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1 Master professionnel Mention : information et communication Spécialité : Marketing et Publicité Option : Stratégies de marque et Communication plurimédia TITRE DU MÉMOIRE QUAND LES MARQUES SE DOTENT D’UN ESPRIT « FAB » LA RHÉTORIQUE DE L’INNOVATION AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE DE MARQUE LE CAS DE ORANGE FAB Responsable de la mention information et communication Professeure Karine Berthelot-Guiet Tuteur universitaire : Antoine Bonino Nom, prénom : MONZINI CÉLINIE Promotion : 2015 Soutenu le : Note du mémoire :
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Master professionnel

Mention : information et communication

Spécialité : Marketing et Publicité

Option : Stratégies de marque et Communication plurimédia

TITRE DU MÉMOIRE

QUAND LES MARQUES SE DOTENT D’UN ESPRIT « FAB »

LA RHÉTORIQUE DE L’INNOVATION AU CŒUR D’UNE

STRATÉGIE DE MARQUE

LE CAS DE ORANGE FAB

Responsable de la mention information et communication

Professeure Karine Berthelot-Guiet

Tuteur universitaire : Antoine Bonino

Nom, prénom : MONZINI CÉLINIE

Promotion : 2015

Soutenu le :

Note du mémoire :

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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma gratitude à Caroline Marti pour ses enseignements au CELSA et Antoine

Bonino, mon tuteur universitaire pour sa présence pour la rédaction de ce mémoire ainsi qu’à la

disponibilité des différentes personnes interrogées de chez Orange Fab et Orange Institute. Je tiens

aussi à remercier mon rapporteur professionnel Jean Arnaud, responsable du développement de

Scintillo et de sa branche entrepreneur : Creatis, pour avoir nourri ma réflexion.

Enfin, un grand merci à mon mari pour toute son attention et sa patience tout au long de ce

mémoire, à mon petit garçon pour ses sourires et ma famille pour leur soutien.

Célinie Monzini

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3  

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ................................................................................................................... 2  

SOMMAIRE ............................................................................................................................... 3  

I.   INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE STRATÉGIE D’ENTREPRISE ..................... 9  

A.   L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS ..................................................................... 9  

1.   Un modèle d’innovation périmé ..................................................................................... 9  

1.1   Définition et contours de l’innovation ......................................................................... 9  

1.2   De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation ......................... 11  

1.3   L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture .................................. 14  

2.   Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation ouverte aux incubateurs ................ 17  

2.1   De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte ................................................. 17  

2.2   Les programmes d’incubateurs ................................................................................. 20  

2.3   Les incubateurs d’entreprises ................................................................................... 23  

B.   UNE ENTREPRISE EN INNOVATION ........................................................................ 25  

1.   Présentation du corpus, contexte et méthodologie .......................................................... 25  

1.1   Les ambitions stratégiques du groupe Orange ............................................................. 25  

1.2   L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange .......................................................... 26  

1.3   Méthodologie ........................................................................................................ 28  

2.   Orange Fab, un accélérateur ......................................................................................... 32  

2.1   Orange Fab, mission et fonctionnement .................................................................... 32  

2.2   Analyse des différentes études .................................................................................. 34  

2.3   Conclusion ............................................................................................................ 36  

II.   LE RECIT DE LA MARQUE ......................................................................................... 39  

A.   ANALYSE DU DISCOURS D’ORANGE ........................................................................ 39  

1.   Méthodologie et analyse .............................................................................................. 39  

1.1   Méthodologie ........................................................................................................ 39  

1.2   Les thèmes recueillis ............................................................................................... 40  

2.   Du bâtisseur au chef d’orchestre de l’innovation ............................................................. 46  

2.1   L’innovation : au cœur de l’identité de marque ............................................................ 46  

2.2   Appropriation des codes du numérique et des start-ups ............................................... 47  

2.3   Le chef d’orchestre de l’innovation ........................................................................... 51  B.   UNE QUÊTE DE LÉGITIMITÉ POUR S’INSCRIRE COMME ACTEUR DU

CHANGEMENT DE DEMAIN ............................................................................................. 52  

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4  

1.   Le mythe de l’innovation, levier salvateur pour appréhender le futur .................................. 52  

1.1   Prédire l’avenir, un besoin résolument humain à la construction du mythe de l’innovation 52  

1.2   Le ré-enchantement de l’avenir par les marques .......................................................... 54  

1.3   Orange, la marque salvatrice .................................................................................... 55  

1.4   Les start-ups, les adjuvants qui ont pour mission de redynamiser le héros ....................... 56  

1.5   Orange : créateur d’histoire ...................................................................................... 57  

2.   Les Start-ups, nos héros ! ............................................................................................. 59  

2.1   La figure de l’innovateur à travers le temps ................................................................ 59  

2.2   Les start-ups : le nouveau mythe contemporain .......................................................... 60  

2.3   Conclusion deuxième partie ..................................................................................... 67  

CONCLUSION ........................................................................................................................ 69  

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 73  

ANNEXES ............................................................................................................................... 77  

RÉSUMÉ ................................................................................................................................. 78  

MOTS-CLEFS .......................................................................................................................... 78  

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5  

INTRODUCTION

Ne naît-on pas innovateur, n’est-ce pas intimement lié à une prédisposition génétique ? Le

chromosome du génie un peu fou, souvent mal-compris à son époque, a nourri pendant des siècles

le mythe de l’innovateur, alimenté par des légendes populaires comme la pomme de Newton ou

comme le film « Retour vers le futur »1 avec le Professeur Brown.

Aujourd’hui le fantasme persiste toujours, même s’il est passé du mythe du « génie fou » à celui du

« geek » 2 derrière son ordinateur qui révolutionne le marché du jour au lendemain depuis son

garage. Mais la réelle évolution est que l’innovation s’est « démocratisée » ; tout le monde ou presque

peut prétendre être à l’origine d’innovations ou tout du moins être entrepreneur ! Le nombre de

formations offrant une filière « entreprenariat » le démontre et c’est devenu une discipline

académique à part entière. Cet engouement pour l’innovation se concrétise et se concentre dans les

mains de jeunes pousses, appelées communément : « start-up ». Terme d’origine américaine

composé du mot « start » qui signifie démarrer, commencer, et le mot « up » qui désigne élévation,

grandir qui implique donc une notion de hauteur. A croire que ces jeunes entreprises ne peuvent

que croître et sont d’ailleurs chargées d’un signifiant commun fort : celle d’une réussite rapide dans

les nouvelles technologies. On retrouve cette notion, dans la définition que livre Wikipédia : « une

jeune entreprise innovante à fort potentiel de croissance qui fait souvent l'objet de levée de fonds »3.

On retient donc que les start-ups sont intimement liées à l’innovation et ont un « fort potentiel de

croissance ». Des acteurs qui détiendraient donc les clés de la réussite ? Qui permettraient de

relancer, voir renouveler l’économie. Difficile aujourd’hui de le confirmer, mais nombreux sont

ceux qui mettent le cap vers cette direction. Vu comme un remède aux maladies contemporaines

comme le chômage structurel, il est proposé à toutes les sauces et par tous les acteurs aussi bien

publics que privés. L’objectif : devenir une « start-up nation » pour les institutions publiques,

trouver la future « Unicorn » pour les investisseurs privés, ou encore s’offrir « une cure de jouvence »

pour les entreprises. L’espoir d’un renouveau est là.

Paris, compte à elle seule 12000 start-ups en 2015, c’est plus que Londres et Berlin, et le Numa - le

QG des jeunes entreprises du numérique au cœur de la « Silicon Sentier » (pour faire un gros clin

d’œil au temple de l’innovation mondiale : « Silicon Valley ») le nombre de postulants à leur

1 Film réalisé par Robert Zemeckis, sorti en 1985 2 Définition de Wikipedia : anglicisme désignant une « personne prise par une passion, à l’origine dans le domaine de la high-tech, puis par extension dans n’importe quel domaine. » 3 Définition de Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Startup

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programme d’accompagnement de start-up a quadruplé depuis 2013. Les jeunes ne rêvent plus de

faire carrière dans un grand groupe mais aspirent à devenir le prochain Elon Musk4 et à trouver la

prochaine innovation disruptive qui va révolutionner les marchés. « La jeune génération veut avant

tout changer le monde, bousculer les usages, casser les rentes des acteurs historiques »5, analyse

Oussama Ammar, associé de l'incubateur parisien « The Family », plus qu’un désir purement

marchand c’est parfois même un projet sociétal qui alimente cette aspiration.

Face à cet engouement, les grandes entreprises se sont senties presque délaissées. Perçues de plus

en plus comme des éléphants vieillissants à l’antipode des start-ups jeunes et dynamiques, elles

n’ont plus vraiment le vent en poupe et se sentent à la traîne face à cette course à l’innovation. Pour

y remédier, certaines d’entre elles, ont décidé d’ouvrir leurs portes (ou entrouvrir) à cet « eldorado »

des start-ups, une source d’innovation qui semble inépuisable et accompagnée de tout un

imaginaire synonyme d’espoirs pour les uns, de dollars pour les autres. Étant moi-même entourée

de personnes se lançant dans l’aventure entrepreneuriale, j’ai pu découvrir tout un univers qui s’est

créé autour des start-ups. Vu comme un véritable appât pour certains acteurs, de nombreuses

démarches sont entreprises pour les séduire. Mais pour quelle raison une grande entreprise aurait-

elle besoin de s’appuyer sur de plus petite ? Pour des raisons purement marchandes, ou alors est-

ce que cela correspond à une vraie volonté de stratégie d’innovation, ou encore pour s’offrir une

cure de jouvence et inscrire, l’entreprise dans l’avenir.

En effet, s’approprier les codes de cet univers peut donner l’illusion déjà d’y appartenir ou en tout

cas peut faire partie d’une stratégie de communication. Les raisons pour lesquelles les entreprises

s’intéressent aux start-ups peuvent être nombreuses. Elles ne sont pas forcément les mêmes d’une

structure à une autre et l’enjeu de ma réflexion est de distinguer ce qui ressort de la stratégie

d’innovation et de la stratégie de communication.

C’est sur ce phénomène que je me suis penchée dans ce mémoire : comprendre les dessous de cette

mise en relation entre deux acteurs qui diffèrent sur de nombreux aspects.

Quand les marques se dotent d’un « esprit fab », la rhétorique de l’innovation au cœur

d’une stratégie de marque, questionne les raisons pour lesquelles les grandes entreprises non

seulement s’intéressent aux start-ups mais mettent en scène tout un dispositif d’attraction pour les

attirer. Plus spécifiquement, notre sujet soulève la problématique suivante : dans quelle mesure les

discours de l’innovation ouverte servent-ils la stratégie de marque ?

4 Fondateur de SpaceX, co-fondateur de PayPal, Zip2 et Tesla Motors 5 Nathalie Villard, « La France, ce pays qui créé des start-up à la chaîne ! », article publié dans Capital le 09 Juin 2015

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7  

Afin de définir le périmètre de notre mémoire, il est important de distinguer l’entreprise de la start-

up. Lors d’une conférence, Oussama Omar6 propose de différencier les deux acteurs par leur niveau

de maturité face au modèle économique. C’est à dire que la start-up cherche son modèle

économique alors que l’entreprise applique un modèle économique déjà défini. Les enjeux sont

donc très différents puisque la start-up est encore au stade de survie et l’entreprise gagne déjà sa

vie. De façon plus générale, lorsque l’on parle de grandes entreprises, l’on fait surtout référence

aux entreprises du CAC 40. Le terme « fab » fait lui référence à l’accélérateur de « Orange Fab » qui

évoque : un lieu de création ouvert, une unité de fabrication et un mouvement social. Nous

reviendrons sur ces trois points au cours du mémoire.

Pour répondre à cette problématique, j’ai émis trois hypothèses qui m’ont permis d’organiser mes

recherches et de définir mon corpus.

La première hypothèse relève d’une volonté des marques d’aller puiser l’innovation auprès des

start-ups. Dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts,

les entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une

démarche d’innovation ouverte, elles mettraient en place des programmes d’incubateurs pour

attirer et collaborer avec les start-ups.

Plus qu’une stratégie d’innovation, la deuxième hypothèse démontre que les entreprises viennent

chercher de la légitimité auprès des start-ups pour réactualiser leur rhétorique de l’innovation en

prenant appui sur des acteurs plus contemporains.

La troisième hypothèse s’appui sur la volonté des entreprises de s’offrir une « cure de jouvence »7

auprès des jeunes start-ups dans le but de s’ancrer dans l’avenir.

Pour répondre à ces hypothèses, j’ai choisi de me concentrer sur un acteur majeur : Orange. Héritier

de France Télécom, Orange jouit d’un patrimoine fort, ancré dans l’histoire française, et qui a

connu de nombreux succès mais, comme d’autres acteurs de la téléphonie mobile, s’est vu dépassé

par l’arrivée de Free il y a plus d’une dizaine d’années. Son domaine d’activité est intimement lié à

celui des nouvelles technologies et de l’innovation comme indiqué sur leur site internet : « 200 ans

de communications et d’innovations au service de 230 millions de clients », dont de nombreuses

« innovations audacieuses ». L’innovation est donc au cœur de la stratégie d’Orange. Aujourd’hui

6 Dans le cadre des Matinales de la Transformation, EMLYON Business School & Manpowergroup ont reçu Oussama Ammar le 3 novembre sur le thème du "Décryptage de la transformation digitale", vidéo retransmise sur la chaine Youtube de l’EM LYON : « early adopters », durée : 51minutes 7 Expression empruntée à Sandrine Cassini dans son article « Les usines à start-ups, cure de jouvence des grands groupes », 19 Juillet 2015, Les Échos.fr

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8  

la marque dépense 1,9% de son chiffre d’affaires dans l’innovation avec plus de 5000 employés au

service de la R&D8, un dispositif non négligeable. Et pourtant Orange a été un des pionniers en

France à s’intéresser à l’innovation ouverte, c’est- à-dire à aller puiser l’innovation à l'extérieur de

sa structure. Notamment avec les start-ups, le groupe a développé tout un écosystème avec plus de

huit programmes d’accélérateurs à travers le monde avec les « Orange Fab », en 2008 « Orange

Institute » a été créé et se définit comme « un think tank mondial dont l'objectif est de comprendre

et anticiper les transformations rapides provoquées par les innovations numériques dans notre

société en réseau »9, et enfin le dispositif « Orange Digital Ventures ». C’est ce besoin de se tourner

vers les start-ups alors que l’entreprise semble déjà bien ancrée dans l’innovation qui m’a intéressé.

Quelle est la motivations d’Orange ? Quel est le discours de marque mise en avant ?

Ensuite, tout le long de mon mémoire je me suis référée à deux types d’incubateurs à titre de

comparaison. Les premiers sont les incubateurs d’entreprises, comme dans le cas d’Orange. J’ai

notamment étudié le cas de « Look Forward », l’incubateur de Showroom privé. Et « Welcome City

Lab », un incubateur d’entreprises spécialisé dans le tourisme qui regroupe différents acteurs

experts dans le domaine. Les deuxièmes, sont les incubateurs privés non rattachés à une entreprise.

Nous avons notamment retenu deux incubateurs américains « Y Combinator » et « Tech Stars »,

les deux références dans la matière. Et des acteurs français : « Le Numa », « 50 Partners » et « Le

Camping ».

Dans l’ambition d’éprouver la première l’hypothèse, j’ai entrepris une étude qualitative individuelle

dans l’objectif d’extraire la stratégie d’innovation tout en distinguant ce qui relève de l’ordre du

discours. Ainsi qu’un sondage auprès de start-ups qui ont participé au programme d’accélérateur

d’Orange. Pour la deuxième hypothèse, j’ai collecté l’ensemble des supports de communication

interne émis par Orange autour des sujets de l’innovation ouverte et de leur écosystème (Orange

Fab, Orange Institute et Fab Force essentiellement) afin de décortiquer leur discours de marque.

Cela comprend du contenu visuel (vidéo, photos) et écrit provenant des communiqués de presse

ou tout autre support interne. J’ai aussi travaillé sur une étude comparative entre différents sites

internet de programmes d’incubations et d’accélérations, comprenant Orange Fab. Pour traiter la

dernière hypothèse et comprendre le champ sémantique de la start-up et de l’innovation dans la

presse, j’ai procédé à une analyse sémiotique du discours journalistique. Et enfin, j’ai souhaité

recueillir le discours de trois responsables de chez Orange Fab et Orange Institute ainsi que trois

témoignages de start-ups ayant ou faisant toujours partie de leur programme d’accélération. In fine,

j’ai terminé par un petit sondage autour de l’imaginaire des startups.

8 Emmanuelle Delsol, « Innovation : la nouvelle peau d’Orange », publié dans l’usine nouvelle le 21 Février 2013 9 Dossier de presse Orange, « L’open innovation », publié sur le site edossiers Orange en Janvier 2016

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9  

I. INNOVER AUTREMENT : AU CŒUR D’UNE

STRATÉGIE D’ENTREPRISE

L’innovation n’est pas l’invention. L’innovation n’est pas non plus un acte créatif mais répond à

une terminologie et un processus précis mais souvent galvaudé par les médias, entreprises ou

institutions publiques. Cette confusion et appropriation de chaque acteur public et privé démontre

l’importance et l’enjeu que représente l’innovation dans notre économie.

Nous allons dans cette partie dresser les contours de l’innovation en la définissant d’abord, puis en

étudiant l’évolution de l’innovation au prisme de différentes approches interdisciplinaires pour finir

sur les incubateurs. Si dans cette partie nous avons une approche plus managériale et macro-

économique pour répondre à la première hypothèse, la deuxième partie sera concentrée sur l’étude

de la rhétorique de notre corpus.

A. L’INNOVATION DANS TOUS SES ÉTATS

1. Un modèle d’innovation périmé

1.1 Définition et contours de l’innovation

Ainsi l’invention n’est pas l’innovation mais peut-être la source de l’innovation. Alors que

l’invention est plus liée au moment de la conception d’une découverte scientifique, d’une

découverte à proprement dit, l’innovation résulte plus de la diffusion et la propagation de

l’invention dans le corps économique et social. L’innovation à un objectif plus économique que

l’invention qui peut avoir une visée plus intellectuelle. Mais avant de nous atteler à définir

l’innovation et ses différentes théories, revenons aux racines.

Innovation vient du mot latin « innovare » qui signifie « revenir à, renouveler ». « Innovare » est

composé du verbe « novare » de racine « novus » qui veut dire « changer », « nouveau », et du préfixe

« in » qui indique un mouvement vers l’intérieur. Selon le Larousse : « introduire quelque chose de

nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien dans un domaine quelconque »10.

Que ce soit dans l’origine du mot ou dans sa définition, on retrouve la dimension de « nouveau »,

mais avec la spécificité que l’étymologie nous indique qu’on pénètre dans quelque chose. La

10 Le Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/innover/43197

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10  

définition de l’innovation de Wikipedia rajoute que dans « la terminologie juridique au Moyen Âge :

« introduire quelque chose de nouveau dans une chose établie » (…) et qu’au XVIème siècle le mot

définit quelque chose de « plus singulier, inattendu, surprenant ». »11 On retient donc des origines

de l’innovation trois aspects : l’aspect de nouveauté dans un ordre établi, l’aspect de mouvement

qui fait écho au processus (à la différence de l’invention plus ponctuelle, l’innovation fait partie

d’un processus) et le dernier qui a un aspect unique, singulier. Mais R. Ringoot12 précise que la

nouveauté se retrouve plus dans la perception que dans les faits. L’innovation, à opposer à la

création, présuppose une transformation de quelque chose de déjà existant, ou de non isolé.

L’innovation « rénoverait » en induisant un « nouveau » dans la perception.

Mais qu’est-ce qu’une innovation ? La première chose qui nous vient en tête est l’innovation de

type technologique, de produit ou encore de procédé. Mais il en existe une quatrième, souvent

méconnue, qui est celle de l’innovation commerciale. Ainsi, l’innovation oscille du développement

d’un nouveau produit et service (innovation technologique) à la création d’un nouveau « business

model »13. Gary Pisano a proposé la carte de l’innovation14 (voir carte ci-dessous) qui relève quatre

types d’innovations : innovation de rupture, innovation architecturale, innovation de routine et

enfin l’innovation radicale. En fonction du type d’innovation souhaité, elle nécessite plus ou moins

d’innover en termes technologiques ou de modèle commercial.

11 Lien de la définition sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation 12 Blandine Arondel, « Sémiologie, innovation et entreprise - Colloque de l’Anvie 9-10 décembre 1998 », Communication et organisation, n. 15, 1999 13 Traduction : modèle commercial 14 Gary P. Pisano « Vous avez besoin d’une stratégie d’innovation », Harvard Business Review, p.22

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11  

1.2 De l’innovation linéaire à un modèle communicationnel de l’innovation

Nous allons retracer l’évolution de l’innovation à travers les travaux d’Yves Badillo15 et de son

approche interdisciplinaire de l’innovation. Une étude au croisement entre les sciences de

l’information et de la communication, des sciences économiques, de la sociologie et du

management.

Il identifie, tout au long du XXème siècle, l’innovation comme un modèle linéaire basé sur les travaux

de Shannon et synthétisé par un schéma : émission – communication – réception. Le récepteur,

consommateur passif, n’interagit d’aucune façon sur le processus de l’innovation mais absorbe

l’innovation comme elle lui vient. L’émetteur, est quant à lui l’entrepreneur innovateur de J.

Schumpeter16, qui dans sa première vision, est un entrepreneur issu d’entreprise moyenne ou

familiale et qui ensuite évoluera vers l’entrepreneur ingénieur des centres de recherche de grande

entreprise, motivé par les découvertes technologiques et scientifiques. Un modèle « top down »17 où

le « technology push »18 porte les innovations. Il en découle une trajectoire classique ou les chercheurs

innovent, les équipes de marketing assurent la promotion et la vente et le consommateur…

consomme.

15 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.32 16 Schumpeter, Joseph A. « Capitalisme, socialisme et démocratie », Paris : Payot, 1983 17 Traduction : modèle de haut en bas 18 Traduction : poussées technologiques

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12  

Freeman et Perez19 identifient quatre principales catégories d’innovation : les innovations

incrémentales, dites aussi les innovations continues, les innovations radicales, les changements de

technologies et les changements de paradigmes techno-économiques. Nous verrons dans un

deuxième temps que les innovations incrémentales s’opposent aux innovations de rupture

introduites plus tard par Clayton Christensen dans une approche managériale. Les innovations

radicales quant à elles, amènent des changements radicaux par l’irruption de découvertes comme

celle du nylon ou encore de la pétrochimie. Les changements de paradigmes techno-économiques

bouleversent la vie économique et sociale et peuvent amener des nouveaux paradigmes de

méthodes de travail. Yves Badillo se réfère aux travaux de Frédérick W. Taylor qui développe une

vision mécanique du management « basé sur une structure organisationnelle hiérarchique avec des

flux d'informations « top-down » et une forte division du travail », tout comme le modèle de

communication unidirectionnel et linéaire de Shannon.

