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8/18/2019 Immersion dans le monde du street art par Alexandre Philbert
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Immersion dans le monde du Street Art
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Immersion dans le monde du Street Art
Sommaire
Introduction
Chapitre1. L’importance du titre.
1. Paris, la butte aux cailles et ses œuvres .
2. Le Street Art, une histoire récente ?3. Le « Street Art », ou le travestissement du graffiti.
Chapitre2. Rencontre avec un graffeur.
1. Présentation de mon interlocuteur « Daniel ».2. L’illicite, une composante essentielle du graffiti. 3. Le graff, un mode de vie.4. Une pratique risquée.5. La relation entre le graffiti et le Street Art.6. L’impact de cet art sur les milieux urbains.
Chapitre3. Conclusions du projet.
1. Peut-on adhérer à la vision de C215 ?2. Apport personnel.
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Introduction
Le Street Art recouvre les rues et livre gratuitement ses œuvres aux passants, qu’ils soient indifférents, curieuxou admiratifs. A travers mon projet, j’aimerais enquêter sur cette discipline afin de comprendre qui sont les
personnes derrière cet art, quelles sont leurs inspirations et quelles sont leurs aspirations. Mais cette enquêtedoit être originale et personnelle, je veux que ce projet me porte vers quelque chose de nouveau.
L’objet de mon travail sera donc mon immersion au sein de cet art si peu connu qu ’est le S treet Art. Plusconcrètement mon travail se décomposera en plusieurs parties. La partie centrale sera un dialogue avec lesmembres d’une équipe de grapheur, afin d’obtenir une définition personnelle, engagée et humaine de l’art
urbain. Je souhaite retrans crire l’entretien au mot prêt, et l’accompagner de certaines de mes remarques. Lesparties périphériques auront pour objet de restituer dans leur contexte les observations et les conclusions que
j’aurai tirées de cette immersion.
Mon récit étant volontairement subjectif, j’estime que l’expérience du lecteur sera d’autant plus intéressanteque ce dernier pourra s’identifier. Ainsi ce projet ciblera particulièrement des étudiants. Néanmoins, mon
travail a pour but de présenter un univers très peu connu, donc s’adresse à un lectorat très large.
Mon objectif es t que ce projet se rapproche d’une forme de nouveau journalisme. Je souhaite informer monlecteur en m’affranchissant des codes, le but ultime étant de réussir à lui faire ressentir mon vécu, mes
sensations.
Toute l’originalité de ce projet réside dans le fait que, à l’heure où j’écris ce contrat de communication je n’ai
aucune légitimité. Le principal enjeu de mon travail est l’acquisition de cette légitimité. Mon écrit répondra
donc simultanément à deux q uestions. La première est celle que je me posais avant l’existence du projet : quisont les hommes derrière le Street Art ? La seconde est plus personnelle : comment dois-je procéder pour me
plonger dans un univers qui m’est complètement étranger ?
L’écrit final sera imprimé sous forme de polycopié de cours de Télécom Paristech , clin d’œil aux œuvres quioccupent les lieux publics. Mon Pace occupera ainsi un lieu « public » qui ne lui est pas destiné. Je compte
également limiter les images. Le contenu devra rester sobre. Bien sûr les photos sont parfois nécessaires, mais je ne veux les utiliser qu’en cas de nécessité, car mon œuvre ne doit pas se rapprocher d’une galerie
d’exposition des différents travaux de street artiste. Ce n’est pas l’objet ici.
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Chapitre 1.L’importance du titre.
1. Paris, la Butte aux cailles et
ses œuvres.
Télécom Paristech, rue Barrault XIIIemarrondissement de Paris. Celui qui s’attarde dans
les alentours pourra remarquer les différentesœuvres originales qui ornent les murs de ce
quartier. Je pense notamment à la butte auxcailles, où l’on peu voir les œuvres de Seth, Jeff
Aerosol et tant d’autres. Il s’agit ici d’une formed’art particulier. L’auteur ne signe pas de son vrai
nom et fait son œuvre dans un lieu qui, à priori, ne
s’y prête pas. C’est bien cette forme d’art que je
souhaite comprendre et pour cette raison il estsurprenant qu’il y’ait matière à débattre sur le titr e« immersion dans le monde du Street Art ». Etpourtant ce chapitre possède une importancecruciale.
Mon immersion dans ce « monde su Street Art »
s’est faite par le biais de rencontres avec desgraffeurs. Il faut très peu de temps pourcomprendre que la définition du lien qui existeentre graffiti et « Street Art » est source demalaise. Et la question est moins abstraite qu’elle
ne le laisse penser. Quelle différence existe-t-ilentre une grande fresque du célèbre ShepardFairey, et un simple tag sur un rideau de fer. S’agit -il uniquement d’une différence d’échelle ou existe -t-il une distinction plus profonde ? Pour répondre,il nous faut étudi er plus précisément l’his toire duGraffiti et du Street Art en général.
2. Le Street Art, une histoirerécente ?
Les annotations anonymes sur les murs sontsurement aussi vielles que les villes elles-mêmes.Le Colisée par exemple comporte de nombreuxmessages qui furent inscrits par des inconnus. Maisl’apparition du graffiti tel qu’il est connu
aujourd’hui est bien plus récente. C’est lacommercialisation des marqueurs et des bombesaérosols qui marque sa naissance. Dans les années80-90 la jeunesse désabusée et révoltée se sert dece moyen d’expression comme signe de
protestation. Mais déjà l’ambigüité se fait sentir.
