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UNIVERSITÉ LYON II Institut d'Etudes Politiques de Lyon LA COOPERATION DECENTRALISEE AU SEIN DU GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES : SE POSITIONNER, S’AFFIRMER ET CONVAINCRE Claire PILLET Mémoire professionnel Master II professionnel "Politiques Publiques et Gouvernements Comparés" 2007-2008 Mémoire sous la direction de Renaud PAYRE Directeur de stage : Olivier DESMULES Juillet 2008
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UNIVERSITÉ LYON II

Institut d'Etudes Politiques de Lyon

LA COOPERATION DECENTRALISEE

AU SEIN DU GOUVERNEMENT DES TERRITOIRES :

SE POSITIONNER, S’AFFIRMER ET CONVAINCRE

Claire PILLET

Mémoire professionnel

Master II professionnel "Politiques Publiques et Gouvernements Comparés"

2007-2008

Mémoire sous la direction de Renaud PAYRE

Directeur de stage : Olivier DESMULES

Juillet 2008

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Remerciements

Un grand merci à Renaud Payre, professeur inoubliable, pour m'avoir fait entrer

dans le monde des politiques publiques et m’avoir guidé tout au long de ce long travail

de réflexion.

Un grand merci à Olivier Desmules, pour m'avoir accordé sa confiance, pour

m'avoir appris tant de choses et permis de partager en son agréable compagnie, le

quotidien d'un chargé de mission.

Merci mille fois à Hugo, d’avoir partagé tous ces moments de doute et de plaisir

avec moi et d'être là, tout simplement.

Un immense merci à ma mère, correctrice acharnée à l’esprit clairvoyant,

attendant avec impatience la venue du chapitre suivant ; à mes parents, ma sœur et mon

frère pour tous leurs bons conseils et leur soutien indispensable.

Un grand merci à toutes les personnes qui ont eu la gentillesse de m'accorder un

peu de leur temps pour faire avancer mes recherches.

à Hugo

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .......................................................................................................... 9

PARTIE 1 - LA TERRITORIALISATION DE LA COOPERATION

DECENTRALISEE ...................................................................................................... 19

CHAPITRE 1 - LES SPECIFICITES DE LA COOPERATION DECENTRALISEE ......................... 19

I. La coopération décentralisée : vecteur ou produit de la territorialisation

de l'action publique ? ............................................................................................... 19

1. Des territoires d'action publique qui s'affirment face à l'Etat......................... 19

a) A l'origine de la territorialisation des politiques publiques :

la décentralisation et la crise de l'Etat Providence............................................. 19

b) Des territoires d'action publique encore largement "dans la dépendance"

du centre ............................................................................................................ 21

2. Construction d'une compétence originale ...................................................... 22

a) Situer la coopération décentralisée dans le champ des Nouvelles

Relations internationales ................................................................................... 23

b) Comprendre la coopération décentralisée au regard du jumelage .............. 26

II. Volonté d'imposer sa place à la coopération décentralisée .............................. 31

1. Le terme coopération décentralisée ou comment amoindrir

les effets de l'internationalisation des territoires ................................................... 32

2. Autonomie ou contrainte : quand l'Etat se réorganise .................................... 34

CHAPITRE 2 - LA PLACE DE LA COOPERATION DECENTRALISEE DANS LA CONDUITE

DU GOUVERNEMENT LOCAL .......................................................................................... 41

I. Construire un filtre pour analyser deux terrains d'enquête spécifiques :

entre spécificités et trame commune ........................................................................ 42

1. Filtre d'analyse général pour territoires distincts ........................................... 42

a) Pourquoi un filtre d'analyse ? ..................................................................... 42

b) Présentation générale des deux terrains d'enquête ...................................... 43

2. Mise en perspective analytique des deux terrains d'enquête .......................... 44

a) Entre justification d'un territoire… ............................................................. 44

b) … et construction territoriale ...................................................................... 47

c) La coopération décentralisée : une internationalisation stratégique ........... 48

II. Entre local et international : quand la coopération décentralisée fait naître

un territoire d'action publique ................................................................................. 54

1. Mise en place d'une coopération décentralisée qui traduit à l'international

des éléments de politiques publiques locales ........................................................ 54

a) Approche sociologisée de l'action internationale

des collectivités territoriales .............................................................................. 54

b) Captation locale ou quand la coopération décentralisée rime

avec politiques publiques locales : l'exemple du département de la Manche.... 55

2. Sensibilisation des populations locales à l’action internationale

des collectivités territoriales et médiatisation : tentatives et limites ..................... 62

a) La médiatisation de la coopération décentralisée : énigme ou échec ?....... 62

b) Des publics distincts à cibler ...................................................................... 63

c) La réalité de la sensibilisation sur le terrain ............................................... 64

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PARTIE 2 - LA MISE EN ADMINISTRATION DE L'ACTION

INTERNATIONALE D'UNE COLLECTIVITE TERRITORIALE ...................... 71

CHAPITRE 1 - ANALYSE DE LA MISSION ACTION INTERNATIONALE ET HUMANITAIRE

DU DEPARTEMENT DU RHONE OU COMMENT SE DECLINE CONCRETEMENT L'ACTION

INTERNATIONALE D'UNE COLLECTIVITE TERRITORIALE ................................................ 73

I. Point méthodologique : Présentation du terrain d'enquête ............................... 73

II. Les réalités d'une action internationale variée et dynamique ........................... 76

1. Actions de coopération décentralisée du département du Rhône ................... 76

a) La province de Liège en Belgique .............................................................. 78

b) La province de Somogy en Hongrie ........................................................... 79

c) Les Judet d'Alba et de Timis en Roumanie ................................................. 79

2. Actions de solidarité internationale menées par les acteurs locaux

et soutenues par le Département ........................................................................... 81

3. Contribution de la Mission Action Internationale et Humanitaire

aux réseaux nationaux ........................................................................................... 85

CHAPITRE 2 - ELEMENTS DETERMINANTS D'UNE MISE EN ADMINISTRATION REUSSIE ... 91

I. Une visibilité de l'action internationale conditionnée par la volonté

politique des élus départementaux ........................................................................... 93

1. Présentation de l'organisation politique du Département : le rôle du chargé

de mission face aux élus ....................................................................................... 93

2. Entre scepticisme et désintérêt : la force politique à l’œuvre

au sein de l’administration du Rhône.................................................................... 96

II. S’intégrer dans une logique administrative territoriale existante :

gage de reconnaissance ou déni d’existence ? ....................................................... 103

1. Franchir la barrière décisionnelle du Directeur Général

des services, incarnation administrative du monde politique ............................. 103

2. Lisibilité, visibilité, accessibilité : limites et atouts de la Mission

Action Internationale et Humanitaire.................................................................. 104

3. Le paradoxe d'une compétence nouvelle : entre autonomie

et dépendance. S'inscrire dans un système existant. ........................................... 106

III. Les citoyens et l'action internationale : rapport risqué révélateur

de tension................................................................................................................ 111

1. Initiatives départementales. Trouver sa place sur le territoire :

les premiers pas d'une véritable reconnaissance ................................................. 111

2. La place manquée du département du Rhône............................................... 114

CONCLUSION ........................................................................................................... 117

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................... 123

ANNEXES .................................................................................................................. 129

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"Si tu es venu pour m'aider, tu perds ton temps.

Mais si tu es venu parce que tu penses que ta libération est liée à la mienne,

alors travaillons ensemble."

Lisa Watson, aborigène d'Australie

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Introduction

’essence même de la coopération décentralisée est à rechercher dans cette

citation de Lisa Watson. L’idée première de cette pratique est d’échanger et

de partager ses savoir-faire et ses expériences à un niveau humainement viable et

profitable. La coopération décentralisée peut se définir juridiquement comme un

système d'échange et de partenariat fondé sur une convention de coopération signée

entre une collectivité territoriale française et son équivalent administratif à l'étranger.

http://www.cites-unies-france.org/html/bibliotheque/pdf/Loi-

602921.pdf. Site consulté le 25 octobre 2006.

Choisir un angle de réflexion

Au-delà de la simple coopération décentralisée, qui va plus précisément retenir

notre attention, c’est l'action extérieure des collectivités territoriales dans sa globalité

qui nécessite d’être questionnée. Si celle-ci est aujourd'hui reconnue comme une

compétence acquise dont la remise en question n'est pas à l'ordre du jour, il convient de

rester critique sur le sens et la réalité tant des pratiques que du contenu même de cette

action. Quelle est la réalité de cette notion et comment se met-elle en œuvre ? Le travail

que nous nous proposons de présenter ici se veut à la fois varié par ses méthodes et ses

formes de réflexion et unifié dans une même logique de compréhension de l’action

internationale des collectivités territoriales. Dans un premier temps, nous avons choisi

de nous centrer plus particulièrement sur l'étude de la coopération décentralisée comme

modalité d'action extérieure des collectivités territoriales, pour ensuite élargir notre

propos à l’action internationale d’une collectivité territoriale dans sa globalité.

L

"Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des

conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs

groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des

engagements internationaux de la France."

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Nous avons souhaité questionner cette compétence relativement nouvelle des

collectivités territoriales pour comprendre le poids qu'elle pouvait représenter sur un

territoire d'action publique aux préoccupations traditionnellement plus locales

qu'internationales ; en d'autres termes : quelle pertinence politique, économique,

sociale… pour la collectivité territoriale ? Pourquoi institutionnaliser une telle pratique

de l'international ? Au-delà de ce questionnement général, l'intérêt était de confronter

des territoires différents (par leur taille, leur poids économique et humain, leur

géographie…) pour comprendre les logiques politiques à l'œuvre qui poussent ces

territoires à s'ouvrir à l'international. Peut-on envisager des règles générales qui

définiraient un tel investissement pour l'ensemble des territoires ? Si non, quelle

internationalisation pour quel territoire ?

Pour aller plus avant dans ces différentes pistes de réflexion, il convient de

revenir sur la littérature propre à la science politique qui nous a permis de cadrer notre

réflexion. Celle-ci n'est nullement exhaustive, mais permet de comprendre l'orientation

première que nous avons souhaité faire prendre à notre travail.

- Du territoire d'action publique à la coopération décentralisée

En s'intéressant à la coopération décentralisée, la question de la territorialisation

des politiques publiques - c'est-à-dire de l'émergence des territoires comme espace

pertinent de mise en œuvre et de gestion des politiques publiques locales1 - s'impose

d'elle-même comme une thématique incontournable. La coopération décentralisée est en

effet une forme d'action extérieure des collectivités territoriales appliquées au territoire

d'action publique et elle s'inscrit (de manière originale, nous y reviendrons) dans ce

processus de responsabilisation croissante des collectivités territoriales : la coopération

décentralisée peut alors se comprendre comme un outil / une manifestation de la

territorialisation des politiques publiques. Nous emprunterons sur ce point les analyses

avancées par Patrice Duran et Jean-Claude Thoenig, pour montrer l'originalité de la

coopération décentralisée dans ce processus, qui canalise cependant son émergence.

Approfondir cette idée nécessite un détour par la réalité des relations qui s'instaurent

1 DURAN Patrice et THOENIG Jean-Claude, "L'Etat et la gestion publique territoriale", Revue française

de science politique, Volume 46, n°4, 1996.

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entre Etat et collectivités territoriales, de manière générale2, puis plus précisément sur le

thème de la coopération décentralisée3. Cet examen va nous permettre de comprendre

ce qui se joue derrière cette territorialisation et l'autonomie dont elle est porteuse pour

les territoires, mais également va nous aider à définir la place de cet Etat dont on dit

qu'il perd de sa centralité au profit des territoires d'action publique et le reste d'influence

que cette situation lui confère. Qu'en est-il réellement ? Et dans quelle idée de la

territorialisation nous inscrivons-nous pour traiter de la coopération décentralisée ?

- De l'internationalisation des territoires à la coopération décentralisée

Selon l'une des règles édictées par l'Etat pour encadrer cette compétence

déléguée aux collectivités territoriales, la coopération décentralisée devait – jusqu’à la

loi Thiollière de février 20074 – représenter un intérêt public local.