Depuis plusieurs décennies, des approches interactives puis systémiques de l’innovation sont

apparues et ont placé la communication au cœur de l’innovation. C’est en 1966 ou Jacob

Schmookler développe une approche de « market pull »20 ou de « demand pull »21, c’est-à-dire où le

consommateur interagit avec l’innovation, où « le processus d'innovation peut être pensé comme

un ensemble de chemins de communication à travers lesquels la connaissance est transférée »22.

Dans les années 70, l’école de Palo Alto propose une vision systémique portée par Paul Watzlawick

où les relations humaines sont au cœur de la communication. En symétrie avec le modèle linéaire

et mécanique de Shannon, le récepteur interagit et renvoie en retour des informations qu’il partage

avec d’autres personnes. Le contexte joue alors un rôle essentiel dans la communication.

Différentes approches vont ensuite nourrir l’évolution de l’innovation comme celle de Patrice

Flichy23 qui propose une approche socio-technique de l’innovation où les différents acteurs,

designers et utilisateurs jouent un rôle dans le processus de l’innovation. C’est dans le domaine du

management de l’économie que le paradigme de l’innovation ouverte sera développé par

Chesbrough24 en 2003. Il démontre que les idées se trouvent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur

de l’entreprise.

19 Freeman, Christopher, Perez, Carlota, « Structural crises of adjustment, business cycles and investment behaviour », London : Pinter, 1988 20 Traduction : demande du marché 21 Traduction : demande extérieure 22 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.32 23 Flichy, Patrice (2003), « L'innovation technique récents développements en sciences sociales, vers une nouvelle théorie de l'innovation », Paris : La Découverte 24 Chesbrough, Henry, Open innovation: the new imperative for creating and profiting from technology. Boston, Mass: Harvard Business School Press, 2003

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13  

Everett Rogers, va placer la communication au cœur de l’innovation et introduire le terme de

« réinvention » qui est défini comme le degré auquel « une innovation est changée ou modifiée par

l'usager au cours du processus d'adoption et de mise en place »25. Il précise que « la communication

est un procès dans lequel les participants créent et partagent de l'information avec les autres pour

atteindre une compréhension mutuelle ». Eric Von Hippel26, en 1988, va plus loin en introduisant

la logique des usages où le récepteur au contact de l’innovation va la détourner pour en faire

éventuellement un usage imprévu. Bien loin du modèle linéaire, Yves Badillo introduit alors le

modèle communicationnel de l’innovation avec l’avènement d’internet et du Web 2.0 : « dans un

contexte numérique, l'innovation passe par la communication et met au premier plan les

internautes, au sens large, en particulier, dans une perspective Web 2.0, les usagers profitent des

nouveaux espaces de communication pour échanger, communiquer et porter des innovations.»27

Et si nous sommes passés d’un modèle linéaire porté par l’entrepreneur schumpétérien à un modèle

où les interactions et la communication entre les différents acteurs sont au cœur du processus de

l’innovation, « l'activité d'innovation devient, de façon croissante, le fruit de combinaisons non pas

de facteurs de production mais de facteurs d'information»28. Deux catégories d’innovations sont

alors distinguées : l’innovation à base technologique et l’innovation à base numérique qui, elle, est

caractérisé par la combinaison de « ré-innovations numériques ». Le premier type d’innovation est

porté par les « techno-users » c’est à dire des individus qui sont immergés dans les technologies comme

les développeurs. Le second type, par des usagers (au sens large) qui vont non seulement

s’approprier ces technologies pour ré-inventer leurs usages mais vont devenir de véritables « acteurs

(…) susceptibles de faire de véritables ré-innovations numériques »29. Ces deux types d’acteurs vont

se réunir dans le cadre d’une entité : la start-up.

On retient que la façon d’innover a évolué tout au long des décennies. La communication en est

au cœur, et plus qu’un processus à sens unique, l’innovation devient une interaction entre différents

acteurs où l’émetteur peut devenir le récepteur et vice versa. Cette évolution s’accompagne d’une

aspiration sociétale où la concentration du pouvoir n’est plus uniquement détenue dans les mains

de quelques acteurs (l’Etat et les grandes entreprises) mais dans la création d’écosystèmes ou

différents types d’acteurs (entreprises, startups, universités, publics) vont unir leurs forces et leurs

expertises.

25 Rogers, Everett (1995), « Diffusion of innovations », New York: Free Press, p. 174 26 Hippel, Eric Von « User innovation » (p. 117-133), in Huff, Anne S., Moslein, Kathrin M., Reichwald, Ralf (2013), Leading open innovation, Cambridge, Mass: MIT Press.2013 27 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle « communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication, 1/2013 (n° 14/1) p.30 28 Ibid., p.31 29 Ibid., p.32

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1.3 L’incapacité des entreprises à accéder aux innovations de rupture

Mais si le modèle de l’innovation a évolué, cela proviendrait en partie de l’incapacité des grandes

entreprises à accéder aux innovations dites « de rupture » qui sont aujourd’hui les plus radicales et

les plus menaçantes pour elles. C’est la thèse, en tout cas, soutenue par le professeur américain et

spécialiste de la question de l’innovation : Clayton M. Christensen.

Dans son livre « The Innovator’s Dilemma : When New Technology Cause Great Firms to Fail », il distingue

deux types d’innovations : « l’innovation de rupture » et « l’innovation incrémentale ». L’innovation

incrémentale consiste à améliorer la performance d’un produit déjà existant, elle est souvent la plus

utilisée par les grandes entreprises alors que « l’innovation de rupture » est propre aux nouveaux

entrants. Terminologie qui a été introduite en 1997, elle consiste à offrir une nouvelle valeur au

consommateur plus qu’à apporter une innovation technologique au produit. Souvent, il s’agit de

produits moins chers, plus simples, plus petits, plus pratiques à utiliser ou alors avec une nouvelle

utilisation.

Selon Christensen, les grandes entreprises auraient plus de difficultés à mettre en place des

innovations de rupture en raison de plusieurs facteurs. Le premier facteur mis en avant, est celui

provenant de l'éducation même des managers et, par conséquent, celui du management de

l’entreprise. En effet, la plupart des managers proviennent des meilleures universités mais sont peu

enclins à prendre des risques et vont avoir tendance à se réfugier vers des innovations basées sur

des études de marché ou de consommateur : les innovations technologiques évoluant plus

rapidement que les attentes du consommateur.

Un autre facteur proviendrait de la taille des multinationales, trop souvent disproportionnées par

rapport à la taille du marché, elles seraient peu mobiles et peu enclines à faire une telle transition.

Certaines structures l’ayant compris, comme Johnson & Johnson, qui a créé plus de 160 entreprises

autonomes où chacune introduit un produit sur le marché. L’objectif n’étant pas de prétendre que

la structure connaît le marché mais, au contraire, d’admettre qu’il en n’existe pas, par conséquent,

de l’aborder sous un angle beaucoup plus neuf sans forcément d’idée préconçue. Les études de

marché seraient un handicap aux innovations disruptives.

Le dernier facteur est encore une fois lié à la structure même de l’entreprise. Les structures

traditionnelles étant peu enclines à se mouvoir rapidement, à être flexible de sorte que les processus

lourds bloquent l’innovation. Comme l’affirme Christensen « Toutefois, les raisons de l’échec des

grandes firmes dans leur tentative d’innovation disruptive ne seraient pas seulement d’ordre

décisionnel mais également d’ordre fondamentalement structurel. Cette structure englobe des

éléments tels que la taille de l’entreprise ou encore ses « process » comme cela a été vu précédemment.

Mais elle contient également des éléments davantage liés à l’ADN de l’entreprise et qui en

Page 15: Impression 1

15  

constituent donc les bases. Ces fondamentaux peuvent la stimuler, l’aider à avancer ou, à l’inverse,

freiner son développement »30.

Ainsi, l’état d’esprit (« mindset » en anglais) et la culture d’entreprise sont également des paramètres

qui déterminent cette structure. En effet, on distingue très clairement deux manières de penser et

de fonctionner entre les entreprises de type « corporate » et celles de type « start-up ». Les premières,

caractérisées par une organisation hiérarchisée subissent une pression des objectifs de croissance,

une division des services et des règles rigides. Ces éléments brident la créativité car ils ne sont pas

propices à l’échange, à l’écoute ou encore au retour d’expérience. À l’inverse, les secondes,

caractérisées par une structure plus horizontale intègrent des pratiques comme le « brainstorming »

impliquant un certain nombre de personnes issues de tous bords et favorables à la génération

d’idées. Ces entreprises « nouvelle génération » ne sont pas coincées dans un carcan de règles et de

politiques. De même, des méthodes agiles et flexibles permettent aux start-ups de s’adapter,

rebondir à tout moment et transformer un échec, une erreur, en opportunité.

Par ailleurs ces deux types d’entreprises auraient également un rapport au temps tout à fait différent.

Ce critère aurait aussi un impact sur leur capacité à réagir face au changement.

Gilles Finchelstein, dans son ouvrage « La Dictature de l’urgence »31, pointe, cette accélération qui

caractérise nos sociétés contemporaines dans de nombreux domaines (renouvellement permanent

des collections de mode, obsolescence programmée en matière technologique...). Les jeunes

entreprises innovantes s’accoutument très bien de ce rythme extrêmement rapide car elles sont

nées dans ce contexte. Elles sont dans une démarche pro-active, prêtes à saisir des opportunités de

développement à tout moment. La start-up est donc moins attachée à son activité actuelle qu’à ses

perspectives de développement, voire de renouvellement. L’origine même de la construction de ce

type d’entreprise réside d’ailleurs dans une opportunité, une brèche présente à un instant T sur le

marché. Enfin, du fait de sa « jeunesse », elle ne dispose pas d’un « patrimoine » important. Il est

donc plus facile pour elle de se projeter dans le futur et d’oser investir de nouveaux marchés.

Alors que les entreprises dites « établies » se sont souvent construites sur des atouts puissants

intangibles : un savoir-faire, une histoire, un ADN, des lignes successives de produits/services

phares qui lui ont permis d’asseoir sa notoriété au fil du temps et qu’elle tend, de fait, à sacraliser.

C’est également en partie cela qui l’empêche de se réinventer. Une vision tournée vers le futur est

donc essentielle afin d’être « disruptif ».

30 Christensen, Clayton M., « The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, Boston », Mass: Harvard Business School Press, 1997, p.49 31 Gilles Finchelstein, « La Dictature de l’urgence », Fayard, 2011, p.43

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16  

Ainsi ces entreprises traditionnelles, hier glorifiées, sont aujourd’hui en berne, perdent de la vitesse

face aux start-ups ou tout du moins au plus petite structure arrivant avec des innovations

« disruptives » et raflant des parts de marché en deux temps, trois mouvements. Fortement

concurrencées par ce nouveau type de structures, difficilement identifiables et prévisibles, les

entreprises ont un besoin urgent de « veiller » à ces perturbateurs.

Afin de repérer les potentiels concurrents, qui en général proposent des substituts bon marché à

leurs produits, dans le but d’attirer de nouveaux clients pour ensuite monter en gamme petit à petit,

les grandes entreprises ont mis en place des structures de veille afin de racheter les concurrents ou

pour s’appliquer à créer un nouveau produit plus innovants. Mais voilà, depuis quelques temps

cette version classique d’innovation de rupture semble un peu désuète. La rupture provient sur

plusieurs fronts et non plus d’acteurs du même secteur d’activité.

Ainsi, le modèle stratégique d’innovation de rupture auxquelles les entreprises se sont habituées et

organisées pour les contrer, présente une faille. On part du principe que les perturbateurs

commencent par proposer un produit moins cher et moins performant, pour s’attaquer aux

segments les plus rentables. Pendant ce temps-là, le leader du marché a le temps de voir le

concurrent arriver et de proposer de nouveaux produits pour le contrer. Mais le contexte a

considérablement évolué depuis. Cette concurrence ne vient plus du même secteur d’activité, ni

même de sociétés avec un « business model 32» similaire et la pénétration des marchés se fait de façon

très différente et très difficilement identifiable. Ces nouveaux types de perturbateurs arrivent non

seulement à conquérir tous les segments mais aussi à proposer un produit technologiquement plus

performant et quasi gratuit, voire gratuit. Le cas de UBER est l’exemple le plus connu, un acteur

ne provenant pas du secteur des VTC a révolutionné le marché en un temps record en casant les

codes du secteur et proposant une offre plus attractive. On avait déjà constaté une évolution du

cycle des produits qui était de plus en plus court avec des produits beaucoup plus rapidement

matures et qui se faisaient déblayer pas de nouvelles technologies. Mais, aujourd’hui, ce ne sont

plus uniquement des produits mais des marchés entiers qui se voient anéantis ou alors des marchés

entiers qui émergent. Cela nous fait penser aux « grappes d’innovations » de Schumpeter, où chaque

vague d’innovation détruit des branches entières obligeant de nombreuses sociétés à fermer leurs

portes ou à se ré-inventer.

On peut re-prendre l’exemple de Uber avec sa croissance exponentielle pour illustrer ce propos.

La première année, Uber était une société de limousine à San Francisco avec une centaine de

voitures, la deuxième année, Uber était dans quatre villes avec un millier de voiture. La troisième,

elle avait plus de 100.000 voitures dans le monde. La quatrième année, plus d’un millier. Cette

32 Traduction : modèle économique

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17  

année, Uber va passer à 3 millions de voiture alors qu’il y a tout juste sept ans, la société n’existait

pas. Il y a cinq ans, Uber était uniquement à San Francisco et aujourd’hui elle est présente dans

plus de soixante-cinq pays et la société est valorisée à plus de 50 milliards de dollars. La spécificité

de ce type d’acteurs réside dans la rapidité à laquelle ils se développent (aujourd’hui l’équipe de

développement d’Uber arrive à s’implanter dans une nouvelle ville en 48 heures), en une croissance

exponentielle difficilement prévisible, une offre moins chère tout en apportant un service plus

performant au consommateur. On ne parle pas ici d’innovation technologique mais une innovation

des façons de travailler.

Les grandes entreprises seraient ainsi, non seulement, dans l’incapacité d’apporter des innovations

de rupture mais aussi de les voir venir. Elles vont par nécessité, devoir créer des synergies à

l’extérieur de leurs murs.

2. Les nouvelles pratiques de l’innovation : de l’innovation ouverte aux incubateurs

2.1 De l’émergence à la définition de l’innovation ouverte

Par essence même, il semble difficile d’imaginer que l’innovation soit un processus non ouvert.

Comme nous avions vu initialement, innover suppose apporter quelque chose de nouveau dans un

ordre déjà établi. La nouveauté est souvent nourrie par des éléments extérieurs. Comme l’explique

le professeur Lionel Rounel33, « les grandes époques d’innovations de l’histoire de l’humanité se

sont souvent caractérisées par de grandes périodes d’ouverture ». De la Renaissance à l’exposition

universelle de 1900 en passant par la Belle époque lors de la seconde révolution industrielle,

l’ouverture au monde a souvent été un élément illuminateur qui a provoqué de belles étincelles

grâce aux brassages de cultures et des disciplines.

Mais pourquoi alors l’existence même de ce terme « d’innovation ouverte » a émergé ? Toujours

selon le professeur Lionel Rounel, la période d’après-guerre (comme nous l’avions constaté

précédemment) a vu se développer des grandes entreprises qui ont organisé et centralisé la

production industrielle et par conséquent des services de recherche et développement.

L’innovation est devenue la véritable force de ces entreprises et elles se sont ainsi retranchées dans

leur cloison en brandissant le fameux syndrome du « NIH » (Not Invented Here)34. Leur raison d’être,

venait de leur capacité à intégrer et contrôler les activités de R&D au sein d’immenses laboratoires

de recherche et par conséquent tout élément externe était non grata. Mais un facteur de ressources

humaines a considérablement fait évoluer la donne. Selon Chesbrough, l’inventeur de l’expression

33 Martin Duval, Klaus-Peter Speidel, « Open Innovation », coll. Dunod, 208 p. 90 34 Traduction : pas inventé içi

Page 18: Impression 1

18  

« open innovation »35, un des éléments qui a contribué au déclin de ce modèle « d’innovation fermé »

est la disponibilité et la mobilité de travailleurs qualifiés, et notamment de chercheurs, qui s’est

considérablement accrue ces cinquante dernières années. Aucune entreprise ne peut désormais se

valoriser par rapport à la qualité de ses chercheurs puisqu’il y en a désormais des milliers et nous

sommes passés à un changement de posture de « nous avons les meilleurs » à « nous travaillons

avec les meilleurs »36. L’autre facteur d’érosion mis en avant est l’essor considérable du capital-

risque, notamment aux Etats-Unis, qui investit massivement dans les créations d’entreprises et plus

concrètement dans les start-ups ou de « spin-off »37. L’arrivée de nouveaux acteurs a ainsi fragmenté

un paysage qui était bien dessiné par quelques mastodontes de l’industrie.

Entre 2003 et 2011, Henry Chesbrough a publié quatre livres sur le thème de l’innovation ouverte.

Il la définit comme une nouvelle approche « basée sur un paysage de connaissances différents, avec

une logique différente, sur les sources et utilisations des idées. L’IO38 signifie que les idées

intéressantes peuvent provenir de l’intérieur ou de l’extérieur de l’entreprise et peuvent accéder au

marché à partir de l’intérieur ou de l’extérieur de la compagnie. Cette approche place les idées

extérieures et les voies extérieures d’accès aux marchés sur le même plan que celui réservé aux idées

internes et aux chemins internes d’accès au marché au cours de l’ère de l’innovation fermée »39. La

particularité de l’IO, est qu’une innovation peut provenir aussi bien de ressources internes

qu’externes à l’entreprise. Ainsi, elle n’est pas vouée à remplacer l’innovation traditionnelle mais à

s’ouvrir à différents types de collaborations qui peuvent se faire aussi bien avec les fournisseurs, les

clients, les concurrents, les universités ou autres établissement supérieurs, le secteur public ou

encore avec des entrepreneurs et start-ups. Toujours selon Chesbrough, l’innovation ouverte

permet de faire une économie de gain sur le développement de nouveaux produits, de réduire les

cycles de développements et de générer de nouveaux revenus en optimisant des droits de propriétés

intellectuelles. Cette dernière démarche consiste, pour les entreprises, à valoriser leurs innovations

« dormantes » en les proposant à d’autres entreprises soit par des contrats relationnels (accord

R&D, « joint venture ») ou soit par des contrats transactionnels (licence). Nous sommes, dans ce cas

de figure, dans une modalité d’innovation « inside-out », c’est à dire dans une logique sortante à

contrario de la logique entrante (« outside-in ») où l’entreprise va capitaliser sur les R&D externes et

va les faire pénétrer à l’intérieur de sa structure. Nous allons exclusivement nous consacrer à cette

transaction « outside-in ». L’objectif de cette transaction, comme l’illustre très bien l’exemple de la

35 Traduction : innovation ouverte 36 Nouveau credo de Protecter & Gamble 37 Traduction : compagnie dérivée 38 Innovation Ouverte 39 Christensen, Clayton M., » The innovator's dilemma: when new technologies cause great firms to fail, » Boston, Mass: Harvard Business School Press, 1997, p.53

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19  

société biomédicale Merck que Chesbrough utilise, est d’aller puiser dans le gisement d’innovations

de l’autre côté de sa porte : « Merck représente environ un pour cent de la recherche biomédicale

dans le monde. Afin de puiser dans les autres 99 pour cent, nous devons activement tendre la main

aux universités, aux instituts de recherche et entreprises du monde entier pour apporter les

meilleures technologies et produits potentiels à Merck » 40. Nous sommes passés, d’un paradigme

où tout ce qui relevait de l’externe était vu comme ennemi, à un paradigme où l’environnement

extérieur est vu comme une source inépuisable d’innovations.

Dans cette modalité « outside-in », sept axes d’innovations ouvertes peuvent être appliquées selon la

classification de Martin Duval et Klaus Speidel proposée dans « Open-Innovation ». 41

Les quatre premiers axes ont, comme base commune, la récolte d’idées auprès d’acteurs externes

ou interne, leur différence porte essentiellement sur la phase d’avancement du projet (il peut se

situer plus ou moins en amont) ou sur le type de problèmes à solutionner. Ainsi le premier axe,

concerne la résolution d’un problème de type technique ou technologique qui va être résolu par un

appel fait auprès de collaborateurs identifiés interne ou externe (fournisseurs, clients, etc.). Les

solutions vont être collectées via une plateforme institutionnelle ou alors exprimées sous forme de

concours. Le deuxième aspect est le concours d’idées qui, à la différence du premier ne va pas

répondre à un problème spécifique technique mais va plus être dans la récolte d’idées d’ordre

général. Le troisième « Boite à idées, portails & RSE » s’inscrit toujours dans cette même ligne, à la

différence qu’elle s’inspire de la version classique des boîtes à outils en la numérisant et où toute

personne, interne ou externe, peut y glisser des idées, suggestions d’améliorations pour un produit,

service. L’exemple le plus connu est la plateforme créée par Starbucks « My Starbucks Idea » qui

consiste à recueillir les avis, suggestions de la part des clients et ensuite de les mettre à contribution

au niveau interne, pour réfléchir à des nouveaux produits ou services.

Le quatrième axe, va consister à constituer une « communauté béta testeurs ». C’est-à-dire

rassembler une communauté d’utilisateurs qui va tester en avant-première les nouveaux produits

et services de la société en vue de recenser leurs retours et de faire évoluer les produits ou services

en fonction des commentaires. C’est une stratégie qui s’inspire d’une nouvelle approche théorisée

par Eric Ries (« Lean Start-up »42) et qui vise à créer de l’innovation continuelle en testant à chaque

étape de développement les hypothèses émises sur le produit ou service. D’où la nécessité de créer

une communauté d’utilisateurs. Orange a mis en place un site dédié à cet effet « Lab Orange ».

40 Ibid., p.78 41 DUVAL Martin, KLAUS-PETER Speidel, « Open Innovation », coll Dunod, 208 p. 90 42 Eric Ries, « Lean Startup », Pearson, 2011, p.67

Page 20: Impression 1

20  

Les trois derniers modèles d’innovation ouverte diffèrent des quatre premières, par leurs pratiques,

mais vont notamment plus loin dans la démarche d’innovation ouverte. Ainsi un des modèle

consiste en l’« ouverture et partage des données pour stimuler les développeurs d’applications

autour de plateformes ouvertes techniquement par des « API » »43 Puis nous avons la « classique »

« corporate venturing » où l’entreprise va prendre des participations minoritaires dans des entreprises

existantes ou alors créer de nouvelles structures, comme des compagnies dérivées. Le dernier axe

est le sujet de notre mémoire, qui consiste à mettre en « œuvre un programme proactif et structuré

de partenariat avec des acteurs de type start-up, PME, entrepreneurs ou laboratoires de recherche »

et de les incorporer dans une structure d’incubation ou d’accélération.

Depuis plusieurs années, nous avons constaté un net engouement de la part des grandes structures

pour cette forme d’innovation ouverte. Nous allons nous pencher sur ce phénomène pour ensuite

nous concentrer sur notre corpus principal : Orange et son réseau « Orange Fab ».

