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Extrait de la publication - storage.googleapis.com...XIIIe siècle, deux chevaliers écrivains, Luce...

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Tristan et Iseut

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Tristan et IseutPrésentation, notes, dossier et modernisation

de l’adaptation de Joseph Bédierpar GAËLLE CABAU,professeur de lettres

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Le Moyen Âgedans la collection « Étonnants Classiques »

Aucassin et NicoletteLa Chanson de RolandCHRÉTIEN DE TROYES, Lancelot ou le Chevalier de la charrette

Perceval ou le Conte du graalYvain ou le Chevalier au lion

Fabliaux du Moyen ÂgeLa Farce de Maître PathelinLa Farce du Cuvier et autres farces du Moyen ÂgeROBERT DE BORON, MerlinLe Roman de Renart

ISBN : 978-2-0812-7454-9ISSN : 1269-8822

Mise en page : Meta-systemsN° d’édition : L.01EHRN000305.N001Dépôt legal : mars 2012

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S O M M A I R E■ Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Écrire au Moyen Âge 9Tristan et Iseut : un puzzle littéraire 11Quel texte allez-vous lire ? 15Tristan et Iseut : une histoire d’amour 16Un mythe littéraire 21

■ Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Tristan et Iseut1. Les enfances de Tristan 35

2. Le Morholt d’Irlande 43

3. La quête de la belle aux cheveux d’or 49

4. Le philtre 58

5. Brangien livrée aux serfs 63

6. Le grand pin 64

7. Le nain Frocin 70

8. Le saut de la chapelle 74

9. La forêt du Morois 83

10. L’ermite Ogrin 88

11. Le Gué Aventureux 88

12. Le jugement par le fer rouge 94

13. La voix du rossignol 101

14. Le grelot merveilleux 106

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15. Iseut aux Blanches Mains 106

16. Kaherdin 113

17. Dinas de Lidan 114

18. Tristan fou 121

19. La mort 130

■ Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141

Avez-vous bien lu ? 142Microlectures 149D’où ça vient ? 155Tristan, preux chevalier 158Une histoire d’amour 163Autres versions de Tristan et Iseut 169Passion tragique, prolongement 172Histoire des arts et postérité du mythe 178

■ Outil de lecture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187

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PRÉSENTATIONÉcrire au Moyen Âge

Qu’appelle-t-on « roman » au Moyen Âge ?

Au XIIe siècle, alors qu’émergent les premières versions écritesde la légende de Tristan et Iseut, le terme « roman » désigned’abord une langue, le français de l’époque, aussi appelé « languevulgaire », c’est-à-dire du peuple, parlée par tous (le mot vient dulatin vulgus, qui désigne le commun des hommes), par oppositionau latin, que les lettrés et les religieux sont les seuls à savoir lireet écrire. « Mettre en roman » signifie alors « traduire du latinen français ».

Par la suite, et par extension, le mot « roman » désignen’importe quel texte écrit en langue romane. Au milieu duXIIe siècle, il s’agit de récits en vers. Composé en 1150, en octosyl-labes à rimes plates, Le Roman de Thèbes – récriture du mytheantique d’Étéocle et Polynice – est considéré comme l’un des plusanciens romans français.

Les premiers « romans » suivent les aventures fictives et mer-veilleuses d’un ou de plusieurs personnages, le plus souventdes chevaliers. Ils se distinguent rapidement des chansons degeste, qui retracent les hauts faits de personnages historiques. Leterme se met donc progressivement à désigner un genre à partentière.

Parmi les romans les plus connus du Moyen Âge, ceux de Chré-tien de Troyes (1135-1190) – Yvain ou le Chevalier au lion, Lancelot

Présentation | 9

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ou le Chevalier de la charrette et Perceval ou le Conte du Graal –,inspirés des légendes bretonnes et celtes, mettent en scène leschevaliers de la Table ronde, leur quête du Graal, leurs exploits etleurs amours… façonnant ainsi la légende du roi Arthur.

La transmission de la littérature

Les modes de diffusion des œuvres littéraires au Moyen Âgene ressemblent guère à ceux que nous connaissons aujourd’hui.

Il faut se souvenir que l’imprimerie n’existe pas encore (ellene sera diffusée en Europe qu’à partir de la Renaissance).Chaque exemplaire est unique, écrit et enluminé à la main. Desscribes (essentiellement des moines) recopient les textes àl’encre, à l’aide d’une plume d’oie taillée, sur des parchemins. Ilssont installés devant des tablettes inclinées. Parce qu’ils sontl’apanage de l’Église, les premiers manuscrits sont principale-ment des textes sacrés. Ce n’est qu’à partir des XIIe et XIIIe sièclesqu’ils se diversifient (certains laïcs accédant à la lecture) : ontrouve alors des traités de philosophie, d’astronomie… et les pre-miers romans. Fruits de centaines d’heures de travail, mêlant ausavoir-faire du copiste ceux du miniaturiste (pour les illustra-tions), de l’enlumineur (pour la décoration) et du calligraphe(pour les lettrines), les livres sont alors des objets rares et pré-cieux. À l’époque, une bibliothèque d’une cinquantained’ouvrages est considérée comme très fournie.

Les histoires se transmettent davantage sous forme orale.Elles sont récitées ou lues à voix haute devant un public assezlarge. C’est le rôle des jongleurs, des troubadours et des trou-vères1, véritables artistes poètes.

1. Troubadours, trouvères : poètes itinérants qui composent des poèmes, dessatires, des ballades… avec leur accompagnement musical, et vont ensuite lesréciter de château en château. Leur nom vient du bas latin trobar, qui signifie« trouver » et, plus spécifiquement, « faire des vers », « inventer ». Les trouba-

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Ceux qui lisent et récitent sont libres d’adapter le texte auxdésirs du public. Les récits circulent à travers l’Europe et s’enri-chissent de nouveaux épisodes. Les copistes profitent eux aussid’une latitude considérable, puisqu’ils peuvent à leur guisedévelopper, adapter ou résumer l’œuvre… Ces modes de trans-mission expliquent qu’on trouve plusieurs versions d’unemême histoire.

Le développement de l’écrit va permettre d’assurer la fixationdes histoires, et donc leur conservation. Les textes qui nous sontparvenus ont dû résister à l’usure du temps, à l’humidité, voireéchapper aux incendies, souvent fatals aux parchemins fragiles,quand ils n’ont pas tout simplement disparu sous de nouveauxécrits (on grattait l’encre des parchemins pour pouvoir les réutili-ser car ils constituaient un support très onéreux).

Tristan et Iseut :un puzzle littéraire

Les origines de la légende

Dans les premiers siècles de notre ère, tandis que lesRomains et les Grecs dominent le monde méditerranéen, lesCeltes imposent leur civilisation en Europe du Nord.

Les premières légendes relatives à Tristan naissent enGrande-Bretagne et y connaissent le premier stade de leur déve-loppement. À l’origine, Tristan serait un héros picte (peuple du

dours sont originaires du midi de la France et composent en langue d’oc. Lestrouvères sont les poètes du nord de la Loire, qui composent en langue d’oïl.

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nord de l’Écosse) dont le nom, « Drust », serait devenu en gallois« Drystan » ou « Trystan ». Par ailleurs, les spécialistes de la litté-rature médiévale font remonter le thème central et la structurenarrative de la légende à une tradition orale celtique duIXe siècle : dans son schéma général comme dans certains de sesdétails, Tristan et Iseut présente notamment des similitudes avecun conte irlandais de l’époque, Diarmaid et Grainne. En effet, cerécit raconte les amours entre Diarmaid, un jeune guerrier, etGrainne, la fille du roi d’Irlande. Au début de l’histoire, Diarmaidrefuse d’aimer Grainne, par fidélité pour son roi, qui est aussison oncle. Mais, à l’aide d’un sortilège, la jeune fille l’oblige à lesuivre dans la forêt. Chaque fois qu’il se couche à son côté, Diar-maid place entre eux une pierre… De cet épisode on peut rap-procher celui de la forêt du Morois dans Tristan et Iseut(chapitre 9). De même, le « saut de la chapelle » de notre héros(chapitre 8) rappelle celui que Diarmaid effectue pour échapperà des poursuivants.

En véhiculant plusieurs versions orales de l’histoire de Tristanet Iseut, les différents peuples celtiques (irlandais, gallois, cor-nouaillais, bretons) contribuent à mettre en forme la légende. Lapoétesse Marie de France, qui a donné sa propre version de lalégende dans le Lai du chèvrefeuille (v. 1170), insiste d’ailleurssur la pluralité de ces versions : « Plusieurs m’ont dit et racontécette histoire et, moi, je l’ai trouvée dans un texte écrit. »

Légende aux origines nombreuses, Tristan et Iseut puise aussiaux sources antiques : le combat initiatique de Tristan contre ledragon (chapitre 3) rappelle celui d’Hercule contre l’Hydre deLerne, l’un des douze travaux du héros mythique. Quant auMorholt, ce géant qui vient réclamer « trois cents jeunes garçonset trois cents jeunes filles, de l’âge de quinze ans, tirés au sortparmi les familles de Cornouailles » (chapitre 2), il évoque leMinotaure, ce monstre à corps d’homme et à tête de taureau

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Extrait de la publication

qui, dans la mythologie grecque, dévore tous les neuf ans septjeunes hommes et sept jeunes filles. Bien plus, le motif de lavoile blanche et de la voile noire de notre histoire est empruntéau même mythe. En effet, Thésée, le fils d’Égée, part combattrele Minotaure. En s’embarquant pour la Crète, il promet à sonpère, à son retour, de changer la voile noire en voile blanche encas de victoire. Thésée réussit à vaincre le monstre mais oubliede hisser la voile blanche. Égée le croit mort et se précipite dansla mer, à laquelle il donne son nom… la mer Égée.