5 Cette exigence a

marqué profondément la coopération décentralisée ; il est donc nécessaire de la

comprendre pour en cerner les effets. Dans quelle mesure remplit-elle cette condition ?

En d'autres termes, comment la coopération décentralisée parvient-elle à se rendre

cohérente et pertinente sur le territoire d'action publique ? Cohérence qui va

conditionner son acceptation. L'enjeu ici n'est pas de faire une évaluation de la

coopération décentralisée, mais bien de comprendre son inscription sur un territoire

donné. Avant de parvenir à cette étape de notre travail, qui nécessite une étude plus

approfondie sur des terrains d'action publique spécifiques, il va nous falloir définir la

notion d'internationalisation des territoires dans ses différentes acceptations. Cela nous

permettra d'une part de comprendre la logique générale des collectivités territoriales en

2 GAUDIN Jean-Pierre, L'Action publique. Sociologie politique, Presses de Sciences Po et Dalloz, Paris,

2004. BALME Richard, "Le kaléidoscope des politiques locales et les transformations de l'action

publique", in BALME Richard, FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et

transformations de l'action publique en Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998. De la littérature sur les

Nouvelles Relations internationales va également être mobilisée dans un souci de compréhension du

rapport que l'Etat entretient tout particulièrement avec la coopération décentralisée des collectivités

territoriales. Sur ce point, signalons : BADIE Bertrand, "De la souveraineté à la capacité de l'Etat" in

SMOUTS Marie-Claude, (dir.), Les Nouvelles relations internationales. Pratiques et théories, Presses de

sciences po, Paris, 1998. SMOUTS Marie-Claude, "Que reste-t-il de la politique étrangère ?", Pouvoirs,

n°88. 1999, Paris. KESSLER Marie-Claude, La politique étrangère de la France, acteurs et processus,

Presses de Science po, Paris, 1999. BADIE Bertrand, SMOUTS Marie-Claude, Le retournement du

monde, sociologie de la scène internationale, Presses de la fondation nationale des sciences politiques et

Dalloz, France, 1992. 3 PETITEVILLE Franck, La coopération décentralisée. Les collectivités locales dans la coopération

Nord-Sud, L'Harmattan, Paris, 1995. 4 http://www.cites-unies-france.org/IMG/pdf/Loi_thiolliere.pdf. Site consulté le 26 juin 2008.

5 TULARD Marie-José, La coopération décentralisée, L.G.D.J., Paris, 2006.

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matière d'internationalisation et d'autre part, de préciser la notion de "captation locale"6

de ces mêmes principes d'internationalisation. L'idée est de comprendre

l'interpénétration qui se joue entre coopération décentralisée, internationalisation et

territoire d'action publique.

Penser la coopération décentralisée en termes d'analyse des politiques publiques :

se questionner sur une nouvelle compétence territoriale

La coopération décentralisée est le fruit d'une longue histoire à la fois politique et

juridique et tant nationale que territoriale.7 Si la coopération décentralisée porte

aujourd'hui le statut conventionnel de compétence octroyée par l'Etat aux collectivités

territoriales (dans le cadre des lois de décentralisation : première vague en 1982,

finalisée en février 1992 pour la coopération décentralisée), nous faisons l'hypothèse de

sa spécificité. Selon nous, l'originalité de la coopération décentralisée est à rechercher

dès la genèse de cette pratique, voire dès les premières formes d'échanges

internationaux entre deux territoires étrangers d'action publique, précédant la

coopération décentralisée en tant que telle. Cela nous incite à questionner le rapport

qu'entretiennent les collectivités territoriales et l'Etat sur ce thème de l'international :

est-ce encore pertinent de parler d'un centre et de ses périphéries ? Particulièrement

appliqué à la coopération décentralisée, quelle relation va s'instaurer entre le local, le

national et l'international ? La coopération décentralisée se situe à la croisée entre le

local, d'où elle émerge et sur le territoire duquel elle se dessine, le national, qui lui a

donné sa légitimité et oriente (relativement) ses pratiques et l'international, qui est

l'objet même de son contenu, ce qui fait à la fois sa richesse et toute sa complexité.

Il est par ailleurs intéressant et pertinent, dans une perspective d'analyse des

politiques publiques, de percevoir ce qui se joue comme relations, comme conflits

d'intérêts, comme rapports de groupes dans la mise en place de la coopération

décentralisée. La construction de la coopération décentralisée, telle qu'on a finit par la

concevoir à l'issue de la loi de février 19928, est le fruit de tractations entre groupes de

pression aux intérêts divergents, notamment entre organes politico-administratifs

6 PINSON Gilles et VION Antoine, "L'internationalisation des villes comme objet d'expertise", Pôle Sud,

n°13, nov 2000, p.86. 7 PETITEVILLE Franck, op.cit.

8 http://www.cites-unies-france.org/IMG/pdf/Loi-602921.pdf. Site consulté le 26 juin 2008

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nationaux et territoriaux. Comment cette conflictualité se concrétise dans la définition

de la coopération décentralisée et qu'est-ce qu'elle va impliquer quant à l'application

future de cette coopération au niveau territorial ? Les collectivités territoriales ont

acquis une compétence dont elles ne connaissaient a priori pas les clefs, car

l'international ne relève pas de leur domaine d'action traditionnel. La question est de

savoir comment cela va être appliqué au territoire. Des jeux d'intérêts entre acteurs,

entre services - au sein des collectivités -, entre collectivités mêmes, entre citoyens

locaux et autorité publique, entre collectivités et associations locales… vont dessiner la

coopération décentralisée et conditionner la pratique de cette compétence.

Ce qu’il découle de ces premiers questionnements est une réflexion sur la

coopération décentralisée – ou l’action internationale des collectivités territoriales dans

sa globalité –, comprise au sein de l’administration territoriale, là où elle se met en

pratique directement. Comment cette nouvelle compétence va s’intégrer de manière

pertinente au système administratif local, pour qui l’international n’est pas une

évidence ? Quelle place pour un chargé de mission Relations internationales pris dans

ce système, de quelle marge d'autonomie dispose-t-il et comment joue-t-il avec les

autres acteurs du système ? C'est ce que nous avons voulu comprendre au travers du

stage que nous avons réalisé du mois de février au mois de juillet 2008 aux côtés d’un

chargé de mission à l'action humanitaire et international au Conseil général du Rhône.

Nous nous sommes penchés sur son rôle d'interface entre différents acteurs (interface

entre le service des Relations internationales et les autres services administratifs, entre

le monde administratif et le monde politique, interface entre le Conseil général et les

citoyens, entre le Conseil général et le monde associatif…), ce qui nous a amené à

percevoir et à questionner les réalités de la mise en administration de l’action

internationale d’un Département.

A partir de ces différentes pistes, nous avons orienté orienter notre

questionnement comme suit : de quelle manière la coopération décentralisée participe

du gouvernement des territoires tout en étant un construit propre à un territoire d'action

publique ? Trois idées directrices vont cadrer notre réflexion sur ce sujet. Nous

envisagerons la coopération décentralisée dans le sillage de l'émergence des territoires

comme générateurs d'action publique pour comprendre l'originalité de cette pratique. Si

les territoires s'affirment de plus en plus sur la scène publique comme des interlocuteurs

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incontournables dans la définition et la gestion des politiques publiques, qu'en est-il

donc de leur place à l'international ? Nous tenterons ensuite de cerner la dimension

territoriale de la coopération décentralisée : comment cette forme d'action extérieure des

collectivités territoriales parvient à s'intégrer dans une dynamique territoriale d'action

publique localisée ? Enfin, c'est en se questionnant sur la mise en administration de

l’action internationale des collectivités territoriales, que nous souhaitons comprendre

plus précisément l'implication des acteurs politico-administratifs sur le territoire de la

collectivité.

S'approprier un travail de recherche en analyse des politiques publiques :

appréhender nos terrains d'enquête

Notre mémoire de recherche va s'articuler en deux temps : deux premières

parties seront consacrées aux questionnements présentés ci-dessus (autour de la

territorialisation et de l'intégration territoriale de la coopération décentralisée) dont la

production est issue à la fois d'un travail classique de découverte et de compréhension

de la littérature de science politique consacrée de près ou de loin à notre thème de

réflexion, mais également de deux enquêtes de terrain (ou d'une enquête générale de

terrain) réalisées à partir de deux collectivités territoriales : le département de la

Manche (50) et la communauté urbaine du Grand Lyon (69). Il nous a semblé plus

pertinent de justifier le choix de ces deux collectivités dans la deuxième partie de ce

mémoire, quand ils prennent toute leur importance et nourrissent alors notre réflexion.

Notons simplement que nous n'adopterons pas une démarche comparative dans l'étude

croisée de ces deux terrains d'enquête.

Le second temps de ce travail acquiert une toute autre dimension, dans la mesure

où notre enquête de terrain sera réalisée à partir d'un stage que nous mènerons au sein

du Conseil général du Rhône (69), dans les services des Relations internationales, aux

côtés d'un chargé de mission à l'internationale et à l'action humanitaire, Olivier

Desmules. Nous nous proposons alors, comme nous l'avons auparavant souligné, de

travailler sur la mise en administration de cette nouvelle compétence qu’est l’action

internationale au sein du département du Rhône et de comprendre cette mise en

administration par le biais d’un de ses protagonistes – indispensable, mais pas toujours

décisif, comme nous essayerons de le démontrer - : le chargé de mission Relations

internationales.

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- L'enquête par questionnaire ou le choix des entretiens

Pour appréhender nos deux terrains d'enquête, la méthode retenue a été celle de

l'entretien semi-directif. Cette méthode a été initialement retenue parce que nos

premiers questionnements étaient davantage centrés sur le rôle des différents acteurs

locaux dans la mise en œuvre et le fonctionnement de la coopération décentralisée.

Cette dimension n'a pas complètement disparu de notre recherche actuelle, mais elle

s'est déplacée vers des questionnements plus ciblés et ne fait donc plus l'objet de notre

problématique générale. Nous avons décidé, à l'instar de Stéphane Beaud - dont la

lecture, par ailleurs, nous a permis de garder un œil réflexif sur notre travail de terrain -

de "faire confiance aux possibilités de cet instrument d'enquête"9, parce qu'il nous

semble que recueillir la parole des acteurs requiert un intérêt tout particulier quand il

s'agit de comprendre la réalité et le sens donné à une action publique. C'est à travers eux

que se joue la coopération décentralisée, à travers leurs interactions, leurs intérêts… que

se dessinent les contours de cette nouvelle compétence. Nous avons donc essayé de

diversifier le statut de ces acteurs pour comprendre la réalité de la coopération

décentralisée et ce qui se cachait derrière le discours de chacun. Nous avons réalisé neuf

entretiens : un entretien avec un président d'association, cinq entretiens avec des

chargés de mission, deux entretiens avec un élu et un haut fonctionnaire de

l'administration et un entretien avec un salarié de l'Agence d'Urbanisme du Grand Lyon

travaillant en relation avec le Grand Lyon sur le thème de la coopération décentralisée.

Par ailleurs, de nombreuses rencontres informelles tout au long du stage pourront être

mobilisées dans ce travail.

Pour mener à bien ces entretiens, nous nous sommes appuyés sur une grille

d'entretien qui a quelque peu été modifiée selon les personnes interrogées et au fil du

temps ; en règle générale, nous définissions trois ou quatre grandes thématiques devant

être abordées et quelques sous-questions s'y rapportant. Malgré les critiques formulées à

l'encontre de cet outil10

, il nous a été d'une grande aide pour cadrer notre pensée lors du

déroulement des entretiens et a permis de canaliser les réflexions des uns et des autres.

De manière générale, ces neuf entretiens se sont bien déroulés et nous ont été utiles en

termes d'analyse ; deux d'entre eux ont été plus surprenants (pour l'un d'entre eux, par

9 BEAUD Stéphane, "L'usage de l'entretien en sciences sociales", Politix, n°35, 1996, p.234.

10 BEAUD Stéphane et WEBER Florence, Guide de l'enquête de terrain, La Découverte, Paris, 2003,

pp.204-208.

