Date post: | 15-Sep-2018 |
Category: |
Documents |
Upload: | phungkhuong |
View: | 213 times |
Download: | 0 times |
Les dfi s de lenseignement desmathmatiques dans lducation de base
Les ides et opinions exprimes dans cette publication sont celles des auteurs et ne re tent pas ncessairement les vues de lUNESCO.
Les appellations employes dans cette publication et la prsentation des donnes qui y gurent nimpliquent de la part de lUNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zone, ou de leurs autorits, ni quant au trac de leurs frontires ou limites.
Publi en 2011Par lOrganisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France
Conception graphique et impression dans les ateliers de lUNESCO
UNESCO 2011Tous droits rservs
ED-2010/WS/37 CLD 2895.10
Imprim en France
Prface
Notre monde est profondment marqu par la science et la technologie. Prservation de
lenvironnement, rduction de la pauvret, amlioration de la sant : chacun de ces d s et bien
dautres encore requirent des scienti ques capables de dvelopper des solutions ef caces et
ralistes ainsi que des citoyens en mesure de prendre une part active au dbat sur ces sujets.
Dans cette perspective, la Dclaration de Budapest (1999) a soulign limportance de
lenseignement scienti que pour tous. En effet, un enseignement des sciences et des
mathmatiques pertinent et de qualit permet de dvelopper la r exion critique et la
crativit, aide les apprenants comprendre le dbat public sur les politiques et y prendre
part, encourage les changements de comportement propres engager le monde sur une voie
plus durable et stimule le dveloppement socioconomique. Lenseignement des sciences et des
mathmatiques peut ainsi apporter une contribution dcisive la ralisation des Objectifs du
Millnaire pour le dveloppement adopts par les dirigeants mondiaux en 2001.
LUNESCO en a conscience et a donc constitu un groupe international dexperts sur les
politiques denseignement des sciences et des mathmatiques qui sest runi pour la premire
fois du 30 mars au 1er avril 2009, et dont les conclusions, sur lesquelles sappuie la prsente
publication, re tent un remarquable consensus sur les d s auxquels lenseignement scienti que
et mathmatique est aujourdhui confront, ainsi que sur la manire de les relever. Tous les
experts se sont accords dire que la dcennie coule avait connu le dveloppement dun
vaste corpus de connaissances sur lenseignement des sciences et des mathmatiques, et la
production de prcieux outils et ressources, dont beaucoup taient dsormais accessibles au
plus grand nombre grce aux avances de la technologie. Il sagit l dun socle solide sur lequel
sappuyer, qui ouvre de nouvelles perspectives pour des politiques fondes sur des donnes
factuelles dans le domaine de lenseignement scienti que et mathmatique.
La prsente publication identi e donc les d s relever pour assurer un enseignement des
mathmatiques de qualit au niveau de lducation de base et propose, partir dtudes de cas,
des moyens pour lamliorer. Elle sera utile non seulement aux dcideurs dsireux dintgrer
un enseignement scienti que et mathmatique de qualit dans leurs systmes ducatifs, mais
galement aux diffrents acteurs qui souhaitent prendre part au processus de changement.
LUNESCO espre que cette publication contribuera susciter chez les enfants, les enseignants
et les parents, lnergie et lenthousiasme ncessaires pour amliorer lenseignement des
mathmatiques. Il est en effet indispensable duvrer ensemble llaboration durable et
coordonne dun enseignement scienti que et mathmatique de qualit dans lducation de
base a n dassurer tous un avenir plus viable et plus quitable
Qian Tang
Sous-Directeur gnral pour lducation
Remerciements
LUNESCO tient en tout premier lieu remercier vivement
Michle Artigue pour llaboration et la rdaction de cet ouvrage.
LUNESCO souhaite galement adresser ses remerciements les plus
sincres au groupe dexperts, aux auteurs des diffrentes annexes ainsi
qu Jill Adler et Mariolina Bartolini Bussi, membres du comit excutif
de lICMI qui ont rvis une premire version du texte.
Dautre part, lUNESCO tient exprimer sa gratitude Bill Barton,
prsident de lICMI, et Bernard Hodgson, secrtaire gnral de lICMI,
pour leur prcieuse collaboration.
6
Prface 3
Remerciements 5
1. Introduction 9
2. ducation mathmatique et littracie 132.1 Le d de la littracie mathmatique 13
2.2 Au-del du dveloppement dune littracie mathmatique 16
2.3 Apprentissage de contenus/Dveloppement de comptences 18
2.4 ducation mathmatique pour tous/ducation mathmatique de qualit 19
3. Le d de lvolution des pratiques denseignement 21
4. Le d de lvaluation 25
5. Le d enseignant : condition, formation initiale et continue 275.1 Le d quantitatif 27
5.2 Le d qualitatif 28
6. La mise en synergie des diffrents acteurs 336.1 Un engagement plus large et mieux
reconnu des mathmaticiens 34
6.2 Une meilleure collaboration entre communauts 34
7. Organiser les complmentarits entre ducations formelle et non formelle 37
8. Le pilotage et la rgulation des volutions 39
9. Le d technologique 43
10. Les collaborations 47
11. Le d de la diversit 4911.1 Les questions linguistiques 49
11.2 Les questions de genre 50
12. Le d de la recherche 53
En rsum 55
Rfrences 57
Annexes 63Annexe 1. Liens entre enseignement
mathmatique et enseignement scienti que dans les programmes allemands SINUS 65
Annexe 2. Quarante annes de recherches sur lenseignement des mathmatiques et les mathmatiques comme activit humaine pour tous Linstitut Freudenthal 68
Annexe 3. Problmes et d s de lenseignement des mathmatiques : le cas des Philippines 74
Annexe 4. La formation continue des enseignants au Japon Le concept de Lesson Study 76
Table des matires
7
Annexe 5. Le perfectionnement professionnel des enseignants en mathmatiques au Brsil : problmes structuraux, initiatives et espoirs 79
Annexe 6. Systmatiser les connaissances sur la formation des enseignants en mathmatiques tude de lIEA sur la formation des enseignants en mathmatiques TEDS-M 84
Annexe 7. Recherches sur la formation des enseignants en mathmatiques en Afrique du Sud et en Afrique australe 87
Annexe 8. Promouvoir lexcellence de lenseignement des mathmatiques Le National Centre for Excellence in the Teaching of Mathematics (NCETM) 91
Annexe 9. Pourquoi les mathmatiques ? Une exposition internationale itinrante 96
Annexe 10. Objectif Mathmatiques Les Maisons des mathmatiques en Iran 100
Annexe 11. Collaboration entre mathmaticiens, enseignants et didacticiens Lexemple du rseau des IREM 103
Annexe 12. Lmergence de communauts denseignants lexemple de Sesamath 105
Annexe 13. Encourager linteraction et la collaboration Teacher Education Around the World: Bridging Policy and Practice , un volet du IAS/Park City Mathematics Institute Institute for Advanced Study, Einstein Drive, Princeton, New Jersey 108
Annexe 14. La reconstruction dune communaut mathmatique au Cambodge 111
Annexe 15. Liste des participants la runion dexperts 114
9
1. Introduction
L enseignement des sciences et lenseignement des mathmatiques partagent un grand nombre de valeurs et ont affronter des problmes et relever des d s en grande partie communs. Nanmoins, les diffrences qui existent entre ces enseignements justi ent la parution de Current Challenges in Basic Science Education, dune part,
et la prsente publication. En particulier, la ncessit dun enseignement des mathmatiques
pour tous les lves ds le dbut de la scolarit obligatoire nest pas en dbat, contrairement
ce qui se passe pour lenseignement des sciences. Cet enseignement
nest pas forcment assur de faon satisfaisante mais il est accessible
tous les lves normalement scolariss.
Si la ncessit dun enseignement des mathmatiques dans la
scolarit de base fait lobjet dun consensus, cela ne signi e pas que
lenseignement lui-mme nest pas objet de dbat. Les valuations tant
nationales quinternationales montrent qu la n de la scolarit de
base, les connaissances et comptences mathmatiques de beaucoup
dlves ne sont pas celles attendues1. De plus, les disparits observes
entre pays comme au sein dun mme pays sont proccupantes. Et
mme parmi les lves qui obtiennent des rsultats satisfaisants dans
les valuations, nombreux sont ceux qui napprcient pas pour autant
les mathmatiques et ne voient pas lintrt de leur consacrer autant despace scolaire2. Ces
constats montrent que les ambitions af ches dans lintroduction de cette publication sont loin
dtre ralises, et que le seul obstacle leur ralisation nest pas le nombre important denfants
et de jeunes encore non scolariss, mme si cet obstacle est rel.
Dans ce contexte, ce qui peut tre attendu dun enseignement des mathmatiques de qualit
pour tous ne va pas de soi et fait lobjet de dbats rcurrents. Nous considrons donc important
1 Sur le plan international, on pourra se rfrer aux rsultats des enqutes TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) de lISC (International Study Center), PISA (Programme international pour le suivi des acquis des lves) de lOCDE, ainsi qu lenqute SERCE (Segundo Estudio Regional Comparativo y Explicativo) mene par le LLECE (Laboratorio Latinoamericano de Evaluacin de la Calidad de la Educacin) en Amrique latine.
2 Ce phnomne a notamment t mis en vidence pour les tudiants de pays asiatiques dans les enqutes TIMSS et PISA.
Si la ncessit dun enseignement des mathmatiques dans la scolarit de base fait lobjet dun consensus, cela ne signi e pas que lenseignement lui-mme nest pas objet de dbat
10
de prciser notre position sur ce point, en prenant notamment en compte
ce qui, dans les visions des mathmatiques et de leur enseignement ainsi
que dans les pratiques ducatives, rend une ducation mathmatique de
qualit pour tous souvent problmatique.