Les auteurs de Tristan et Iseut

La notion d’auteur au Moyen Âge ne correspond pas à l’idéeque nous nous en faisons aujourd’hui : elle ne commence à seformer dans son sens moderne – celui qui crée une œuvre del’esprit originale et personnelle – qu’à partir du XIXe siècle. Àl’époque médiévale, on trouve différents manuscrits relatant lalégende de Tristan et Iseut, et donc autant d’auteurs. Les deuxprincipales versions qui nous sont parvenues datent duXIIe siècle. Il s’agit de celle de Béroul (v. 1170-1173) et de celle deThomas d’Angleterre (v. 1170-1180), écrivains anglo-normands1.

Béroul s’inspire très fortement des origines celtiques de lalégende. De son récit, il ne nous reste qu’un fragment d’un seultenant, de 4 500 vers environ. Le début et la fin du roman ontété perdus, et l’histoire commence en plein milieu d’un épisode,celui où Tristan et Iseut sont épiés par le roi Marc, qui s’est dissi-mulé dans un arbre.

Du manuscrit de Thomas, il ne nous reste que dix fragmentsde longueurs très inégales. L’ensemble fait environ 3 300 vers,

1. Plusieurs spécialistes datent la version de Béroul de 1180. Son antérioritésur celle de Thomas est donc à manier avec prudence.

Présentation | 13

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alors que le texte complet devait en compter près de 12 000.C’est malgré tout grâce à lui que nous connaissons aujourd’huicertains épisodes absents du fragment de Béroul, comme lascène du philtre ou le mariage de Tristan avec Iseut auxBlanches Mains.

Ces versions se sont diffusées dans toute l’Europe et ontdonné naissance à des manuscrits en langue étrangère, lesquels,eux aussi, ont permis de reconstituer ce que fut la légende :celui rédigé par Eilhart von Oberg entre 1170 et 1190, Tristant,qui s’inspire de la version de Béroul et la transpose en alle-mand ; celui de Gottfried von Strassburg, un autre Allemand,Tristan und Isolde, composé vers 1210 et inspiré de la versionde Thomas.

Parallèlement à ces textes, ont aussi été conservés deuxmanuscrits célèbres, écrits en français : La Folie Tristan de Berneet La Folie Tristan d’Oxford1, rédigés entre la fin du XIIeet le débutdu XIIIe siècle, tous deux assez brefs. Dans chacun, Tristan,déguisé en fou, feint d’avoir perdu la raison pour pouvoir appro-cher Iseut. S’ajoute enfin Le Lai du chèvrefeuille, de Marie deFrance. Dans ce poème, Tristan et Iseut, éloignés l’un de l’autredepuis des mois, parviennent à communiquer grâce à un bâtonde noisetier et à se voir en secret.

Le succès de ces différentes histoires est tel que, auXIIIe siècle, deux chevaliers écrivains, Luce del Gat et Héliede Boron, en proposent une version en prose.

1. Oxford et Berne sont les villes dans lesquelles ont été retrouvés cesmanuscrits anonymes.

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Quel texte allez-vous lire ?

En 1900, Joseph Bédier (1864-1938), grand spécialiste duMoyen Âge, décide de mettre de l’ordre dans ce puzzle littéraireet de proposer une histoire « intégrale » de la légende. Cetteentreprise se déroule en plusieurs étapes : il commence partraduire les fragments de Béroul ; puis, en se fondant sur lesautres versions, notamment celle de Thomas, il essaie de resti-tuer tous les épisodes de la légende ; cette volonté le contraintparfois à adapter ou à reconstruire de toutes pièces certainspassages afin de combler les lacunes du récit et de reconstituerune histoire cohérente.

Il s’agit d’un travail important de traduction et d’adaptation,dont les enjeux sont les suivants : respecter l’atmosphère dutexte de Béroul ; restituer certaines tournures et le vocabulairedu Moyen Âge ; proposer une sorte de version « idéale » (c’est-à-dire la plus complète et la plus harmonieuse possible, malgréson caractère composite).

Le travail de Joseph Bédier connaît un grand succès etpermet ainsi de redonner vie au mythe. C’est sur ce remanie-ment et cette traduction que s’appuie la présente édition.Conservant l’intégralité de la trame narrative reconstituée parJoseph Bédier, elle propose de larges extraits de cette traduc-tion, modernisant sa langue pour la rendre parfaitement acces-sible à des lecteurs du XXIe siècle. Les passages coupés setrouvent résumés.

Présentation | 15

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Tristan et Iseut :une histoire d’amour

Histoire d’amour, Tristan et Iseut, par ses caractéristiques,témoigne de l’époque où la légende s’est développée ; parson originalité, elle s’en échappe et parvient à traverser lessiècles.

L’idéal courtois

Le XIIe siècle est une période d’essor économique et commer-cial. La noblesse s’éloigne progressivement des champs debataille pour se retrancher dans les cours seigneuriales, décou-vrant les plaisirs du confort et du luxe, goûtant à un raffinementdes manières et des sentiments. Dans les cours royales et prin-cières, et sous l’impulsion des femmes, s’épanouit alors unnouvel art de vivre : la courtoisie. Être courtois signifie seconduire selon les usages de la bonne société, être habile à lachasse comme à la guerre, savoir mener une conversation raffi-née, multiplier les vertus et avoir en horreur l’avarice, la cupiditéet la félonie : celui qui n’est pas courtois est qualifié de « vilain »(initialement, le mot désigne un paysan, mais il prend très tôtune signification morale).

Cet art de vivre s’accompagne d’une nouvelle conception del’amour, appelée « amour courtois » ou encore fin’amor. En effet,nul ne peut être parfaitement courtois s’il n’aime. L’amant cour-tois fait de celle dont il est amoureux sa dame, sa « domna » (dulatin domina, « maîtresse, souveraine »), c’est-à-dire sa suze-raine au sens féodal : tout comme le chevalier est un vassal auservice de son seigneur, dans la relation courtoise, l’homme

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effectue auprès de sa dame un service d’amour. Il se plie à tousses désirs et son seul but est de mériter ses faveurs.

Véritable objet de culte, la dame suscite chez le chevalier lesouhait de parvenir à une certaine forme de perfection, à la foisphysique et morale. Dans cette conception, l’amour courtoisse confond avec le désir, et l’assouvissement du désir entraînela disparition de l’amour. Ainsi ce dernier ne doit-il être satisfaitni rapidement ni facilement : l’amant doit mériter l’amour desa dame en accomplissant de nombreux exploits, nécessaires àla survie du sentiment, car nourrissant le désir ; ce dernierse trouve exacerbé par l’inaccessibilité de la femme aimée, àcause de son rang social ou de son statut de femme mariée…Aussi s’agit-il d’un sentiment complexe, mélange de souffranceet de plaisir.

Chantée par les poètes lyriques, la fin’amor trouve égale-ment son expression dans les romans. Ainsi, dans Lancelot ou leChevalier de la charrette, de Chrétien de Troyes, Lancelot, cheva-lier du roi Arthur, amoureux de la reine Guenièvre, entreprendpour elle les plus folles aventures : il accepte le déshonneur enmontant sur une charrette, réalise d’innombrables prouessespour sauver sa dame et ainsi mériter son amour. C’est seule-ment après bien des épreuves que son dévouement lui vaut unenuit d’amour.

La double transgression

Qu’en est-il de Tristan et Iseut ? Dans la légende, Tristan mul-tiplie les qualités physiques et morales (le chapitre 1 détaillel’éducation exemplaire qu’il a reçue) ; ses deux combats succes-sifs, contre le Morholt (chapitre 2) et contre le dragon (cha-pitre 3), le confortent dans sa stature de guerrier exceptionnel(preux et héroïque). Chevalier courtois, Tristan est-il aussi un

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amant courtois ? Le lien qui l’unit à Iseut peut-il être qualifiéd’amour courtois ?

Dans la scène du philtre, après avoir bu le breuvage, c’estbien sous le signe de la vassalité amoureuse que les deuxamants placent leur amour :

Le troisième jour, alors que Tristan venait vers la tente, dressée sur

le pont de la nef, où Iseut était assise, Iseut le vit s’approcher et lui

dit humblement :

« Entrez, seigneur.

– Reine, dit Tristan, pourquoi m’avoir appelé seigneur ? Ne suis-je

pas votre homme lige, au contraire, et votre vassal, pour vous révé-

rer, vous servir et vous aimer comme ma reine et ma dame ? »

Iseut répondit :

« Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tu le sais,

que ta force me domine et que je suis ta serve ! » (p. 61-62).

Cette filiation de leur relation à l’amour courtois permet demieux comprendre les obstacles qui se dressent sur le chemindes deux amants : alors qu’ils pourraient vivre dans la forêt duMorois, ils se livrent à Marc par le biais de l’ermite Ogrin (cha-pitre 10) ; bien que toujours attaché à sa dame, Tristan acceptede prendre pour épouse Iseut aux Blanches Mains (chapitre 15)…Autant d’actes que l’on peut interpréter comme un besoin derenouveler un désir trop tôt contenté, d’exacerber l’amour par ladouleur de la séparation.

C’est précisément cet assouvissement, intervenu dès les pre-miers chapitres de l’histoire, qui empêche d’y voir une expres-sion parfaite de l’amour courtois. En effet, la belle dameinaccessible des romans courtois, ici, sous le charme du vinherbé, succombe rapidement au preux chevalier : « Et, quand lesoir tomba, sur la nef qui bondissait plus rapide vers la terre duroi Marc, liés à jamais, ils s’abandonnèrent à l’amour »

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(chapitre 4). C’est d’ailleurs cette satisfaction immédiate quiinscrit les amants dans une forme de marginalité : ayant fauté,il leur faut fuir dans la forêt du Morois ; leur exil se traduit parun éloignement de la vie de cour, et donc, symboliquement, del’idéal courtois.

Aussi l’histoire des deux amants doit-elle être plutôt envisa-gée à l’aune de la double transgression qu’elle représente. Eneffet, elle est avant tout profondément subversive, parce qu’ellecontrevient aux fondements de la société féodale chrétienne :en suivant la voie que lui dicte son amour, Tristan trahit son sei-gneur auquel il doit pourtant fidélité et loyauté.