Ces actes se veulent actes de vandalisme, ils ontpour objet la détérioration de biens publics, le butétant de déranger, de porter atteinte à une sociétéperçue comme garante d’injustice s sociales. Maisce vandalisme doit respecter un certainesthétisme, certains codes, et est porté par laculture « hip hop » importée des Etats-Unis. Ungroupe particulièrement représentatif de cettemouvance est le groupe « 93NTM ». Célèbre pour
ses titres de rap, il regroupait également desdanseurs et des graffeurs (Voir le documentaire« «rap et tag », envoyé spécial datant de 1990).Le graffiti est donc, originellement, un acte devandalisme lors duquel le graffeur doit se montrerle plus audacieux possible. Mais au- delà d’unesimple quête d’adrénaline, le graffiti se veut
également le porte étendard d’une nouvelle
culture urbaine.
Nous n’avons cependant toujours pas expliqué la
naissan ce d’autres formes d’arts urbains, commeles pochoirs de Banksy. De même la question dulien entre graffiti et Street Art reste en suspend. Laréponse se situe peut être dans l’article de L’OBSintitulé « Graffiti, Street A rt, muralisme… Et si onarrêtait de tout mélanger ? ». Cet article a étéécrit en 2013 par l’artiste pochoiriste C215.
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3. Le « Street Art » ou letravestissement du graffiti.
« Les acteurs de la scène graffiti ne s’ ytrompent pas et détestent le Street Art,perçu à juste titre comme une
dégénérescence commerciale de leur
pratique. »
Tout d’abord j’invite le lecteur à lire l’article en
question. Il est disponible en ligne sur le liensuivant : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235. Vous y trouverezdes liens vers des documentaires et des pagesd’artistes tout à fait passionnants.
Selon C215, les années 2000 avec leurs nouveauxmédias de communications, ont incité toute unegénération à s’improviser artiste. Cette dernière ,ayant baigné dans la culture du graffiti, en connaitles codes et compte les réutiliser. Cependantl’approche a grandement changé. Si les premiers
graffeurs n’aspiraient nullement à une carrièred’artistes à travers leurs actes contestataires, les
nouveaux street artistes ont pour principalemotivation de se faire un nom. Ils changent alorsles codes et les méthodes : ils utilisent par exempledes pochoirs (Banksy) ou des affiches (JR, ShepardFairey) . Ces nouveaux artistes veulent plaire auplus grand nombre quand les graffeurs voulaient semontrer outrageants. Dans son article, l’artistedéplore qu’en même temps qu’il a gagné en
popularité, l’art urbain a perdu de son âme, de s on
contenu, de son essence. Le Street A rt s’est peu àpeu auto censuré pour pouvoir séduire le plusgrand nombre : « La provocation n’est plus quefeinte. Les médias relatent désormais lesévènements de Street Art comme ils relataient
jadis un concert de l’effronté Michel Sardou. ».
Il y’aurait donc une distinction fondamentale entre
le graffiti et le « Street Art ».Mais cette distinctionn’est pertinente que si l’on entend par « StreetArt » la tendance actuelle, d’un art socialement
accepté, presque encadré par des institutionslégales. Le Street Art tel qu ’il est connu aujourd’hui
est avant tout porteur d’un message. Il est
socialement accepté et apprécié et vise à embellirnos rues. Le graffiti lui, s’inscrit dans une démarche
plus personnelle. Il maintient un lien étroit avecune forme de vandalisme (je reviendrai dessus lors
de la conclusion). Mon projet vise avant tout legraffiti . Mais alors pourquoi n’ai -je pas changé letitre de cette œuvre en « immersion dans lemonde du graffiti » ? Tout d’abord parce que leStreet Art en est l’héritier direct. Si l’on veut
comprendre les tendances actuelles du Street Artet son évolution, il faut connaitre son origine.D’autre part, ce titre me permet de garder enmémoire l’idée préconçue que j’avais de l’art
urbain, et souligne ainsi l’apport personnel de ce
projet.
Figure 1 : Fresque de Shepard Faireydans le 13 em arrondissement deParis
http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235http://rue89.nouvelobs.com/rue89-culture/2013/11/06/graffiti-street-art-muralisme-si-arretait-tout-melanger-247235
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Chapitre 2.Entretien avec un graffeur.
Je n’avais pas mis le nez dehors de la journée et
quand finalement je me suis décidé à sortir, la nuitétait tombée depuis de longues heures sur Paris.En attendant le bus je remettais sérieusement endoute l’utilité de ma veste tant j’avais froid. Achaque coup d’œil que je donnais à mon carnet je
me demandais comment allait se déroulerl’entretien. Mon contact avait finalement accepté
que je l’interroge pour mon projet et m’avait doncinvité à boire un verre chez lui. Daniel, c’est ainsi
qu’il souhait e que je l’appelle, fait des étudesd’architecture et est passionné par l’art. Je l’avaisrencontré pour la première fois lorsque nousétions au collège. Par la force des choses nousnous étions perdu de vue, et au cours des cinqdernières années nous avions du nous voir unepaire de fois seulement. C’était lors d’un diner,quelques semaines auparavant, qu’il m’avait faitpart de sa passion pour le graff , et c’est ainsi
qu’aujourd’hui je me trouvais à l’interroger àpropos de cette occupation. Arrivé en bas de chezlui, muni de mon petit carnet noir, le stylo dans lapoche de mon jean, je me sentais légèrement malà l’aise . Tout cela ne faisait pas très naturel.