Il est par exemple unanimement reconnu que les mathmatiques
sont omniprsentes dans le monde actuel, notamment dans les objets
technologiques qui nous entourent ou dans les processus dchange et de
communication, mais elles le sont gnralement de faon invisible. Cette
invisibilit rend problmatique la perception de lintrt de dvelopper
une culture mathmatique, au-del des apprentissages les plus basiques,
concernant nombres, mesures et calcul. Il est important que la scolarit de
base contribue lever cette invisibilit, et ce dautant plus que les besoins
actuels de ce que lon appelle la littracie mathmatique vont bien au-
del des besoins traditionnellement associs au savoir compter . Nous
reviendrons sur ce point dans la suite du document (cf. partie 2).
De nombreuses incomprhensions affectent galement la vision de lactivit
mathmatique rsultant de limage que lon se fait du mathmaticien. Cette
activit est encore souvent perue comme tant presque exclusivement
une activit solitaire, dtache des problmes du monde rel et
indpendante des moyens technologiques. Elle est aussi encore souvent perue comme une
activit purement dductive se traduisant par la production successive de thormes au moyen
de preuves formelles la rigueur parfaite. Il est en n souvent considr que les mathmatiques
ne sont pas une science accessible tous et que les lles notamment rencontreraient plus de
dif cults dans leur apprentissage que les garons3. Ces nombreuses incomprhensions affectent
lenseignement et font obstacle une ducation mathmatique de qualit pour tous.
Une ducation mathmatique de qualit doit permettre de se forger une image positive et
approprie des mathmatiques. Pour cela, elle doit tre dle aux mathmatiques, tant en ce
qui concerne les contenus que les pratiques. Elle doit permettre aux lves de comprendre
quels besoins rpondent les mathmatiques qui leur sont enseignes, et aussi que celles-
ci sinscrivent dans une longue histoire qui se conjugue avec celle de lhumanit4. Apprendre
3 Sur cette question du genre, on pourra se rfrer limportante bibliographie accessible sur le site de lorganisation internationale IOWME (International Organisation of Women and Mathematics Education http://extra.shu.ac.uk/iowme/). Nous y revenons dans la partie 2 de ce texte.
4 Concernant cette dimension historique, on pourra se rfrer notamment aux travaux du groupe international HPM (History and Pedagogy of Mathematics http://www.clab.edc.uoc.gr/HPM/) et ltude de la Commission internationale de lenseignement mathmatique (ICMI) consacre ce thme (Fauvel et van Maanen, 2000).
Il est par exemple unanimement reconnu que les mathmatiques sont omniprsentes dans le monde actuel, notamment dans les objets technologiques qui nous entourent ou dans les processus dchange et de communication, mais elles le sont gnralement de faon invisible
http://extra.shu.ac.uk/iowmehttp://www.clab.edc.uoc
11
les mathmatiques, cest aussi se donner les moyens daccder ce patrimoine culturel. Elle
doit permettre aux lves de comprendre que les mathmatiques ne sont pas un corpus de
connaissances g mais au contraire une science vivante en pleine expansion, dont lvolution
se nourrit de celle des autres champs scienti ques et les nourrit en retour. Elle doit aussi leur
permettre de voir les mathmatiques comme une science qui peut et doit contribuer la
rsolution des problmes majeurs auxquels le monde doit aujourdhui faire face, qui ont t
rappels dans lintroduction. Une ducation mathmatique de qualit doit donc tre porte par
une vision des mathmatiques comme science vivante, en prise avec le monde rel, ouverte
aux relations avec les autres disciplines, cette ouverture ntant pas limite dailleurs aux seules
disciplines scienti ques. Elle doit donc en particulier permettre aux lves de saisir la puissance
des mathmatiques comme outil de modlisation pour comprendre et agir sur le monde5.
Une ducation mathmatique de qualit doit aussi donner une vision
non dnature des pratiques de ceux qui produisent ou utilisent
les mathmatiques. Lactivit mathmatique est en fait une activit
humaine aux multiples facettes, trs loin des strotypes qui lui sont
attachs dans la culture commune. Une ducation mathmatique de
qualit se doit donc de re ter cette diversit travers les diffrents
contenus mathmatiques quelle fait progressivement rencontrer
aux lves : poser des problmes ou les reformuler pour les rendre
accessibles un travail mathmatique, modliser, explorer, conjecturer,
exprimenter, reprsenter et formuler en dveloppant pour ce
faire des langages spci ques, argumenter et prouver, dvelopper
des mthodes, laborer des concepts et les relier au sein despaces
structurs, changer et communiquer Une telle ducation doit
permettre de vivre lexprience mathmatique la fois comme une
exprience individuelle et comme une exprience collective, et faire
sentir ce quapportent lchange, le dbat avec dautres. Elle doit savoir
stimuler par des d s tout en cultivant des valeurs de solidarit. Elle
doit aussi montrer une cole ouverte sur le monde et pour cela tre
en phase avec les pratiques mathmatiques scienti ques et sociales
hors de lcole, et savoir notamment sappuyer de faon pertinente
sur les moyens technologiques qui instrumentent ces pratiques.
Mettre lducation mathmatique en phase avec ces valeurs, et le faire
dans le cadre dun enseignement pour tous, reprsente un d que les systmes ducatifs doivent
5 Concernant cette dimension de modlisation, on pourra se rfrer aux travaux du groupe International ICTMA (International Community of Teachers of Mathematical Modelling and Applications http://www.ictma.net) et ltude ICMI consacre ce thme (Blum et al., 2007).
Lactivit mathmatique est en fait une activit humaine aux multiples facettes, trs loin des strotypes qui lui sont attachs dans la culture commune. Une ducation mathmatique de qualit se doit donc de re ter cette diversit travers les diffrents contenus mathmatiques quelle fait progressivement rencontrer aux lves
http://www.ictma.net
12
relever sils veulent que lenseignement mathmatique, en cohrence avec lenseignement des
sciences et en le compltant, contribue comme il doit le faire au dveloppement scienti que,
conomique et social, la citoyennet, ainsi qu lpanouissement personnel des individus.
Relever un tel d suppose des volutions substantielles par rapport ltat actuel de
lducation mathmatique. Dans la suite de ce document, nous insistons sur les volutions qui
nous semblent les plus dcisives et pointons un certain nombre de conditions ncessaires
ces volutions. Nous essayons galement de montrer leur possibilit en nous appuyant sur des
ralisations menes dans des contextes divers du point de vue conomique, social et culturel.
Ces exemples nous servent aussi insister sur le fait que, si des principes communs peuvent
guider laction, il ny a pas de voie unique pour des volutions positives et quil ny a pas non
plus de solution que lon puisse directement transposer dun contexte ducatif un autre. Ils
montrent en n que lobtention damliorations positives et durables ncessite une continuit
de laction politique dans la dure, sappuyant sur la collaboration organise de tous les acteurs
impliqus et des formes daction qui, rompant avec les pratiques usuelles, assurent un partage
adquat des initiatives et responsabilits.
13
2. ducation mathmatique et littracie
A ssurer la littracie mathmatique de tous les jeunes nest pas la seule ambition de lducation mathmatique dans la scolarit de base, mais cen est lambition fondamentale et prioritaire. Assurer cette littracie, cest permettre le dveloppement des
connaissances et comptences mathmatiques ncessaires lintgration
et la participation active dans une socit donne ainsi que ladaptation
aux volutions prvisibles de celle-ci. Cest aussi rendre possible laccs
un monde plus large que celui dans lequel on a t duqu, cest former
des individus capables de trouver leur place dans le monde actuel, de sy
panouir, et daider relever les grands d s que lhumanit doit affronter
aujourdhui : sant, environnement, nergie, dveloppement. Cette ambition,
loin dtre remplie aujourdhui, constitue un premier d pour lducation
mathmatique de base.
2.1 Le d de la littracie mathmatique
Le d relever est dabord celui de laccessibilit la scolarit de base. Les ambitions exprimes
dans lObjectif du Millnaire pour le dveloppement, qui prvoit laccs la scolarit de base
de tous les jeunes en 2015, sont loin dtre satisfaites puisquaujourdhui environ 72 millions
denfants en ge de frquenter lcole primaire ne sont pas scolariss. Le d quantitatif de
cette accessibilit gnralise pose en particulier celui de lexistence dun nombre suf sant
denseignants quali s pour ces lves, sur lequel nous reviendrons dans la suite (cf. partie 5).
Il ne saurait tre minimis. Dans ce chapitre, nous voudrions nous centrer cependant sur un
autre d , celui de ladaptation de la scolarit de base aux attentes actuelles en termes de
littracie mathmatique. Comme nous lavons mentionn plus haut, ces attentes se sont en effet
considrablement modi es du fait de lvolution technologique, conomique et sociale, et elles
continueront voluer lavenir.
Assurer la littracie mathmatique de tous les jeunes nest pas la seule ambition de lducation mathmatique dans la scolarit de base, mais cen est lambition fondamentale et prioritaire
14
Il ne suf t plus aujourdhui de matriser les savoirs basiques concernant
les nombres et les grandeurs qui ont longtemps constitu la condition
mathmatique de lintgration sociale. La culture numrique dans
laquelle baignent de plus en plus les socits actuelles, les responsabilits
nouvelles que doivent assumer les individus, en tant que citoyens ou titre
personnel, lincertitude grandissante qui marque le monde dans lequel
nous vivons, ncessitent une rvision de lide de littracie mathmatique.
La connaissance du nombre, du systme de numration dcimal et des
oprations arithmtiques, la capacit rsoudre les problmes qui relvent
du champ de larithmtique lmentaire comme le sont par exemple les
problmes de proportionnalit, la connaissance des systmes de grandeurs
et des formes gomtriques usuelles du plan et de lespace, ont longtemps
constitu le contenu de lenseignement des mathmatiques pour tous. Elles
restent des bases incontournables de la littracie mathmatique. Comme
ctait le cas hier, lenfant doit apprendre acqurir le sens des nombres
et des formules, apprendre estimer, mesurer, jouer avec les ordres de
grandeur. Cependant, dune part ces bases ne suf sent plus rpondre
aux besoins actuels qui se sont fortement accrus, dautre part on ne peut
penser leur apprentissage mme sans prendre en compte les conditions
sociales actuelles dusage de ces connaissances et les moyens nouveaux que
les technologies offrent pour cet apprentissage.