Il songeait : « Andret, Denoalen, Guenelon et Gondoïne, félons quim’accusiez de convoiter la terre du roi Marc, ah ! je suis plus vilencore, et ce n’est pas sa terre que je convoite ! Bel oncle, qui m’avezaimé orphelin avant même de reconnaître le sang de votre sœurBlanchefleur, vous qui me pleuriez tendrement, tandis que vos brasme portaient jusqu’à la barque sans rames ni voile, bel oncle, quen’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errant venu pourvous trahir ? Ah ! Qu’ai-je pensé ? Iseut est votre femme, et moivotre vassal. Iseut est votre femme, et moi votre fils. Iseut est votrefemme, et ne peut pas m’aimer » (p. 60-61).

De son côté Iseut, en trompant le roi Marc, brise l’engage-ment qu’elle a pris devant Dieu. Enfin, selon notre lecturemoderne du mythe, les deux amants en viennent à se suicider,acte condamné par la religion chrétienne (car à Dieu seul appar-tient la destinée de l’homme). Bien sûr, le philtre invite à nuan-cer leur culpabilité : ils n’ont pas librement choisi de s’aimer (àce titre, le jugement que Marc porte sur son neveu dans leroman apparaît toujours d’une grande complexité, mêlé demagnanimité et de sévérité).

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NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION : notre édition reprend le texte deJoseph Bédier ; elle en propose de larges extraits, dont elle moder-nise la langue pour la rendre parfaitement accessible à des lecteursdu XXIe siècle, tout en s’efforçant de respecter le style de l’auteur. Setrouvent remplacés le vocabulaire tombé en désuétude et lesconstructions grammaticales archaïques ne présentant pas d’intérêthistorique. Des résumés se substituent aux passages coupés et unlexique (p. 187), réunit les mots propres à la civilisation médiévale,et dont les occurrences sont nombreuses dans le texte.

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Extrait de la publication

1. Les enfances de Tristan

Seigneurs, vous plairait-il d’entendre un beau conted’amour et de mort ? Celui de Tristan et d’Iseut la reine.Écoutez comment, dans la joie et la douleur, ils s’aimèrent,puis moururent le même jour, lui à cause d’elle, elle à causede lui.5

Dans les temps anciens, le roi Marc régnait en Cor-nouailles. Quand Rivalen, roi de Loonnois, apprit qu’il subis-sait des attaques ennemies, il franchit la mer pour lui apporterson aide. Il le servit en usant de son épée et en lui prodiguantses conseils, comme l’aurait fait un vassal1, si fidèlement que10

Marc lui donna pour récompense la belle Blanchefleur, sasœur, que le roi Rivalen aimait d’un amour merveilleux2.

Il la prit pour femme à l’église de Tintagel. Mais à peinel’avait-il épousée qu’il apprit que son ancien ennemi, le ducMorgan, ayant attaqué le Loonnois, ravageait ses bourgs, ses15

camps, ses villes. Rivalen équipa ses nefs3 en toute hâte etemporta Blanchefleur, qui était enceinte, vers sa terre loin-taine. Il mit pied à terre devant son château de Kanoël, confiala reine aux soins de son maréchal4 Rohalt, que tous, enraison de sa loyauté5, appelaient du beau nom de Rohalt le20

1. Vassal : homme libre qui se place sous la protection d’un seigneur auquelil doit obéissance et dont il reçoit un fief (domaine).2. Merveilleux : qui suscite l’étonnement, l’admiration ; extraordinaire.3. Nefs : bateaux (grands navires à voiles du Moyen Âge).4. Maréchal : officier royal.5. Loyauté : droiture, honnêteté.

Les enfances de Tristan | 35

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Extrait de la publication

Foi-Tenant1 ; puis, ayant rassemblé ses barons2, Rivalenpartit au combat.

Blanchefleur l’attendit longuement. Hélas ! il ne devaitpas revenir. Un jour, elle apprit que le duc Morgan l’avait tuéen traître. Elle ne pleura pas : ni cris, ni lamentations, mais25

ses membres devinrent faibles et sans forces ; son âme vouluts’arracher de son corps. Rohalt s’efforçait de la consoler :

« Reine, disait-il, on ne peut rien gagner à mettre douleursur douleur ; tous ceux qui naissent ne doivent-ils pasmourir ? Que Dieu reçoive les morts et préserve les30

vivants !… »Mais elle ne voulut pas l’écouter. Pendant trois jours elle

attendit de rejoindre son cher seigneur. Le quatrième jour, ellemit au monde un fils, et, l’ayant pris dans ses bras :

« Fils, lui dit-elle, j’ai pendant longtemps désiré te voir ; et35

je vois la plus belle créature qu’une femme ait jamais portée.Triste j’accouche, triste est la première fête que je te fais, àcause de toi j’éprouve de la tristesse à en mourir. Et puisquetu es venu sur terre dans toute cette tristesse, tu auras pournom Tristan. »40

Quand elle eut dit ces mots, elle l’embrassa, et mourutaussitôt.

Rohalt le Foi-Tenant recueillit l’orphelin. Déjà leshommes du duc Morgan encerclaient le château de Kanoël :comment Rohalt aurait-il pu poursuivre la guerre ? On dit à45

juste titre : « Démesure n’est pas prouesse3 » ; il dut se rendreau duc Morgan. Mais, de peur que Morgan n’égorgeât le fils

1. Rohalt le Foi-Tenant : Rohalt le Fidèle.2. Barons : riches seigneurs au service du roi, dont ils fréquentent la cour.Ils sont parmi les vassaux les plus influents.3. Démesure n’est pas prouesse : excès n’est pas preuve de courage.

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de Rivalen, le maréchal le fit passer pour son propre enfantet l’éleva parmi ses fils.

Au bout de sept ans, lorsque le temps fut venu de le50

reprendre aux femmes1, Rohalt confia Tristan à Gorvenal, unsage maître et bon écuyer2. Gorvenal lui enseigna en peud’années les arts qui conviennent aux barons. Il lui apprit àmanier la lance, l’épée, l’écu3 et l’arc, à lancer des disques depierre, à franchir d’un bond les plus larges fossés ; il lui apprit55

à détester tout mensonge et toute félonie4, à secourir lesfaibles, à tenir ses promesses ; il lui apprit différents chants,le jeu de la harpe et l’art du veneur5 ; et quand l’enfant che-vauchait parmi les jeunes écuyers, on avait l’impression queson cheval, ses armes et lui ne formaient qu’un seul corps et60

n’avaient jamais été séparés. À voir Tristan si noble et si fier,large des épaules, fin du torse, fort, fidèle et preux6, touslouaient Rohalt d’avoir7 un tel fils. Mais, songeant à Rivalenet à Blanchefleur, dont la jeunesse et la grâce revivaient enTristan, Rohalt chérissait le garçon comme son enfant, et65

secrètement le respectait comme son seigneur.Or, toute sa joie lui fut enlevée le jour où des marchands

de Norvège, ayant attiré Tristan sur leur nef, l’emportèrentcomme une belle proie. Tandis qu’ils cinglaient8 vers des

1. Les sept premières années de sa vie, Tristan est élevé par les femmes duchâteau.2. Écuyer : jeune homme noble au service d’un chevalier, et futur chevalierlui-même.3. Écu : bouclier.4. Félonie : acte déloyal, traîtrise.5. Veneur : chasseur qui pratique la chasse à courre (il poursuit le gibier àcheval et à l’aide de ses chiens).6. Preux : valeureux, courageux, vertueux.7. Louaient Rohalt d’avoir : lui exprimaient leur admiration sur le faitqu’il avait.8. Cinglaient : voguaient.

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Extrait de la publication

terres inconnues, Tristan se débattait, comme un jeune loup70

pris au piège. Mais c’est une vérité prouvée, et tous les marinsle savent : la mer transporte à contrecœur les nefs félonnes1,et n’aide pas aux enlèvements ni aux traîtrises. Elle se soulevafurieuse, enveloppa la nef de ténèbres, et la remit aux mainsdu hasard pendant huit jours et huit nuits. Enfin, les marins75

aperçurent à travers la brume une côte hérissée de falaises etde récifs2 sur laquelle la mer voulait briser leur carène3. Ils serepentirent4 : comprenant que la colère de la mer venait decet enfant enlevé pour leur malheur, ils voulurent le délivreret préparèrent une barque pour le déposer sur le rivage. Aussi-80

tôt les vents et les vagues faiblirent, le ciel brilla, et, tandis quela nef des Norvégiens disparaissait au loin, les flots calmés etriants portèrent la barque de Tristan sur le sable d’unegrève5. […]

[Tristan ignore qu’il a accosté en Cornouailles, royaume du roiMarc. À peine a-t-il mis pied à terre qu’il se fait remarquer lorsd’une chasse à courre6 durant laquelle il met en avant sestalents de chasseur. Les veneurs du roi Marc admirent la façondont il prépare les pièces de chasse. Quand ils cherchent à ensavoir plus sur le jeune homme, Tristan, qui « sa[it] bien parleret bien se taire », indique, « par ruse », qu’il est le fils d’un mar-chand de Loonnois et qu’il s’est embarqué sur une nef pourdécouvrir le monde. Ses interlocuteurs lui proposent l’hos-pitalité.]

1. Félonnes : malhonnêtes, traîtres.2. Récifs : rochers dans la mer.3. Carène : coque du bateau.4. Se repentirent : regrettèrent leur action.5. Grève : rivage.6. Chasse à courre : voir note 5, p. 37.

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Alors ils se mirent en route en devisant1 et finirent par85

apercevoir un riche château. Des prairies l’environnaient, desvergers, des eaux vives, des pêcheries2 et des terres de labour.De nombreux bateaux entraient au port. Le château s’élevaitau-dessus de la mer, fort et beau, bien protégé contre touteattaque et tout engin de guerre. Sa tour maîtresse, jadis bâtie90

par les géants, était faite de blocs de pierre, grands et bientaillés, disposés comme un échiquier de sinople3 et d’azur4.