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exemple, aucune grille d'entretien n'avait été préparée, notre interlocuteur semblait nous

reprocher notre situation d'étudiante en science politique et son analyse de la

coopération décentralisée allait, selon nous, à l'encontre du principe même de

coopération : cet entretien a été "humainement pénible"), mais présentaient cependant

des éléments sur lesquels il a été intéressant de travailler. L'entretien étant avant tout

"une relation sociale entre deux personnes"11

, chacun d'entre eux présente des

caractéristiques propres. Nous avons essayé, dans la mesure du possible, de toujours

garder un regard critique et distancié vis-à-vis de ce qui nous était dit et de ceux qui

étaient en face de nous ; cependant, comme le souligne Stéphane Beaud, la neutralité du

chercheur appartient au domaine du mythe ou de la fiction.12

Les deux impressions les

plus particulières liées à cette méthode - ressenties lors d'environ trois entretiens - ont

été, d'une part, d'être dans une situation d'apprentissage, de formation et d'autre part (et

cela principalement lors d'un entretien), d'être fascinée par le discours et la trajectoire

de l'enquêté, ce qui fausse complètement le travail d'enquête. Nous en sommes

conscients et étrangement, c'est un entretien dont nous ne nous sommes pas servis.

Chacun des entretiens a été enregistré et retranscris et cela a constitué un

matériau indispensable à analyser pour avancer dans nos questionnements, d'autant plus

que les ouvrages consacrés exclusivement voire explicitement à la coopération

décentralisée sont relativement peu nombreux. Notons que lors de la retranscription des

entretiens, nous n'avons pas jugé utile de nous concentrer sur les "propriétés

corporelles"13

de l'enquêté, soit sa façon d'être face à nous, ou encore sur le lieu choisi

pour mener l'entretien, parce que seul le discours tenu nous intéressait. L'intérêt des

entretiens a donc été de cibler la parole des uns et des autres en fonction de leur statut

et/ou de leur fonction, de découvrir la réalité du territoire vécu - dans la mesure où nous

partons de l'hypothèse que la coopération décentralisée participe du gouvernement des

territoires - et le contenu de leurs actions de coopération, de cerner les relations qui se

nouent entre les services d'une administration, entre la collectivité et ses habitants, mais

également entre les collectivités et l'Etat, de comprendre les perceptions des acteurs vis-

à-vis de la coopération décentralisée dans son acceptation la plus large. Pour

l'exploitation de ces entretiens, nous nous sommes reportés (une fois encore) aux

11

BEAUD Stéphane, op.cit., p.238. 12

Ibid, p.243. 13

Idem.

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17

conseils de Beaud et Weber.14

Bien évidemment, ces paroles d'acteurs ne constituent

pas un support suffisant pour mener à bien notre travail de recherche. Hormis un

important travail bibliographique, que nous avons précédemment souligné, nous avons

eu recours à la lecture de deux revues locales : En Direct du Conseil général de la

Manche et Grand Lyon Magazine, du début de l'année 2005 au courant de l'année 2007

et de quelques Bulletins des élus locaux. Cela nous a permis de saisir une certaine

réalité territoriale (quelles étaient les politiques mises en avant comme constitutives du

territoire, sur quelles actions les collectivités choisissaient de communiquer…) : nous

sommes restés vigilants quant à ces dires et nous avons ensuite mis en perspective et

confronté les discours des élus, ceux des chargés de mission ou des présidents

d'association (aux préoccupations différentes) avec les directives politiques mais

également médiatiques présentées dans les revues destinées directement aux citoyens.

- S'intégrer au terrain d'enquête par le biais du stage

L'intégration complète sur un terrain d'enquête a été quelque chose d'entièrement

nouveau, qui a nécessité une adaptation certaine. Pour parvenir au mieux à s'intégrer au

terrain, nous avons suivi les conseils de Stéphane Beaud et Florence Weber15

: leurs

expériences, notes et indices ont largement nourri notre travail d'observation et

d'enquête. Nous avons tenté, aussi régulièrement que nous le pouvions, de tenir un

journal de bord, d'être présente et d'observer sans chercher à s'imposer, de respecter les

souhaits de nos interlocuteurs… Par volonté d'honnêteté intellectuelle, notons dès à

présent que ce stage s'inscrit dans une double démarche. Il est à la fois un terrain

d'enquête pour mener notre travail de recherche, mais également un terrain de

professionnalisation, pendant lequel nous souhaitons acquérir une expérience

professionnelle valorisante dans le domaine de l'action internationale des collectivités

territoriales. Nous nous sommes donc largement impliqué dans ce stage, au-delà de

notre simple enquête de terrain. Il nous semblait essentiel d'expliciter cela d'emblée

pour garder à l'esprit, tout au long de notre stage, cette double dimension réflexive.

Envisager une profession à laquelle nous aspirons sous l'angle critique de la recherche,

peut nous permettre de développer un esprit critique intéressant.

14

Ibid, p.238. 15

BEAUD Stéphane et WEBER Florence, op.cit.

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PARTIE 1 - La territorialisation de la coopération décentralisée

Chapitre 1 - Les spécificités de la coopération décentralisée

I. La coopération décentralisée : vecteur ou produit de la territorialisation de

l'action publique ?

'idée de cette première partie est de comprendre la place qu'occupe la

coopération décentralisée dans le processus général à l'œuvre de

territorialisation de l'action publique. Pour cela, il nous faut expliciter les réalités de ce

que l'on nomme territorialisation de l'action publique, pour comprendre la situation de

la coopération face à l'émergence de cette nouvelle gestion territoriale. C'est ensuite en

confrontant la genèse de la coopération décentralisée à la notion de territorialisation,

que nous souhaitons démontrer l'idée d'une participation a posteriori de la coopération

décentralisée au processus de territorialisation de l'action publique.

1. Des territoires d'action publique qui s'affirment face à l'Etat

a) A l'origine de la territorialisation des politiques publiques : la

décentralisation et la crise de l'Etat Providence

Depuis 10 à 15 ans, on assiste à une transformation de la gestion publique

territoriale en France. Selon l'analyse de Duran et Thoenig16

, l'Etat centralisé à la

française perdrait de sa centralité au profit des collectivités territoriales qui le

composent. Ce sont désormais les Régions, les Départements, les communes, les

pays… qui vont gérer eux-mêmes leurs affaires publiques. Nous sommes donc entrés

dans une phase de territorialisation de l'action publique, en d'autres termes de

responsabilisation croissante des collectivités territoriales et d'implication directe de

leur part dans la définition de leurs propres politiques publiques.

L'encadré qui suit permet de resituer historiquement les deux écoles de pensée

qui s'affrontaient sur le terrain de la légitimité d'un possible gouvernement local au

16

DURAN Patrice et THOENIG Jean-Claude, "L'Etat et la gestion publique territoriale", Revue française

de science politique, Volume 46, n°4, 1996.

L

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20

début du XXème siècle. Ce débat s'est déplacé vers un questionnement sur le rôle et la

place de l'Etat face à l'émergence de ces territoires, sur lequel nous allons revenir.

COMTE Henri et NICOUD Marie-Odile, "Le droit public et les politiques locales", in BALME Richard,

FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et transformations de l'action publique en

Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998, p.76.

Deux éléments sont proposés par Duran et Thoenig pour rendre compte de cette

mutation dans l'aménagement et la gestion du territoire : d'une part, la décentralisation,

d'autre part, la crise économique de l'Etat. En effet, l'émergence des territoires comme

terrain d'action publique s'inscrit dans le contexte juridique de la décentralisation

engagée dans les années 1980. Le discours officiel relatif à la décentralisation stipule

que c'est un moyen de renforcer l'efficacité de l'action publique locale et d'accroître la

démocratisation des territoires. L'Etat délègue aux collectivités ressources et

instruments pour mettre en place des politiques publiques. Cependant, au-delà de cette

analyse officielle de la décentralisation, des observateurs plus critiques proposent de la

regarder comme une réponse à la crise économique de l'Etat providence. L'Etat, n'ayant

plus les moyens de faire face à la gestion des problèmes publics, délègue ses

compétences, mais également le coût financier qu'elles représentent.17

Aujourd'hui, c'est bien "le territoire, plus que l'appareil de l'Etat, [qui] constitue

désormais le lieu de définition des problèmes publics."18 Là où l'Etat intervenait seul

pour répondre aux problèmes, susciter des besoins, orienter des demandes – de manière

17

COMTE Henri et NICOUD Marie-Odile, "Le droit public et les politiques locales", in BALME

Richard, FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et transformations de l'action

publique en Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998, p.75. 18

DURAN Patrice et THOENIG Jean-Claude, op.cit., p.580.

Au début du XXème siècle, la notion de gouvernement local (qui

inciterait à penser que des décisions publiques puissent être prises et appliquées

au niveau local) fait largement débat dans les milieux de juristes français :

comment concilier deux termes qui ne se référent pas du tout au même univers?

Deux visions juridiques s'affrontent sur cette question et nourrissent le débat

qui s'articule finalement autour de la définition que les uns et les autres vont

donner de l'Etat. Maurice Hauriou et sa théorie de l'institution et de la puissance

publique (Ecole de la puissance publique) avance l'idée que l'Etat est la

puissance publique et que les communes sont "une manière d'être de l'Etat".1 Le

local est ici davantage perçu comme un échelon de l'administration étatique

plutôt que comme un niveau politique à part entière. A l'opposé de cette théorie,

l'Ecole du Service public, dont le principal représentant est Léon Duguit,

énonce que l'Etat n'est qu'une modalité politique parmi d'autres, qu'il juge

d'ailleurs irréaliste et inefficace : l'Etat, comme il est apparu, peut aussi

disparaître.

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générale produire de l'action publique - par le biais des politiques qu'il mettait en place,

son unité et son monopole sont aujourd'hui remis en question par l'émergence d'une

hétérogénéité de territoires qui entendent participer à la construction de l'action

publique. L'Etat perd de sa centralité au profit des Régions, des Départements, des

grandes villes, des pays ruraux… C'est "la fin d'une gestion publique standardisée"19 ;

c'est désormais l'ère de l'action publique collective, dans laquelle une multitude d'acteur

à différents niveaux de décision vont participer à la définition des politiques publiques.

b) Des territoires d'action publique encore largement "dans la dépendance"

du centre

"Les modalités générales des politiques sont posées sur le plan national dans des

lois et des décrets d'ensemble, tandis que leur mise en œuvre est renvoyée à des

dispositifs territoriaux contractuels, négociés à des échelons régionaux, départementaux

et urbains, ou encore à des "périmètres de projet" intercommunaux."20

Les collectivités territoriales s'approprient les compétences que l'Etat leur

délègue et les redéfinissent selon leurs propres logiques territoriales. Lorsqu'ils mettent

en place des politiques publiques locales, les acteurs locaux savent redessiner les

normes et règles impulsées par le haut, en fonction des intérêts divergents présents sur

leur territoire d'action publique. Cependant, la régulation de l'action publique orchestrée

par le suivi de normes, de règles, de lois… continue d'être impulsée par le haut, bien

qu'elle s'opère de plus en plus par le bas. C'est ce que Duran et Thoenig appellent

l'institutionnalisation de l'action collective. L'Etat va alors devoir redéfinir sa place et

trouver à agir dans la marge de manœuvre que les territoires lui laissent : c'est dans le

rôle d'arbitre entre les différents territoires, de négociateur pour la multitude d'acteurs,

qu'il va parvenir à légitimer sa nouvelle situation d'élément parmi d'autres constitutifs

du jeu politique. L'Etat va donc être animateur de scènes de négociation dont les acteurs

locaux vont s'emparer pour confronter leurs points de vue, échanger des

problématiques, se nourrir réciproquement. On passe d'une logique substantive, - l'Etat

délègue aux collectivités territoriales - à une logique procédurale - l'Etat crée les

conditions de possibilité de cette délégation et donc en crée les conditions

d'appropriation.