Aujourdhui, la littracie mathmatique doit en particulier permettre aux
individus de comprendre, analyser, critiquer des donnes multiples dont la
prsentation engage des systmes de reprsentation divers et complexes,
numriques, symboliques et graphiques, le plus souvent en interaction. Elle
doit leur permettre de faire des choix raisonnables, en sappuyant sur la
comprhension, la modlisation, la prdiction, et de contrler leurs effets,
dans des situations indites et souvent empreintes dincertitude. Il est donc
essentiel notamment que tout individu soit, au cours de sa scolarit de base
en mathmatiques, progressivement mis en contact avec la complexit du
monde numrique actuel, apprenne sy reprer et y agir, quil se familiarise
avec la diversit des modes de reprsentation qui y sont utiliss. Il importe
quil soit aussi progressivement familiaris avec les modes de raisonnement
probabilistes et statistiques qui sont ncessaires pour mettre la pense mathmatique au service
de la comprhension des nombreux phnomnes qui, dans les sciences comme dans la vie
sociale, font intervenir lincertain et le risque.
Il ne suf t plus aujourdhui de matriser les savoirs basiques concernant les nombres et les grandeurs qui ont longtemps constitu la condition mathmatique de lintgration sociale. La culture numrique dans laquelle baignent de plus en plus les socits actuelles, les responsabilits nouvelles que doivent assumer les individus, en tant que citoyens ou titre personnel, lincertitude grandissante qui marque le monde dans lequel nous vivons, ncessitent une rvision de lide de littracie mathmatique
15
Il faut aussi prendre en compte, comme nous lavons soulign plus haut, les usages rels et
les potentialits offertes par les technologies actuelles lapprentissage. Les usages rels nous
montrent en particulier une volution indniable des pratiques sociales du calcul. Le calcul
est toujours une composante cl de la littracie mathmatique, mais il est de plus en plus
instrument par une diversit doutils. Son organisation et son contrle ncessitent dans ces
conditions des capacits accrues destimation, de raisonnement bases sur les proprits des
nombres et des oprations, de nouveaux quilibres entre calcul exact et calcul approch, entre
calcul crit et calcul mental. Prparer adquatement les lves ces formes actuelles du calcul
travers la scolarit de base requiert de repenser la vision de son apprentissage, et notamment
de repenser les objectifs que lon donne lapprentissage des techniques opratoires. Il ny a
bien sr pas cette question, source dinpuisables dbats, une rponse uniforme indpendante
de la ralit des contextes et des moyens qui y sont socialement disponibles pour lactivit
mathmatique.
Il nous semble galement important de souligner que lenseignement des mathmatiques nest pas
le seul contribuer au dveloppement des connaissances ncessaires la littracie mathmatique.
Il doit le faire en interaction troite avec les autres enseignements, en particulier scienti ques,
en arrivant dpasser les cloisonnements existants entre les disciplines, comme soulign dans
lintroduction. Lenseignement des mathmatiques joue nanmoins dans ce domaine un rle cl,
car il est le seul prendre les objets et techniques concerns comme des objets dtude en soi
et organiser systmatiquement la progression des connaissances les concernant. Cest le point
de vue qui est par exemple dvelopp dans louvrage Mathematics and Democracy. The case for
Quantitative Literacy publi en 2001 aux tats-Unis par le National Council on Education and the
Disciplines (Steen, 2001), mme sil y est reconnu que lenseignement des mathmatiques aux
tats-Unis dAmrique ne remplit justement pas cette mission. Il y est galement soulign que
la notion de littracie ne doit pas tre conue comme quelque chose de xe, indpendant du
temps et de lespace. Les besoins qui y sont exprims en termes de quantitative literacy sont trs
visiblement ceux de la socit amricaine actuelle ou de socits comparables cette dernire,
en termes de dveloppement comme en termes de choix socitaux. Mais, sans minimiser les
diffrences culturelles, il nous semble important de souligner que, partout dans le monde, on
observe une volution et un accroissement des besoins en termes de littracie mathmatique
qui doivent tre pris en compte dans la conception dune ducation mathmatique de qualit
pour tous. Par ailleurs, on ne saurait oublier que lducation mathmatique de base, dans sa
composante de littracie mathmatique, doit permettre danticiper sur les volutions futures des
socits et ouvrir tous laccs dautres mondes.
16
2.2 Au-del du dveloppement dune littracie mathmatique
Mme sagissant de la scolarit de base, la seule ambition dune ducation mathmatique de
qualit pour tous ne peut tre rduite au dveloppement dune littracie mathmatique, au sens
d ni plus haut. Lducation mathmatique, y compris dans la scolarit obligatoire, doit rpondre
aussi dautres besoins. Elle doit permettre tous de percevoir lincroyable aventure humaine
que constitue le dveloppement des mathmatiques travers les sicles et les continents, une
aventure insparable de lhistoire de lhumanit. Elle doit permettre tous de sinterroger sur le
rle quont jou, que jouent aujourdhui les mathmatiques dans le dveloppement scienti que,
technologique, conomique et social. Elle doit permettre aux lves dexercer leur niveau les
moyens de la pense mathmatique que sont labstraction, la gnralisation, le raisonnement
logique et la preuve, la symbolisation mathmatique, et den comprendre la puissance. Elle doit
aussi prparer la formation ultrieure de tous ceux dont la vie professionnelle ncessitera des
mathmatiques avances, et susciter lintrt des jeunes pour ces professions, ce qui, on le sait,
constitue aujourdhui dans de nombreux pays un rel d .
Pour cela, il est important de donner des mathmatiques la vision dune science vivante, ancre
dans le monde et en interaction avec les autres champs scienti ques. Ceci impose de prendre
en compte un certain nombre de caractristiques des mathmatiques actuelles rappeles
par Lsl Lovsz, le prsident de lUnion mathmatique internationale, lors de la confrence
organise Lisbonne en 2007 sur le futur de lducation mathmatique en Europe : la croissance
exponentielle de la communaut mathmatique et des activits de recherche dans ce domaine,
les nouvelles aires dapplication des mathmatiques et leur in uence croissante, les nouveaux
outils de lactivit mathmatique que sont les ordinateurs et les technologies de linformation
et de la communication, ainsi que les nouvelles formes dactivit mathmatique (Lovsz, 2007).
Ceci impose en particulier de considrer les interfaces des mathmatiques au-del de leurs
interactions historiques avec la physique : interface avec les sciences informatiques, lconomie, la
biologie notamment ; les volutions internes aux mathmatiques elles-mmes, avec limportance
croissante prise par des domaines comme les mathmatiques discrtes et les probabilits, et
lvolution des interactions entre domaines mathmatiques. Ceci impose aussi de prendre en
compte lvolution des pratiques mathmatiques troitement lie lvolution technologique :
limportance et la visibilit croissante de la part exprimentale des mathmatiques ; lappui de la
technologie au calcul, la visualisation et la simulation ; le renforcement et une vision renouvele
de la dimension algorithmique des mathmatiques ; sans oublier la gestion raisonne et ef cace
de la diversit actuelle des sources dinformation et formes possibles de travail collaboratif.
Comment prendre en compte ces volutions dans la scolarit de base ? Face la diversit
des mathmatiques actuelles, des choix simposent ncessairement. Comme le soulignait Lsl
17
Lovsz dans la confrence dj cite qui concernait lducation
mathmatique de faon globale, ils ne sont pas vidents et sont
rendus encore plus dif ciles par un contexte o la tendance gnrale
est la baisse des horaires des enseignements de mathmatiques.
Nous ajouterons quils sont encore plus dlicats quand il sagit de
la scolarit de base o les lves ne disposent pour approcher ces
mathmatiques actuelles que de connaissances limites et souvent
encore fragiles. Mais, sauf perptuer lide trop largement rpandue
chez les lves que les mathmatiques sont une science morte, il
faut imprativement relever ce d , trouver des quilibres satisfaisants
entre le dveloppement des comptences mathmatiques attendues
de tous et louverture des questions actuelles bien choisies. Ces
changements doivent seffectuer sans opposer mathmatiques
traditionnelles et actuelles, en repensant lenseignement des domaines
traditionnels pour quil re te mieux la ralit des visions et pratiques
mathmatiques actuelles, et en organisant une meilleure interaction
entre enseignement des mathmatiques et enseignement des
sciences. Il ny a pas de rponse unique ce d , mais il importe
de faire des choix cohrents et ralistes, compte tenu des contextes
et des cultures6. Ces choix doivent tre informs par une vision de
lvolution rcente des sciences mathmatiques pense en prenant en
compte leurs implications possibles pour lenseignement. Cette vision
doit tre rendue accessible, via des formes adaptes, aux enseignants.
Cest dailleurs lambition du projet Felix Klein qui vient dtre
lanc conjointement par lUnion mathmatique internationale et la
Commission internationale de lenseignement mathmatique7.
6 Louvrage (Kahane, 2001) rsultant des travaux de la Commission de r exion sur lenseignement des mathmatiques en France ainsi que les diffrents documents labors par cette commission et accessibles sur le site de la Socit mathmatique de France (smf.emath.fr/Enseignement/CommissionKahane/) constitue lexemple dune telle r exion mene dans le contexte franais.
7 La Commission internationale de lenseignement mathmatique (CIEM alias ICMI : International Commission on Mathematical Instruction) est une commission de lUnion mathmatique internationale. Pour des informations sur le projet Felix Klein, on peut se rfrer au site de lICMI : http://www.mathunion.org/ICMI/. Ce projet vise dans un premier temps les enseignants du secondaire mais il est prvu de ltendre lensemble des enseignants de mathmatiques.