L’accueil fut chaleureux, Daniel vit en collocationavec Ed un ami d’enfance, dans un deux pi èce.Très vite nous nous sommes assis dans la cuisine.Après une bière et une conversation br ève j’aidécidé d’amener le sujet sur la table. Dans le cadrede mes études je faisais un projet d’écriture, j’avais
décidé de le faire sur le Street-Art, et je voulais unevision interne, plus intime. Il m’a regardé avec u npetit sourire « Tu vas écrire un article sur moi ? »,un petit rire gêné précéda mon « plus ou moins ».Son sourire s’effaça, « mais tu ne vas pas lepublier ? », « non, pas vraiment » ces paroles lerassurèrent. Il avait devant lui un grand carnet surlequel il dessinait continuellement.
Il est extrêmement délicat de poser des questionssur un sujet que l’on connait mal, mais c’était là
tout l’objet de cett e visite. De quoi parlions-nous
exactement, du « Street -Art » ? Ce terme avait lafâcheuse caractéristique de tout regrouper, sansdistinction. Non, Daniel ne faisait pas de Street Art,sa passion c’était le graff , et cette distinction n’estpas qu’une affaire d’appellation .
Il faut entendre ici que plusieurs chronologiess’entremêle nt . A l’heure ou j’écris cette page, jene suis pas le même que lors de cet entretien :presque deux mois se sont écoulés. Ainsi, vous
lecteur, lisez le compte rendu de cette entrevueaprès un chapitre d’introduction qui, je l’ espère,vous a fait observer les subtilités du rapport entreStreet-Art et graffiti. Cependant ce chapitred’introduction est né de cette discussion, véritablepoint de départ de ma réflexion. Cet entretien m’apermis d’entrevoir qui sont les graffeurs, quellessont leurs motivations, quelles sont leursexigences, et comment ils perçoivent le rapportentre le communément appelé « Street Art » etleur discipline.
Me voilà donc, assis en face de mon interlocuteur,armé de mon stylo, prêt à prendre en note lesmoindres détails de cette conversation.
1. Présentation de moninterlocuteur
« Mon parcours à Paris m’a faittendre vers le graffiti pur »
Avant Daniel résidait à Lond res, c’est là bas qu’ils’essaya pour la première fois à peindre dans lesrues. Il vise un certain esthétisme, tente différentstyles allant du pinceau au pochoir. Il revient àParis en 2012.
« Mon parcours à P aris m’a fait tendre vers legraffiti pur. Et de plus en plus illégal du coup. Cette
Seum : de l’arabe sèmm (« venin »). Exprime la frustration, le dégoût.kiffer : de l’arabe kyf(« haschisch »). Exprime le fait d’apprécier marave : emprunter au mot romani « marav » (« frapper »)
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transition a du durer six mois et là après on est
parti avec Michel à Berlin et on a tout marave*.
Depuis Berlin on peint toujours comme ça tu vois.
Parfois on va faire des fresques légales parce que là
on peut prendre notre temps et faire des beaux
graphes. Mais en général on est bourré en fin desoirée et bim. On a de la peinture parce que
finalement on a toujours de la peinture. Quand tu
vas en soirée t’amènes des bombes parce que tu
sais qu’après ça sera le moment bien pour peindre.
Moi personnellement je préfère peindre la nuit.
Même si il y’a des gens qui préfère peindre le jour ,
moi je préfère peindre la nuit parce que je n’ aime
pas quand les gens te regardent dans la rue quand
tu peins. Ca me fait chier, c’est même pas la peur
qu’ils préviennent les keufs, c’est vraiment les gens
qui viennent qui te disent « tu fais quoi là, t’as pas
le droit » limite qui commencent à venir
t’embrouiller. Mais bon aussi je comprend s qu’il s le
fassent, mais bon voilà, je préfère peindre la nuit.
Mais tous ça c’est ré cent, au départ avec Michel on
peignait la journée sur des spots légaux.
2. L’illicite, une composante
essentielle du graffiti.
« Maintenant plus jamais jepeins dans un truc légal, jetrouve que c’est gâcher sapeinture »
Y’a-t-il des spots légaux sur Paris ?
Ouai dans Paris y’a des Spots, je ne sais même pas
si c’est légal, mais ça se fait tellement qu’au moins
c’est rentré dans les mœurs et tous les graffeurs les
connaissent. P ar exemple t’as le s katepark de
Bercy. Après moi je n’y vais plus souvent parce que
je n’aime pas ça, maintenant je n’ y vais même plus
du tout. Maintenant plus jamais je peins dans un
truc légal , je trouve que c’est gâcher sa peinture.
Tu peux peindre et littéralement une seconde après
y’a un mec qui le repasse quoi. Fin ça marche
comme ça c’est normal, mais bon je trouve ça condu coup.
J’ai l’impression que quand tu peins, ça résulte
plus d’un e pulsion, d’une envie de créer, est ce
que des fois tu veux délivrer un message aux
gens ?