2.2 Les programmes d’incubateurs

Deux constats : le premier est que la création d’entreprise prépare le renouvellement et l’adaptation

économique, c’est à dire le futur. Le deuxième, mis en avant par Catherine Leger Jarniou, est qu’il

est « reconnu que les entreprises qui ont bénéficié d’un appui pendant leur création sont plus

pérennes que les autres entreprises et que de plus, cet appui à un effet positif sur le développement

et la rentabilité des jeunes entreprises »44. Par conséquent, l’accompagnement à la création

d’entreprises s’est considérablement développé au gré des interventions publiques. Il en est devenu

un métier et au fur et à mesure, différents acteurs publics et privés se sont accaparés le sujet pour

en faire leur spécialité. Aujourd’hui, ces structures d’accompagnements de jeunes entreprises

prennent souvent l’appellation d’« incubateur », même si parfois les termes peuvent varier, comme

nous allons voir.

Avant de rentrer plus en profondeur sur la mission de l’incubateur et plus particulièrement de

l’incubateur d’entreprises, nous allons nous arrêter sur la définition du mot « incubateur ». D’après

le petit Larousse, l’incubateur est un « appareil servant à l’incubation artificielle des œufs de poule,

d’oie », c’est un synonyme du mot couveuse. On retient notamment la notion « artificielle » qui

sous-entend une relation de dépendance et d’assistante de l’élément incubé à l’appareil. Sans

l’incubateur, l’élément serait en situation de difficulté, sa vie pourrait être menacée ou tout du moins

sa croissance pourrait en être altérée. Cette expression, comme nous allons l’exploiter dans notre

43 API est un acronyme pour « Applications Programming Interface » 44 Leger-Jarniou Catherine, « Accompagnement des créateurs d'entreprise : regard critique et propositions », Marché et organisations 1/2008 (N° 6), p. 73-97

Page 21: Impression 1

21  

mémoire, nous vient tout droit des Etats-Unis. Raison pour laquelle j’ai voulu prendre une

définition anglaise du terme incubator : « An enclosed apparatus in which premature or unusually small babies

are placed and which provides a controlled and protective environment for their care »45. Cette définition fait

ressortir d’autant plus la notion de « protection », « environnement protégé et protectif ». La relation

de dépendance vis-à-vis de l’incubateur est encore plus forte ainsi que la fragilité de l’élément

incubé.

Dans le cadre de notre sujet, les incubateurs sont définis comme « des structures d’appui à la

création d’entreprises. Ils réunissent des ressources spécialisées dédiées à l’accompagnement et

l’assistance des entreprises avant leur création ou dans les premières années de leur vie »46, selon la

définition que l’on retrouve dans le rapport de recherche de la Chambre de Commerce de Sophia

Antipolis. Le Petit Larousse rajoute une définition économique qui le lie directement aux grands

groupes : « Structure créée par des grands groupes, réunissant des start-ups dont ils financent le

lancement ou dans lesquelles ils prennent des participations pour en favoriser la croissance »47. Ce

que l’on retient de ces définitions, c’est la notion d’accompagnement et d’assistance.

Lors de nos recherches, on a constaté plusieurs terminologies liées à l’incubation, on parle de

« pépinière », « ruche », « couveuse », qui désignent une structure d’appui après la création. Nous

avons ensuite le terme « accélérateur » qui, lui, désigne l’entreprise à une phase de développement

déjà plus avancé, qui a déjà fait ses preuves sur le marché et qui va vouloir préparer sa première

levée de fonds. Par contraste, l’incubateur se situerait plus en amont dans la phase de

développement de l’entreprise. Pour Jérôme Gonthier48, « l’incubateur a pour mission

d’accompagner un entrepreneur dans le processus de validation d’une nouvelle idée d’affaires »

tandis que l’accélérateur « accueille des entreprises en phase de pré-commercialisation et les

accompagne dans la formalisation des opérations et des canaux de ventes, en plus de mobiliser un

réseau pour accélérer leur processus de mise en marché »49. L’incubateur est donc un outil

d’exploration alors que l’accélérateur appuie surtout l’exploitation de l’entreprise en démarrage.

45 Définition de Oxford Dictionnaries en ligne : http://www.oxforddictionaries.com/definition/english/incubator Traduction : Un dispositif clos dans lesquels prématurés ou des nourrissons particulièrement petits sont placés et qui offre un environnement contrôlé et protectif, adéquat à leur besoin. 46 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004 47 Définition du Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/incubateur/42436 48 Gonthier Jérôme, « Incubateurs et accélérateurs : comment faire tomber les barrières entre les grandes entreprises et les communautés d’entrepreneurs », Gestion 2/2016 (Vol. 41), p. 66-69 49 Ibid., p. 67

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22  

Pour simplifier, nous adopterons le terme incubateur, selon la terminologie anglo-saxonne plus

générique « incubator »50, pour désigner les structures d’accueil avant et après la création d’entreprise,

et nous viendrons sur la nuance des termes lorsqu’elle nous semblera pertinente pour l’analyse.

Deux vagues de créations d’incubateurs51 ont eu lieu en France. La première correspond à la

fragmentation du paysage industriel français dans les années 80 avec l’essor de création de petites

entreprises. Initialement les initiatives ont été d’ordre individuel et local, suivies de près par

l’intervention des pouvoirs publics. Les collectivités locales y ont vu rapidement un levier de

croissance économique. De nombreuses subventions ont été prévues pour soutenir ces initiatives,

pour ensuite être relayées à un niveau national et européen. La deuxième vague quant à elle, a eu

lieu au début des années 2000 avec l’émergence d’Internet. Initialement, des programmes

d’incubation sont nés dans le milieu académique puis les incubateurs d’entreprises ont suivi. Les

Etats-Unis ont été précurseur avec 350 incubateurs recensés en Octobre 2000, alors que selon une

étude de Harvard Business School52 il y en avait uniquement 24 à la fin des années 90. Aujourd’hui

on compte 1200 incubateurs d’entreprises selon le National Business Incubation Association avec

plus de 41000 start-ups. En France, 228 incubateurs sont référencés mais on ne connaît pas la

proportion des incubateurs issus des entreprises. Face à cet engouement pour les incubateurs, on

peut parler d’un vrai phénomène de rationalisation du processus de fabrication des start-ups et

même « d’industrialisation »53 .

On compte, ainsi, quatre grandes typologies d’incubateurs : l’incubateur de développement

économique local, l’incubateur institutionnel académique et scientifique, l’incubateur issu

d’entreprises et le dernier, l’incubateur privé. Mais globalement chaque famille d’acteurs marchands

ou non marchands a créé son programme d’incubation, associations et fondations comprises. Mais

à quoi servent ces programmes d’incubation et en quoi consistent-ils ? Comme nous l’avons vu, la

fonction principale, la raison d’être de ces incubateurs est d’accompagner les jeunes entreprises

dans leur développement et, pour y parvenir, ils interviennent dans six domaines, même si en

fonction des incubateurs, ils peuvent évoluer. Les six domaines d’interventions sont les suivants :

finances (aide à la levée de fonds, aide à l’accès aux subventions publiques ou dotations

financières…), humains et éducationnel (accès à des experts, tutorat, formation, réseaux…),

50 Traduction : incubateur 51 Philippe Albert, Michel Bernasconi, Lynda Gaynor. « Les incubateurs, émergence d’une nouvelle industrie. Comparaison de leurs acteurs et de leurs stratégies », rapport de recherche de la chambre de commerce de Sophia Antipolis, 2004 52 Ibid., p. 10 53 Ibid., p.11

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23  

physique (hébergement de l’entreprise, accès wifi…), organisationnel (accompagnement dans la

démarche à suivre pour la création d’entreprises), technologique (conseil sur le produit, service…).

2.3 Les incubateurs d’entreprises

Le lien entre les start-ups et les grands groupes n’est pas forcément facile à établir. Des acteurs qui

diffèrent par leurs structures, leurs procédés décisionnels et par un rapport au temps qui n’est pas

le même pour un grand groupe et une start-up. Le principal obstacle mis en évidence dans une

étude de l’agence Fabernovel54 est que, pour 54,8% des start-ups, la prise de contact avec un grand

groupe est difficile. Ainsi deux startups sur trois ne sont pas en relation avec un grand groupe à

cause d’une démarche complexe et d’une communication difficile. Souvent, c’est la difficulté de

trouver le bon interlocuteur qui semble être le principal obstacle comme explique Inès Gaisset,

fondatrice de Seat-e « Lorsqu’on rentre en relation avec un grand groupe, c’est un labyrinthe pour

trouver les bonnes personnes » Ainsi, un des rôles des incubateurs d’entreprises, va être de faciliter

la mise en relation de ces deux acteurs.

La spécificité des incubateurs d’entreprises est qu’elle doit répondre à un double objectif celui

d’irriguer l’innovation au sein de leur groupe en faisant monter en interne les innovations apportées

par les start-ups, et celui d’accompagner les start-ups dans leur développement en leur apportant

les ressources nécessaires. Pour se faire, les incubateurs vont sélectionner des start-ups en lien avec

leur domaine d’expertise afin de mettre en relation les différents services de l’entreprise mère avec

celui des start-ups dans l’objectif d’y conclure des partenariats.

Les domaines d’intervention des incubateurs que nous avons listés plus en haut sont globalement

les mêmes que celles des incubateurs d’entreprises. On constate parfois des services additionnels

tels qu’un « accès à des clients pour tester le produit ou service », des « opportunités de

communications »55, ou des études. Mais, mis à part les côtés plus techniques, les start-ups viennent

aussi chercher auprès des programmes d’incubation des grands groupes, de la légitimité et de la

crédibilité. Ainsi, toujours selon l’agence Fabernovel, qui a mené une enquête auprès de quatre

vingt dix start-ups sur la relation entre les grands groupes et les start-ups, les principaux apports

que les start-ups recherchaient auprès des grands groupes étaient de gagner une meilleure

crédibilité. En effet, Karim Messeghem et Sylvie Sammut, dans leur étude sur « l’accompagnement

du créateur : de l’isolement à la recherche de légitimité », mettent en avant que le créateur a un

54 Institut Fabernovel, « Quelle relation entre start-ups et grandes entreprises », 20 Juin 2014 55 Op. cit. 41, p. 90

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24  

besoin crucial de reconnaissance par la profession afin d’accéder à des ressources et des

informations lui permettant de sortir de son isolement. La pérennité de la jeune entreprise en

dépend puisque cette légitimité leur permet « d’engager des relations avec d’éventuels clients ou

fournisseurs » (…) et « la structure d’accompagnement est pourvoyeuse de confiance, d’image de

marque positive, de réputation, donc de lisibilité et de légitimité pour le nouvel arrivant

généralement déficitaire dans la matière ». La jeune entreprise dépourvue alors de passé, qui lui

apporterait la crédibilité nécessaire à sa reconnaissance, va aller la puiser dans une structure qui est

déjà bien enracinée et qui a démontré sa solidité.

Un partenariat « gagnant-gagnant » : lors de mon analyse de contenu et dans la rhétorique utilisée

par les grands groupes ainsi que par les pouvoirs publics, j’ai observé que le partenariat « gagnant-

gagnant » était souvent évoqué comme un prérequis à cette relation entre start-ups et grands

groupes. Que ce soit lors de mes entretiens avec des start-ups incubées chez Orange Fab, que lors

de la « Lead Manager » de chez Orange Fab le discours est le même, il faut qu’il y ait « un intérêt

pour Orange et un intérêt pour la startup, c’est vraiment du win win »56. Même si nous sommes

amenés à questionner cette expression ultérieurement, il est important de souligner que cet aspect

« gagnant-gagnant » est vu comme une condition sine qua non à une relation pérenne et au bon

fonctionnement de l’incubateur. Les rôles doivent être bien définis et chaque partie doit savoir ce

qu’elle y cherche. Les start-ups viennent clairement chercher des partenariats, du réseau et de la

crédibilité auprès des grandes structures. Et ces dernières, viennent « puiser l’innovation à la

source » pour leurs services et produits mais aussi pour acquérir un état d’esprit et une façon de

travailler. Travailler avec les start-ups serait « disposer d’un outil formidable pour « acculturer » ses

collaborateurs à l’innovation ». On va à la source et on s’inspire !

La France, depuis une dizaine d’années a connu « une incubation mania de grands groupes » pour

reprendre le terme journalistique de Capucine Cousin et Gilles Wybo. Ils sont nombreux à s’y être

mis : Axa, Microsoft, Nike, JC Decaux, SNCF, Orange, La Poste, Google, SFR, Renaud, Total,

TF1, Publicis…pas un seul grand groupe semble échapper à la contamination. On distingue aussi

les « incubateurs multi-corporate » tel que « Welcome City Lab » : incubateur spécialisé dans le

tourisme où différents acteurs du secteur se sont réunis comme Galeries Lafayette, Amadeus,

Skyboard, Aéroports de Paris et Sodexo Prestige. Mais Orange est un des précurseurs, il avait déjà

implanté une de ces unités de recherche et développement dans le temple de l’innovation, à la

Silicon Valley, pour être en contact direct avec tout l’écosystème des start-ups et tout acteur externe.

56 Traduction : « gagnant-gagnant »

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25  

Ainsi, à travers le cas d’Orange, nous allons nous pencher sur la rhétorique de l’innovation ouverte

dans l’objectif de comprendre si elle répond à une vraie volonté d’innover aux côtés de start-ups

ou si c’est uniquement une stratégie communicationnelle de la marque.

B. UNE ENTREPRISE EN INNOVATION

« On a souvent besoin d’un plus petit que soi », disait Jean de La Fontaine, dans le « Le Lion et le

rat ». Orange l’a bien compris et a mis en place tout un arsenal de dispositifs pour attirer et

sélectionner les start-ups dans l’objectif d’accéder aux innovations numériques de demain. Dans

cette partie, nous allons présenter notre corpus principal et les dispositifs mis en place pour ensuite

évaluer leurs incubateurs. L’objectif est ainsi de répondre à notre première hypothèse, qui suppose

que dans un contexte très concurrentiel, avec des cycles de produits de plus en plus courts, les

entreprises ne seraient plus à mêmes d’innover uniquement par elles-mêmes. Dans une démarche

d’innovation ouverte, elles mettent en place des programmes d’incubateurs pour attirer et

collaborer avec les start-ups.

1. Présentation du corpus, contexte et méthodologie

1.1 Les ambitions stratégiques du groupe Orange

Tous les cinq ans, Stéphane Richard à la manière d’un Steve Jobs à la française, expose la stratégie

du groupe. Si le plan « Conquêtes 2015 » misait sur l’expansion internationale et un nouveau contrat

social en interne, le plan « Essential 2020 » se tourne résolument vers l’expérience client et veut

devenir le premier opérateur à l’ère internet. Énoncé sous la monumentale Nef du Grand Palais en

Juin 2015, les ambitions à venir sont clairement tournées vers le client : « nous voulons faire vivre à

chaque client une expérience incomparable au quotidien. Nous voulons que nos clients profitent

en toute confiance de la révolution numérique, avec une qualité de service exemplaire dans tous les

lieux qui comptent pour eux. Nous voulons qu’ils soient reconnus dans toutes leurs interactions

avec Orange, qu’ils bénéficient d’offres et de services personnalisés. Nous voulons leur faire

découvrir de nouveaux usages digitaux à la pointe de l’innovation pour enrichir et faciliter leurs

vies. Cette approche centrée sur les attentes de nos clients et la qualité de l’expérience Orange nous

permettra de nous différencier et de retrouver la croissance. »57

57 Communiqué de presse d’Orange, « Essentiels 2020, le nouveau plan stratégique d’Orange », 17 mars 2015

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26  

Cinq leviers identifiés sont à retenir : offrir une connectivité enrichie, réinventer la relation client,

construire un modèle d’employeur « digital et humain » 58, accompagner la transformation du

« client entreprise » 59 et enfin diversifier en capitalisant sur les actifs.

Sur l’axe de la diversification d’Orange, le groupe souhaite se focaliser sur les objets connectés et

les services banquier, on retrouvera ces domaines dans les start-ups sélectionnés par le programme

Orange Fab. Un gros focus aussi sur la partie B to B60 avec comme objectif « de faire croître de 10

points la part des services IT dans le mix de revenus d’Orange Business Services d’ici à 2020 »61 en

misant sur quatre domaines principaux : les outils de travail des salariés – mobiles, collaboratifs et

flexibles puis sur l’amélioration des processus métiers, en particulier grâce aux applications et objets

connectés, en troisième : le cloud privé et hybride pour les multinationales et enfin la cyber défense.

Pour parvenir à ses objectifs, le groupe affiche son projet de s’appuyer sur l’innovation ouverte et

plus précisément sur les start-ups. Avec l’ambition de soutenir plus de 500 start-ups d’ici 2020 par

ses différents programmes d’innovation ouverte, Orange veut « systématiser une vision ouverte de

l’innovation »62. Les start-ups et les développeurs sont vus comme les avant-gardistes des nouvelles

tendances du marché. Mais plus concrètement, Orange développera, grâce aux start-ups, des

missions pilotes sur de nouveaux marchés, tester de nouveaux services, signer des contrats

commerciaux avec de nouveaux fournisseurs et trouver tout un nouveau vivier de clients en

devenant le fournisseur du « cloud » de ces multitudes de start-ups.

Nous avons choisi comme corpus principal le groupe Orange et son accélérateur Orange Fab.

Nous allons, dans un premier temps, faire un panorama de l’écosystème des dispositifs de

l’innovation ouverte chez Orange pour ensuite faire un focus sur Orange Fab, ceci nous permettra

de mieux élucider la démarche du groupe Orange dans l’innovation ouverte.

1.2 L’écosystème de l’innovation ouverte d’Orange

Né au cœur de la Silicon Valley en 2013, Orange Fab est issu d’une démarche d’Orange Silicon

Valley devenu Orange Lab depuis. Il est un des centres de développement d’Orange, implanté dans

la région californienne depuis quinze ans, qui a comme objectif de « capter les dernières tendances

et les meilleures initiatives dans le monde », c’est à dire de développer essentiellement une activité

58 Communiqué de presse Orange « Essentials2020, Orange ’s new strategic plan » 59 Ibid., 52 60 Acronyme pour : « Business to Business » c’est à dire « d’entreprise à entreprise » qui s’oppose à la vente d’entreprise au consommateur. 61 Ibid., 52 62 Dossier de presse Orange « L’open Innovation », Sylvie Duho, Emmanuel Gauthier et Olivier Emberger

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27  

de veille. Puis en 2008, toujours depuis la Silicon Valley, Orange Institute a été créé afin de faire

converger « leaders d’opinion, entrepreneurs, investisseurs, chercheurs et visionnaires de tous

horizons ». Aujourd’hui, « Orange Institute » est rattaché au siège social du groupe Orange à Paris.

Des voyages sont organisés dans différents endroits du globe reconnus comme des lieux

d’innovation. Le dernier en date était en Israël ou différents dirigeants de grandes sociétés sont

allés à la rencontre de jeunes start-ups réunis autour d’un thème lié aux innovations numériques.

Une autre structure, toujours implantée dans la Silicon Valley, est « Fab Force » qui réunit tout un

réseau de partenaires et de clients d’Orange dont le but est de leur faire accéder aux start-ups

accélérées chez « Orange Fab » en vue de potentiels partenariats commerciaux. Et enfin, il y a

« Orange digital ventures », le fonds d’investissement du groupe, et qui vise à « faire émerger les

services, les technologies et les modèles économiques qui définiront l’opérateur digital de demain ».

Tout un tas d’autres initiatives, liées aux innovations numériques, se sont développées en

coopération avec d’autres acteurs publics ou privés comme « Orange Gardens », un « eco-campus

de l’innovation », le Numa à Paris ou encore le prix de l’entrepreneur social en Afrique et le

programme de développeurs d’Orange en Tunisie. Plus d’une vingtaine de dispositifs ont été

comptabilisés dans le monde entier, sans mentionner tous les projets développés en interne

d’Orange (les programmes d’intraprenariats).

Pour résumer les principaux dispositifs, voici un petit schéma récapitulatif :

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28  

1.3 Méthodologie

L’objectif de ce mémoire est de distinguer d’une part ce qui appartient à la stratégie d’innovation,

de ce qui relève de la rhétorique de la marque. Analyser la rhétorique de la marque appartient aux

sciences de l’information et de la communication et consiste à déconstruire le discours de marque

pour ensuite l’analyser. La stratégie de l’innovation quant à elle, est plus difficilement détectable

puisqu’on se situe au cœur de leur stratégie d’entreprise où les données ne sont pas forcément

accessibles. Pour traiter cette partie, il a fallu comprendre si le programme d’accélération de mon

corpus était viable, c’est à dire s’il avait les mêmes objectifs qu’un autre accélérateur (n’appartenant

pas à une entreprise) et si ces objectifs étaient atteints. La difficulté est qu’il existe très peu d’études

sur les accélérateurs et que nous n’avons pas trouvé de définition ou surtout de grille d’évaluation

pour estimer si un accélérateur rempli dument son rôle.

Pour arriver à nos fins, nous avons entrepris trois démarches : une étude qualitative, une étude

quantitative et enfin une analyse comparative.

L’étude qualitative :

L’objectif de ma démarche qualitative individuelle a été d’apprendre plus en profondeur la mission

de Orange Fab mais aussi de distinguer ce qui est de l’ordre de la rhétorique de la marque à la

stratégie d’innovation à proprement parlé. L’objectif étant double, j’ai entrepris à la fois un entretien

exploratoire et un entretien en profondeur. Ce dernier a pour ambition selon Jean-Luc Giannelloni

et Eric Vernette63 d’identifier les motivations et les freins mais aussi d’explorer l’inconscient via des

champs disciplinaires relevant de la psychanalyse, de la psychologie de la sociologie et du marketing.

Alors que l’entretien exploratoire a pour objectif de se familiariser avec un milieu et d’accéder à des

informations.

Dans une démarche qualitative, l’échantillon ne vise pas la représentativité. Le sujet central

concerne le programme d’accélération Orange Fab et sa viabilité. Les seuls critères retenus étaient

d’être en lien avec l’accélérateur et/ou l’écosystème d’innovation ouverte d’Orange et que la moitié

des personnes interrogées soient des personnes salariées du groupe Orange pour recueillir les

informations et le discours du groupe sur le sujet. Et l’autre moitié, des personnes qui par leurs

start-ups avait intégré le programme d’accélération d’Orange Fab.

La taille de l’échantillon était de six personnes et l’entretien semi-directif a été retenu en raison de

son caractère de discussion « non structurée » et de sa durée variant d’une à deux heures.