Il y a aujourdhui consensus pour estimer que ce qui est attendu, ce sont avant tout des connaissances oprationnelles qui sexpriment par la capacit mobiliser des outils mathmatiques pour faire face des situations nouvelles et potentiellement problmatiques, et pas seulement la capacit reproduire des procdures apprises dans des contextes trs proches de ceux de lapprentissage et relativement stables
http://www.mathunion.org/ICMI
18
2.3 Apprentissage de contenus/Dveloppement de comptences
Les considrations qui prcdent imposent que lon sinterroge la fois sur les contenus
denseignement et sur les attentes prcises que lon a en termes dapprentissage vis--vis de
ces contenus. De ce point de vue, il y a aujourdhui consensus pour estimer que ce qui est
attendu, ce sont avant tout des connaissances oprationnelles qui sexpriment par la capacit
mobiliser des outils mathmatiques pour faire face des situations nouvelles et potentiellement
problmatiques, et pas seulement la capacit reproduire des procdures apprises dans des
contextes trs proches de ceux de lapprentissage et relativement stables. Il y a aussi consensus
pour estimer que ce sont des connaissances suf samment solides et structures pour pouvoir
servir de base des apprentissages ultrieurs, vu le caractre cumulatif des connaissances
mathmatiques. La r exion dans ce domaine sest accompagne defforts systmatiques pour
exprimer ce que lon entend par comptence mathmatique, en essayant notamment de
dterminer des catgories transcendant tel ou tel contenu prcis, pour aider comprendre plus
globalement la pense mathmatique et sa progression possible. Par exemple, Kilpatrick, Swafford
et Findell (2001) d nissent ce quils appellent mathematical pro ciency comme le rsultat
de lentrelacement de cinq dimensions : conceptual understanding, procedural uency, strategic
competence, adaptive reasoning and productive disposition . Dans le modle KOM dvelopp
au Danemark (Niss, 2002), qui a servi de base la rforme de lenseignement secondaire mise
en uvre en 2005 dans ce pays et inspir galement le concept de mathematical literacy
du programme PISA de lOCDE (OCDE, 1999, 2006), les comptences mathmatiques
sont d nies comme le pouvoir dagir avec intelligence et dune faon convenable dans des
situations comportant une certaine forme de d mathmatique. Huit comptences majeures
sont identi es, distinctes mais non indpendantes8. Le degr de dveloppement de chacune
est, pour un individu donn, valu selon trois dimensions : la matrise quil a de ses aspects
caractristiques, lampleur du domaine de contextes et de situations o il peut les appliquer, et
le niveau technique de ces applications.
Cette attention porte lexplicitation de comptences transversales sest traduite dans divers
pays par une prise de distance avec les descriptions curriculaires traditionnelles en termes de
contenus au pro t de descriptions structures autour de lacquisition de telles comptences
transversales. Il nous semble aujourdhui important de trouver un quilibre et une articulation
8 Ces comptences transversales sont les suivantes : 1. matriser les formes caractristiques de poser et rsoudre des questions mathmatiques ; 2. pouvoir reconnatre, formuler et rsoudre des problmes mathmatiques ; 3. pouvoir comprendre, valuer et construire des modles mathmatiques ; 4. pouvoir suivre, analyser, valuer et construire des raisonnements mathmatiques ; 5. pouvoir manier diverses reprsentations de phnomnes mathmatiques ; 6. pouvoir manier les formalismes mathmatiques ; 7. pouvoir communiquer en mathmatiques et leur propos ; 8. pouvoir utiliser les outils appropris pour lactivit mathmatique.
19
raisonnable dans la d nition de la scolarit de base en mathmatiques entre ces deux types
de description. Les d nitions usuelles en termes de seuls contenus laissent gnralement
implicite ce qui est exactement attendu comme comptence lissue de lenseignement, et
chouent montrer clairement comment les apprentissages spci ques dans tel ou tel domaine
sinscrivent dans un objectif plus gnral de dveloppement de comptences mathmatiques.
En ce sens, elles ne favorisent pas les volutions et adaptations ncessaires mentionnes plus
haut. Mais les d nitions en termes de comptences gnrales ne suf sent pas non plus elles
seules construire une organisation curriculaire cohrente respectueuse de lpistmologie des
domaines concerns, rendant visibles les raisons dtre des notions et techniques enseignes, et
prenant en compte le caractre cumulatif des connaissances mathmatiques. Comme soulign
dans (Winslow, 2005), les mathmatiques rsultent dune histoire humaine par rapport
laquelle une vision en termes de dveloppement de comptences transversales a peu de sens.
La construction dun curriculum pour la scolarit de base se doit donc de conjuguer, de faon
quilibre, les deux approches complmentaires que sont lapproche en termes de contenus et
lapproche en termes de comptences transversales, et cest l un rel d , lexprience montrant
la dif cult de trouver des quilibres satisfaisants. En particulier, il importe de faire apparatre
clairement la faon dont lenseignement de domaines mathmatiques donns contribue au
dveloppement de comptences transversales, sans gommer la spci cit de ces contributions.
Les formes de raisonnement et de preuve par exemple sont en mathmatiques, au-del de
bases de logique communes, troitement dpendantes des domaines
dans lesquels elles se dveloppent. Lef cacit du raisonnement ne
repose pas en thorie des nombres, en gomtrie, en probabilits et
statistique, sur les mmes schmas.
2.4 ducation mathmatique pour tous/ducation mathmatique de qualit
La scolarit de base doit assurer, nous lavons soulign, une ducation
mathmatique de qualit tous les lves. Ces deux ambitions
assurer une ducation mathmatique de qualit et assurer une
ducation mathmatique pour tous les lves sont souvent perues
comme inconciliables. Elles le sont, objectivement, si lon ne dispose
pas dun nombre suf sant denseignants quali s pour assurer, dans
des conditions satisfaisantes, la gnralisation de laccs la scolarit
de base, ce qui est malheureusement le cas dans nombre de pays en
voie de dveloppement. Mais il y a aussi souvent derrire cette vision
lide quune ducation mathmatique de qualit est ncessairement
La scolarit de base doit assurer une ducation mathmatique de qualit tous les lves. Ces deux ambitions assurer une ducation mathmatique de qualit et assurer une ducation mathmatique pour tous les lves sont souvent perues comme inconciliables
20
une ducation slective, que vouloir sadresser tous les lves ne peut se faire quau prjudice
de cette qualit. Surmonter cette vision, le plus souvent solidement ancre dans la culture, est
un rel d pour lenseignement des mathmatiques. Il est loin davoir t surmont. Pourtant
les rsultats dvaluations internationales (OCDE, 2004, 2007) tendent montrer que, parmi
les systmes ducatifs qui russissent le mieux, gurent des systmes qui ont fait le pari dune
ducation inclusive dans la scolarit de base. La diversit des choix ducatifs des pays concerns
montre, encore une fois, que la solution ce problme nest pas unique. Elle montre aussi ce
quoffrent la comprhension des possibilits offertes les tudes comparatives qui se sont
multiplies ces dernires annes et ont t largement motives par ces enqutes (cf. par exemple
(Kaiser, Luna et Huntley, 1999), (Leung, Graf et Lopez-Real, 2006)). Soulignons en n quune
conception inclusive de la scolarit de base nexclut pas de mettre en place, pour renforcer
lintrt des lves pour les mathmatiques et leur permettre de sy engager plus intensment
sils le souhaitent, des activits priscolaires comme il en existe dans de trs nombreux pays
(cf. partie 7).
21
3. Le d de lvolution des pratiques denseignement
S urmonter les d s mentionns dans la partie prcdente suppose une volution des pratiques denseignement permettant leur mise en cohrence avec les ambitions af ches. Les tudes des pratiques enseignantes menes dans le cadre de recherches didactiques et de formations, tout comme les enqutes menes par les
institutions internationales (Commission europenne, 2007), montrent en effet que ce nest
pour linstant gnralement pas le cas. Lenseignement des mathmatiques dans la scolarit
de base est trop souvent encore un enseignement peu stimulant :
conu comme un enseignement formel, centr sur lapprentissage de techniques et la mmorisation de rgles dont la raison dtre ne simpose pas aux lves ;
dans lequel les objets mathmatiques sont introduits sans que lon sache quels besoins ils rpondent, ni comment ils sarticulent avec ceux prexistants ;
dans lequel les liens avec le monde rel sont faibles, gnralement trop arti ciels pour tre convaincants, et les applications strotypes ;
dans lequel les pratiques exprimentales, les activits de modlisation sont rares ;
dans lequel une utilisation pertinente de la technologie reste encore relativement rare ;
o les lves ont peu dautonomie dans leur travail mathmatique et sont trs souvent cantonns dans des tches de reproduction.
Les recherches et exprimentations montrant que dautres alternatives sont possibles, productives
en termes dapprentissage et donnant aux lves une autre vision des mathmatiques et de leur
capacit saisir la signi cation de cette science, se sont pourtant accumules au l des annes
(cf. par exemple (Bishop et al., 1996, 2003), (Lester, 2007) pour des visions synthtiques).
Elles sappuient gnralement sur des perspectives socioconstructivistes de lapprentissage
(Ernest, 1998). Elles mettent laccent sur la place accorder la rsolution de problmes dans
lenseignement des mathmatiques, que ces problmes soient utiliss pour motiver et prparer
lintroduction de nouvelles notions, ou quils permettent de les travailler et les exploiter aprs
22
quelles aient t introduites. Lapprentissage y est peru comme une opration progressive
de prise de sens au l de la rencontre de situations problmatiques soigneusement choisies et
organises, grce la mdiation de systmes de reprsentation et dartefacts divers, les objets
mathmatiques ntant pas des objets directement accessibles nos sens. La dimension sociale
de cet apprentissage, par le biais des interactions entre lves et entre enseignant et lves, est
fortement souligne, tout comme limportance accorder lexprience acquise par les lves
hors de lcole.
