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L’ enseignement d’ une langue maternelle ~ et d’ une...

Date post: 22-May-2018
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Joseph POTH L’enseignement d’une langue maternelle ~et d’une langue non maternelle La mise en application d’une pédagogie convergente (version Afrique) Centre International de Phonétique Appliquée - Mous Guide pratique Linguapax no4
Transcript

Joseph POTH

L’enseignement d’une langue maternelle

~ et d’une langue non maternelle La mise en application d’une pédagogie convergente

(version Afrique)

Centre International de Phonétique Appliquée - Mous Guide pratique Linguapax no4

0 CIPA 1997 D/199717?89/4

Avec le concours scientifique et technique de la chaire UNESCO en aménagement linguistique et

didactique des langues de 1 ‘Université de Mons-Hainaut et du Centre UNESCO de Catalogne

AVANT-PROPOS

LINGUAPAX est un projet de l’UNESCO qui vise à promouvoir la culture de la paix à travers l’éducation plurilingue à tous les niveaux éducatifs, et le respect de la diversité linguistique.

Ce projet a pour objectif d’apporter une réponse linguistique spécifique aux problèmes posés par la recherche de la paix, la défense des droits de l’homme et la promotion d’une véritable éducation pour la démocratie.

Les moyens utilisés pour atteindre ce but sont l’identification de nouveaux programmes d’enseignement des langues étrangères et maternelles axés sur la tolérance, la compréhension et la solidarité internationales ainsi que l’élaboration de méthodes d’enseignement intégrant structurellement des objectifs de coopération et de solidarité au niveau international tout en éliminant stéréotypes et préjugés dévalorisants. La formation des enseignants et la conception des manuels scolaires dans cette perspective constituent les éléments déterminants de cette stratégie.

Dans un premier temps, LINGUAPAX se propose de donner priorité ayx actions suivantes: 1. ELABORER, à titre expérimental de nouveaux contenus de cours

de langues étrangères susceptibles d’apporter aux élèves une connaissance objective des éléments importants de la vie quotidienne, de la culture, de la littérature, du folklore, des moeurs et des habitudes des pays où se pratiquent les langues étudiées.

2. FACILITER l’intégration des langues minoritaires ou minorisées dans les plans d’aménagement linguistique à l’intérieur de schémas directeur,s adaptés aux diverses situations qui prévalent dans les Etats membres où une décision en ce sens a été prise.

3. SOUTENIR la diffusion de méthodes efficaces pour l’enseignement des langues étrangères et des langues maternelles dans l’esprit d’un renforcement de la coopération pacifique entre les communautés, les peuples et les nations.

4. ANCRER LINGUAPAX dans la culture de la paix, dans l’effort de l’UNESCO pour développer l’esprit de tolérance, défendre la cause des droits de l’homme, et l’éducation pour la démocratie.

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ÉLABORER une carte linguistique du monde qui ait une fonction descriptive et explicative, qui soit régulièrement mise à jour et qui ait des objectifs opérationnels de sauvegarde et de protection des langues vivantes.

PROMOUVOIR une culture multilingue: à cet effet, aider les États à renouveler leurs critères de planification linguistique et fournir aux éducateurs et aux enseignants des instruments pédagogiques appropriés.

PARTICIPER à l’élaboration de dispositifs, juridiques en matière de droits linguistiques sur demande des Etats membres.

INTERVENIR prioritairement dans les contextes pré- ou/et post- conflictuels.

PRENDRE EN COMPTE la défense des langues minoritaires ou minorisées en relation avec la promotion des langues étrangères.

AIDER les enseignants à exploiter les acquis de la psycholinguistique pour éviter qu’un enseignement de mauvaise qualité ne débouche sur des phénomènes de rejet envers la langue étrangère elle-même, puis envers la culture qu’elle représente, ce qui serait contraire à l’esprit de LINGUAPAX.

PRENDRE EN COMPTE les données de la didactique des langues qui postulent deux méthodologies spécifiques selon qu’il s’agit de l’apprentissage d’une langue étrangère ou du perfectionnement d’une langue maternelle.

ÉTENDRE la philosophie de LINGUAPAX à l’ensemble de l’enseignement des sciences sociales dans le cadre éducatif.

RECHERCHER systématiquement les convergences et la coordination aux niveaux didactique et pédagogique dans l’enseignement d’une langue maternelle et d’une langue étrangère sans violer les faits linguistiques d’une langue à une autre.

C’est précisément à ce treizième et dernier objectif spécifique que se consacre le présent guide pratique LINGUAPAX.

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i-A PÉDAGOGIE CONVERGENTE DANS L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES MATERNELLE~ AF~~ICAINES ET DES LANGUES ÉTRANGÈRES. POURQUOI? COMMENT?

Remarque préliminaire

Les langues nationales utilisées comme langues d’enseignement ne correspondent pas systématiquement à la langue maternelle de l’enfant. Pour des raisons de commodité, nous emploierons cependant indifféremment l’une ou l’autre de ces expressions, exception faite des chapitres où la distinction sera explicitement annoncée. Quant aux expressions “langue seconde” et “langue étrangère” qui ont chacune leurs partisans et leurs détracteurs, le problème de leur emploi est rendu plus complexe par suite de la confusion qui s’établit souvent entre le niveau socio-culturel et le niveau psychopédagogique.

