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Jacques d'Hondt-HEGEL-et-L'HEGELIANISME-qsj-1029-puf-Paris-1982

Date post: 15-May-2015
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2. Co'< ~ ...., 00 l-4 -< 00 ~ P 0 t: ~ ~ lIlW ~ ~lIlW ~ '~ ,~ ~ ~ ~ ....~ ~ b ~E-o ~ Z 0 =: ~ ln ~ ;:l 0' t,;l -russe ralise-t-ill'Etat rationnel ? Le systme conomique qui s~vit en 1830 mrite-t-il de durer? On aurait aim obtenir de telles questions des rponses par oui ou non. Mais des rpo!!ses ngatives auraient conduit He~l la prison ou la rvolllLtion... Mme en ce qui touche sa philosophie fondamentale, spcu lative, on doit tout de mme s'tonner de la manire inadquate et peu satisfaisante avec laquelle Hegel l'expose. De nos jours, on peroit un contraste frappant entre la clart, la systma-j ticit englobante et la relative brivet de la prsentiiion qu'en donnent certains commentateurs, certes particulire ment comptents (XXXVI et XXXVIII), et l'embarras, les longueurs, la dispersion et la variation des textes qu'ils 37 39. commentent. Hegel auraitil donc t incapable d'laborer lui mme de telles synthses accessibles, sWlceptibles d'informer leurs lecteurs dans une premire approximation, et de leur permettre un premier jngement global ? Ilse"plaignait de l'incomprhension de sea dilciples. MIlJ le pote Henri Hein~ qui le connaiNait bien et qui avait suivi quelquel-unl de lea cours, incriminait le maitre lui-mme, dans une boutade: u Je crois qu'il ne tenait pas du tout tre compris : de l provient son langage compliqu, et aussi, peut-tre, sa prfrence pour les personnes dont il savait qu'elles ne le comprenaient pas... Il ne s'agit nullement de confirmer, cause de cela, la thse parfois audacieusement avance d'un sotrisme hglien glo bal : Hegel aurait dcid de garder secrte sa doctrine, et de ne la communiquer qu' quelques fidles tris sur le volet; ou mme de confier la postrit le soin de la deviner! En fait, la doctrine fondamentale de Hegel se trouve dans les livres canoniques D, elle reoit des enrichissements et des c1ve1oppe ments dans les Leom. Mais, ceci pos, on ne peut pas ne pas constater la discrtion du philosophe sur certains points qui, insignifiants aux yeux de quelques lecteurs, prennent de l'importance si on les place dans la perspective convenable: l'valuation, ici, dpend de ce que l'on recherche et de la manire dont on entend et situe la philosophie en gnral. En tout cas, on a ds longtemps souponn Hegel de dissi muler certaines choses - importantes ou non, puremeit 2.,.hilo sophiques ou non -, et de ne les lainer paratre qu'enoes oc lJ!le religieux (XXIV) et le problme..p-2!itique (XXV et XXVII). L'hglia nisme de base , quelle que ft sa discrtion con trainte et sa prudence, s'engageait dj dans les controverses publiques, il se livrait dlibrment aux exigences de l'histoire relle et vivante. La ( droite et la gauchehgliennes, dans leurexpan sion, rvlaient ce que 1' hg!lianisme de base ) avait contenu en germe. J.a droit) regroupait les disciples qui, ou bien s'en tenaient troitement la lettre et la forme ostensible de la doctrine hglienne, ou bien accen tuaient les apparences orthodoxes (en religion) et conservatrices (en politique) de celle-ci, en mme temps qu'ils se perdaient encore davantage dans la spculation effrne. Ils se privaient ainsi de toute possibilit de faire uvre originale et efficace, ils s'attachaient ce qui tait dj mort, ils trahisBllent l'e.sprit de l'hglianisme, ils sont maintenant com pltement oublis. 7Jui, par exemple, songerait dterrer les livres de Gable!) (1786-1853), l'un des plus mdiocres d'entre eux, et qui, sans doute cause de cela, fut appel par les autorits succder Hegel dans la chaire de philosophie de l'Universit de Berlin? Avec les meilleures intentions, il fit plus de mal JI l'hglianisme, par manque d'esprit, que n'en causa J le viewr~, appel s~n tour~Berlin_par le, roi de Prusse, avec mission ex resse de rfuter l'hglianisme. clpe aUSSI, peut- tre, -cette orient.f.tion droitire de l'hglianisme, le tholo gien'M..arheine~(1780-1846)qui tenta de couler la))'- dogmatique chrtienne (luthrienne) dans le moule spculatif hglien, ce qui pourtant impliquait une 45 47. audacieuse fusion et une prilleuse cristallisation. Une mme entreprise fut tente par~1781 1861), auquel Hegel avait accord une approbation nuance. Autant en emporte le vent! En revanche, le nom de Feuerb~(1804-1872) attire encore l'attention, et sonuvre garde, dans une certaine mesure, une signification vivante, surtout parce qu'elle est intervenue dans la forma tion thorique de Marx et d'Engels. D'abord dis ciple de Hegel, Feuerbach prit bientt ses distances et dveloppa une philosophie qui se voulait et se croyait matrialiste p.ar O~P9si!i~n un idalisme 2: 4glien dont il ne dtachait pas la dlectique. Renversant le rapport hglien exotrique de l'homme Dieu (mais Hegel avait lui-mme souvent suggr ce renversement (XXIX, 98), Feuerbach .labora une e29;!lication anthropologique de la r~li (g!~. li aboutit une tran.~philosop1iile l'a..~our lconsidr comme base de la vie soiiIee1turelle du genre humain. li arrive qu'on lise encore ses principaux ouvrages, l'Essence du christianisme (1841), les Principes de la philosophie de l'avenir (1843). Dans sa critiqu~r~dicaledu christianisme il avait t prcd par iFrdris.St!.a~b(1808-1894)dont le premier ouvrage, La vie de Jsus (1835) fit scan 'dale. En fait, celui-ci ne se montrait ni plus ht rodoxe, ni plus irrligieux que Hegel dans sa eropre V~ t!e_ Jsus, dont on ignoraiCaJors l'eXIStence. ,Strauss accentua ultrieurement le caractre irr ligieux de sa pense dans son livre: La doctrine chr tienne de la foi dans son c2..mbat contre la scf::eJlC6 !"'I $TJ16 (1840). _Bruno Bauer)s'engagea dans la mme voie. li avait, en 1840, coopr la rdition des ~1I..sur 46 48. la philosophiede 19 religion dans les uvres com pltes de Hegel procures par les Amis du Dfunt ,et l'accomplissement de cette tche n'avait sansdoute pas contribu son dification. En 1840 aussi,il osa rendre publique sa Critique de l'histoire van glique de saint Jean, et, en 1841-1842, sa Critiquede l'histoire vanglique des Synoptiques. BaUer) Ilvoit dans les Evangiles de libres crations de leursauteurs, semblables des uvres d'art. Il aboutit .'un athisme_~licite. Le gouvernement prussinlui retira, en 1842, le droit d'enseigner.-====.Les livres de Feuerb~h, de 'StrauS}, de ::~soulevrent d'ardeIi:tes-polmiques-et-'c'est so t cause de ce tUl!lul~ ~e l' hglianisme ~s jour un peu rudement, fut connu du grand puhlic,en particulier en France o l'on ne se fit pas scrupule d'attribuer au matre la responsabilit del'athisme profess par d'insolents disciples. Lesoup,Qn d'athfumetfust vrai, avait pes sur tl.e,geloaviit q!!'is ne se cha~gent ainsi de le confirmer. Les controverses thologiques, menes d'un pointde vue spculatif, et auxquelles ces jeunes hgliens )s'abandonnaient passionnment, jourent un rleimportant dans l'histoire des ides, une po~e ola religion joui~sait en ..Allemagne d'une -positionpr!ltique et idol9g!que dominante. Elles paraissentmaintenant bien dsutes.A cause de l'individualisme persistant, et mme encore exacerb~.1 de certaines cat~gories sociales, l'uvre de 'Marx StirnJj(en ralitC~~arSchmi~ 1806-1856) Peut sembler moins primee. Un non conformisme spectaculaire se manifeste chez cet auteur, d'allure anarchiste et d'apparence hardie. "1 Les jeunes hgliens, subversifs en religion, res L taient parfois conservateurs en politique - comme Strauss -, ou inversement. Chez Stirner, l'exalta 47 49. tion de la rvolte individualiste atteint une sorte de paroxysme - et fournit le modle de bien des gau chismes )1 ultrieurs. Dans son livre clbre, L'unique et sa proprit (1844), Stirner faisait l'apologie du moi golste li, critre de toute vrit et de toute valeur, en o,.pposition au l( c~ce.pt YI ~hom~, au rgne de l'Ide, la hirarcliie.""Mais on peut mon trer que Stirner pratique, en une large mesure, la spculation de type hglien. La doctrine hglienne imprgna aussi, en Alle magne, une descendance purement universitaire, paisible, rudite et insignifiante. La liste est longue des professeurs qui enseignrent consciencieusement Hegel et qui ne laissrent de traces que dans les annuaires. Lorsque l'agitation jeune ~lien~e)1, purement intellectuelle, se fut apaise, l'hglianisme subit en Allemagne un assaut de_dnigremen!,. p'!i.s 1!!!