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Hsi Yun - Le Mental Cosmique

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    LE MAITRE HSI YUN

    LE MENTAL COSMIQUE

    SELON LA DOCTRINE DE HUANG PO

    Selon les Annales de PEI HSIUrudit bien connu sous la Dynastie Tang

    Traduit de l'Anglais par Y. LAURENCEPrface du SWAMI SIDDHESWARANANDA

    Introduction du Docteur Hubert BENOT

    Copyright by Mr. Christmas HUMHREYS Prsident

    de la Socit Bouddhiste de Londres, 1951

    1951ADYAR PARIS

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    AVANT-PROPOSPar le SWAMI SIDDHESWARANANDA

    Le Centre Vdntique Rmakrichna exprime ici ses remerciements au Prsident de laSocit Bouddhiste de Londres, Mr. Christmas Humphreys, qui a eu l'obligeance d'autoriser la

    traduction en langue franaise de la Doctrine Huang Po, ou Doctrine du Mental Cosmique.Le problme de la vie est le problme de la souffrance ; il ne comporte qu'une seulesolution : carter l'ignorance. Ds que jaillit sambodhi(l'Illumination ou satori), l'ignorance cdela place la Connaissance (prajna). On nomme prajna l'tat de conscience de l'tre ayant obtenule satori, mais dans le prsent ouvrage ce terme est synonyme de Mental cosmique. Les MatresZen se refusent toute ingrence trangre, ils font de leur indpendance une doctrine majeuredu Bouddhisme Mahayaniste.

    L'une des marques caractristiques de la culture chinoise est la facult d'assimilerl'essentiel de ce que d'autres cultures lui apportent et de le transformer en quelque chose despcifiquement chinois. Issu, pour ainsi dire, du cur mme du Bouddhisme Mahayaniste, leZen, suivant les paroles du Professeur Suzuki, est indubitablement l'une des plus prcieuses et,

    certains gards, l'une des plus extraordinaires grces spirituelles dont l'Orient ait reu labndiction . Le Docteur H. Benoit a contribu la fidle traduction d'Yvonne Laurence parune remarquable introduction qui fait pntrer le lecteur au cur mme de la Doctrine. Ce que leDocteur H. Benoit conoit comme le mrite caractristique, essentiel et unique du Zen s'appliquegalement au Vednta, et nous en trouvons l'expression dans la doctrine expose par riGaudapdadans ses krikssur laMndkya Upanishadainsi que dans les commentaires de riamkarasur ces kriks. Nous constatons, d'ailleurs, une identit complte de tempraments etde points de vue entre les crits et la vie des tres librs, jvan muktas, et les enseignements etla vie de ceux qui ont atteint le satori suivant la tradition Zen.

    Nous tenons insister spcialement sur un point particulier : une exposition doctrinale apour toile de fond la vie du saint qui a ralis cette doctrine. En prsence d'un tre qui a obtenu lesatori, l'intrt ne rside certainement pas dans la mtaphysique ou la philosophie. Si noussommes en prsence de Ramana Maharshi, par exemple, ses crits attirent moins notre attentionque la radiation vivante qui se dgage de lui, et qui nous donne un clair de cette comprhensionintuitive et de cette connaissance dont il est le symbole vivant. Mais en l'absence du Sage, sadoctrine, pour autant qu'elle reflte ses enseignements oraux, nous apporte une vidence nonseulement intuitive mais intellectuelle. La rflexion sur ses enseignements nous apportera l'aidencessaire, afin d'amener maturit l'intelligence pure (buddhi) et afin de refuser, comme nousdit le Docteur H. Benoit, toute incarnation de la Vrit sous une forme qui touchel'affectivit . Pourtant, n'oublions pas que la satisfaction n'est pas un critre de la Vrit. Dansnotre recherche de l'Absolu, il nous faut renoncer tous les conditionnements du mental, c'est--dire aux mentations. C'est alors seulement que la Ralit se rvlera Elle-mme dans toute sapuret. En voici la merveilleuse description donne par un matre Zen : Avant lecommencement de l'tude du Zen, les montagnes sont des montagnes et l'eau est de l'eau ;lorsque, grce aux instructions d'un bon Maitre, le disciple obtient de jeter un rapide coup d'ildans la vrit du Zen, les montagnes ne sont plus des montagnes et l'eau n'est plus de l'eau ; plustard encore, lorsque le disciple a rellement atteint le lieu du REPOS (c'est--dire lorsqu'il aobtenu le satori), les montagnes sont de nouveau des montagnes et l'eau est de nouveau del'eau .

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    Nous pouvons dire qu'une doctrine crite a le mme degr d'utilit qu'une photographie :elle nous rappelle le modle. On peut la considrer comme un enseignement exotrique, tandisque le processus de l'veil intrieur dclench par l'initiation et le contact direct de maitre disciple est l'enseignement sotrique. Dans les traditions bouddhique et Vdntique, il y a deuxmodes d'initiation : d'une part, un processus de maturation graduel qui aboutit finalement

    l'Illumination ; d'autre part, un mode d'initiation appel l'Illumination abrupte, ce que la traditionZen et Mahayaniste nomme sambodhiou satori ; il est dit que le Maitre Zen donne l'veil dusatori en un instant plus bref encore que la dure d'un clignement d'il. Dans les monastresVdntique il y a galement un mode d'initiation, extrmement rare, qui confre l'veil de laConnaissance, jnna, l'instant o le guru prononce le mahvakhya, c'est--dire la formuleupanishadique qui voque pleinement et instantanment la Conscience advaitique en l'aspirant.L'Illumination est immdiate et totale.

    L'initiation que le Seigneur Bouddha confra Mah-Kshyapa lui donna la ralisationsoudaine, elle fut transmise toute une ligne de matres, le document que nous avons sous lesyeux est le rcit des enseignements reus de l'un d'eux : Hsi Yun, qui vcut au 9 esicle.

    Lorsque mon ami, Aloys Lombard, de Lausanne, m'envoya la traduction anglaise de ce

    petit livre, je fus saisi en trouvant dans ce texte chinois le rsum de tout ce que j'estimais trel'enseignement Vdntique le plus lev, contenu dans les kriks de ri Gaudapda et laphilosophie de ri amkara. Pour moi qui appartiens la tradition Vdntique et qui, de plus, aiconnu personnellement le Sage de Tiruvannamala, je perois travers ces lignes le profil dujnnin que fut Ramana Maharshi. L'enseignement que nous donna le Maharshi s'achve dans laralisation du SILENCE, Mauna. Le Silence de la tradition Vdntique, exprim dans la vie duMaharshi, est l'tat de Conscience Advaitique, sahaja sthiti, c'est l'tat de nirvikalpa samdhiexpriment les yeux ouverts ; il reste constant travers l'tat de veille, de rve et de sommeilprofond. Ce mme tat est dsign par les Matres Zen comme ternellement prsent ; enmarchant, assis ou couch, la Conscience de la Non-dualit est immuable. La doctrine Zen duMental cosmique met tout particulirement en valeur un aspect de la Vrit que le Maharshi n'apas expressment dvelopp ; c'est l'aspect dynamique de la Ralit en tant que Mentalcosmique. La pense indienne, dans le vedntaclassique, a nglig cet aspect ou l'a relgu surun plan infrieur, le considrant en tant que ralit empirique , vyavahrika satta. Le Zen, aucontraire, lui accorde une importance primordiale. Aprs le satoriil n'existe videmment pas de degrs dans la Vrit. L'exprience de la manifestation dans le cadre espace-temps-causalitest l'exprience de la dualit, elle appartient l'ignorance, avidy. Tant que nous sommesplongs dans l'ignorance, nous voyons la multiplicit, mais il n'y a aucun rapport causal entrel'ignorance et la connaissance. La Ralit conue en tant que mouvement ou nergie est, certes,une notion familire l'cole des akta du vednta,mais l'enseignement Zen nous en exprimetoute la beaut par ces lignes de Pen-Hsien (9411008) : Si vous souhaitez rellement pntrerla Vrit du Zen, faites-le en marchant, en restant debout, en dormant, en vous asseyant, tandisque vous parlez ou que vous gardez le silence, ou pendant que vous tes engags dans vostravaux journaliers . Ce mme Maitre, rpartissant diffrentes occupations entre les moines,demandait ironiquement : Ainsi, nous sommes constamment en mouvement, o est donc ce quevous appelez l'immuable (c'est nous qui mettons en italiques) ou bien, ce qui demeureternellement dans le samdhi de Naga... ? (The Zen Doctrine of No MIND, Prof. Suzuki, p. 110de l'dition anglaise). Par la Doctrine de Huang Po le lecteur est directement mis en prsence dusilence du Maharshi et du dynamisme de la doctrine aktade l'nergie cosmique.

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    L'exercice du koanest la forme particulire que prit le Zen, et qu'il rpandit aprs la mortdu 6e Patriarche. Cette forme est incomprhensible pour la plupart d'entre nous. Il estcertainement dangereux de tenter de se livrer ces pratiques pour quiconque n'appartient pas latradition chinoise du Zen. De nombreuses publications ont fait connatre ces ides l'Occident.Elles sont ici inoffensives, pour cette simple raison que, sans un matre qualifi ayant lui-mme

    reu l'initiation selon la succession apostolique, personne ne peut s'engager dans la sdhanindique par l'exercice du koan. Or, pour autant que je sache, un tel matre n'existe pas enOccident et, par ailleurs, je serais trs tonn que l'on puisse trouver, hors de Chine, un aspirantapte pratiquer cet exercice. Cependant, il subsiste encore un danger, ici comme partout dans lemonde, l'exotisme exerce un attrait spcial, cet attrait pourrait inciter certains candidats exprimenter cette mthode sans avoir recours l'aide d'un guru.

    Si le but de la recherche est vraiment d'atteindre le satori, il y a d'autres mthodes que lapratique du koancar, bien avant la dcouverte de l'exercice du koan, les candidats en qute de laVrit ont obtenu le satori. Ce qui est indispensable est l'tude correcte de la Doctrine. On seheurte de grandes difficults pour arriver une comprhension prcise de la doctrine Zen par lalecture des volumineux travaux canoniques du Bouddhisme Mahayaniste. La Doctrine de Huang

    Po comble cette lacune ; c'est l'uvre d'un homme qui a atteint le satori ; cette doctrine reflte lamajest d'une me qui a rompu les chanes de la souffrance ; en lisant ce texte, un grand espoirs'veilla en moi. J'voquais ces mots de Dostoievsky : Si le pch, le mensonge, la tentationsont autour de nous, il y a cependant quelque part sur terre un saint, un tre suprieur ; il possdela vrit, connat cette vrit, c'est donc qu'elle ne meurt pas sur la terre, c'est donc qu'un jour ellesera parmi nous et rgnera sur le inonde, ainsi qu'il est promis 1. Si les Maitres Zen ne sont plusde ce monde, nous pouvons rajuster les paroles de Dostoevsky et dire : Si le pch, lemensonge et la tentation sont autour de nous, il y a cependant quelque part sur la terre desdocuments laisss par des saints qui ont dpass les frontires de la souffrance, et ces documentsont la puissance des critures Sacres ; ainsi nous pouvons possder la Vrit, nous pouvons Laconnatre. Cette Vrit ne peut mourir, Elle demeure l'espoir des temps futurs. Le SeigneurBouddha lui-mme, en quittant ce monde, donna son dernier message ses disciples : il leurdemanda de centrer toute leur affection, toute leur loyaut sur le Dharma. La Vrit duDharmaest ternelle, et seule la Vrit peut nous librer de l'ignorance.

