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Intégrité de l’ADN et cancer du sein et/ou des ovaires

Date post: 12-Feb-2022
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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012 148 Réparation dossier thématique Intégrité de l’ADN et cancer du sein et/ou des ovaires Genomic integrity and breast and/or ovary cancer Nicolas Sévenet* RÉSUMÉ Summary » De façon générale, la prolifération tumorale est liée à l’inactivation des mécanismes de contrôle du cycle cellulaire induite notamment par une instabilité génétique (ou chromosomique), elle-même consécutive à une perte des systèmes de détection des dommages de l’ADN et à une insuffisance fonctionnelle des mécanismes de réparation de l’ADN. Les gènes codant pour les protéines impliquées dans ces mécanismes de réparation de l’ADN sont fréquemment la cible de mutations somatiques mais sont également impliqués dans des syndromes de prédisposition héréditaire au cancer, par l’intermédiaire d’inactivations constitutionnelles, que ce soit pour les cancers du sein ou des ovaires, ou pour les tumeurs colorectales. Dans certains types de cancer du sein et/ou des ovaires, la caractérisation de l’intégrité du génome permet d’orienter les patientes vers de nouvelles thérapies ciblées utilisant les dommages de l’ADN comme complément de leur activité thérapeutique. De même, la connaissance fine du statut génomique permet une nouvelle classification moléculaire des tumeurs à visée nosologique aux côtés des classifications pronostiques existantes. Mots-clés : Intégrité génomique − Réparation de l’ADN − BRCA1 BRCA2 − Inhibiteurs de PARP. Tumorigenic proliferation is generally associated with deregulation of the cell cycle, often the result of genetic instability caused by a DNA repair defect. Genes coding for proteins involved in such DNA repair mechanisms are frequently somatically mutated and germline mutations can underlie breast, ovarian or colorectal cancer predisposition syndromes. Genetic characterization of tumours may enable patients to be treated with new therapies targeting DNA repair deficiencies and improve tumour classification, thereby enhancing current prognosis criteria. Keywords: Genomic integrity − DNA repair − BRCA1 BRCA2 − PARP inhibition. L es mécanismes cellulaires et moléculaires de réparation de l’ADN sont nombreux, et leur activation à la suite d’une altération de l’ADN dépend du type de lésion et de la phase du cycle cel- lulaire dans laquelle se trouve la cellule (1). Les cassures des 2 chaînes de la double hélice de l’ADN, appelées cassures double-brin, conduisent aux cassures chro- mosomiques et aux translocations avec ou sans perte de matériel chromosomique associée, induisant une instabilité génomique fréquemment retrouvée dans les tumeurs du sein de mauvais pronostic (2). Ces cas- sures sont réparées par 2 mécanismes principaux : d’une part, la recombinaison homologue (Homologous Recombination [HR]), nécessitant la présence d’une chromatide sœur, donc survenant tardivement en phase S ou en phase G2 du cycle cellulaire, et, d’autre part, la jonction d’extrémités non homologues (Non- Homologous End Joining [NHEJ]) lorsqu’aucun modèle chromatidique n’est disponible, pouvant donc survenir en phase G1. Des mutations dans la presque totalité des gènes codant pour les protéines impliquées dans ces mécanismes de réparation de l’ADN sont retrouvées au niveau somatique ou prédisposent notamment aux cancers du sein et/ou de l’ovaire (3). Parmi ces gènes, outre leur rôle de gène suppresseur de tumeur ou pré- disposant à une forme familiale de cancer, BRCA1 et BRCA2, lorsqu’ils sont mutés, augmentent la sensibi- lité des tumeurs aux thérapies, induisant des cassures dans l’ADN. Récemment, le consortium The Cancer Genome Atlas Network a publié un travail exhaustif sur l’analyse de 800 tumeurs primitives du sein étudiées par 6 tech- niques différentes intégrant la caractérisation géno- mique de la variation du nombre de copies (allèles), * Laboratoire de génétique moléculaire et Inserm U916, institut Bergonié, Bordeaux.
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Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012148