--Jong oubli. Ce phnomne mriterait une_a.!!ab:se soi gneuse. Ilreste, jusq' maintenant. inexpliqu. TI ne fut interrompu vritablement qu'aprs la Deuxime Guerre mondiale, par une Hegel Renaissance 1) J inspire des philosophies de la vie et de l'existence. Entre-temps, la rputation de Hegel avait pass les frontires, difficilement, et sa pense inspira des dveloppements originaux dans beaucouy. de pays..... En Italie, elle marqua profondment 'volution de la ciilture. Il suffit, pour s'en convaincre, de citer les noms de Spaventil} Marian~, Ercole)et, surtout, de/Croce; En~l$.terre,'GreeIl(1836-1882) se servit d'elle pour J:estaurer_ ~ist~logiquement 'IdiIiSme contre les tendances empiristes envahissantes, et il fut suivi dans cette voie par des philosophes tels qu~ ~l~ Caird!J JlradlefJ Bosanquet; Tagg BaJ1h~ 48 50. En Rus~ie, le retentissement de l'hglianisme, - saisi wi""peu superficiellement et immdia.tement accentu dans un sens libral, se retrouve chez des penseur~olutionnaires tels que Bakounine, Bi- linski, ....Herze~ (XL). Ce dernier,JLui passa directe- jment de l'hAlia~isme au saint-s~isme,ne p-!o- ,clamait-il pas que la dialectIque est l'a~ la rvolution ! Il ser~it fastidieux de suivre la trace tous les prolongements de l'hglianisme dans le monde. En France, la fortune de Hegel prend une allure - _ .SInguli::--cre. Ici, le mOInS que l'on puisse dire c'est que Hegel a tout d'abord t fort mal reu. L'accueil qu'on lui a rserv frisait la grossiret : on dtestait cet tranger, on se mfiait de cet esprit confus, ~e} ~stigu.e bizarre, de ce penseur sandaleux. Quell~i!!~ati!ud~~nvers UJ.:!. homme qui avait tm.QimJ.l'gard de liFra~d'un...!Lsi vive svm- pathie, d'une si constante admiration! O~ a souvent rinarqu le rle extraordinaire que . jouent la France, et l'histoire de la France, dans la ,- ~bJ!!.!!...mnologie de l'esprit, comme source derH- rences historiques et littraires, comme album d'il- lustrations institutionnelles et dramatiques. Hegel, ne l'oublions pas, n en 1770 et mort en 1831, est enc()re, pour moiti, un homme du XVIIIe s%cle, or le XVIIIe sicle est, plus encore que le XVIIe, le sicle franais par exce~nce. Sans doute Hegel s'inspire-toi! trs profondment des philo- sophes grecs, et puis des grands penseurs allemands qui l'ont prcd :,~~~~YLeibni~,Kant,'Fic~etc. Ilconvient de ne pas exagrerrmnuencefranaise qui s'est exerce sur lui. Elle n'en reste pas moins ton- nante.Ils'estintresspassionnmentJean-Jacques B~ il a admir M~ et V~ 49 51. - Et en quels termes flatteurs ne s'est-il pa~xpri 1 m, .~~ g~nrl, surLesp"rit franais, la volont, le ~sens E.liatique, l'nergie des FranaIs (XXIX, 121) 1 Ces ommages n'ont pas t pays de retour. C'est que longtemps a prvalu en France une image de Hegel qui avait dj t trace, ds 1804, avec une sorte de gnie prmonitoire, par un jeune homme presque inconnu, prcepteur d~s un ch teau proche de Poitiers/Schweighaeuser~Dans un article bien document, il prsentait Hegel, comme le disciple de Schelling qu'il pouvait paraftre cette poque, et il lui attribuait des caractres qui, pen dant un sicle lui restrent indlhilement associs: obscurit insondable, ~j:J!p]lY,8i~~!!!:!lse,bizar rerie, 'Pa~isme proche de l'athisme, en tout cas .suspect pour la France catholique, Spinozisme se cret : tout ce qu'il fallait pour que la France offi cielle et l'opinion publique rejetassent ce rprouv. Cette rputation, dsor~a~rcda partout H~el. Bientt s'y adjoignirent les suspicions politiques, les ides de Hegel dans ce domaine se voyant rpan dues en France par les Jeunes hgliens plus ou moins rvolutionnaires, et surtout par le plus prestigieux d'entre eux, sai~t.simoni~n d'abord, puis ami de Marx, le pote Henri lIe~ qui rsidait Paris. Pour illustrer la manire dont Hegel tait inter prt en France, l'poque de sa mort, il suffit sans doute de citer cette apprciation, que l'on rencontre dans une lettre de Lamennais la comtesse de Senfft : Je vais tcher maintenant de connattre un peu I.!eg~l, qu'un Allemand de beaucoup de mrite,tyl avec lequel nous sommes en relation, appelle l~ Il Platon de l'Antchrist 1Il Irfaut bIen pren tranges glissements de pense et les plus surpre- 1 nantes dggeries. Croyant expliquer Hegel grce Marx, beaucoup d'entre eux expliqurent, en fait, 1 Marx grce Hegel, le rduisirent parfois, pour l'essentiel, Hegel. D'autres courants d'interprtation, trs amples et trs riches se dvelopprent paralllement, en particulier dans le sen religi~ux, sous l'impulsion de Gaston Fessar~ (s.r) et de Marcel Rgni~!.ASJ) (XXVIII). Ils continuent se dployer. Baucoup d'esprits profondment religieux, et parmi les plus minents, se livrent en France l'tude, l'expli- Ication, la propagation de l'hglianisme. D'autre part, une thologie, bien transformdepuis 1830, prlve dans Hegel de quoi s'enrichir encore (XXXIV). Quelques-uns esprent peut-tre d co~~ en lui l'Aristo!.e d~ew.ps modernes, capable d'lnspll'er un ~~ saint Thomas ?~es travaux, trs minutieux et consciencieux, contribuent grande ment faciliter et approfo;ndir la connaissance de Hegel que les Franais, maintenant, commencent acqurir. Mais cette situatio;n complexe, cet cartlement de la pense hglienne e;ntre plusieurs hri!ers con currents soulve de graves problmes et de grandes difficults. En particulier, elle a provoqu des rac tions ngatives trs violentes, et aussi intellectuel lement trs fructueuses, duct de certains marxistes dqgLOJ1tp-I:otest co!J,.tr.eJeJ.attachem~nt de M~ )l'lhIsl, cetidaliste, ce thol~en, et contre unerduction'excessive de la pense de Marx celle deHegel. Ils sont alls l'excs inverse. n. ont aloJ'Sni toute influence du second sur le premier.53 55. VI. - Hegel et Marx Sa gloire posthume, Hegel la doit pour une grande part Marx, pare que celui-ci ne renia jamais ~a de~e. Si Hegel apporta beaucoup Marx, celui-ci - le lui rend maintn~t~ucentuple. Et mme ceux qui cherchent jouer Hegel contre lui, ou ceux qui l'.se rfugient en Hegel pour l'viter, ne feraient pas ces choix si Marx n'tait pas l. Aprs l'avoir cons tat, on peut s'en rjouir ou le dplorer: le fait reste. Or, l'clat de ce reflet, aux alentours du 150e_an niversaire de la mort de Hegel, se trouve paradoxa lement terni et raviv la fois, en tout cas modifi, par des controverses aigus (XXIX, 203-228). Les existentialistes qui essayrent nagure de rduire Marx Hegel enrichirent effectivement le contenu philosophique de leur propre philosophie et mirentmieuxenvaleurcertains aspectsjusqu'alors trop ngligs de l'hglianisme et du marxisme. Mais ils risquaient d'effacer l'originalit de Marx et, en consquence, d'mousser le tranchant