    Pour conclure cet Avant-propos, je prsente mes remerciements Monsieur Bock et laSocit Thosophique de Paris qui acceptent de publier ce prcieux document chinois.

    Gretz, le 10 janvier 1951.

    SWAMI SIDDHESWARANANDA.

    1Dostoevsky : Les Frres Karamazof .

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    INTRODUCTION A HUANG PO

    par le Docteur H. BENOT

    Notre condition, telle que nous l'prouvons ds le premier veil de notre conscience, est

    insatisfaisante. En face de notre Moi, le Non-Moi se dresse implacablement, avec ses obstacles etses menaces. Nous dsirons exister, exister toujours, mais nous avons avec la mort un rendez-vous dont la date seule est incertaine. Notre condition est insatisfaisante parce que nosaspirations naturelles sont telles qu'elles doivent se heurter, plus ou moins vite mais fatalement, une fin de non-recevoir ; car ces aspirations sont en elles-mmes illimites. Aussi est-ilinsuffisant de dire que notre condition est insatisfaisante ; si nous l'envisageons exactement,dpouille des compensations illusoires qui nous endorment et nous consolent, elle estproprement insupportable.

    C'est l le fait fondamental de toute philosophie ; l'homme se met rflchir parce qu'ilsouffre. En tant qu'il prend conscience de quoi que ce soit, il se trouve devant une contradiction,car il ne sent l' tre qu'en son individu distinct et il est entour de cratures qui prtendent

    tre galement. Tout son monde psychologique se dveloppe sur un mode dualiste non concili ;il voit toujours, au dedans comme au dehors de lui-mme, deux adversaires. L'image qu'il a delui comme d'une unit se trouve tiraille, dchire entre deux ples. Le spectre du non-tre esttoujours l, au fond de l'imagination et de la sensibilit de l'homme, avec son angoisse.

    Puisque la condition naturelle de l'homme lui apparat comme fonde sur unecontradiction, elle constitue ncessairement pour lui un problme. Et ce problme est, enpratique, celui de l'angoisse. Le moteur de toute la vie d'un homme, en tant que cet homme sesent une personne individuelle, c'est la lutte contre l'angoisse. Que l'homme se le diseconsciemment ou qu'il ne s'en rende pas compte ne change rien l'affaire ; chacun de nous vitpour faire chec l'angoisse. Et toute doctrine philosophique, dans l'acception la plus large duterme, tend vers ce seul but.

    D'innombrables doctrines sont nes dans l'esprit des hommes, en vue de rsoudre leproblme de la condition humaine. Et elles se fondent toutes, consciemment ou non, selon unecomprhension trs pauvre ou au contraire merveilleusement lumineuse, sur la Mtaphysique.Sous la multiplicit indfinie des doctrines, rside, ingalement manifeste mais toujoursidentique, la mme et unique Vrit. Les doctrines ne s'opposent que d'une manire illusoire,c'est--dire par les lments illusoires, errons, qu'elles peuvent contenir ; mais non pas en tantqu'elles contiennent tels ou tels aspects de la Ralit, c'est--dire en tant qu'elles sont rellementfondes, car celte Ralit est une.

    Si les divers enseignements de vie diffrent, ce n'est donc pas, comme on le croitgnralement, par leur contenu doctrinal. Si l'enseignement Zen, dont ce livre expose certainesides essentielles, est, mon avis, tout fait unique en son genre, s'il se dtache de tous lesautres, s'il rfute mme tous les autres, ce n'est pas par sa doctrine ; car sa doctrine a continucelle du Vednta et lui est identique. En quoi donc le Zen est-il unique ?

    L'homme, avons-nous dit, fait de la mtaphysique parce qu'il est angoiss, il cherche laVrit pour faire chec l'angoisse. Mais cet chec l'angoisse peut utiliser deux mthodesdiffrentes, et en un sens opposes. Pour faire comprendre ces deux mthodes, nous nousservirons d'une parabole : un homme a un jardin rempli de mauvaises herbes, il souffre de cettat de choses, il rve d'avoir un beau jardin et non pas ce lieu sordide. Il imagine le beau jardindont il a la nostalgie et il travaille raliser cette image ; pour masquer les mauvaises herbes, il

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    fabrique des fleurs artificielles et enfonce leurs tiges dans le sol ; il passe une grande partie de sesjournes pousseter ses fleurs artificielles et les repeindre. Entre temps, il contemple sonjardin dans l'apparence qu'il lui a donne ; il prouve alors un soulagement sa peine et ressentce soulagement comme une joie. Il peut parvenir endormir tout fait sa souffrance, croirefermement qu'il a un beau jardin rel ; et cette croyance peut le rendre heureux. Voici

    maintenant un autre homme. Il est dans le mme cas que le premier et il agit tout d'abord commelui. Mais, au bout d'un certain temps, sa situation change ; cet homme est n, par malchance,avec une nature telle que les fleurs artificielles qu'il peut fabriquer sont trs difficiles entreteniren une jolie apparence ; elles perdent leur aptitude tre restaures, elles se fanent malgr tousles soins. Cet homme se voit contraint de changer de mthode ; il se rend compte qu'il ne luireste plus qu'une ressource : cesser de dpenser son temps donner un joli aspect son jardin, etutiliser ce temps arracher patiemment les mauvaises herbes en supportant l'atmosphre delaideur o ce travail est accompli. Il agit ainsi, et, un jour, l'instant o il arrache la derniremauvaise herbe (sans qu'il sache lui-mme qu'elle est la dernire), il s'aperoit que son jardin estun merveilleux jardin rel et qu'il a toujours t ainsi. La premire mthode tait palliative , laseconde est la mthode curative .

    L'homme peut anantir l'angoisse en obtenant la transformation radicale, de fond encomble, de sa condition. Mais il ne tente cette mthode curative que s'il est dou d'une grandelucidit et aprs avoir puis ses possibilits palliatives (car il commence toujours etncessairement par la mthode palliative ).

    Les fleurs artificielles de notre parabole, ce sont les diverses compensations que l'hommepeut trouver dans la vie pour pallier son angoisse. Ces compensations sont trs diverses, maistoutes comportent la croyance en la valeur relle de telle ou telle chose, extrieure ouintrieure, existant au monde. Plus la chose qu'on croit relle est subtile, (car, parmi lamultiplicit des aspects du monde cr, il y a une immense hirarchie, des plus grossiers aux plussubtils), plus la compensation qui se fonde sur cette apparente valeur est efficace. Or laMtaphysique, lorsque l'homme est assez intelligent pour s'adresser sciemment elle, offre telsaspects de la Vrit qui, bien que n'tant pas cette Vrit mme puisque la Vrit esttranscendante toutes ses expressions, constituent les images les plus subtiles et les plus bellesqui soient dans le monde formel. Aussi l'homme qui s'adresse, pour faire chec l'angoisse, laMtaphysique, va-t-il trouver de merveilleuses croyances , de merveilleuses consolations, simerveilleuses en fait qu'il prend de bonne foi ce jardin de rve pour son jardin rel dans son tatauthentique, et qu'il se trouve prt donner sa vie pour l'attester. Dans ce cas, la Mtaphysique at utilise contre l'angoisse, mais pour la pallier, non pour l'anantir.

    Cette illusion, o pallier est pris de bonne foi et avec force pour anantir , esttellement rpandue (non pas dans la thorie des enseignements, certes, mais dans leur pratique),qu'elle est en fait la rgle habituelle. A mon avis avis qui n'engage que moi , l'enseignementZen est le seul enseignement qui parvienne, et chez certains seulement de ses reprsentants, faire exception cette rgle et refuser tout secours palliatif offert indirectement par laMtaphysique.

    C'est en cela que le Zen est exceptionnel ; en cela aussi qu'il peut paratre tellement inhumain ; car chacun trouve humain d'tre sensible dans l'instant et de chercher unimmdiat soulagement sa souffrance. Le Zen refuse tout soulagement immdiat parce que cesoulagement n'est pas authentique. N du gnie chinois, qui est pratique et concret en mmetemps que capable des plus subtiles conceptions abstraites, le Zen a assimil la doctrine duVednta sans se laisser tenter par aucune des occasions merveilleuses qui lui taient ainsi offertes

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    de se consoler immdiatement. Il a trouv la foi, c'est--dire l'vidence intellectuelle intuitive,mais en refusant toute croyance , c'est--dire toute incarnation de la Vrit dans une forme quitouche l'affectivit en mme temps que l'intellect. Le Zen n'adore aucun Dieu , il n'attend desecours d'aucun personnage intercesseur, il ne s'appuie sur aucune rgle morale ; il ne cherche,parmi les multiples tats intrieurs que l'homme puisse connatre dans sa condition ordinaire

    dualiste, aucun tat suprieur , spirituel ; son refus du mot spirituel montre avec quellefermet il refuse toute consolation. A aucun moment il ne s'arrte sur les ides que lui livre laMtaphysique ; il se sert de celle-ci, il ne veut se soumettre rien de ce qui lui vient d'elle ; ils'en sert comme l'artisan se sert de son marteau, sans attacher aucune valeur au marteau en soi,attentif seulement son but rel, cette conversion de la condition humaine ordinaire auprsde laquelle les tats spirituels les plus hauts, les pouvoirs supranaturels les plusimpressionnants, sont exactement nuls. Pour le Zen, il n'y a pas de demi-mesures, il n'y a pas dedegrs entre l'tat ordinaire de l'homme et son tat ralis . Pour le Zen, il n'y a pas diffrentesvoies convenant diffrents tempraments ; la structure formelle selon laquelle se prsente lacondition humaine est diffrente en chaque homme, mais la condition humaine est une; pouraller de cette condition, une en nous tous, au Principe Absolu, qui est Un, il n'y a pas deux

    chemins mais un seul. L'homme qui est le but du Zen n'est pas un homme extraordinaire,merveilleux, il n'est pas fait pour le soulagement de ceux qui l'approchent ; l'homme aprs lesatori, en tant qu'on peut le percevoir, est absolument ordinaire, absolument simple, absolumentterrestre ; en tant qu'il a eu le satori, il est aussi imperceptible que le Principe Intemporel etInformel auquel il est identifi dfinitivement ; cet homme la fois n'est plus parmi nous et il estle seul qui soit rellement parmi nous.

    Je ne veux pas me laisser entraner ici parler davantage du Zen en gnral. Je me suisefforc de traiter certains aspects de ce sujet dans un livre que j'ai intitulRflexions en marge duZen, livre auquel pourront se rfrer ceux qui s'intressent cet enseignement. Je me borneactuellement montrer en quoi le Zen diffre, en quoi mme il s'oppose tous les autresenseignements.