Pourtant, de nombreuses tudes montrent aussi que, lorsque les enseignants essaient de modi er
leurs pratiques pour les mettre en accord avec ce discours socioconstructiviste dominant,
proposant par exemple aux lves des problmes plus ouverts censs induire de leur part une
dmarche dinvestigation, les rsultats ne sont pas ncessairement satisfaisants. Ce qui est alors
souvent observ, cest une activit des lves qui, mme lorsquelle est convenablement cible
et raisonnablement productive sur le plan mathmatique ce qui nest pas ncessairement
le cas , est dif cilement exploite par lenseignant sil ny est pas spci quement form. Le
partage des responsabilits mathmatiques entre enseignants et lves que sous-entend cette
vision de lapprentissage est en fait loin daller de soi. Il requiert des tches et un guidage
appropri des lves, ainsi quun contrat didactique appropri (Brousseau, 1997). Il requiert des
enseignants capables de faire face limprvu et didenti er le potentiel mathmatique dides
et de productions dlves non ncessairement anticipes. Il requiert des enseignants capables
en n daider les lves relier les rsultats quils ont obtenus dans un contexte particulier
avec les connaissances vises par linstitution, la fois dans leur contenu et dans leur forme
dexpression. Les besoins en expertise enseignante vont ainsi bien au-del de ce qui est en jeu
dans les pratiques denseignement traditionnelles.
Tout cela renvoie la question incontournable de la formation des enseignants et des ressources
qui sont mises la disposition de ces derniers pour leur permettre de faire voluer leurs
pratiques. Nous y reviendrons dans la suite de ce texte mais voudrions ds prsent souligner
quelques points. Une formation approprie devrait en particulier aider plus ef cacement
les enseignants laborer des tches susceptibles de permettre des activits dinvestigation
mathmatiquement productives, dans les contraintes qui sont celles de la classe, les aider plus
ef cacement jouer le rle de guide et de mdiateur qui est le leur pour grer ces activits
de faon mathmatiquement ef cace. Par ailleurs, les volutions de pratiques sont penser
en termes de dynamiques, en veillant maintenir une distance raisonnable entre lancien et le
nouveau, et elles doivent tre soutenues par des ressources adaptes permettant denclencher
et soutenir les volutions demandes. Trop souvent encore, ce qui est propos aux enseignants
en formation ou via les ressources qui sont mises leur disposition, ce sont des modles de
pratiques trop loigns de leurs pratiques relles pour pouvoir tre assimils sans tre dnaturs.
Par ailleurs, laccroissement des besoins dexpertise tant mathmatique que didactique que les
23
nouvelles pratiques requirent est largement sous-estim. Tout ce contexte rend dif cile pour
les enseignants la perception des bn ces quils peuvent retirer des changements prconiss et
ne les incite pas sengager dans les volutions souhaites.
travers ces constats est pose la question de ladquation des modles de formation et de
diffusion des innovations et recherches sur laquelle nous reviendrons ultrieurement.
Avant de passer au point suivant, nous voudrions cependant insister sur le fait que, mme si
le modle socioconstructiviste brivement dcrit plus haut inspire aujourdhui, plus ou moins
explicitement, beaucoup dinnovations et dactions ducatives, il peut, suivant les contextes
sociaux et culturels, sincarner dans des formes sensiblement diffrentes. Par ailleurs, il nest pas
le seul modle possible (Sierpinska et Lerman, 1996). Cest ce que montrent des tudes comme
ltude ICMI concernant la comparaison des cultures denseignement dans des pays dAsie de
tradition confucenne et des pays de lOuest (Leung, Graf et Lopez-Real, 2006) ou The Learners
Perspective Study (Clarke, Keitel et Shimizu, 2006), (Clarke, Emanuelsson, Jablonka et Chee Mok,
2006), qui compare les pratiques denseignants reconnus comme experts dans douze pays.
25
4. Le d de lvaluation
L valuation est ncessaire lenseignement des mathmatiques, la fois dans sa dimension formative, pour piloter les apprentissages au cours de leur ralisation, et dans sa dimension sommative, pour situer les rsultats obtenus par rapport aux attentes et valuer lcart entre le curriculum vis et le curriculum atteint. Elle doit pour
cela savoir conjuguer des dimensions internes et externes, qualitatives et quantitatives, et
sappuyer sur des mthodologies et instruments appropris. Il y a l un point de consensus
sur lequel il nous semble inutile de nous appesantir.
Une question essentielle dans ce domaine est celle de la mise en cohrence
des moyens de lvaluation avec les objectifs viss par lenseignement, dans un
respect des valeurs qui sous-tendent ce dernier. Cette mise en cohrence est
fondamentale vu lin uence que lvaluation exerce sur les enseignements et
elle reprsente un rel d pour lenseignement des mathmatiques. Elle nest
pas facile car, comme nous lavons soulign, une ducation mathmatique de
qualit vise des objectifs divers, en termes de connaissances, de comptences
spci ques et transversales, dattitudes vis--vis de la discipline. Elle met
en jeu des capacits individuelles mais aussi des capacits de nature plus
collective. Elle doit prendre en compte le fait que la rsolution de problmes,
qui constitue une part essentielle de lactivit mathmatique, ncessite, pour
tre value convenablement, une dure suf sante. Elle doit tre en accord
avec les pratiques en ce qui concerne les outils technologiques autoriss. Et,
dans la perspective qui est celle de lUNESCO, dune scolarit de base de
qualit accessible tous et vecteur dpanouissement et de dveloppement
personnel, elle doit tre conue pour permettre chacun dexprimer au
mieux ses connaissances et comptences, en tant attentive la diversit des
formes que ces connaissances et comptences peuvent prendre.
Tout ceci plaide pour une valuation multiforme, aucune forme dvaluation ne pouvant
prtendre satisfaire lensemble de ces conditions. En particulier, il importe de reconnatre que
les activits de recherche, les activits exprimentales, les ralisations de projets mathmatiques,
les activits de synthse, dexpos, les travaux de nature historique, les ralisations pratiques, qui
doivent avoir leur place dans une ducation mathmatique de qualit pour tous, et doivent donc
Une question essentielle dans ce domaine est celle de la mise en cohrence des moyens de lvaluation avec les objectifs viss par lenseignement, dans un respect des valeurs qui sous-tendent ce dernier
26
elles aussi tre values pour voir leur importance institutionnellement reconnue, ncessitent
des formes adaptes dvaluation.
Il existe aujourdhui une tendance forte multiplier les valuations et, pour assurer leur
scienti cit , permettre des passations grande chelle et en minimiser les cots, les baser
sur des sries de questions choix multiples ou ncessitant une rponse brve, si possible
traitable de faon automatique9. De telles valuations peuvent tre trs bien conues et on peut
en tirer des informations trs intressantes, comme le montrent de nombreuses ralisations.
Elles limitent cependant lapprciation de ce que peut tre une formation mathmatique de
qualit, en rduisant cette apprciation ce que les outils utiliss, soumis de nombreuses
contraintes, permettent dvaluer. Il nous semble pour cette raison dangereux de limiter ce
seul type les modes dvaluation des lves et, plus forte raison, den faire les instruments
privilgis de pilotage dun systme ducatif. Lhistoire rcente nous donne des exemples deffets
pervers de tels dispositifs (Schoenfeld, 2007), (Keitel, 2008). Elle nous montre en particulier que,
dans les contextes les plus fragiles, lenseignement peut driver vers un enseignement centr sur
la prparation de tests qui, quelle que soit la qualit de ces derniers, est inconciliable avec une
ducation mathmatique de qualit telle que nous lenvisageons.
Lvaluation a un rle crucial jouer dans la mise en place et la gnralisation russie dune
ducation mathmatique de qualit pour tous. Il est important quelle soit mise au service de
cette cause, que son adquation aux valeurs de lducation mathmatique, sa qualit, ses effets
directs et indirects soient soigneusement contrls.
9 Prcisons que toutes les valuations grande chelle ne sont pas de ce type.
27
5. Le d enseignant : condition, formation initiale et continue
L es enseignants sont le maillon cl de toute volution positive et durable des systmes ducatifs. Ils constituent aujourdhui le d principal dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Les problmes poss sont sur ce plan multiples, la fois quantitatifs et qualitatifs.
5.1 Le d quantitatif
Le d quantitatif est un d qui ne touche pas de faon identique
toutes les parties du monde. Dans certains pays, la profession
denseignant dans la scolarit de base bn cie dune bonne image
sociale, les salaires sont convenables si ce nest attrayants, les conditions
dexercice du mtier sont bonnes, tout ceci contribuant faire de cette
profession une profession attractive. Cette situation est loin dtre
gnrale au sein mme des pays dvelopps, comme le montrent les
srieux problmes de recrutement et de rtention observs dans un
certain nombre dentre eux (OCDE, 2005). La dsaffection pour les
tudes mathmatiques luniversit en accrot la svrit, gnrant
de vritables cercles vicieux (Holton, 2009). Les problmes majeurs
se posent cependant dans les pays en voie de dveloppement o se
cumulent trs souvent faible attractivit du mtier, nombre insuf sant
la fois dtudiants issus de lenseignement secondaire susceptibles
de sorienter vers cette profession, et de formateurs pour en assurer
la prparation. ceci sajoute, dans nombre de ces pays, un exode
important des tudiants ou mme enseignants dj forms au
pro t de pays offrant de meilleures perspectives professionnelles.
Ce phnomne est particulirement prsent dans bon nombre de
pays africains, comme le montre ltude sur ltat de la formation
Les enseignants sont le maillon cl de toute volution positive et durable des systmes ducatifs. Ils constituent aujourdhui le d principal dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Les problmes poss sont sur ce plan multiples, la fois quantitatifs et qualitatifs.
28
des enseignants dans douze pays motive par le colloque AFRICME1 (Adler et al., 2007). Les
auteurs de cette tude ajoutent aux dif cults mentionnes ci-dessus celles dues la mortalit
conscutive au SIDA, et soulignent que les problmes rencontrs, mme sils concernent la
profession enseignante en gnral, touchent spcialement les enseignants de mathmatiques, car
de nombreuses autres perspectives demploi soffrent eux, dans le pays mme ou ltranger.