rvolution naire de sa doctrine. A cause de cela, et aussi pour d'autres motifs, les marxistes se sont levs contre cette tentative d'assimilation. Certains d'entre eux, entrains par un lan philosophique plus (c moderne , en sont mme venus contester l'existence de la moindre influence de Hegel sur Marx. Non seulement ce dernier n'aurait recueilli du premier aucun hritage positif, mais il ne se serait mme pas constitu lui ,)[ 1mme en raction contre .H~ge~ : entre le8deux grands penseurs ne subSIsteraIt, proprement parler, aucun rapport. Cette ngation radicale attire sur Hegell'atten tion de oeux qui jusqu'alors lui taient rests indif 54 56. frents. L'enjeu de la discussion ne manque pas d'importance. Il s'agit, propos d'un exemple privi lgi, celui de Hegel et de Marx, de savoir si la dis continuit rgne absolument dans tous les domaines, s'il n'y a ni monde, ni genre humain, ni histoire, el surtout pas d'histoire des thories et des ides, si les changements constatables prennent toujours la forme d'une subversion et jamais celle d'un renver sement ou d'une rvolution (XLII). Dans ce cas trs particulier le problme se for mule brivement : Marx fait-il fructifier dans ses uvres, en quelque mesure que ce soit, une m thode et des ides reues de Hegel ? L'hglianisme ~ compte-t-il, comme le prtendait Lnine, parmi les trois sources du marxisme ? Ou bien, au con traire, les (feux thories se posent-elles comme tota lement trangres l'une l'autre ? Ces questions concernent la nature et le destin de l'hglianisme. Elles s'imposent aussi bien aux partisans des doctrines de Marx qu' leurs adver saires, car la rponse qu'on leur donne dtermine le jugement que l'on portera sur le degr de lucidit dont Marx faisait preuve dans la dtermination de sa propre position philosophique, donc dans la conscience de l'uvre thorique et pratique qu'il accomplissait effectivement. D'autre part, ces questions sont nouvelles. ~ r~qb.e.!!1~t~~ ,de He!.e~ et de Marx ne suscitait nagure aucune difficult ni aucun d~~r. Trs gnralement, on ne s'interdisait pas, il y a quelques annes encore, d'tablir des liens et d'ef fectuer des comparaisons, dans la littrature, la science ou la philosophie, entre n'importe qui et n'importe qui, entre n'importe quoi et n'importe quoi. On admettait en effet, soit spontanment, soit aprs rflexion, qu'il existe un monde, et, dans ce 55 57. monde, des niveaux ou des types de ralits spci fiques : dans l'unicit subordonne et dans l'unicit ultime, tout se trouve en relation simultan ou luc~essive.La tche consiste alors prciser ldegr de proximit, de force ou d'immdiatet des rela tions considres dans chaque cas particulier. Dans un tel monde, o toute activit intellec tuelle parait dpendre dans une certaine mesure, entre autres relations dcelables, de ses antcdents du mme type, la filiation de Hegel Marx semhlait vidente, troite, clairante. On rigeait alors le monument d'un Hegel mmo rable, le plus grand philosophe idaliste, l'auteur d'une P~nom6nologiede l'esprit et d'une Philosophie de l'histoire o se manifeste un sens historique lev ; le fondateur aussi, pour l'essentiel, d'une logique nouvelle, la dialectique, une logique de l'interd pendance universelle, de l'insparabilit et de l'unit des contraires, du dpassement des ruptures, .!!lJ. devenir. Hegel tait n en 1770, mort en 1831, et Marx prenait chronologiquement le relais, n, lui, en 1818, quand Hegel commenait enseigner Berlin, et mort en 1883. L se situait un renversement " rvolutionnaire d~a philosophie, inO :-de l'idJa lisme extrme au matrialisme authentique. Marx s;;uriiait la fois comme l'conomiste, auteur du Capital, comme l'historien de La Gue"e civik en France et du 18 Brumaire de Louis-Napolon Bona parre, comme le rvolutionnaire fondateur et ani mateur de la Premire InlernatWnak. MaiS aussi comme le premier philosophe vritablement mat rialiste - gr!C2 ~ reto~ment de l'hglia ~ niuPe -, le crjneur d'une philosolli!,!e nouvelle de l'~stoire,le matrialisme historique, appuy lui mlme thonquement sur une viiion originale du monde, le matrialisme dialeotiaue. - S6 58. en philosophie, s'oppose certes au ~trian~aisjusqu' une poque trs rcente, on admettait qu'une parent pouvait cependant se nouer entre l'idalisme de Hegel et le matrialisme de Marx, ne ft-ce que par contradiction - risn de.plus insparable_~ede!! ennemis acharns ! - et ceci cause d l'usage a"une mme' mthode; la dialectique,'"applique toutefois par le second l'examen et l'expostion de processus diffrents. l.:s Aussi bien Ma~se "p!ocl~me-t-il trs hau~ent l' 1, ~ e! trs const~mmentle ~~fufe a~ ce K!and pen i'" If seur Il que Hegel ne cessalam!!.lsJ'etre ses yeux. , Il ne re un 1l hommage aucun autre de ses ~ prdcesseurs. t La eont~uit du dveloppem~nt d'un faisce~u , -1 l -P='-I i mthodologique, de el ...,Mai'X;)se trouve d'ail- ' ..,... " leurs atteste par. es experts lOnrpersonne, ami ou J ennemi, ne mettait en oute, jusqu' une poque rcente, la comptence. L Non seuiementJ~;ngel~l'alter ego de Marx, a.vait "2 maintenu sa fidIt~- Hegel, mais 1~:m~lui- l (! 3 J mme, aprs avoir tudi et appliqu cons amment la doctrine de Marx, se mit, en 1916, quarante , six ans et la veille de la r"yolutiQ!!.pj1itique g~~il "t r1prmditait,-ure et ~a!yser minutieuseme~t les :.. t.' , textes les :e.1,!!s difficiles de~Hegel. TI ne jugea ni 'i {lsuperflu ni inopportun, au moment mme de laprpar~tion de la Rvolution russe, de s'adonner f ce lent et long traviiplilOsophique. L'une des~ conclusions qu'il en tira continue d'tonner certains~ lninistes : cc Aphorisme : on ne peu.t comprendre) 0()~ bParfaitement ,Le Capital de Marx et en particulier..son premier chapitre s~s avoir tudi fond et Cl ~cQJImIs StQUIe la Logique de Hegel. Donc pas unste n'a compns Marx un demi-sicle aprs lui Il (Cahiers philosophiques, Paris, 1955, p. 149). 57 59. ~,Iv!t~ .vI?:> Cela, il l'assure prcisment un demi-sicle aprs la publication du premier livre du Capital, et donc il~9f.eue que Jusqu'en 1916, date de sa lecture a~profondie de Hegel, il n~p'as tlw-mme en tat de comprenare~lait!ment la doctrine de M~. Aussi, pour viter pareilfe msaventura ses propres disciples, leur conseille-t-il de se familiariser avec la pense de lIgel. nansun artiIecoDsacr au matrialisme militant , deux ans avant sa mort, et qui prend donc le statut d'un testament philosophique, il rclame la fond!.~on, non pas comme des nalfs pourraient s'y attendre, d'une socit ~ l'tude de la dialecti ue marxiste ')mais nren, sachantaejoi il retourne, ie so- 1 cit des amis' matrialistes" de la dialectiqi"1ilg lienne )l. - - - Les disciples ne respectrent pas cette dernire volont de leur matre, dans l'ordre philosophique. fCette socit oriente vers la dialecti..lI!le]lglk!!ne J ne vit jamais le i2ur. La deti"Plillosophique pro fonde de Marx Hegel, reconnue par Marx lui mme, atteste par de"s tmoins minents, se voyait tdj mise en question. Des historiens ~els du marxisme la nient absolument. Ils se recrutent parfois, -de manire consquente, par!lli les adver -( s~s du marxisme. Mais on en rencontre aussi'2.. parmi ses parti~ans, ou mme, c'est le comble, parmi les partisans de Lnine, comme s'ils fOn-) .daient, l'encontre du projet de celui-ci, une so- . tc~ des ennemis matrialistes _e.-. (lA, '1""':," ( : ' . , . , ~A. /J" )' ... i;~ , 7 ~ A.L_ r--.v ~ 'Y - '~~'.c..r... )~...