    Quand je dis que le Zen s'oppose tous les autres enseignements, ce mot ne doit pasvoquer la moindre agressivit sectaire, ni le moindre dsir d'amener soi de nouveaux adeptes.L'ide de convertir activement qui que ce soit est bien la dernire ide qui puisse venir quicomprend le Zen. Un matre Zen rpondra seulement des questions, et s'il les sent sincres.Mais c'est dans ses rponses que se manifeste l'opposition dont nous parlons. Celui qui interrogelaisse voir, par sa question, qu'il croit ou veut croire en une discipline explicable, en untravail intrieur descriptible ayant une forme ; il suggre toujours, consciemment ou non,l'utilit d'un systme formel. Mais le Zen vise l'informel, la transformation ou passage au delde la forme ; aussi refuse-t-il de s'arrter aucune forme ; il dnie tout intrt aux actions, auxpenses, aux sentiments; il ne s'attache pas contrler, endiguer, ni encourager quoi que soitdans ce plan des formes ; il laisse aller la vie formelle comme elle va. Tout ce qui d'habitude estappel travail intrieur n'est pas rellement intrieur pour le Zen, puisqu'il porte sur desphnomnes (ft-ce mme pour les suspendre), sur des aspects formels du monde cr. N'est intrieur pour le Zen que ce qui rside en amont de la forme, dans cette source informelle denotre vie qu'il appelle notre propre nature , ou nature-de-Bouddha , ou nature-de-soi .Aussi le travail intrieur selon le Zen ne peut-il s'exprimer, dans le plan des formes, que d'unemanire ngative ; il s'agit de draciner peu peu toutes les croyances, toutes les opinions.

    Pour raliser ce travail ngatif, l'homme prend appui sur une comprhension positive,mais informelle, qui s'labore souterrainement en lui, sous les concepts qu'il accumule (sans leur

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    accorder aucune importance en eux-mmes) au cours d'un travail intellectuel patient etconsciencieux. Le Zen demande une intelligence de bonne qualit, et la frquentation des idescapables d'illuminer cette intelligence.

    Le texte de Huang Po que vous allez lire est fondamental pour la comprhension du Zen.L'ide qu'il dveloppe, l'ide que le Mental Cosmique est l'unique ralit, est vritablement

    explosive . Dans la mesure o nous sommes capables de la recevoir, dans la mesure o elle sonne juste notre intuition intellectuelle, cette ide pulvrise nos yeux l'illusoire valeur dumonde des formes et nous met ainsi sur la voie du vritable travail intrieur.

    Dr. HUBERT BENOT

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    INTRODUCTION

    DE LA TRADUCTION ANGLAISE

    La Doctrine de Huang Pu, ou Doctrine du Mental cosmique ou bien, pour lui donnerson appellation chinoise : Huang Po Ch'uan Fa Yao est l'une des uvres les plus importantes

    parmi les nombreux textes chinois exposant les doctrines de la secte Dhyna (Ch'an ou Zen). Elleforme, elle seule, un trait presque complet des principales doctrines de cette secte. J'ai pensqu'un lecteur, non averti des bases philosophiques de cette doctrine, ne manquerait pas de seheurter de nombreuses difficults et qu'il tait utile de lui donner, avant de procder l'analysedu livre lui-mme, un bref aperu des origines et du dveloppement de Dhyna. (Dhyna estsouvent considr comme une interprtation spcifiquement chinoise de la pense bouddhique).Si ces lignes traitent de choses que le lecteur connat dj, j'espre qu'il m'en excusera, puisquemon seul but est de donner un aperu du sujet aussi complet que possible.

    Les Ecoles de Pense Bouddhique

    Le Bouddha akyamuni vcut dans le nord de l'Inde aux 5e et 6e sicles avant Jsus-Christ. Son enseignement reut diffrentes interprtations dans l'Inde mme avant qu'il necesse d'y tre une force vivante ainsi que dans les pays o il se rpandit. Il se divisa en deuxgrandes coles : le Mahyna(prdominant en Chine, au Japon, au Thibet, etc.) et leHnayna(rpandu surtout dans le sud-est de l'Asie). Jusqu' prsent, les savants occidentaux ontgnralement considr leHnaynacomme reprsentant le Bouddhisme le plus authentique. Ilsbasaient leur conclusion sur le fait que les textes palis de l'cole hinayaniste sont plus anciensque les textes sanskrits de l'cole mahayaniste. Cependant, tout rcemment, certains d'entre euxinclinrent vers le Mahyna, se demandant si le Hnayna avait rellement compris toutel'lvation des enseignements implicitement contenus dans les sermons du Bouddha. Quant auxcontradictions constates entre les doctrines des deux coles, les bouddhistes mahayanistes lesexpliquent ainsi : les prdications du Bouddha s'adressaient des hommes de niveau intellectueldiffrent, il jugea donc ncessaire de graduer son enseignement. De plus, le Bouddha exposa leMahynapostrieurement au Hnayna. La secte Dhynaest une branche du Mahyna. Ellen'apparut que beaucoup plus tard, mais elle proclame tre la seule avoir prserv lesenseignements les plus levs. Selon ses dires, parmi tous les disciples du Bouddha, un seul futapte les comprendre et c'est ce seul disciple que le Bouddha les transmit. Il est difficile deprendre srieusement en considration les preuves historiques susceptibles de justifier unedclaration aussi audacieuse, mais il existe d'autres raisons de lui prter attention, ces raisons ontd'ailleurs suffisamment de poids pour avoir dj convaincu plus d'un lettr.

    LA SECTE DHYANA

    Origine traditionnelle

    Le Bouddhisme semble avoir atteint la Chine ds le 1er sicle avant Jsus-Christ, bienque la date traditionnelle de son introduction ait t approximativement fixe en 67 aprs J.-C.Les enseignements des deux coles, mahayaniste et hinayaniste, pntrrent en Chine un oudeux sicles d'intervalle, mais seule, l'cole mahayaniste russit s'y implanter dfinitivement.Parmi les diffrentes sectes issues du Mahyna dans l'Inde mme, un certain nombres'introduisirent tour tour en Chine et, avec le temps, s'y transformrent, tandis que de nouvelles

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    sectes prenaient naissance sur le sol chinois ; l'une d'elles, parmi les plus rcentes, mais trsinfluente, est la secteDhyna, appele en Chine Ch'an Tsung a et au Japon Zen (c'est sous cedernier nom qu'elle est le plus connue actuellement en Occident). Voici l'histoire traditionnellede cette secte.

    Le Bouddha akyamuni, contraint de modifier sa doctrine suivant les capacits de ses

    disciples, prit un jour une fleur et la montra l'assemble des moines. L'un d'entre eux, Mah-Kshyapa, rpondit son geste par un sourire, indiquant par l que seul il en avait compris lavrit profonde. Lorsque tous les moines se furent retirs, le Bouddha appela ce disciple auprsde lui et lui transmit mystiquement la plus haute de toutes les vrits. Mah-Kshyapa latransmit un autre disciple, Ananda, qui devint ainsi le second d'une ligne de vingt-huitpatriarches indiens. La ligne se termina avec Bodhidharma, qui se rendit en Chine au dbut du6e sicle aprs J.-C.Bodhidharmaest considr comme le premier patriarche chinois ; il fut suivide cinq autres, dont le dernier fut Hui Neng (Wei Lang). Ensuite, la secte se divisa en plusieursbranches et aucun patriarche ne fut plus consacr.

    Thories concernant l'origine relle de cette Secte

    De toute vidence, la plupart des sectes chinoises qui se rclament d'une origine indiennesont, en ralit, la continuation de sectes indiennes, mais rien ne prouve que la secte Dhynaaitexist antrieurement l'poque deBodhidharma ;certains en conclurent queBodhidharmataitle vritable fondateur de cette secte et que l'histoire des vingt-huit patriarches avait t inventeplus tard afin de prter plus d'authenticit ses enseignements. D'autres doutent queBodhidharmaait mme exist, vraisemblablement parce que les indications le concernant sont la fois insuffisantes et peu dignes de confiance. Finalement, nous pouvons admettre qu'il arellement vcu, qu'il tait originaire du sud de l'Inde, qu'il vint en Chine en passant par Cantonet qu'un rapport exista entre lui et l'origine de la secte Dhyna. En dehors de ces quelqueslments, peu de renseignements dignes de foi nous sont parvenus. Le professeur Daisetz Suzuki,remarquable crivain japonais du Zen (Dhyna), pense que Bodhidharma exista effectivement,mais qu'en dehors (ou au lieu) de la transmission de la doctrine sans parole traditionnelle, ilremit, en ralit, son successeur le Lankvatra Stra. Ce Stra contient les germes de laplupart des enseignements dvelopps par la secte Dhyna. Le professeur Hu Shih (pre de lalittrature chinoise moderne, actuellement Recteur de l'Universit Nationale de Peiping) vabeaucoup plus loin encore : il s'intressa personnellement, pendant quelque temps, l'tudehistorique de la secte Dhynadont il rejette l'histoire traditionnelle. Il affirme, en effet, que lesenseignements attribus Bodhidharma et ses successeurs, y compris ceux du fameux HuiNeng (Wei Lang) dont le Straest l'ouvrage le plus rput du Bouddhisme chinois en Occident,sont pour la plupart des falsifications, de date beaucoup plus rcente. A l'appui de sa dclaration,il allgue d'anciens manuscrits dcouverts dans les caves de Tun Hang ; ces manuscrits diffrent, la fois, en substance et en importance, des versions habituellement acceptes. Bien que j'hsite discuter les paroles d'un lettr aussi minent, je ne puis cependant accepter cette opinion et jeprfre garder ma libert d'esprit jusqu' ce que le temps me permette d'entreprendre une tudehistorique dtaille de l'ensemble de la question.

    Mon opinion personnelles, toute provisoire d'ailleurs et parfaitement susceptible d'tremodifie, peut se rsumer ainsi : le Bouddha akyamuni ainsi que toutes les sectesbouddhiques le reconnaissent considrait la mditation comme un exercice rigoureusementindispensable la recherche de l'Illumination. Cette pratique, appele dhyna en sanskrit, a

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    toujours t l'une des principales occupations religieuses de tout bouddhiste srieux, bienqu'il y ait eu de frquentes divergences de vue quant aux mthodes de mditation et auxconceptions des rsultats qu'elle devait produire. (Le terme mditation , comme nous leverrons par la suite, ne dcrit pas cette pratique d'une faon trs satisfaisante, mais le seul autreterme possible, concentration , n'est pas meilleur). Au cours du temps, certains bouddhistes

    estimrent que diverses autres activits avaient une importance au moins gale, si ce n'estsuprieure, dhyna, par exemple : les bonnes uvres, la stricte observance des prceptes, lalecture des stras, la rptition du nom d'Amida Bouddha, la spculation mtaphysique, etc.Lorsque le Bouddhisme pntra en Chine, toutes ces pratiques furent peu peu adoptes par l'unou l'autre des groupes existants, et, suivant son inclination personnelle, chacun accentua plusparticulirement celle qu'il prfrait, tandis_ que de nouveaux exercices y taient ajouts. Enoutre, doctrines et pratiques, places dans un milieu racial et culturel nouveau, se modifirent.Les Chinois ont toujours. t, avant tout, un peuple sobre mais non pas puritain. C'est pourquoi lastricte observance de prceptes relatifs la conduite individuelle ne leur sembla pas tre l'aspectle plus important de la nouvelle religion ; par ailleurs, parmi les plus intellectuels d'entre eux, il yeut, de tout temps, un bon nombre de gens sceptiques pour qui la simple rptition de stras,

    ou des noms de certains Bouddhas et Bodhisattvas, n'avait aucun attrait. L'influenceprpondrante qu'obtint le Confucianisme en Chine avait eu pour effet de donner auxspculations mtaphysiques si caractristiques de l'Inde une apparence indsirable etdnue de sens. D'autre part, les enseignements de Lao Tzu et de Chuang Tzu qui constituaient labase du Taosme originel (par opposition au systme de magie qui se rpandit plus tard sous lemme nom) prdisposaient de nombreux Chinois la pratique de dhyna ; celte mthode leurapparaissait comme un aspect, et mme un aspect suprieur, des pratiques prconises par leurssages. Aussi, lorsque Bodhidharma (en admettant que ce ft lui point d'une importancesecondaire d'ailleurs) annona que dhynatait la seule pratique convenant aux bouddhistes etque toutes les autres s'adressaient seulement ceux qui taient incapables de comprendre la plushaute vrit, cette doctrine fut accepte d'emble et la secte Dhyna devint rapidementflorissante. Plus tard, lorsque, pour une courte priode, les confucianistes persuadrent lesautorits de perscuter les bouddhistes, la secteDhyna, n'ayant besoin ni d'images, ni de stras,ni de temples, ni d'aucun signe visible rvlant sa prsence, traversa la tempte plus facilementque toutes les autres. Depuis cette poque, la secte Dhynaest reste l'une des plus importantessectes de Chine. En ce qui concerne l'authenticit des textes, j'admets volontiers que lesenseignements attribus au 6e Patriarche Hui Neng (Wei Lang), et aux chefs des sectessecondaires qui se dvelopprent aprs sa mort, subirent de nombreuses interpolations, et mmeque certains d'entre eux furent peut-tre attribus des personnalits ayant vcu une poqueantrieure l'apparition de ces textes. Leur authenticit est cependant admise par tous lesbouddhistes et ils forment actuellement la base de la doctrine Dhyna, tant au point de vuethorique que pratique. En outre, il resterait prouver que l'essentiel de ces textes diffre desenseignements vritables des Matres dhynistes des 7e, 8e et 9e sicles.