S’il est vrai que le français par exemple, n’est pas vraiment une langue étrangère dans des pays qui ont librement choisi d’entrer dans la communauté francophone et que son statut socio-culturel n’est pas le même au Gabon qu’en Ouganda, il n’en est pas moins vrai que sur le plan psychopédagogique, le contact que les enfants africains - dans leur très grande majorité - entretiennent avec le français (comme avec l’anglais ou le portugais)- tout au moins au début de leur scolarité - implique une méthodologie d’apprentissage qui est celle d’une langue étrangère. Le dictionnaire de didactique des langues est d’ailleurs tout à fait formel sur ce point, lorsqu’il précise que l’appellation de langue seconde est une “expression pédagogiquement non justifiée” et qu’il est admis maintenant “que l’apprentissage en milieu scolaire de toute autre langue que Ll (langue première) relève de la pédagogie d’une langue non maternelle ou étrangère, quel que soit le statut officiel de cette langue dans la communauté où vit l’élève”‘. C’est dans ce contexte d’application pédagogique qu’il faut comprendre les appellations utilisées dans cette brochure.

Y

* *

’ Dictionnaire de didactique des langues dirigé par FI. GALISSON et D. COSTE, Articles: «langue secondes) p. 478 et ((langue étrangère>> p. 198, Hachette, Paris, 1976.

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La recherche d’une coordination méthodologique dans l’enseignement des langues maternelles et des langues étrangères se justifie pour de multiples raisons.

Le psycho-pédagoque aura sans doute tendance à considérer que les raisons d’ordre pédagogique, didactique et psychologique se suffisent largement à elles-mêmes, mais les arguments d’ordre économique, culturel et politique n’en sont pas moins pertinents pour le responsable de l’aménagement linguistique et méritent, à ce titre, d’être également pris en considération.

1. La raison pédagogique

La psycho-pédagogie nous enseigne que l’enfant appréhende les apprentissages dans leur globalité. C’est d’ailleurs cette constatation qui justifie en grande partie la recherche de I’interdisciplinarité dans les programmes scolaires. Créer une cloison étanche entre les apprentissages linguistiques revient par conséquent à nier l’exigence psycho-pédagogique car c’est bien le même enfant qui est au contact des deux langues. C’est bien le même maître qui les enseigne dans la même classe, à l’intérieur de la même école, en fonction des mêmes objectifs éducatifs. Tout l’environnement pédagogique milite donc en faveur d’une harmonisation et d’une recherche des convergences pédagogiques dans l’approche de la langue maternelle et d’une langue étrangère.

2. La raison didactique

L’apprentissage d’une langue étrangère subit inévitablement l’influence des habitudes liées à la langue maternelle, que celle-ci soit ou ne soit pas enseignée à l’école. On a beaucoup insisté sur les phénomènes d’interférence qui se produisent d’une langue à l’autre mais il ne faut pas oublier que les habitudes liées à la langue maternelle peuvent se révéler bénéfiques lorsque - par le jeu des parallélismes - elles rendent plus facile l’acquisition de la langue seconde. Le maître peut alors s’appuyer sur les similitudes entre les deux systèmes et exploiter ainsi les phénomènes de transfert d’une langue à l’autre, même s’il lui faut veiller par ailleurs à réduire les interférences. II est donc tout à fait possible - en lecture par exemple - de partir des lettres et des assemblages de lettres déjà connus par l’enfant pour faciliter et accélérer la maîtrise du déchiffrage dans une autre langue d’enseignement, à condition, bien sûr, que celle-ci utilise le même code graphique.

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3. La raison psychologique

Le caractère équilibré d’un bilinguisme scolaire tient au fait que chaque terme linguistique bénéficie d’une considération égale à l’intérieur du système éducatif. Or, que se passe-t-il dans la pratique ? L’expérience montre bien que la langue maternelle reste souvent le <<parent pauvre,, du binôme. Non seulement les maîtres et les élèves ne lui accordent pas toujours l’importance qu’elle mérite mais elle est généralement confortée dans un statut inférieur par le système lui-même puisqu’elle est rarement obligatoire aux épreuves des examens et concours d’état. La langue maternelle prend ainsi peu à peu aux yeux de l’enfant et de ses parents une valeur sociale inférieure à celle dont bénéficie la langue étrangère de grande diffusion internationale. Le conflit linguistique dégénère facilement en conflit psychologique parce que l’usage plus ou moins officiel d’une langue suppose une référence permanente à une gamme de valeurs extra-linguistiques d’ordre intellectuel, moral et affectif. Insensiblement, l’enfant s’habitue à marquer d’un coefficient péjoratif tout ce qui touche au patrimoine linguistique originel. La mise en place d’une méthodologie convergente et complémentaire est susceptible de remédier au profond désarroi de l’enfant en substituant des rapports d’interdépendance et d’égalité aux rapports de fausse hiérarchie voire de confrontation. La recherche d’une coordination véritable dans les apprentissages linguistiques contribue donc à créer la dynamique d’un bilinguisme scolaire attractif et non conflictuel qui limite, voire élimine, toute forme d’aliénation.