L’enquêteur est en retrait, l’interviewé au centre de l’investigation. Le recrutement des personnes

63 Vernette Eric et Jean-Luc Giannelloni, « Etudes de marché », Magnar-Vuibert, aout 2012, p.98.

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29  

s’est fait par le réseau professionnel en ligne « LinkedIn » sur lequel j’ai d’abord contacté : Pascale

Diaine qui se définit sur les réseaux sociaux à la fois « Lead Manager d’Orange US » c’est à dire

directeur d’Orange Fab aux Etats-Unis et « évangéliste à Orange Silicon Valley » (nous étudierons

la notion d’évangéliste dans la deuxième partie du mémoire) et qui, suite à la présentation de ma

démarche, m’a invité à une journée de « Démo Day ». Cette journée permet aux start-ups d’Orange

Fab US de la saison cinq de venir présenter leurs start-ups aux unités d’affaires d’Orange à Paris et

au réseau de partenaires d’Orange. En me rendant au « Démo-day », qui avait lieu au siège social

d’Orange à Paris, j’ai eu l’occasion d’interroger les fondateurs de deux start-ups présentes : Spinnakr

et Bitwage. Spinnakr, spécialisé dans un produit d’analyse de streaming64, et Bitwage, spécialisé dans

une plateforme qui gère toutes les démarches administratives entre indépendants. J’ai pu interroger

aussi Pascale Diaine, le lendemain dans un environnement extérieur, un café parisien. Et par la

suite, j’ai pu m’entretenir avec Julie Leclercq, développement d’affaires pour Orange Fab, qui

s’occupe de mettre en lien les start-ups aux unités d’affaires d’Orange ainsi que Laurence Lemoine,

par entretien téléphonique, responsable de Orange Institute et directrice de la communication et

de la marque chez Orange. Enfin, la dernière start-up interrogée par vidéo conférence, est une

start-up française accélérée chez Orange Fab France : CBien.com où j’ai recueilli le témoignage de

deux personnes : Marine Chambron, responsable marketing et partenariat et Landy, ancienne

stagiaire chez Orange Fab France et actuellement commerciale chez CBien.com 65

Étude quantitative :

La deuxième procédure a été d’élaborer une petite étude quantitative auprès des start-ups qui ont

participé au programme d’accélération d’Orange Fab. Et en parallèle, de créer un tableau

comparatif des différents programmes d’accélération. L’objectif est de pouvoir définir, suite aux

résultats obtenus, si l’accélérateur d’Orange a accompli sa mission en tant qu’accélérateur et si les

promesses mises en avant par Orange Fab ont été respectées.

Pour réaliser cette étude quantitative, il a d’abord fallu réaliser une grille avec les critères principaux

qui définissent un accélérateur et ses objectifs, pour ensuite élaborer le questionnaire. Pour créer

cette grille d’analyse, nous sommes partis des six domaines d’interventions des incubateurs

précédemment définis (financier, humain et éducationnel, physique, organisationnel et

technologique). Si l’accélérateur reprend certains de ces critères, il s’en différencie, car l’état de

l’avancement de la start-up accélérée n’est pas la même que celui de celles qui sont incubées, les

objectifs ne sont pas les mêmes. Les premiers accélérateurs sont arrivés en 2005 aux Etats-Unis.

Leur précurseur le plus reconnu est : « Y combinator ». Créé, entre autres, par Paul Graham, « Y

64 Traduction : diffusion en temps réel 65 Tous les entretiens sont retranscrits dans l’annexe 4

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30  

Combinator », fournit un capital d'amorçage, des conseils et des mises en relation au cours de deux

programmes annuels de 3 mois. En échange « Y Combinator » prend 6% des capitaux de la société.

Sa mission est de préparer la start-up pour qu’elle ait les armes nécessaires pour lever des fonds

devant des investisseurs. Les trois mois se concluent par une journée où start-ups et investisseurs,

partenaires financiers et tout acteur susceptible d’investir dans la société, se rencontrent. On

comprend que l’objectif d’un accélérateur est de rendre la start-up financièrement indépendante.

Deux façons d’y parvenir : soit la start-up lève des fonds, soit elle conclut des partenariats

commerciaux. C’est dans cette deuxième fonction que les accélérateurs d’entreprises se sont

spécialisés : apporter des contrats commerciaux avec l’entreprise mère mais aussi avec d’autres

entreprises afin que la start-up ne soit pas uniquement un fournisseur de l’entreprise par qui elle

est accélérée. Dans l’entretien réalisé avec Pascale Diaine, nous retrouvons deux points essentiels :

celui de réseau, introduire les start-ups à un réseau afin de leur permettre de réaliser une levée de

fonds par la suite : « on aide les startups avec le « fundraising »66, on aide les startups en les

introduisant aux bonnes personnes, en leur offrant un voyage à Paris, on les met en relation avec

les bonnes personnes »67. Le deuxième objectif est que la start-up devienne indépendante et pas

uniquement un fournisseur d’Orange : « Mon objectif est que la startup ne devienne pas qu’un

supplier68 d’Orange ; c’est ce qu’il y a de plus dangereux c’est qu’elle ne serve qu’Orange, on veut

absolument éviter ça »69.

On retient deux axes essentiels : la dimension financière qui peut être réalisée en deux points, soit

par la levée de fonds, soit en signant des contrats commerciaux avec l’entreprise offrant le

programme d’accélération mais aussi avec d’autres entreprises. Puis la dimension humaine, c’est à

dire sur la capacité à mettre en réseau, l’accompagnement personnalisé et tout autre type de

formation.

Donc, ma grille d’analyse comprend ces deux dimensions pour juger l’efficacité d’un accélérateur :

le caractère financier et le caractère humain (conseils et réseau). J’ai ensuite rajouté une dimension

ressources humaines, car elle me semble intéressante pour comprendre l’évolution de la taille de

l’entreprise dans la mesure où il est connu que les accélérateurs très côtés comme « Y Combinator »

permettent ensuite de recruter des personnes de très haut niveau. Et l’autre dimension qui me

semblait intéressante à rajouter est celle de la « crédibilité ». Nous avions vu dans la partie deux sur

les incubateurs, que les jeunes entreprises dépourvues d’histoire et de légitimité dans leur

66 Traduction : levée de fonds 67 Annexe 4, Entretien n.2, p. 7 68 Traduction : fournisseur 69 Ibid., 67, p.9

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31  

environnement, venait rechercher de la crédibilité auprès des incubateurs. Ainsi sur ces différentes

dimensions, j’ai pu créer mon questionnaire70. Il comprend dix questions qui sont les suivantes :

1. Combien d'accords commerciaux avez-vous conclu avec des Business Units d'Orange

grâce à Orange Fab ?

2. Combien d'accords commerciaux avez-vous signé (ou vous êtes sur le point de signer) avec

des partenaires d'Orange grâce à Orange Fab ?

3. Avez-vous levé des fonds grâce à Orange Fab ?

4. Combien de personnes avez-vous recrutées grâce à Orange Fab ?

5. Qu’est-ce qu’Orange vous a apporté d’autre ?

6. Comment jugez-vous la qualité de l'accompagnement d'Orange Fab (conseils personnalisés

et qualité des mentors) ?

7. Qu’est-ce qu’Orange Fab vous a permis de réaliser que vous n'auriez pas pu faire sans

intégrer ce programme ?

8. Conseillerez-vous à une autre start-up de postuler au programme d'accélérateur d'Orange

Fab ?

9. Orange Fab a-il été un accélérateur pour votre business ?

10. Estimez-vous qu'Orange Fab vous ait apporté de la crédibilité dans votre secteur d’activité ?

La méthode de l’échantillonnage a été simple puisque la dimension de mon étude est définie par

les start-ups qui ont participé au programme d’Orange Fab France depuis la création de

l’accélérateur, et qui se limite à 24 start-ups. J’ai ainsi pu envoyer ce questionnaire à 24 start-ups par

internet. J’ai choisi comme méthode de recueillement : internet et j’ai alterné questions ouvertes et

questions fermées. Les questions fermées me permettent de quantifier les réponses et donc de les

ramener à des pourcentages ; les questions ouvertes, de recueillir quelques verbatims pour nourrir

ma réflexion et voir s’il y avait d’autres dimensions que je n’avais pas prises en compte dans mon

analyse.

La troisième démarche a été de créer un tableau comparatif71 de différents programmes

accélérateurs reconnus. J’ai ainsi comparé six programmes d’accélérateurs, trois français les plus

réputés en France qui sont Le Camping, 50 partners et Numa, et deux américains Y Combinator

et Tech Stars, les plus reconnus dans le monde avec celui de Orange Fab. Je les ai comparés par

rapport aux six dimensions suivantes : durée, financier, humain, physique (espace de travail),

organisationnel, gratuité ou non du programme et j’ai rajouté une case « autre » pour les éléments

ne rentrant pas dans les autres dimensions.

70 Questionnaire disponible dans l’annexe 1, p. 2 71 Tableau comparatif disponible dans l’annexe 1, p.13

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32  

2. Orange Fab, un accélérateur

2.1 Orange Fab, mission et fonctionnement

Comme nous avons vu précédemment, l’objectif du groupe Orange vis-à-vis des start-ups est très

ambitieux : investir et/ou travailler avec plus de 500 start-ups d’ici 2020. Aujourd’hui, le réseau

Orange Fab, organisé autour de dix structures réparties sur quatre continents : Afrique, Amérique

du Nord, Europe et en Asie, a recruté dans son programme plus de 150 start-ups. Deux fois par

an, chaque structure d’Orange Fab, sélectionne, en moyenne quatre à sept start-ups. La sélection

de la start-up se fait en fonction de l’intérêt potentiel d’une des unités d’affaires d’Orange dans la

start-up. L’équipe de l’accélérateur, va ensuite vérifier l’intérêt de la start-up auprès d’autres grands

groupes présents dans Fab Force. Julie Leclercq d’Orange, en charge des partenariats entre les

unités d’affaires et les start-ups, nous explique cette phase de recrutement : « En fait, on essaie

d’équilibrer le tout car le but est quand même d’apporter de nouvelles technologies pour Orange

car on travaille chez Orange mais parfois c’est déjà arrivé qu’on prenne des start-ups qui n’avaient

pas forcément de tractions chez Orange mais il y en avait chez les partenaires » 72, Orange Fab va

notamment sélectionner des start-ups dans les domaines de prédilection du groupe c’est à dire en

lien avec leur stratégie d’entreprise. Nous avons vu précédemment dans le plan Essentials 2020 que

le groupe Orange souhaite diversifier ses actifs en se dirigeant vers des secteurs comme les objets

connectés, les services financiers, la cyber-défense, le SAS73et le cloud74, l’analyse de data et tout ce

qui tourne autour des outils de travail des salariés, c’est à dire tout ce qui est en lien avec les

ressources humaines et le recrutement, ainsi que tous les produits financiers ou non en lien avec

l’Afrique.

George Nahon, CEO d’Orange Silicon Valley et d’Orange Institute, explique à travers le schéma

des « 3 Ns » de quelle façon ils classifient les starts-ups. Il catégorise ainsi les start-ups en 3 groupes :

le « Now », le « New » et le « Next ». Le « Now », « maintenant » en anglais, et le « Next », « après »,

correspondent à des investissements en synergie avec le cœur de l’activité de l’entreprise. Le « Now »

implique d’investir dans des produits, services, expertises qui vont permettre d’améliorer l’efficacité

72 Annexe 4, entretien n.5, p.15 73 Acronyme pour « Software as an Service » c’est à dire « le logiciel en tant que service, est un modèle d'exploitation commerciale des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur » d’après la définition de wikipédia 74 Définition du Cloud : « Le cloud computing, ou l'informatique en nuage ou nuagique ou encore l'infonuagique, est l'exploitation de la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l'intermédiaire d'un réseau, généralement internet » d’après la définition de Wikipédia

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33  

et l’opérationnel de leur entreprise. Le « New » c’est ce que les entreprises utiliseraient si c’était

disponible maintenant, ce qu’elles veulent et ce qu’elles vont aller se procurer via des start-ups ayant

déjà travaillé sur ces produits. Alors que le « Next » prépare l’entreprise à aller vers de nouveaux

domaines. Le « Next » ne consiste pas à investir dans de nouveaux produits mais plutôt vers des

plateformes digitales qui permettront de créer de nouveaux types d’économie et de nouvelles

transactions entre le consommateur et le fournisseur.

Le programme d’Orange Fab a été inspiré par celui de « Y Combinator » comme Pascale Diaine

l’explique dans son entretien. La durée du programme dure trois mois au cours desquels les start-

ups vont bénéficier d’accompagnements aussi bien physiques (des bureaux de partage sont mis à

leur disposition) qu’immatériels qui consistent en un accompagnement personnel et en groupe par

des experts internes du groupe Orange mais aussi externes. Au total, vingt deux évènements avec

deux sessions de mentoring75par semaine.

L’objectif affiché sur le site internet d’Orange Fab est de signer au moins un « partenariat

commercial entre « business units »76 et start-ups » sans qu’elle devienne uniquement un fournisseur

d’Orange. L’ambition de Pascale Diaine va plus loin, elle souhaite miser sur des « unicorns »77. « L’idée

est de miser sur des startups qui vont exister d’elles-mêmes, elles n’ont pas besoin d’Orange pour

exister et ça c’est très très important »78. Leur ambition, est donc non seulement que la start-up

signe un partenariat avec Orange, mais qu’elle en signe avec d’autres groupes dont l’intérêt est aussi

que la start-up puisse s’envoler et qu’elle devienne la prochaine « unicorn » auprès de qui Orange va

investir. C’est le système de la note convertible. Orange Fab va proposer 20 000$ aux start-ups (qui

ne sont pas obligées de les accepter) afin de permettre à Orange de récupérer des parts dans la

start-up une fois que celle-ci aura levée des fonds.

Julie Leclercq nous explique que les collaborations entre Orange et les start-ups, s’établissent soit

par des contrats commerciaux classiques entre client et fournisseur, surtout pour les contrats de

distribution et pour les objets connectés, soit Orange met en place des programmes-pilotes pour

tester un nouveau produit ou services voués à être utilisé en interne ou en externe.

75 Traduction : d’accompagnement 76 Traduction : unités d’affaires 77 Traduction : licorne c’est à dire « est une start-up principalement de la Silicon Valley, valorisée à plus d’un milliard de dollars. » d’après la définition de Wikipédia 78 Annexe 4, entretien n.2, p. 8

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34  

On retient ainsi trois objectifs : le premier est que la start-up devienne un fournisseur d’Orange en

signant un ou plusieurs partenariats avec des unités d’affaires d’Orange, mais aussi de trouver

d’autres potentiels partenariats grâce à leur réseau de Fab Force et enfin trouver le prochain

« unicorn » dans lequel ils pourront investir.

2.2 Analyse des différentes études

La finalité de cette partie est d’analyser si Orange Fab répond aux critères d’un accélérateur et si les

objectifs prédéfinis par Orange Fab sont atteints.

Nous allons d’abord nous pencher, sur le tableau comparatif79 des programmes d’accélérateurs pour

définir les points de convergences et de divergences.

Voici le tableau :

Les points de convergences identifiés :

• Période d’accélération : 50% des accélérateurs se déroulent sur une période de 3 mois.

• Prise de participation dans la start-up : 67% des accélérateurs prennent une part de

participation dans les start-ups

79 Tableau disponible aussi dans l’annexe 1, p.13

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35  

• 100% des accélérateurs organisent un « Démo-day »

• 100% des accélérateurs organisent des sessions d’accompagnements par des experts en

alternant des sessions individuelles et collectifs

• 100% des accélérateurs offrent un hébergement à leur start-up

Les points de divergences identifiés :

• 14% des accélérateurs font une dotation d’argent à la place d’une prise de participation

financière

• 14% des accélérateurs sont gratuits

• 14% des accélérateurs offrent des partenariats commerciaux à leur start-up directement en

lien avec la structure

Pour la catégorie « organisationnelle » les accélérateurs ne fournissant pas toujours les détails, il est

impossible d’établir une comparaison. On peut déduire, suite aux résultats, que la structure des

programmes des accélérateurs sont très similaires et proposent les mêmes services aux start-ups

accélérées. On peut tout de même relever quelques différences : Orange Fab est le seul accélérateur

à ne pas prendre de participation obligatoire au début du programme et il est le seul à offrir des

contrats commerciaux en lien direct avec la structure de l’organisateur.

Ainsi, on peut conclure qu’Orange Fab reprend la même organisation que les autres accélérateurs,

il suit le même programme, à la différence que l’objectif n’est pas forcément celui de la levée de

fonds à la fin du programme mais plutôt de signer un ou plusieurs contrats commerciaux avec la

structure d’Orange. Par ailleurs, pour soutenir cette affirmation, j’ai pu me rendre à une journée de

« Demo-Day » d’Orange Fab US et les personnes présentes n’étaient pas des investisseurs mais des

managers d’autres entreprises venus identifier s’il était possible de conclure des potentiels accords

avec les start-ups.

Ce que l’on retient c’est qu’Orange Fab, par sa structure et ses services offerts, est un accélérateur.

Maintenant, il semble pertinent de comprendre si l’accélérateur répond à ses promesses.

Pour cela, nous avons interrogé les start-ups accélérées chez Orange Fab sur dix questions (vu

précédemment), voici les réponses de notre étude :

• 80% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec au moins une

unité d’affaires d’Orange ;

• 20% des start-ups ont répondu avoir signé des accords commerciaux avec des partenaires

d’Orange grâce à Orange Fab ;

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36  

• 0% des start-ups ont levé des fonds grâce à Orange Fab ;

• 20% des start-ups ont recruté grâce à Orange Fab ;

• 60% des start-ups ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab très satisfaisant

et 20% ont jugé la qualité de l’accompagnement d’Orange Fab satisfaisant ;

• 80% des start-ups conseilleraient de postuler au programme d’accélérateur d’Orange Fab ;

• 80% des start-ups estiment qu’Orange Fab a été un vrai accélérateur pour leur business ;

• 65% des start-ups estiment qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur

d’activité.

Suite à ces résultats, on peut dire que la mission principale d’Orange Fab qui était de signer avec

au moins un partenariat commercial avec les start-ups a été dument rempli. Par contre, les

deuxièmes et troisièmes missions identifiées, qui étaient celles de signer des accords commerciaux

avec d’autres partenaires, n’a pas été atteint. De même que la levée de fonds. En revanche, la

dimension « humain & éducationnel » a rempli ses fonctions. De façon globale, les start-ups ont

été très satisfaites des prestations d’Orange Fab, non seulement la qualité était au rendez-vous mais

elle leur a apporté la crédibilité dans leur secteur d’activité.

2.3 Conclusion

Peut-on dire qu’Orange Fab est un accélérateur à proprement parler ? D’après les conclusions que

nous venons d’exposer, on peut dire que par la forme il s’agit d’un accélérateur mais par ses moyens,

il diverge. Maintenant, si on estime qu’une des finalités d’un accélérateur est de mettre les start-ups

sur une entrée financière, que ce soit par des partenariats commerciaux ou par une levée de fonds,

l’objectif est atteint. On pourrait affirmer que l’accélérateur d’entreprise, par l’exemple d’Orange

Fab, est une forme hybride d’accélérateur qui, à la différence d’un accélérateur privé ou public, ne

va pas se rémunérer sur une prise de capital mais plutôt en signant des partenariats commerciaux.

Quant aux deux autres finalités que nous avions définies : « humain et éducationnel » ainsi que

« crédibilité et légitimité » que l’accélérateur devait apporter à la start-up, on peut dire que c’est

mission accomplie. Des verbatims récoltés sur notre étude quantitative corroborent cette

constations : « Réseau, visibilité, crédibilité » sont les 3 noms qui reviennent le plus souvent, ainsi

que 65% des start-ups ont répondu qu’Orange Fab leur a apporté de la crédibilité dans leur secteur

d'activité.

Mais la particularité de l’accélérateur d’entreprise, comme nous l’avions évoqué plus haut, a la

spécificité qu’il doit répondre à un double objectif : celui d’accompagner les start-ups mais aussi de

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37  

faire pénétrer l’innovation emmenant des start-ups dans l’entreprise. Notre première hypothèse

reposait justement sur ce point : un accélérateur d’entreprise sert-il à puiser de l’innovation pour

les entreprises ?

Ce que l’on retient à travers l’exemple d’Orange Fab, c’est que l’accélérateur d’entreprise permet

de sélectionner en amont les start-ups potentiellement intéressantes pour la stratégie du groupe, et

ceci parmi un vivier de start-ups. Après cette sélection, elle va pouvoir mettre en place tout un

processus pour faire mûrir ces start-ups et les mettre en relation avec les unités d’affaires. La

fonction principale de l’accélérateur est donc la mise en relation entre start-ups et entreprise, sans

cela, il semble presque impossible pour une start-up de rentrer en contact avec le bon interlocuteur.

Encore une fois, les verbatims récoltés dans notre étude quantitative à la question appui notre

argumentation. A la question « que vous-a-t-il apporté d’autres ? » les enquêtés ont répondu :

« signer un contrat cadre avec Orange, ce qui est le meilleur résultat possible pour un accélérateur »,

« contacts avec la bonne « business unit « (chose très difficile sans le soutien de l'Orange Fab), revenus

(nous avons généré du CA via des projets menés avec Orange) ». A la question : « qu’est-ce

qu’Orange Fab vous a permis de réaliser que vous n'auriez pas pu faire sans intégrer ce programme

? » trois commentaires reviennent : « Signer Orange », « être mis en relation avec une « business unit »

! », « partenariats commerciaux en France et à l’international ». Finalement l’accélérateur Orange

fait penser à une façon sélective de recruter de nouveaux fournisseurs, à la différence que

l’entreprise va pouvoir former et inculquer quelques valeurs et normes d’Orange sans non plus les

intégrer au processus décisionnel plus lent du groupe. La différence se trouve notamment dans la

façon de recruter une start-up au programme. Un incubateur non rattaché à une entreprise va juger

la start-up sur son modèle économique, sur sa capacité à avoir une croissance plus ou moins

exponentielle et sur sa valeur financière puisque c’est sur ce dernier que l’accélérateur va se

rémunérer. Alors que l’incubateur d’entreprise va lui recruter la start-up en fonction de l’intérêt que

la start-up représente pour une unité d’affaires d’Orange. Si elle répond à la stratégie du groupe

alors elle est intéressante, sinon, non.

On peut donc affirmer qu’il y a des contrats signés et donc des synergies entre les start-ups et

l’entreprise, cependant il est difficile pour nous d’estimer si toutes ces initiatives sont innovantes,

on peut affirmer toutefois qu’il y a une vraie volonté d’incorporer les solutions des start-ups dans

le giron de l’entreprise.

Maintenant, en quoi ce processus de mise en relation entre deux partenaires demande-il autant de

rhétorique et de mise en scène ? A commencer par la dénomination « Orange Fab », des « saisons »,

Page 38: Impression 1

38  

tout un univers est créé, et nous allons justement nous pencher sur cette rhétorique pour en

comprendre l’intention.

Page 39: Impression 1

39  

II. LE RECIT DE LA MARQUE

A. ANALYSE DU DISCOURS D’ORANGE

D’après Jean-Marie Floch, la marque « ne sera pas définie comme un « territoire » ou comme un

« fond » , termes qui suggèrent que la marque n’est finalement qu’une collection de sens ou de

valeurs, mais comme une machine à produire du sens, une puissance capable d’informer un univers,

de le plier d’une certaine façon »80. Andrea Semprini spécifie que la marque affiche sa vraie

spécificité qui est celle « d’être une instance sémiotique, une manière de segmenter et d’attribuer

du sens d’une façon ordonnée, structurée et volontaire »81. Capacité pour une marque à produire

du sens, instance sémiotique, c’est ce que nous allons étudier dans cette deuxième partie.