Le problme quantitatif du recrutement et de la rtention des enseignants est donc un
problme majeur et, pour le rsoudre, il faut considrer les problmes de lenseignement des
mathmatiques au-del de la seule scolarit de base. Comme soulign dans le rapport rcent :
Mathematics in Africa: Challenges and Opportunities, ralis par le Developing Countries Strategic
Group de lUnion mathmatique internationale pour la John Templeton Foundation (DCSG,
2009) : To concentrate on primary education alone will be futile if there are no quali ed
teachers; there can be no quali ed teachers without skilled mentors to teach the teachers 10
Un tel constat suppose des ux suf sants dans lenseignement secondaire suprieur et au
niveau des tudes universitaires. Surmonter ce d ncessite une reconnaissance sociale de
la profession la hauteur de son importance relle, et une amlioration des conditions de
travail des enseignants. De telles amliorations passent forcment par des efforts systmatiques
pour permettre tous les enseignants daccder des rseaux, des ressources, des formations,
dchanger et collaborer avec dautres.
5.2 Le d qualitatif
Le second d est celui de la qualit, car il est clair que, dans beaucoup de pays, la qualit de
la formation est loin dtre satisfaisante, mme lorsque le problme quantitatif ne se pose pas.
Comme nous lavons soulign, les attentes vis--vis de la scolarit de base se sont substantiellement
accrues. Rpondre ces demandes accrues exige des enseignants solidement forms tant sur
le plan mathmatique que didactique et pdagogique. La scolarit de base, notamment dans
ses premires annes mais, dans un certain nombre de pays, dans son intgralit, est assure
par des enseignants qui, dans leur grande majorit, ont eux-mmes connu des dif cults dans
leurs apprentissages mathmatiques et ont une image ngative de la discipline. De plus, il sagit
souvent denseignants polyvalents et les heures consacres la formation scienti que, et a
fortiori la formation mathmatique, ne constituent quune fraction limite de leur formation.
Tout ce contexte rend le problme de leur formation dautant plus dlicat.
10 Limportance accorder la formation au-del de la seule scolarit de base tait galement au centre de la confrence Higher education and research in developing countries , organise conjointement par le Niels Henrik Abel Memorial Fund et lOslo Center for Peace and Human Rights, Oslo, en fvrier 2008 : http://www.dnva.no/c26889/artikkel/vis.html?tid=27509.
http://www.dnva.no/c26889/artikkel/vis.html?tid=27509
29
Ces caractristiques de la scolarit de base imposent une r exion approfondie sur les
connaissances ncessaires lexercice de cette profession et sur la faon dont ces connaissances
peuvent tre dveloppes. Nul ne saurait nier que lexercice de la profession requiert une
connaissance approfondie des mathmatiques vises par lenseignement. Un premier point
important est que les mathmatiques de la scolarit obligatoire ne se limitent plus, comme nous
lavons soulign, aux mathmatiques enseignes ce mme niveau il y a quelques dcennies.
Trop souvent, la formation mathmatique des futurs enseignants nglige ces volutions et ne les
prpare donc pas donner dans leur enseignement une vision des mathmatiques comme science
vivante interagissant avec de nombreux domaines. Ceci est particulirement dommageable si
lon vise, comme cela a t soulign plusieurs reprises dans ce document, un enseignement des
mathmatiques qui soit capable de construire des interactions productives avec lenseignement
des sciences. Un second point, encore plus important, est celui de la spci cit des mathmatiques
pour lenseignement. Ltude des formations et des pratiques enseignantes a conduit mettre en
question lef cacit de formations mathmatiques ne prenant pas suf samment en compte les
besoins mathmatiques spci ques de la profession (Even et Ball, 2009). Il y a aujourdhui en effet
un large consensus pour considrer que ces connaissances ne se limitent pas des connaissances
mathmatiques acadmiques, dune part, et des connaissances pdagogiques, dautre part,
connaissances dont lapprentissage pourrait se faire de faon conscutive ou juxtapose.
Diverses catgorisations ont t proposes pour dcrire les diffrents types de connaissances
en jeu, plus ou moins toutes drives du modle initial de Shulman (1986) distinguant content
knowledge (connaissances disciplinaires), pedagogical content knowledge (connaissances
didactiques) et pedagogical knowledge (connaissances pdagogiques). Cest le cas par
exemple de celle dveloppe par (Ball et al., 2005) partir de trs nombreuses tudes de
cas. Elle distingue quatre catgories de connaissances : common content knowledge (les
connaissances mathmatiques vises par le curriculum essentiellement), specialized content
knowledge (celles utilises par lenseignant et qui dpassent celles du curriculum lui-mme),
knowledge of students and contents (connaissances concernant les lves) et knowledge
of teaching and content (connaissances concernant lenseignement et son organisation). Ce sur
quoi ces auteurs insistent est la ncessit de considrer les mathmatiques pour lenseignement
comme une forme de mathmatiques appliques spci ques dont la connaissance ne drive
pas automatiquement dune formation mathmatique universitaire, ft-elle approfondie. Ils le
prouvent en proposant des mathmaticiens universitaires et des enseignants experts du
primaire des tches professionnelles denseignant concernant nombres dcimaux et fractions. La
formation mathmatique des enseignants doit prendre en compte cette spci cit.
Un deuxime point de consensus est le fait que la formation denseignants de qualit doit
explicitement prendre en charge la mise en relation de ces diffrents types de connaissances,
laide de dispositifs adapts, et leur actualisation dans les pratiques. Certes, toutes les mises en
relation ne peuvent tre pleinement comprises ds ce stade, comme le montrent des travaux
30
tels ceux de Ma (1999), Stevenson et Steigler (2000), mais le processus doit tre amorc
ds ce stade. Il suppose la collaboration organise de diffrentes expertises : mathmatiques,
didactiques, pdagogiques. Dans cet entrelacement de connaissances qui contribue lexpertise
professionnelle de lenseignant, les connaissances didactiques ont un rle particulier jouer, en
vertu de leur position linterface du disciplinaire et du professionnel.
Il est aussi clair aujourdhui que la profession denseignant est une profession pour laquelle une
formation initiale, quelle que soit sa qualit, doit tre complte par une formation continue
rgulire. Cet tat de fait est d plusieurs facteurs. Dune part, comme soulign ci-dessus,
un certain nombre de relations entre les diffrentes formes de connaissances, de rapports
entre connaissances et pratiques, ne peuvent prendre sens en formation initiale, faute dune
exprience denseignement suf sante ; dautre part, lenseignement des mathmatiques doit
sadapter sans cesse lvolution des sciences mathmatiques et de leur rapport au monde,
lvolution des demandes sociales, lvolution des conditions et moyens de lenseignement,
notamment ses moyens technologiques, ainsi qu lvolution des connaissances issues des
diffrents champs de recherche qui sintressent lenseignement et lapprentissage. Dans trop
de pays aujourdhui, la formation continue des enseignants est au mieux une formation bricole,
sans vision long terme, sans cohrence, sans lien de continuit avec la formation initiale. Et
cette situation hypothque trs srieusement la possibilit damliorations durables de la qualit
de lenseignement. Pourtant, lvolution des connaissances sur les pratiques des enseignants et
sur leurs modes dvolutions possibles (Krainer et Wood, 2008), (Vandebrouck, 2008) permet
aujourdhui de mieux comprendre comment la formation peut servir lvolution des pratiques
dont nous avons soulign le besoin dans la partie 3, permettant aux enseignants de faire vivre
dans leurs classes une activit mathmatique de qualit.
Nous avons mis en vidence dans cette partie du texte de grandes lignes consensuelles et
des points sur lesquels il est particulirement important de cibler les efforts. Comme dans le
cas des pratiques, il ny a pas une unique voie de progression et la plus grande attention doit
tre porte aux caractristiques contextuelles et culturelles. Certains pays ont une tradition de
formation des enseignants intgrant tout au long du cursus de formation les diffrents types
dapprentissages requis, tandis que dautres vivent dans une tradition o priorit est dabord
donne la formation disciplinaire ; certains pays ont des enseignants polyvalents pour toute la
scolarit obligatoire tandis que dans dautres cest uniquement le cas pour les premires annes
de cette scolarit, et dans dautres encore, les lves ont ds le dpart plusieurs enseignants.
On ne peut penser de faon identique les dynamiques dvolution dans ces diffrents systmes
mais, encore une fois, une telle situation rend particulirement intressantes les comparaisons
qui aident mieux comprendre les points forts et points faibles de tel ou tel systme, et
imaginer des volutions qui, de lintrieur du systme, ne seraient pas envisages. De ce point
de vue, ltude ICMI rcemment publie concernant The Professional Education and Development
31
of Teachers of Mathematics (Even et Ball, 2009) est instructive par la diversit des exemples et
analyses quelle fournit11.
Une question que nous souhaiterions nalement aborder dans cette partie est celle de
lvaluation de la qualit des formations et de limpact de ces dernires sur lapprentissage des
lves. Il sagit l de questions complexes et, alors que lon dispose dnormment de travaux
concernant lvaluation des lves en mathmatiques, la recherche est, dans ce domaine, encore
mergente. Elle est dif cile car, comme pour toute valuation, les outils labors ne sont pas
neutres. Ils constituent le ltre travers lequel les formations sont values. Ils supposent des
hypothses sur les connaissances et comptences attendues dune telle formation, ainsi que des
mthodologies pour mesurer si celles-ci sont ou non disponibles lissue de la formation.