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Intégrité de l’ADN et cancer du sein et/ou des ovairesGenomic integrity and breast and/or ovary cancerNicolas Sévenet*

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» De façon générale, la prolifération tumorale est liée à l’inactivation des mécanismes de contrôle du cycle cellulaire induite notamment par une instabilité génétique (ou chromosomique), elle-même consécutive à une perte des systèmes de détection des dommages de l’ADN et à une insuffisance fonctionnelle des mécanismes de réparation de l’ADN. Les gènes codant pour les protéines impliquées dans ces mécanismes de réparation de l’ADN sont fréquemment la cible de mutations somatiques mais sont également impliqués dans des syndromes de prédisposition héréditaire au cancer, par l’intermédiaire d’inactivations constitutionnelles, que ce soit pour les cancers du sein ou des ovaires, ou pour les tumeurs colorectales. Dans certains types de cancer du sein et/ou des ovaires, la caractérisation de l’intégrité du génome permet d’orienter les patientes vers de nouvelles thérapies ciblées utilisant les dommages de l’ADN comme complément de leur activité thérapeutique. De même, la connaissance fine du statut génomique permet une nouvelle classification moléculaire des tumeurs à visée nosologique aux côtés des classifications pronostiques existantes.

Mots-clés : Intégrité génomique − Réparation de l’ADN − BRCA1 − BRCA2 − Inhibiteurs de PARP.

Tumorigenic proliferation is generally associated with deregulation of the cell cycle, often the result of genetic instability caused by a DNA repair defect. Genes coding for proteins involved in such DNA repair mechanisms are frequently somatically mutated and germline mutations can underlie breast, ovarian or colorectal cancer predisposition syndromes. Genetic characterization of tumours may enable patients to be treated with new therapies targeting DNA repair deficiencies and improve tumour classification, thereby enhancing current prognosis criteria.

Keywords: Genomic integrity − DNA repair − BRCA1 − BRCA2 − PARP inhibition.

L es mécanismes cellulaires et moléculaires de réparation de l’ADN sont nombreux, et leur activation à la suite d’une altération de l’ADN

dépend du type de lésion et de la phase du cycle cel-lulaire dans laquelle se trouve la cellule (1). Les cassures des 2 chaînes de la double hélice de l’ADN, appelées cassures double-brin, conduisent aux cassures chro-mosomiques et aux translocations avec ou sans perte de matériel chromosomique associée, induisant une instabilité génomique fréquemment retrouvée dans les tumeurs du sein de mauvais pronostic (2). Ces cas-sures sont réparées par 2 mécanismes principaux : d’une part, la recombinaison homologue (Homologous Recombination [HR]), nécessitant la présence d’une chromatide sœur, donc survenant tardivement en phase S ou en phase G2 du cycle cellulaire, et, d’autre part, la jonction d’extrémités non homologues (Non-

Homologous End Joining [NHEJ]) lorsqu’aucun modèle chromatidique n’est disponible, pouvant donc survenir en phase G1. Des mutations dans la presque totalité des gènes codant pour les protéines impliquées dans ces mécanismes de réparation de l’ADN sont retrouvées au niveau somatique ou prédisposent notamment aux cancers du sein et/ou de l’ovaire (3). Parmi ces gènes, outre leur rôle de gène suppresseur de tumeur ou pré-disposant à une forme familiale de cancer, BRCA1 et BRCA2, lorsqu’ils sont mutés, augmentent la sensibi-lité des tumeurs aux thérapies, induisant des cassures dans l’ADN.Récemment, le consortium The Cancer Genome Atlas Network a publié un travail exhaustif sur l’analyse de 800 tumeurs primitives du sein étudiées par 6 tech-niques différentes intégrant la caractérisation géno-mique de la variation du nombre de copies (allèles),

* Laboratoire de génétique moléculaire

et Inserm U916, institut Bergonié, Bordeaux.