19

Ibid, p.583. 20

GAUDIN Jean-Pierre, L'Action publique. Sociologie politique, Presses de Sciences Po et Dalloz, Paris,

2004, p.52.

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Ce processus de territorialisation ne se construit donc pas en opposition au

pouvoir de l'Etat, au contraire, puisque ce sont les acteurs locaux qui vont alors

s'emparer des normes, des règles édictées par l'Etat. Celui-ci garde donc un rôle

relativement important dans la régulation des politiques publiques locales. Gaudin, sur

cette question, manifeste son incertitude quant à la légitimité des territoires de projet

face au cadre unitaire de l'Etat - mises à part peut-être les régions qui ont tendance à

s'affirmer face à l'Etat et à se positionner comme interlocuteurs de poids, notamment

par le biais des contrats de plan Etat-région (CPER) : elles sont passées de

l'appropriation de compétences classiques de l'Etat à des "initiatives propres", des

"contributions nouvelles".21

2. Construction d'une compétence originale

La coopération décentralisée s'inscrit donc largement dans ce processus de

territorialisation de l'action publique, dans la mesure où chaque collectivité territoriale

qui le souhaite va mettre en place sur son territoire une ou plusieurs conventions de

coopération avec une collectivité territoriale (ou équivalent) étrangère. C'est ainsi que la

coopération décentralisée s'applique aujourd'hui - une deuxième partie sera consacrée à

l'explicitation concrète de la coopération décentralisée telle qu'elle se met en place dans

nos deux terrains d'enquête. Cependant, pour estimer le statut particulier de la

coopération décentralisée dans ce processus de territorialisation, il faut comprendre

qu'elle ne naît pas de la délégation d'une partie de la politique étrangère de l'Etat,

comme telle aurait pu être le cas dans une délégation classique de compétence, mais

qu'elle est le fruit d'un long processus d'élaboration de partenariat au niveau local. La

coopération décentralisée est certes un dispositif d'action publique territorialisée - que

l'on a nommé instrument d'action publique territorialisée -, mais elle ne s'inscrit pas

dans une démarche d'appropriation et de redéfinition par les acteurs locaux, de

politiques publiques impulsées par le haut, parce qu'elle s'est construite en partance du

bas et non en adaptant des normes étatiques. La création de la coopération décentralisée

en tant que telle est révélatrice de transformations profondes de l'action publique.

21

Ibid, p.54.

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23

a) Situer la coopération décentralisée dans le champ des Nouvelles

Relations internationales

Pour contextualiser la situation complexe dans laquelle nous nous trouvons, il

faut bien cerner le poids que représente l'action extérieure des collectivités territoriales

pour l'Etat français : jamais ce dernier n'avait délégué quoi que ce soit de cette

prérogative qui était entièrement sienne. Pour certains, cette action allait mettre en péril

la souveraineté de l'Etat, pour d'autres, la diplomatie ne devait être que du ressort de

l'Etat et ne pouvait se déléguer.

Les travaux de politistes sur la perte de l'influence étatique dans les Relations

internationales, l'amenuisement de la légitimité des Etats et l'inefficacité des politiques

étrangères qu'ils mènent sont relativement nombreux. Bertrand Badie y consacre un

chapitre dans Les Nouvelles Relations internationales, ouvrage dirigé par Marie-Claude

Smouts (1998)22

; elle-même dans la revue Pouvoirs se penche sur cette question de

l'état de la politique étrangère (1999)23

; Marie-Christine Kessler s'y attarde longuement

dans son ouvrage La politique étrangère de la France. Acteurs et processus (1999).24

Tous parviennent au constat que l'Etat-nation a été touché dans la définition de sa

souveraineté. Cependant, ils ne définissent pas l'Etat comme un acteur parmi d'autres,

mais davantage comme une entité qui aurait perdu de sa légitimité face aux

bouleversements du monde contemporain (James Rosenau parle de "turbulences" quand

il évoque la nature des interactions qui se tissent entre les deux mondes qui composent

aujourd'hui le domaine des Relations internationales : le monde des Etats et le monde

multi-centré, composé d'acteurs transnationaux hétérogènes). En cas de crise, l'Etat

reste encore maître des décisions finales, mais il doit davantage composer avec de

multiples acteurs émergents qui font désormais partie de la nouvelle scène des Relations

internationales et que l'on appelle les nouveaux acteurs transnationaux (acteurs non-

étatiques, participant aux Relations internationales sans être contrôlés par les Etats25

).

22

BADIE Bertrand, "De la souveraineté à la capacité de l'Etat" in SMOUTS Marie-Claude, (dir.), Les

Nouvelles relations internationales. Pratiques et théories, Presses de sciences po, Paris, 1998, pp.37-58. 23

SMOUTS Marie-Claude, "Que reste-t-il de la politique étrangère ?", Pouvoirs, n°88. 1999, Paris, pp.5-

15. 24

KESSLER Marie-Claude, La politique étrangère de la France, acteurs et processus, Presses de

Science po, Paris, 1999.

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Ce panel de travaux sur l'Etat dans les Nouvelles Relations internationales

permet de replacer la problématique de l'émergence de l'action extérieure des

collectivités territoriales et la réticence de l'Etat à avaliser cette action dans ce contexte

de bouleversement généralisé des Relations internationales et de la place de l'instance

étatique.

PETITEVILLE Franck, La coopération décentralisée. les collectivités locales dans la

coopération Nord-Sud, L'Harmattan, Paris, 1995.

25

BADIE Bertrand, SMOUTS Maris-Claude, Le retournement du monde, sociologie de la scène

internationale, Presses de la fondation nationale des sciences politiques et Dalloz, France, 1992, pp.69-

110.

Une reconnaissance par étapes

D'un point de vue franco-français, l'évolution manifeste relative à l'action extérieure des

collectivités territoriales se situe dans les années 1980. La loi du 2 mars 1982, relative aux droits et

libertés des communes, des départements et des régions, inscrit la décentralisation dans la législation

française. Les collectivités territoriales, déjà engagées dans des actions de jumelages - nous allons y

revenir -, ont joué avec les marges de liberté que leur octroyait le flou juridique en matière d'action

extérieure et ont largement entretenu leurs coopérations. L'Etat reconnaît peu à peu, de manière

prudente et progressive, cette coopération de collectivités françaises à collectivités étrangères. Cette

reconnaissance est très discrète et ne se fait pas sans réticences.

Revenons sur les quatre phases du processus d'institutionnalisation de l'action extérieure des

collectivités proposées par Franck Petiteville.

1) Après avoir reconnu uniquement la coopération transfrontalière des collectivités en mars 1982,

l'Etat nomme le 8 juin 1983 un "Délégué pour l'action extérieure des collectivités locales". Cette

nomination est accompagnée d'une circulaire enjoignant les préfets et chefs de postes diplomatiques

et consulaires de faciliter son action. Les premières réactions face à ces deux éléments nouveaux sont

révélatrices de son acceptation : on publie très peu le texte, voire on ne communique pas du tout

dessus.

"A l'origine, dans les milieux politiques et dans l'administration, les concepts mêmes d'action

extérieure des collectivités territoriales et de coopération décentralisée ne faisaient pas l'unanimité.

S'il y eut peu de réactions nettement hostiles, nombreuses furent les manifestations de scepticisme,

voire d'inquiétude." (déclaration d'Yves Delahaye, premier titulaire du Poste de Délégué de 1983 à

1987. Source : Journal officiel, 9 juin 1983, p.5243).

2) Le 10 mai 1985, le terme de coopération décentralisée apparaît pour la première fois dans la

circulaire Fabius et une véritable reconnaissance est accordée à ce phénomène. Les collectivités ont

même la possibilité de signer des conventions directement avec l'Etat, qui soutient la coopération et

apporte aide technique et financière. Nous ne sommes cependant pas encore dans une phase de

légalisation de la coopération décentralisée.

3) L'alternance politique de 1986 est à l'origine d'une réduction du budget alloué par le Ministère des

Affaires étrangères aux collectivités dans le cadre de leur convention commune. Cependant, Jacques

Chirac affirme le principe de la coopération décentralisée par trois circulaires du 12 mai 1987 qui

poursuivent et achèvent celle de Laurent Fabius en 1985.

4) A partir de cette date, l'Etat n'a de cesse de soutenir la coopération décentralisée : contrats de plan

Etat-région, cofinancement indirect sous forme de subventions ou de dotations, "mécénat

international" de la Caisse des dépôts et consignations, financement de Plan (Solidarité-Eau et

Solidarité-Habitat). En 1989 est créée la Commission de la coopération décentralisée pour le

développement, organe de soutien et de promotion de la coopération décentralisée au niveau étatique,

constitué de représentants de l'Etat et des collectivités territoriales ; cette commission fut remplacée le

6 février 1992 par la Commission nationale de la coopération décentralisée.

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Finalement, c'est au terme de cette évolution délicate qu'est signée la loi du 6

février 1992 sur l'administration du territoire de la république qui ancre la coopération

décentralisée dans la législation : le Titre IV de la loi d'orientation n°92-125 du 6 février

1992 stipule que "les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure

des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans

les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la

France."26

Nous parlons désormais de coopération décentralisée, terme également

consacré par la création de la Commission nationale de la coopération décentralisée

(CNCD)."Il est créé une Commission nationale de la coopération décentralisée qui

établit, et tient à jour, un état de la coopération décentralisée menée par les collectivités

territoriales. Elle peut formuler toutes propositions tendant à renforcer celle-ci" (loi du 6

février 1992).27

Présidée par le Premier ministre, la CNCD se veut espace de dialogue

entre l'Etat et les collectivités territoriales et également espace d'information et

d'évaluation.

Ce nouveau dispositif d'action publique qu'est la coopération décentralisée, a

cela de particulier qu'il ne fait donc pas partie d'une délégation de compétences de la

part de l'Etat. La coopération décentralisée n'est pas une réappropriation de la politique

étrangère de l'Etat que l'on aurait appliquée, en l'aménageant, aux territoires. Les acteurs

locaux ne s'inscrivent pas dans une démarche d'accaparement de règles édictées par le

haut, par l'Etat. En effet, la coopération décentralisée est une construction territoriale,

par le bas, que l'Etat a plus ou moins été contraint d'accepter. Ce n'est plus le "bas" qui

définit ses propres politiques publiques en faisant sien les règles du "haut", mais c'est

bien ici le "bas" qui définit ses propres dispositifs d'action publique, avec l'imposition a

posteriori de règles par le "haut". La question est de savoir pourquoi la coopération

décentralisée s'inscrit dans ce schéma bottom/up (du bas vers le haut) ; quelles ont sont

les explications et les raisons ; qu'il convient de rechercher au niveau local ?

26

http://www.cites-unies-france.org/html/bibliotheque/pdf/Loi-602921.pdf. Site consulté le 25 octobre

2006. 27

Guide de la coopération décentralisée, La Documentation française, Paris, 2006, p.53.