4. La raison économique

Dans les classes surchargées, triste apanage des pays du Tiers Monde (et d’un nombre toujours croissant de pays industrialisés...), le maître éprouve bien des difficultés à traiter l’intégralité du programme d’activités arrêté en début d’année scolaire. L’introduction du bilinguisme à l’école entraîne une nouvelle surcharge des horaires déjà à la limite de la saturation. La recherche de convergences pédagogiques et la coordination des apprentissages linguistiques font gagner un temps précieux en permettant au maître d’éviter les redites et de limiter les répétitions qui deviennent inéluctables dès lors que chaque enseignement est considéré isolément. Certains apprentissages déjà acquis dans la langue première peuvent ainsi être transférés tels quels dans l’approche de la langue seconde. La capacité de déchiffrer, par exemple, se réfère à un savoir-faire qui est acquis une fois pour toutes. L’enfant qui aura fait cet apprentissage par le biais de sa langue

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maternelle n’aura aucune difficulté à transférer sa technique dans une autre langue et quand les mécanismes sont en place, le réinvestissement est automatique (à condition, bien entendu, que les deux langues conservent des dispositions graphiques et linéaires similaires.) En décloisonnant les progressions d’apprentissage et en les restructurant dans une perspective d’intradisciplinarité, on favorise l’émergence de programmes cohérents, progressifs, bien échelonnés, d’où se trouvent exclues toutes les redondances et on procède en définitive à une économie de temps et d’efforts qui peuvent être réinvestis dans d’autres activités substantielles.

5. La raison politique et culturelle

Ce n’est pas faire preuve d’un prosélytisme déplacé que d’attirer l’attention sur la remarquable convergence de vues de presque tous les Gouvernements qui se sont prononcés sans ambiguïté, et en de nombreuses occasions, pour le dialogue des cultures et pour l’enrichissement mutuel entre la francophonie, I’anglophonie, le lusophonie etc... et ce que d’aucuns appellent déjà I’africophonie ou la créolophonie. Le discours politique se déclare résolument en faveur de toutes les initiatives qui tendent à privilégier les rapports de complémentarité et d’assistance mutuelle au détriment des rapports d’indifférence, de concurrence ou d’opposition. La recherche de convergences pédagogiques et d’une coordination didactique entre les langues nationales et les autres langues d’enseignement, s’inscrit donc dans le droit fil de ces recommandations puisqu’elle vise à concrétiser, dans le domaine précis de l’enseignement des langues, les intentions politiques maintes fois exprimées par des voix autorisées et à créer ce bilinguisme ou ce plurilinguisme de synergie au service de l’apprenant.

L’ARTICULATION DE~ PROGRESSIONS DIDACTIQUES DANS L’ENSEIGNEMENT D’UNE LANGUE ÉTRANGÈRE À PARTIR DES PROGRESSIONS UTILISÉES POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE PREMIÈRE

La coordination des apprentissages linguistiques dans le passage de la langue nationale à la langue étrangère s’oppose au cloisonnement disciplinaire stérile et peu conforme aux réalités psycho- pédagogiques. Avant et même après le temps des indépendances politiques, l’un des reproches les plus pertinents que l’on pouvait faire aux méthodologies d’enseignement d’une langue étrangère en Afrique

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et dans les pays créolophones était qu’aucune des méthodes qui en étaient issues ne prenait en considération l’apprenant lui-même et en particulier son expérience linguistique. La langue étrangère était enseignée en référence à ses propres schémas didactiques et les progressions d’apprentissage ne différaient guère de celles qui étaient utilisées dans les manuels conçus pour les écoles européennes. La situation a-t-elle réellement changé aujourd’hui?

II ne s’agit pas, bien entendu, de violer les faits linguistiques d’une langue à l’autre mais bien de pratiquer une didactique de la complémentarité qui, en appuyant sur le postulat psycho-pédagogique selon lequel l’enfant appréhende les apprentissages dans leur globalité, fait partir l’apprenant de ce qu’il connaît déjà, de son vécu, bref, de son substrat linguistique originel, pour aller vers de nouvelles conquêtes linguistiques. Cette approche n’est d’ailleurs que la simple application d’une règle aussi vieille que la pédagogie elle-même et qui consiste à partir du connu pour aller vers l’inconnu. Le bénéfice d’une démarche méthodologique convergente, évitant de disperser les efforts, irait naturellement à la langue nationale et à la langue étrangère dont l’acquisition serait à la fois plus rapide et plus aisée, il irait aussi au maître qui enseignerait plus et mieux en moins de temps, il irait surtout à l’enfant qui s’enrichirait doublement en passant sans heurt d’une langue à l’autre.

On peut comprendre que les promoteurs d’une réforme visant à installer un système scolaire bilingue s’attachent d’emblée au terme linguistique le plus démuni sur le plan didactique formel et cherchent d’abord à identifier une méthodologie crédible pour l’enseignement de la langue la moins armée. Cette préoccupation ne doit cependant pas masquer le fait que le bilinguisme est un tout indissociable et que travailler sur un terme sans référence à l’autre reviendrait à perpétuer les erreurs néfastes du passé.