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la méthylation de l’ADN, le transcriptome, le séquen-çage des microARN, le séquençage exomique et la protéomique (4). Les données analysées confirment que les tumeurs du sein de type basal-like présentent une grande instabilité génomique (profil génomique complexe ou de type sawtooth), un taux de mutation de TP53 de près de 85 %, l’inactivation de la voie de contrôle du cycle cellulaire incluant RB (Retinoblastoma protein) ainsi que les voies de détection et de réparation des dommages de l’ADN comprenant ATM et BRCA1 avec un taux cumulé concernant près de la moitié des tumeurs, ainsi que, pour 20 % d’entre elles, l’inactiva-tion de la voie de transduction du signal PI3 kinase. Plusieurs analyses moléculaires et informatiques indé-pendantes menées dans les adénocarcinomes séreux de l’ovaire démontrent des altérations fonctionnelles similaires, rendant ces voies fonctionnelles nécessaires dans le développement des tumeurs du sein basal-like et des adénocarcinomes séreux de l’ovaire. Ces évé-nements moléculaires majeurs suggèrent également une approche thérapeutique commune comprenant des agents entraînant des cassures de l’ADN, parmi lesquels les sels de platine.

Instabilité génomique dans les cancers du sein liée à BRCA1 et BRCA2

Dès 2006, il a été rapporté que les profils génomiques complexes entre les tumeurs basal-like, les tumeurs du sein triple-négatives et les tumeurs du sein survenant dans un contexte héréditaire liées à une mutation du gène BRCA1 étaient similaires (5). Il a également été montré que la perte somatique de BRCA1 et TP53 dans un modèle de tumorigenèse mammaire murine entraî-nait des tumeurs du sein avec des caractéristiques de tumeurs du sein basal-like mutées pour BRCA1. Peu après, il a été décrit que des taux élevés et similaires de mutations de TP53 ont été détectés dans les tumeurs basal-like sporadiques et les tumeurs basal-like liées à une mutation de BRCA1. En revanche, les tumeurs luminales mutées pour BRCA1 ne montrent pas un taux élevé de mutations de TP53 (6).La protéine BRCA1 est impliquée dans la réparation des cassures double-brin de l’ADN : elle oriente la cellule vers la recombinaison homologue plutôt que vers le système de réparation non homologue NHEJ. Dans le contexte d’une mutation de BRCA1, la réparation des cassures double-brin se fera alors majoritairement via le système NHEJ, entraînant indirectement une augmentation des erreurs d’incorporation et une instabilité génomique, avec des cassures chromosomiques et des modifications

du nombre de copies. Par ailleurs, il a été montré que BRCA1 était impliquée dans la différenciation épithé-liale mammaire, régulant la différenciation de cellules souches épithéliales mammaires n’exprimant pas le récepteur aux estrogènes (ER−) vers des progéniteurs luminaux (ER+) [7]. Les tumeurs du sein sporadiques basal-like démontrent une inactivation de BRCA1 sous forme d’expression abaissée ou de délétion complète du gène. Les mutations ponctuelles somatiques sont peu fréquentes. Malgré ces similitudes, à notre connaissance, l’implication fonctionnelle de BRCA1 dans les tumeurs sporadiques basal-like n’a jamais été démontrée, ni l’altération caractérisée des mécanismes de réparation de l’ADN par recombinaison homologue.La description des fonctions des protéines BRCA1 et BRCA2 montre leur implication commune dans la pro-tection du génome (figure 1). Bien que les mutations germinales des gènes BRCA1 et BRCA2 conduisent à une prédisposition héréditaire au cancer proche (syndrome Hereditary Breast and Ovarian Cancer [HBOC]), les pro-téines ont des rôles cellulaires sensiblement différents, BRCA1 jouant un rôle pléiotrope dans l’activation de points de contrôle du cycle lorsque des altérations de l’ADN ont été détectées, tandis que BRCA2 inter-vient spécifiquement dans le complexe protéique de recombinaison homologue (8). Schématiquement, dans la protection du génome par recombinaison homo-logue, la détection des anomalies de l’ADN implique les kinases ATM et ATR, qui vont phosphoryler BRCA1

Figure 1. Représentation schématique de l’insertion des protéines BRCA1 et BRCA2 au niveau des cassures double-brin de l’ADN. Ces protéines font partie d’un complexe protéique plus vaste de réparation des cassures double-brin. Les altérations moléculaires de BRCA1 sont plus fréquentes dans le cancer du sein, tandis que celles de BRCA2 et PALB2 prédisposent majoritairement aux cancers du sein et du pancréas, et peuvent être retrouvées mutées dans l’anémie de Fanconi. (D’après Tischkowitz M et al. Cancer Res 2010;70:7353-9).