(.. (... (1~ ~ J,i"..... [A(A , riorit reste relative. En simplifiant quelque peu on' ;./1}, peut diie que c~sl'ab801u(spirituel!) que l~s J' tI~ ~ tres sont, se meuvent, et dsfarai8sent. ~t lorsqu'elle se dcide se faire nature, puis reconqurir spirituellement cette natur~, p_~ le nu- . cliemiY'---l'lioDile, daii une hstoire,l'Iae, tf~ ";'mme le p>OOlieHegeI,'u'. encoii,jama;" ail'imeJqu'avec elle-mme J) (XIV, 54, 55). 83 85. Alors le philosophe, parvenu au niveau du savoir absolu, et . ense donc' ement, saisit la ....................""'-...>oU~~ab~so u qui, par une mme actiVlt", pense et se diversifie, se divise et se reprend dans son unit, ternellement. De cela rSUlie-uiiIiO vene dfinition de la spculation. C'est, pour le philosophe, la manire de penser qui consiste driver du concept ou de l'Ide, rationnellement et dialectiquement, toutes les dterminations de pen se, les catgories, les concepts spcifiques, et aussi toute ralit. Chez Hegel, on admire les productions d'une extraordinairlmagination~speul~tive. " Le penseur spculatifcroit tirer tout de lui-mme, "~- et, mprisant la clbre"'mise en garde kantienn, il *~J~crC?it, pour voler mieux et plus haut, devoir se passer 'Idi-la rsistance de l'air~ A cet gard le spectacle du jyol d'aigle hglien est prodigieux. J.- jLe spculatif se persuade que la p~seJ'Produit tout par elle-mme, comme le spclateur heureux a parfois l'illusion que l'argent qu'il met en circulation fait tout seul des petits . C'est peut-tre ce senti ment d'autosuffisance qui est le plus caractristique de la pense spculative. Comme le dit Marx criti quant l'attitude mme dont Hegel se vante de l'adopter : Hegel est tomb dans l'illusion qui consiste concevoir le~l comme le rsultat de la 1p.!,nse qui se rassemble en soi, s'approfondit en soi,Ifp~ t s~ meut partir de soi-mme, alors que la vritable cf: ~ r mthode consiste au contraire... (Introduction iJChJ. la Critique de l'~conomie politique). Certes le J?enseur spculatifne prtend pas driver (ou dduire) du concept n'importe quel objet sin gulier, et, par exemple, comme on l'avait mis au dfi de le faire, Il le porte-plume de M. Krug 1 TI laisse subsister du hasard et de la singularit dans son monde (XI, 577-579). Mme, il ne il'oblige 84 86. pas rinventer toutes les choses que la reprsen tation sensible ou que les habitudes mentales lui livrent aisment. Il s'assigne surtout pour tche de mettre en vidence que toutes les dterminations de pense, et tous les objets rels peuvent tre drivs, ou dduits, du concept. Ce qui l'intresse avant tout, c'est de mettre en vidence la drivation elle-mme, comprise d'ailleurs dialectiquement, l'universelle d pendance et intriorit l'gard de l'absolu. Ainsi le prestidigitateur tire-t-il de son chapeau toutes sortes d'objets familiers. Ce qui fascine, ce sont les conditions et la procdure exceptionnelle de cette extraction. Mais beaucoup le souponnent d'avoir collect ces objets familiers, et de les avoir d'abord mis dans le chapeau. Eux-mmes, il les a pris tels qu'il les a trouvs, sans les soumettre aucune preuve, sans les critiquer: ils restent assez indiffrents. Hegel a driv, comme tant rationnelles et ncessaires toutes sortes de dterminations que le temps, dans sa fuite, a fait apparatre comme relles, certes, mais aussi comme caduques et historiques. Cela se montre moins videmment et moins imm diatement en ce qui concerne les dterminations les plus intellectuelles et abstraites. Cela saute aux yeux, par contre, en ce qui touche les conclusions religieuses et politiques de la spculation. Aussi bien est-ce dans ces domaines que celle-ci a d af fronter d'abord la critique. Hegel dmontrait spculativement et, dans une certaine mesure dialectiquement, la nwsit, dU) moins titre de reprsentation ou de mtaphore...de la reli~on luthrienne, la ~t aussi de la-'!!o !1~1iconstitutioinelle quelque peu librale, la Iraranoerg ,la I!.ces!it e~~e !~proprit pri':.e. Mais pour les alies ou les rpublicains, ou, ,. ..". ,'......' t ' ~ ~~~ r;""J~I"'::- 8S J ~.d&.:4-~. 87. J .!J . davantage encore pour les premiers socialistes, saint simoniens ou autres, quel sens pouvaient garder une telle dmonstration , une telle dduction , une telle ncessit ? Autant en emporte le grand vent de l'histoire! En fait, beaucoup de lecteurs, et parmi les plus attentifs sa doctrine et la fcondit de cette doc trine, en vinrent rapidement le souponner de Ijustifier spculativen;"ent , s~s_~!.op~~pinions, caractnstlques iI sa situatIOn SOCiale et culturelle, etmme ses propres prjugs individuels. . Le soupon s'etendlt la pense spculative tout entire. On sentit alors la faiblesse d'une cri tique de la spculation hglienne qui se conten terait de se fonder sur les erreurs (en particulier scientifiques et historiques) que Hegel avait com mises, ou sur les justifications et accommodations circonstancielles auxquelles elle conduisait. C'est le procd spculatif luimme qui fut mis en cause et, si l'on peut dire, dans ses meilleures pro ductions. Car Hegel a rendu compte aussi d'une manire spculative et dialectique, de dterminations 10 giques, de ralits naturelles, de processus histo riques dont personne ne conteste l'existence ou la validit. Il les a prsents comme des moments de l'absolu, et, dans cette perspective, il a minutieuse ment analys et dcrit leur gense. Souvent ces analyses et ces explications gardent, encore pour notre temps, une grande profondeur et une ton: nante fcondit. Elles se fondent d'ailleurs parfois sur une observation particulirement lucide de la ralit. Mais, dans l'ensemble, l'itinraire de drivation conceptuelle que Hegel emprunte ne colncide pas avec la gense relle et observable de ce qu'il prend 86 88. pour objet d'tude. La religion, les institutions poli- tiques, et par exemple le majorat, ou la proprit prive, ou la situation de la femme dans la socit, ont de tout autres conditions effectives et de tout autres causes relles que les conditions et raisons conceptuelles qu'il leur assigne. Il reste, bien sr, que les esprits spculatifs, fidles la mthode spculative, ne peuvent gure trouver de meilleur modle que la philosophie hg- lieime, malgr des erreurs et des checs partiels qu'ils prfrent tenir pour accessoires et accidentels. Mais ce qui est de prime abord plus surprenant, c'est que les adversaires de la spculation ne mpri- sent pas tous cette philosophie, tant s'en faut, et que, tout en la critiquant, ils tentent d'y prlever non seulement des lments, mais mme un tat d'esprit, une manire de penser, une mthode utiles leurs propres entreprises. Opration dlicate, l'vidence. Ds peuvent s'imaginer, pour se donner du cur, que Hegel avait peut-tre lui-mme dispos le champ opratoire. Il avait t amen en effet dis- tinguer les propositions logiques ordinaires, prdi- catives, et ce qu'il appelait la proposition spcula- tive. La connaissance de l'absolu, ou du sujet-objet, par soi-mme, telle qu'elle s'effectue dans l'activit du philosophe confine l'inexprimable, le langale dcomposant nessairement ce gu'il expUQle (au ninimum: un sujet, un verbe, un attribut). D'ailleurs Hegel, dans ses premiers essais, avait entendu cette SaiSie de l'absolu, la suite de Schelling, comme une i.tultion : La~culation, puisque l'idalit et la( rlt sont en e e une seule chose, est intuition (IV, 102). Il parviendra ensuite la conception philosophique selon laquelle cette intuition s'expli- 87 89. cite, !le dveloppe et s~. p'arf~ en un syst!!!