Tristan demanda le nom de ce château.« Beau valet, on le nomme Tintagel.– Tintagel, s’écria Tristan, sois béni de Dieu, et bénis95

soient tes hôtes5 ! »Seigneurs, c’est là qu’autrefois, dans le plus grand bon-

heur, son père Rivalen avait épousé Blanchefleur. Mais,hélas ! Tristan l’ignorait.

Quand ils parvinrent au pied du donjon, les fanfares des100

veneurs attirèrent aux portes les barons et le roi Marc lui-même. Après que le maître de chasse lui eut conté l’aventure,Marc admira le bel ordre de cette chevauchée, le cerf biendépecé, et le grand respect des coutumes de la chasse. Mais sur-tout il admirait le bel enfant étranger, et ses yeux ne pouvaient105

se détacher de lui. D’où lui venait cette première tendresse ?Le roi interrogeait son cœur et ne pouvait le comprendre. Sei-gneurs, c’était son sang qui s’émouvait6 et parlait en lui, etl’amour qu’il avait jadis porté à sa sœur Blanchefleur.

1. Devisant : discutant.2. Pêcheries : réservoirs aménagés pour la pêche.3. Sinople : émail de couleur verte.4. Azur : pierre bleue.5. Hôtes : ici, ceux qui reçoivent, qui offrent l’hospitalité ; le mot peut aussiêtre employé pour désigner ceux qui sont reçus.6. S’émouvait : se troublait.

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Le soir, quand les tables furent desservies, un jongleur1110

gallois, maître en son art, s’avança parmi les barons assem-blés, et chanta des lais2 en s’accompagnant d’une harpe.Tristan était assis aux pieds du roi, et, alors que le joueur deharpe jouait les premières mesures d’une nouvelle mélodie,Tristan lui parla ainsi :115

« Maître, ce lai est très beau : autrefois les anciens Bretonsl’ont fait pour célébrer les amours de Graelent. L’air en estdoux, et douces en sont les paroles. Maître, ta voix est habile,interprète-le bien ! »

Le Gallois chanta, puis répondit :120

« Enfant, que connais-tu donc de l’art des instruments ? Siles marchands de la terre de Loonnois apprennent aussi àleurs fils à se servir de harpes, de rotes3 et de vielles4, lève-toi,prends cette harpe, et montre ton adresse. »

Tristan prit la harpe et chanta si bien que les barons125

s’attendrissaient de l’entendre. Et Marc admirait le joueur deharpe venu de ce pays de Loonnois où jadis Rivalen avaitemporté Blanchefleur.

Quand le lai fut achevé, le roi se tut longuement.« Fils, dit-il enfin, béni soit le maître qui t’enseigna tout130

cela, et béni sois-tu de Dieu ! Dieu aime les bons chanteurs.Leur voix et la voix de leur harpe pénètrent le cœur deshommes, réveillent leurs souvenirs chers et leur font oublier

1. Jongleur : musicien, chanteur ambulant qui allait de château en châteaurécitant des vers, chantant des airs en s’accompagnant de divers instrumentsde musique.2. Lais : poèmes du Moyen Âge, généralement en octosyllabes, qui relatentdes contes et des histoires merveilleuses.3. Rotes : instruments de musique de forme triangulaire, tendus de cordessur un ou deux côtés.4. Vielles : instruments de musique à cordes.

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la douleur et le malheur. Tu es venu pour notre joie en cettedemeure. Ami, reste longtemps à mon côté !135

– Sire, je vous servirai volontiers, répondit Tristan,comme votre harpeur, votre veneur et votre homme lige1. »

Il fit ainsi, et, durant trois années, une mutuelle tendressegrandit dans leurs cœurs. Le jour, Tristan suivait Marc auxplaids2 ou à la chasse, et, la nuit, comme il couchait dans la140

chambre royale parmi les privés et les fidèles, si le roi étaittriste, il jouait de la harpe pour le réconforter. Les barons lechérissaient, et, plus que tous, comme l’histoire vousl’apprendra, le sénéchal3 Dinas de Lidan. Mais le roi l’aimaitplus tendrement encore que les barons et que Dinas de Lidan.145

Malgré leur tendresse, Tristan ne se consolait pas d’avoirperdu Rohalt son père, et son maître Gorvenal, et la terrede Loonnois.

Seigneurs, le conteur qui veut plaire doit éviter les troplongs récits. La matière4 de ce conte est si belle et variée : à150

quoi cela servirait-il de l’allonger ? Je raconterai donc briève-ment comment, après avoir longtemps erré par les mers et lespays, Rohalt le Foi-Tenant aborda en Cornouailles et retrouvaTristan. Il montra à Marc une escarboucle5 que ce dernieravait jadis offerte à Blanchefleur en cadeau de mariage et lui155

dit :« Roi Marc, ce garçon est Tristan de Loonnois, votre

neveu, fils de votre sœur Blanchefleur et du roi Rivalen. Le

1. Homme lige : vassal lié par hommage prioritairement à un suzerain (dansle cas où un vassal a reçu des fiefs de différents souverains auxquels il apromis loyauté et obéissance).2. Plaids : tribunaux féodaux.3. Sénéchal : officier chargé de l’intendance de la maison d’un seigneur.4. Matière : contenu.5. Escarboucle : pierre précieuse rouge grenat.

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duc Morgan occupe injustement sa terre. Il est temps qu’ellerevienne, comme de droit, à son héritier. »160

Et je raconterai encore brièvement comment Tristan sevengea : ayant reçu de son oncle les armes de chevalier, il fran-chit la mer sur les nefs de Cornouailles, se fit reconnaître parles anciens vassaux de son père, défia le meurtrier de Rivalen,le tua et récupéra sa terre. Puis il songea que le roi Marc ne165

pouvait plus être heureux sans lui ; et, comme la noblesse deson cœur lui dictait toujours la conduite la plus sage, il convo-qua ses comtes et ses barons et leur parla ainsi :

« Seigneurs de Loonnois, j’ai reconquis ce pays et j’aivengé le roi Rivalen grâce à l’aide de Dieu et à la vôtre. Ainsi,170

j’ai rendu justice à mon père. Mais deux hommes, Rohalt etle roi Marc de Cornouailles, ont pris soin de l’orphelin et del’enfant perdu, et je dois aussi les appeler pères ; à ceux-là, nedois-je pas aussi rendre justice ? Or, un homme de haut ranga deux choses à lui : sa terre et son corps. Donc, à Rohalt,175

que voici, je donnerai ma terre : père, vous la tiendrez et votrefils la tiendra après vous. Au roi Marc, j’abandonnerai moncorps ; je quitterai ce pays, bien qu’il me soit cher, et j’iraiservir mon seigneur Marc en Cornouailles. Telle est mapensée ; mais vous êtes mes féaux1, seigneurs de Loonnois, et180

vous devez me conseiller ; si donc l’un de vous veut me pro-poser un autre choix, qu’il se lève et qu’il parle ! »

Mais tous les barons le louèrent avec des larmes, et Tris-tan, emmenant avec lui le seul Gorvenal, appareilla2 pour laterre du roi Marc.185

1. Féaux : hommes dévoués au seigneur, fidèles à la foi jurée.2. Appareilla : se prépara à partir en bateau.

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il naviguait vers l’Espagne pour y apprendre à lire dans lesétoiles ; des pirates avaient attaqué la nef : blessé, il s’étaitenfui sur cette barque. On le crut : le venin avait si vilaine-ment déformé ses traits qu’aucun des compagnons duMorholt ne reconnut le beau chevalier de l’île Saint-Samson.145

Mais quand, après quarante jours, Iseut aux cheveux d’orl’eut presque guéri, alors que déjà, dans ses membres devenusmoins raides, commençait à renaître la grâce de la jeunesse,il comprit qu’il fallait fuir ; il s’échappa, et, après avoir courude nombreux dangers, il reparut un jour devant le roi Marc.150

3. La quête de la belleaux cheveux d’or

[De retour auprès du roi Marc, Tristan s’attire la jalousie dequatre barons félons : Andret, Guenelon, Gondoïne et Denoalen.Craignant que le roi ne fasse de Tristan son héritier, ces derniersl’incitent à prendre une épouse, qui pourra lui donner un enfant.Marc fixe un délai de quarante jours pour pouvoir réfléchir.]

[…] Le jour dit, seul dans sa chambre, Marc attendait leurvenue et songeait tristement : « Où donc trouver une fille deroi si lointaine et si inaccessible que je puisse faire semblant,mais faire semblant seulement, de la vouloir pour femme ? »

À cet instant, par la fenêtre ouverte sur la mer, deux hiron-5

delles qui bâtissaient leur nid entrèrent en se querellant1,puis, brusquement effarouchées2, disparurent. Mais de leurs

1. En se querellant : en se battant doucement.2. Effarouchées : effrayées.

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becs s’était échappé un long cheveu de femme, plus fin qu’unfil de soie, qui brillait comme un rayon de soleil.

L’ayant pris, Marc fit entrer les barons et Tristan, et leur10

dit :« Pour vous être agréable, seigneurs, je prendrai une

femme, si toutefois vous voulez aller chercher celle que j’aichoisie.