Cancer du sein Cancer du sein, cancer du pancréas ou anémie de Fanconi

Cassure double-brin de l’ADN

?

? ? ?

M/R/N ?BRCA1

BARD1

MRG15

PALB2

FANCJ CtlP

RAP80

CCDC98

ou

BRCA2

RAD51

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Information médicale pertinente associéeValidation clinique des tests

Sécuriser la qualité de l’analyseSensibilité et robustesse par une stratégie PCR temps réel

Grande couverture du nombre de variants*

Rapports d’interprétation automatisés

Accompagner les laboratoires dans leur démarche qualité et d’accréditationMarquage CE-IVD

ISO 15189 : Accréditation en portée de type A

cobas® BRAFMutation Test

cobas® HPVTest

cobas® KRASMutation Test

cobas® EGFRMutation Test

* Mutations V600 E, K et D pour BRAF19 mutations sur les codons 12, 13 et 61 pour KRAS41 variants sur les exons 18, 19, 20, 21 pour EGFRDétection de 14 génotypes haut-risques et génotypage spécifique 16 et 18 pour HPV

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notamment, la transmission du signal d’information impliquant les protéines CHEK2 et BRCA1, et l’initiation de la réparation, impliquant quant à elle les protéines BRCA2 et RAD51. Les protéines BRIP1 et PALB2 faci-litent ces interactions au lieu de la réparation. Ainsi, BRCA1 est impliquée dans la détection des cassures double-brin via le complexe BRCA1-Abraxas-RAP80, dans la transmission de l’information de réparation via son interaction avec la protéine CtIP et le complexe MRN (MRE11-RAD50-NBS1), et dans la réparation de la cassure double-brin via son interaction avec BRCA2 et PALB2. La protéine p53 intervient après phosphorylation par les kinases ATM/ATR dans l’activation de points de contrôle du cycle cellulaire.

Approche thérapeutique des tumeurs présentant des altérations des systèmes de détection et de réparation des dommages de l’ADN

De par leur implication dans la recombinaison homo-logue, les cellules tumorales présentant des altérations des gènes BRCA1 et BRCA2 sont sensibles aux molécules bloquant la réplication de l’ADN ainsi qu’aux agents alkylants. Ces chimiothérapies induisent des cassures double-brin de façon massive, entraînant la mort cel-

lulaire. C’est ainsi que les tumeurs BRCA1 sont plutôt chimiosensibles. Une approche thérapeutique complé-mentaire a été d’exploiter cette faiblesse de la cellule tumorale que constitue la perte des 2 allèles des gènes BRCA1 ou BRCA2 (9). En inhibant dans ces cellules l’en-zyme PARP1, impliquée dans la réparation des cassures simple-brin, les molécules de thérapie ciblée (olaparib, véliparib) permettent le maintien de cassures simple-brin, entraînant l’arrêt des fourches de réplication et l’induction de cassures double-brin, une instabilité géno-mique sévère et une cytotoxicité (figure 2). Les essais de phases I et II ont démontré une efficacité remarquable en termes de réponse pathologique chez les patientes atteintes de tumeurs du sein ou de l’ovaire mutées pour BRCA1 et/ou BRCA2 au niveau constitutionnel (10-12). Les tumeurs du sein mutées pour BRCA1 présentant des caractéristiques anatomopathologiques et moléculaires relativement homogènes, une tentative d’étendre les indications des inhibiteurs de PARP à l’ensemble des tumeurs du sein de phénotype similaire aux tumeurs du sein chez les femmes mutées pour BRCA1 et/ou triple-négatives (tumeurs n’exprimant pas les récepteurs aux estrogènes, à la progestérone et ne surexprimant pas le récepteur HER2) a été entreprise (13). Malheureusement, les résultats des essais de phase III ont été décevants, forçant les compagnies pharmaceutiques et les services d’anatomopathologie à se recentrer sur les tumeurs