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26

b) Comprendre la coopération décentralisée au regard du jumelage

La pratique locale du jumelage entre deux collectivités territoriales, à l'origine

plus visibles entre deux communes, orchestrée dès les lendemains de la Seconde Guerre

mondiale, permet de comprendre l'ancienneté de ces coopérations entre territoires, qui

vont s'affiner pour parvenir à la forme actuelle de la coopération décentralisée. Des

jumelages de réconciliation franco-allemands après la Seconde Guerre mondiale, aux

jumelages de paix pendant la Guerre Froide, se dessinent progressivement les

jumelages-coopérations au moment des Indépendances des anciens pays colonisés.28

Le jumelage s'est donc inscrit dans ces différents contextes historiques et

politiques du XXème siècle ; cette pratique n'a pas été remise en cause et ne soulevait

pas l'émoi, retranscrit plus haut, qu'a suscité l'émergence de ce que l'on va appelé

coopération décentralisée. Certes jumelage et coopération décentralisée se distinguent

sur de nombreux points (statut d'association de loi 1901 pour les comités de jumelage,

organisation administrative spécifique mise en place au sein de la collectivité

territoriale dans le cas d'une coopération décentralisée, compétences limitées pour les

collectivités, travail de partenariat entre collectivités territoriales et associations

locales…), mais dans l'absolu, deux collectivités échangent entre elles sur une

"thématique" de leur choix. La pratique du jumelage entre de ce fait dans le cadre de la

nouvelle législation propre à l'administration territoriale de la République : en effet, le

comité de jumelage doit faire avaliser son action par la signature d'une convention

(charte ou serment de jumelage) entre les deux instances publiques des deux

28

Le principe des jumelages est né au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans un souci de

rapprochement des peuples par le biais de l'inter-culturalisme. Jean-Marie Bressand, figure de la

Résistance en 1939-1945, est à l'origine de l'association du Monde Bilingue (association internationale

pour l'éducation bilingue et le plurilinguisme), qui fonde la pratique des jumelages. Le jumelage, à sa

création, visait principalement la paix et la réconciliation des peuples meurtris par la guerre : en 1963, on

recense plus de 120 jumelages de réconciliation franco-allemands. Cette première étape dans le processus

de construction d'une nouvelle union des peuples s'installe et se dessine en parallèle avec la construction

européenne. En effet, dès 1950, Jean Monnet propose une déclaration qu'il juge indispensable aux

relations pacifiques entre les peuples et qui va signer l'acte de naissance de l'Union Européenne : c'est

alors déjà en 1951 que les protagonistes européens signent ensemble le pacte qui va créer la Communauté

Economique du Charbon et de l'Acier. L'histoire avance et la Guerre froide s'installe entre les Etats-Unis

et la Russie : c'est dans ce contexte tendu que les peuples d'Europe de l'Ouest décident de soutenir ceux

de l'Est et signent avec eux des chartes de jumelage de paix. A la même époque l'association du Monde

Bilingue devient la Fédération Mondiale des Villes Jumelées (FMVJ). C'est enfin au moment des

indépendances des anciens pays colonisés qu'émerge la notion de jumelages-coopération. Deux enjeux se

profilent alors au travers de ces nouvelles relations qui s'installent entre pays industrialisés et pays en

développement : la paix et le développement. "Du jumelage à la coopération décentralisée", Cités-Unies-

France, 2003 : http://www.cites-unies-france.org/html/cooperation/index.html. Site consulté le 11 octobre

2007.

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27

collectivités partenaires qui l'abritent. C'est d'ailleurs pour cette raison que le terme de

jumelage est répertorié dans les actions de coopération décentralisée d'une collectivité

territoriale par le Guide de la coopération décentralisée.29

Dans le cadre d'un jumelage, les collectivités recherchent ce qui peut les unir, ce

qu'il y a de similaire sur leur territoire respectif : superficie, population, localisation,

centres d'intérêts… Le jumelage doit s'inscrire dans la durée et être fondé sur des

engagements partagés par les deux communes.30 Le jumelage est donc une pratique

construite au niveau du territoire, par des acteurs locaux dont la volonté était d'échanger

sur des bases et des valeurs communes. Et la coopération décentralisée s'est nourrie de

cette pratique ancienne. Cela justifie le caractère bottom/up spécifique de la coopération

décentralisée, par rapport aux formes que prennent les autres compétences déléguées

aux collectivités par l'Etat. C'est parce que la coopération décentralisée entretient un

lien si fort avec le jumelage qu'elle possède cette originalité territoriale. Dans une

perspective classique de délégation de compétence de l'Etat aux collectivités

territoriales, celles-ci doivent respecter un certain nombre de règles, de conditions qui

accompagnent cette délégation et que les acteurs vont localement réinterpréter. Ici on ne

se situe pas dans ce schéma classique, dans lequel l'Etat renverrait aux collectivités

territoriales la définition des politiques publiques. La coopération ne s'impose pas

comme une norme d'action publique venue de l'extérieure, du haut, de l'Etat. C'est bien

quelque chose qui s'est construit de la base, c'est une appropriation de la part des

collectivités territoriales d'un dispositif d'action publique, qui n'existe que territorialisé.

Les collectivités territoriales peuvent faire le choix de continuer ou non à

travailler avec les comités de jumelage : soit elles choisissent d'assumer seules la

responsabilité des actions de coopération qu'elles souhaitent mener ("mise en œuvre en

interne), soit elles travaillent en partenariat avec des associations locales et

professionnalisées sur certaines interventions (ex : l'association AD3A dans le

département de la Manche spécialisée sur le développement agricole) qui ont donc un

poids prépondérant dans la préparation des missions (mise en œuvre en externe), soit

enfin, elles optent pour des solutions "mixtes" et elles font intervenir les comités de

29

Guide de la coopération décentralisée, op.cit. 30

"Un jumelage. Pourquoi ? Comment ?", Association Française du Conseil des Communes et Régions

d'Europe : http://www.afccre.org/fr/article.asp?id=110. Site consulté le 27 septembre 2007.

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jumelage déjà présents sur le territoire.31 L'encadré suivant, dont les informations sont

empruntées en intégralité à l'ouvrage de Pierre Laye, La coopération décentralisée des

collectivités territoriales, revient sur la réelle existence des comités de jumelage face à

l'émergence de la coopération décentralisée sur le territoire de la collectivité territoriale.

LAYE Pierre, La coopération décentralisée des collectivités territoriales, Editions La lettre du cadre

territorial, Paris, septembre 2005, p.32.

Cependant, et cela accentue l'originalité de la coopération décentralisée, l'Etat a

imposé ses règles a posteriori. En effet, la reconnaissance juridique de l'action

extérieure des collectivités territoriales s'est accompagnée de la délimitation par l'Etat

de ses propres règles dans le cadre desquelles elle pouvait exister.

Ces conditions se résumaient ainsi à trois règles, jusqu’au vote de la loi Thiollière du 6

février 2007, qui en a modifié les contours :

- les deux collectivités liées doivent signer une convention de coopération

- avant l’adoption de la loi Thiollière, cette convention devait se justifier par

un intérêt public local (et cela a très utilisé, notamment par les détracteurs de

31

LAYE Pierre, La coopération décentralisée des collectivités territoriales, Editions La lettre du cadre

territorial, Paris, septembre 2005, pp.30-35. (Pierre Laye est chargé de mission pour les politiques de

décentralisation au Bureau de la modernisation de l'Etat et de la gouvernance locale, Ministère des

Affaires étrangères.)

"Les relations entre les collectivités territoriales et les comités de jumelage n'obéissent pas à des règles

établies et sont spécifiques à chacune des coopérations. Elles se répartissent en trois grandes

catégories.

* Cas 1 : Relation de tutelle du comité de jumelage par la collectivité : Les relations entre la

collectivité et le comité de jumelage seront structurées par deux agencements. Toutes les activités

menées au nom du partenariat et bénéficiant d'un soutien financier de la collectivité reçoivent son

approbation explicite, notamment par le vote en conseil. Le responsable exécutif du comité de

jumelage sera choisi en accord avec la collectivité, voire nommée par elle? Le comité de jumelage est,

dans ce cas, un lieu de représentation des différentes organisations qui participent à la coopération,

d'analyse des demandes venant de la collectivité partenaire, de propositions et de suivi d'actions.

* Cas 2 : Séparation nette entre mairie et comité de jumelage : Le comité de jumelage choisit en toute

autonomie les actions qu'il soutient dans la limite des fonds dont il dispose, sans consultation préalable

de la mairie. Cette situation n'exclut pas une participation de la mairie à la vie du comité de jumelage,

mais sa présence ne signifie pas qu'elle en détermine la politique.

* Cas 3 : Des collaborations par programme. Ce cas est intermédiaire entre les deux cas précédents.

Selon la nature des programmes, certaines actions sont mises en œuvre sur demande explicite de

l'autorité locale. D'autres, au contraire, sont menées sur l'initiative du comité de jumelage ou de l'un de

ses membres."1

Beaucoup de petites ou moyennes villes n'entretiendraient pas de coopération si elles

n'avaient, sur leur territoire, de comité de jumelage. Mais, à l'inverse, un grand nombre de jumelage

manque de légitimité par rapport à la coopération décentralisée : dans ce cas, leur existence est

fortement dépendante de la relation qu'ils entretiennent avec la collectivité territoriale.

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la coopération décentralisée et plus particulièrement par les associations de

contribuables locaux qui sont parvenues à faire annuler des actions en cours

en arguant le non respect de cet engagement32

. "Le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé, par une décision du 25 novembre 2004, une

délibération du Conseil municipal de Stains, qui avait octroyé une

subvention à une organisation non gouvernementale opérant dans un camp

de réfugiés palestiniens, au motif qu'elle ne représentait pas un intérêt

local."33

Pour ce prémunir de ces situations de blocage et protéger les

collectivités, le sénateur de la Loire, Michel Thiollière, propose de revisiter

la base légale sur laquelle se fonde l’action internationale des collectivités

territoriales. Et ajouté ceci à la loi du 2 février 1992 : "En outre, si l’urgence

le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre

en œuvre ou financer des actions à caractère humanitaire."34

L’intérêt local

n’est donc plus un impératif à atteindre dans tous les cas, ce qui laisse une

marge de manœuvre plus importante aux collectivités territoriales pour

mener à bien leurs actions, les inscrire dans la durée, mais également en

diversifier la nature, sans contrainte procédurale (convention ou protocole).

- le respect de la souveraineté nationale de l'Etat et des engagements

internationaux de la France.35

Selon cette logique, la coopération décentralisée se réinscrit a posteriori dans le

cadre de la décentralisation classique et de délégations de compétences choisies par

l'Etat. On tend alors, à contre sens, vers l'idée esquissée plus haut que "l'élaboration

d'une politique locale [n'est généralement pas spécifique au territoire, parce qu'elle] est

souvent la mise en œuvre d'une politique de rang supérieur."36

Après avoir mis à jour

toutes ces difficultés d'appropriation par le territoire de la collectivité de l'action

extérieure, une question reste en suspens et demande que l'on s'y arrête un instant :

pourquoi les collectivités territoriales choisissent de mener des actions de coopération

32

Rencontre informelle avec Olivier Desmules, chargé de mission à l'action humanitaire et internationale

au département du Rhône (69), le vendredi 5 octobre 2007, au Conseil Général de Lyon. 33

TULARD Marie-José, La coopération décentralisée, Politiques locales, LGDJ, Paris, 2006, p.21. 34

Loi Thiollière : http://www.cites-unies-france.org/IMG/pdf/Loi_thiolliere.pdf. Site consulté le 30

septembre 2007. 35

TULARD Marie-José, op.cit. 36

BALME Richard, "Le kaléidoscope des politiques locales et les transformations de l'action publique",

in BALME Richard, FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et transformations de

l'action publique en Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998, p.14.

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internationale ? Qu'est-ce qui les pousse à agir sur cette scène dont elles étaient

étrangères il y a peu encore ? Ces questionnements, qu'il convenait d'esquisser ici pour

clarifier la notion de coopération décentralisée, ne seront traités qu'en seconde partie,

lorsque nous nous pencherons plus particulièrement sur nos deux terrains d'enquête

spécifiques.