– Certes, nous le voulons, beau seigneur ; qui donc est15

celle que vous avez choisie ?– J’ai choisi celle à qui appartient ce cheveu d’or, et sachez

que je n’en veux point d’autre.– Et, beau seigneur, d’où vous vient ce cheveu d’or ? Qui

vous l’a porté ? Et de quel pays ?20

– Il me vient, seigneurs, de la Belle aux cheveux d’or ;deux hirondelles me l’ont porté ; elles savent de quel pays ilvient. »

Les barons déçus comprirent qu’on s’était moqué d’eux.Ils regardaient Tristan avec dépit1, car ils le soupçonnaient25

d’avoir conseillé cette ruse. Mais Tristan, ayant bien observéle cheveu d’or, se souvint d’Iseut la Blonde. Il sourit etparla ainsi :

« Roi Marc, vous agissez en me faisant du tort ; et nevoyez-vous pas que je suis sali par les soupçons de ces sei-30

gneurs ? Mais c’est en vain que vous avez préparé cette ruse :j’irai chercher la Belle aux cheveux d’or. Sachez que la quêteest périlleuse2 et qu’il me sera plus difficile encore de revenirde son pays que de l’île où j’ai tué le Morholt ; mais de nou-veau je veux risquer mon corps et ma vie pour vous, bel oncle.35

Afin que vos barons sachent que je vous aime d’un amour

1. Dépit : sentiment provoqué par une déception.2. Périlleuse : dangereuse.

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loyal1, je vous fais ce serment : ou je mourrai dans l’aventure,ou je ramènerai en ce château de Tintagel la reine aux che-veux blonds.»

Il équipa une belle nef, qu’il remplit de froment2, de vin,40

de miel et de bonne nourriture. Il y fit monter, en plus de Gor-venal, cent jeunes chevaliers de haute naissance, choisisparmi les plus hardis, et les vêtit de tuniques de bure3 et demanteau de camelin4 grossier, de sorte qu’ils ressemblaient àdes marchands ; mais, sous le pont de la nef, ils cachaient les45

riches habits de drap d’or, de cendal et d’écarlate5, quiconviennent aux messagers d’un roi puissant.

Quand la nef eut pris le large, le pilote demanda :« Beau seigneur, vers quelle terre naviguer ?– Ami, fais voile vers l’Irlande, droit au port de50

Weisefort. »Le pilote frémit. Tristan ne savait-il pas que, depuis le

meurtre du Morholt, le roi d’Irlande pourchassait les nefs cor-nouaillaises ? Les marins, il les pendait à des fourches. Lepilote obéit pourtant et gagna la terre périlleuse.55

D’abord, Tristan sut persuader les hommes de Weisefortque ses compagnons étaient des marchands d’Angleterrevenus pour commercer en paix. Mais, comme ces étrangesmarchands passaient leur journée à jouer aux nobles jeux destables et des échecs et paraissaient mieux s’entendre à manier60

les dés qu’à mesurer le froment, Tristan craignait d’êtredécouvert, et ne savait comment commencer sa quête.

1. Loyal : droit, honnête.2. Froment : blé tendre.3. Bure : étoffe grossière de laine.4. Camelin : étoffe légère fabriquée avec du poil de chameau ou de chèvre.5. Écarlate : drap fin de qualité supérieure, généralement teint en rouge.

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Extrait de la publication

Or, un matin, au point du jour, il ouït1 une voix si épou-vantable que l’on aurait dit le cri d’un démon. Jamais iln’avait entendu bête glapir2 d’une façon aussi horrible et mer-65

veilleuse. Il appela une femme qui passait sur le port :« Dites-moi, fait-il, dame, d’où vient cette voix que j’ai

entendue ? Ne me le cachez pas.– Certes, sire, je vous le dirai sans mensonge. Elle vient

d’une bête sauvage, la plus hideuse3 qui soit au monde.70

Chaque jour, elle descend de sa caverne et s’arrête à l’une desportes de la ville. Personne ne peut sortir, personne ne peutentrer, avant qu’on ait livré au dragon une jeune fille ; et, dèsqu’il la tient entre ses griffes, il la dévore en moins de tempsqu’il n’en faut pour dire une patenôtre4.75

– Dame, dit Tristan, ne vous moquez pas de moi, maisdites-moi s’il serait possible à un homme né de mère5 de latuer dans un combat.

– Certes, beau doux sire6, je ne sais pas ; ce qui est sûr,c’est que vingt chevaliers expérimentés ont déjà tenté l’aven-80

ture ; car le roi d’Irlande a proclamé par voix de héraut7 qu’ildonnerait sa fille Iseut la Blonde à qui tuerait le monstre ;mais le monstre les a tous dévorés. »

Tristan quitte la femme et retourne vers sa nef. Il s’armeen secret ; quel spectacle c’eût été de voir sortir de la nef de85

ces marchands un aussi riche destrier8 de guerre et un aussi

1. Ouït : entendit.2. Glapir : aboyer, crier.3. Hideuse : horrible, monstrueuse.4. Patenôtre : prière du Notre-Père.5. Né de mère : qui a pour mère une mortelle et non un être surnaturel.6. Beau doux sire : très cher seigneur (ces adjectifs sont utilisés dans lesadresses à des personnages importants).7. Héraut : officier chargé de transmettre les messages importants, de faireles proclamations officielles.8. Destrier : cheval de bataille.

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Extrait de la publication

fier chevalier ! Mais le port était désert, car l’aube venait àpeine de se lever, et personne ne vit le preux chevalier chevau-cher jusqu’à la porte que la femme lui avait montrée. Sou-dain, cinq hommes dévalèrent sur la route : ils éperonnaient90

leurs chevaux, les freins1 abandonnés, et fuyaient vers la ville.Tristan saisit au passage l’un d’entre eux par ses cheveuxrouges tressés, si fortement qu’il le renversa sur la croupe deson cheval et le maintint arrêté :

« Dieu vous sauve, beau sire ! dit Tristan ; par quelle route95

vient le dragon ? »Et quand le fuyard lui eut montré la route, Tristan le

relâcha.Le monstre approchait. Il avait la tête d’une guivre2, les

yeux rouges comme des charbons embrasés, deux cornes au100

front, les oreilles longues et velues, des griffes de lion, unequeue de serpent, le corps écailleux d’un griffon3.

Tristan lança contre lui son destrier avec une telle forceque, malgré la peur, il bondit pourtant contre le monstre. Lalance de Tristan heurta les écailles et vola en éclats. Aussitôt105

le preux chevalier tire son épée, la lève et l’assène4 sur la têtedu dragon, mais sans même en entamer le cuir. Le monstre apourtant senti le coup ; il lance ses griffes contre l’écu, les yenfonce, et en fait voler les attaches. La poitrine découverte,Tristan l’attaque de nouveau avec son épée, et le frappe sur110

les flancs d’un coup si violent que l’air en retentit. En vain :il ne peut le blesser. Alors, le dragon vomit par les naseauxun double jet de flammes venimeuses : le haubert de Tristannoircit comme un charbon éteint, son cheval s’abat et meurt.

1. Freins : courroies permettant de ralentir un cheval.2. Guivre : serpent fantastique censé garder les trésors.3. Griffon : animal fantastique à tête d’aigle et à corps de lion.4. L’assène : l’abat violemment.

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Extrait de la publication

Mais, aussitôt relevé, Tristan enfonce sa bonne épée dans la115

gueule du monstre : elle y pénètre en entier et lui fend le cœuren deux. Le dragon pousse une dernière fois son cri horribleet meurt.

Tristan lui coupa la langue et la mit dans sa chausse. Puis,tout étourdi par la fumée âcre, il marcha, pour y boire, vers120

une eau stagnante qu’il voyait briller à quelque distance. Maisle venin distillé par la langue du dragon se réveilla contre soncorps, et, dans les hautes herbes qui bordaient le marécage,le héros tomba inanimé.

Or, sachez que le fuyard aux rouges cheveux tressés était125

Aguynguerran le Roux, le sénéchal du roi d’Irlande, et qu’ilconvoitait1 Iseut la Blonde. Il était couard2, mais la puissancede l’amour est si forte que chaque matin il s’embusquait,armé, pour attaquer le monstre ; pourtant, du plus loin qu’ilentendait son cri, le preux fuyait. Ce jour-là, suivi de ses130

quatre compagnons, il osa rebrousser chemin. Il trouva ledragon abattu, le cheval mort, l’écu brisé, et pensa que levainqueur achevait de mourir quelque part. Alors, il tranchala tête du monstre, la porta au roi et réclama la belle récom-pense promise.135

Le roi ne crut guère à sa prouesse3 ; mais voulant êtrejuste, il fit avertir ses vassaux de venir à sa cour, à trois joursde là : devant l’assemblée des barons, le sénéchal Aguynguer-ran fournirait la preuve de sa victoire.

Quand Iseut la Blonde apprit qu’elle serait livrée à cet140

homme couard, elle se mit tout d’abord à rire, puis se

1. Convoitait : désirait.2. Couard : lâche.3. Prouesse : exploit. Le mot peut aussi signifier « courage, bravoure,vaillance ».

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lamenta. Mais, le lendemain, soupçonnant qu’il s’agissaitd’une imposture1, elle prit avec elle son valet, le blond, lefidèle Perinis, et Brangien, sa jeune servante et sa compagne,et tous trois chevauchèrent en secret vers le repaire du145

monstre. Iseut finit par remarquer sur la route des empreintesde forme bizarre : sans doute, le cheval qui avait passé làn’avait pas été ferré en ce pays. Puis elle trouva le monstresans tête et le cheval mort ; il n’était pas harnaché selon lacoutume d’Irlande. Certes, un étranger avait tué le dragon ;150

mais vivait-il encore ?Iseut, Perinis et Brangien le cherchèrent longtemps ; enfin,

parmi les herbes du marécage, Brangien vit briller le heaumedu preux chevalier. Il respirait encore. Perinis le prit sur soncheval et le porta secrètement dans les chambres des femmes.155

Là, Iseut conta l’aventure à sa mère, et lui confia l’étranger.Comme la reine lui ôtait son armure, la langue empoisonnéedu dragon tomba de sa chausse. Alors la reine d’Irlanderéveilla le blessé grâce au pouvoir d’une herbe médicinale, etlui dit :160

« Étranger, je sais que tu es vraiment le tueur du monstre.Mais notre sénéchal, un félon, un couard, lui a tranché la têteet réclame ma fille Iseut la Blonde pour sa récompense.Sauras-tu, dans deux jours, prouver qu’il a tort en l’affrontantdans un combat ?165