Nan ça je m’en branle, Franchement c’est un truc
trop perso le graff. Fin moi je m’en fou de faire
kiffer les gens. En plus tu sais que tu ne les fais pas
kiffer. Apres ce n’est pas pour autant qu’envers moi
je n’ai pas des exigences de beauté car ça va me
foutre le seum* de lâcher quelque chose de
dégueulasse. Moi c’est l’envie de peindre qui
domine même si aprè s avec le temps t’as aussi
l’envie d’ être celui qui sera les plus « partout ». Que
les gens connaissent ton nom sans te connaitre. Tu
vois moi je déteste parler de graffiti avec des gens
que je ne connais pas. Tu vois par exemple si jerencontre un graffeur en soirée je ne vais pas lui
dire que je peins. Tu sais, y’a plein de graffeurs qui
parlent quand tu vas aux soirées, bon parce que
maintenant je vais dans des soirées où t’as
quasiment que des graffeurs. C’est un petit monde.
Mais ouais il y’a plein de graffeurs qui parlent pour
se faire connaitre. Moi j’aime ne pas trop rentrer
dans ce genre de conversation. »
Ed nous interrompt, « les gars vous voulez des
pâtes ? » offre trop alléchante pour être refusée.Daniel marqua une pose. Il prenait goût à cetteconversation .
« Nan moi ce que je kiffe* dans le graff, et je pense
que c’est ça qui me fait peindre, c’est ce que j’aime
depuis le début, c’est le moment où t’attaque s le
mur, le moment même ou t’appuies sur le spray et
tu vois ta peinture qui part de ta capsule et qui va
s’accrocher sur une su r face. Et ça c’est incroyable.
Je pense que c’est le moment le plus magique
quand tu peins. Ce moment là combiné avec le
geste, c’est vraiment ce qu’il y’a de plus cool.
Michel te dira pareil je pense. Et quand tu vois un
graff après t’essaies d’imaginer l e geste que le mec
a fait. C’est un peu comme de la calligraphie
chinoise, le rendu c’est cool, mais ce qui reste le plus beau c’est quand tu vois le mec respirer et
faire son geste.
Penses-tu du coup que cela explique pourquoi les
vidéos sont un fort média pour les graffeurs ?
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Exactement, c’est pour ces raisons que les vidéos
sont attrayantes. Autrement la vidéo tu te la fais
toi-même en te baladant dans paris, tu lis les graffs
et tu t’imagines le geste. Le plus des vidéos c’est
que tu vois le mec en action et ça te donne trop
envie de peindre. Moi quand je regarde une vidéoaprès j’ai trop envie de peindre.
3. Le graff, un mode de vie.
« Moi je kiffe trop peindre. Toutle temps, c’est un peu la maladiede la tremblote. »
J ’aimerais mieux comprendre l’org anisation. Si je
te suis bien, vo us ne planifiez pas d’excursion,
vous partez juste en soirée avec l’idée qu’elle se
terminera par une séance de graff.
Ouais … enfin ça dépend . J’ai toujours sur moi de la peinture, ou au moins un marqueur, car je ne vais
pas te mentir, la peinture c’est parfois encombrant.Ce n’est pas que j’ai constamment envie, mais c’est
au cas où. Tout graffeur essaye de toujours avoir
un peu de peinture su r lui… Et puis après commen t
ça s’organise, bah ça dépend . En général t’as ta
clique (ton équipe de graffeurs) et quelqu’un
s’ennuie et envoie un message « qui est chaud pour
peindre ?». Si tu fais ça la journée alors souvent ça
se termine en fin d’après -midi et ça s’enchaîne sur
une soirée. Souvent ce qui se passe c’est qu’après
on ressort peindre en mode gros vandale.
Après ce qui se passe c’est que, étant donné que jesuis en école et que je traîne un peu moins avec ma
cl ique, je me suis fait d’autres potes dans mon
école avec lesquels je peins. Comme ça je me suis
fait des acolytes avec lesquels je peux peindre
directement tu vois.
Comment fais-tu pour voir si une autre personne
graff ?
Moi je ne demande pas si un mec graff, mais ça se
voit. Ca se voit direct. Tout les graffeurs s’habillent pareil. Ca se reconnait de ouf. En général si tu vois
un mec avec des baskets nike, un jean levis, une
grosse parka, avec souvent des tâches de peinture,
qui tient un vieux sac plastique fnac un peu ballant,
tu peux être sûr que c’est un graffeur. Après
souvent ils mettent des casquettes et des bobs,
mais bon, tout le monde en met maintenant, maistu vois là un peu le regain de la culture hip-hop.
Mais ouais, ils fument souvent des phillip morris,
ont les doigts peinturlurés les baskets tâchées.
Même moi… »
Je prends le temps d’observer m on interlocuteur et je remarque des tâches blanches de peintures aubas de son sweatshirt. Ses baskets nike sontpartiellement recouvertes de tâches de peintures.Ed s’allume une cigarette. Je décide de faire de
même. J’aime la tournure que prennent lesévénements, la conversation devient plusnaturelle. Je m’adresse désormais à un passionnéqui prend du plaisir à m’expliquer ce qui rend son
centre d’ intérêt si fabuleux.
« Ouai donc ce que je te disais, dans mon école je
me suis fait des potes et je les ai un peu mis au
graff. Maintenant je suis avec eux toute la journée
donc on finit par peindre. Moi je kiffe trop peindre.
Tout le temps, c’est un peu la maladie de la
tremblote. D ès que t’as un stylo tu le choppe s et tu fais un truc, même si c’est de la merde.