Si lon vise des chantillons consquents, le recueil de donnes ne peut seffectuer dans le
contexte mme de lexercice de la profession mais peut au mieux le simuler. Cest dans cet
esprit quest dveloppe la premire enqute de lIEA sur la formation des enseignants (Tatto
et al., 2008)12. La recherche de liens entre les connaissances et comptences des enseignants et
les apprentissages de leurs lves pose, plus avant, la question de la discrimination entre facteurs
et de la comprhension, au-del de lidenti cation de corrlations ou implications statistiques,
des mcanismes susceptibles dexpliquer les liens ventuellement obtenus. L encore, cest une
forme de recherche relativement nouvelle et dif cile (Hill et al., 2007). Si on peut esprer
aujourdhui quelle produise des rsultats intressants, cest aussi parce que, comme nous lavons
soulign plus haut, la recherche qualitative sur les pratiques enseignantes et leurs dterminants
a substantiellement progress au cours de la dernire dcennie.
11 Nous prsentons en annexe lapproche Lesson Study, un dispositif de formation continue des enseignants existant au Japon et qui a suscit lintrt lorsque les rsultats de ce pays dans les valuations internationales TIMSS ont attir lattention sur les pratiques denseignement et de formation qui y sont mises en uvre.
12 Une description en est donne en annexe.
33
6. La mise en synergie des diffrents acteurs
T out ce qui prcde montre clairement que le d dune ducation mathmatique de qualit pour tous ncessite la mise en synergie dune diversit dexpertises, celles des mathmaticiens, des enseignants, des formateurs denseignants
et des didacticiens, notamment. Cette mise en synergie nest pas
vidente. Linvestissement des mathmaticiens dans les questions
dducation est pourtant une longue tradition, au moins dans
certains pays, comme en tmoigne par exemple lhistoire de lICMI
qui a clbr en 2008 son premier centenaire13. La Commission
elle-mme a t cre au quatrime Congrs international des
mathmaticiens Rome en 1908 et son premier prsident a t
le grand mathmaticien Felix Klein. Il tait lauteur des clbres
ouvrages de la srie Mathmatiques lmentaires dun point de
vue avanc , destins aux enseignants et visant surmonter les
discontinuits existantes dj lpoque entre mathmatiques
universitaires et mathmatiques du secondaire. Pendant un sicle,
lICMI sest situe linterface entre mathmatiques et ducation
mathmatique, cherchant renforcer les synergies, avec des
russites diverses (Artigue, 2009). Aujourdhui encore, beaucoup
reste faire. Deux d s nous semblent en particulier devoir tre
relevs : celui dun engagement plus large des mathmaticiens et de
la reconnaissance de cet engagement, dune part, et celui dune meilleure collaboration entre
mathmaticiens, didacticiens, enseignants et formateurs, dautre part. Ils sont particulirement
dlicats relever dans beaucoup de pays en dveloppement qui cumulent plusieurs dif cults :
un nombre trs limit de mathmaticiens ayant dj faire face un grand nombre dautres
responsabilits et demandes, mais un nombre trs important dlves et enseignants a priori
concerns, labsence par ailleurs dune tradition comparable celle qui a t voque ci-
dessus.
13 Cf. information sur le site historique de lICMI http://www.icmihistory.unito.it/.
Tout ce qui prcde montre clairement que le d dune ducation mathmatique de qualit pour tous ncessite la mise en synergie dune diversit dexpertises, celles des mathmaticiens, des enseignants, des formateurs denseignants et des didacticiens, notamment
http://www.icmihistory.unito.it
34
6.1 Un engagement plus large et mieux reconnu des mathmaticiens
Il existe, comme nous lavons soulign, dans de nombreux pays une tradition dengagement
des mathmaticiens dans les questions relatives lducation primaire et secondaire et la
formation des enseignants, mais lnergie de ces derniers sest souvent concentre sur la
dtection et laccompagnement des futurs talents mathmatiques. En tmoigne leur engagement
dans lorganisation de comptitions mathmatiques diverses et notamment des Olympiades de
mathmatiques. Ce choix est comprhensible, mais la russite dune ducation mathmatique
de qualit pour tous ncessite un engagement plus large des mathmaticiens, sadressant un
public moins cibl et prenant dautres formes que lorganisation de comptitions. De nombreux
exemples de telles initiatives existent aujourdhui et cest ce qui a conduit lICMI lancer
une tude intitule Challenging Mathematics In and Beyond the Classroom (Barbeau et Taylor,
2009). Nous prsentons quelques exemples en annexe mais ils ne sauraient rendre compte
de la richesse et diversit des actions existantes auxquelles les mathmaticiens contribuent
ou peuvent contribuer en faveur dune ducation mathmatique de qualit pour tous. Ceci
tant, il nen demeure pas moins que cet engagement des mathmaticiens seffectue le plus
souvent titre personnel, est peu encourag institutionnellement et peu valoris. Pour quil
en soit autrement, il faudrait que lon rompe avec un systme o seule la productivit en tant
que chercheur est valorise professionnellement, ce qui est malheureusement gnralement
le cas. Cette situation est particulirement problmatique pour les jeunes mathmaticiens, qui
pourtant sont particulirement mme de montrer aux lves que les mathmatiques sont
une science vivante.
6.2 Une meilleure collaboration entre communauts
Le second d est celui dune meilleure collaboration entre les
diffrentes communauts en charge des questions dducation,
notamment celles des mathmaticiens, des enseignants et des
didacticiens. De ce point de vue, au cours des dernires dcennies,
le dveloppement et linstitutionnalisation de la didactique comme
champ de recherche acadmique, sur la base entre autres des
dsillusions engendres par la priode des mathmatiques modernes,
ont modi les quilibres traditionnels. Durant la dernire dcennie,
dans un certain nombre de pays, linsatisfaction ressentie quant la
qualit de lenseignement des mathmatiques sest traduite par une
m ance, voire un rejet vis--vis dune recherche dont les ides,
dfaut dtre vritablement mises en uvre dans les pratiques, se
Une meilleure collaboration entre les diffrentes communauts en charge des questions dducation, notamment celles des mathmaticiens, des enseignants et des didacticiens
35
trouvaient re tes dans un certain nombre de documents curriculaires. Cet tat de fait est
particulirement vrai dans les pays o mathmaticiens et chercheurs en ducation mathmatique
vivent dans des institutions spares et collaborent peu, y compris dans la formation des
enseignants. Cette situation nous semble profondment dommageable pour lenseignement des
mathmatiques. Elle nest pas inluctable pourtant et il importe donc de faire mieux connatre
les russites dans ce domaine et den faire une source dinspiration14.
14 En annexe, nous prsentons quelques exemples : le cas des IREM (Instituts de recherche sur lenseignement des mathmatiques) en France, le cas du Park City Mathematics Institute aux tats-Unis dAmrique..
37
7. Organiser les complmentarits entre ducations formelle et non formelle
N ous avons insist dans ce qui prcde sur la ncessit pour lenseignement des mathmatiques dans la scolarit de base dtre un enseignement stimulant, celui de mathmatiques vivantes, en relation avec le monde dans lequel vivent les lves et les questions qui se posent aujourdhui lhumanit. Nous avons galement fait
rfrence des ralisations qui semblent montrer que cela est possible, sous diffrentes
formes, en fonction des choix effectus et des contextes sociaux et culturels. Mais dans
le cadre contraignant de lorganisation scolaire usuelle, auquel sajoute trs souvent un
fort cloisonnement disciplinaire, tout nest pas possible. Cest pourquoi il est important de
mnager dans linstitution scolaire des espaces de libert pour des activits plus ouvertes
obissant une autre temporalit et une autre gestion didactique. Cest pourquoi aussi il est
important de sappuyer sur les nombreuses possibilits dapprentissage qui sont aujourdhui
offertes aux jeunes, au-del de lcole. Cest l encore un d car, si des ralisations existent,
elles touchent pour linstant une proportion trs limite des lves de la scolarit de base. La
quinzime tude ICMI dj cite donne une ide de la multiplicit des ralisations existantes
en les organisant en seize catgories diffrentes et en illustrant chaque catgorie par des
exemples prcis. Sagissant ici dun texte produit pour lUNESCO, il nous semble par ailleurs
important de mentionner tout spcialement lexposition itinrante UNESCO Pourquoi
les mathmatiques ? dont trois exemplaires parcourent le monde depuis 2005. Elle est
maintenant double dune exposition virtuelle et ses prsentations sont gnralement
accompagnes de manifestations mathmatiques diverses qui attirent non seulement des
classes mais aussi un trs large public15.
15 Le site de lexposition http://www.mathex.org/MathExpo/ fournit des informations dtailles sur cette exposition et offre galement la possibilit de tlcharger lexposition virtuelle interactive qui existe en quatre langues : franais, anglais, espagnol et portugais.
http://www.mathex.org/MathExpo
39
8. Le pilotage et la rgulation des volutions
R aliser lambition dune ducation de qualit pour tous suppose donc des volutions indniables, et lon dispose pour penser ces volutions de nombreuses ralisations exprimentales. Il nen demeure pas moins que les essais de transformations grande chelle, mme lorsquils sappuient sur des exprimentations
pralables, sont le plus souvent dcevants. Le pilotage et la rgulation des volutions des
systmes ducatifs est une entreprise particulirement dlicate. dfaut de fournir des
guides srs pour lavenir, lanalyse des expriences passes montre au moins des erreurs quil
serait bon dviter de rpter. Nous en voquons certaines dans ce qui suit, en accordant une
importance particulire au cas des pays en dveloppement.