-e. Reste que lorsque 1eSujet-objet s'exprIme, il ne le peut faire que dans une proposition identique , o il ne s'agit pas de montrer que le sujet fait partie de l'extension ou de la comprhension de l'attribut. La substance est sujet Il : cette proposition ne signifie pas que parmi les caractres du sujet, ou parmi les sujets possibles, on doit aussi compter la substance. Elle affirme que sujet et substance sont identiques. Mais cettt:: identit resterait dpourvue de sens et de fcondit si, en mme temps, elle n'im pliquait pas une opposition: le sujet n'est tout de mme pas l'objet, et mme ils se dfinissent par contradiction de l'un l'autre! Les propositions spculatives, posant l'identit positive du contradictoire, ne sduisent pas Inm diatement les profanes auxquels on les prsente et qui, par la pratique vitale et par la pense coutu mire, sont habitus manier les catgories de l' entendement et entendre toute proposition d'une manire attributive (ou prdicative). La substance est sujet, l'objet est sujet, l'int rieur est l'extrieur, la fin est le moyen: devant de tels propos le profane reste d'abord perplexe, et s'il les prend au srieux son esprit flotte (schwebt, dit Hegel) au-dessus des termes qu'ils mettent en rela tion quivoque (IX, 144-147). D'ailleurs la propo sition spculative, un niveau moins lev d'la boration et d'audace peut revtir une forme nga tive, mais qui implique le posit : le sujet est un non-sujet, fintrieur est un non-intrieur, ce qui se passe dans l'intneur se passe dans l'extrieur, ce qui comprend est compris dans ce ~'il com prOd, etc. n voit que la proposition spculative a t uti lise bien avant que Hegel n'en fasse la thorie - et 88 90. le philosophe ne le contestait certes pas. Rappelons . ~ la clbr-e pense de Pascal: Par l'espace, l'univers 'i j me comprend et m'engloutit comme un point; I!!! la pense, je le comprends. II Cette pense serait bien plate et banale, si elle se rduisait, comme peut-tre Pascal le voulait, l'opposition de deux natkes irrductibles. Mais, qu'il rait su ou non, elle donne un exemple de pro fondeur spculative en dsignant un unique et iden tique je qui comprend et qui est compris, et en suggrant, par l'emploi d'un mme verbe, l'identit du comprendre 1) et du tre compris . De mme, la proposition fameuse de Marx, selon laquelle la mtamorphose de l'homme aux cus en capitaliste doit se passer dan~ la sphre de la circulation et en mme temps doit ne point s'y passer II serait bien plate et banale, si elle se conten tait de signaler de manire piquante un problme dont la solution consisterait dans l'limination pure et simple de l'une des deux affirmations contra dictoires qu'elle comporte. De fait, elle prsente un caractre spculatif si minent que le traducteur du Capital en franais, Joseph Roy, penseur raison nable et cartsien ll, n'avait pas hsit l'exclure de sa traduction : vade retro Satanas! Marx d'ailleUl's soulignait le paradoxe qu'il osait soutenir, par le mme dfi que Hegel avait lanc propos d'un paradoxe du mme ordre: Hic Rhodus, hic salta! Ah 1tu te prtends capable d'effectuer un saut immense ? Eh bien! Voil Rhodes, saute! (XII,57). TI s'agit da.ns les deux cas de la tentative d'ex ~rimer un m~re et par 1 mme du risque ou du projet de le ~siper . mystre religieux, en ce qui concerne Pascal; conomiqu en ce qui concerne Marx. Mais ni Pasc Dl arx ne peuvent passer U9 ; 0 89 91. cependant pour des penseurs spculatifs , au sens hglien de ce terme, et ils ne se considraient pas comme tels. Pour expliquer cette trange situation, peut tre convient-il d'allguer la diversit des dfinitions que Hegel donne du spculatif. Certaines rsultent d'une sorte d'amalgame discutable. Il arrive Hegel d'assimiler le spculatif ce que nous appel lerions plus volontiers, en notre temps, le dialec tique. Telles ces dfinitions parses dans son uvre: Le spculatif consiste saisir les moments opposs dans leur unit (X, I, 122) ; ( Le spculatif, c'est [ avoir devant soi la contradiction et la rsou dre (XIX, 656). Ces dfinitions dn spcula~diffrent beaucoup de celles qui rduisent tout de rd) a'ide}} ou qui prconisent la drivation conceptuell~utobjet de pense partir de l'Ide. Des thoriciens ont estim que leur validit pouvait subsister, et qu'elles pouvaient tre utilises, en dehors de toute proc cupation proprement spculative. Hegel, quant lui, et comme le dit un de ses commentateurs, ( faisait colncider immdiatement sa mthode dialectique et l'essence de la SPfl culation )J. Mais, d'autre part, on le surprend dsigner indiffremment comme spculatif ou comme dia lectique, ou bien un processus total, ou bien l'un des moments de ce processus - la distinction des moments relevant elle-mme d'une dialectique tenue parfois pour purement ngative (XVIII, I, 354). Aprs la mort de Hegel, l'apparente colncidence du spculatif et du dialectique est devenue, pour beaucoup de ses disciples, un problme. On peut tre spculatif sans tre dialecticien. Ne peut-on tre dialecticien sans rester spculatif ? La dialec 90 92. tique rsiste-t-elle toute tentative de sparation de la spculation et du systme ? La reconnaissance de soi dans l'altrit (IX, 63) ne se rfre pas fatalement l'absolu. Chaque homme rencontre, un jour, un tranger qui lui ressemble comme un frre. Et mme sans se monter la tte, ils peuvent sentir que les deux font la paire! IV. - La pense du processus Il est arriv Hegel de distinguer trois cts )) du logique : 1) Le ct abstrait ou relevant de l'enten dement: La pense en tant qu'entendement s'en tient la dtermination fixe et son caractre diffrenciel par rapport d'autres; un tel abstrait born vaut pour elle comme subsistant et tant pour lui-mme. 2) Le ct dialectique ou ngativement rationnel: Le moment dialectique est la propre auto suppression de telles dterminations finies, et leur passage dans leurs opposes. Il 3) Le ct spculatif ou positivement rationnel : Le spculatif ou positivement rationnel ap prhende l'unit des dterminations dans leur op position, l'affirmatif qui est contenu dans leur rso lution et leur passage (en autre chose) ) (XI, 342-344). Mais cette distinction de trois cts , exige par la prsentation discursive qu'en fait Hegel, doit tre tenue pour provisoire, ou plus prcisment pour momentane : une dissociation et une diversi fication de ce qui en soi est uni et identique. Aussi bien Hegel appelle-t-il parfois dialectique l'ensem ble de ces moments, leur unit fondamentale, alors qu'il rserve ici cette dnomination l'un seulement d'entre eux. 91 93. ,p 'f r:: ~'fJ'!Jb = 1 1do~ ~ -r.. c.:-/~ Il ne faut pas en effet se dissimuler que le reprage de trois moments de la dialectique et le maintien de chacun d'eux dans sa distinction et son isolement, tels que Hegel les effectue ici, relvent eux-mmes de la comptence particulire de l'un des moments dfinis: le moment de l'abstraction, condamn d'ail leurs se contredire lui-mme. Les moments ne se succdent pas l'un l'autre, ni ne sont juxtaposs, de telle sorte qu'en accdant au degr suprieur on abandonnerait purement et sim plement le degr infrieur. C'est seulement d'une manire abstraite qu'ils se distinguent dans la tota lit processuelle de la Raison. Hegel le souligne : l( Ces trois moments peuvent tous tre poss sous le premier moment, l'lment relevant de l'entende ment, et par l tre maintenus spars les uns des autres, mais ainsi ils ne sont pas considrs en leur vrit (...). Car ces trois cts ne constituent pas trois parties de la Logique, mais sont des moments de tout ce . ui a une ralit~~e, c'est-~-dIre ~ tout concept ou e tout ce qUI est vraI en ge) nral (XI, 343). j ,---. Voici en effet la plus grande difficult de Il!...4La lectique pour un esprit