Continuellement tu gribouilles et donc finalement
tu te retrouves toujours avec cette envie de
peindre. Donc quand on est en cours avec les potes
on se regarde et on se dit « ouais ce soir grosse
bière et on va tout niquer ».
Donc si j’ai bien compris la ville se transforme en
cahier sur lequel tu gribouille ? Ou y’a -t-il une
démarche moins spontanée ?
Ca dépend. Moi en ce moment je sui vachement à
choisir mes spots, car je suis rentré un peu plus
dans une dynamique de « vandale » où tu veux
trouver des bonnes places, un spot qui va se voir et
qui pèse un peu plus. Et donc du coup en ce
moment, en me baladant dans Paris je repère des
Spots, je les note, Un soir après les cours je vais dire
à ***** « vient t’es chaud ce soir on va taper ce
spot » et puis on part en caisse. On y va, on tape,
on repart en vadrouille avec la caisse et on va dans
un autre spot. Voilà enfaite on a une liste un peu
infinie et dès qu’on est ensemble et qu’on veut
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peindre, on se balade en caisse et on va dans ces
spots.
Quels sont tes endroits préférés, les spots sur
lesquels tu préfères peindre ?
Moi ce que je kiffe ce sont les beaux murs. Un mur
qui déjà est vierge sans graffitis dessus, et ce que je
kiffe par- dessus tout, c’est une belle texture genre
un beau béton. Typiquement le truc cool, c’est
quand t’as un terrain vague, avec un bâtiment qui
est en train d’être déconstruit, là t’as souvent des
putains de textures , t’as le béton, à côté t’as le
reste du papier peint, ça te donne un patchwork de
couleurs le long de la façade, et du coup ce mur est
juste trop beau, et là tu lâches ton graff hyper-
simple et ça pète. Après tu fais une pure photo et
c’ est trop cool. Après ce ne sont pas les pots qui
pèsent le plus mais se sont le plus beaux où tu
peux faire une putain de composition.
4. Une pratique risquée
« Je me suis déjà fait arrêterdeux fois. »
Donc si j’ai bien compris tu distingues deuxchoses, le support sur lequel tu vas peindre et le
spot que tu choisis pour te faire remarquer le plus.
Ouais c’est ça, au -delà d u support, t’as un spot qui
peut être kiffant parce que tu prends un grosrisque. T’as l’adrénaline, mais le support n’est pas
ouf. Par exemple quand tu vas taper un périph
(peindre sur les murs qui bordent le boulevard
périphérique de Paris) le mur il n’ est pas forcément
beau, il n’est pas forcément cool, mais c’est
incroyable parce que t’as pris un putain de risque.
C’est un peu pareil quand tu graff es en pleine rue,
genre sur un store ou un rideau de fer. Le rideau de
fer c’est un support de base. Les c amions aussi,
même si ce n’est pas vierge, c’est incroyable, aprèsils se baladent dans la ville. En plus c’est lisse, c’est
simple à peindre. Après ce qui est ouf aussi c’est les
élévations. C’est quand t’as un toit qui donne accès
à un pignon d’une autre maison. Ca c’est ouf mais
je n’aime pas trop, car ça fait trop peur, c’est trop
dangereux. Pour en avoir fait quelques un je peux
te dire que le spot est ouf, mais t’y prends pas trop
de plaisir ca ça fait trop peur. T’as trop peur detomber dans le vide. Finalement on ne se rend pas
compte mais les toits de Paris peuvent être pentus.
Quand vous partez graffer, vous partez à
combien ? Ça t’arrive de graffer seul ?
Nan, rarement, je graff rarement seul. Parfois je
suis dans un groupe où je suis seul à peindre et je
peins. Mais s i je suis tout seul nan. Ca m’est déjà
arrivé, à Lisbonne notamment, mais sinon c’est très
rare. Je préfère être avec des gens. En général je préfère être avec une ou deux personnes. Après
quand c’est plus ça me casse les couilles parce que
les mecs ils parlent trop fort. C’est tou jours le
concours de couilles (concours pour savoir qui est le
plus courageux). Etre nombreux avec sa clique c’est
cool pour boire des bières et discuter mais quand il
f aut peindre c’est galère d’être à 10.
T’as déjà eu des soucis avec la police ?
Ouais, je me suis déjà fait arrêter deux fois. A Paris
deux fois et à Londres une fois. Mais il n’y a jamais
eut de suite. Parce qu’ils ne m’ont jamais pris en
train de poser mon tag. Ils ne savent pas mettre un
nom sur mon tag. Aujourd’hui ils ne savent pas que
Daniel c’est JUICE, où que Daniel c’est TSHO.
Attend, j’ai besoin que tu m’expliques, que
signifient TSHO et JUICE?
Moi j’ ai un blaz (comprendre pseudonyme) c’est
JUICE, et je fais partie d’une équipe de graffeur , et
cette équipe c’est les TSHO.
Et cette équipe c’est une équipe de potes ?
Enfaite quand j’ai commencé avec Michel, on a
créé un crew qui s’appel ait HO et qui était composéde M ichel, deux de ces potes d’enfance et moi. Etaprès un de ses potes qui est parti faire des études
d’art déco, a rencon tré un gars qui faisait partie
d’un autre crew TS. Et du coup tout le monde s’est
présenté et s ’est bien entendu, donc on a fusionné
les deux crews. Maintenant on est tous devenu
potes.