Si la nécessité d’une coordination didactique dans les progressions d’apprentissage ne fait aucun doute et n’est d’ailleurs sérieusement contestée par personne pour autant que les spécificités d’une langue à l’autre sont pleinement respectées, la mise en application des recommandations issues d’une telle exigence est beaucoup plus délicate. Ce domaine est encore peu défriché à ce jour et le thème de la convergence méthodologique constitue un des sujets les plus féconds auquel la recherche interdisciplinaire en matière d’éducation puisse encore donner substance et consistance. L’approche contrastive, très à la mode jusqu’à ces dernières années, n’a pas répondu en définitive aux espoirs, peut-être excessifs, que les praticiens avaient placés en

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elle et le champ d’investigation comme celui de l’expérimentation reste largement ouvert. C’est dire que les voies qui seront explorées et tracées ci-après sont bien modestes. Elles proposent cependant de façon très concrète, quelques itinéraires méthodologiques nouveaux pour faciliter le passage de la langue nationale à la langue étrangère et elles aideront les praticiens ainsi que les concepteurs de manuels à redéfinir les progressions pédagogiques utilisées pour l’apprentissage de la langue étrangère dans les domaines de l’orthographe et de la lecture. Ces nouvelles progressions ont fait l’objet d’expérimentations préalables, menées notamment par l’Institut pédagogique national de BANGUI (RCA) et par la Direction de la Formation Permanente de LOME (Togo).

La fiche technique présentée ci-après, donne substance à l’analyse qui précède. Elle offre un exemple concret de convergence pédagogique et de coordination entre l’enseignement d’une langue maternelle africaine, I’Ewé, et d’une langue non maternelle, le français.

FICHE TECHNIQUE N “1

L’apprentissage de l’orthographe en français et son articulation sur les acquis orthographiques de l’enfant en langue nationale maternelle

Les langues africaines et créoles ont, dans leur ensemble, développé des systèmes orthographiques rigoureux fondés sur l’analyse scientifique des systèmes phonologiques originels. Contrairement aux langues européennes comme l’anglais ou le français, elles ne traînent pas derrière elles de <(boulet orthographique,, hérité du passé. Elles ne sont pas prisonnières d’habitudes et de préjugés difficiles à remettre en cause. Leur orthographe, à la fois économique et efficace, élaborée à partir de principes phonétiques sûrs, épargne à l’enfant des efforts fastidieux et négatifs car sans valeur sur le plan pédagogique. (Les élèves doivent nécessairement apprendre (<par coeur)) l’orthographe d’usage en français; on ne peut en effet à leur niveau d’instruction remonter au latin pour expliquer l’origine et le bien-fondé de graphies comme <(vingt)+ <<doigt>), etc.) Cette orthographe économique et univoque est incontestablement un atout majeur pour l’apprentissage rapide de l’écrit dans la langue elle-même mais elle peut, aussi, grâce à son caractère monovalent et non ambigu, servir de base de départ pour l’enseignement de l’orthographe du français.

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En effet, un certain nombre de recherches menées en France et appliquées aux apprentissages orthographiques recommandent l’utilisation de /‘alphabet phonétique dans /es écoles. C’est à partir de l’alphabet phonétique international dans lequel chaque son différent équivaut à un signe graphique différent que l’enfant est initié à la multiplicité des graphies en français. C’est ainsi que lorsqu’il a identifié le son [E] par exemple, il peut inventorier dans un texte les graphies suivantes qui sont toutes la transcription d’un même et unique phonème.

ON ENTEND ON VOIT

M aient (étaient) ait (était) ais (étais) ai (la plaine) e (la terre) ê (la tête) è (le modèle) êt (l’arrêt) ei (la reine) aie(la haie)

Cette méthodologie est devenue opérationnelle dans bon nombre de classes et plusieurs ouvrages scolaires l’ont adoptée. (On la retrouve, par exemple, dans (<L’orthographe quotidienne au CE)) de Gabriel Bois et Emmanuel Henri, Fernand Nathan, Paris, 1983.) Elle présente le gros avantage de proposer une démarche qui va du simple au complexe, du stable au variable, du facile au difficile et - lorsque l’élève maîtrise l’écriture phonétique - du connu à l’inconnu. L’enfant part donc de ce qui est immuable et défini une fois pour toutes et il entre ainsi plus facilement dans ce qui fluctue au nom de l’usage ou de la grammaire. Dans le paysage mouvant de l’orthographe française, il dispose enfin d’un point d’appui sur lequel il peut s’appuyer en toute sécurité.

L’inconvénient de cette approche réside dans le fait que l’élève doit d’abord apprendre l’écriture phonétique qui constitue pour lui un système tout à fait artificiel et abstrait puisque cette façon d’écrire ne se retrouve pas dans les textes qu’il est appelé à lire. Or, ce qui est artificiel pour le petit français ne le sera pas pour l’élève africain ou créolophone dans la mesure où ce n’est pas à partir de /‘alphabet phonétique international que leur seraient présentées les graphies françaises mais à partir de l’alphabet de la langue nationale puisque

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cet alphabet, généralement fondé sur une analyse scientifique du système phonologique original, est - pour l’essentiel - aussi rigoureux et monovalent que l’alphabet phonétique international.

Dans les langues nationales aussi, il y a une relation généralement biunivoque entre les graphèmes (unités d’écriture) et les phonèmes (unités de son). L’initiation à l’orthographe française pourrait ainsi s’appuyer, dans un premier temps, sur la connaissance de l’orthographe de la langue nationale chaque fois que celle-ci fait correspondre un seul phonème à un graphème et un seul graphème à un phonème. L’enfant a donc à ce niveau, la possibilité de transférer ses acquis en langue nationale dans l’apprentissage de l’orthographe française. Encore une fois, cette approche est plus avantageuse que celle où l’on fait appel à la connaissance de l’alphabet phonétique international car l’on part ici d’un cas concret; on s’appuie sur les acquis de l’enfant et non sur un stimulus extérieur et artificiel. Certes, toute l’orthographe française ne peut s’appréhender de cette façon, mais le passage délicat entre les deux systèmes orthographiques serait grandement facilité et on éviterait à l’enfant la coupure brutale souvent traumatisante et presque toujours interférentielle entre les deux apprentissages si l’on procédait de cette manière.