Figure 2. Représentation schématique de l’activité des inhibiteurs de PARP chez les femmes présentant une mutation constitutionnelle de BRCA1 ou BRCA2 (BRCA1/2+/−). Ce schéma illustre le concept de létalité synthétique appliqué aux inhibiteurs de PARP. Dans les cellules tumorales mammaires ayant une double inactivation de BRCA1 ou BRCA2 (cellules représentées en violet sur le schéma), la réparation des cassures double-brin (DSB) étant bloquée par l’absence de BRCA1 ou BRCA2 et celle des cassures simple-brin (SSB) pouvant être utilisée comme mécanisme de secours étant bloquée par les inhibiteurs de PARP, les cellules tumorales entrent alors en mort cellulaire et provoquent la disparition de la tumeur. (D’après Polyak K et Garber J. Nature Medicine 2011;17:283-4).

Cellule normale (BRCA1/2+/-)

Cellule tumorale (BRCA1/2+/-)

Cellule tumorale (BRCA1/2-/-)

SSBInhibiteurde PARP DSB BRCA1/2

fonctionnel

BRCA1/2fonctionnel

Survie cellulaire

Cellule tumoralerésistante

Cellule tumoralesensible

LOH Inhibiteurde PARP Létalité

synthétique

Tumeurdu

sein

Femme présentantune mutationconstitutionnelle deBRCA1 ou BRCA2(BRCA1/2+/-)

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démontrant une perte biallélique de BRCA1 ou BRCA2. Aux États-Unis, contrairement à l’Europe, la détermi-nation du statut BRCA1 et BRCA2 est réalisée par une entreprise privée, Myriad Genetics, fortement liée à l’université de l’Utah. Les tests génétiques entrepris sont réalisés au sein d’une plateforme labellisée CLIA (Clinical Laboratory Improvement Amendments) mais ne sont pas reconnus par la FDA (Food and Drug Administration). Or, pour les essais cliniques de phase III des inhibiteurs de PARP1, si les compagnies pharmaceutiques souhaitent sélectionner les patientes à inclure sur leur statut BRCA, elles ne peuvent le faire qu’avec des tests compagnons reconnus par la FDA. Ces difficultés juridiques, combi-nées à la moindre efficacité de ces molécules dans des groupes de tumeurs non restreints aux mutations de BRCA, freinent le développement des inhibiteurs de PARP1, voire entraînent son arrêt (14).Dans le cadre des chimiothérapies comprenant des dérivés du platine, les tumeurs du sein ou des ovaires mutées pour BRCA1 ou BRCA2 acquièrent progressi-vement une résistance au traitement. Cette résistance a été décrite au niveau moléculaire, tant dans des modèles cellulaires que chez des patientes : elle passe par l’acquisition de mutations secondaires de BRCA1 ou BRCA2 restaurant la fonction de réparation de l’ADN des protéines BRCA1 ou BRCA2. De plus, il a été montré que les tumeurs résistantes au cisplatine l’étaient également

aux inhibiteurs de PARP1. Les mutations secondaires consistent exclusivement en des délétions restaurant le cadre de lecture du transcrit permettant la synthèse d’une protéine fonctionnelle, quoique amputée de quelques acides aminés (15-17).Enfin, il a été montré que la diminution d’expression d’une protéine interagissant avec p53, la protéine 53BP1, nécessaire à l’arrêt du cycle cellulaire consé-cutif à l’inactivation de BRCA1 et à l’accumulation des altérations chromosomiques par défaut de recombi-naison homologue, était retrouvée dans des tumeurs triple-négatives et basal-like, et associée aux tumeurs mutées pour BRCA1. Ainsi, l’inactivation concomitante de 53BP1 et BRCA1 conduit à une restauration de l’acti-vité de recombinaison homologue pouvant conduire à une résistance aux agents alkylants (18).Au final, les nouvelles technologies de séquençage à très haut débit, qu’elles soient appliquées au domaine de la prédisposition tumorale ou à la génétique des tumeurs, vont permettre de décrypter finement les mécanismes moléculaires sous-tendant la prolifération cellulaire liée à la perte de l’intégrité génomique. Elles offriront la possibilité d’optimiser la caractérisation tumorale des cibles thérapeutiques en vue de l’admi-nistration de thérapies qui cibleront peut-être les pro-téines impliquées dans les mécanismes de détection et de réparation des altérations de l’ADN (19). ■