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31

II. Volonté d'imposer sa place à la coopération décentralisée

La coopération décentralisée comme dispositif d'action publique territorialisée

est révélatrice de transformations profondes de l'action publique. Arrêtons-nous un

instant sur la définition d'un instrument d'action publique pour comprendre quel a pu

être le poids du jeu des acteurs dans la définition de la coopération décentralisée. Selon

la définition de Lascoumes et Le Galès, "un instrument d'action publique constitue un

dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques

entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des

significations dont il est porteur."37

On a précédemment pu constater le poids et

l'influence des acteurs politiques dès le début des années 1980 : un conflit a émergé

entre ceux dont les intérêts étaient de défendre la politique étrangère de l'Etat, ceux qui

accompagnaient le mouvement de manière craintive et ceux qui mettaient déjà en place

des formes de coopérations au niveau territorial. Ces conflits et affrontements

idéologiques ont contribué à façonner la coopération décentralisée, tant dans son

processus que dans ses résultats ou applications concrètes. Un instrument d'action

publique n'est pas neutre, est porteur de valeurs et est dessiné par les agents qui le

construisent, le confrontent, le rejettent. Choisir cet instrument d'action publique

spécifique va produire sur le territoire des effets particuliers, qui seront également le fait

des acteurs locaux, de leurs intérêts, de leurs comportements en fonction de leur

situation et de leur façon de "jouer" avec l'instrument ; nommer un instrument d'action

publique est également porteur de significations et correspond à une certaine

interprétation et représentation de la réalité. C'est ce que nous allons essayer de

comprendre désormais : qu'est-ce qui se cache derrière ce vocable "coopération

décentralisée" et en quoi est-il porteur de significations propres, révélatrices des intérêts

des acteurs en présence ?

37

LASCOUMES Pierre et LE GALES Patrick (dir.), Gouverner par les instruments, Les Presses de

Science Po, Paris, 2004, p.13.

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32

1. Le terme coopération décentralisée ou comment amoindrir les effets de

l'internationalisation des territoires

Le terme même de coopération décentralisée est intéressant à décortiquer, dans

la mesure où il nous semble être révélateur des craintes de l'Etat quant à cette nouvelle

compétence des collectivités territoriales. Tout d'abord, il convient d'expliciter ce terme

au regard d'autres couramment utilisés en matière de coopération de territoires à

territoires. Le Guide de la coopération décentralisée 38

se propose de distinguer quatre

formes d'intervention des collectivités territoriales à l'étranger :

L'action extérieure des collectivités territoriales regroupe de manière

exhaustive l'ensemble des actions menées par des collectivités territoriales

avec l'étranger : elles ne reposent pas nécessairement sur une convention

signée par les parties en présence.

La coopération décentralisée regroupe également de manière générale

l'ensemble des actions conventionnées menées par des collectivités

territoriales françaises avec des collectivités territoriales étrangères.

La coopération transfrontalière est une relation conventionnée entre deux

territoires ayant une frontière terrestre ou maritime en commun.

La coopération interrégionale est une relation conventionnée entre une

région française et une ou des entités régionales étrangères, notamment au

sein de l'Union européenne.

Ces deux dernières formes de coopération transfrontalière et interrégionale

peuvent se comprendre comme des sous-ensembles de la coopération

décentralisée.

Des réflexions émises par Jean-Christophe Lubac dans le cadre de sa thèse

intitulée "Recherches sur les problèmes juridiques de la coopération internationale des

collectivités territoriales"39

nous sont très précieuses pour avancer dans la

compréhension du terme de coopération décentralisée. Nous nous permettons donc

d'emprunter quelque unes de ses réflexions sur la question.

38

Guide de la coopération décentralisée, op.cit., p.9. 39

LUBAC Jean-Christophe, "Recherches sur les problèmes juridiques de la coopération internationale

des collectivités territoriales", Université Toulouse 1 sciences sociales-UT1, Thèse, 30 juin 2005, 568p.

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Sur les pas de Christian Autexier, Jean-Christophe Lubac remarque à juste titre

que "coopération décentralisée" a tendance à se lire davantage en connexion avec le

terme de "décentralisation" plutôt qu'avec celui de Relations internationales, dimension

complètement étrangère à l'énonciation du terme. La coopération décentralisée peut se

comprendre comme toute forme de coopération entre territoires français :

intercommunale, interdépartementale, interrégionale, c'est-à-dire comme toute action

entretenue avec un partenaire extérieur (et non plus étranger) au territoire de la

collectivité. Jean-Christophe Lubac propose dans sa thèse d'utiliser le terme de

coopération internationale des collectivités territoriales, qui n'est selon lui, plus porteur

d'ambiguïté et donc plus compréhensible pour le citoyen. Par commodité et parce que

cela répond à une certaine construction historique, politique et juridique, nous

choisissons pour notre part de continuer à utiliser l'expression de coopération

décentralisée.

Ce terme de coopération décentralisée a conditionné et conditionne encore

aujourd'hui, à la fois la construction même de la réalité qui se joue derrière ce vocable

et son application concrète sur le terrain d'action publique. Le monde politico-

administratif des années 1980 émet par ce biais le danger que représente pour lui la

coopération des territoires. Comme nous l'avons souligné, beaucoup d'hommes

politiques ont été très réticents à l'ouverture de l'action internationale conventionnée aux

collectivités territoriales : perte de souveraineté de l'Etat et dissolution de son entité,

diplomatie parallèle qui serait difficile à contrôler, mais surtout abandon d'une

prérogative étatique que l'Etat parvenait encore à maîtriser entièrement. Cette

coopération de territoire à territoire leur ayant été "imposée", au mépris de la procédure

habituelle de décentralisation, on peut émettre l'hypothèse, qu'à leur tour, les acteurs

politico-administratifs vont dicter leur propre représentation de la coopération et par là

même façonner et structurer ce qu'elle va devenir. Parce que l'émergence d'un

instrument d'action publique est révélatrice de transformations profondes de l'action

publique, l'Etat tente, par ce biais, d'y définir sa place. En choisissant de nommer ainsi

la coopération, c'est lui-même qui se recompose (réinsertion dans une logique classique

de décentralisation) et se réorganise (comme arbitre de nouvelles scènes de

négociation).

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34

2. Autonomie ou contrainte : quand l'Etat se réorganise

Il est en effet intéressant de se pencher sur la question de l'autonomie pour

comprendre comment l'Etat va opérer sa recomposition. Cette autonomie doit se

comprendre sous deux axes : l'autonomie de projet et l'autonomie financière.

Cependant, notons avant d'entamer ce point que cette question de l'autonomie est une

question délicate et que nous ne comptons pas y répondre par cette brève illustration,

mais simplement tenter d'esquisser une amorce de compréhension de l'implication

territoriale de l'Etat dans la coopération.

LAYE Pierre, La coopération décentralisée des collectivités territoriales, Editions La lettre du cadre

territorial, Paris, septembre 2005, p.217.

Dans son ouvrage de 1995, Franck Petiteville propose un bilan financier du rôle

de l'Etat dans l'accompagnement de l'action extérieure des collectivités territoriales :

l'Etat n'est certes pas désintéressé quand il aide techniquement et financièrement les

collectivités, mais, selon lui, il ne peut réellement avoir de poids sur la conduite des

actions et des projets, parce qu'"il faut en effet préciser que, si le cofinancement étatique

peut atteindre jusqu'à 50 % du coût des projets en théorie, dans la pratique, la hauteur

moyenne des cofinancements apportés par l'Etat est plutôt de 15 %".40

Un rapport de la Direction générale de la coopération internationale réalisée en

2000 à la demande de la Commission nationale de la coopération décentralisée, propose

de faire le point sur différentes informations pratiques, chiffrées, ceci sous forme de

tableaux ou de graphiques relativement éclairants.41

Précisons que ce rapport prend la

forme d'une enquête avec envoi de questionnaires aux collectivités territoriales et a pour

objectif de faire un état des actions de coopération décentralisée. Trois plaquettes sur le

40

PETITEVILLE Franck, op.cit., p.49. 41

Actions de coopération décentralisée : étude sur l'état et les perspectives des politiques et des actions

développées par les collectivités territoriales / à la demande la de Commission nationale de la

Article 6 : financement

Les autorités délibérantes auront la responsabilité d'évaluer les moyens

humains, techniques et financiers qui nécessitera la mise en œuvre des

programmes. Tous les projets définis dans ces programmes devront impliquer

une participation financière des deux collectivités partenaires dans la limite de

leurs possibilités. Il sera également de leur responsabilité d'engager des

demandes de cofinancement auprès des organismes compétents de leurs pays

respectifs.

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pourcentage de subventions données par différents organismes pour le financement de

la coopération internationale des Régions, des Départements ou des grandes villes vont

permettre éventuellement de comprendre et d'éclairer les propos de Petiteville sur le

poids financier assumé par l'Etat. Selon cette enquête, le Ministère des Affaires

étrangères (1999), la Caisse des dépôts et les autres ministères financeraient à 41,85 %

les actions de coopération en région et à 39,4 % les actions de coopération dans les

Départements. N'ayant pas de chiffre pour l'étude sur les grandes villes, on ne peut

qu'observer le graphique, qui est tout aussi parlant et fait état d'une implication du

Ministère des Affaires étrangères à hauteur d'environ 40 à 45 %.

coopération décentralisée, étude coordonnée par Marie-Paule LAVERGNE, Direction générale de la

coopération internationale et du développement, 2000, p.49, p.57, p.70.

Contributeurs financiers de la

coopération dans les

Départements

Contributeurs financiers de la

coopération en Région

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"- Les financements peuvent être importants ?

- 30%… ou ça peut correspondre à 40% du projet, jamais plus. Nous on

demande aux associations qui nous demandent des subventions un financement

personnel. On ne subventionne jamais l'intégralité d'un projet."42

Enfin, une tentative d'évaluation de la coopération décentralisée par le ministère

des Affaires étrangères, réalisée sur dix ans et effectuée en 1993, note que si le

cofinancement est un moyen privilégié d'action pour les collectivités territoriales qui

souhaitent s'engager dans la coopération décentralisée, "cela ne veut pas dire que les

collectivités territoriales bénéficiaires auraient consacré des sommes moindres à la

coopération sans l'apport de l'Etat."43 Certes, mais sans ce financement, il semble

cependant que beaucoup de collectivités territoriales n'auraient tout simplement pas pu

mener d'action de coopération décentralisée, tant cette aide de l'Etat est primordial.

Cette même évaluation révèle que le cofinancement ainsi opéré permet également au

ministère d'observer et éventuellement d'infléchir les actions de coopération des

collectivités territoriales.

42

Entretien réalisé avec Elodie Renaudin, chargée de mission à la coopération décentralisée et aux

Relations internationales du département de la Manche (50). Entretien réalisé le 19 février 2007 à Saint-

Lô (50). 43

LAYE Pierre, op.cit., p.43.

Contributeurs financiers de la

coopération dans les Grandes Villes

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37

A partir de ces observations et citations, on constate que le poids de l'Etat dans

le financement de la coopération décentralisée est relativement lourd : c'est en effet le

premier contributeur de la coopération décentralisée des collectivités territoriales.

L'origine des financements est assez peu diversifiée : Commission européenne pour une

large part, mais également associations ou encore fonds propres des collectivités

territoriales. Sans l'aide financière de l'Etat, la coopération décentralisée ne pourrait pas

fonctionner. Peut-on considérer cela comme une limite de l'autonomie des collectivités

territoriales en matière de coopération ; comme une remise en cause de l'approche

bottom/up exposée précédemment ; comme une manière indirecte pour l'Etat de

contrôler et d'orienter la coopération décentralisée ?

Pour compléter ce point "chiffré" relatif au financement, qu'en est-il de la

perception qu'ont les différents acteurs de l'indépendance de la coopération

décentralisée dans la mise en place de ses projets sur le territoire d'action publique,

autant en France qu'à l'étranger ? Là encore, quelques éléments sont mobilisés, mais une

telle étude nécessiterait d'envisager beaucoup plus de variables et cela, dans leurs

propres contextes d'action.