– Reine, dit Tristan, la date est proche. Mais, sans doute,vous pouvez me guérir en deux journées. J’ai conquis Iseutsur le dragon ; peut-être je la conquerrai sur le sénéchal. »

Alors la reine l’hébergea richement, et prépara pour luides remèdes efficaces. Le jour suivant, Iseut la Blonde lui pré-170

para un bain et doucement enduisit son corps d’un baume2

1. Imposture : mensonge.2. Baume : pommade, crème.

La quête de la belle aux cheveux d’or | 55

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que sa mère avait composé. Elle arrêta ses regards sur levisage du blessé, vit qu’il était beau, et se surprit à penser :« Certes, si sa prouesse vaut sa beauté, mon champion livreraune rude bataille ! » Mais Tristan, ranimé par la chaleur de175

l’eau et la force des aromates, la regardait, et, songeant qu’ilavait conquis la reine aux cheveux d’or, se mit à sourire. Iseutle remarqua et se dit : « Pourquoi cet étranger a-t-il souri ? Ai-je fait quelque chose qui ne convient pas ? Ai-je négligé l’undes services qu’une jeune fille doit rendre à son hôte ? Oui,180

peut-être a-t-il ri parce que j’ai oublié de nettoyer ses armesabîmées par le venin. »

Elle se dirigea donc là où l’armure de Tristan était dépo-sée : « Ce heaume est fait d’un bon acier, pensa-t-elle, et encas de besoin il ne lui fera pas défaut. Et ce haubert est fort,185

léger, bien digne d’être porté par un preux. » Elle prit l’épéepar la poignée : « Certes, c’est là une belle épée, et quiconvient à un hardi baron. »

Elle tire du riche fourreau, pour l’essuyer, la lame san-glante. Mais elle voit qu’elle est largement ébréchée. Elle190

remarque la forme de l’entaille : ne serait-ce point la lame quis’est brisée dans la tête du Morholt ? Elle hésite, regardeencore, veut s’assurer de son doute. Elle court à la chambreoù elle gardait le fragment d’acier retiré autrefois du crâne duMorholt. Elle place le fragment dans la brèche ; à peine195

voyait-on la trace de la cassure.Alors elle se précipita vers Tristan, et, faisant tournoyer au-

dessus de la tête du blessé la grande épée, elle cria :« Tu es Tristan de Loonnois, le meurtrier du Morholt, mon

cher oncle. Meurs donc à ton tour ! »200

Tristan fit un effort pour arrêter son bras ; en vain ; soncorps était paralysé, mais son esprit restait agile. Il parla doncavec adresse :

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Extrait de la publication

« Soit, je mourrai ; mais, pour t’épargner les longs regrets,écoute. Fille de roi, sache que tu n’as pas seulement le pou-205

voir, mais le droit de me tuer. Oui, tu as droit sur ma vie,puisque par deux fois tu me l’as conservée et rendue. Une pre-mière fois, autrefois : j’étais le jongleur blessé que tu as sauvéquand tu as chassé de son corps le venin dont l’épieu1 duMorholt l’avait empoisonné. Ne rougis pas, jeune fille,210

d’avoir guéri ces blessures : ne les avais-je pas reçues dans uncombat loyal ? Ai-je tué le Morholt en traître ? Ne m’avait-ilpas défié ? Ne devais-je pas défendre mon corps ? Pour laseconde fois, en allant me chercher au marécage, tu m’assauvé. Ah ! c’est pour toi, jeune fille, que j’ai combattu215

le dragon… Mais laissons ces choses : je voulais te prouverseulement que, m’ayant par deux fois délivré du péril de lamort, tu as droit sur ma vie. Tue-moi donc, si tu penses ygagner louange2 et gloire. Sans doute, quand tu seras couchéeentre les bras du preux sénéchal, il te sera doux de songer à220

ton hôte blessé, qui avait risqué sa vie pour te conquérir ett’avait conquise, et que tu auras tué sans défense dans cebain. »

Iseut s’écria :« J’entends des paroles étonnantes. Pourquoi le meurtrier225

du Morholt a-t-il voulu me conquérir ? Ah ! Sans doute,comme le Morholt avait autrefois tenté d’enlever sur sa nef lesjeunes filles de Cornouailles, à ton tour, par vengeance, tu t’esvanté de pouvoir emporter comme esclave celle que leMorholt aimait le plus entre les jeunes filles…230

– Non, fille de roi, dit Tristan. Mais un jour deux hiron-delles ont volé jusqu’à Tintagel pour y porter l’un de tes che-

1. Épieu : long bâton terminé par un fer plat.2. Louange : admiration.

La quête de la belle aux cheveux d’or | 57

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veux d’or. J’ai cru qu’elles venaient m’annoncer paix etamour. C’est pourquoi je suis venu te quérir par-delà la mer.C’est pourquoi j’ai affronté le monstre et son venin. Vois ce235

cheveu cousu parmi les fils d’or de mon bliaut1 ; la couleurdes fils d’or a passé : l’or du cheveu ne s’est pas terni. »

Iseut regarda la grande épée et prit dans ses mains latunique de Tristan. Elle y vit le cheveu d’or et se tut longue-ment ; puis elle embrassa son hôte sur les lèvres en signe de240

paix et le revêtit de riches habits. […]

[Accompagné de ses barons, Tristan se rend auprès du roid’Irlande. En exhibant devant la cour la langue du dragon, Tris-tan parvient à prouver qu’il est le véritable champion et obtient,grâce à Iseut, le pardon du roi pour avoir tué le Morholt. Il peutdonc accomplir sa quête et réclamer son dû : il ramènera Iseuten Cornouailles pour qu’elle y épouse, en signe de paix, le roiMarc.]

4. Le philtre

Quand le temps approcha de remettre Iseut aux chevaliersde Cornouailles, sa mère cueillit des herbes, des fleurs et desracines, les mélangea dans du vin, et prépara une potion puis-sante. L’ayant achevée grâce à son savoir et à la magie, elle laversa dans un coutret2 et dit secrètement à Brangien3 :5

1. Mon bliaut : ma tunique.2. Coutret : flacon.3. Brangien : servante et compagne d’Iseut.

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« Fille, tu dois suivre Iseut au pays du roi Marc, et l’aimerfidèlement. Prends donc ce coutret de vin et retiens mesparoles. Cache-le de telle sorte qu’aucun œil ne le voie etqu’aucune lèvre ne s’en approche. Mais, quand viendront lanuit de noces et l’instant où l’on quitte les époux, tu verseras10

ce vin mêlé d’herbes dans une coupe et tu la présenteras auroi Marc et à la reine Iseut, pour qu’ils la vident ensemble.Prends garde, ma fille, qu’eux seuls puissent goûter ce breu-vage. Car tel est son pouvoir : ceux qui en boiront ensembles’aimeront de tous leurs sens et de toute leur pensée, pour15

toujours, dans la vie et dans la mort. »Brangien promit à la reine qu’elle ferait selon sa volonté.

La nef, tranchant les vagues profondes, emportait Iseut.Mais, plus elle s’éloignait de la terre d’Irlande, plus la jeunefille se lamentait avec tristesse. Assise sous la tente où elle20

s’était renfermée avec Brangien, sa servante, elle pleurait ausouvenir de son pays. Où ces étrangers l’entraînaient-ils ?Vers qui ? Vers quelle destinée ? Quand Tristan s’approchaitd’elle et voulait l’apaiser par de douces paroles, elle s’irritait,le repoussait, et la haine gonflait son cœur. Il était venu, lui25

le ravisseur1, lui le meurtrier du Morholt ; il l’avait arrachéepar ses ruses à sa mère et à son pays ; il n’avait pas daignéla garder pour lui-même, et voici qu’il l’emportait, comme saproie, sur les flots, vers la terre ennemie ! « Malheureuse !disait-elle, maudite soit la mer qui me porte ! J’aimerais30

mieux mourir sur la terre où je suis née que vivre là-bas !… »Un jour, les vents tombèrent, et les voiles pendaient

dégonflées le long du mât. Tristan fit mettre pied à terre dansune île, et, fatigués de la mer, les cent chevaliers de Cor-

1. Le ravisseur : celui qui l’a enlevée de force.

Le philtre | 59

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Extrait de la publication

nouailles et les marins descendirent sur le rivage. Seule Iseut35

était demeurée sur la nef, et une petite servante. Tristan vintvers la reine et tâchait de calmer son cœur. Comme le soleilbrûlait et qu’ils avaient soif, ils demandèrent à boire. L’enfantchercha quelque boisson, et finit par découvrir le flaconconfié à Brangien par la mère d’Iseut. « J’ai trouvé du vin ! »40

leur cria-t-elle. Non, ce n’était pas du vin : c’était la passion,c’était l’âpre1 joie et l’angoisse sans fin, et la mort. L’enfantremplit un hanap2 et le présenta à sa maîtresse. Elle but àlongs traits, puis le tendit à Tristan, qui le vida.

À cet instant, Brangien entra et les vit qui se regardaient45

en silence, comme égarés et comme ravis3. Elle vit devant euxle vase presque vide et le hanap. Elle prit le vase, courut à lapoupe4, le lança dans les vagues et gémit :

« Malheureuse ! Maudit soit le jour où je suis née et mauditle jour où je suis montée sur cette nef ! Iseut, amie, et vous,50

Tristan, c’est votre mort que vous avez bue ! »

De nouveau, la nef faisait voile vers Tintagel. Il semblaità Tristan qu’une ronce vivace5, aux épines aiguës6, aux fleursodorantes, prenait racines dans le sang de son cœur et par deforts liens enlaçait au beau corps d’Iseut son corps et toute55

sa pensée, et tout son désir. Il songeait : « Andret, Denoalen,Guenelon et Gondoïne, félons qui m’accusiez de convoiter laterre du roi Marc, ah ! je suis plus vil7 encore, et ce n’est pas

1. Âpre : ici, douloureuse.2. Hanap : grand vase à boire, coupe.3. Ravis : hors d’eux-mêmes, en extase.4. Poupe : arrière du bateau.5. Vivace : résistante.6. Aiguës : pointues.7. Vil : méprisable.