en proie aux vie~dmons au dogmatisme: elle consiste dans l'unit vivante ~ ces moments, dont la sparation invitable, gen ratrice de particularisation et d'animation, recle toujours un danger de fixation arbitraire, d'exclu sivisme parcellaire. Malgr ce danger, il convient de tenir compte de chacun des moments, de lui reconnatre son droit et de lui donner sa chance, d'en tirer jusqu'au bout, dans la pratique ou dans la thorie, tous les ensei gnements et tous les avantages. Mme, c'est en l'aiguisant pour lui-mme au maximum, en le pous sant bout, qu'on le contraint se librer finalement 92 94. de son troitesse (X, II, 84-85). Passion et rigueur contraignent galement passer les bomes. Alors, que le plus fort gagne 1Dans un dbat ou dans un combat, la dialectique hglienne comprend et explique que chacun puise toutes les ressources de son argumentation unilatrale ou de son agres sivit ingnieuse. Elle ne constate ni ne conseille le compromis superficiel ou la conciliation conser vatrice. La conciliation u'elle rconise est d'une es~ceplus haute, elle est ce e qw s eta It au- asus ts termes concilier >5, aprs qu41s se sOien:reux mmes dtrwts en tant que tels. Or, c'est quand l'unilatralit et la particularit se sont dployes l'extrme qu'elles se renversent, qu'elles deviennent leur contraire, qu'elles se fondent avec leurs anta gonistes en une unit suprieure, manestant ainsi leur fcondit thorique et pratique paradoxale. f Mme si dans certaines applications circonstan cielles Hegel semble parfois cder un penchant pour le compromis et la conciliation vulgaire, la dialectique hglienne ne va nullement en ce sens. l~erre, disait Hegel d'une manire ch~uante, 1e~pche les peuples de s'endormir_mm~ e vent vite aux eaux de stilgneL(XII, 324-325) ! A propos ~ des F''analB de la Rvolution, il mettait plus pr cisment en valeur l'efficacit de l'unilatralit de fentendement et la fatalit qui la fait se sublimer elle-mme: Justement, en poussant ces moments jusqu' l'extrme pointe de l'unilatralit, en sui vant chaque principe unilatral jusqu' ses cons quences ultimes, ils sont parvenus, grce !la diB. lectique de la rais~ historiq~ mondiale, une 1 situatiOn politique dans laquelle toutes les unila lralits antrieures de la vie de l'Etat paraissent dpasses (Encyclo~die, 349, Addition. En allemand). 93 95. Aucune des dialectiques concrtes qui se succ dent dans la Phnomnologie de l'esprit n'aboutit un compromis - auquel l'uvre aurait d alors s'arrter. Luardon lui-.mme n~rduit pa~ une acceptation rciproque de 1~ sitJ,lation ~ui telle desjk,ux_co!!s~iences affrontes, mais il les lve toutes les deux un autre niveau, en ls mtamorphosant. Siun reprOChe pouvait tr-fait -Hegel~--regard de ces dialectiques, ce serait plutt de liquider chaque fois trop radicalement chacun des termes opposs d'abord, ou de les ou blier trop absolument tous les deux, de les lever certes, et de les supprimer, sans prendre la prcau tion de les conserver suffisamment (X, 1, 81-82) : ainsi en va-t-il, significativement, de ce que Hegel appelle la certitude sensible , de ce monde empi rique dont nous avons la perception presque im mdiate... (VIII, 1, 81-92). Certes, tout dialogue, toute controverse, tout combat n'aboutit pas fatalement un dpassement des positions unilatrales originaires. Il y a des dia logues de sourds et des guerres pour rien. Mais ils nc reprsentent, dans le processus gnral, que des tentatives, des prparatifs, des rptitions prala bles d'oprations qui, elles, seront dcisives, et qui importent seules du point de vue de la logique des choses historiques, parce qu'elles impliquent l'in novation. Latche intellectuelle du dialecticien consiste alors en 1~~!Y!!th~ede tous les moments du processus, qui se prsentent d'aborraanswur abstraction fige et leur opposition polmique. Or cette entreprise semble paradoxale, du mgins pour le bon sens . Elle suppose en effet que dans toute opposition (controverse ou combat), lorsqu'elle est srieuse, l'activit de chaque adversaire implique 94 96. profondment celle de l'autre : dans leur hostilit, et par elle, les deux se lient ensemble dans une solidarit intime, une sorte de familiarit. L:up., n'est jamais que le double-ngatif de l'a~e. Les ennemis sont encore plus insparables que les amants. Si l'un des deux succonibe, l'amour est mort, et la guerre est finie! L'important, pour le thoricien, c'est la disparition des deux adversaires ou partenaires, en tant que tels, l'effacement de l'unit qui le& comportait et, sur un plan historique plus concret, moins la dfaite deJ'un des :erotago nistes que l'a~olition d'un I!!0nde social, politique, culturel ou, dans d'autres domaines,l'df2Jldrement d'un syst~me, d'une pistmie, d'un contexte... Le dialecticien vise la totalit proc~ss~lle,~ v~~e, dans le jeu de ses moments. Ainsi quand Hegel, dans un chapitre remarquable de la Ph nomnologie, dcrit la destine de ce qu'il appelle le monde de la culture - ce monde o, selon fui, l'esprit est devenu tranger soi-mme (VIII, II, 50) - ce qui lui importe avant tout, c'est d'ana lyser le mouvement total de ce monde, daMie dploiement de ses contradICtionsinternes. Ce monde, par sa dynamique propre, fait surgir ~ monde diff!.ent, une tape nouvelle d dvelop pement typique de la conscience. La vision de Hegel ici peut, dans ses allusions historiques, se rvler fausse, elle n'en reste pas moins philosophiquement grandiose : elle saisit le passage et la mutayon de ce que nous pourrions appeler l'Ido~e..frapaise ce que d'autres ont appel l'Iaol~eallemande . Il constate pro phtiquement l'irralit et l'hn~uissance de cette dernire : ....J:~l! libert absol~sort de sa ralit qui se dtruit~.elle-mme,pourentrer dans une autre terre (...) o lIa libert absli;'dans cette irralit, ' - _._.~ 95 97. la valeur du vrai (VIII, II, 141). La Rvolutionfr . d" -~-1 analse a evore ses propres elll~ts, un autre pays va r~rend!e le flambeau, ~ui o, pour le / moment, rgne l'irralisme dont les philosophies de Kant et de Fichte sont la quintessence. Vision hglienne elle-mme idologique et irra liste, sans doute! Mais vision dialectique : un pas" sage, un saut qualitatif, ~~n, un progrs dans la contradiction. Avec, dj chez Hegel, la dfaillance structuraliste Il : la transcription d'une mtamorphose interne, et reconnue toutefois comme telle, en un changement de lieu, en une migration... Mais, ici, rupture et continuit s'impliquent rci proquement. On pourrait se contenter d'un constat de ce passage tenu pour un donn irrductible, un mystre. Mais si l'on a l'ambition d'expliquer, alors, comment se dispenser de penser dialectiquement ? Les formes particulires que l'esprit humain revt successivement dans son dveloppement se dtrui sent elles-mmes et deviennent donc, par elles mmes et sur place, autres. Comment une structure donne, en quelque domaine que ce soit, engendre .t-elle une structure toute diffrente ? Comment, se trouvant soi-mme engag dans une structure ou un systme, titre de moment, peut-on travailler ',; efficacement sa destruction, son re~rseD!ent,son { ncessaire retournement sur lui-mme ? Cela peut-il se comprendre, sans dialectique ? hl Il faut sa!sir le"process.us .to.llt. en~ier, et le ieu de )l'tous ses moments, y C0I!lP!'lS SOl-meme. Le dilecticien c'est celui qui, par exemple, exa minant le monde de la culture 1) et le combat qui s'y dveloppe entre les (Lumires et lal'SUl!erstition (le XVIIIe sicle franais) ne se contente pas de comprendre chacun des deux antagonistes et de 96 98. se placer son point de vue II, mais parvient se penser lui-mme comme s'il tait les deux a .,,~, l'un l'gard de l'aut'-"de deux antagonistes en tant qu'ils diffrent, mais q1!