    La revendication de la Secte Dhynade reprsenter la plus haute forme

    du Bouddhisme

    Si nous refusons notre adhsion l'histoire de Mah-Kshyapa et des vingt-huitpatriarches indiens, la secte Dhyna est, historiquement, l'une des sectes chinoises les plus

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    loignes du Bouddha akyamuni. Mais en lui-mme ce fait est insuffisant pour nous autoriser considrer que les enseignements de cette secte sont contraires l'esprit du Bouddhisme ou pourlui dnier la revendication de prserver la plus haute forme du Bouddhisme. Il est videmmentaussi difficile d'tablir que de nier une telle revendication, d'autant plus que l'enseignement duBouddha akyamuni fut transcrit seulement plusieurs centaines d'annes aprs sa mort.

    Cependant, en examinant les textes des stras qui, selon toute apparence, ont enregistr lespremiers les paroles du Bouddha nous y trouvons largement de quoi nous inciter tudier trssrieusement la secte Dhyna. Par exemple : de nombreux passages des stras prohibentcatgoriquement les spculations mtaphysiques compliques, caractristiques de certainessectes ; la mme prohibition s'applique aux rites qui constituent les principales pratiques d'autressectes. De toute vidence, le Bouddha nia l'existence d'une entit permanente que l'on pourraitappeler me ; il enseigna que l'tre individuel n'est que le rsultat vanescent et fortuit de laloi de causalit. Cette loi produit un assemblage de molcules et cet assemblage suscite unecertaine forme destine se dsagrger ensuite pour entrer nouveau dans la compositiond'autres, formes venir. La question la plus difficile rsoudre est celle de savoir ce que leBouddha enseigna ou pensa quant la nature de ces molcules. Ont-elles une existence relle ?

    Appartiennent-elles la grande illusion qui amne les hommes penser en termes de je et de lui , comme s'ils possdaient une proprit spcifique qui les dott d'une individualit la foispermanente et indpendante ? Sur tous les autres points la secteDhynaest pleinement d'accord ;sur ce dernier point son enseignement semble avoir autant de droit que tout autre revendiquerl'authenticit. Ainsi, puisqu'il est impossible de prouver dfinitivement la lgitimit de la secteDhyna ou de toute autre secte bouddhique, il sera plus raisonnable d'adopter son gardl'attitude d'un protestant chrtien vis--vis de son interprtation du Christianisme. Le lienhistorique entre l'Eglise Catholique et le Christianisme primitif est sans aucun doute beaucoupplus ancien que tout autre, mais ce fait n'a nullement convaincu l'ensemble de la chrtient quecette Eglise reprsente actuellement encore l'esprit et les croyances de leur Matre.

    La Secte Huang-Po

    Pendant la vie du 6e Patriarche, la secte Dhyna se subdivisa en deux branchessecondaires appeles : la branche du Nord et la branche du Sud. Pendant quelque temps, labranche du Nord (celle que le Docteur Hu Shih estime avoir correctement prservl'enseignement de Bodhidharma et des patriarches chinois et qui enseigna l'Illuminationgraduelle de prfrence l'enseignement abrupt) s'panouit sous la protection impriale etdisparut peu aprs. La branche du Sud enseigna l'Illumination abrupte, en cette vie mme. Nonseulement son dveloppement s'tendit, mais elle se subdivisa en diffrents groupes.

    Le plus important des successeurs immdiats du 6e Patriarche fut Tao I (Ma Tsu) mort en788 aprs J.-C. D'aprs la prface originale du prsent ouvrage, Hsi Yun, dont ce livre rapporteles sermons, aurait t plus jeune que Tao I d'une gnration ; d'autres gnalogies parlent dedeux gnrations. Quoi qu'il en soit, il mourut vraisemblablement vers 850, aprs avoir transmisla doctrine I Hsuan, mort en 867, fondateur de l'importante secte Lin Chi. Cette secte existeencore de nos jours en Chine. Au Japon, o elle acquit une grande influence, elle porte le nom desecte Rinzai.

    Hsi Yun vcut de longues annes sur une montagne nomme Huang Po , situe l'ouest de la ville de Nanchang, dans la province de Kiangsi. Ce mont donna son nom la fois

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    Hsi Yun et sa doctrine. C'est la raison pour laquelle on se rfre parfois la Secte Huang Po. Comme tous les moines chinois, Hsi Yun avait deux noms en plus de celui driv du lieu o ilvcut. Il fut aussi connu sous le nom de Tuan Chi, mais, de crainte de crer la confusion dansl'esprit d'un lecteur europen, j'emploierai toujours le nom de Hsi Yun, mme lorsque l'auteur dela prface chinoise en use autrement.

    L'Auteur de la Prface Chinoise

    Cet ouvrage si nous en acceptons l'authenticit fut transcrit et prfac par unfonctionnaire nomm Pei Hsiu. C'tait un lettr dont la calligraphie, de nos jours encore trsestime, est utilise comme modle par les tudiants. On raconte qu'il s'enfermait parfois uneanne entire avec ses livres, probablement lorsqu'il n'exerait pas l'une de ses nombreusesfonctions. Ainsi qu'on le verra dans sa prface, ce livre contient le rapport ou le rsum desentretiens qu'il eut avec Hsi Yun pendant les deux priodes de temps qu'il passa auprs de lui.

    LES ENSEIGNEMENTS DE HSI YUNRsum du contenu de ce livre

    Deux raisons rendent trs difficile le rsum des principes essentiels de la secteDhyna:1 ces enseignements ne s'appuient sur aucun straparticulier (sauf si l'on admet qu'ils driventduLankvatra stra) ; 2 la transmission relle de ces enseignements s'effectue uniquementpar comprhension intuitive de matre disciple. Suivant la croyance des membres de cette secte,aucune parole n'a le pouvoir d'exprimer ce qui est rellement transmis par cette voie ; c'estpourquoi l'on utilise souvent l'expression enseignement sans parole ; cette expression apparatdans presque tous les crits des matres dhynistes. Dans son Buddhist China , Sir ReginaldJohnston suggre l'existence d'un certain nombre de points communs entre les doctrines de cettesecte et celles des mystiques chrtiens. Il cite par exemple : Blake, Eckhart, W.R. Inge, G.R.S.Mead et d'autres encore. Je ne suis cependant pas certain qu'il soit justifi de considrer dhynacomme une forme de mysticisme.

    Je n'ai pas entrepris ici un rsum de la doctrine Dhynatout entire. Je me suis born une esquisse des enseignements contenus dans cet ouvrage, esquisse sans laquelle un lecteur peufamiliaris avec ce sujet pourrait se trouver gn, d'une part par l'absence de plan dans lardaction du livre, et d'autre part parce que Pei Hsiu considre le lecteur comme dj initi auxdoctrines du Bouddhisme mahayaniste.

    L'expression Mental cosmique (hsin ou i-hsin) est ici synonyme de l'Absolu. Il nefaudrait pas croire que ce terme a t choisi parce qu'il exprime exactement la conception del'Absolu selon la secte Dhyna; il l'a t simplement dfaut d'une expression plus exacte. Lechoix du mot Mental s'explique probablement ainsi : il souligne que cette partie de lui-mmeque l'homme pourrait regarder comme une entit individuelle habitant son corps n'est en ralitrien de tel, mais qu'il s'agit de quelquechose de commun tous les tres sensibles. Sans doute l'emploie-t-on aussi pour viter que l'onsuppose tangible la substance qui faonne toutes choses. Hsin est galement employ dans lesens de mentation ; c'est ainsi que je l'ai traduit en m'en rapportant Suzuki. Dans une

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    traduction littrale j'aurais t entran crire: mettre fin au mental afin d'atteindre le mental.

    Par consquent le Mental cosmique est sans attribut ; tant l'Absolu, il est au del de toutattribut. Si par exemple on le dcrivait comme infini, tout ce qui est fini s'en trouverait exclu ; or,toute l'argumentation de ce livre tend dmontrer que le Mental cosmique est la seule Ralit :

    tout ce que nous sommes, tout ce que nous percevons au moyen des sens n'est rien d'autre que ceMental. Penser au Mental cosmique en terme d'existence ou de non-existence est mme le faitd'une comprhension compltementerrone. De nombreux textes mahayanistes et particulirement ceux de la secte Dhynaabondent en contradictions apparentes, telles que : il n'y a ni existence ni non-existence , ou la chane de la causalit est immobile . Parfois, les crivains occidentaux tentent de rsoudreces contradictions en leur donnant un sens mystique. A la suite de Sir Reginald Johnston, ilscroient voir dans certains aspects du Bouddhisme mahayaniste une contrepartie du mysticismeeuropen. A mon avis cette opinion est inexacte. Le Chung Kuan Lun (Mla-MdhyamikaKrik, attribu au grand Ngrjuna qui vcut au Ier sicle aprs J.-C.). nous offre unecomprhension plus claire du problme ; il prouve que les termes d'existence et de non-existence

    doivent tre compris au sens relatif et non au sens absolu. Il crit : Les choses sont non-existantes puisque leur existence dpend de causes et de conditions, et elles ne sont pas non-existantes puisqu'elles s'lvent de ces conditions . Seng Chao (moine vivant au 4e sicle) dit : L'existence, si elle est absolue, implique l'indpendance et la permanence, elle n'a pas besoin,pour exister, de causes qui la suscitent. De mme la non-existence, si elle est absolue, impliquel'indpendance et la permanence, elle n'a pas besoin, pour ne pas exister, de causes qui lasuscitent .