Nous proposons, ci-après, - à titre purement indicatif - une progression expérimentale destinée à faciliter le passage à l’orthographe du français en prenant appui sur les savoir-faire orthographiques de l’enfant dans la langue nationale d’enseignement qu’il a déjà pratiquée à l’école. Cette progression conçue pour un milieu linguistique donné prend pour point de départ la connaissance de l’orthographe Ewe, langue enseignée parallèlement au kabiye dans les écoles togolaises. Encore une fois, il s’agit ici d’une hypothèse méthodologique initiale qui n’a pas donné lieu à évaluation systématique et qu’il serait, par conséquent, prématuré d’appliquer en dehors de toute expérimentation et transposition.

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1. Graphies et sons identiques en Ewe et en Français

EWE

: d f P l k I m n 0 P r V

FRANÇAIS a b d f P

k I m n 0 P r V

2. Graphies Ewe différentes des graphies françaises pour des sons identiques en Ewe et en Français

API EWE FRANÇAIS

e E a Ë

é ai, ait, et, è, etc. an, en, etc. ain, aim, etc.

3. Graphies Ewe identiques aux graphies françaises pour des sons différents en Ewe et en Français

API EWE FRANÇAIS

0 U t 9

0 fermé mais aussi ouvert [o ] PJ1 mais aussi s,se, [s] mais aussi j [3]

4. Graphies propres au français

ch, j, c, etc.

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La première étape de cette progression s’appuie sur un tronc commun grâce auquel le passage de la langue nationale au français se fait sans heurt puisque l’on puise dans les systèmes orthographiques des langues en présence ce qui est identique et qu’on exploite ces identités. C’est à partir de la deuxième étape que les spécificités apparaissent et qu’il faut dissocier les deux systèmes mais à ce moment-là les conditions d’apprentissage seront bien meilleures car l’enfant aura déjà pris confiance en lui-même grâce à ses premiers acquis orthographiques en français. Partant de ce qui est connu, il lui sera désormais plus facile de s’approprier de nouvelles acquisitions, aidé en cela par une progression qui échelonne des difficultés dans le temps.

Redisons-le, il s’agit d’une piste de recherche méthodologique qui vise à faciliter le passage à l’étude du système orthographique d’une langue étrangère en l’occurrence le français en tenant compte de ce que l’enfant sait déjà et en s’appuyant sur une progression initiale qui privilégie le transfert chaque fois que c’est possible et qui de ce fait, renforce la motivation puisque le nombre de réussites au départ est élevé (ce qui est loin d’être le cas lorsque les deux apprentissages ne sont pas coordonnés). La référence au système graphique maternel normalisé correspond à la démarche qui est parfois utilisée en Europe et qui s’appuie elle aussi sur le recours à une écriture phonétique univoque.

II conviendrait donc maintenant de concevoir des batteries d’exercices construits sur les modèles proposés, de les tester à l’intérieur de la progression définie et d’en tirer, après évaluation, les renseignements nécessaires pour élaborer à l’usage des classes primaires, une méthodologie de l’apprentissage de l’orthographe française fondée, du moins dans sa phase initiale, sur les acquis de l’apprenant dans la langue nationale d’enseignement.

Voici quelques remarques d’ordre général, dont l’observance permettrait d’expérimenter cette méthodologie dans les meilleures conditions.

4 Espacer les apprentissages dans le temps.

II est déraisonnable d’aborder les deux orthographes en même temps. II faut prévoir un décalage entre l’apprentissage de l’orthographe de la langue maternelle et l’apprentissage de l’orthographe dans la langue étrangère. L’expérience prouve d’ailleurs que dans le cas d’une orthographe fondée sur des critères phonologiques comme c’est généralement le cas pour les langues africaines et créoles, l’assimilation de l’orthographe de la langue première est rapide et durable.

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b) Recourir en cas d’erreur à des mises en opposition.

Le maître rend plus perceptibles les différences entre les deux systèmes en ayant recours à des oppositions systématiques. Ainsi, pour des erreurs dues à des sons différents ayant la même graphie dans les deux systèmes, il proposera par exemple:

langue/jula muso [muso] (femme)

français mur [myr]

c’est-à-dire: u > < y, etc.

cl Individualiser les tâches.

Chaque enfant ayant des besoins orthographiques personnels, l’enseignement de l’orthographe exige la pratique du travail individuel (constitution de petits fichiers personnels ou de groupe).

d) Réviser les acquisitions selon un rythme constant.

La révision des mots orthographiés doit être systématique, rigoureuse et méthodique.

e) Pratiquer une pédagogie de la réussite.

Les séances d’orthographe doivent se dérouler dans un climat de confiance que la méthodologie du transfert détaillée plus haut permet d’ailleurs d’instaurer rapidement. Ni le maître ni les camarades ne doivent blâmer un élève en cas d’erreur.