Cette partie vise à répondre à nos deux hypothèses qui, pour mémoire, sont les suivantes : les

entreprises viennent chercher de la légitimité auprès des start-ups pour réactualiser leur rhétorique

de l’innovation en prenant appui sur des acteurs plus contemporains. Et « les entreprises vont

s’offrir une « cure de jouvence »82 auprès des jeunes start-ups dans le but de s’ancrer dans l’avenir ».

Pour ce faire, nous allons analyser la rhétorique de la marque à travers l’analyse de nos analyses

pour en tirer les principales thématiques.

1. Méthodologie et analyse

1.1 Méthodologie

Compte-tenu du corpus et de la thématique, nous avons procédé en trois étapes : analyse du site

internet de Orange Fab et de son logo, analyse du contenu des communiqués de presse d’Orange

Fab et de nos entretiens et, enfin, analyse de contenu, plastique et scénique de deux vidéos

produites par Orange Fab.

Analyse du site internet :

Selon les préceptes de la sémiologie, nous avons créé un corpus composé de quatre incubateurs

(au sens anglo-saxon du terme). Deux incubateurs sont, au même titre que Orange Fab, des

80 Jean-Paul PETITIMBERT « Territoire(s) de marque », actes sémiotiques (en ligne) 2014, n° 117 81 Semprini Andrea, « Le Marketing de la marque », éditions Liaisons, p.27 82 Expression empruntée à Sandrine Cassini dans son article « Les usines à start-ups, cure de jouvence des grands groupes », 19 Juillet 2015, Les Échos.fr

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40  

incubateurs d’entreprise dont un a la spécificité d’être un incubateur regroupant plusieurs

entreprises. C’est « Welcome City Lab » spécialisé dans le tourisme, regroupe les principaux acteurs

privés lié à ce secteur d’activité, les membres fondateurs sont : l’Aéroports de Paris, Air France,

Amadeus, Carlson Wagonlit Travel, Galeries Lafayette, RATP, Skyboard, Sodexo, Prestige, et

Viparis. Le deuxième incubateur sélectionné est « Look Forward », l’incubateur de Showroom privé

qui a pour mission de « bousculer la façon de distribuer, consommer et produire la mode »83. Le

dernier incubateur est le Numa, anciennement connu sous le nom de « Silicon Sentier ». C’est un

« réseau mondial de l'innovation qui accompagne startups, entreprises, et communautés, dans leur

développement »84. Après une analyse des strates plastiques, scéniques, iconiques, nous avons

identifié les points de convergence et de divergence et relevé les champs sémantiques. Nous avons

fini par une analyse comparative entre les logos d’Orange et d’Orange Fab.

Analyse de contenu des dossiers de presse et entretiens :

Les entretiens et les dossiers de presses se sont articulés autour d’une analyse de contenu, méthode

de description objective systématique utilisée en matière de communication. Afin de cheminer sur

la seconde hypothèse, une unité d’analyse thématique a été définie. La méthodologie pour les

entretiens a été détaillée en première partie.

Analyse de vidéos :

Deux vidéos ont été décomposées à travers l’étude de quatre strates : scéniques et plastiques,

iconiques et linguistique. La première vidéo, produite par Orange Fab, présente la start-up

« Beawarn » de la saison deux. La deuxième vidéo : « Joyn Hackathon » a été sélectionnée sur la

chaine TV d’Orange Innovation. Il était intéressant d’étudier le contenu utilisé en dehors d’Orange

Fab mais toujours dans le périmètre d’Orange Innovation pour comprendre s’il y avait des

différences sémantiques à relever.

1.2 Les thèmes recueillis

Les données produites à l’issue de ces trois études, sont de deux ordres, verbal et iconique. Il

s’agissait de réaliser une analyse thématique permettant une synthèse mettant à jour les invariants

et les spécificités des représentations.

83 http://www.lookforwardproject.com/#home 84 https://paris.numa.co/startups/

Page 41: Impression 1

41  

Cinq thèmes principaux ont été relevés :

• Thème lié au changement, à la transformation : un thème qui se retrouve tout au long de notre

sujet d’analyse, quatre groupes de verbatims principaux :

THÈME DU CHANGEMENT, DE LA TRANSFORMATION

Verbatims de la nouveauté,

de la découverte

Verbatims du

bouleversement, de la rupture

Verbatims de l’avenir, du

futur

« nouveaux concepts »,

« nouvelles idées »/ « notion qui

a été détectée par George et

l’Institut deux ans avant que ça

devienne mainstream »/ « c’est

grâce à nous qu’il a découvert le

concept de Big Data »/ “nos

suppliers ne sont plus capables de

suivre »/ « des signaux faibles

qu’on a réussi à identifier plus

rapidement »/ « identifié très

vite »/ « on a vu se transformer »

/ « nouveau dynamisme

économique au niveau

international » / « le but est

quand même d’apporter de

nouvelles technologies pour

Orange »

« bouleversement »

/« transformations rapides »/

« afin d’anticiper les ruptures

technologiques, dont la

fréquence tend à augmenter »/

« rapidement »/ « Orange est au

cœur de cette problématique du

changement/ « d’un marche en

constante mutation.»

« afin d’anticiper les ruptures

technologiques, dont la

fréquence tend à augmenter » /

« anticipation du groupe sur les

services d’avenir »/ « préparer le

terrain par le futur »/ « on ne les

voit pas arriver »/ « le Next »/

« maximiser votre temps »/

utilisation du futur/

Un thème mis sous tension par une temporalité très présente : « rapidement » revient régulièrement,

« très vite », « accélérateur », « on ne reste pas sur un truc qui ne marche pas » / « plus de trois mois

c’est trop long »/ « elles ont tendance à s’endormir », « on brûle leur temps »/ « engagement

rapidement »/ « on ne les voit pas arriver ».

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42  

• Thème de l’innovation et de la révolution numérique :

THÈME DE L’INNOVATION, DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

« transformations numériques » / « mutations du monde numérique» / « afin d’anticiper les

ruptures technologiques »/ « révolutionner le marché dans lequel elles évoluent »/« Travail de

veille dans les nouvelles technologies »/ « accélérateur d’innovation »/ « open innovation »/

« écosystèmes »/ « opportunité d’innovation »/ « Orange en est membre fondateur et partenaire

industriel (du « Numa, le grand lieu de l’innovation et du numérique à Paris » / « à travers ce

partenariat (avec Futur en Seine), Orange s’inscrit plus que jamais dans une démarche d’acteur

majeur de l’innovation numérique »

Strate iconique : dans les vidéos analysées ainsi que les sigles que l’on retrouve dans leur site internet

ainsi que sur leur brochure sont empruntées au monde numérique

• Thème de l’accompagnement :

THÈME DE L’ACCOMPAGNEMENT

« aider les start-ups »/ « apporter des conseils et du soutien »/ « bénéficiez d’un environnement

exceptionnel »/ « nous vous accompagnerons »/ « notre objectif est de vous fournir toute

l’attention dont votre start-up aurait besoin pour réussir »/ « mentors »/ « vous avez besoin de

soutien opérationnel »/ « bénéficier d’un accès privilégié aux canaux de distribution, aux

marchés, à l’expertise des équipes et de la présence mondiale d’Orange »/ « opportunités »/ Nos

intervenants auront à cœur de vous organiser/ « répondre à vos besoins », « plus brillants experts

et mentors », « échange exceptionnel avec nos experts »/ « un retour des cadres supérieurs

d’Orange »/ « nombreux VIP européens »/»portrait de mentor »/« offre 3 mois de soutien pour

leur (start-ups) permettre de développer leurs produits et leurs activité »/ « reçoivent également

de précieux conseils de la part d’innovateurs et d’experts d’Orange »/ « elles peuvent profiter »/

« les start-ups sélectionnées pour Orange Fab »/ «aider ces jeunes entreprises à passer au niveau

supérieur »/ « depuis leur démarrage jusqu’à ce qu’elles atteignent un niveau de maturité et de

rentabilité satisfaisant pour être autonomes et pérennes»/ « les start-ups issues de l’essaimage

technologique d’Orange »/ « pour aider les startups ambitieuses à transformer une vision initiale

en réussite économique»/ « mentoring précieux » / Nous considérons que c’est notre rôle de

soutenir la croissance des start-ups a l’international, dans une relation gagnant-gagnant », déclare

Mari-Noelle Jego-Laveissiere, Directrice executive Innovation, Marketing et Technologies

d’Orange.

Page 43: Impression 1

43  

• Thème de la communauté, de la création d’un écosystème et de la coopération « gagnant-

gagnant » :

THÈME DE LA COMMUNAUTÉ, D’UN ÉCOSYSTME ET DE LA COOPÉRATION

Verbatim autour de la communauté Verbatim autour de la coopération

« Ecosystème »/ « famille »/ « écosystème de

start-ups »/ « nous avons invité les acteurs de

l’écosystème (entrepreneurs, investisseurs,

presse, média…) »/ « réseau international »/

« L’écosystème Orange s’ouvre à vous »

relation gagnant-gagnant»/ « l’innovation

coopérative »/ « collaboration avec les start-

ups seront bénéfiques pour elles comme pour

le groupe »/ « partage »/ « projets

coopératifs »/ « Orange partage et exploite sa

propriété intellectuelle/ « co-créer avec les

start-ups »

• Thèmes liés à une posture de leader/ précurseur ou se rajoute deux autres dimensions, celles

de créateur d’histoire et de responsabilité sociétale

THÈME DE LEADER

Verbatims du « Leader » Verbatims de la

responsabilité sociétale

Verbatims « créateur

d’histoire »

« Orange est fier de faire avancer

la connaissance des nouveaux

mondes numériques »/ « fait

avancer l’innovation »/

« apporter aux jeunes entreprises

la puissance d’Orange »/

« devenir le premier opérateur de

l’ère internet »/ « soutien aux

start-ups »/ « encourageant la

créativité de ses partenaires »/

« engagement pour favoriser le

développement économique et la

créations d’emplois » / « Orange

est un acteur majeur des

programmes de recherche »/

« Partout où le Groupe opère, il

cherche à faire progresser les

économies locales et à favoriser

l’émergence de nouveaux

modèles de création de valeur

partagée »/ « responsabilité

sociétale »/ « Orange souhaite

que ses technologies, ressources

et compétences soient au service

du développement de tous et

chacun »/ « contribuer au

développement et à

l’amélioration des conditions de

vie des populations » / « le

lancement en Espagne de

« le partenariat de distribution

conclu en parallèle avec Deezer a

permis à celui-ci de multiplier le

nombre de ses abonnés payants,

qui s’élevait à 6 millions à fin

2014.» / « Orange a accompagné

Dailymotion vers la

consolidation de son statut de

plateforme vidéo majeure dans le

monde et de premier site

européen – toutes catégories

confondues - au monde selon

comScore. » / « exemple de

success story: Lookout avec qui

Orange a noué un partenariat en

Page 44: Impression 1

44  

« être acteur du développement

de plus de 1000 start-ups et PME

numériques »/ « Orange Institute

facilite des conversations entre

leaders d’opinion, entrepreneurs,

investisseurs, chercheurs et

visionnaires de tous horizons/

« chaque invention décrite dans

les brevets d’Orange est elle-

même une opportunité

d’innovation conjointe avec ses

partenaires pour créer de

nouvelles inventions»/ «Orange

Fab, l’accélérateur international

de start-ups d’Orange »/ « les

start-ups jouent un rôle

déterminant dans le

développement social et

économique des pays

émergents »/ « acteur majeur des

initiatives d’open innovation à

travers NUMA à Paris »/

« Orange Partner est le point

d’entrée pour construire des

partenariats avec l’écosystème

dans un esprit d’ouverture et

encourageant l’innovation chez

et hors d’Orange »/ « Le Groupe

s’est ainsi engagé à stimuler

l’innovation pour l’ensemble de

ses fournisseurs, et à aider les

PME à concrétiser leurs projets

d’innovation et contribuer de

manière décisive à leur

développement futur »/

« Stéphane Richard a signé, aux

côtés d’autres grandes

entreprises à participation d’Etat

l’accélérateur de startups «

Orange Fab » en présence des

Secrétaires d’Etat espagnols des

Télécommunications et de la

Société d’Information, D. Victor

Calvo-Sotelo, et du Commerce,

D. Jaime Garcia-Legaz, et du

Ministre franc ais de l’Economie,

Emmanuel Macron.» / Le

Directeur général d’Orange

Espagne, Jean-Marc Vignolles, a

salué le soutien des Secrétaires

d’Etat, en déclarant : « Nous

espérons que le programme «

Orange Fab » puisse se

développer et s’étendre a tout le

territoire espagnol avec le soutien

et la collaboration des

Gouvernements autonomes et

municipaux. L’économie

espagnole amorce un

redressement et Orange, qui

soutient la croissance

économique espagnole depuis

plus de quinze ans, souhaite

poursuivre et tenir ses

engagements. » / « Orange

participe, en tant que membre

fondateur, au « Startup Europe

Partnership » et au « European

Digital Forum » pour stimuler

l'innovation et la croissance

économique en Europe »

décembre 2012, investissant ainsi

dans le futur de la sécurité mobile

et dans l’une des sociétés leaders

les plus innovantes (…)/

« Orange Fab San Francisco a

permis a 22 entreprises d’achever

le programme avec succès. C’est

le cas par exemple de TrackR, le

fabricant de jetons connectés a

accrocher aux objets facilement

perdus ou oublies, qui a vendu

plus de 350 000 unités. Fiverun,

la plateforme logicielle pour

grands magasins et détaillants

permettant d’optimiser

l’expérience d’achat en magasin,

est désormais disponible dans 11

pays. 2600Hz, le développeur de

solutions de communication

logicielles, a ouvert son service a

l’international. Enfin, Fenix

International a livre plus de 25

000 exemplaires de sa batterie

rechargeable par énergie solaire

et vient d’annoncer avoir leve

$12,6 millions. »/ « Tonje

Bakang, PDG d’Afrostream a

de clare : « L’avenir de la

te le vision passe par le mobile.

Gra ce a cet investissement

strate gique d’Orange,

Afrostream re unit de sormais le

meilleur de l'internet mobile et le

meilleur du contenu afro. Cette

alliance inédite nous permettra

de révolutionner l'industrie du

Page 45: Impression 1

45  

français, une charte « PME

innovantes » afin de promouvoir

l’achat innovant et exemplaire en

faveur des PME »/ « Orange

accompagne La Ruche dans son

ambition de développement »/

« Les (start-ups) faire avancer

avec nous et leur ouvrir les portes

du marché mondial grâce à notre

empreinte globale. » - Nathalie

Boulanger/ « Nous sommes fiers

de pouvoir nous associer à

Orange Fab, un leader du monde

des nouvelles technologies. C’est

un moyen pour nous d’identifier

des startups innovantes qui nous

permettront d’améliorer

l’expérience que nous offrons à

nos clients. L’accès à ces startups

nous permet aussi d’anticiper les

besoins de notre clientèle,

notamment dans le domaine

digital. » Rich Di Stefano,

Directeur de produits web et

mobiles chez Hilton

Worldwide. »

divertissement et de viser tous les

publics. »

Page 46: Impression 1

46  

2. Du bâtisseur au chef d’orchestre de l’innovation

2.1 L’innovation : au cœur de l’identité de marque

La marque est une instance sémiotique, elle se rendra visible par son identité, et par ce qu’elle

transmettra aux consommateurs à travers ses discours et sa mise en récit85. Andrea Semprini, base

sa réflexion sur la sémiotique greimassienne qui « postule que le sens se produit par génération et

par narration »86. Un noyau élémentaire, que Semprini appelle le niveau axiologique, constitue le

fondement de la marque ou l’on retrouve les valeurs de base comme l’innovation pour Orange.

Ces valeurs ne vont acquérir de réalité qu’en remontant à la surface par ses « mises en scènes » où

elles vont dans un premier temps s’organiser sous forme de récits, c’est le « niveau narratif ». Elles

vont donner aux valeurs de la marque « une forme racontable, donc explicite » et vont ensuite venir

s’inscrire dans l’environnement socioculturel en s’appuyant sur les figures contemporaines. C’est le

« niveau discursif » ou le « héros trouvera un visage, un physique, une profession, un contexte

d’action (…) tous les éléments de contextualisation qui permettront de l’identifier et de le

différencier. C’est à ce niveau là où se situent certaines « icones » de l’identité de marque qui vont

immédiatement immerger le consommateur dans l’univers de marque.

L’innovation d’Orange est au cœur de la marque afin de lui conférer une dimension plus

scientifique. Et, si pour la marque c’est une valeur intrinsèque, elle doit la faire vivre et l’inscrire

dans son époque en s’appuyant sur des référents plus contemporains. Son objectif est de s’assurer

au fil des années de sa légitimité de pouvoir en parler, et d’agir en son nom.

Lorsque l’on sillonne le site internet d’Orange et que l’on se rend sur l’onglet « histoire », on est

surpris par le nombre de dates inscrites sur la page et par la plus ancienne : « 1794 ». On regarde

ensuite l’inscription en-dessous de cette date et l’on y voit : « premier message télégraphique

transmis sur la ligne Lille-Paris : naissance de la télégraphie optique de Chappe ». Et la première

question qui nous vient à l’esprit, est : Orange serait-elle à l’origine de cette invention ? La date

suivante inscrite : « 1837 : naissance de la télégraphie électrique ». On se rend compte que le reste

de la page suit la même structure avec les plus grandes inventions du secteur des

télécommunications. Il est difficile de discerner ce qui relève de l’invention et de l’innovation, et

surtout de ce qui relève des innovations créées par Orange ou par un inventeur. Tout est mis sur

le même plan, comme pour signifier que toutes ces découvertes ont été le produit d’Orange. Ainsi,

85 Semprini Andrea, « Le marketing de la marque » édition Liaisons, p. 23 86 Ibid., p. 54

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47  

Orange se positionne comme le plus grand innovateur de l’histoire de la télécommunication. De

fait, on ne peut assurer qu’Orange n’a rien à voir avec les inventions citées, c’est avec certitude que

l’on peut dire que son identité de marque est intimement liée à celle des innovations. C’est en

revenant un instant aux racines d’Orange que l’on comprend d’où lui vient cette autorité.

Anciennement France Télécoms, l’établissement initialement de droit public est issu directement

de la Direction générale des télécommunications, est alors une administration qui a pour mission

de démultiplier la politique industrielle de l’Etat87. Le groupe et l’Etat se confondaient et étaient

intimement lié à la modernisation des systèmes des télécommunications. C’est lors de l’après-guerre

ou les grandes entreprises ont trouvé leur raison d’être dans leur capacité à intégrer et contrôler les

activités de R&D, comme nous l’avons vu en première partie. Mais avec la « démocratisation de

l’innovation » il y a eu un glissement de terrain des acteurs détenteurs de l’innovation dans la mesure

où elle n’était plus dans les seules mains des grandes structures. Orange est venu rechercher ainsi

de la légitimité auprès d’autres acteurs et embrasser leurs langages, leurs codes pour s’approprier

leurs imaginaires. Orange est passé d’une posture d’innovateur à activateur de l’innovation.

2.2 Appropriation des codes du numérique et des start-ups

Orange a donc ainsi contextualisé et actualisé son récit autour de l’innovation en s’emparant des

langages d’autres structures identifiées comme légitimes dans le secteur de l’innovation. Cette

logique de sémantisation, Benoit Heilbrunn la qualifie d’un « imaginaire permettant

de scénariser » les biens marchands « afin de les rendre désirables et donc consommables »88.

Nous avons mis en relief deux actions : la première, Orange a adopté les signes et comportements

des start-ups et d’une façon plus large du « monde high tech »89 ; la deuxième, Orange a constitué un

écosystème, un réseau mettant en lien ce monde-là avec les grands comptes d’Orange.

Signes et comportement du « monde high tech » :

Un champ sémantique très tourné autour de l’innovation qui emprunte les verbatims « high tech »

que nous avons déjà relevé dans la thématique de « l’innovation et la révolution numérique » et que

nous allons détailler dans ce paragraphe.

C’est en commençant par le nom et l’accélérateur de son logo : Orange Fab, qu’Orange marque

son appartenance à cet environnement. La signification de « Fab » est mentionnée sur le site

internet, il est l’acronyme anglo-saxon pour « microchip fabrication plant », une terminologie qui semble

87 Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/France_T%C3%A9l%C3%A9com 88 Heilbrunn Benoît, « Les marques, entre valeur d'image et valeur d'usage », L'Expansion Management Review 2/2010 (N° 137), p. 72-78 89 Traduction : technologies de pointe

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48  

avoir été inventée. « Microchip » désigne la « puce électronique » et « fabrication plant » est une autre

façon pour dire « manufacturing plant » qui désigne une « unité de fabrication » spécialisée dans les

produits de pointe. « Fab », dénomme ainsi le lieu de création, fabrication de puces électroniques

de pointes. Mais fait aussi référence à une terminologie aujourd’hui très employée dans le domaine

des « makers » 90, ce sont les « Fab Lab », une contraction en anglais pour « Fabrication Laboratory ».

Plus qu’une simple notion, il invoque tout un mouvement et un état d’esprit, il est « est un lieu

ouvert au public où sont mis à sa disposition toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils

pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets »91. Leurs réputations, leurs

vient de l’ouverture au sens propre comme au sens figuré qui principalement est un espace de

rencontre et de création collective ou les outils mise à disposition permettent de passer de la phase

de concept à la phase de prototypage ainsi qu’à celle de son déploiement, rapidement en stimulant

l’intelligence collective. On retient donc pour la terminologie de « Fab » l’idée de fabrication,

d’ouverture, de création collective et enfin de technologies de pointes. Dernière signification

mentionnée sur le site, « Fab pour Fabuleux dès que vous y participez ». Les anglo-saxons et

notamment les américains utilisent très régulièrement ce diminutif de « Fab » pour « Fabulous »92 et

permet d’ancrer aussi Fab Orange dans une dimension internationale, et encore plus américaine,

haut lieu de réputation pour les nouvelles idées et les technologies grâce à la « Silicon Valley ». Lieu

d’ailleurs où Orange Fab est né. La Silicon Valley, représente le cœur de l’innovation et plus

particulièrement les pôles des industries de pointe. Berceau des « licornes » comme AirBnb, Uber,

Snapchat, Pinterest comme nous avons vu en première partie.

La nomination des différentes périodes d’accélérations appelées « Saisons » n’est pas propre à

Orange Fab puisque le Numa adopte lui aussi cette même déclinaison. En comparant avec les plus

grands accélérateurs, il en résulte que « Y Combinator » utilise le terme de « cycle » référence

beaucoup plus économiste et que « Technstars » n’a pas de terminologie précise. « Saisons », en

plus de se référer aux quatre saisons de l’année, fait un clin d’œil à l’univers des séries télévisées.

Tout comme le cinéma, est un lieu privilégié de spectacle et de mise en scène.

