est pas les autres, l’enfer c’est ce que vivent les autres quand on décide de leur tourner le dos pour les laisser bruler dans cet enfer, pour les laisser bruler, elles et leurs bébés.

Cela ne devrait donc pas vous étonner que j’aie préféré naître au milieu d’un lac. Cela ne devrait pas vous étonner que j’ai nagé toutes les nuits pour survivre.

Que j’ai nagé encore et encore, pour faire disparaître les marques du fouet.

Que j’ai nagé encore plus fort pour oublier la trace des injures et condescendances de tous bord.

Comment à force de ne pas enseigner la version africaine de l’histoire, voulez-vous que les enfants ne perdent pas leurs repères ?

Comment expliquer à chaque enfant qu’il est impensable d’indemniser les victimes multigénérationnelles de l’esclavage ?

Comment leurs dire qu’il est impossible de le faire sans détruire des piliers entiers de la civilisation occidentale ?

Mais j’imagine que c’est ça aussi la survie, maintenir des privilèges par tous les moyens nécessaires.

Maintenir des privilèges par tous les moyens, garder la main, et pas qu’une seule, et toutes ces mains coupés pour nous rappeler que la rencontre des peuples n’est pas si belle quand on la regarde de près.

Il y a au moins un monde, au moins deux mondes qui séparent les grandes théories humanistes de leurs minuscules applications au quotidien.

Faut-il pour autant désespérer ? Non, je ne le pense pas.

Cela n’a rien de facile, mais l’identité plurielle, j’y crois.

L’identité plurielle, j’y crois dur comme fer car je la vois tous les jours.

Je le vois tous les jours dans les yeux de toutes les couleurs.

C’est pour voir cela que j’ai nagé.

C’est pour vous regarder droit dans les yeux, que j’ai nagé, nagé, nagé, nagé, nagé jusqu’à la rive, posé un pied à terre, au nom de ma mère, posé un pied à terre au nom de mon père.

Merci.

03’13’’47’’’

Les sandwiches sont là-bas, le prochain jeudi de l’hémicycle c’est le 29, sur l’accueil des réfugiés, et le prochain rendez-vous sur ce sujet-ci, sera pour bientôt, ça on s’y engage.

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