FICHE TECHNIQUE N “2

L’apprentissage de la lecture en langue étrangère et son articulation sur les acquis de l’enfant en langue nationale (supposée langue maternelle).

Tout ce qui touche à l’apprenant, qu’il soit enfant ou adulte, ne relève pas de la science et de l’ordinateur (puisse cet état de fait durer longtemps encore...) et il n’existe pas de <(maître - mot,, définitif en matière de pédagogie. Si toutefois un tel mot devait exister dans le

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lexique de la didactique des langues, nous citerions sans hésiter /‘échelonnement des apprentissages, Toutes les expériences en ce domaine le prouvent: c’est la gradation des efforts et /‘étalement dans le temps qui garantissent à l’enfant le caractère durable des acquisitions. L’exemple central de la lecture et de son acquisition sereine servira de support à notre réflexion. Dans un contexte scolaire bilingue, l’approche de la lecture dans la langue non maternelle peut se faire à partir du moment ou deux prérequis essentiels sont réunis.

La première condition est que l’enfant sache déjà lire dans sa propre langue ou, qu’à tout le moins, la technique du déchiffrage dans cette langue lui soit familière. L’apprentissage de la lecture représente en effet pour l’enfant comme pour l’adulte un effort considérable que l’on sous-estime toujours... quand on sait déjà lire ! II convient donc de ne pas présenter aux élèves tous les obstacles en même temps et par conséquent d’espacer les apprentissages dans le temps. Le passage trop rapide à la lecture dans une langue non maternelle est générateur d’interférences multiples et de confusions car l’enfant se trouve placé en présence de deux systèmes autonomes qui, s’ils sont identiques sur de nombreux points, diffèrent profondément l’un de l’autre sur d’autres points. C’est ainsi que le petit africain ne peut qu’être désorienté s’il doit accorder aux mêmes lettres des valeurs différentes, ou des valeurs égales à des lettres différentes, selon que la leçon du jour est consacrée à la lecture en français ou en langue nationale. Les exemples de telles difficultés ne sont pas rares. Celles-ci prennent d’autant plus d’ampleur qu’elles se situent à un moment où l’enfant est particulièrement vulnérable puisqu’il est confronté en même temps au code de l’écrit et à l’apprentissage d’une langue nouvelle. Si l’on ajoute à tout cela qu’il doit simultanément se perfectionner dans une langue nationale qui n’est malheureusement pas toujours sa langue maternelle ni même usuelle, on comprend que les difficultés soient presque insurmontables lorsqu’on veut les mener de front.

II est donc sage de décaler les deux apprentissages. De quelle durée doit être ce décalage ? II est certes difficile d’être précis sur ce point car il faut prendre en considération la composition et l’organisation horaire des programmes qui diffèrent d’un pays à l’autre. L’expérience semble indiquer cependant qu’un intervalle de six mois, voire d’un an, entre l’apprentissage de la lecture en langue maternelle et ce même apprentissage appliqué à une langue étrangère n’est nullement excessif à condition toutefois que ce second apprentissage ait été préparé par une initiation sérieuse au langage dans cette langue.

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En effet, la deuxième condition du passage à l’écrit dans la langue étrangère est que l’enfant soit déjà familiarisé avec la pratique orale de cette langue. L’enseignement du langage doit avoir une grande avance sur le début de l’apprentissage de la lecture parce que l’enfant ne peut réellement lire (c’est-à-dire en définitive comprendre) que les phrases qu’il peut <<produire>) oralement. Dans les contextes de bilinguisme scolaire caractérisés par l’utilisation d’une langue maternelle et d’une langue étrangère, l’approche de la langue étrangère, qu’elle soit européenne ou africaine, sera donc d’abord orale. Cette approche doit fournir à l’enfant les outils nécessaires à la communication et doit s’opérer à travers une pédagogie active qui exige une participation constante des élèves. En effet, dans la majorité des cas, l’enfant ne ressent que modérément le besoin de posséder une langue nouvelle puisqu’il dispose déjà de sa langue maternelle, outil de choix pour communiquer et s’exprimer. II faut donc le mobiliser pour cet apprentissage par une motivation efficace. Lorsque l’enfant est familiarisé avec un vocabulaire fondamental et des structures de base dans la langue étrangère, lorsqu’il est capable de les utiliser et de s’exprimer, de façon même rudimentaire, il devient possible de passer à la lecture dans cette langue en veillant toutefois à ce que les mots-clés de la lecture recouvrent et reprennent le vocabulaire fondamental déjà acquis. Cette découverte des rapports qui existent entre un groupe graphique et la réalité qu’il traduit est d’ailleurs une puissante motivation à la lecture proprement dite.

La nécessité de faire précéder l’apprentissage de la lecture en langue non maternelle par un apprentissage oral préalable, est diversement comprise dans la réalité. Certains prévoient un temps très court, d’autres commencent l’apprentissage oral de la langue non maternelle dès la première année de scolarité et retardent de deux ans l’approche de la lecture dans cette langue. (C’était, par exemple, le cas au Burkina-Faso).