90 Traduction : faiseurs 91 Définition wikipédia des Fab Lab : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fab_lab 92 Traduction : Fabuleux, magnifique

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49  

• Comparaison du logo institutionnel d’Orange et du logo Orange Fab

Logo Orange

institutionnel

Logo Orange Fab 1 Logo Orange Fab 2

La comparaison du logo institutionnel d’Orange et du logo Orange Fab montre le glissement de

terrain de la relation d’Orange vers l’innovation. Le logo institutionnel est enfermé dans un carré

de couleur orange où le logo « Orange » se situe en bas, tout comme une signature. La couleur

orange symbolise l’innovation et le groupe en est le créateur mais aussi récolte toute l’innovation

créée. Le logo Orange Fab numéro deux, se libère de son conformisme et du côté conventionnel

du Groupe. Disparition du carré qui enferme « Orange », on enlève les frontières, le monde

extérieur est vu comme bienveillant et il vient nourrir Orange. La couleur orange ne vient plus

uniquement de l’intérieur du carré et donc de l’intérieur du groupe mais peut venir de tout horizon.

La typographie évolue vers une typographie moins parfaite et stricte, et la couleur est hachurée, il

y a une dimension « brouillon », pas fini. Ceci, souligne une ouverture à une certaine prise de risque,

qu’Orange n’est jamais totalement établie, définie, mais est toujours en construction, en

version « béta » pour reprendre la terminologie des start-ups. Toutefois, une prise de risque limitée

: toujours sous le joug du groupe, la couleur orange reste prédominante même si elle est plus

hachée, le nom « Orange » est toujours là (contrairement à l’incubateur de Showroom privé qui

s’appelle « Look Forward ») et la typographie, même si elle évolue, reste la même. Orange Fab à

une image tournée vers les autres, s’inspire des autres mais reste sous le contrôle du groupe. Le site

de Orange Fab est mis sous la même tension, d’un côté il s’empare de code de l’univers des start-

ups avec des couleurs vives, l’utilisation de nombreux sigles numériques symbolisant la mise en

relation, le monde technologique , des personnes jeunes, pleines d’entrain comme la femme

métissée sur la première page du site, habillée de façon « hipster»93. Et de l’autre, un site qui se veut

93 La terminologie du hipster est un terme d’origine anglo-saxon qui désigne originalement les jeunes blancs amateurs de jazz et de bebop qui reproduisaient la vie libérée des musiciens afro-américains (la génération appelée la « Beat generation ») en embrasent leurs codes vestimentaires. Vu globalement comme une « contre-culture », aujourd’hui, le

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50  

très institutionnel, avec le carré d’Orange en haut de la page, la couleur orange dominante et surtout

un onglet « Orange » qui présente le groupe Orange et enfin des personnes en partie habillée en

« code vestimentaire » de bureau (cravates, chemises). On se demande à qui s’adresse ce site ? Aux

start-ups afin qu’ils puissent postuler au programme d’accélérateur ? On est surpris par l’absence

d’un onglet « Postulez ». Lorsqu’on le compare aux autres sites d’accélérateurs, ils ont tous un

endroit bien mis en évidence où l’on peut postuler au programme. C’est la mission principale d’un

site d’accélérateur : permettre aux start-ups de s’inscrire. Mais sur Orange Fab il y a uniquement un

« Contactez-nous » par email, twitter ou par un formulaire sur lequel on peut écrire un message. Il

est licite de se demander si le site d’Orange Fab n’aurait pas plutôt une visée institutionnelle ou de

communication pour les grands comptes du service « Business Services94» d’Orange.

Il est en fait le créateur d’un écosystème et plus particulièrement s’interpose comme l’activateur de

l’innovation, c’est lui l’instance régulateur de cet écosystème, il se place au-dessus.

Créateur d’un écosystème/ d’une communauté pour assurer sa place dans le monde du numérique

Dans les thèmes identifiés dans la partie analyse du corpus, on retrouve tout un champ sémantique

autour de l’écosystème : famille » / « écosystème de start-ups » / « nous avons invité les acteurs de

l’écosystème (entrepreneurs, investisseurs, presse, média…) » / « réseau international »/

« L’écosystème Orange s’ouvre à vous ». On retrouve aussi le registre de la « coopération », du

« partage » qui vient puiser ses sources du mythe construit autour du Web 2.0 avec toute une

panoplie de dénomination autour du collaboratif (« peer-to-peer », économie collaborative...) au sein

de laquelle l’utopie d’une révolution numérique viendrait bouleverser le rapport entre dominant et

dominé. Une révolution portée par des valeurs libertaires et solidaires où chacun serait appelé (ou

tout du moins aurait la possibilité) de contribuer, d’apporter ses propres compétences sans aucune

discrimination, ou l’on passerait de l’individu spectateur à celui d’acteur. On retrouve l’idée d’un

nouveau paradigme celui de l’empowerment95 de l’individu sur la société.

Le groupe Orange utilise ce levier pour donner l’illusion de construire un écosystème porté par ces

valeurs mais en même temps une tension avec son rôle de leader, vient la contrebalancer. Orange

non seulement s’érige comme acteur de l’innovation mais à travers son écosystème, il en devient

référent et même activateur de l’innovation.

« hipster » est devenu un profil marketing très ciblé et désigne un type de personnes souhaitant se différencier de la masse et très connecté, qui se veut à la pointe de la technologie. La femme sur le site orange a une combinaison vestimentaire qui reprend certains codes de « l’hipster » dont notamment la chemise fermée jusqu’au coup et le bonnet à moitié enfilé sur la tête. 94 Orange Business Services est l’entité d’Orange destiné aux entreprises 95 Traduction français : émancipation de l’individu

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51  

2.3 Le chef d’orchestre de l’innovation

« Les marques sont des entités sémiotiques, de signes abritant des réserves de puissance dans la

lutte concurrentielle sur le marché des biens et services. Leur nature est expansive et conquérante,

toujours en recherche de pouvoir pour assurer leur pérennité grâce à la possibilité d’une distinction

positive par rapport à leurs concurrents et grâce à une indispensable visibilité auprès des cibles

choisies »96. Orange, par sa nature de leader dans le marché de la télécommunication est voué à

porter, non seulement le marché par le haut mais aussi à prendre le rôle de chef d’orchestre et de

le diriger. On retrouve aussi bien un champ sémantique en tant que meneur dans notre corpus mais

aussi dans l’organisation de son réseau d’innovation ouverte. Fab Force, on le rappelle, est l’entité

de Orange qui réunit d’autres grands groupes français : Axa, Total, Airbus, Visa, Moët, Fnac, Leroy

Merlin mais aussi non français : Hennessy, Hilton, LG… et le rôle de Fab Force est de faire profiter

aux partenaires de son écosystème d’innovation d’Orange en ouvrant les portes d’Orange Fab.

Ainsi chaque partenaire pourra assister au « Démo-day » et conclure, si affinités, des partenariats de

distribution avec les autres grands groupes. Le groupe Orange organise et apporte l’innovation à

d’autres grands acteurs. Il assoit non seulement son autorité sur l’innovation mais permet

d’accroitre sa communication et sa légitimité dans son champ d’action auprès de ces acteurs qui

sont aussi clients d’Orange Business Services. Orange adopte une posture scientifique, voir

technophile par le biais de Orange Fab, tout comme Danone avec l’Institut Danone. La

particularité d’Orange est que ses services comme le Cloud, la fibre optique sont des services tout

comme l’électricité non visible et qui pourtant, tout comme l’électricité, sont devenues des biens

indispensables au quotidien des français. Du fait de leur non visibilité, tout comme l’innovation qui

elle aussi n’est pas forcément visible, le client a plus de difficulté à juger de sa qualité, d’où

l‘importance de communiquer et apporter des preuves tangibles à sa recherche d’innovation.

96 Caroline Marti de Montety, « La fin de la publicité », p. 183

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52  

B. UNE QUÊTE DE LÉGITIMITÉ POUR S’INSCRIRE COMME ACTEUR DU

CHANGEMENT DE DEMAIN

1. Le mythe de l’innovation, levier salvateur pour appréhender le futur

1.1 Prédire l’avenir, un besoin résolument humain à la construction du mythe de l’innovation

La quête de prévoir l’avenir est un besoin résolument humain, l’homme a toujours eu besoin de

répondre à « l’anxiété fondamentale97 » dans le fait que nous sommes des êtres mortels. Notre

situation de « finitude »98 qu’on partage avec tous les êtres vivants met en constance tension

l’homme dans un désir de connaître l’avenir et en même temps dans la peur de la connaître. Pour

répondre à ces angoisses, les hommes vont avoir besoin d’être rassurés, soit en se réfugiant dans

les religions qui vont promettre la continuation de l’existence dans l’au-delà, soit en faisant appel à

des méthodes plus ou moins magiques pour prédire leur avenir ou alors à remettre sa sécurité dans

les mains de l’Etat. Si la religion et la magie sont en net replies dans nos sociétés occidentales, l’Etat

répondait encore à ses devoirs régaliens d’assurer la sécurité de ses citoyens. Mais ce dernier par les

attentas récents semble dans l’incapacité d’y répondre.

La technologie, fait appel à un retour du déterminisme c’est à dire « l’idée que la réalité (tant

physique que biologique, ou sociale) est régie par des lois (déterministes) et qu’il n’existe donc pas

de phénomènes aléatoires ; soit l’idée que si, nous, agents épistémiques, connaissions toutes les lois

(de la nature, de la société, etc.) et toutes les conditions initiales, nous pourrions prédire avec

certitude tout état futur du monde »99. Plus concrètement, analyser les données comme le « Big

Data », permettrait de prédire le futur ou tout du moins d’étudier l’évolution de nos comportements

et de la société. A la technologie, vue comme une science exacte sur laquelle on peut se fier, va se

rajouter le mythe du progrès, qui va offrir à l’individu, la capacité de projection. Karl Kraus dans

l’article intitulé « Der Fortschritt » (Le progrès) explique que « le progrès n’est pas un mouvement,

97 Frédéric Gros, « le Principe de sécurité », Paris, Gallimard, 2012, p. 186 98 Dastur Françoise, « La question philosophique de la finitude », Cahiers de Gestalt-thérapie 1/2009 (n° 23), p. 7-16 99 Pierre-Simon de Laplace, dans son Essai philosophique sur les probabilités.

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53  

mais un état, et un état qui consiste à se sentir en avant, quoi que l’on fasse, sans pour autant avoir

besoin d’avancer »100, il rajoute que « le progrès est une des inventions les plus riches de sens qu’elle

(l’humanité) ait jamais réussi à faire, déjà pour la raison que, pour son utilisation, la foi seule est

nécessaire, et c’est ainsi que les représentants du progrès qui exigent qu’on leur consente un crédit

illimité jouent un jeu gagné d’avance   ». Les représentants du progrès sont ainsi les héros qui

permettent aux hommes de se projeter en avant. Courant intellectuel du post-industrialisme, cette

pensée dominante dans les sociétés occidentales à partir des années 70, est portée par Huyghe et

son « idéologie structurée ». L’utopie post-industrielle stipule que la foi en un avenir est synonyme

d’épanouissement total pour l’homme grâce à la prospérité économique, au progrès scientifique et

technique.

L’innovation ne viendrait-elle pas remplacer le progrès ? L’innovation tout comme le progrès, est

mis sous tension entre le besoin d’ancrage de l’homme dans ce qui est connu et le besoin de

nouveautés et de se projeter dans le futur. Lorsque l’on s’intéresse à la sémiologie de l’innovation,

Anthony Mathé nous apprend que trois termes clefs caractérisent la sémantique de l’innovation :

la « nouveauté », « l’inventivité » et le « changement ». Ces trois termes s’articulent autour d’un

triangle :

L’innovation permet ainsi de s’inscrire dans le devenir, une rupture avec le présent va se produire

grâce au « technology push » pour amener du changement et de la nouveauté. Dans notre corpus, on

retrouve deux thèmes ici présenté, celui du « changement » et de la « nouveauté » ainsi que cette

100 Bouveresse Jacques, « Le mythe du progrès selon Wittgenstein et Von Wright », Mouvements 1/2002 (no19), p. 126-141

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tension créée par le besoin de rupture, d’une « révolution numérique », presque brutale, tout en

assurant une vision réconfortante, celle de la prise de contrôle de l’avenir.

Simon Clapier-Valladon fait un parallèle de l’innovation avec la mode, qu’il définit en deux

tendances : « désir de changement, d’originalité, et besoin de sécurité dans le conformisme ».

Cette dualité, nous faits penser à la théorie de la « double contrainte » de l’école de Palo Alto, qui

met en scène le paradoxe, dans notre cas, entre le besoin de sécurité et le besoin de changement.

Ceci signifie que l’innovation ne peut exister par elle-même car les consommateurs ont besoin de

se référer à un schéma connu tout en apportant de la « nouveauté » et du « changement ». C’est

dans cette dualité que les marques vont devoir s’inscrire pour répondre à une angoisse originelle

suralimentée dans notre société contemporaine.

1.2 Le ré-enchantement de l’avenir par les marques

C’est le progrès de la science qui aurait atrophié l’imagination de l’homme et engendré le

« désenchantement du monde » selon Max Weber. Un prosaïsme rationnel, porté par le système

capitalistique, aurait ôté le pouvoir de la magie, de la surprise et de la poésie dans la vision du

monde. Les marques, pourtant premières représentantes du système capitaliste, par leur récit, leur

acte héroïque et leur pouvoir imaginaire101, vont tenter de la ré-enchanter.

Tout comme dans le mythe de la société malade de Baudrillard, la « crise » que Benoit Heilbrunn

nomme « un montage cinématique et théâtral » , nous donne la sensation d’être plongé dans un

immobilisme et une morosité passive, relayé par une défiance aux instances gouvernementales et

du marché102 depuis une décennie. Les perspectives d’avenir sont sombres. Un terreau favorable

aux marques puisqu’elles vont venir s’insérer comme marques bienveillantes et répondre aux

besoins de l’homme, tout en leur offrant des perspectives d’avenir. La fabrication du récit, et de

faire croire à leurs histoires, est propre aux marques selon George Lewi : « les marques, notre

mythologie contemporaine, polymorphe et polythéiste, comme celle des anciens, savent si bien

jouer du vrai et du vraisemblable, de la réalité et de l’imaginaire, de l’objet et du sujet » 103.

Saisir la problématique du futur pour créer de la préférence et ancrer la marque dans l’avenir, tout

comme à l’image de Apple avec la liberté, de Coca Cola et le bonheur. « La marque appartient à la

société, aux consommateurs qui attendent d’elle qu’elle joue un rôle de guide, dans leur

101 Georges Lewi, « Les marques, mythologies du quotidien », 2003, Pearson Education France, p.21 102 Yann Algar et Pierre Cahuc, « La société de défiance, Comment le modèle social français s’autodétruit », collection CEPREMAP, 2007, p.9 103 Ibid., p.57

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consommation, dans leurs comportements, parfois même dans leurs idées » 104, Orange se

positionne en tant que référent qui permet de guider les comportements. Les discours sur le futur

permettent d’en être maitre et de démontrer que la marque maitrise l’avenir et même la dirige

puisqu’en tant qu’activateur de l’innovation, elle va dessiner son avenir et celui de ses clients. Parler

du futur c’est déjà apporter un horizon salvateur. L’utopie à laquelle répond l’innovation

permettrait de vivre d’une nouvelle façon ou des choses qui ne sont concrètement pas possibles à

un moment donné le deviendraient.

1.3 Orange, la marque salvatrice

Orange en s’emparant de l’innovation, va offrir une occasion de sortir de cette situation actuelle et

de répondre aux maux contemporains, en s’appuyant sur l’utopie du changement global. Orange,

par son domaine d’activité joue un rôle d’autant plus important dans l’avènement du progrès, de la

modernité. Les acteurs des télécommunications sont essentiels dans la transformation numérique

de l’économie. D’après l’étude de la Fédération Française des télécoms, les investissements et les

innovations dans les télécoms auraient un effet multiplicateur sur l’économie, ce qui aurait donc un

effet d’entrainement sur l’ensemble de l’écosystème. Le numérique génère des nouveaux usages et

marchés et grâce à la multiplication des terminaux et des objets connectés, l’internet des objets

devrait être « le pétrole du XXIème siècle ». Et les opérateurs télécoms, en tant que fournisseur

internet, sont à la base même de cette révolution numérique. Et permet aussi à l’individu d’accéder

au reste du monde virtuellement (et de travailler dans certains cas) et d’être ainsi un créateur de lien

social et économique pour les individus ainsi que de renouveler l’économie.

Orange, devient ainsi une marque salvatrice qui permet non seulement aux individus, mais au pays

de s’ancrer dans l’avenir et d’éventuellement donner l’illusion d’immortalité qu’elle porte en elle.

Elle embrasse ainsi une cause sociétale, celle de s’engager en tant qu’acteur du futur et du progrès.

Si certaines marques vont s’inscrire comme les « bâtisseurs des mémoires » 105 d’autres s’inscrivent

comme les « bâtisseurs de l’avenir ».

A ce rôle salvateur, se rajoute la casquette du héros créateur. Comme nous avons vu précédemment,

la « création » fait partie du champ sémantique de l’innovation et en tant que héros créateur, il a « la

capacité de briser le cercle des conventions, de donner une nouvelle impulsion à un groupe, une

société. Son engagement au nom d’un idéal et d’une cause qui le dépasse libère une énergie

104 Op.cit.101, p.9 105 Cours de Caroline Marti de Montety « Sic et marketing », Master SMCP, Celsa

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inconnue, révèle une vision nouvelle qui transformera la société, sera un catalyseur de son évolution

» 106 .

1.4 Les start-ups, les adjuvants qui ont pour mission de redynamiser le héros

Si Orange, est le héros selon le scénario des marques-mythe107 de George Lewis, les start-ups

seraient-elles les adjuvants qui permettraient d’apporter la légitimité au groupe, de parler et d’agir

au nom de l’innovation ? Les start-ups, comme nous allons le voir en dernière partie, chargées en

sens, jouissent d’un imaginaire de réussite très fort et portent une utopie d’un monde meilleur.

Orange, ancien France Télécom, a longtemps eu une image ternie par les vagues de suicide de 2007

à 2013 et porte le fardeau d’une image d’entreprise public, plus ancré dans le passé que dans le

futur. L’arrivée de Free perçu comme jeune perturbateurs en 2012/2013 a créé une forte tension

sur le marché des telécoms. A cela, se rajoute des investisseurs frileux alors même que c’est un

secteur demande de forts investissements, Orange a dû se lancer à la conquête des investisseurs.

La nouvelle stratégie d’Orange, est de se faire connaître en tant que groupe innovateur à la pointe

des nouvelles technologies, à l’image d’un Google et pas forcément uniquement en tant

qu’opérateur. D’autant plus que la volonté d’Orange est d’étendre son cœur de métier aux objets

connectés, services financiers, la cyber-défense, le SAAS108 et le Cloud, l’analyse de data109 et tout

ce qui tourne autour des outils de travail des salariés. Le terrain est vaste et le dénominateur

commun est la technologie numérique. Tout l’écosystème d’Orange innovation basé à la Silicon

Valley alors même qu’Orange n’est pas opérateur aux Etats-Unis en est l’exemple. L’objectif, est

non seulement de redevenir l’acteur incontournable dans le monde des télécoms, mais de se hisser

en tant que groupe mondial spécialiste et créateur des technologies numériques. Et si Orange peut

aujourd’hui s’inscrire comme marque salvatrice c’est parce qu’elle jouit de l’imagine construit des

start-ups qui agissent comme des adjuvants pour glorifier leur héros.

106 Op.cit., 101, p.124 107 Ibid., p.231 108 Acronyme pour « Software as an Service » c’est à dire « le logiciel en tant que service, est un modèle d'exploitation commerciale des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur » d’après la définition de wikipédia 109 Cloud : « Le cloud computing, ou l'informatique en nuage ou nuagique ou encore l'infonuagique, est l'exploitation de la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l'intermédiaire d'un réseau, généralement internet » d’après la définition de Wikipédia

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1.5 Orange : créateur d’histoire

La notion de responsabilité sociétale de l’entreprise, est née dans l’idée que les activités

économiques de l’entreprise ont des effets néfastes, des « externalités négatives » comme la

pollution, le chômage, la pauvreté pour l’ensemble de la société. Par leur pouvoir et le rôle qu’elles

jouent dans la société, « l’entreprise doit être considérée comme une institution sociale dont les

activités s’inscrivent dans la vie de la Cité et qui à ce titre, est responsable vis-à-vis de tous les autres

acteurs de la société » 110. Une marque aujourd’hui, doit être non seulement irréprochable mais doit

s’engager à construire un monde meilleur et réussir le pari de faire conjuguer intérêt privés et

intérêts général. Orange, comme nous avons ultérieurement, détient le rôle, et pas du moindre, de

faire évoluer l’économie traditionnelle en une économie numérique, c’est à dire de renouveler et

moderniser l’économie actuelle. Pour se faire, non seulement Orange investit dans les nouvelles

technologies et cherche à améliorer son réseau de 4G pour offrir toujours plus accès à internet,

mais Orange va aussi se positionner comme « créateur d’histoire » dans ces technologies. En

accompagnant les jeunes entreprises vers la maturité, Orange permet le renouvellement de

l’économie tout en s’attaquant à un des maux les plus puissants de notre décennie : le chômage.

Nous retrouvons encore une fois le récit de la marque bienfaitrice qui lutte contre le mythe de la

« société malade ».

Deux des thèmes identifiés dans l’analyse de notre corpus sont celui de « l’accompagnement » des

startups et celui que l’on a qualifié de « créateur d’histoire ». Deux thèmes intimement liés. Nous

avions vu que le champ sémantique d’un incubateur était propre à celui de l’accompagnement, mais

si initialement c’était des entités publiques et locales qui endossait cet étendard, aujourd’hui, il est

clairement tombé dans les mains du privé (que ce soit des entreprises « corporate » ou d’acteurs

privés). Lorsque l’on regarde la définition d’accompagner dans le Larousse, on retrouve l’idée de

guide, de référent : « servir de guide, d’accompagnateur à quelqu’un, à un groupe » 111 c’est donc

être un référent, un exemple. Orange prend donc autorité sur eux.

Historiquement, le rôle de l’Etat en France a toujours joué un rôle en faveur de l’activité

économique. Selon Colbert, l’Etat, « devait d’être l’initiateur de l’essor économique de la France »112.

Ainsi sous Louis XIV, le ministre Colbert instaure pour la première fois une véritable politique

110 Mourad Attarça et Thierry Jacquot « La représentation de la responsabilité sociale des entreprises : une confrontation entre les approches théoriques et les visions managériales », AIMS 2005 111 Définition du Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/accompagner/470#7GhtSYrSkOv3C7ob.99 112 Isabelle Mutin-Quinson, « pépinières d’entreprises : origines et modes opératoires » mémoire soutenu en décembre 2004 dans le cadre de son DESS « Management du secteur public : collectivités et partenaires »

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industrielle et commerciale. C’est le début de l’interventionnisme économique qui a donné suite à

l’Etat providence. Au sein de cet interventionnisme, un des thèmes récurrents aussi bien sur le plan

national que local, a été l’aide à la création d’entreprise. Elle prépare au renouvellement économique

et à l’avenir. Aujourd’hui, dans nos politiques économiques, ce thème est d’autant plus accentué

que le chômage est devenu la principale épine de notre société. Le nombre d’initiatives publiques

pour favoriser les jeunes entreprises dans le domaine du numérique est vertigineux. Bercy n’arrête

pas de communiquer autour des jeunes pousses de la French Tech et souhaite devenir une « start-

up nation » à l’instar d’Israël.