    Par consquent, le problme de l'existence et de la non-existence se rsout ainsi :considr sous l'angle de l'Absolu, tout est Un (le Mental cosmique). On peut donc affirmer queles objets perus par nos sens n'existent pas au sens absolu. Ce sont des agglomrationstemporaires runies pour une dure insignifiante par rapport l'ternit, puis elles se dissolvent.(Il est intressant de comparer ceci aux thories modernes sur la relativit et la structureatomique des corps.) L'assemblage et la dissolution des objets sont gouverns par la loi decausalit. Chaque chose est le rsultat d'un nombre incalculable de causes dont la chane remonteindfiniment. Il n'y a donc rien dont l'existence soit permanente ou qui existe par soi-mmeindpendamment de toute cause. Puisqu'il en est ainsi, il n'y a rien dont on puisse affirmerl'existence absolue et c'est pourquoi les bouddhistes mahayanistes utilisent souvent cetteexpression : rien n'existe qui, cependant, est gnralement suivie de son oppos : il n'y arien qui n'existe pas , c'est--dire qu'il n'y a rien qui n'existe potentiellement en l'Absolu.

    Pour plus de facilit nous pouvons dire que l'tre humain possde un corps, un moi , etun soi rel . Le corps ne se diffrencie pas des objets perus par nos sens, il est irrel en tantque phnomne temporaire rsultant de l'interaction de causes et d'effets. Ce que l'on appelle le moi (le mental, l'me, l'ego ou l'esprit, etc.) est une entit galement illusoire compose descinq agrgats : la forme, la sensation, la perception, la discrimination et la conscience. Il tire sonindividualit apparente uniquement des impressions reues par les sens. Le soi rel est audel du moi , il est l'Absolu dans lequel toutedistinction se rsorbe et qui, par consquent, est identique au Soi de tous les tres sensibles.(Ainsi que nous le verrons, Hsi Yun dsapprouve ces distinctions entre le moi et le soi caril craint qu'elles ne suggrent l'existence d'une entit telle que le moi ou mental ordinaire). L'individu non illumin (le terme individu peut tre utilis dans un sens relatif) prend

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    constamment le moi pour le soi rel , il se laisse aller aux dsirs et aux apptits qui sont l'origine de l'existence apparente de l'ego, il renforce ainsi le sentiment d'individualit quil'empche d'apprhender la vrit.

    La secte Dhyna tient pour certain que les autres sectes ou coles bouddhiques sontdestines ceux qui sont incapables de comprendre l'erreur des distinctions et l'identit des

    opposs dans l'Absolu. C'est pourquoi, est-il dit, le but de ces coles est d'entraner leursdisciples progresser vers la vrit au cours d'innombrables kalpas (ons) de rincarnations (tousles bouddhistes croient la rincarnation), au moyen de pratiques susceptibles de leur fairepercevoir enfin la vrit et apprhender leur nature vritable . Par contre, la secte Dhynaoffre un raccourci ceux qui sont capables de s'y engager. Puisque nous ne faisons dj qu'unavec l'Absolu, nous n'avons rien pratiquer, rien accomplir, rien atteindre . La seule chosencessaire est un veil soudain cette unit. Un tel veil, enseigne-t-on, mettra immdiatementfin l'action de la causalit (origine de nos perptuelles renaissances), en bannissant le dsir,l'aversion et l'ignorance, toutes choses qui maintiennent en mouvement la chane des causes etdes effets.

    L'ouvrage parle peu de la pratique des exercices de dhyna(mditation ou concentration).

    On suppose que le lecteur est bouddhiste et que son erreur consiste non pas en l'absence depratique, mais en une pratique errone. De nombreux bouddhistes conoivent le mondephnomnal comme une pure illusion. Ils essaient d'y chapper en employant diffrentesmthodes de concentration mentale qu'ils nomment galement dhyna, mais leurs efforts pourliminer tout phnomne de leur mental suppose une distinction entre le rel et l'irrel. Hsi Yundclare que tous ces objets mmes que nos yeux rencontrent sont l'Absolu ; c'est pourquoi il luisemble futile d'carter quoi que ce soit ; une telle mthode implique une incomprhension dedhyna. Le but n'est pas de tout rejeter, mais d'atteindre un tat d'o l'on prenne conscience duvide de toute distinction. On y accde en arrtant le processus de mentation (voir le commentairede la section 34), c'est--dire en cessant de penser aux objets des sens en termes d'attraction et derpulsion, ou en catgories d'existence et de non-existence. Cela ne signifie pas que l'on doives'efforcer de vider le mental de tout contenu, car, suivant les paroles du 6e Patriarche, le mentalne vaudrait alors pas plus qu'une bche de bois ; de plus, il deviendrait incapable de prendre partaux faits de la vie journalire et ne pourrait d'ailleurs se maintenir longtemps dans cet tat. Lesens rel de cette dclaration est un enseignement de dtachement total l'gard de touteperception des sens, grce la certitude que tous les attributs particuliers qui rendent un objetattrayant l'encontre d'un autre, sont, en ralit, impermanents et non-existants au sens absolu dumot. Selon cette doctrine, il ne peut y avoir d'Illumination partielle. La ralit est au del desapparences, elle est saisie ou elle ne l'est pas. Finalement, cette comprhension jaillira dans unclair. C'est ce que la tradition rapporte au sujet deMah-Kshyapa. Dans son cas, l'clair jaillit l'instant o il vit la fleur dans la main du Bouddha. Cependant, il est insuffisant de vivre toutbonnement, ainsi que le font gnralement les hommes non-illumins, avec l'espoir que l'clairjaillira. Le mental doit subir une prparation et c'est justement cette prparation que l'on appelledhyna. Dhynaconsiste tourner le mental vers l'intrieur pour essayer d'apprhender la ralitsitue l'arrire de ce nous nous plaisons nommer nous-mmes et, incidemment, l'arrirede toutes choses. Thoriquement, la contemplation d'objets extrieurs doit mener au mme but,mais les ractions sensorielles suscites par les phnomnes perus crent des complicationspresque insurmontables. C'est pourquoi les matres dhynistes prconisent de tourner le mentalvers l'intrieur et non pas vers l'extrieur.

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    Certains aspects du sujet, que cette introduction n'a pas traits, surgiront du texte mme.Peut-tre, une bonne partie de ce que j'ai dit reparatra-t-elle plus clairement dans les paroles deHsi Yun et de Pei Hsiu, maintenant que les choses qui pouvaient sembler nigmatiques ont texpliques.

    LA TRADUCTION ANGLAISE ET LES NOTES

    La traduction est gnralement littrale. Lorsqu'il m'a paru ncessaire, pour la clart dutexte, d'ajouter quelques mots, j'ai eu soin de les placer entre parenthses, l'exception des motsvidemment sous-entendus. Le livre comprenait une deuxime partie, beaucoup plus longue quela premire. Je ne l'ai pas traduite, car les ides exposes dans cette seconde partie sont pour unebonne part la rptition de celles dveloppes dans la premire.

    Outre le mot hsin dj mentionn, certains termes et. mots chinois, primitivementforgs pour la traduction des mots sanskrits, m'ont caus de grandes difficults. L'un de ces

    termes est fa (dharma) : il peut signifier soit la doctrine, soit une partie de la doctrine, soit unprincipe, une loi, une mthode, une ide, un objet ou un tre quelconque. En fait, c'est un quelque chose au sens le plus large du terme. Dans certains passages, je lui ai donn latraduction paraissant convenir au texte ; dans d'autres, j'ai conserv le mot dharma et je mesuis efforc d'en indiquer le sens exact en employant un D majuscule ou minuscule. Ailleursje l'ai compltement supprim sans prjudice pour la traduction. Fo (Bouddha) est employparfois pour dsigner akyamuniBouddha ou les Bouddhas d'une faon gnrale, quelquefoisc'est galement synonyme de l'Absolu (Mental cosmique). J'ai utilis un D majuscule pour lemot dhynalorsqu'il s'agissait du nom propre ; dans les autres cas je l'ai assimil un substantifanalogue mditation , ou concentration ou contemplation . En ralit, aucun de cestermes n'est l'quivalent de dhyna dont le sens, beaucoup plus large, s'tend un ensemblede pratiques que la secte Dhyna recommande ses membres en tant que moyens d'obtenirl'Illumination.

    Il est trs courant, en Chine, d'insrer des notes dans le corps d'un texte ainsi que je l'aifait ; mais un commentateur chinois aurait introduit chaque note immdiatement aprs la phrase laquelle elle se rapporte. J'ai divis et numrot la traduction en sections dans le but d'intercalerles notes non loin des passages qu'elles expliquent, mais cette numrotation n'existe pas dans letexte de Pei Hsiu. Peut-tre, certains passages, cette division est-elle fausse, ce qui ne constituepas une erreur srieuse puisque, je le rappelle, il s'agit d'une division toute arbitraire.

    Pour la rdaction des notes comme pour la traduction mme, j'ai largement utilis le FuHsueh Ta T'zu Tien , de Monsieur Ting Fu Pao et le Dictionary of Chinese Buddhist Terms de Soothill et Hodous. J'ai galement reu des conseils et de prcieuses suggestions de nombreuxamis qui m'ont vit de graves erreurs de traduction.

    CHU CH'ANPeiping Mai 1947.

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    PRFACE DE PEI HSIU

    Hsi Yun, grand Matre dhyniste, habitait le Pic des Vautours, au mont Huang Po, dans ledistrict de Kao An, dpendant de la Prfecture de Hung Chou. Il fut le troisime descendant de laligne directe du 6e Patriarche Hui Neng et le neveu spirituel du Vnrable Huai Hai.

    N'apprciant que la seule mthode intuitive, incommunicable en paroles, du Vhicule le pluslev, il n'enseigna rien d'autre que la doctrine du Mental cosmique, car il estimait qu'il n'est riend'autre enseigner, puisque mental et substance sont tous deux vides, et puisque la chane decausalit est, en ralit, immobile. Le mental est semblable au soleil parcourant le ciel et irradiantune lumire glorieuse que ne souille pas le plus petit grain de poussire. Pour ceux qui ont ralisla nature de la Ralit, rien n'est vieux ni jeune et, pour eux, les conceptions profondes ousuperficielles sont dnues de sens. Ceux qui parlent de cette Ralit ne tentent pas de l'expliquer , ils ne fondent aucune secte et n'en discourent pas tout venant. Ce qui est devantvous est Cela. Ds que vous commencez raisonner sur Cela, vous tombez immdiatement dansl'erreur. Lorsque vous l'aurez compris, alors seulement vous percevrez que vous ne faites qu'unavec votre nature de Bouddha originelle. C'est pourquoi les paroles de Hsi Yun taient simples,

    son raisonnement, direct, sa manire de vivre, leve et ses actes diffrents de ceux des autreshommes. De toutes les rgions, les disciples affluaient vers lui ; ils le regardaient comme unesublime montagne de spiritualit et, grce leurs contacts avec lui, ils s'veillaient la Ralit.La foule rassemble autour de lui comptait toujours plus de mille personnes la fois.

    La deuxime anne de Hui Chang (843 aprs J.C.), lorsque j'tais fonctionnaire dans ledistrict de Chung Ling, j'accueillis Hsi Yun son arrive dans cette ville ; il venait de lamontagne o il habitait. Nous sjournmes ensemble au Temple de Lung Hsing ; l, je lequestionnai nuit et jour sur la Voie. Ensuite, la deuxime anne de Tai Chung (849 aprs J.-C.),tandis que j'avais une charge dans le district de Wan Ling, j'eus encore une fois l'occasion de luisouhaiter crmonieusement la bienvenue dans le lieu o mon poste me retenait.. Cette fois, nousrestmes paisiblement dans le Temple de K'ai Yuan et, l aussi, j'tudiai jour et nuit sous satutelle. Aprs l'avoir quitt, je mis par crit ce que j'avais appris et bien que je ne fusse capabled'en crire que le cinquime, j'estimai que c'tait pourtant une transmission directe de laDoctrine. Tout d'abord je n'osai publier mes crits ; maintenant, craignant que ces enseignementsvitaux et pntrants ne fussent perdus pour les gnrations futures, je les publie. En outre, j'aidonn le manuscrit aux moines T'ai Chou et Fa Chien, je les ai pris de se rendre au TempleKuang T'ang, sur la vieille montagne, et de demander aux moines gs si mon manuscritconcorde avec les enseignements qu'eux-mmes ont reu autrefois.