Cependant, la situation linguistique diversifiée et parfois complexe du terrain ne permet pas d’énoncer une règle générale applicable à tous les cas. Trois options conformes à la dynamique des processus d’apprentissage nous paraissent devoir être proposées. Nous les présentons ci-après :

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PREMIÈRE OPTION

ler année

ler année

ler année

DURÉE LANGUE LANGUE MATERNELLE ÉTRANGÈRE

ler déchiffrage (début) langage trimestre

2e suite et fin du déchiffrage trimestre déchiffrage (début)

3e révision et début de su i t e du trimestre la déchiffrage

lecture courante

2e année ler trimestre

2e année 2e trimestre

lecture courante suite et fin du entraînement déchiffrage

lecture courante révision et début entraînement de la lecture

courante

2e année 3e trimestre

lecture courante lecture courante entraînement entraînement

Cette première option peut être choisie dans les pays où l’introduction d’une langue nationale dans les programmes scolaires ne fait pas l’unanimité des enseignants et de la population. En effet, le report de l’apprentissage de la lecture en langue étrangère ne dépasse pas trois mois, ce qui peut rassurer bien des parents d’élèves qui savent par expérience que les réformes en matière d’éducation sont souvent éphémères et qui, dans cette perspective, s’inquiéteraient d’un décalage plus important, générateur de retards préjudiciables à leurs enfants. L’inquiétude, la méfiance, voire l’hostilité des parents d’élèves envers l’installation d’un système scolaire bilingue ne doivent pas être prises à la légère car l’expérience a largement prouvé que si un soutien politique puissant est nécessaire au bon déroulement d’une réforme linguistique, ce soutien est loin d’être suffisant pour garantir la survie de l’opération et un consensus national de façade ne résiste pas longtemps aux aléas politiques qui marquent la vie des nations. En matière d’aménagement linguistique, les critères pédagogique et didactique ne sont pas les seuls qui soient pertinents, les considérations d’ordre socio-politique pèsent lourdement dans la balance et doivent être prises en compte si l’on veut

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éviter d’engager des cohortes entières d’élèves dans des voies sans issues. C’est pourquoi cette première option, malgré le faible décalage qu’elle propose pour l’approche de la lecture en langue non maternelle, peut être tout à fait justifiée dans des contextes expérimentaux d’autant plus que l’évaluation à laquelle elle a donné lieu en Centre-Afrique lui confère une incontestable validité.

DEUXIÈME OPTION

ler année

ler année

ler année

DURÉE

ler trimestre

2e trimestre

3e trimestre

LANGUE LANGUES MATERNELLE ÉTRANGÈRES

déchiffrage langage (début)

suite et fin du langage déchiffrage

révision et début déchiffrage de la lecture (début) courante

2e année

2e année

2e année

ler trimestre

2e trimestre

3e trimestre

lecture courante entraînement

lecture courante entraînement

lecture courante entraînement

suite du déchiffrage

suite et fin du déchiffrage

révision et début de la lecture courante

Dans cette option, les deux premiers trimestres de l’année d’initiation ou du cours préparatoire sont consacrés à l’apprentissage oral de la langue étrangère. Durant cette même période, les mécanismes du décodage graphique dans la langue maternelle sont pratiquement acquis. L’enfant sait en principe discriminer et déchiffrer correctement; il est capable de repérer et d’identifier à partir d’une phrase globale des éléments graphiques déterminés. Certes, il ne sait pas encore lire car le déchiffrage n’est pas la lecture, mais il a dépassé maintenant cette contrainte technique nécessaire qui est aussi le point

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de passage obligé pour aller à la conquête de la lecture intelligente courante dans sa langue nationale.

C’est à ce moment-là que débute le déchiffrage en langue étrangère. Cette nouvelle activité s’inscrit dans une conjoncture particulièrement favorable car elle bénéficie à la fois de nombreux phénomènes de transfert et d’une motivation puissante de l’apprenant qui dispose désormais en langue étrangère d’un bagage langagier conséquent, exploitable pour accéder à l’écrit.

TROISIÈME OPTION

ler année

ler année

ler année

DURÉE LANGUE LANGUE MATERNELLE ÉTRANGÈRE

1 er trimestre déchiffrage (début) langage

2e trimestre suite et fin du langage déchiffrage

3e trimestre révision et début de la langage lecture courante

2e 1 er trimestre lecture courante déchiffrage année entraînement (début)

2e 2e trimestre lecture courante suite du année entraînement déchiffrage

2e 3e trimestre lecture courante suite et fin du année entraînement déchiffrage

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3e année

1 er trimestre

3e année

2e trimestre

3e année

3e trimestre

lecture courante entraînement

révision et début de la lecture courante

lecture courante entraînement

lecture courante entraînement

lecture courante entraînement

lecture courante entraînement

Cette troisième option n’est pas la dernière. (Nous avons recensé sur le terrain une option dans laquelle le passage à la lecture en langue étrangère ne s’effectue qu’au bout de deux ans et même une option radicalement inverse dans laquelle l’apprentissage de la lecture se fait d’abord en langue étrangère, le passage à la lecture en langue maternelle s’effectuant après un décalage d’un an).