Les incubateurs d’entreprises en investissant dans ce rôle d’accompagnateur et de créateur

d’histoires s’approprient une des compétences initiales de l’Etat français et rivalisent avec lui. Qui

d’autres que les grandes entreprises sont à même d’accompagner les jeunes startups vers la voie de

la réussite ? Elles offrent non seulement leur savoir-faire, leur expertise (et qui par conséquent les

valorise) mais aussi leur légitimité, comme nous avions vu en première partie.

Orange a largement communiqué autour de sa relation avec Deezer : « le partenariat de distribution

conclu en parallèle avec Deezer a permis à celui-ci de multiplier le nombre de ses abonnés payants,

qui s’élevait à 6 millions à fin 2014 ». Mais aussi sur Daliymotion : « Orange a accompagné

Dailymotion vers la consolidation de son statut de plateforme vidéo majeure dans le monde et de

premier site européen – toutes catégories confondues - au monde selon comScore » et ainsi que

d’autres : « exemple de success story : Lookout avec qui Orange a noué un partenariat en décembre

2012, investissant ainsi dans le futur de la sécurité mobile et dans l’une des sociétés leaders les plus

innovantes (…) »

Orange Fab se situe à la continuité de cette démarche de « créateur d’histoire » « Orange Fab San

Francisco a permis a 22 entreprises d’achever le programme avec succès. » Orange se place en tant

que véritable créateur de « success story », une façon encore de s’inscrire dans le futur mais aussi de

revaloriser ses expertises et de consolider son rôle sociétal.

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2. Les Start-ups, nos héros !

2.1 La figure de l’innovateur à travers le temps

Quel est le point commun entre Isaac Newton, Galilée, Benjamin Franklin, ou encore Steve Jobs ?

Ils sont tous des inventeurs, ou considérés comme des inventeurs, où de nombreuses légendes ont

été créées autour d’eux. L’archétype de l’inventeur : une personne hors du commun, un peu fou

avec une pensée divergente, souvent solitaire, comme disait Steve Jobs « stay hungry, stay foolish »113.

Mais pourquoi ce mythe ? Cet engouement et ces légendes autour de ces inventeurs, créateurs,

entrepreneurs ?

C’est dans l’Europe industrielle du XIXème siècle que les inventeurs et techniciens deviennent peu

à peu l’objet d’un véritable culte public. Si le rôle de l’entrepreneur est central dans l’économie, son

visage diffère en fonction du contexte socio-économique où il se trouve. Il a traversé le temps ;

auparavant marchand et commerçant au XVIIème et XVIIIème siècle, les entrepreneurs sont les

grands aventuriers des comptoirs coloniaux pour ensuite se transformer en manufacturiers pendant

la première révolution industrielle. Mais c’est lors de la deuxième révolution industrielle que

l’entrepreneur va plus se rapprocher de l’entrepreneur contemporain, celui qui est doté d’un

pouvoir de gestionnaire. L’économiste français, J-B Say mais aussi banquier et industriel, voit

l’entrepreneur comme pourvu de qualités managerielles et organisationnelles de même que c’est

celui qui prend des risques. Selon Schumpeter, il est l’investigateur perturbateur de l’innovation :

« seuls les individus capables d’innover méritent l’appellation d’entrepreneur, ils sont doués

d’imagination et font preuve d’initiative et de volonté. Ils assurent le passage entre le monde

scientifique de la découverte et des inventions, et le monde économique des innovations »114. D’une

façon générale, l’entrepreneur répond « au besoin qu’à la théorie économique de s’appuyer sur un

type idéal afin de fournir une explication générale du fonctionnement de l’économie de marché.

L’idéologie de l’entrepreneur repose alors sur le fait que le développement économique est le

produit de l’initiative individuelle »115. Ainsi, l’entrepreneur, reflète l’idée que l’on peut être acteur

des activités économiques, repose sur la notion d’ « empowerment »116 de l’individu et contraste avec

les grandes entreprises qui, par leur structure et leur récit, semblent inatteignables.

113 Traduction : soyez insatiables, soyez fou 114 Azzédule Tounès et Alain Fayolle, « l’odysée d’un concept et les multiples figures de l’entrepreneur », la revue des sciences de gestion, direction et gestion, n°220-221, p.25 115 Ibid., 116 Traduction : émancipation

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Dans les années 60, la petite entreprise « s’est imposée comme une institution qui a acquis une

légitimité considérable »117 et est devenue le nouveau relais de croissance et créateurs d’emplois. Et

nous sommes petit à petit passé d’une « économie du management » à celle d’une « économie

d’entrepreneurs ». On revient ainsi à une vision plus schumpétérienne de l’entrepreneur où il « est

non seulement le capitaliste, il est aussi l’ingénieur, l’exploitant et le directeur technique. Il est, pour

reprendre sa formule, « la tête de son bureau »118.

Mais si Schumpeter voyait l’innovation « top down » et surtout l’innovation concentrée dans les mains

d’un seul individu bien spécifique, avec l’avènement d’Internet et la logique du 2.0 « le Web devient

un nouvel espace de démocratisation de l’innovation » 119. Si on distingue d’un côté les « techno users »

120 c’est à dire ceux qui « baignent » dans la technologie comme les développeurs, spécialiste de

l’open source, on distingue de l’autre côté des usagers (au sens large) qui vont non seulement

s’approprier ces technologies pour ré-inventer leurs usages mais « d'acteurs qui sont susceptibles

de faire de véritables ré-innovations numériques » 121 à des coûts relativement faibles. L’idée que

l’on retient, est que l’innovation s’est démocratisée, l’innovateur n’a plus besoin d’être doté de dons

extraordinaires. La prolifération des start-ups depuis plus d’une décennie, s’inscrit parfois même

comme la seule alternative possible pour de nombreux jeunes. Plus qu’uniquement un métier, il

porte à lui l’espoir d’un avenir, le pouvoir de changement et que l’on peut être acteur de ce

changement.

2.2 Les start-ups : le nouveau mythe contemporain

Les origines du terme « mythe » viennent du grec « mythos » et signifie tout type de parole ou de

discours oral. Le « mythos », au Ve siècle est caractérisé pas sa distance à la vérité et son éloignement

au présent et s’oppose aux discours philosophiques et médicales apparu à cette époque. Le mythe

diverge aussi du conte et de la légende même s’ils sont similaires du point de vue structurales. Un

mythe, c’est d’abord un récit122 , il est « tendu vers sa fin », que Jean de la Fontaine appelait la

morale, et serait universel. Selon Lévi-Strauss, « d’un bout à l’autre de la terre, les mythes se

117 Julien, P.- A. « Les PME : Bilans et perspectives, Paris, Economica », 1994, p. 151- 152. 118 Azzédule Tounès et Alain Fayolle, Ibid., p. 19 119 Badillo Patrick-Yves, « Les théories de l'innovation revisitées : une lecture communicationnelle et interdisciplinaire de l'innovation ? Du modèle « Émetteur » au modèle communicationnel », Les Enjeux de l'information et de la communication 1/2013 (n° 14/1) p. 23 120 Eric von Hippel cité dans Badillo Patrick-Yves, Ibid., p.24 121 Ibid., p.32 122 Op.cit. 101, p.67

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ressemblent »123 mais se construisent par rapport à un contexte socioculturel de la société qui les a

produits124. Roland Barthes estimait que « la particularité du mythe c’est qu’il s’applique à un

moment donné de l’histoire à un groupe spécifique »125.

D’une façon plus générale, le mythe a une origine floue et imprécise et qui par tradition est transmis

à l’oral. De plus, le mythe a une fonction étiologique qui consiste à expliquer le monde et son

fonctionnement de façon fantastique et merveilleuse, explications qui se distinguent du point de

vue historique.

Le premier rôle du mythe est d’être un incroyable « intégrateur social » 126 selon G. Lewi, il permet

d’élucider le présent, et remplit « une fonction socio-religieuse. Intégrateur social, il fournit au

groupe une explication de l’état présent et lui propose des normes de vies. Le mythe propose en

effet à ceux qui y adhèrent des modèles de conduite morale et sociale ». Les start-ups représentent

aujourd’hui tout un idéal et sont gorgées d’une utopie sociétale et économique. Nous allons voir

dans quelle mesure les start-ups sont mystifiées, leurs imaginaires et quelles sont les valeurs qu’elles

véhiculent.

Pour se faire, deux démarches. La première consiste à recueillir des verbatims autour d’une étude

projective sur les start-ups. L’autre démarche est d’avoir extrait le discours journalistique autour

des start-ups.

L’étude127 n’a pas de vocation scientifique mais de faire ressortir le champ sémantique des start-

ups. En tout 4 questions, mais uniquement trois autour des start-ups, les voici :

1. Qu’évoque pour vous le mot start-up ? Une question ouverte où j’ai ensuite classée les

réponses par thèmes

o 42% de répondants ont répondu « jeunes »

o 33% de répondants ont répondu « nouveauté »

o 25% de répondants ont répondu « numérique/ technologique »

o 25% de répondants ont répondu « innovations »

o 20% de répondants ont répondu « dynamiques »

123 Citation de Lévi-Strauss dans Georges Lewi, « Les marques, mythologies du quotidien », 2003, Pearson Education France, p.169 124 Ibid., p.89 125 Roland Barthes, « Les mythologies », p. 218 126 Ibid., p. 174 127 Etude disponible dans l’annexe 1, p.67 à p.73

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2. Si la personne était une personne, comment la décririez-vous ? L’adjectif présent dans

toutes les réponses étaient encore une fois « jeune », puis on retrouve trois grands pôles

d’adjectif :

o Thème 1 : dynamique et pleine d’énergie – va de l’avent

o Thème 2 : originale et créative

o Thème 3 : courageuse et déterminée

Ensuite on retrouve trois autres thèmes secondaires :

o Thème 4 : connectée – geek

o Thème 5 : hipster – cool

o Thème 6 : instable

3. Trois adjectifs pour qualifier cette personne :

o Thème 1 : ambitieuse, travailleuse, déterminée

o Thème 2 : Inventive, créative, ingénieuse

o Thème 3 : Dynamique, agile

Plus deux autres thèmes secondaires : Innovante et visionnaire

En reprenant le schéma triangulaire sur le champ sémantique de l’innovation d’Anthony Mathé, on

l’applique pour le champ sémantique de la start-up en se basant sur les résultats de notre étude :

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63  

On retrouve le thème commun de « l’inventivité », du « futur » et « devenir » entre le champ

sémantique de l’innovation et celui de la start-up. A la différence de l’innovation qui porte l’idée

d’un « changement » et de « la nouveauté », celui de la start-up va plus loin puisqu’elle évoque même

l’arrivée d’un nouveau paradigme. De l’utopie du changement s’accompagne l’utopie d’un nouveau

paradigme, d’une nouvelle société.

Il est très intéressant de voir aussi comment la presse s’empare de ce sujet mais aussi le

gouvernement. On retrouve certains thèmes qu’on a vus dans l’analyse de notre corpus et dans

notre petite étude projective, mais de façon amplifié :

Le thème lié à la « jeunesse » : « jeunes pousses », « cure de jouvence digitale », il est très prononcé

dans le discours journalistique.

Le thème lié à la « rupture » : « révolutionner », « bousculer », « transformer », « disrupter le

marché ». On notera d’ailleurs l’emploi de « disrupter » très utilisé, est un néologisme et

américanisme qui vient du verbe « disrupt » 128 et notamment de « l’innovation disruptive » inventée

par Clayton Christensen et traduite en français par l’innovation de rupture. On note aussi que les

start-ups sont appelées les « perturbateurs » dans le cas ou elles viennent chambouler un secteur

d’activité comme Uber.

Le thème lié à la rareté saupoudré d’un peu de magie, d’un monde fantastique : « pépite »,

« l’étoile montante », « licorne ». La licorne est une métaphore venue droit du monde fantastique,

inventée par le spécialiste américain du capital-risque : Aileen Leen, symbolise la rareté de l’animal

et l’envol puissant de son ascension. Selon Wikipédia, « l’Unicorn est une startup principalement de la

Silicon Valley, valorisée à plus d’un milliard de dollars129 ».

Le thème lié à la naissance et à la mort : « La R&D est morte, vive l’open

innovation », « inventer ce qu’il n’existe pas », discours aussi très utilisé dans l’entretien avec la

créatrice de Orange Fab : Pascale Diaine : « on les tue, on brûle leur cash, on brule leur temps »,

« ça ne marche pas on tue, on ne va pas rester sur un truc qui ne marche pas, qui est un peu le

problème des grandes sociétés de tuer des projets car on n’est pas pris par le cash on n’est pas

obligé de tuer. Mais nous en étant vraiment proche de la Sllicon Valley c’est plus facile pour nous

de tuer les projets »

128 Traduction : perturber 129 Définition tirée de Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Licorne_(%C3%A9conomie)

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64  

Et en parallèle passé/ futur : tout au long de notre analyse on ressent une forte pression autour

du temps, « look forward » (nom de l’incubateur de Showroom privé) en est un exemple et plus

spécifiquement du passé et du futur.

Nous avons réactualisé le champ sémantique de la start-up dans le schéma ci-dessous en

incorporant les nouveaux éléments :

Pour conclure l’analyse, les start-ups sont chargées d’un champ sémantique riche avec des valeurs,

une vision du monde. Leur récit repose et s’inspire sur quatre piliers :

Le rêve américain : avec l’utilisation de nombreux termes américains qui sont venus s’immiscer

dans la langue française, en commençant par le terme « start-up », « Fab », « disrupter », « incubator »,

« Look forward », « Unicorn », « big data »….ainsi que des lieux dits : « Silicon Valley », « San

Francisco », « Start up Nation ». Les différents entretiens avec Orange regorgent d’expressions

américaines, et très régulièrement nous avons utilisé des termes anglo-saxons tout le long du

mémoire, parce que les traduire revenait de les amputer de leur sens, de leur imaginaire. En 1986,

Jean Baudrillard écrivait dans son ouvrage « l’Amérique » : « L’Amérique n’est ni un rêve, ni une

réalité, c’est une hyper réalité parce que c’est une utopie qui dès le début s’est vécue comme réalisée.

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65  

Tout ici est réel, pragmatique, et tout vous laisse rêveur » 130. Les Etats-Unis est le pays ou tout est

possible mais surtout ou tout se réalise. Si les start-ups sont aussi présentes, c’est qu’elles portent

une vision que c’est réalisable, c’est à portée de main pour le commun des mortels. Un parallèle se

porte à faire avec la ruée vers l’or, d’ailleurs on a noté le champ sémantique de la rareté comme les

« pépites ». Le pays ou tout est possible, ou les rêves peuvent se réaliser. Mais les Etats-Unis, c’est

aussi le pays des « grandeurs », de la démesure, des grands espaces, des tours de Manhattan

vertigineuses mais aussi le pays des « grandes conquêtes » comme la conquête de l’espace. C’est le

pays, ou il est possible de de devenir une « Unicorn ». Le pays qui génère l’idée qu’aux Etats-Unis

on ne restera pas petit (sinon on meurt), on ne peut que devenir grand.

Georges Lewis précise ainsi en parlant des Etats-Unis que « la culture c’est l’espace, c’est la vitesse,

c’est le cinéma, c’est la technologie » 131. On retrouve ces notions dans l’imaginaire de la start-up :

l’espace (dans l’idée de la démesure et de l’envol), la vitesse (sa croissance rapide), la technologie

mais aussi le côté féérique du cinéma, de ses icones, des héros où la « success story » est souvent mise

en scène.

Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI France (fonds d’investissement publics dédiés aux

start-ups) d’après un article du Lefigaro.fr intitulé « La France, une terre fertile pour les start-ups »

a déclaré : « La France est une Californie qui s'ignore. Elle possède tous les atouts pour briller » 132.

Utopie d’un nouveau paradigme basé sur la technologie : tout comme le champ sémantique

de l’innovation, la start-up porte en elle l’utopie du changement, d’un avenir meilleur mais à la

différence de l’innovation elle est portée par un projet social et économique qui prend source par

le changement de paradigme que la technologie va apport avec une vision du monde et des valeurs.

Dernièrement, il n’est pas rare de voir l’expression « nouveau monde » rattaché à l’univers des start-

ups.

Le récit salvateur :

La start-up vient aider les grandes entreprises de sortir de leur immobilisme, de leur lenteur, du

passé. D’ailleurs, la 4ème question posée dans mon étude projective porte sur l’image de Orange :

« Si le groupe Orange était un animal, lequel serait-il ? » Plus de 50% des répondants ont répondu

l’éléphant, ou dans la même famille comme un mammouth. Cet animal n’est pas réputé pour son

dynamisme et son agilité mais par contre pour sa mémoire. La mémoire qui est le gardien du passé.

130 Op. cit. 101, p.177 131 Ibid., 132 Marie-Cécile Renault, « La France, une terre fertile pour les start-ups » article publié dans Lefigaro.fr le 5 Mais 2016

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66  

La start-up vient aussi aider l’Etat, non seulement en lui influant son « mode d’esprit » comme on

peut voir dernièrement dans les articles de presse « Même l’Etat se met à copier les start-ups » mais

en misant son renouveau économique en voulant devenir une « Start-up Nation » : « La France

talonne la Start-up Nation qu’est Israël », « La France, une startup nation en devenir » 133, « Pour

que la France devienne une vraie « start-up nation» 134 . Mais ce n’est pas uniquement un fantasme

des médias, puisque le gouvernement en créant un label de la « métropole de la French Tech » en

2013 a clairement montré sa volonté de mettre le cap vers le développement des start-ups. Et Anne

Hidalgo a de nombreuses ambitions pour inscrire la capitale dans la course à l’innovation en

s’appuyant sur les startups, en parlant du projet gargantuesque de Xavier Niel de la Halle Freyssinet,

elle déclare : « La Halle Freyssinet est à l'image de mon ambition pour à Paris au cours des six

prochaines années : celle d'une ville capable d'innover en permanence en s'appuyant sur toutes les

intelligences et toutes les énergies dont elle dispose »135. Dans les pays économiques en difficulté,

les start-ups sont brandis comme la solution pour redémarrer la croissance. Dans le récit salvateur

s’accompagne de l’ancrage dans le futur : les start-ups représentent la jeunesse, la nouveauté, un

état d’esprit, l’audace, l’inventivité et surtout elles elles sont une alternative au présent.

Les start-ups sont-elles des mythes contemporains ?

Les start-ups, tout comme le mythe, construit un monde binaire, qui met en évidence des

« oppositions structurales»136 : le passé et le futur, les vieux et les jeunes, l’économie traditionnelle

et l’économie numérique, la mort et la vie, les grandes entreprises et les start-ups. Elles apportent

leur vision du monde137, un nouveau paradigme ou l’individu reprend du pouvoir face au pouvoir

politique, ou l’entrepreneur s’élève face aux grandes entreprises, ou les interactions sociales sont

repensées. Un paradigme qui dématérialise ce qui a été matérialisé par les anciens, et en même

temps ou l’on redécouvre l’usage de ses mains, un monde plus personnifié, plus transparent et plus

collectif. Et comme tout mythe, il est tenu pour vrai138, il y a des preuves provenant des héros. Les

licornes, détruisent à leurs passages des bans entiers de l’ancien régime, leurs ailes leur permettent

de voler très haut. Les anciens : les éléphants, essaient de s’en inspirer, d’attraper un peu de cet

envol, ils s’arment de programmes espérant attraper quelques plumes mais leurs lourdes pates sont

trop enracinées, ils suivent difficilement. Même l’État veut s’approprier cet « esprit start-up » ; la

133 Vincent Raimbault, « La France, une startup nation en devenir », article publié dans Maddyness le 13 avril 2016 134 François Benhamou « Pour que la France devienne une vraie « start-up nation » article publié dans Les Échos.fr le 6 avril 2016 135 Les Echos, « Anne Hidalgo visite le futur incubateur de start-up géant de la capitale », publié le 10 avril 2014 136 Citation de Lévi-Strauss dans l’ouvrage de Georges Lewi, « Les marques, mythologies du quotidien », 2003, Pearson Education France, p.225 122 Op. cit. 101, p.177 138 Ibid., p.182

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67  

France veut en faire un doux berceau ou l’on pourrait produire et rationnaliser leur naissance et

leur croissance mais elle a oublié que l’ancien système va mourir, celui de l’industrialisation. C’est

elles, qui désormais vont dessiner le futur, leur futur puisqu’elles sont détentrices des clefs de

l’innovation. Mais qui sont-elles : on ne sait pas, c’est tout le monde et personne139, on sait juste

qu’elles sont nées dans une vallée sur la côte ouest des Etats-Unis entre la mer et le désert. Là ou

tout est possible, ou les tours touchent le ciel, ou la technologie est maître et l’individu roi, ou le

rêve peut être réalité. Nous sommes sauvés, l’espoir d’un renouveau est là, suivons-les.

Les start-ups sont bien devenues un mythe contemporain. C’est une forme chargée d’un signe : les

start-ups sont la source d’une innovation audacieuse et disruptive notamment dans le domaine

technologique, résultat, selon le schéma de Roland Barthes, de la combinaison entre le signifiant :

la start-up et le signifié : acteur jeune, ambitieux, inventif. Mais pour qu’ils deviennent mythe, le

signifiant, « terme final du système linguistique » devient « terme initial du système mythique140» .

Dans notre cas, le signe (les start-ups sont à la source d’une innovation audacieuse et disruptive) devient

signifiant ou forme, accompagné du signifié ou concept : le futur. Le mythe est que la start-up est

la clef de voute pour s’inscrire dans l’avenir.

Mais la start-up, c’est ce qu’était hier les grandes entreprises pour la génération des « baby

boomers », clef d’entrée pour la réussite sociale et accéder pleinement à la société de

consommation. « Chaque génération crée sa propre réalité subjective, sa psychologie, ses émotions,

ses valeurs et son art141» et le mythe se nourrit de ce contexte sociologique pour répondre aux

aspérités de cette génération.