- consiste au contrl!ire 1dans le fait pour eux d'trEf lis ensemle. Je ne suis pas l'un de ceux qui sont engags danile combat mais iYlPs les deux combattants et l~omb!lt 11.Y ~jJ!!e. Je suis l'eau et le feu qui entrent en contat, je suis le contact et l'unit de ce qui se repousse. Ce contact est lui-mme quivoque, conflictuel en tant qu'il est la relation de ce qui tantt est spar et divis, tantt rconcili et runi avec soi-mm l (XX, 116-119). ._~ Etre le combat tout entier, et tout le dialogue, et tout l'amour, sans cesser pour autant d'tre l'un( des combattants, l'un des interlocuteurs, l'un des amants : une gageure! Le risque de lse-dialectique serait couru si l'on s'arrtait l'un des termes opposs du processus (ce serait abstraction!) sans s'apercevoir que les deux font toujours la paire. Il ne faut pas s'terniser dans l'abstraction momentanment ncessaire. Mais la plus grande tentation serait peut-tre de s'en tenir uniquement l'apparente conclusion: Je suis le combat lui-mme , ou le dialogue , ou l'amour . Bien qu'il s'efforce toujours de saisir la totalit et de cerner (e le concept interne de la situation (XVII, III, 2, 38), le dialecticien sent bien et sait bien qu'il ne se situe pas. pour autant. Cl au-dessus de la mle . Il lui faut rpondre une plus dure exigence. Son identification avec la totalit (le moment sp(e cmatif ) n'exclut pas. mais au contraire implique qu'il s'identifie sim!.tan_ment avec les deux op poss qui la dchirent (le moment dialectique). Mais le comble, ici, c'est qu'il doit auslli savoir r-Mter s.l!.!!!' et unilatral, l'un des combattants (le mo ment abstrait). Car c'est en poussant jusqu'au bout 98 100. chacun des moments qu'on le force se dtruire lui-mme. La prise de conscience synoptique, l'insertion intelligente dans la situation domine globalement, n'entraine donc nullement, pour le dialecticien, un clectisme, une abstention, une abstinence. TI prend parti dans la contradiction vivante, il y est situ, il sait o elle va. Ainsi d.!Ws la diale~~ du Mattre ' 1-.......i~ et du Valet Hegel se place-t-il au ct du valet, , dont il prvoit (rtrospectivement!) le triomphe. Dans sa victoire le v:alet supprimera le mattre~n tant que mattre - et donc la matrise. Mais en mme temps il ~primera videmment la se1'!tyde, il se supprimeraui-mme en tant ~e tel. Un autre ~ du monde.a. En dcriva.rite bouleve'r- sement, Hegel sllse placer la fois au point de vue du mattre et celui du valet, et au point de vue des deux, et suivre de plus, en abandonnant tout point de vue particulier, k m~.Y~~t de la totalit qu'il examin~: le processus. En mme {temps il pouse la cause du moment actif et nova- teur de la contradiction mise en vidence : la cause du valet (VIII, I, 161-1666). De mme, tout en suivant et dcrivant, sa manire, le combat des Lumires et de la Supersti- tion, et tout en exprimant le mouvement de la tota- lit culturelle qu'il a choisi de dcrire, il ne manque pas de reconnatre le ~it des Lumires . Le dialecticien est donc celui qui, dans une pri- ptie historique, dans une volution sociale, se 1cQmp-rend non seulement 80i-m~e, comme force active unilatrale, voire comme force rvolution- n!ke, mais comprend aussi son adversair~er 1v!!ur oy rctio~aire. Il saIsit le coDbat tout entier, dans lequel cependant il ne joue qu'un seul rle. Il admet la ncessit de tous les moments du 99 101. ~ .v-. iJ processus. Il Y est englouti comme un point, mais il le comprend. Il aime ~n destin et en mm~tE!.mps le domine. M~ob_!_a son tour, dramatiquement et )certiiis gards dangereusement, l'exigence d'une saisie dialeetiqu!....,!-proesss globlll, lorsqu'il osera crire, pour des lecteurs qui ont t des combattants, et qui ont t vaincus, pour des tres de souffrance et d'amertume, les rpublicains crass par Napo lon III, des propositions qui assignent chaque moment sa ncessit dans le processus historique global. C'est celui-ci qui deviendra le sujet gramma tical des propositions, comme il est le sujet des vnements : ~ La Rvolution va jusqu'au fond des choses. Elle ne traverse encore que le purgatoire. Elle mne son affaire avec mthode. Jusqu'au 2 dcembre 1851, elle n'avait accompli que la moiti de ses prparatifs, et maintenant elle accomplit l'autre moiti. Elle (1 perfectionne d'abord le pouvoir parlementaire, pour ~ pouvoir le rel!Y~s~r ensuite. Ce but une fois atteint, 1 elle pepectionne le pouvoir excutif, le rduit son 1 expressiOn la plus pure, l'isole, dirige contre lui tous les reproches pour pouvoir concentrer sur lui toutes '1. ses forces de ~.!truction et, quand elle aura ac compli la seconde moiti de son travail de prpa ration, l'Europe_Sllutera de sa place et jubilera : bien creus, vieille taupe 1 (Le 18 Brumaire de Louis-NapoUon Bonaparte, Paris, Ed. Sociales, 1969, p.124.) Celui qui vit la vie du erocessus ne voit plus les dfaites comme1es dfaites;9'isouhaite des adver saires sa mesure, il voit plus loin que son pa~ ljfS)I et faifbnficier ce paI1Leris d'une V1!.e !!Diverse e. Pour cela, il se dgage des abstractions, des res- 1 sentiments, des troitesses, des ides fixes. Qui veutJI 100 102. c.Qmprendre le.2!Yce~J!Jequelil est cependant lui-mime ~omlris-,-doitsecotjer ~~op~~~itudes ~e pense, ~er la duret de son c~ur, se rveill~ de son sommelfdopmati,gue. II lui faut franchir les limites de ce que onappelle le sens commun, de ce que Hegel dsigne comme l'entendement, pour accder un mo~e de pense plus rationnel, plus profond, pIs vivant. Les ides et les hommes se complaisent 1 stationner. La diale.tiJlue leur enjoint J de c!"!lJer, elle les mobilise: L'entendement diter mine et fixe les dterminations; la raison est ~~ tive et dialectique parce qu'elle dissout en npit les dterminations de l'entendement, elle est posit!Ye .. parce qu'elle produit l'universel et comprencfn lui le particulier 1) (X, J, 6). V. - Systme et dialectique Est-il lgitime, est-il simplement sens de dfinir, de dcrire, d'appliquer sparment la (( dialectique hglienne Il, au prix de ce que Hegel aurait certai nement tenu pour une amputation cruelle et sa crilge ? Hegel ne dissociait videmment pas, en principe du moins, la dialectique et le systme spculatif. S'il s'agit de restituer authentiquement sa pense, alors on ne peut que rappeler son systme diakctiqUfJ, dans sOn unit et son homognit prtendues, tel qu'il l'a lui-mme propos d'une manire inimitable. Toutefois, n'est.on pas contraint, aujourd'hui, de se placer hors de ce systme, pour le contempler, en parler, essayer de le comprendre et de l'expli quer ? N'adopte-t-on pas ncessairement, pour ce faire, un autre point de vue que le sien, malgr sa prtention de ne se limiter aucun point de vue particulier? N'est-il pas possible, en prenant quel 101 103. ques prcautions, d'tudier et de m"'!pipuler la dialectique hglienne sans se charger de tous les rsultats que Hegel se vantait d'obtenir grce elle? Sur ce point, deux thses s'affrontent. Les uns soutiennent que l'hglianisme forme un organisme indivisihle, y compris les consquences que Hegel certifie y inclure ncessairement: la politique dans son avatar monarchiste, la religion dans son avatar luthrien... Hegel tait fier de son mon~thisme, ) prendre en hloc ou laisser. Cette conception de l'hglianisme implique une rupture absolue de celui-ci avec tout ce qui le pr. cda et tout ce qui lui a succd. La prendon la lettre, alors l'hglianisme perd tout attrait pour qui en conteste les tenants et les aboutissants. Etes-vous incroyant, ou musulman, ou catholique ? Donnez-vous dans l'idalisme suhjectif ou dans le matrialisme ? Prfrez-vous la rpublique la mo narchie constitutionnelle? Alors dtournez vos l vres de ce calice: l'hglianisme ne vous promet que de l'amertume! Pourtant, on a ds longtemps senti une diffrence entre la manire dialectique de penser - tO!!t ~e d~e ! - et les rsultats obtenus par Hegel grce ..., elle - rieI!.