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sa terre que je convoite ! Bel oncle, qui m’avez aimé orphelinavant même de reconnaître le sang de votre sœur Blanche-60

fleur, vous qui me pleuriez tendrement, tandis que vos brasme portaient jusqu’à la barque sans rames ni voile, bel oncle,que n’avez-vous, dès le premier jour, chassé l’enfant errantvenu pour vous trahir ? Ah ! qu’ai-je pensé ? Iseut est votrefemme, et moi votre vassal. Iseut est votre femme, et moi65

votre fils. Iseut est votre femme, et ne peut pas m’aimer. »Iseut l’aimait. Elle voulait le haïr, pourtant : ne l’avait-il

pas dédaignée ? Elle voulait le haïr, et ne pouvait, irritée enson cœur par cette tendresse plus douloureuse que la haine.

Brangien les observait avec angoisse, plus cruellement70

tourmentée encore, car elle seule savait le mal qu’elle avaitcausé. Deux jours elle les épia, les vit repousser toute nourri-ture, toute boisson et tout réconfort, se chercher comme desaveugles qui marchent à tâtons l’un vers l’autre, malheureuxquand ils languissaient1 séparés, plus malheureux encore75

quand, réunis, ils tremblaient devant l’horreur du premieraveu.

Le troisième jour, alors que Tristan venait vers la tente,dressée sur le pont de la nef, où Iseut était assise, Iseut le vits’approcher et lui dit humblement2 :80

« Entrez, seigneur.– Reine, dit Tristan, pourquoi m’avoir appelé seigneur ?

Ne suis-je pas votre homme lige, au contraire, et votre vassal,pour vous révérer3, vous servir et vous aimer comme ma reineet ma dame ? »85

Iseut répondit :

1. Languissaient : dépérissaient, souffraient.2. Humblement : avec modestie.3. Révérer : traiter avec le plus grand respect.

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« Non, tu le sais, que tu es mon seigneur et mon maître ! Tule sais, que ta force me domine et que je suis ta serve1 ! Ah !pourquoi n’ai-je pas avivé autrefois les plaies du jongleurblessé ! Pourquoi n’ai-je pas laissé mourir le tueur du monstre90

dans les herbes du marécage ! Pourquoi n’ai-je pas assené2 surlui, quand il reposait dans le bain, le coup de l’épée déjà bran-die ! Hélas ! je ne savais pas alors ce que je sais aujourd’hui !

– Iseut, que savez-vous donc aujourd’hui ? Qu’est-cedonc qui vous tourmente ?95

– Ah ! tout ce que je sais me tourmente, et tout ce que jevois. Ce ciel me tourmente, et cette mer, et mon corps, etma vie ! »

Elle posa son bras sur l’épaule de Tristan ; des larmes étei-gnirent le rayon de ses yeux, ses lèvres tremblèrent. Il répéta :100

« Amie, qu’est-ce donc qui vous tourmente ? »Elle répondit :« L’amour de vous.»Alors il posa ses lèvres sur les siennes.Mais, alors que pour la première fois tous deux savou-105

raient le plaisir de l’amour, Brangien, qui les épiait, poussaun cri, et, les bras tendus, la face trempée de larmes, se jetaà leurs pieds :

« Malheureux ! arrêtez-vous, et faites marche arrière, sivous le pouvez encore ! Mais non, la voie est sans retour, déjà110

la force de l’amour vous entraîne et jamais plus vous n’aurezde joie sans douleur. C’est la potion aux herbes qui vous pos-sède, le philtre d’amour que votre mère, Iseut, m’avait confié.Seul le roi Marc devait le boire avec vous ; mais l’Ennemi3

1. Serve : féminin de « serf » (voir note 1, p. 44).2. Assené : frappé.3. L’Ennemi : le diable.

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Extrait de la publication

s’est joué de nous trois, et c’est vous qui avez vidé le115

hanap. Ami Tristan, Iseut amie, pour me punir de ne pas vousavoir correctement protégés, je vous abandonne mon corps,ma vie ; car, à cause de mon crime, dans la coupe maudite,vous avez bu l’amour et la mort ! »

Les amants s’étreignirent1 ; dans leurs beaux corps frémis-120

saient le désir et la vie. Tristan dit :« Vienne donc la mort ! »Et, quand le soir tomba, sur la nef qui bondissait plus

rapide vers la terre du roi Marc, liés à jamais, ils s’abandon-nèrent à l’amour.125

5. Brangien livrée aux serfs

[À peine arrivée en Cornouailles, Iseut se marie au roi Marc, quitombe aussitôt amoureux de la Belle aux cheveux d’or. Pour quele roi croie Iseut toujours vierge, cette dernière convainc Bran-gien de prendre sa place dans le lit conjugal et de sacrifier savirginité.La vie au château suit son cours. Iseut voit Tristan tous les jours.Une seule chose la tourmente : la peur que Brangien révèle unjour la vérité au roi. Elle décide donc de la faire assassiner : deuxserfs devront l’entraîner au fond d’un bois et la tuer.Cependant, émus par la jeune fille, ces derniers lui laissent la viesauve ; Iseut regrette bientôt ses pensées coupables. Apprenantque Brangien est toujours en vie, elle se réjouit et se réconcilieavec elle.]

1. S’étreignirent : se serrèrent dans les bras l’un de l’autre.

Brangien livrée aux serfs | 63

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DOSSIER■ Avez-vous bien lu ?

■ Microlectures

■ D’où ça vient ?

■ Tristan, preux chevalier

■ Une histoire d’amour

■ Autres versions de Tristan et Iseut

■ Passion tragique, prolongement

■ Histoire des arts et postérité du mythe

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Extrait de la publication

Les personnages

Complétez l’arbre généalogique ci-dessous avec les noms sui-vants : Tristan, Gorvenal, Iseut la Blonde, Blanchefleur,le Morholt, Marc, Rivalen, Iseut aux Blanches Mains, Rohaltle Foi-Tenant, sachant que :

┌─┐ désigne un lien fraternel,

└─┘ désigne un lien conjugal.

…… recueille Tristan et l’élève comme son fils

………, roi de Loonois

.................. ………, sœur du roi Marc

...............

…… s’occupe de son éducation et l’aide dans sa fuite

Roi d’Irlande

…………, frère de la reine et oncle d’Iseut

Reine d’Irlande

..................

...............

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RLe rôle de chacun

Pour bien identifier le rôle de chacun, complétez le schémaactanciel suivant :

Adjuvants

Sujet Tristan

Objet Iseut

Opposants

désire

– C’est un personnage ambigu, puisqu’il est tantôt dans le camp des adjuvants et tantôt dans celui des opposants selon l’influence qu’il subit : …………………… – C’est un personnage maléfique, magicien, allié etcomplice des barons félons, il met en place des stratagèmes pour faire surprendre les amants par le roi : …………………….. – Ils sont quatre et jaloux de Tristan. Ils mourront un à un : ………………………………………………– Elle trahit Tristan par amour pour lui et par jalousie : ……………………..……

– Servante d’Iseut. C’est par amitié qu’elle prend la place d’Iseut dans le lit du roi. Mais c’est aussi celle par qui le scandale est arrivé puisqu’elle a fait boire le philtre à Tristan et à sa maîtresse : ………………– Maître d’armes et écuyer de Tristan, il veillefidèlement sur son élève. Confident de Tristan, il est discret mais efficace. Il participe à la vengeance desamants : ………………– Sénéchal du roi, il aide les deux amants à seretrouver : ………………– Beau-frère de Tristan, il l’aide à retrouver Iseut la Blonde : ………………

Dossier | 147

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Les lieux du récit

Où se trouvent… ?1. le royaume de Rivalen2. celui d’Arthur3. celui de Marc4. les terres d’Iseut aux Blanches Mains5. le lieu de naissance d’Iseut la Blonde6. Localisez-les sur la carte, p. 34.

Un récit baigné par la mer1. Au chapitre……, la mer assume une dimension symboliquecar le héros y affronte la mort sur une barque pour renaîtreensuite, guéri de ses blessures.2. Au chapitre……, elle est l’espace qui réunit les deux êtreset favorise l’intimité.3. Au chapitre……, elle est l’espace qui éloigne les amants.4. Au chapitre……, une tempête retarde l’arrivée d’Iseut. Ellepeut être lue comme un symbole de la volonté divine quis’opposerait à la réunion finale des deux amants.

Dans la forêt du Morois

La forêt du Morois est différente de celle que parcourent leschevaliers de la Table ronde dans les romans arthuriens. Ici :

1. De quoi les deux amants vivent-ils ?2. Où se logent-ils ?3. D’après vous, sont-ils heureux ?

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RMicrolectures

Microlecture no 1 : la naissance de Tristan

Relisez le chapitre 1, de « Seigneurs, vous plairait-il » à « etsecrètement le respectait comme son seigneur » (p. 35-37),puis répondez aux questions suivantes.

I. Un roman médiéval : le premier paragraphe1. Qui parle dans le premier paragraphe ?2. À qui s’adresse-t-il ?3. Dans ce même paragraphe, relevez un verbe indiquantque ce roman est destiné à être entendu plutôt que lu. Àquel mode ce verbe est-il conjugué ?4. À quelle époque l’action se déroule-t-elle ? Relevez dansl’extrait des éléments permettant de justifier votreréponse.

II. La naissance du héros1. Quel sentiment Rivalen et Blanchefleur éprouvent-ils l’unpour l’autre ? Citez le texte pour justifier votre réponse.2. Comment Blanchefleur réagit-elle à la mort de sonépoux ? Justifiez votre réponse en citant une phrase dutexte.3. Pourquoi choisit-elle de prénommer son fils « Tristan » ?Combien de fois le nom « tristesse » et l’adjectif « triste »apparaissent-ils ? Quelle remarque ces répétitions vousinspirent-elles ?