Une critique svre mais utile de la faon dont ont t souvent menes les volutions
curriculaires en mathmatiques dans les pays en voie de dveloppement, linitiative ou
avec le soutien dagences internationales, est par exemple mene par Bienvenido F. Nebres
(Nebres, 2009)16, en se basant sur lexemple de son pays, les Philippines. Il les dcrit comme
constitues de quatre phases : lapport dune nouvelle approche de lenseignement issue dune
thorie labore lOuest (mathmatiques modernes, back to basis , rsolution de problmes,
constructivisme) ; dveloppement de manuels et ressources partir de ces approches ; tudes
pilotes petites chelles dans des contextes particuliers, aux rsultats toujours positifs ; mise en
uvre lchelle nationale. La mise en uvre est accompagne dune formation des enseignants
obissant au modle dit en cascade, avec une formation substantielle aux niveaux les plus levs
mais gnralement rduite deux ou trois semaines quand on arrive au niveau des enseignants
chargs de mettre en uvre la rforme dans leurs classes. Le nouveau curriculum balaye lancien,
les enseignants doivent sy adapter brutalement avec une formation minimale, les rsultats sont
mauvais et quelques annes plus tard, un nouveau projet curriculaire est nouveau lanc pour
remdier la situation. Il oppose cette situation caricaturale le cycle des rformes curriculaires
au Japon, un cycle qui, selon la description quil en fait, stale sur une priode de 10-12 annes,
et accorde une grande place la rgulation partir du recueil systmatique de ractions des
16 Le lecteur pourra aussi se rfrer (Atweh, Clarkson et Nebres, 2003) pour une analyse plus globale.
40
enseignants, de leur analyse, synthse et discussion tous les niveaux du systme ducatif, pour
penser et dcider les volutions ncessaires. Des stratgies ont t dveloppes aux Philippines
pour rompre avec cette situation dans une srie de rformes importantes engages depuis
une dizaine dannes dans le cadre du Third Elementary Education Project men de 1998-2006
et de la Synergeia Foundation17. Ces analyses et ces efforts, comme diffrents autres, mettent en
lumire un certain nombre de principes importants pour guider de telles actions. Ceux-ci sont
malheureusement assez rarement respects, sagissant des rformes menes dans des pays en
dveloppement comme dans des pays dvelopps :
limportance accorder au contexte politique, conomique, social et culturel ; malgr laccumulation de contre-exemples, trop souvent encore persiste lillusion que lon peut
emprunter un dispositif, une organisation curriculaire qui marchent dans un autre
contexte pour amliorer le sien propre, et quen reproduisant lorganisation, on reproduira
ce qui en assure la russite. Une adaptation russie, quand elle est possible, suppose un
travail de transposition inform par la comprhension des caractristiques et processus
qui assurent la russite de lorganisation donne ;
limportance de la dure : en matire dducation, lexprience montre que des projets ayant un impact substantiel et durable sont ncessairement des projets qui demandent
une action cohrente sur lespace dune dcennie au moins ;
limportance de penser les changements, quil sagisse de changements curriculaires ou de changements de pratiques, en termes dvolution partir de lexistant et non de
rvolution ; en particulier, les volutions de pratiques doivent tre penses en termes de
dynamiques dvolution et il faut prvoir laccompagnement de ces dynamiques suivant
des modles autres que le modle dit en cascade, sur une dure suf sante. Le travail
avec les enseignants de terrain et la formation de personnes-ressources au niveau local
sont cruciaux pour que ces dynamiques se dveloppent et que les changements obtenus
perdurent au-del de la dure de leur accompagnement institutionnel ;
limportance de rompre avec des changements imposs den haut et de prvoir un juste quilibre entre les impulsions institutionnelles et les apports des acteurs du terrain, en
dautres termes dquilibrer dans la conception et le pilotage des volutions les processus
17 Ces stratgies et leurs effets positifs sont prsents de faon dtaille dans (Nebres, 2009). Nous compltons cette information en annexe par celle fournie par Merle C. Tan, Directrice du National Institute for Science and Mathematics Education Development, University of the Philippines. Les actions qui y sont dcrites visent aujourdhui aller plus loin dans le dveloppement dune ducation mathmatique de qualit pour tous rpondant aux besoins dcrits dans le document. Ces efforts sont soutenus par des collaborations internationales, telle la participation la Learners Perspective Study.
41
top-down et bottom-up ; limportance dans ce cadre dimpliquer le plus possible
les communauts dans le changement, au-del de lcole ;
limportance dinstaller des processus dvaluation et de rgulation ; les effets dune action sur un systme denseignement sont rarement ceux prvus ;
limportance de prparer soigneusement les changements dchelle et den contrler les effets. Les ralisations exprimentales pilotes sont utiles mais elles donnent rarement
elles seules les cls dun changement dchelle russi.
Respecter de tels principes devrait permettre dobtenir des changements substantiels et durables
et dviter les phnomnes de balancier auxquels les systmes ducatifs sont malheureusement
trop souvent soumis.
43
9. Le d technologique
N ous lavons soulign ds le dbut de cette publication : penser une ducation de qualit pour tous aujourdhui ne peut se faire sans prendre en compte la dimension technologique. Mais nous avons principalement insist alors sur le fait que la notion de littracie
mathmatique devait prendre en compte les moyens technologiques qui
instrumentent les pratiques sociales aujourdhui et, notamment, sagissant
de la scolarit de base, les pratiques de calcul. Nous avons aussi voqu
lenrichissement des espaces de donnes et des moyens de reprsentation,
dinteraction entre reprsentations produite par les technologies
numriques, ainsi que la faon dont lvolution technologique in uenait le
dveloppement des mathmatiques elles-mmes, en particulier du fait des
interactions entre sciences mathmatiques et science informatique.
Cela ne reprsente que trs partiellement ce que constitue aujourdhui le d technologique,
et nous souhaiterions complter cette vision, en mettant laccent plus particulirement sur les
changements ouverts par lvolution technologique en matire de formation, de collaboration
et dchange, daccs aux ressources ducatives et de production de ces dernires. En effet,
au dpart, la discussion autour des potentialits de la technologie pour lenseignement des
mathmatiques sest centre sur lusage de calculatrices ou logiciels, conus soit des ns
ducatives, soit des ns professionnelles et convertis en outils pdagogiques, comme les
logiciels de calcul formel ou les tableurs. Ce phnomne est par exemple visible dans la premire
tude ICMI sur ce thme dont une seconde dition a t publie par lUNESCO en 1992
(Cornu et Ralston, 1992). Dans la scolarit de base, il sagit principalement des calculatrices,
tableurs et logiciels de gomtrie dynamique, ainsi que de micromondes comme Logo. Comme
le montre clairement la seconde tude ICMI sur le domaine (Hoyles et Lagrange, 2009), les
technologies ont enrichi de faon indniable les possibilits dexprimentation, de visualisation,
de simulation ; elles ont modi le rapport au calcul, le rapport aux gures gomtriques. Elles
ont permis de rapprocher les mathmatiques scolaires du monde extrieur en permettant de
traiter des donnes plus complexes et des problmes plus ralistes, mais malgr les potentialits
indniables quelles offrent lenseignement et lapprentissage des mathmatiques et les
nombreuses ralisations positives existantes, leur effet est jusquici rest limit, mme dans les
systmes ducatifs qui en ont promu fortement lutilisation. Les travaux rcents concernant les
Penser une ducation de qualit pour tous aujourdhui ne peut se faire sans prendre en compte la dimension technologique
44
pratiques des enseignants dans des environnements informatiques commencent fournir des
lments pour comprendre cet tat de fait et envisager des formations rellement adaptes
aux besoins, mais la question dune utilisation ef cace gnralise de ces technologies dans la
scolarit de base en mathmatiques reste pour linstant non rsolue.
Des volutions rcentes lies au dveloppement doutils collaboratifs dapprentissage,
lInternet et aux technologies mobiles, mergent des possibilits et des effets dune tout autre
nature : la possibilit de soutenir par la technologie des formes collaboratives dapprentissage
mathmatiques pour les lves, laccs en ligne et gratuit une diversit de ressources, de
nouvelles organisations possibles pour la formation distance, le support la production
collaborative et la mutualisation de ressources, le support lmergence de communauts
denseignants et de chercheurs, le support lactivit de rseaux, des changes distance
entre lves et entre enseignants. Comme la bien montr la seconde tude ICMI dj cite
(Hoyles et Lagrange, 2009), des possibilits nouvelles souvrent ainsi pour lapprentissage, pour
faciliter laccs aux ressources et la formation, lutter contre lisolement, favoriser la diffusion
des ides et des innovations, faire vivre les valeurs de solidarit qui sont celles de lUNESCO.
Cest l une ouverture qui semble particulirement prometteuse pour tous, et en particulier
pour les pays en voie de dveloppement. Il est particulirement important de tirer parti de
ces possibilits pour lenseignement des mathmatiques, dautant plus quil
semble que leur intgration ne pose pas les mmes dif cults que celle des
technologies mentionnes plus haut, car elles naffectent pas les pratiques de
faon similaire.
Nous souhaiterions relier cette question de la technologie celle des
ressources pour lenseignement. Une ducation mathmatique de qualit
pour tous ne peut se raliser sans la production de ressources de qualit : des
ressources pour les lves et des ressources pour les enseignants. Les dif cults
rcurrentes rencontres dans la diffusion des connaissances acquises sur
lenseignement et lapprentissage, dans la diffusion des innovations, amnent
mettre en question la conception la fois des ressources et des processus de
diffusion. Nous avons soulign dans la partie 3 les problmes poss par des
ressources censes soutenir lvolution ncessaire des pratiques, mais trop
distantes des pratiques usuelles pour se situer dans la zone proximale de
dveloppement des utilisateurs viss. Un autre problme rside dans le fait que
les ressources existantes sont souvent des ressources qui ne sont pas penses
en fonction du travail ncessaire dadaptation de lenseignant son contexte denseignement
particulier, ou que les enseignants ne sont pas ef cacement prpars effectuer ce travail.
En fait, on a aujourdhui une connaissance trs insuf sante des pratiques documentaires des
enseignants ne permettant pas de guider de faon satisfaisante la formation. Les recherches qui
Une ducation mathmatique de qualit pour tous ne peut se raliser sans la production de ressources de qualit : des ressources pour les lves et des ressources pour les enseignants
45
mergent dans ce domaine (Gueudet et Trouche, 2009) montrent cependant des volutions
rapides portes par lvolution technologique, avec notamment la multiplication des ressources
accessibles en ligne, le support et lincitation au travail collaboratif18. Il y a l indniablement de
nouvelles possibilits pour la conception et la dissmination de ressources et sans aucun doute
aussi des besoins de formation diffren