    Commentaires :

    Le district de Kao An conserve encore son nom ancien; il est situ au sud-ouest de NanCh'ang, capitale de la province de Kiangsi.

    Suivant d'autres rapports, Hsi Yun serait le quatrime descendant de la ligne spirituellede Hui Neng (mort en 713 aprs J. C.) dont les enseignements sont consigns dans le fameuxlivre que l'Occident connait sous le nom de : Strade Wei Lang (Hui Neng). Il a t traduit enanglais par Wong Mou Lam et publi en 1944 aprs avoir t revu par Christmas Humphreys(Luzac, London). Cest le manuel classique de la secteDhyna.

    Par neveu spirituel , on entend que le Matre de Hsi Yun tait condisciple du clbremoine Huai Hai (mort en 814 aprs J. C. Il ne faut pas confondre Huai Hai avec son ami et

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    contemporain Hui Hai dont les enseignements ont t traduits et publis dans la prsentecollection.)

    La secte Dhyna a adopt le terme Vhicule le plus lev afin d illustrer saconviction de reprsenter la plus haute de toutes les formes de Bouddhisme mahayaniste ouhinayaniste - (Grand ou Petit Vhicule).

    La chane de la causalit est immobile Ainsi que le traducteur l'a dj dit dans sonintroduction, tous les bouddhistes pensent que nos vies sont diriges par la loi karma (cause eteffet), ils croient que cette loi opre dune vie sur la suivante et qu'elle est l'agent principalconditionnant nos existences futures. Cependant nous assure la secteDhyna, puisque cette loiappartient au royaume des phnomnes, elle n'a qu'une existence relative et non absolue. Celuiqui devient conscient de son identit avec le Mental cosmique et, par l mme, avec tout ce quiexiste, un te1 homme transcende 1e monde phnomnal et atteint un tat o il voit que tout cequi autrefois, lui apparaissait en mouvement - telle la chaine de la causalit est en fait,immobile. D'autres dclarations nigmatiques contenues dans la prface de Pei Hsiu seronttraites dan les notes suivantes.

    J'estimai que c'tait pourtant une transmission directe de la Doctrine. Le grand respect

    que Pei Hsiu tmoigne l'gard de lenseignement quil a reut de Hsi Yun est d au fait quil leconsidre comme ayant t transmis ce dernier travers une ligne ininterrompue depatriarches hindous et chinois remontant akyamunilui-mme. De l son hsitation publierses annales. Comme tel, le Patriarcat prit vritablement fin avec Hui Neng, mais la ligne de latransmission directe (ou plutt les nombreuses branches drivant d'une mme source) se perptueencore de nos jours. Dans le Temple o 1e corps de Hui Neng est conserv, vit actuellement leclbre Hsu Yun ; on le considre comme le descendant spirituel le plus authentique..des:patriarches.

    Le Temple de Kuang T'ang sur la Vieille montagne. Il est probable que la vieillemontagne n'est autre que le mont- Huang Po. Bien que Hsi Yun ft dcd quelques annesavant la. rdaction de cette prface,- il est vraisemblable qu'un grand nombre de ses disciples yvivaient encore et qu'ils taient en mesure de vrifier au point de vue doctrinal le manuscrit dePei Hsiu.

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    LA DOCTRINE DE HSI YUN

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    LA DOCTRINE DE HSI YUN

    SELON LES ANNALES DE PEI HSIU

    (1) S'adressant moi, le Maitre dit : Tous les Bouddhas et tous les tres sensibles ne sontrien d'autre que le Mental cosmique, en dehors duquel rien n'existe, qui a toujours exist, non-n

    et indestructible. Cela n'est ni vert ni jaune, et n'a ni forme ni apparence. Cela ne peut tre classdans aucune catgorie : soit des choses existantes, soit des choses non-existantes ; cela ne peutpas davantage tre considr comme une chose nouvelle ou ancienne. Cela n'est ni long ni court,ni grand ni petit, mais transcende toute limite, toute mesure, tonte dnomination, toute parole ettoute mthode de concrtisation. Cela est la substance sur laquelle se pose le regard mais toutraisonnement sur sa nature tombe aussitt dans l'erreur. Semblable au vide sans limite il ne peuttre ni sond ni mesur. Seul ce Mental cosmique est le Bouddha ; entre le Bouddha et les tressensibles il n'y a aucune distinction, mais ces derniers sont attachs aux formes, c'est pourquoi ilscherchent la Bouddhit hors d'elle-mme. Une telle recherche les gare et produit le contrairedu rsultat qu'ils dsirent car ils emploient Bouddha chercher Bouddha et le mental saisir lemental. Mais s'ils s'puisent en grands efforts pendant un kalpa entier, ils ne seront pas capables

    d'atteindre leur but. Ils ne savent comment arrter leurs penses et oublier leur angoisse. LeBouddha est devant eux, car ce Mental cosmique est le Bouddha, et le Bouddha est tous les tresvivants. Ce Mental n'est pas moins manifest dans les tres ordinaires ni plus manifest dans leBouddha.

    Commentaires: Non-n et indestructible.... Dans l'ouvrage du Docteur Suzuki : Studies in the

    Lankvatra Stra, publi Londres, chez Routledge, nous trouvons un essai intitul : TheLankvatra Stra and the Teaching of Zen Buddhism , qui contient, parmi d'autres pointsintressants, l'explication particulirement subtile de quelques-uns des termes embarrassantsrencontrs dans ce stra, et que nous retrouvons occasionnellement ici. Entre autres, nous lisonsl'explication dtaille du mot anutpannah (non-n : non pas dans le sens d'ternel ni denon-cr. Les choses sont non-nes simplement parce qu'aucune catgorie impliquant unecontradiction, une altration ou une antithse ne leur est applicable. L'auteur poursuit en disantque si l'on prend le terme non-n dans le sens d'ternel ou de non-cr, on accrditel'opposition des termes contraires ; l'on se trouve par consquent prisonnier d'une conceptionerrone. Autrement dit, non-n est un mot choisi pour dsigner un tat au del de toutes lescatgories normales de la pense logique.

    Mais tout raisonnement sur sa nature... Habituellement, les concepts humains serangent dans une des deux catgories types d'existence ou de non-existence , d'o ledanger de raisonner sur la nature du Mental cosmique, lequel est dclar au del de cescatgories.

    C'est pourquoi ils cherchent la Bouddhit hors d'elle-mme... Le chinois est unelangue beaucoup moins prcise que l'anglais ou le franais, mais elle offre des possibilitsd'extension plus grandes, ce qui la rend mieux adapte un ouvrage comme celui-ci. Parexemple: en dehors dans le texte original, signifie indiffremment en dehors d'elle et endehors d'eux-mmes . Puisque le Mental cosmique inclut toute chose et tout tre, les deux senssont impliqus ici. Je n'ai pas toujours su triompher des difficults que font surgir ces diffrencesimportantes entre les deux langues ; il en rsulte que non seulement ce livre perd la traduction,mais encore que des notions trangres se sont introduites dans certains passages, en dpit detous mes efforts pour traduire aussi fidlement que possible.

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    Un traducteur aussi avis et qualifi que M. A. Waley aurait peut-tre mieux russi. Kalpa est sensiblement l'quivalent d' on , pour dsigner une longue priode de

    temps. Les bouddhistes affectionnent les expressions qui illustrent l'immensit de l'espace et del'ternit. Un seul kalpadpasse de beaucoup la porte de l'imagination humaine, cependant lesbouddhistes ont des substantifs pour dsigner des myriades de kalpas qu'ils font encore

    prcder d'adjectifs tels que: innombrables. Arrter leurs penses n'a pas ici le sens de cesser de penser quoi que ce soit, et dedevenir semblable un objet inanim (pour plus amples explications voir : The Stra of WeiLang ). Couper court toute pense en termes d'attraction ou de rpulsion nousrapprocherait peut-tre du sens rel.

    (2) En accomplissant les six pramits et bon nombre d'autres pratiques similaires, onobtient une somme de mrites aussi incalculable que les grains de sable du Gange, mais puisque,par essence et tous gards, vous tes un tre parfait, vous ne devriez pas tenter d'accrotre cetteperfection au moyen de pratiques aussi dnues de sens. Lorsque l'occasion s'en prsente,accomplissez des actes charitables, et lorsqu'elle est passe, restez paisible. Si vous n'tes pas

    compltement convaincu que ceci le mental est le Bouddha, si vous tes attach auxformes, aux pratiques et aux observances par lesquelles on accumule des mrites, votre point devue est sans rapport avec la Ralit, il est radicalement incompatible avec la Voie. Le mentalEST le Bouddha, il n'y a pas d'autre Bouddha, et pas d'autre Mental. Ce mental est brillant et purcomme le vide, il n'a aucune forme et aucune apparence. Faire usage du mental pour la pense(au sens habituel de ce mot) quivaut abandonner la substance pour se lier soi-mme auxformes. Le Bouddha qui existe de toute ternit, ne tmoigne jamais un tel attachement auxformes. Si vous pratiquez les six pramitset des myriades d'autres exercices en vue d'accderpar ces moyens la Bouddhit, vous croyez que vous avancerez par tapes, mais le Bouddhaqui a toujours exist n'est pas un Bouddha auquel on parvient par tapes. veillez-vousseulement au Mental cosmique, et ralisez qu'il n'y a rien d'autre atteindre. C'est l le vraiBouddha. Le Bouddha et tous les tres sensibles sont le Mental cosmique, et rien d'autre.

    Commentaires: Les sixpramits sont : dna(la charit), sila(l'observance des prceptes), ksnti(la

    patience devant l'insulte), vrya (le zle et le progrs), dhyna (la mditation), et prjna (laconnaissance). De nombreux bouddhistes croient que, par la pratique des six pramits etd'autres disciplines, Ils se rapprocheront de l'tat bouddhique. Le point trait ici est le suivant :bien qu'il soit excellent de faire des actions charitables lorsque l'occasion s'en prsente, cesactions doivent tre rigoureusement dsintresses et, de plus, elles sont sans rapport avec laralisation de l'tat bouddhique. Puisque nous-mmes et les Bouddhas ne sommes rien d'autreque le Mental cosmique, aucun processus ne peut, strictement parlant, tre appel, devenir unBouddha ; nous n'avons qu' raliser intuitivement ce que nous sommes dj. Les Matresdhynistes insistent maintes reprises sur la ncessit d'une compassion totalementdsintresse, se manifestant galement l'gard de tous les tres, sans la moindre distinctionentre ceux que nous aimons, ceux pour lesquels nous n'prouvons aucun sentiment, et ceux quenous n'aimons pas. De plus, si nous-mmes et les Bouddhas ne sommes rien d'autre que leMental cosmique, il n'est pas possible d'approcher la Bouddhit par degrs. Ou bien nousralisons ce que nous sommes, ou bien nous ne le ralisons pas. Les Matres dhynistescomparent des upays les diffrents degrs conduisant la perfection dont il est si souvent

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    question dans certains stras. La signification du mot upay se rapproche de ce quiconvient . Le Bouddha de toute compassion utilisait ainsi ce qui convient en vue d'aiderceux qui sont incapables de suivre tout ce qu'implique l'enseignement le plus lev .