III. L’éducation du futur chevalier1. Tristan est élevé comme un chevalier : en quoi consistel’éducation qu’il reçoit ? Classez en trois colonnes ce quirelève de la vie à la cour, de l’entraînement physique, desvaleurs morales.

Dossier | 149

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2. Quelles sont les qualités physiques et morales de Tristan ?Justifiez votre réponse en relevant les adjectifs utilisésdans l’extrait.3. Recherchez l’origine du mot « preux ». Quel nom de lamême famille connaissez-vous ?

IV. Les fonctions de l’incipit1. Quels éléments le début du texte nous dévoile-t-il ?2. Que pouvez-vous en déduire sur la fonction de ce pre-mier chapitre ?

Microlecture no 2 : le combat contre le dragon– une épreuve initiatique

Relisez le chapitre 3, de « Or, un matin, au point du jour » à« réclama la belle récompense promise » (p. 52-54), puisrépondez aux questions suivantes.

I. Un ennemi monstrueux1. Relevez tous les éléments qui composent le portrait dudragon.2. Cherchez l’étymologie du mot « monstre ».

II. Les caractéristiques du récit de combat

Les verbes1. Relevez les verbes d’action (p. 53, cinquième paragraphe).2. Quels temps verbaux sont les plus utilisés dans ce pas-sage ? Quelle est la valeur de chacun ?

Les connecteurs1. Relevez les adverbes exprimant la rapidité de l’exécutiondes actions (p. 53, cinquième paragraphe).2. Comment cette rapidité est-elle mise en valeur par letexte ?

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Extrait de la publication

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RAutres versionsde Tristan et Iseut

Le récit que vous avez lu a été adapté de la version de Béroul.Cependant, d’autres auteurs ont contribué à forger le mythede Tristan et Iseut (voir présentation, p. 13-14). Les extraitssuivants présentent quelques variantes des épisodes les plusfameux de la légende : la scène du philtre et celle de la mortdes amants.

La scène du philtredans La Folie Tristan de Berne

Déguisé en fou et s’efforçant de se faire reconnaître de Bran-gien, Tristan se plaint à cette dernière des effets maléfiquesdu « boire ».

Le breuvage qui faisait partie du trousseau m’a si bien ravi lecœur et l’esprit que je n’ai plus rien d’autre en tête sinon le ser-vice d’amour. Que Dieu me conduise au succès ! Tout cela étaitbien mal parti ! Ma raison s’est changée en folie. Et c’est vous,Brangien, qui avez apporté ce breuvage ; vous avez commis unegrave erreur. Ce breuvage aux effets disparates fut concocté avecplusieurs sortes d’herbes : je meurs pour elle et elle ne sent rien.L’effet n’est pas réparti de manière équilibrée car je suis Tristanle malheureux.

Tristan et Iseut : les poèmes français, la saga norroise,trad. Daniel Lacroix et Philippe Walter,

© Le Livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 1989, rééd. 2009,v. 319-332, p. 292-293.

Dossier | 169

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Le « lai mortel » d’Iseut dans le Tristan en prose

Marc persuade la reine que Tristan est mort, alors qu’il vienten fait de sombrer dans la folie. Décidée à se suicider avecl’épée de son amant, Iseut compose un « lai mortel » pourchanter une dernière fois sa douleur et son amour.

Épée, vous avez donné bien des coups,Abattu bien des félons,Mais votre ultime exploitSera de vous tourner contre moi.[…]Je meurs, brûlée par la flamme de l’Amour,Elle me tord, elle m’embrase,Elle me consume le corps et l’âme.Je suis jeune encore, et elle me mène au tombeau.Ami Tristan, Tristan ami,Dieu permettra, j’en suis sûre, qu’en Enfer ou en ParadisMon âme demeure près de votre visage.

Je meurs, je ne sais où me mène le chemin où je m’engage.Est-ce le bon ? Est-ce le mauvais ?Il me semble qu’à mes côtés marche Tristan,Qu’il me conduit vers la maison de l’Amour.Mon bien-aimé, il est juste que j’affrontePour vous la mort. Je la vois devant moi,Qui trace mon chemin.Qu’à ma mort Dieu enfin consente !

Ici s’achève mon lai.Parmi les chants, parmi les pleurs, il arrive à sa fin.Iseut qui meurt, meurt par amour.Jamais reine n’eut si belle mort.

Tristan et Iseut, trad. Emmanuelle Baumgartner,© Ellipses, coll. « Les textes fondateurs », 2001, p. 117-118.

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RLa mort des amants selon le Tristan en prose

Tristan agonise, mortellement blessé par Marc. Mais le roiautorise Iseut à revoir une dernière fois son amant. Elledéclare à Tristan qu’elle veut le suivre dans la mort.

Quand monseigneur Tristan comprend que sa mort est immi-nente, il regarde autour de lui et s’écrie :

« Seigneurs, je me meurs ! Je ne peux vivre plus longtemps.La mort est là, qui m’emporte. Vous tous qui êtes ici, je vousrecommande à Dieu, car l’heure de ma mort a sonné. Mais s’ilplaît à Dieu que j’achève ma vie, qui fut si courte, entre les brasde la reine Iseut, je l’achèverai avec plus de bonheur, mesemble-t-il ! »

Lorsqu’elle entend ainsi parler, Iseut se penche sur Tristan.Elle s’incline sur sa poitrine et Tristan la prend dans ses bras.Puis, la tenant ainsi, il dit avec tant de force que tous ceux quise trouvaient là purent l’entendre :

« Peu m’importe désormais de mourir puisque voilà que j’aiIseut avec moi ! »

Il presse alors la reine sur sa poitrine de toutes ses forces, sibien qu’il lui brise le cœur et que lui-même meurt en ce mêmemoment.

Tristan et Iseut, trad. Emmanuelle Baumgartner,© Ellipses, coll. « Les textes fondateurs », 2001, p. 120.

1. Comparez la réaction de Tristan, qui a bu le philtred’amour, dans la version de Béroul (voir chapitre 4, p. 60-61)et dans celle de Berne. Quelle est la première inquiétude duhéros dans chacune ?2. « Jamais reine n’eut si belle mort » (Tristan en prose) :Iseut vous paraît-elle apaisée ? Est-ce le cas dans la versionque vous avez lue ?3. Comment les amants meurent-ils dans le Tristan enprose ? Quelle vision de l’amour cette fin offre-t-elle ?

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La mort des amants de Cornouailles,cahier photos, p. 4-5

Dans les versions versifiées de la légende, Tristan est blesséà mort par un ennemi anonyme, et meurt de chagrin, trompépar sa femme qui lui laisse croire qu’Iseut ne viendra pas leguérir. Accourue pour lui porter secours, cette dernière arrivetrop tard. Apprenant la mort de son amant, elle s’allonge ets’éteint à son côté.La version en prose de Tristan, qui date du XIIIe siècle, infléchitla légende en mêlant les aventures du Graal à celles desamants de Cornouailles. Marc assassine son neveu en le frap-pant par surprise d’une lance empoisonnée, alors que Tristanjoue de la harpe pour la reine. Tristan se réfugie dans le châ-teau de Dinas. Se sentant mourir, il serre Iseut dans ses brasjusqu’à ce que son cœur éclate.Les deux enluminures reproduites dans le cahier photosillustrent ces fins différentes.

Document 1 : l’union des amants1. Observez Iseut. Comment est-elle représentée ? Quelssont les signes de sa royauté ? Quelle couleur lui estassociée ?2. Observez le personnage de Tristan. Décrivez-le. Que sug-gère sa position ?3. Décrivez l’espace dans lequel évoluent les deux amants.Que représente-t-il ?4. Comment la force de l’amour qui unit Tristan et Iseutest-elle suggérée ?5. Contrastant avec l’intimité du couple, la présence dugroupe de personnages à l’arrière-plan rappelle un motifimportant de la légende. Lequel ?

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RDocument 2 : la blessure de Tristan

Un tableau courtois1. Quels personnages se détachent au premier plan ?2. Décrivez Tristan. Que fait-il ?3. Décrivez Iseut. Quelle est sa position ? Que suggère-t-elle ?4. Décrivez l’espace dans lequel se trouvent les deuxamants.5. Quelles sont les couleurs dominantes de cetteillustration ?

Une scène de vengeance1. Observez le personnage au second plan, dans la partiegauche de l’illustration. Qui est-il ? À quoi le reconnaissez-vous ?2. Que fait-il ?

La dramatisation1. Repérez les lignes verticales et diagonales qui structurentl’illustration. Quelle ligne horizontale vient rompre cetéquilibre ?2. L’illustration oppose deux espaces. Lesquels ? Par quelsmoyens ?3. Comment la violence de la scène est-elle suggérée ?

Deux personnages antithétiques1. Quels objets s’opposent dans cette enluminure ?2. Où Marc frappe-t-il Tristan ? Que suggère ce geste ?

BilanQuelle fin préférez-vous ? Pourquoi ?

Dossier | 183

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MIANO (LÉONORA)Afropean Soul et autres nouvelles (326)

MOLIÈREL’Amour médecin. Le Sicilien ou l’Amourpeintre (342)L’Avare – Nouvelle édition (12)Le Bourgeois gentilhomme – Nouvelleédition (352)Dom Juan (329)Les Fourberies de Scapin – Nouvelleédition (337)Le Médecin malgré lui – Nouvelle édition(370)Le Médecin volant. La Jalousiedu Barbouillé (242)Le Misanthrope (366)Le Tartuffe (350)

NOUVELLES FANTASTIQUES 2

Je suis d’ailleurs et autres récits (235)

PERRAULTContes – Nouvelle édition (65)

PRÉVOSTManon Lescaut (309)

RACINEPhèdre (351)

RÉCITS POUR AUJOURD’HUI17 fables et apologues contemporains(345)

LE ROMAN DE RENART – Nouvelle édition (335)

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STENDHALL’Abbesse de Castro (339)

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TROIS CONTES PHILOSOPHIQUES(Diderot, Saint-Lambert, Voltaire, 311)

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