Nous pouvons commencer par examiner quelques discours de ministres sur la

coopération décentralisée. Ceux-ci n'apportent pas d'informations tranchées ou d'avis

particulièrement déterminants, mais permettent de souligner quelques éléments

intéressants. Brigitte Girardin, alors ministre déléguée à la coopération, au

développement et à la francophonie, rappelle dans un discours du 3 octobre 2006

"combien l'action extérieure des collectivités locales est désormais pleinement reconnue

par l'Etat."44

Ce postulat représente un des trois points principaux de son intervention. Il

est relativement surprenant que cette considération prenne autant d'importance dans son

discours, alors que cette donnée devrait s'imposer d'elle-même, 14 ans après sa

reconnaissance législative. D'autre part, elle précise également qu'"en aucune façon,

cette note ne saurait avoir de valeur contraignante." La ministre déléguée semble une

fois de plus être porteuse d'un message incertain de l'Etat : elle paraît se défendre contre

nulle attaque et affirmer que l'Etat reconnaît aujourd'hui la coopération décentralisée et

ne veut pas la contraindre, tout en proposant ses propres orientations. Une sensation

d'imprécision se dégage de ces deux formules qui cherchent quelque part à modifier

44

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/discours_brigitte_girardin.pdf. Site consulté le 6 novembre

2006.

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l'image d'un Etat un peu trop présent. Un autre discours, toujours daté du 3 octobre, de

Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités territoriales, change quelque

peu de ton et adopte une position plus tranchée : "l'Etat a décidé […] d'afficher sa

propre vision des enjeux de la coopération décentralisée, respectueuse bien sûr de la

liberté des collectivités."45

L'Etat souhaite appuyer des chantiers qui "doivent traduire

les objectifs de la note d'orientation." Dans ces propos, la présence de l'Etat est

relativement imposante et c'est bien lui qui donne l'orientation de ce que doit être la

coopération décentralisée, ou tout au moins l'affirme fortement. La dimension incertaine

de la position de l'Etat n'est plus visible, mais au contraire on redéfinit la place cruciale

de l'Etat dans cette coopération, on ré-enclenche la dimension décentralisée de la

coopération au profit d'un contrôle plus étroit des actions menées et avec la certitude

que l'Etat, en matière de Relations internationales, sait. Notons en aparté que si l'on

conçoit la coopération décentralisée comme une compétence par essence territoriale :

qu'en est-il alors si le poids de l'Etat est trop important ? Ceci ne représente que

quelques considérations émanant de la lecture des derniers discours disponibles sur le

site du Ministère des Affaires étrangères et européennes.

D'autre part, après avoir posé à différentes reprises la question de l'autonomie

des collectivités territoriales face à l'Etat lors d'entretiens réalisés avec des chargés de

mission ou des responsables de la coopération, les interviewés ne remettaient jamais en

question leur indépendance. Certains, comme Damien Blouet, président de l'association

manchoise AD3A qui travaille avec le département de la Manche au Burkina-Faso, se

plaignent davantage de "contraintes importantes", de procédures "bureaucratiques".46

Pascal L'Huillier, chargé de mission à la coopération du Grand Lyon, explique que le

Ministère des Affaires étrangères et européennes peut financer jusqu'à 50 % de leurs

actions.

45

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/discours_brice_hortefeux.pdf. Site consulté le 6 novembre

2006. 46

Entretien réalisé avec Damien Blouet, président de l'association manchoise AD3A, qui travaille en

partenariat avec le département de la Manche (50) sur la région du sud-Ioba au Burkina-Faso. Entretien

réalisé le 2 novembre 2006 à Saint-Lô (50).

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39

"- Et le fait que vous ayez un gros financement de l'Etat, ça vous oblige à

répondre à certains critères ?

- Oui, oui, bien sûr. Il évalue nos projets chaque fois pour que nous fassions des

bilans annuels et des bilans à la fin de la coopération. Ils ont édicté tout un tas de

critères cette année. De nouveaux critères.

[…]

- Est-ce que vous vous sentez autonomes par rapport à l'Etat ou est-ce qu'il y a

des injonctions qui sont données ?

- Non, on est complètement autonomes ; sauf effectivement, quand on fait appel

à eux pour un cofinancement. […] Mais sinon, après, on fait ce qu'on veut."47

Finalement, entre une réelle sensation d'autonomie de la part des acteurs de la

coopération décentralisée, des chiffres relativement parlant sur l'implication financière

de l'Etat et des acteurs politiques ambigus sur la question de l'indépendance des

collectivités, on peut en conclure que l'Etat cherche à se re-positionner sur cette scène

locale de la coopération. L'équilibre entre collectivités territoriales et Etat reste encore

fragile et demande un effort de définition et de précision. Dans son enquête auprès des

collectivités territoriales, Pierre Laye relate leur inquiétude toujours présente de devenir

des "instruments de la politique bilatérale française."48

Cette interpénétration financière,

technique, pratique… entre Etat et collectivités suscite des questionnements sur la place

de chacun des acteurs. En effet, par ce jeu de financement et cette affichage d'une vision

de la coopération, l'Etat émet une certaine idée de ce que doit être la coopération : il

s'affiche en négociateur, en arbitre de la coopération décentralisée, puisque c'est lui qui

dispense l'argent - de manière relativement peu contraignante -, qui donne des

orientations - mêmes si elles restent indicatives - et qui va créer des scènes de

négociation où les acteurs locaux de la coopération décentralisée pourront échanger sur

leurs pratiques. Il n'est ni autoritaire ni centralisateur, mais conseiller et dispensateur de

bons conseils. L'Etat se réorganise face à l'émergence des territoires et notamment face

à l'internationalisation des territoires d'action publique.

47

Entretien réalisé avec Pascal L'Huillier, chargé de mission à la coopération du Grand Lyon (69).

Entretien réalisé à Lyon (69) le 6 février 2007. 48

LAYE Pierre, op.cit., p.47.

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41

Chapitre 2 - La place de la coopération décentralisée dans la conduite du

gouvernement local

ans ce deuxième chapitre, ce n'est plus tant la place des "grands acteurs",

Etat et collectivités territoriales, qui nous importe. Nous allons décentrer

notre regard sur les territoires eux-mêmes et comprendre ce qui se joue à ce niveau.

Puisque la coopération décentralisée s'applique aux territoires d'action publique et que

ceux-ci présentent des configurations, tant politiques, qu'historiques, sociales…

diverses et variées, il convient de comprendre comment se met en place une coopération

décentralisée sur un territoire d'action publique spécifique. Pour ce faire, nous avons

mené une enquête de terrain à partir de deux collectivités territoriales : le département

de la Manche (50) et la communauté urbaine du Grand Lyon (69). Nous avons choisi de

faire de l'hétérogénéité de ces deux collectivités, un angle privilégié de notre réflexion.

L'idée sous-jacente serait de comprendre s'il existe une sorte de modèle global de la

coopération décentralisée appliqué aux territoires, si chaque territoire possède sa propre

spécificité, avec laquelle il joue pour faire vivre son territoire sur cette scène

internationale, ou s'il existe un compromis entre spécificité et synergie. Notre première

partie sera consacrée à l'étude de ce compromis, entre modèle global et spécificité :

nous proposerons alors de réfléchir à partir d'un filtre d'analyse. Une deuxième partie

cherchera à comprendre comment la coopération décentralisée parvient à s'inscrire de

manière cohérente sur un territoire d'action publique.

Deux thématiques s'ouvrent alors à nous. Tout d'abord, nous nous posons la

question du pourquoi. Pourquoi les collectivités territoriales choisissent de mener des

actions à l'international ? Qu'est-ce qui les a décidées à s'octroyer cette compétence qui

n'était a priori pas de leur ressort et à laquelle elles n'étaient donc pas formées ? Tout

simplement : pourquoi la coopération internationale à un niveau local ? Ensuite, nous

sommes logiquement amenés à réfléchir sur le double caractère local et international de

la coopération décentralisée : dans quelle mesure la coopération décentralisée participe

du gouvernement des territoires ?

D

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42

I. Construire un filtre pour analyser deux terrains d'enquête spécifiques :

entre spécificités et trame commune

Si l'on refuse une idée trop globale de la coopération décentralisée, émanant d'un

modèle pensé en amont, tout en cherchant à dépasser une analyse micro de la

coopération à partir d'un terrain d'enquête, il nous faut trouver un dispositif permettant

de penser la coopération décentralisée à partir de plusieurs terrains : la notion de filtre

d'analyse a semblé répondre à nos questionnements méthodologiques. Deux terrains

d'enquête ont retenu notre attention : le département de la Manche et la communauté

urbaine du Grand Lyon. Pourquoi n'est-il pas incohérent de travailler à partir de ces

deux collectivités à première vue très éloignées en termes de statut, de moyens,

d'envergure… ? Et en quoi, justement, l'altérité et l'antinomie de ces deux terrains sont

créatrices d'une appréhension plus globale et plus riche de la coopération décentralisée ?

Il n'y a donc bien sûr aucune volonté comparative dans cette démarche ; nos deux

terrains d'étude seront analyser de manière indépendante.

1. Filtre d'analyse général pour territoires distincts

a) Pourquoi un filtre d'analyse ?

Dans notre premier chapitre, nous avons exposé et explicité ce que nous

pourrions appeler un cadre d'analyse théorique et général concernant la territorialisation

de l'action publique, à partir duquel nous allons désormais tenter de "situer" la

coopération décentralisée et son implication dans le gouvernement des territoires.

Aujourd'hui, il n'y a pas un modèle qui puisse s'imposer, pas une façon d'appréhender le

territoire que l'on pourrait multiplier à l'ensemble des collectivités françaises. Chaque

territoire a sa spécificité, sa manière d'appréhender les questions publiques, de capter les

financements, de négocier, de s'internationaliser… S'il n'y a pas actuellement de modèle

explicatif qui pourrait définir l'ensemble des configurations territoriales possibles, nous

devons donc adopter une autre démarche pour tenter de "lire" nos deux territoires.

L'idée d'un "filtre" analytique est intéressante car, à l'inverse du modèle qui s'impose

comme un référant, le filtre se comprend comme une trame générale de compréhension

du gouvernement local actuel dans sa diversité. La coopération décentralisée serait alors

comprise comme une énigme, une catégorie analytique à décrypter et à comprendre. Le

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filtre propose de poser une question générale à la réalité, d'adopter un point de vue sur

ce qu'est la coopération décentralisée, mais il va surtout nous aider à comprendre la

spécificité de nos deux terrains d'enquête sans les opposer entre eux. En d'autres termes,

étudier deux terrains distincts va permettre à la fois de définir des données communes à

ces territoires - qui pourront partiellement expliquer le filtre du gouvernement local -

mais également des spécificités propres à chacun. Finalement, le choix des territoires

étudiés pourrait être tout autre.

b) Présentation générale des deux terrains d'enquête

Comme nous l'avons exposé en introduction, deux méthodes ont été utilisées

pour cerner nos deux terrains d'enquête : l'entretien par questionnaire et dans une

moindre mesure, la méthode archivistique. C'est cette seconde méthode qui va nous être

utile ici pour présenter nos deux terrains d'enquête et c'est parce que nous cherchions à

cerner les politiques menées sur chacun des territoires que ce travail nous a semblé

indispensable. Ce travail d'archives a été réalisé à partir de la lecture de deux revues

mensuelles locales - En Direct du Conseil général de la Manche et Grand Lyon

Magazine - du début de l'année 2005 à 2007. Quelques Bulletins des élus locaux ont

également été mobilisés dans un souci de mise en perspective plus générale. Ces revues

sont spécifiques à chaque territoire d'action publique et traduisent ce sur quoi il y a

médiatisation et réussite ; nous sommes conscients de cette limite, mais il nous a semblé

intéressant de composer avec elle. Que ressort-il de la lecture de ces revues locales ?

Quelles lignes politiques chacun des territoires semble vouloir suivre ? Ou en tout cas,

quelles sont celles sur lesquelles il y a médiatisation ? Dans les lignes qui suivent, nous

avons essayé de "dessiner" nos deux territoires à partir de la lecture de ces revues

locales.

Trois thématiques semblent mobiliser l'attention du département de la Manche :

le tourisme, le numérique et le social. La Manche cherche d'une part à soigner son

image touristique de territoire géographiquement enclavé : c'est un Département qui

travaille sur la médiatisation de ses atouts culturels, patrimoniaux, portuaires,

balnéaires…49 Une importante campagne en ce sens a été menée notamment par le biais

49

"La Manche : ponton sur l'océan", En Direct du Conseil général de la Manche, n°19, septembre 2006.