2.3 Conclusion deuxième partie

Orange, grand créateur d’innovation dans le secteur des télécoms depuis 1794 avait sa place assurée

dans le passé mais celle du futur était moins certaine. S’appuyer sur les nouveaux acteurs, vu

aujourd’hui comme les détenteurs légitimes de l’innovation, semblait alors la meilleure voix pour

réactualiser son récit. A travers Orange Fab mais aussi Fab Force, Orange a créé son écosystème

dans le monde « tech » et de cette façon a pris autorité en tant que créateur de synergie entre les

start-ups et les grandes entreprises. Il devient l’accompagnateur de ces « jeunes pousses » ou il a le

droit de vie sur elles, il les couve et nourrit de son expertise, les habille et les fait briller par son

139 Le récit du mythe selon Claude de Grève est qu’il est « anonyme et collectif. Même si un mythe a été raconté pour la première fois par un individu particulier, il devient mythe précisément parce que la collectivité le prend en charge, le dépouillant de ses aspects individuels ». 140 Roland Barthes, « Mythologies », 1957, éditions du Seuil, p.221 141 Pensée de F. Mentré cité dans l’article de Dejoux Cécile, Wechtler Heidi, « Diversité générationnelle : implications, principes et outils de management », Management & Avenir 3/2011 (n° 43), p. 227

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68  

image et une fois prête il les présente à ses clients. Pas forcément de contrats à la clef mais Orange

a gagné sa place d’activateur de l’innovation. Plus que réactualiser sa rhétorique sur l’innovation,

en réponse à la deuxième hypothèse, il réaffirme sa place de leader et de créateur d’innovation. Il

continue sa démarche en endossant la cape de marque salvatrice qui va emmener le pays vers le

« nouveau monde », celui du numérique. Orange, anciennement entreprise publique, retrouve sa

mission sociétale. C’est le mythe de la start-up qui permet de régénérer l’image et d’inscrire Orange

dans le futur. Plus que des adjuvants, les start-ups sont nos super héros du XXIème siècle, les grandes

entreprises et l’Etat adoptent « l’esprit start-up ». On répond ainsi à notre troisième hypothèse : les

entreprises non seulement viennent rajeunir leur dorure auprès des start-ups pour s’ancrer dans le

futur mais espèrent pouvoir suivre le rythme illusoire de ce nouveau monde, celui ou « ce ne sont

plus les gros qui mangent les Petits, mais les plus Rapides qui mangent les plus lents 142»

142 Citation de Rubert Murdoch, homme d’affaire australo-américain, détient notamment l’un des plus grands groupes médiatiques au monde : News Corporation. Cette citation est devenue emblématique et a été cité dernièrement par Donald Trump.

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69  

CONCLUSION

Orange, contrairement à d’autres grands groupes, a mis en place toute une panoplie d’infrastructure

pour coopérer avec les start-ups qui ne relèvent pas uniquement de la communication, mais est

pourvues d’une vraie volonté d’innover. Toutefois, si on a vu qu’Orange Fab reprend les principaux

critères d’un incubateur, ce dernier n’est pas non plus dépourvu d’une motivation de nourrir l’image

de marque en s’appuyant sur l’aura et le mythe des start-ups. Les principales motivations mises en

évidence dans le mémoire, relèvent d’un besoin d’élever la marque en tant que leader dans les

innovations numériques et de s’inscrire dans le futur en s’appuyant sur des acteurs contemporains.

Mais ces motivations, répondent à des objectifs stratégiques d’entreprises précis : diversifier

l’entreprise sur des problématiques plus porteuses et ne plus intervenir uniquement en tant

qu’opérateur. Devenir une marque globale dans les innovations numériques. Pour réaliser cette

ambition, les premiers acteurs à séduire, sont les investisseurs, puis les clients B to B. Orange, a ainsi

mis en place une communication corporate pour atteindre ses objectifs tout en définissant une

stratégie d’innovation ouverte.

En somme, nous avons identifié deux types d’initiatives entre le groupe Orange et les start-ups :

une approche structurée inscrite dans leur propre stratégie d’entreprise, et l’innovation ouverte via

Orange Fab. L’autre niveau est communicationnel, en s’appropriant les codes de l’univers

numériques et des start-ups, ainsi qu’en organisant des évènements comme des « hackathons », le

groupe s’élève au rang des « bâtisseurs de l’avenir ». La marque endosse l’habit du sauveur et

s’appui sur le mythe contemporain des start-ups, qui permet ainsi à Orange de lui-même devenir

héros. Orange va non seulement se lancer pleinement dans cette fantasmée « révolution

numérique » mais il va en être l’investigateur principal et légitime.

Les frontières entre ces deux types d’initiatives sont floues et s’imbriquent l’une dans l’autre et

c’est éventuellement ce que l’on peut reprocher à Orange : ne pas toujours être très clair dans sa

démarche. Le point le plus probant est le site internet Orange Fab ou il manque l’onglet « Postulez »

et qui démontre qu’il a une fonction très institutionnelle. Et ce « flou » peut amener à décrédibiliser

l’incubateur et par conséquent desservir les start-ups incubées.

Mais ce que l’on a analysé pour Orange ne s’applique pas à toutes les entreprises Corporate. Il existe

une très grande hétérogénéité dans les niveaux de motivations et d’engagement de ces dernières, et

il aurait été intéressant de les analyser et de les étudier plus en profondeur. Une grande majorité

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70  

des grandes entreprises (93%)143 se consacrent essentiellement aux prix évènements c’est à dire

qu’ils vont essentiellement satisfaire la partie communicationnelle de la marque. Ou encore des

projets rattachés aux fondations et mécénats où ces derniers financent des projets de start-ups

souvent en lien à une problématique sociale et environnementale telle que le programme de

Danone communities144 . Le revers de la médaille est que les marques, en utilisant essentiellement

ce levier communicationnel, desservent les entreprises, qui elles ont d’autres ambitions et risquent

de décrédibiliser l’innovation ouverte. Une conférence, qui aura lieu au Numa le lundi 21

Novembre, intitulée : « Startups – corporate partnerships : myth or reality145 ? » en est un des indices de

cet essoufflement et de la perte de crédibilité des ce genre d’initiative.

Les principales difficultés rencontrées dans la réalisation de ce mémoire ont été de définir ce qu’est

un incubateur et de comprendre si celui-ci alimente réellement l’innovation au sein du groupe.

L’innovation ouverte reste difficilement quantifiable et les données existantes sont à caractère

confidentielles. Par conséquent, l’hypothèse une à un caractère inachevé et mériterais d’être

approfondie.

RECOMMANDATIONS PROFESSIONNELLES :

Ce que l’on retient de cette analyse, c’est que les entreprises doivent créer un programme

d’incubation/ accélération, non seulement pour nourrir un désir de notoriété, mais pour répondre

à une vision stratégique du groupe. Pour mener à bien un programme d’incubation d’entreprise,

on retient trois grands points d’enseignements :

Le premier, est que l’entreprise doit avoir une approche stratégique à long terme, une vision de la

direction que l’entreprise souhaite prendre, afin que l’incubateur vienne nourrir ces objectifs

préalablement définis. En quelques mots, il faut que la stratégie d’innovation ouverte, découle de

la stratégie d’entreprise et l’incubateur va être un outil pour atteindre les objectifs. De cette façon,

l’entreprise va vouloir créer un programme d’incubateur fiable et pérenne pour y accéder avec la

définition d’objectifs précis et la mise en place d’outils de suivi. L’incubateur doit apporter une

vraie valeur ajoutée au groupe à long terme et non pas qu’à court terme.

Le deuxième point est, comme nous l’avons vu précédemment, que le programme d’incubateur

doit répondre au double objectif : nourrir l’entreprise d’innovation mais aussi de répondre aux

besoins de développement des start-ups. Pour réaliser cette double ambition, trois grands volets à

143 Florence Berthier, « Start-up et grandes entreprises : qui va influencer qui », article publié dans Influencia le 2 Mars 2016 144 Site internet de Danone communities : http://www.danonecommunities.com/ . Cette entité à pour mission de « Notre mission est de financer et développer des entreprises locales, avec un modèle économique pérenne, tournées vers des objectifs sociaux : favoriser l'accès à l'eau et faire reculer la malnutrition » 145 Traduction : Start-ups et partenariats corporatifs : mythe ou réalité ?

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71  

mettre en place. Le premier et le plus essentiel, est de fournir aux start-ups une première étape vers

la solidité financière, que ce soit par des partenariats commerciaux ou un accès à un capital,

l’objectif étant que la start-up ne devienne pas uniquement un simple fournisseur de l’entreprise.

Ce point semble le plus difficile à atteindre. Pascale Diaine de chez Orange Fab US, énonce

clairement dans l’entretien individuel que leur objectif n’est pas d’en faire des fournisseurs. Mais

dans la réalité et d’après notre sondage, les start-ups ont uniquement conclu des partenariats

commerciaux avec Orange. Une dissonance qui semble provenir de visions différentes entre

Orange Fab US, qui recherche plus la prochaine « unicorn » et Orange Fab France qui vient plus

répondre aux besoins d’innovation du groupe. Quoiqu’il en soit, l’objectif doit être d’accompagner

ces start-ups vers l’autonomie financière (accompagnement à une levée de fonds, introduction à

des investisseurs, mise en relation avec d’autres partenaires commerciaux…) sinon cela s’apparente

plus à un programme de sélection pour identifier des fournisseurs à haut potentiels.

Puis, l’entreprise doit fournir une dimension « humaine et éducationnelle » pour les accompagner

au mieux par des formations individuelles et en groupe. Par exemple, cela peut-être un

accompagnement sur leur développement produit, sur leur « business model »146, ou des études auprès

d’un panel, comme Orange l’a fait auprès des start-ups incubées. Ces compétences fournies,

dépendront aussi du domaine d’expertise de l’entreprise souvent en lien avec celui de la start-up.

L’incubateur « Look Forward » de Showroom privé, va apporter sa vision et son expérience du

secteur du prêt à porter et du e-commerce.

Enfin, le dernier volet est celui de la légitimité et de la crédibilité que les start-ups viennent chercher

auprès des grandes entreprises. Celui-ci, peut se concrétiser par de la visibilité communicationnelle

que l’entreprise peut offrir à la start-up. Par exemple, une des premières start-ups interrogées lors

de nos enquêtes, CBien.com, a pu profiter de levier de communication fournie par l’entreprise à

travers une campagne de publicité relayée sur l’application et le site d’Orange.

Le dernier point, consiste à constituer une équipe capable de faire le lien entre les deux acteurs avec

un fort niveau d’indépendance et de confiance en interne. L’équipe, va devoir répondre au double

objectif de l’incubateur que nous avons rappelé précédemment. Leur première tâche, va être de

construire une relation de confiance entre les deux acteurs, indispensable au bon fonctionnement

du programme. Le responsable de l’incubateur va devoir être doté de qualités de « leader », et d’une

certaine légitimité et même d’aura auprès des « business units » de l’entreprise afin que l’innovation

ouverte soit acceptée, sans remettre en cause la compétence de chacun dans la structure. Il doit

être aussi doté d’une bonne connaissance de l’entreprise et de ses rouages afin de savoir à qui

s’adresser pour établir un partenariat avec la start-up, mais aussi d’être doté de compétences

146 Traduction : plan économique

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72  

entrepreneuriales, au sens de Schumpeter. L’équipe va aussi avoir la tâche complexe de faire

coopérer deux acteurs qui n’ont pas les mêmes procédures et surtout la même notion au temps. La

start-up, toujours en mode survie, à besoin que les procédures aillent vite alors que l’entreprise doit

répondre à tout un tas de « process ».

Pour conclure, les start-ups peuvent être un immense levier communicationnel pour l’entreprise,

elles permettent à la marque de pouvoir s’inscrire dans l’avenir en s’appuyant sur le mythe de la

start-up cependant, dans la mise en œuvre, la réalité est plus complexe. La mise en relation entre

les deux acteurs n’est pas simple et la moyenne de survie d’une start-up est très basse puisqu’en

moyenne les start-ups comptabilisent environ 90% de taux d’échec, il faut ainsi accepter pour

l’entreprise que nombreux partenariats soient voués à échouer et pour cela, il faut déjà commencer

par faire accepter la culture de l’échec dans l’entreprise. Le plus grand défi commence donc à faire

évoluer l’état d’esprit, le « mindset » au sein de l’entreprise pour favoriser une approche adaptée de

gestion du risque et de l’innovation. L’entreprise doit mettre en œuvre tout un tas de mesures pour

casser les procédures trop longues, favoriser les expérimentations et la liaison entre les start-ups et

les départements internes et créer une relation de confiance et pérenne entres les différents acteurs.

En somme, l’entreprise corporate doit s’inspirer des méthodes d’action et de penser de la start-up

avec un corps et une pensée d’éléphant.

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73  

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES

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BENHAMOU François, « Pour que la France devienne une vraie « start-up nation » article publié dans Les Échos.fr le 6 avril 2016 BERTHIER Florence, « Start-up et grandes entreprises : qui va influencer qui », article publié dans Influencia le 2 Mars 2016 CASSINI Sandrine, « Les usines à start-ups, cure de jouvence des grands groupes », 19 Juillet 2015, Les Échos.fr DELSOL Emmanuelle, « Innovation : la nouvelle peau d’Orange », article publié dans l’usine nouvelle le 21 Février 2013 RAIMBAULT, « La France, une startup nation en devenir », article publié dans Maddyness le 13 avril 2016 RENAULT Marie-Cécile, « La France, une terre fertile pour les start-ups » article publié dans Lefigaro.fr le 5 Mais 2016

DOSSIER DE COMMUNIQUÉS DE PRESSE ORANGE :

« Un consortium de Midi-Pyrénées lance le projet 3Pegase, au service des personnes âgées en perte d’autonomie », 14 décembre 2015 « Inauguration d’Orange Gardens : un écocampus entièrement dédié à la recherche et l’innovation » , 8 juin 2016 « Orange lance son plus grand Challenge Développeurs en France, en Afrique et au Moyen-Orient et annonce le lancement de l’API SMS au Cameroun, au Congo, en Guinée, au Niger et au Sénégal », 2 juillet 2015 « Orange Fab, l’accélérateur de start-ups d’Orange, annonce les lauréats de sa deuxième promotion à San Francisco », 16 Janvier 2014 « Essentiels2020, le nouveau plan stratégique d’Orange », 17 Mars 2015 « Orange annonce le lancement en Côte d’Ivoire et en Israël de son programme d’accélération de start-ups », 4 Mars 2014 « Go Ignite annonce les lauréats de son premier appel à candidatures lancé auprès des start-up du monde entier », 1er Juillet 2016 « Orange lance de nouveaux services mobiles pour faciliter la gestion financière sur smartphone », 2 Octobre 2014 « Orange lance une offre de distribution et de soutien à la production d’objets connectés pour la communauté des startups de l’internet des objets », 25 Février 2014 « Digital store : Orange Business Services intègre la solution de mesure d’audience de Jacare Technologies à son offre d’affichage interactif », 16 Juin 2016 « Orange lance « Orange Fab Espagne », programme international d’accélération de startups », 13 Juillet 2015 « Orange Fab US étend son réseau Fab Force à Axa, Airbus, Total S.A et présente les startups sélectionnées pour la nouvelle saison de son programme d’accélération », 24 Février 2015 « Singtel, Orange, Deutsche Telekom et Telefónica créent des passerelles entre les écosystèmes de start-ups à travers l’Asie du Sud-Est, l’Afrique, l’Europe, l’Amérique Latine et le Moyen-Orient », 9 Septembre 2015 « Orange investit dans Afrimarket, start-up leader du transfert d’argent en cash-to goods », 28 Janvier 2015 « Orange Digital Ventures investit dans Afrostream », 6 Octobre 2015 « Orange participe, en tant que membre fondateur, au « Startup Europe Partnership » et au « European Digital Forum pour stimuler l'innovation et la croissance économique en Europe », 23 Janvier 2014

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« Orange enrichit son programme pour les développeurs », 29 Janvier 2016 « Entrepreneur Club, pour les start-ups d’Afrique et du Moyen-Orient », 10 Février 2016 « L’accélérateur de start-ups Orange Fab France annonce les 7 start-ups de la saison 1 », 1er Avril 2014 « Orange Fab US débute sa sixième saison avec cinq nouvelles recrues », 20 Avril 2016 « Orange, partenaire de Futur en Seine, le festival du numérique, pour la 6ème année consécutive », 5 Juin 2015 « Orange, partenaire de Futur en Seine, le festival international des innovations numériques, pour la 5ème année consécutive », 10 Juin 2014 « Orange annonce les 7 lauréats du hackathon « le numérique pour l’autonomie », 1er Juillet 2016 « Orange, partenaire principal de Hello Tomorrow Challenge, accompagne les jeunes entrepreneurs européens », 15 Janvier 2014 « Orange, partenaire principal de la compétition de startups du Hello Tomorrow, participe au lancement de la 2ème édition du concours international de startups, qui récompensera les projets technologiques ayant un réel impact sur la société de demain », 14 Octobre 2014 « Orange accélère la croissance des start-ups et des développeurs avec KT Corporation et le Gyeong-gi Creative Economy Innovation Center (G-CEIC) », 24 Juin 2015 « Orange lance le Prix Orange de l’Entrepreneur Social en Afrique 2015 », 21 Mai 2015 « Orange lance la 6ème édition du Prix Orange de l’Entrepreneur Social en Afrique et au Moyen-Orient », 18 Mai 2016 « Orange partenaire de Viva Technology Paris », 30 Juin 2016 « Orange complète sa stratégie d’innovation numérique en créant Orange Digital Ventures, pôle d’investissement dans les start-ups », 22 Janvier 2015 DOSSIER DE COMMUNIQUÉS DE PRESSE EXTERNE créé par Comue-Sorbonne Universités « Apprendre à entreprendre », Le Monde, 9 Décembre 2014 « Orange : des passerelles mondiales pour les start-ups », Votre argent, 9 Septembre 2015 « Deux start-ups d’Ivry et de Bry boostés par Orange », Le Parisien.fr, 20 Avril 2015 « Orange fait son « show » et présente ses dernières innovations », Midi Libre, 4 Octobre 2014 « Les entreprises s’essaient à l’esprit « start-up », Le Monde, 7 Octobre 2014 « Hollande fera la promo des talents de la French Tech à San Francisco », La Tribune, 13 Février 2014 « Les accélérateurs tournent la tête des grands groupes », L’Usine Nouvelle, 8 Janvier 2015 « Innovation pour tous », Sud Ouest, 17 Septembre 2014 « Le patron d’Orange exprime ses regrets à Netanyahu pour clore la controverse », Boursorama, 12 Juin 2015 « Orange étoffe sa pépinière de start-ups dans la Silicon Valley », AFP Infos Economiques, 24 Septembre 2014 « Au service des diasporas africains », La Tribune Hebdomadaire », 5 Décembre 2014 « Objets connectés nomades : Orange on y va », Ouest-France, 21 novembre 2014 « Yummypets. Un collier connecté pour les animaux de compagnie », Le Journal des entreprises, 1er novembre 2014 « Les grandes entreprises à l’assaut des start-up », La Tribune Hebdomadaire, 27 Juin 2014 « Groupes : la vogue des incubateurs, La Lettre de l’Expansion », 20 Février 2014 « Les grandes entreprises se « dopent » aux starts-ups », La Tribune, 2 Juillet 2014 « Orange cherche des relais de croissance en Afrique », Les Echos, 15 Septembre 2015 « Orange tourne la page « Conquêtes 2015 » et dévoile le plan « Essentiels 2020 », La Tribune 16 Mars 2015 « Orange en Israël : les dessous d’un tollé économico-diplomatique », La Tribune.fr, 5 Juin 2015 « Orange étend sa pépinière de la Silicon Valley », Les Echos, 25 Septembre 2014 « Orange : déploiement du programme « Orange Fab Espagne », Cercle Finance, 13 Juillet 2015 « Orange et Israel : n’y voyez là qu’une « stratégie de marque », Rue89, 6 Juin 2015 « Start-up. L’accélérateur d’Orange attend les candidats bas-normands ! », Ouest-France, 18 Février 2015 « Orange attaqué pour piratage et vol de code pour une start-up américaine », La Tribune, 19 Décembre 2014

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« Orange : de nouvelles références pour le programme Orange Fab », Votre argent, 24 Février 2015 « Orange mise sur les start-ups tricolores pour continuer à innover », Les Echos, 2 Avril 2014 « Innovation et partage, la révolution des « fab lab », L’Express, 24 Février 2014 « Orange : bon plan pour booster sa start-up », Ouest-France, 17 Février 2015 « Orange étoffe sa pépinière de start-ups dans la Silicon Valley », AFP Infos Economiques, 24 Septembre 2014

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ANNEXES

Annexe 1 : analyse sondage et études

- Résultats d’études quantitatives : p. 2 à p.11

- Écosystème de l’innovation chez Orange : p.12

- Tableau comparatif programmes d’accélérations : p.13

- Corpus comparatif site internet : p.14 à p.45

- Analyse Logo Orange et Orange Fab : p.47 à p.49

- Analyse dossier de marque : p.50 à p.55

- Verbatims entretiens : p. 56 à p.66

- Sondage start-up : p.67 à p.73

Annexe 2 : guide d’animation et retranscription des entretiens

- Entretien n.1 avec la start-up : CBien.com, p. 2 à 4

- Entretien n.2 avec Pascale Diaine de chez Orange Fab, p. 4 à 11

- Entretien n.3 avec la start-up Spinnakr, p.12

- Entretien n.4 avec la start-up Bitwage, p. 12 à 13

- Entretien n.5 avec Julie Leclercq de chez Orange Fab, p. 14 à 17

- Entretien n.6 avec Laurence Lemoine de chez Orange Institute, p. 18 à 20

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RÉSUMÉ

Le questionnement du départ a pour objectif de comprendre les dessous de la relation entre les

grandes entreprises et les start-ups. Identifier ce qui relève de la rhétorique de l’innovation du

groupe Orange, à travers le cas de leur accélérateur Orange Fab, de ce qui relève de la stratégie

d’innovation. Trois hypothèses ont été relevées et viennent à l’appui de ce questionnement. Après

une présentation en première partie, d’un modèle d’innovation linéaire et fermé, périmé. Les

entreprises, dans l’incapacité d’innover par elles-mêmes dans le contexte actuel, font appelles à

l’innovation ouverte et mettent en place des incubateurs d’entreprises pour la mettre en œuvre. A

travers une analyse comparative de différents modèles d’incubateurs, il en ressort que si Orange

Fab répond par la formes aux critères d’incubateurs, l’objectif est divergent et flou et peut

s’apparenter à une forme sélective de recrutement de nouveaux fournisseurs pour l’entreprise. S’il

est difficile de confirmer que l’incubateur alimente à proprement parlé d’innovation le groupe, il

alimente le discours de marque.

Dans la deuxième partie, il est ainsi mis en évidence que l’incubateur est un très bon moyen pour

renouveler la rhétorique de l’innovation en s’appuyant sur des héros contemporains. La marque

s’approprie ainsi les codes du numérique et de l’univers fantasmé et mythique des starts-ups pour

s’inscrire comme le fournisseur et le distributeur d’innovation. De cette façon, l’entreprise répond

à son ambition, devenir une marque globale dans les innovations numériques tout en endossant les

habits du « sauveur » et d’ancrer la société dans la transition économique des nouvelles

technologies. La place de l’entreprise dans l’avenir est assurée puisque c’est Orange qui la dessine

et la créé, la marque devient ainsi « le bâtisseur de l’avenir ».

MOTS-CLEFS Innovation - innovation ouverte – start-up – incubateur – Marque – Orange


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