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Et vous êtes combien ?
Là on doit être 15. Mais y’en a qui sont plus actifsque d’autres. Là depuis un an où deux, je ne fais
pas une sortie sans croiser un « TSHO » quelque
part . T’en vois partout, surtout dans le nord de
Paris. On commence à être connu dans le milieu.
Les gens connaissent TSHO.
Qui est le plus « ouf » dans ta clique ?
Y’a pas de plus « ouf » dans ma clique, après je sais
que y’en a qui peignent mieux que d’autres. Je
pense que celui de notre groupe qui est le plusconnu c’est ECHEC. Michel il est connu aussi. Mais
Michel c’est bizarre parce qu’il a moins posé. Mais
il est connu parce qu’il parle beaucoup de graffiti, il
a rencontré plein d’ anciens. Il est rentré dans des
crews avec des anciens.
Peux-tu appartenir à plusieurs crews ?
Ba ouais, Michel par exemple, quand il rencontre
d’autres graffeu rs en soirée il va dire son blaz, son
crew, il va montrer des photos, il va faire sa publicité. Il va rencontrer des gens, ils vont devenir
potes, il va leur demander d’aller peindre ensemble
et voilà. Après ECHEC c’est différent : il a beaucoup
peint et il peint très bien et c’est pour ça qu’il est
connu. Moi si tu veux j’estime que je peins assez
bien mais je ne suis pas toujours aussi motivé que
les autres pour aller poser. Y’a des fois où je suisgrave déterminé et je vais poser 3 graffs en une
nuit, et d’autres fois où je suis pris par les cours et
donc je peux passer deux semaines sans peindre
parce que je suis en train de taffer. J’en connais qui peignent tous les jours.
Est-ce un milieu qui est majoritairement
masculin ?
Ouais, très clairement. Et aussi ce qui est
surprenant c’est que j’ai rencontré très peu de
graffeurs noirs, à P aris en tout cas. Et ça c’est
bizarre , j’en connais qu’un seul. Alors que je pense
que dans la génération de ceux qui graffaient dans
les années 90, y ’avait beaucoup plus de noirs.
5. La relation entre le graffiti etle Street Art
« Le graffiti c’est le graffiti et çaa ses codes »
Je connais très peu de choses sur le graff, dirais-tu
que le graffiti est inclus dans le Street Art ?
Dans le jargon ouais. Le truc c ’est que quand les
gens disent Street Art ils pensent aux pochoirs deBanksy. Alors dans ce cas là tu vois, moi tu me mets
pas le graffiti dans le même paquet que les
pochoirs de Banksy. Ce n’est pas ça. Après si tu
prends rigoureusement la définition du Street Art,
c’est de l’art dans la rue, donc théoriquement le
graffiti c’est une forme d e Street Art. Mais je
préfère faire la distinction, faisons la distinction.
Disons ça c’est du graffiti et ça c’est autre chose, du
pochoir, du pinceau, fin ce que tu veux. Le graffiti
c’est le graffiti et ça a ses codes, après y’en plein
qui essayent de déroger à ses codes, mais je trouve
ça bien de les avoir appris. C’est normal, d’abord
t’apprends ton alphabet et après tu passes à la
suite. D’abord tu ap prends à bien faire tes
contours, puis tu poses ta 3D. Une fois que tu
maîtrises bien la base alors tu peux déconstruire le
style et faire quelque chose de plus abstrait. Après
moi j’aime les choses avec une belle composition.
Tu vois **** , c’est moi qui l’ai mis au graff, et je lui
ai donné quelques conseils. Je sais qu’il a un talent
graphique et qu’il a beaucoup d’imagination, maisquand tu passes sur mur ça n’a plus rien à voir.
Manier une bombe c’est pas comme faire un dessinavec un stylo. Les gens ne se rendent pas compte
de ça, mais t’as un moment d’adaptation. T’as
aussi la différence d’échelle, quand tu peins sur un
papier, où quand tu dois investir un mur et bien
c’est totalement différent. Il faut apprendre à faireune composition qui soit équilibrée dans ce mur,
pour bien gérer ton espace. Y’en a plein qui ne
savent pas encore le faire. Mais des trucs tout cons,
du genre faire en sorte que ton graff ne soit pas
penché. Savoir occuper l’espace à ta disposition.
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C’est un des critères sur lequel je juge un graffeur.
Un mec qui te fais un truc qui part dans tout les
sens avec des machins qui tombent et qui en plus
ne prend qu’une partie du mur là je vais lui dire
« mec c’est pas bien, t’es pas sur un bout de papier
là, t’es à l’échelle d’une peintu re dans une ville et tunous a fait un petit caca tout tordu là-haut là,
occupe ton espace, fait un truc droit et pose ta 3D
et là c’est bon t’es un graffeur !! ». Après c’est vrai
y’a des gens qui savent faire ça, qui passent à un
autre niveau et qui vont tout niquer et faire des
tags hyper- étrange, mais là ça se sent qu’ils ont du
vécu.
6. L’impact de cet art sur lesmilieux urbains
« Le graff ça donne de l’énergiedans une ville »
Pour toi une belle ville serait elle une ville avec
beaucoup de graffs ?
Je ne sais pas trop, Paris c ’ est une belle ville.