    (3) De mme que le soleil tourne dans l'espace et brille sur les quatre coins du monde,

    ainsi le mental, semblable au vide, ne connat ni trouble ni mal. Quand le soleil se lve etillumine la terre entire, ce n'est pas le vide qui est brillant ; et quand le soleil se couche et qu'ilfait nuit, ce n'est pas le vide qui est obscur. Les phnomnes de lumire et d'obscurit alternent,mais la nature du vide demeure inchange. Il en est de mme du mental du Bouddha et de tousles tres sensibles. Si vous vous reprsentez le Bouddha avec une apparence pure, brillante etillumine, ou si vous vous reprsentez les tres sensibles avec une apparence souille, sombre ettransitoire, de telles conceptions vous empcheront, en raison de votre attachement aux formes,d'atteindre la connaissance suprme (Bodhi), mme aprs avoir travers autant de kalpasqu'il ya de grains de sable dans le lit du Gange. Il n'y a que le Mental cosmique et pas la moindreparticule de quoi que ce soit d'autre dont on puisse se saisir, car ce Mental est le Bouddha. Ceuxqui tudient et suivent la Voie, et qui pourtant ne s'veillent pas cette substance mentale, crent

    toutes sortes d'imaginations ; ils cherchent le Bouddha l'extrieur d'eux-mmes et restentattachs aux formes, aux pratiques et aux observances, toutes choses nuisibles et hors du cheminqui mne la connaissance suprme.

    Commentaires:Ce paragraphe a simplement pour but d'illustrer ce qui a dj t dit.Dans l'original, aprs pas la moindre particule... vient le mot fa (dharma) que je

    n'ai pas traduit.

    (4) Faire des offrandes tous les Bouddhas de l'univers ne vaut pas l'offrande faite unseul adepte de la Voie, dlivr de toute imagination. Pourquoi ? Parce qu'un tel adepte est au delde toute activit imaginative sous quelque forme que ce soit. La substance de l'Absolu a deuxaspects : intrieurement, elle est comme le bois ou la pierre, elle est immuable ; extrieurement,elle est semblable au vide, sans limite ni entrave. Cela n'est ni subjectif ni objectif, cela est sanslocalisation spcifique, tant sans forme. C'est pourquoi cela ne peut tre perdu. Ceux qui sehtent vers cet tat n'osent pas y entrer de peur de s'effondrer dans le vide sans y rien trouverpour se cramponner et prvenir leur chute. C'est ainsi qu'ils tournent leurs regards vers le rivageet battent en retraite, comme font, par exemple, ceux qui cherchent le but au moyen de l'intellect.Ceux qui cherchent le but intellectuellement sont comme les poils d'une fourrure (le grandnombre), et ceux qui obtiennent la connaissance intuitive de la Voie sont comme les cornes (lepetit nombre).

    Commentaires:Hsi Yun suit l'exemple des stras qui utilisent souvent l'image des mrites obtenus au

    moyen d'offrandes faites diffrentes sortes d'tres, afin de rendre vident le gouffre qui lesspare. Ceux qui font des offrandes aux Bouddhas n'ont pas atteint l'tat o l'on ralise que tousles Bouddhas et son propre mental sont une seule et mme chose.

    Qui a limin toute imagination... aurait t rendu plus littralement par : celui qui a ralis l'tat sans mental , mais je pense que ma traduction exprime le sens

    de cette phrase difficile. Soothill et Hodous dans leur Dictionary of chinese buddhist terms

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    traduisent les mots wu hsin par : sans mental, sans pense, sans volont ni dsir ; le mentalrel, immatriel, libre de toute illusion, non-conscience, ou action sans effort .

    Le Docteur Suzuki dans : Studies in theLankvatra Stra, p. 283, crit propos de fei hsin (acitta) dont la signification est exactement la mme : ce que nous connaissons etappelons le mental dans le raisonnement discursif est non-mental (acitta) bien que sans ce

    mental, le mental ne puisse tre atteint . L'Absolu est la traduction; de juju (bhtatathat), synonyme de: Mentalcosmique .

    (5) Manjusri reprsente la loi primordiale, et Samantabhadra le devenir. Le premiersymbolise l'aspect de la Ralit en tant que vide illimit, et le second reprsente les possibilitsinnombrables au del du monde des phnomnes. Avalokiteswara est l'emblme de lacompassion sans borne ; mahsthamaest l'image de la grande sagesse, et vimalakirti est le nomsans souillure . La puret est une qualit fondamentale, le nom est la forme, mais la forme, enralit, est une avec la nature relle, d'o ce terme combin de nom sans souillure . Toutes cesqualits, panouies chez les grands Bodhisattvas, sont inhrentes aux hommes et ne sont pas

    distinctes du Mental cosmique. Eveillez-vous leur prsence en vous et elles se manifesteront.Ceux qui tudient la Voie, et ne sont cependant pas conscients de la prsence de ces qualits dansleur propre mental, ceux qui, eu raison de leur attachement aux apparences, cherchent quelquechose d'objectif en dehors de leur mental, ceux-l tournent le dos la Voie. Le sable du Gange !Le Bouddha disait propos de ce sable : Si tous les Bouddhas, les Bodhisattvas,Indraet tousles dieux foulent ce sable de leurs pieds, il ne s'en rjouit pas ; et si les bufs, les moutons, lesreptiles et les insectes le pitinent, il n'en prouve aucune colre. Il n'a ni attraction pour lesjoyaux et les parfums, ni rpulsion pour la fiente et l'urine .

    Commentaires:L'numration de ce paragraphe comprend les Bodhisattvas les plus importants. Les

    bouddhistes, suivant la secte laquelle ils appartiennent, en donnent diffrentes interprtations :certains pensent qu'il s'agit de divins personnages auxquels on peut faire appel aux priodesdifficiles de la vie. De nombreux strasmahayanistes soutiennent ce point de vue. D'autres lesregardent simplement comme les manifestations de qualits abstraites c'est le cas de cetouvrage. Parmi tous les noms numrs, le seul qui ncessite un commentaire est Vimalakirti.Bien que la secte Dhynaconsidre que le royaume du monde phnomnal, ou de l'expriencesensorielle, n'est dou que d'une existence relative, il n'est cependant pas spar du Mentalcosmique. Il EST le Mental cosmique saisi dans une perception errone. D'o l'identit de laforme et de la nature relle.

    (6) Ce Mental cosmique n'est pas le mental au sens habituel du mot ; il est sans attacheavec les formes ; ainsi en est-il des Bouddhas et des tres sensibles. Quand ces derniersrussiront se dbarrasser de toute imagination, ils auront tout accompli. Mais si ceux quitudient la Voie ne surmontent pas l'activit imaginative dans un clair, bien qu'ils luttent durantde nombreux kalpas, ils n'y parviendront jamais. Pris au pige des pratiques mritoires des troisVhicules, ils seront incapables d'atteindre l'Illumination. Nanmoins, la ralisation du Mentalcosmique peut jaillir soudainement, ou aprs un effort plus ou moins long. Certains l'atteignenten entendant prcher ce dharma, et, dans un clair d'intuition, ils s'lvent au del de toute formed'imagination. D'autres obtiennent la mme chose par la mthode des Dix Croyances, des Dix

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    Stages, des Dix Activits et des Dix Dons de Mrite. D'autres encore y parviennent en parcourantles Dix Stages progressifs des Bodhisattvas. Mais que la ralisation survienne au terme d'unchemin direct ou indirect, le rsultat est l'accs un tat d'existence pure, et nonl'accomplissement ou l'obtention de quelque chose. Qu'il n'y ait l rien que l'on puisse saisir n'estpas une vaine parole, c'est la vrit. Plus encore : que vous parveniez au but dans un clair

    d'intuition ou aprs avoir parcouru les Dix Etapes Progressives des Bodhisattvas, l'Illuminationsera la mme dans les deux cas, puisque cet tat n'admet pas de degr, mais la seconde mthodencessite plusieurs kalpasde souffrances et de labeur inutiles.

    Commentaires :Les bouddhistes du sud ne reconnaissent pas l'existence de diverses coles bouddhiques,

    ou Vhicules . Seuls, les bouddhistes du nord (les Chinois inclus) parlent du Mahyna (leGrand Vhicule) et duHnayna(le Petit Vhicule). Cette appellation de Vhicule impliquel'ide de quelque chose qui transporte les fidles 'jusqu' l'Illumination. Autrefois, on distinguaitencore le Vhicule du Milieu ouMadhyimayana.

    Visiblement la secteDhynaestime ces diffrentes coles sans valeur pour tous ceux qui

    sont capables d'atteindre l'Illumination au moyen de la mthode abrupte . Toutefois, rappelonsque les bouddhistes, pour la plupart, sont d'une tolrance tonnante, et qu'une rivalit hostileentre les sectes est assez rare. Un Matre de l'cole Dhyna, lorsqu'il essaie d'entrainer sesdisciples vers l'Illumination, parle des autres sectes sur un ton critique, mais il admet volontiersl'hypothse mahayaniste classique : tous les chemins mnent au mme but et s'adressentseulement des catgories diffrentes de personnes.

    Les Dix Croyances et les Dix Activits, les Dix Stages et les Dix Dons de Mrite serapportent l'enseignement d'autres sectes, ils reprsentent la mthode progressive paropposition la mthode abrupte de la secteDhyna. Hsi Yun insiste sur l'ide que, si ces colesont leur utilit dans la prparation du mental au saut dcisif , en aucune manire elles neconfrent une Illumination partielle ; selon lui, l'Illumination est complte ou elle n'est pas. UneIllumination partielle est chose tout fait impossible, bien que la voie qui conduit l'Illumination puisse tre directe ou indirecte.

    Le Don des Mrites est l'acte de transfrer, sur une tierce personne, une part ou la totalitdes mrites obtenus pour soi-mme par l'accomplissement de bonnes actions. Cette doctrinemahayaniste est gnralement peu rpandue parmi les membres de la secte Dhyna, pour qui detelles pratiques dnotent l'attachement au monde des phnomnes. Par contre, de nombreuxmahayanistes en font grand cas. Par exemple, si la mre de quelqu'un tombe malade, le fils de lamalade peut faire distribuer gratuitement aux habitants de la ville un grand nombre de strasbouddhiques. L'accumulation des mrites obtenus par cette action peut tre transfre lamalade, simplement par l'effet d'une volont bien dtermine qu'il en soit ainsi. Toute la doctrinemahayaniste concernant lesBodhisattvasest intimement lie au don des mrites. C'est, en effet,grce aux mrites accumuls tout au long de leurs vies passes, au cours de nombreux kalpas,que lesBodhisattvassont devenus capables de donner leur assistance aux tres sensibles. Selonl'enseignement de la secteDhyna, un mrite reste un mrite, il peut en rsulter diffrentes sortesde bonheur, mais il reste sans rapport avec l'Illumination.