Dans ce dernier tableau, la progression s’étale sur trois ans. C’est donc au cours de la troisième année de scolarité que l’enfant, déjà bien entraîné à la lecture courante dans la langue maternelle, accède à la lecture intelligente en langue étrangère. Sans doute certains parents d’élèves qui insistent pour que leurs enfants apprennent à lire la langue étrangère dès l’école maternelle, peuvent-ils être effrayés par l’importance du décalage. Mais l’expérience montre que le [(retarda, est rapidement comblé. Les résultats d’évaluation (encore parcellaires, il est vrai) dont nous disposons pour le décalage expérimental de deux ans, cité plus haut, indiquent à l’issue d’une année de déchiffrage en langue étrangère (donc après 3 ans de scolarité pour ce cas précis) un pourcentage de réussites de 90,8% aux tests de déchiffrage en français dans un contexte de difficulté moyenne et un pourcentage de 89,2% dans un contexte très ardu où les difficultés avaient été volontairement accumulées. (Évaluation portant sur 316 élèves dans 5 classes expérimentales bilingues.) Certes, ces élèves n’en étaient pas encore au stade de la lecture courante en langue étrangère mais ils avaient déjà franchi l’obstacle du déchiffrage et de la discrimination. En fait, l’aptitude à lire dans une langue non maternelle suppose un certain degré de maturation psychologique et psychique. Selon de nombreux psychologues et didacticiens, c’est l’âge, plus que la méthode, qui déterminerait la rapidité et la sûreté des résultats. L’apprentissage de

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la lecture en français doit donc venir à son heure. Cette heure est arrivée lorsqu’à une forte motivation qui ne fait que croître avec le temps et l’augmentation du bagage langagier oral, s’ajoute la possibilité rassurante sur le plan psychologique et féconde sur le plan didactique, de réinvestir dans cet apprentissage, par le biais de transferts rationnels, les savoir-faire déjà acquis au cours de l’apprentissage de la lecture dans la langue maternelle ou usuelle.

CONCLUSION

La lecture du présent dossier aura sans doute fait entrevoir que la recherche d’une coordination pédagogique et d’une articulation didactique dans l’enseignement de la langue maternelle et d’une langue étrangère à l’intérieur d’un système scolaire bilingue, aboutit à une remise en question des méthodes d’apprentissage telles qu’elles étaient (et sont encore) pratiquées dans les contextes de monolinguismes institutionnels qui ne cessent de se raréfier. Le danger est évidemment que les problèmes techniques particuliers qui accompagnent l’introduction d’une langue nationale dans les programmes scolaires ne mobilisent entièrement les énergies et l’effort de recherche et ne servent finalement de prétexte pour reporter indéfiniment la nécessaire réactualisation de l’enseignement d’une langue étrangère dans le nouveau contexte bilingue. Or, nous l’avons déjà dit, le bilinguisme scolaire doit être considéré comme un corps unique, comme un tout indissociable. II n’est pas la somme de deux monolinguismes juxtaposés. Tout handicap dans l’enseignement de l’un des deux termes linguistiques sera, à plus ou moins brève échéance, également préjudiciable à l’autre terme du binôme et c’est, bien entendu, l’enfant qui en fera d’abord les frais.

En définitive, dans les systèmes scolaires bilingues fonctionnels que la très grande majorité des Etats créolophones et africains souhaitent instaurer, il n’y a pas un temps réservé pour la recherche appliquée à la didactique de la langue nationale et un autre temps pour la recherche appliquée à l’apprentissage de la langue étrangère. En ce domaine comme en bien d’autres, le <(développement séparé,, aboutirait à une impasse.

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ZIERER, E., L’enseignement d’une seconde langue dans un contexte plurilingue, UNESCO, Paris, 1977 (réf.:ED-77 CONF. 613/5).

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Agence de la Francophonie (ACCT)

L’Agence de la Francophonie (ACCT) créée à Niamey en 1970, sous l’appellation d’Agence de coopération culturelle et technique est l’unique organisation intergouvernementale de la Francophonie et le principal opérateur des Conférences bisannuelles des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, aussi appelées Sommets francophones.

L’Agence assure le secrétariat de toutes les instances de la Francophonie. Elle déploie son activité multilatérale dans les domaines de l’éducation et de la formation, de la culture et de la communication, de la coopération juridique et judiciaire, de diverses actions au titre de la direction générale du développement et de la solidarité.

Outre son siège, situé à Paris, l’Agence dispose d’une École internationale de la Francophonie à Bordeaux (France) où est située sa direction générale Education-Formation, d’un Institut de l’énergie des pays ayant en commun l’usage du français (IEPF) à Québec (Canada), d’un Bureau de liaison avec les organisations internationales à Genève (Suisse), d’un Bureau permanent d’observation aux Nations unies à New York aux Etats-Unis, d’un Bureau régional de l’Afrique de l’Ouest à Lomé (Togo), d’un Bureau régional de l’Afrique centrale à Libreville (Gabon), d’un Bureau régional pour l’Asie-Pacifique à Hanoi (Viêt-nam).

L’ACCT regroupe 46 pays ou gouvernements: Bénin, Bulgarie, Burkina-Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Canada, Canada- Nouveau-Bunswick, Canada-Québec, Centrafrique, Communauté française de Belgique, Comores, Congo, Côte-d’Ivoire, Djibouti, Dominique, Egypte, France, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Laos, Liban, Luxembourg, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Mauritanie, Moldavie, Monaco, Niger, Roumanie, Rwanda, Sainte-Lucie, Sénégal, Seychelles, Suisse, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Viêt-nam, Zaïre.

[Le Royaume de Belgique, le Cap-Vert et Saint-Thomas-et-Prince portent à 49 le nombre des pays et gouvernements participant aux Sommets.]


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