1. Ciccia A, Elledge SJ. The DNA damage response: making it safe to play with knives. Mol Cell 2010;40:179-204.

2. Graeser M, McCarthy A, Lord CJ et al. A marker of homolo-gous recombination predicts pathologic complete response to neoadjuvant chemotherapy in primary breast cancer. Clin Cancer Res 2010;16:6159-68.

3. Bouwman P, Jonkers J. The effects of deregulated DNA damage signalling on cancer chemotherapy response and resistance. Nat Rev Cancer 2012;12:587-98.

4. Cancer Genome Atlas Network. Comprehensive mole-cular portraits of human breast tumours. Nature 2012;490: 6-70.

5. Turner NC, Reis-Filho JS. Basal-like breast cancer and the BRCA1 phenotype. Oncogene 2006;25:5846-53.

6. Manié E, Vincent-Salomon A, Lehmann-Che J et al. High frequency of TP53 mutation in BRCA1 and sporadic basal-like carcinomas but not in BRCA1 luminal breast tumors. Cancer Res 2009;69:663-71.

7. Liu X, Holstege H, Van der Gulden H et al. Somatic loss of BRCA1 and p53 in mice induces mammary tumors with fea-

tures of human BRCA1-mutated basal-like breast cancer. Proc Natl Acad Sci USA 2007;104:12111-6.8. Roy R, Chun J, Powell SN. BRCA1 and BRCA2: different roles in a common pathway of genome protection. Nat Rev Cancer 2011;12:68-78.9. Farmer H, McCabe N, Lord CJ et al. Targeting the DNA repair defect in BRCA mutant cells as a therapeutic strategy. Nature 2005;434:917-21.10. Fong PC, Boss DS, Yap TA et al. Inhibition of poly(ADP-ribose) polymerase in tumors from BRCA mutation carriers. N Engl J Med 2009;361:123-34.11. Audeh MW, Carmichael J, Penson RT et al. Oral poly(ADP-ribose) polymerase inhibitor olaparib in patients with BRCA1 or BRCA2 mutations and recurrent ovarian cancer: a proof-of-concept trial. Lancet 2010;376:245-51.12. Tutt A, Robson M, Garber JE et al. Oral poly(ADP-ribose) polymerase inhibitor olaparib in patients with BRCA1 or BRCA2 mutations and advanced breast cancer: a proof-of-concept trial. Lancet 2010;376:235-44.13. Turner N, Tutt A, Ashworth A. Hallmarks of ‘BRCAness’ in sporadic cancers. Nat Rev Cancer 2004;4:814-9.

14. Azvolinsky A. Lack of BRCA testing approval creates snag for cancer trials. Nat Med 2012;18:310.

15. Swisher EM, Sakai W, Karlan BY, Wurz K, Urban N, Taniguchi T. Secondary BRCA1 mutations in BRCA1-mutated ovarian carcinomas with platinum resistance. Cancer Res 2008;68: 2581-6.

16. Sakai W, Swisher EM, Karlan BY et al. Secondary mutations as a mechanism of cisplatin resistance in BRCA2-mutated cancers. Nature 2008;451:1116-20.

17. Edwards SL, Brough R, Lord CJ et al. Resistance to the-rapy caused by intragenic deletion in BRCA2. Nature 2008;451: 1111-5.

18. Bouwman P, Aly A, Escandell JM et al. 53BP1 loss rescues BRCA1 deficiency and is associated with triple-negative and BRCA-mutated breast cancers. Nat Struct Mol Biol 2010;17:688-95.

19. Shah SP, Roth A, Goya R et al. The clonal and mutational evolution spectrum of primary triple-negative breast cancers. Nature 2012;486:395-9.

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