    (7) L'accomplissement de bonnes ou de mauvaises actions implique un gal attachementaux formes. Ceux que leur attachement aux formes conduit faire le mal se rincarneront dans

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    diffrentes catgories d'existence et cela bien inutilement. Ceux que leur attachement aux formesentrane faire le bien renatront de mme en vain dans le travail et les soucis. En dfinitive, niles premiers ni les seconds ne reconnaissent le Dharma fondamental ni ne s'y attachent. CeDharmaest le mental au del duquel il n'y a pas deDharma, et ce mental est leDharmaau delduquel il n'y a pas de mental. Ce mental n'est pas mental au sens habituel de ce mot ; il n'est

    pas non plus non-mental , car l'affirmation non-mental impliquerait la possibilit de lacontradiction. C'est quelque chose qui ne peut tre dfini par des mots, mais qui doit tre comprisintuitivement. Et puisque toute intellection doit tre limine, la parole doit tre vite etl'imagination carte. Ce mental est la pure essence du Bouddha, origine de toute chose, etinhrente tout tre. 'Tous les tres anims et dous de vie affective, tous les Bouddhas et lesBodhisattvas sont de la mme substance, ils ne sont pas diffrents les uns des autres. Seule, lapense errone donne naissance la diffrenciation et par l toutes sortes de karmasont cres.

    Commentaires:La dclaration qui ouvre ce paragraphe ne signifie nullement qu'il faille s'abstenir

    d'accomplir de bonnes actions. De nombreux ouvrages de la secteDhynaexpliquent pleinement

    que les actes justes doivent tre accomplis, mais seulement pour eux-mmes et non pas en vued'en tirer une rcompense (ce qui impliquerait un attachement), ni dans l'espoir que ces actesfaciliteront l'Illumination (ce qui impliquerait une ignorance complte de la nature del'Illumination). Sir C. Eliot remarque avec justesse : le Zen (Dhyna) n'aurait jamais puinfluencer la philosophie chinoise, y compris la philosophie de Confucius, s'il n'avait contenu unaspect thique . D'autre part, accomplir de bonnes actions, si elles ne sont pas accompagnes dela ferme dtermination de raliser sa propre identit avec le Mental cosmique, revient perdreson temps.

    Ce mental n'est pas mental... La secte Dhynamet constamment en garde contre ledanger d'accepter les catgories du raisonnement logique. Ces catgories entranent dfinirl'Absolu en tant que mental (citta) ou en tant que a non-mental (acitta), or ces deux pointsde vue sont galement faux. Lorsque l'on utilise le mot mental , il est bien entendu aupralable, que ce terme a t choisi arbitrairement afin de dsigner une chose quaucun mot nepeut rellement exprimer.

    et par l toutes sortes de karma sont cres. L'auteur suppose que le lecteur a uneconnaissance gnrale des lois du karma et de leurs modes d'action. La distinction entre lesopposs, le bien et le mal -- particulirement lorsque la distinction a pour origine l'attraction oula rpulsion -- lve une barrire entre soi-mme et la comprhension du Mental cosmique. C'estpourquoi les distinctions ou diffrenciations sont l'origine des oprations continues du karma;ds que ces distinctions sont limines, le karmas'teint.

    (8) En toute vrit, notre nature originelle de bouddha n'est rien qui puisse treapprhend. Cela est vide, omniprsent, silencieux et pur, c'est une plnitude de paix glorieuse etmystrieuse. Cest tout ce que l'on peut en dire. Eveillez-vous vous mme cette nature, sondezses profondeurs. Cette nature bouddhique originelle est devenue vous dans toute son intgrit,sans la moindre lacune. Mme si vous parcourez, degr par degr les tapes duBodhisattvaversla bouddhit, lorsque enfin, dans un simple clair dintuition vous atteindrez la pleineralisation, vous raliserez uniquement votre nature bouddhique originelle. Toutes les tapesparcourues antrieurement n'y auront pas ajout la moindre chose. Vous regarderez simplementtous les kalpas, couls dans l'effort et le travail, comme autant d'actions irrelles accomplies

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    dans un rve. C'est pourquoi le Tathgataa dit : En vrit, je n'ai rien acquis au cours de cetteIllumination complte et incomparable. S'il y avait eu l quelque chose de nouveau acqurir,Dipamkara Bouddhan'aurait fait aucune prophtie mon sujet . Il a dit encore : CeDharmaest absolument sans distinction, n'ayant ni hauteur ni profondeur, son nom est Bodhi. Cela estle pur mental, origine de toutes choses, apparaissant sous l'aspect des tres sensibles, d'un

    Bouddha, des rivires et des montagnes du monde, avec forme ou sans forme, ou sous l'aspect del'univers entier. Ce pur mental est radicalement homogne car il n'y a aucune distinction entre lesoi et le non-soi.

    Commentaires :

    Dans la premire partie de ce paragraphe l'auteur se propose de dmontrer que laralisation de l' Ecole par Etapes , dont l'Illumination ne s'obtient qu'au moyen duperfectionnement de soi-mme au cours de nombreux kalpas, ne se diffrencie pas de la pleineralisation qu'atteignent dans un clair d'intuition les membres de l' Ecole abrupte .

    Les paroles attribues auDiparmkara Bouddhasont tires du Strade Diamant. On penseque ce Bouddha fut l'instructeur de Gautama Bouddhadans une vie antrieure et qu'il prophtisa

    l'accession de son lve l'tat de Bouddha. Le sens de cette citation est le suivant : sil'Illumination conduisait l'obtention de quoi que ce soit, il n'en rsulterait pas, et il ne pourraitpas en rsulter la Bouddhit, puisque l'tat de Bouddha implique la comprhension de la vacuitde toute distinction telle que : celui qui atteint et ce qu'il atteint, ou ce qui est atteint et ce quin'est pas atteint.

    (9) Ce pur mental, origine de toutes choses, brille sur tout par l'clat de sa propreperfection, mais les gens de ce monde ne prennent pas conscience de Lui, car ils ne considrentcomme mental que ce qui voit, entend, sent, connat. Leur comprhension tant voile par lesperceptions de la vue, de l'oue, des sentiments et du savoir, ils ne peroivent pas lamagnificence de la Substance Primordiale. S'ils taient seulement capables d'liminer, en unclair, toute imagination, cette Substance Primordiale se manifesterait d'Elle-mme, comme lesoleil s'levant travers l'espace illumine l'univers entier sans rencontrer ni obstacle ni limite.C'est pourquoi, si les tudiants de la Voie considrent la vue, l'oue, les sentiments et le savoirseulement comme leurs propres activits, la privation de ces perceptions leur coupe la voie versune comprhension du mental et les laisse dans une impasse. Il faut reconnatre que le mentalrel s'exprime dans ces perceptions, mais, d'une part, sans dpendre d'elles, et d'autre part, sanstre distinct d'elles. Aucun raisonnement ne devrait reposer sur ces perceptions ni aucune penses'y opposer. Il ne faudrait cependant pas chercher le Mental cosmique en dehors d'elles ni lesabandonner dans votre poursuite du Dharma. Ne vous y agrippez pas, ne les abandonnez pas,n'habitez pas en elles et n'y adhrez pas. Exister indpendamment de tout ce qui est au-dessus,au-dessous, ou en dehors de vous, car il n'y a aucun lieu o la Voie ne puisse tre suivie.

    (10) Alors que les gens de ce monde cherchent l'enseignement de la Voie, tous lesBouddhas proclament la doctrine du Mental cosmique. Si l'on tient pour certain qu'il existe unechose raliser ou atteindre hors du mental et que l'on utilise le mental dans cette recherche,cela implique une erreur de comprhension ; en effet le mental et l'objet de sa recherche ne fontqu'un. On ne peut utiliser le mental pour chercher quelque chose qui vient du mental car, mmeaprs des-millions de kalpasde cet effort, le jour du succs ne luira pas. De telles mthodes ne

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    peuvent entrer en comparaison avec celle qui consiste arrter subitement toute imagination, cequi constitue le Dharma fondamental. Supposez le cas suivant un guerrier porte sur son frontune perle qu'il croit avoir perdue. Il part sa recherche et bien qu'il parcoure l'univers entier, il nela trouvera jamais. Mais si quelqu'un s'aperoit de sa mprise et lui montre la perle du doigt,instantanment il ralisera que la perle n'a pas quitt sa place. De mme, si les tudiants de la

    Voie se trompent au sujet de leur propre mental, et ne le reconnaissent pas comme le Bouddha,ils le cherchent videmment partout, se laissent aller suivre diverses pratiques et placent leurconfiance dans une mthode progressive pour atteindre l'Illumination. Mais, mme aprs avoirvcu des sicles et des sicles en diligentes recherches, ils seront toujours incapables de parvenirjusqu' la Voie. On ne peut comparer de telles mthodes avec celle qui consiste supprimerimmdiatement toute mentation, connaissant avec certitude que rien n'a d'existence absolue, qu'iln'y a rien sur quoi s'appuyer, rien sur quoi l'on puisse compter, rien en quoi l'on puisse demeurer,qu'il n'y a rien d'objectif ni rien de subjectif. C'est en interdisant un point de vue erron des'installer en vous que vous raliserezBodhi, et, l'instant de la ralisation, vous constaterez quevous ralisez le Bouddha qui a toujours exist dans votre mental. Vous aurez la preuve que tantd'efforts poursuivis au cours de nombreux kalpas l'ont t bien en vain, exactement comme le

    guerrier, en retrouvant la perle, dcouvre simplement ce qui de tout temps tait sur son front; ladcouverte de la perle ne dpendait nullement de tous ses efforts pour la retrouver travers lemonde. C'est pourquoi le Bouddha a dit : Je n'ai rien acquis d'une Illumination complte etincomparable . De crainte que les gens ne le croient pas, il a recouvert ce qui est vu par les cinqsortes de visions et ce qui est dit par les cinq sortes de paroles. Ce ne sont, en aucun cas, desparoles vides de sens, mais la plus haute des vrits.

    Commentaires :

    La plus grande partie de ce passage a pour but de proclamer la futilit d'une recherche del'illumination par une source extrieure, quelle qu'elle soit, et d'insister sur la ncessit de larecherche par la ralisation de soi-mme.

    Le Bouddha qui a toujours exist dans votre propre mental est, bien entendu, le mentallui-mme.

    Les deux dernires phrases fournissent un exemple caractris de la manire dont la secteDhyna explique tous les passages des stras qui se rfrent une mthode de ralisationprogressive. C'est videmment une pratique gnralise parmi les sectes mahayanistesd'expliquer les enseignements essentiels des sectes rivales en dclarant que de telsenseignements ne sont que des vrits relatives proposes par le Bouddha pour le plus grandbnfice de disciples incapables de s'assimiler les plus hautes vrits. Bien qu'un lettr impartialne puisse approuver cette manire de procder, elle prsente nanmoins l'avantage de minimiserles querelles s'levant entre les membres de diffrentes sectes. Dans l'Eglise chrtienne, il est trscourant d'entendre les membres d'une secte condamner les membres des autres sectes en lesdclarant hrtiques .

    La secte Tien Tai est alle plus loin que n'importe quelle autre secte dans la division et laclassification mthodiques des discours et des leons attribus au Bouddha. Ces classificationssont gnralement adoptes avec quelques modifications par la plupart des sectes chinoises. Undes points les plus importants parmi les doctrines de l'cole Tien Tai est celui-ci : les apparentescontradictions entre les diffrents stras peuvent tre rsolues en considrant qu'ils ont tprchs diffrentes poques et s'adressaient des auditoires diffrents.

  • 8/11/2019 Hsi Yun - Le Mental Cosmique

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    Dans l'ensemble, cette secte distingue cinq priodes et huit mthodes d'enseign


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