Maintenan t que j’ai vécu à Paris, Londres j’ai plusenvie d’y retourner, c’est trop anesthésié, y’a pas
assez d’énergie tu vois. Le graff ça donne de
l’ énergie dans une ville. Après il ne faut pas qu’il
y’en ait partout, puis de toute manière c’est
impossible qu’il y’en ait partout. On peu pas dire
qu’une belle ville c’est une ville avec des graffitis
partout, mais une belle v ille c’est une ville avec de
l’énergie, c'est -à-dire une ville avec des tags, des
stores défoncés, des camions défoncés, avec un
coiffeur qui a payé un mec pour qu’il lui fasse une
belle fresque. Mais attention, une belle ville ce
n’est pas que des belles fresques sur un mur tu vois.
Sinon y’a plus d’énergie, y’a plus de spontanéité. Tu
vois Paris c’est bien, c’est un peu entre les deux,
C’est un peu défoncé, mais t’as aussi d u Street Art
plus réglementaire, ce genre de choses tu vois. Moi
maintenant je sais que je peu plus vivre dans une
ville où je peux plus faire de graffitis, c’est trop de
restrictions. A Londres j’oserais plus déposer mon
tag car ce n’est pas dans les mœurs, à Londres y’a
que à Bricklane que y’a des Tags, partout ailleurst’as rien.
Toi tu tapes dans tous les quartiers de Paris ?
Partout où je vais, ouais . Y’a des quar tiers ou je ne
pose pas parce que j’y vais jamais. De toute façon
y’a pas de restrictions à avoir. Moi je sui s même
plus présent en banlieue, en banlieue proche. C’est
là que tu as les meilleurs murs. Moins facilement
visibles donc plus cool pour peindre . T’as plus de
murs vierges aussi. A Ivry, à Saint-D enis, t’as trois
figures 2 à 4 : photos prises par
Daniel de ses graffs. Année inconnue
(2012-2015).
Joey Starr est connu en tant que rappeur dans le groupe NTM. Ce groupe regroupait originellement desrappeurs, des danseurs et des graffeurs (dont Joey Starr faisait partie).
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fois plus de lieu pour peindre, t’as plus d’endroits
désaffectés.
Les milieux de graffeurs regroupent il
majoritairement des personnes qui font des
études d’art ?
Ouais . Après t’as de tous les profils, mais dans le
milieu que je côtoie , y’a pas mal de gens qui
viennen t d’écoles d’art, mais t’as aussi pas mal de
profils différents. Puis moi je te parle des gens de
mon âge. Dans les années 80-9 0, les gens c’était
des galériens. C’était des mec s comme Joey Starr*
à l’ ancienne . C’est la vision d’avant. C’est un peu le
truc qui fait fantasmer, qui donne envie, mais après
nous on ne vient pas du tout du même milieu. Ce
n’est pas la même expérience de la banlieue, c’est
plus la même énergie tu vois. Je n’arrive pas à
imaginer pourquoi ils faisaient ça eux, ça devait
être des raisons totalement différentes des nôtres.
Mais on rejoint la même mouvance, le truc qu’on a
en commun c’est qu’on a tous envie de faire des
tags, ça nous fait tous autant rêver, autant kiffer.
Si ça se trouve eux c’était surement plus politisé,une manière d’exister socialement, ils disent
souvent ça. Après moi ce n’est pas du tout cette perspective. C’est juste que c’est ma passion,
quand je peins dans la rue c’est le moment où je
me sens le mieux, le plus heureux. Y’a des gens ce
qui les rend heureux c’es t de fumer un gros pétard,
moi me prendre un gros pétard je ne kiffe pas, donc
je sors je me prends une petite 16, et je parts
peindre avec mes potes. »
Daniel marque une pose et va ouvrir la fenêtre
« Putain ça m’a donné chaud de parler » ajoute-t-il.
La conversation s’est poursuivie encore une heure,
mais elle n’était plus à propos du Street A rt. Au
moment où je m’apprêtais à quitter les lieux, Ed meregarda avec un léger sourire. Il avait enregistré
toute la discussion, ce qui faciliterait grandement
mon travail. Sur le trajet du retour je ne pouvais
m’empêcher de repenser à cette conversation. Le
graffiti c’est la quête d’adrénaline, l’appropriation
d’espaces publics, mais c’est également l e respect
de codes, la volonté d’une véritable création
artistique. Le graffiti est La combinaison parfaite
pour assouvir les pulsions les plus primitives et les
plus élaborée s de l’homme.
C’est sans surprise que sur le chemin du retour
j’observe quelques TSHO sur des rideaux de fers et
sur des camions. J’ai soudain l’impression de mieux
connaître ma ville.
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Chapitre 3.Conclusions du projet
Malheureusement je n’ai pas pu pousser
l’expérience aussi loin que je l’aurais voulu. J’ai pu
en effet rencontrer certains membres de l’équipe
de Daniel lors d’une soirée. Je n’ai pas
particulièrement tissé de lien, et je n’ai rien appris
de plus que lors de l’entretien précédent. Ce fut
l’occasion de confirmer ce qui m’avait été confié
par mon contact. Le Graffiti est plus qu’une forme
d’art, c’est un mode de vie et fait parti d’un tout :une manière de s’habiller, un certain attrait pour la
culture hip hop, mais surtout un hédonismemarqué. Lors de mon projet, je souhaitais
accompagner des graffeurs en excursion. Je n’aimalheureusement pas pu vivre une telleexpérience (du moins pas avant le rendu de ceprojet).