-nu'en p-erdra ! Dj,p}iTeLeroUx"';> qui pourtant n'y tait pas initi profnU1ent: reprochait Victor Cousin de n'avoir pas discern dans l'hglianisme des diff rences, sinon des oppositions: M. Cousin n'a p~s compris l'esprit !l~dacieux cach sous les formules de Hegel, cet eS'p'rit de progrs progressant com..,!!1e ~}sent aujourd'hui les Allemands (...), qui f~t explosion aujourd'hui dans l'cole hglienne. Mais le faux systme, il l'a reproduit assez exactement ) (XXIX, 172). 102 104. Et en effet, pourquoi ne suivrait-on pas, concer nant Hegel, l'exemple qu'il donnait lui-mme, con cernant Kant ? La philosophie kantienne, disait-il, a besoin que son esprit soit distingu de la lettre et que le principe spculatif soit dgag de tout le reste II (IV, 79). Cette distinction, Hegel ne la prsente pas seu lement comme une possibilit, mais bien comme un devoir. Ainsi, propos d'un autre grand philo sophe : Le point de vue de Plat~n est dtermin et ncessaire, mais on ne peut yaemeurer, ni s'y re porter, la raison a de plus hautes exigences. Le mettre pour nous au rang suprme, en faire le point de vue que nous devons ado:e~~ cela appartient 1 aux faible8s~s de~ot..retemPSqID ne peut supporter.( la ~andetfi~eiigenceEJde l'esprit ~um!-.in, ce qu ellell'ont de proprement prodigieux : il;~'en sent acc I, et s'en va lchement chercher refuge en arrire l) (XV, III, 396-397). _Toutefois!_ ce refus hglien de toute ._~~, !,~IiWn, industrie, droit, ~hilos~-)} phie. Ou plutt, il est le changement mme e toutceTa, car il n'opre pas comme un sujet extrieursur un cours du monde qui serait alors son objet,limais il e6t..l'me imma~nte_ tous les moments et}l la totalit de ce processus, et il donne sa coloratiOiispcifique chacune des tapes (XIV, 109-111et XV bis, 134).Le dcoupage de l'histoire en priodes distincttzs ne se rduit pas un simple procd d'analyse et de connaissance : il correspond une segmentation effective du pass humain, au rythme mme du d veloppement la fois contradictoire et unitaire de l'esprit. Toutefois, Hegel a alli ce sentiment aigu de la . /1. dis~tinuit, une conscience trs claire de la cont;i- 2.. 117 119. nuit du processus historique, continuit sans la quelle n'existeraient ni le genre humain ni son histoire. Les Esprits nationaux se contredisent et se com battent, mais comme les moments d'un 1irocessU8 fiunitaire et dynamique, qui enveloppe leur 'versit: "1 le1icSSu8 de l'Esprj' mondial. Chaque Esprit national, aprs s'tre dvelopp et accompli, connait le destin de toute individualit : il prit. La totalit de ses productions etde sesformes objectives devient alors la matire premire (XIV, 54-55) d'une,g.ouve!1e cration de l~~~t mondial, qui s'tait lui-mm-tTOrmhans 1 exp ~ de cette in~yidualitnation~e. Cette laboration ne consIste pas en une simple revue des images que 1'E.P2~ mOILdial se donnerait de lui-mme. C'est une operatIon effective, une uvre : 1 54.Leons sur la philosophie de la re [I/[on, trad. parJ. G[BELIN, Paris, Vrin, 1910-1971: Leons s"r l'esthtique (4 vol.), trad. par S. JANKLVITCH, Paris, Aubier, 1944.Correspondance (3 voL), trad. par J. CARRRE,Paris, Gallimard, 1962-1967.125 f.l~>.,'t ;..tO 126. XIX. - flls/oire de la philosophie. 1. III (en allemand). dite par H. GLOCKNER. Stuttgart. 1965. XX. - Philosophie de la religion (en allemand), dite par K.-H. ILTING. Naples. Bibllopolis. 1978. H) Ouvrages sur Hegel Quelques tudes introductives ou peu spcialises. classes dans l'ordre approximativement croissant de leur dlfficull de leeture (Indications bibliographiques plus dlallles dam: XXI. 118-119; XXXI, 461-473; XXXV. 584-(90). XXI. - J. D'HoNDT. Hegel. sa vie .on uvre. sa philosophie. Paris. PUP, 2' d. 1975. XXII. - J. D'HoNDT. Hegel en son temps (1818-1831). Paris. Ed. Sociales. 1968. F. CHTELET. Hegel. Paris, Seuil. 1968. R. VANCOURT. La pense religleu.e de Hegel. Paris. PUP. 2' d. 1971 H. RONDET. Hglianisme e/ chrlslianlsme. Paris, Lethielleux, 1965. . XXV. - B. BOURGEOIS. La pense politique de Hegel. Paris. pup 1969. XXVI.;J- J. O'HONDT. Hegel secret. Recherches sur les source.) cache., de Hegel. Paris, pUF. 1968. 2' d. 1986. XXVII. - E. WEil,. Hegel el l'Elal. Paris. Vrin. 3' d. 1970. XXVIII. -',1 M. RGNI.'1'. Hegel. In Hisloire de la Philosophie. ParI....Ganlmard. t. H. P." 858-892. XXIX. - J. D'BoNDT. De Elegel a Nfiifx. Paris. pup. 1972. XXX. - F. CHTELET. Histoire de la Philosophie. 1. V. Paris. Hachette. 1973. XXXI. - J. O'HONDT, Hegel. philosophe de l'hls/olre vivante. 'Paris. pup. 1966. 2' d., 1987. XX XII. - J. HypPOLITE. Inlroduction la philosophie de l'hl.' loire de Hegel. Paris. Rivire, 2' d. 1968. XXXIII. - R. GARAUDY. Dieu esl mort, Etude Sllr Hegel, Paris, pup. 1962. XXXIV. -,Co BRUAIRE. Logique et religion chrlienne dans la 1 philosophie de Hegel. Paris. Seuil. 1964. XXXV. - J. HYPPOLlTE. Gense el struclurede laPhnom"nologle de l'Espril. rd., Paris. Aubier. 1967. XXXVI, - E. FLBISCHMANN. La science unlverselie ou la logique. - Paris. Plon. 1968. XXXVII. - T. LITT. Hegel. e$.,al d'un renouvellement critique. Paris, Denol. 1973. XXXVIII. - B. BOURGEOIS. Prsentallon de l'Encuclopdle des Sciences philosophiques de Hegel, t. 1 : La Logique. Paris. Vrin. 1970. XXXIX. - B. ROUSSET. Introduction Hegel. Le Savoir absolu. Paris. Aubier. 1977. XL. - G. PI,ANTY-BoNJOUR, Hegel et la pense philosophique en RU.,sle. La Haye. NlJholT 1974. XLI. - Science et dialec/lque chez Hegl et Marx (ouvrage collectif). Paris. C:lIN) 2559 Les Institutions locales en Europe (A. DELCAMP) 2560 Calcul dlllrentlei complexe (D. LEBORGNE) 2561 Les indices boursiers (P. GOBRY) 2562 Dcisions du Conseil constitu tionnel (P. ARDANT) 2563 Le freudisme (P.-L. ASSOUN) 2564 Ethnologie de l'Europe (J. CUISENIER) 2565 Les procdures fiscales (D. RICHER) 2566 Les cours administratives d'appel (M. GENTOT ct H. OBERDORFF) 2567 La communication (L. SFEZ) 2568 La politique agricole commune (F. TEULON) 2569 Les politiques conomiques conloncturelles (E. MARIS ct A. COURET) 2570 Gnrations et Ages de la vie (C. ATTIAS-DoNFUT) 2571 L'orthophonie en France (J.-M. KRE'IER et E. LEDERLE) 2572 Le contrle de la circulation arienne (G. MAIGNAN) 2573 Le hand-baU (C: BAYER) 2574 Le dveloppement de l'enfant (L. MAlORv) 2575 Le stress (B. STORA) 2576 La naissance du franais (B. CERQUIGLINI) 2577 Les parcs de loisirs (R LANQUAR) 2578 Les expertises mdicales (M. GODFRYD) 2579 La dpression (H. et P. Lo) 2580 Les anarchistes de droite (F. RICHARD) 2581 Les mutilations sexuelles (M. ERLICH) 2582 Les caisses d'pargne (D. HUET) 2583 La politique (N. TENZER) 2584 Les pays baltes (P. LOROT) 2585 Le Prsident des Etats-Unis (P. Gf;RARD) 2586 Le despotisme clair (J. MEYER) 2587 La politique rgionale de la CEE (Y. DOUTRIAUX) 2588 Kierkegaard (O. CAULY) 2589 La gestion publique (A. GISCARO D'ESTAING) 2590 Histoire de la psychanalyse en France (J. CHEMOUNY) 9 130. 3I11SIN'VIl;l~;lH,l.1313~3H


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