1. Peut-on adhérer à la visionde C215 ?
Pour expliquer la complexité du lien qui existeentre « Street Art » et Graffiti, le premier chapitrea exposé la vision de l’artiste C215. Ce dernier
expliquait notamment que l’hypermédiatisation
avait encouragé de nombreuses personnes àvouloir s’improviser artiste en détournant les
codes du Graffiti. Les graffeurs avec lesquels j’aipu parler font, pour la plupart, des études d’art.
Cependant, cela ne les empêche pas de faire la
part des choses, et de considérer le graffiti commeune pratique à part, dont il faut s’efforcer de
préserver les codes. Aussi l’hypermédia tisation,que garantissent notamment les réseaux sociaux,permet aux membres de ce cercle fermé des’inspirer mutuellement et de gagner la
reconnaissance des pairs.Une autre chose que j’ai pu remarquer, et qui conforte la vision de l’artiste C215, est qu’ ungraffeur cherche la reconnaissance de sessemblables, contrairement à un artiste qui chercheà toucher un public large. « Tu sais très bien que
tu ne les (les passants) fais pas kiffer », m’avait ditDaniel. Je trouve que cette phrase résume bienl’état d’esprit. L’importance de l’illégal dans le graffiti était
soulignée dans l’article, et je l’ai retrouvé dans tous
les échanges que j’ai pu avoir. L’illégal est unélément central sur lequel repose le graffiti.
C215 décrit une nouvelle génération d’arti stes quiexploite la culture urbaine pour ses projetsartistiques mais en perd les fondements.Personnellement je suis rentré en contact avec unegénération d’artistes qui s’efforce de revenir aux
fondements du Graff. Ces graffeurs font en sorteque leur discipline conserve un lien étroit avec uneforme de vandalisme (« on a tout marave », « on a
tout niqué »). Ce lien n’est que brièvementmentionné par C215 , il est pourtant source dequestions profondes. Commençons par définir leterme « vandalisme : Comportement de celui quidétruit ou endommage gravement et gratuitementdes œuvres d'art, des objets de valeur, des édifices
publics, etc »,( dictionnaire Larousse). Pourquoipeut-on parler de dégradations ? Les graffeurs ontconscience qu’à travers leurs actes, ils altèrent.
Même si leur œuvre répond à leurs critères, elle
est connotée et elle dérange. Plus étrange encore,cela est conscient et voulu. Le graffeur parfoisnéglige l’aspect esthétique au détriment d’un spot risqué, visible de tous. Pour autant peut-on parlerde vandalisme pur ? Mon expérience me faitpenser que cette question n’a pas de réponse
simple. Je me sens comme Bill Bufford à la fin deson écrit sur les Hooligans « Among the Thugs »,quand ce dernier ne comprend pas les causes duhooliganisme. Les graffeurs d’aujourd’hui, sans
raisons profondément sociales où politiques,
altèrent des biens publics ou privés, avec leurscréations qu’ils savent peu appréciées. Cela ne les
empêche nullement d’avoir de sé vères critèresd’exigences esthétique envers eux même.
Ils ne cherchent pas à émouvoir les passants, auxmieux ils recherchent la reconnaissance de leurspairs, mais le plus souvent ils souhaitentsimplement se défouler sur un mur. Le seul motd’ordre est de respecter un certain code del’esthétisme, un certain style. Certes on ne
retrouve plus les motivations de révoltes socialesfortement présentes à la naissance du graff, mais
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l’amour pour cette culture urbaine est toujours
présent et donne de la légitimité aux travaux decette nouvelle génération de graffeurs , qui incarneles vestiges du commencement du Street Art.
2. Apport personnel.
A travers ce projet j’ai fait certaines recherches qui
m’ont permis de découvrir une palette d’artistes
que je trouve très talentueux ainsi que des œuvresqui démocratisent l’art et qui enfin le fait sortir des
institutions conventionnelles que je trouvefermées. Ce projet m’a surtout permis de découvrir
un sujet que je méconnaissais . J’ai pu combinerune vision interne et intime, avec une autre vision,plus journalistique. Enfin cet écrit m’a permis derepenser l’esthétisme d’une ville. « Le graff ça donne de l’énergie à une ville ». Il estvrai que nombre de nos murs gris sont nettementplus jolis couverts de symboles, de pseudonyme,
aux couleurs pétillantes et à la calligraphiesurprenante. J’ai eu la chance de pouvoir visiter
Milan pendant la rédaction. Une ville merveilleuse,et je suis content de l’avoir visité après mon
entrevue avec Daniel. Car j’ai alors été frappé par
l’énergie de cette ville et j’ai pu mieux comprendre
l’entretien passé.
Le Street Art c’est avant tout la volonté de démocratiser l’accès à une œuvre. C’est aussi
l’envie de jouer avec un support qui offre des
possibilités multiples : le milieu Urbain. Le graffitic’est le point de départ de cette mouvance. Il n’ya
pas de distinction nette et catégorique entre ungraffeur et un autre type de street artiste, ni entreun street artiste et un autre type d’artiste .Il n’y’a
que des mouvances, des tendances, desmotivations et surtout, de notre côté une volontéde toujours vouloir ranger dans des cases.
Figure 5 : photo d’une rue milanaiserecouverte de graffiti et de fresques.