"L'éco-tourisme", En Direct du Conseil général de la Manche, n°13, février 2006.

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d'affichage dans les métros rouennais et parisiens durant l'année 2006. Le numérique

ensuite est un thème récurrent des En Direct : le Département semble vouloir en faire

un atout pour s'ouvrir sur l'extérieur et faire venir des entreprises.50 Enfin, c'est le

domaine social qui occupe une large place dans les préoccupations affichées du Conseil

général de la Manche : un nombre important de politiques mises en place sont destinées

aux jeunes, aux handicapés, à la petite enfance…51

A travers Grand Lyon Magazine, la communauté urbaine du Grand Lyon

médiatise sur les grands projets accomplis ou à venir de l'agglomération52, sur

l'attraction en termes touristiques, artistiques, créatifs, économiques (pôles de

compétitivité, biennales de danse et d'art contemporain, ateliers d'artiste, création

d'entreprises…) que représente le Grand Lyon, sur sa tradition humaniste, solidaire et

dynamique53, sur son envergure internationale…54 Le projet "Lyon 2020" par exemple,

pilotée par le Président du Grand Lyon et associant élus, acteurs et territoires, cherche à

accroître la visibilité internationale de la communauté urbaine de Lyon et "favoriser un

sentiment de fierté et d'appartenance au territoire des habitants" autour de huit thèmes

caractéristique de l'agglomération lyonnaise dont la solidarité, la gastronomie, la

lumière, le cinéma et les nouvelles images, la danse et les arts vivants…55

2. Mise en perspective analytique des deux terrains d'enquête

a) Entre justification d'un territoire…

Si l'on considère ces éléments distinctifs, présentés ci-dessus et propres à

chacune des deux collectivités, et que l'on croise ces données avec les entretiens réalisés

autant dans le département que dans la communauté urbaine, on peut amorcer quelques

pistes de réflexion. Il ressort de cette mise en perspective que le département de la

50

"L'Internet : haut débit pour tous", En Direct du Conseil général de la Manche, n°2, janvier 2005.

"2006, le haut débit pour tous", En Direct du Conseil général de la Manche, n°12, janvier 2002. "Les

routes du haut débit sont ouvertes", En Direct du Conseil général de la Manche, n°24, février 2007. 51

"Personnes handicapées : pour un autre regard", En Direct du Conseil général de la Manche, n°9,

octobre 2005. "Un budget pour tous", En Direct du Conseil général de la Manche, n°25, mars 2007. 52

"Les grands projets réalisés. Les grands projets accomplis", Grand Lyon magazine, n°18, janvier 2007. 53

"Une ville en mouvement", Grand Lyon magazine, n°20, juin 2007. 54

"La métropole s'affiche à l'international", Grand Lyon magazine, n°19, avril 2007. 55

"Utiliser les poubelles vertes pour sauver la planète bleue", Grand Lyon magazine, n°14, mars 2006,

p.5.

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Manche semble souffrir d'un déficit de reconnaissance, tant intrinsèque qu'extérieur à

lui-même. C'est un trait caractéristique qu'il convient de préciser parce qu'il pourra être

par la suite révélateur de logiques d'action particulières et expliquer la mise en

application de telle ou telle action de politique publique. Alors que la communauté

urbaine du Grand Lyon communique sur ses projets et ses ambitions réussies, le

département de la Manche cherche sans cesse à se justifier : justifier son histoire, son

patrimoine, sa culture, ses paysages…

"Il y a toute une politique touristique dans la Manche, […] on essaie de faire la

promotion du territoire. En fait dans la coopération décentralisée moi je vois deux

choses qui sont essentielles pour le Manche, […] c'est un de dire ceux qui ne

connaissent pas la Manche regardez comme c'est beau parce qu'il y a des territoires qui

sont incroyables et il y a de plus en plus de musées qui sont parfaitement structurés, il y

a un patrimoine qui est bien conservé, […] et surtout pour les gens qui sont ici de se

rendre compte de ce qu'ils ont […]. On a l'impression que oui on a ça, mais ils

dévalorisent beaucoup, alors que si on fait la promotion de notre territoire ailleurs et

qu'il y a des gens qui viennent voir et qui sont effectivement émerveillés, ça mettra

peut-être les gens d'avantage en confiance avec leur propre territoire pour le mettre en

valeur et puis se rendre compte qu'ils sont au milieu d'une petite merveille, quand

même."56

Une piste s'amorce ici sur le pourquoi la coopération décentralisée. Certaines

raisons qui poussent un territoire à s'internationaliser sont plus évidentes que d'autres et

composent de manière plus directe le filtre d'analyse qui nous sert de fil directeur, mais

nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long de cette deuxième partie. Dans cet

exemple, il est nécessaire voire indispensable de comprendre le territoire sur lequel on

travaille si l'on veut dégager des raisons à son internationalisation. La volonté de

développer un sentiment de fierté et d'appartenance des habitants à un territoire d'action

publique, n'est pas un élément typique du département de la Manche, puisqu'on le

retrouve également dans la communauté urbaine du Grand Lyon, mais ce besoin de

justification d'un territoire est tout à fait particulière de cet espace géographique et

politique. La coopération décentralisée comme énigme devient alors un enjeu de cette

justification : il faut trouver ailleurs ce qui peut nous porter ici.

56

Entretien réalisé avec Elodie Renaudin, op.cit.

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Dans une autre mesure, alors même que la communauté urbaine du Grand Lyon

s'affiche comme un territoire moteur, elle reste sans cesse en confrontation avec d'autres

territoires (notamment Paris) et dans une position de défense de sa spécificité

provinciale. On retrouve alors cette idée de justification de son territoire.

"Lyon est la ville française la plus dynamique à l'international, on est même je

dirai plus dynamique que Paris à l'international, on a plus de gens qui travaillent à

l'international à Lyon qu'à Paris, on fait plus de choses à Lyon qu'à Paris. Alors à Paris,

les choses viennent naturellement, c'est-à-dire que toutes les ambassades des pays

étrangers sont à Paris, quand il y a une délégation étrangère, un président ou un premier

ministre et bien il va à Paris, mais ils viennent pas voir le maire de Paris forcément, il

ne font rien avec la ville de Paris pour autant. Nous quand on a un président ou un

premier ministre qui vient à Lyon, c'est pour voir Lyon, pour voir le maire de Lyon,

c'est travailler avec Lyon, c'est pas une visite obligée, c'est un choix. Donc en France,

on est clairement la ville la plus dynamique à l'international."57 Charles-Henri Malecot,

Directeur des Relations internationales de Lyon, affiche ici une volonté ferme d'être une

incontournable second city, un modèle de ville qui réussit son internationalisation. La

confrontation avec Paris se manifeste directement et, ne pouvant rivaliser avec la

capitale, Lyon se défend de ses spécificités locales de ville provinciale dynamique.

Charles-Henri Malecot cherche-t-il à affirmer son territoire pour réussir son

internationalisation ou s'internationaliser pour justifier son territoire ? Il n'y a

certainement pas de réponse nette à cette question car ces deux éléments s'imbriquent,

se répondent et progressent ensemble dans un processus voulu d'internationalisation

réussie, dans lequel s'intègre la coopération décentralisée. Nous y reviendrons

cependant. A noter que, quand bien même le Grand Lyon entretient de riches et

fructueuses coopérations avec l'étranger, il nous a été parfois difficile de distinguer

coopération décentralisée et internationalisation, tant cette dernière logique occupe une

place de choix dans la démarche d'ouverture du Grand Lyon. Nous n'irons pas jusqu'à

dénoncer un chevauchement de ces deux logiques, mais la question reste soulevée d'une

coopération décentralisée quelque peu phagocyter par ce souci toujours croissant

d'internationalisation. C'est en cela qu'il nous a semblé indispensable de faire un détour

par la notion d'internationalisation des territoires d'action publique, pour comprendre

57

Entretien réalisé avec Charles-Henri Malecot, Directeur des Relations Internationales de Lyon (69) à

Lyon le mardi 24 avril 2007.

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cette logique à une échelle plus large, dans laquelle s'inscrit la coopération

décentralisée.

b) … et construction territoriale

Revenons un instant sur cette idée de construction d'un territoire comme espace

symbolique d'appartenance, parce qu'il nous semble que la coopération décentralisée

joue un rôle relativement important dans cette construction. Ce sont les élus qui sont

directement impliqués dans cette dynamique de construction territoriale, ce sont eux qui

vont donner du sens au territoire d'action publique. Nous pouvons nous référer aux

travaux réalisés sur le leadership politique et notamment à un article de Pôle Sud réalisé

sur le thème : "Qui gouverne les villes ?"58

Cette idée de leadership politique cherche à

combiner deux dimensions du pouvoir local : d'une part, la place des élus et leur

implication dans l'élaboration des politiques publiques locales et d'autre part, leur

activité de représentation politique sur leur territoire d'action publique. Une des

manières pour eux d'appréhender l'action publique locale est de se pencher sur la

construction d'un imaginaire collectif mis en relation avec l'espace politique d'action

publique. Choisir politiquement d'internationaliser son territoire participe, à notre avis,

de la construction symbolique du territoire et c'est une façon pour l'élu de jouer à la fois

sur le terrain de l'action publique - volonté de la coopération décentralisée d'être

cohérente sur le territoire d'action publique - et sur celui de sa légitimité politique -

définition d'un "imaginaire spatial"59

: la coopération décentralisée participe de la

construction d'une collectivité territoriale solidaire, humaniste, ouverte sur le monde et

dynamique.

58

GENIEYS William, SMITH Andy, BARAIZE François, FAURE Alain, NEGRIER Emmanuel, "Le

pouvoir local en débat", Pôle Sud, n°13, novembre 2000, pp.103-119.

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Entretien de Gérard Collomb, Président de la Communauté urbaine du Grand Lyon, "La ville entre en

danse du 9 septembre au 30 septembre", Grand Lyon magazine, n°16, septembre 2006, p3.

Ce discours de Gérard Collomb est révélateur de cette volonté de construire du

social, de construire de l'identité sur un territoire donné, de construire une communauté

dans laquelle on va pouvoir se retrouver. Les élus vont ainsi chercher à construire une

image de leur collectivité territoriale - image dans laquelle on va pouvoir se reconnaître,

image que l'on va pouvoir exporter, image de marque et de promotion territoriale,

image qui façonne une collectivité territoriale et ses habitants… Pour amorcer un débat

critique vis-à-vis de ce discours, sans nous y attarder, car ce n'est pas notre propos ici,

notons, à l'instar de Christian Le Bart, que le discours politique vise avant tout à faire

croire qu'il existe une communauté dont les politiques sont les représentants, les porte-

paroles. Le discours politique cherche à construire le groupe et à imposer des identités :

l'essentiel est de partager des valeurs en commun.60

c) La coopération décentralisée : une internationalisation stratégique

Le principe fondateur de la coopération décentralisée repose sur la réciprocité

des intérêts entre deux collectivités partenaires. La définition de la réciprocité par le

droit international suppose une égalité des obligations.61

Quand bien même les réalités

sont souvent plus complexes que cette simple relation de donnant / donnant entre

territoires et que l'idée prédominante reste celle du partage d'engagements, l'ambition

59

Ibid, p.113. 60

LE BART Christian, Le discours politique, Que sais-je ?, Paris, 1998. 61

LAYE Pierre, op.cit., p.43.

Les Biennales et les Journées du patrimoine sont devenues des événements

métropolitains fortement soutenus par le Grand Lyon. Dans quels objectifs ?

Avant tout, parce que ces manifestations sont porteuses d'une identité

d'agglomération. Elles répondent au besoin profond de chacun d'appartenir à une

communauté de vie, de valeurs, de destin, au-delà du simple fait d'habiter au même

endroit. Prenez le défile de la Biennale de la danse : il est devenu un véritable rituel et

un symbole de notre métropole, de la curiosité et de d'appétit de rencontres de ses

habitants. De même, les Journées du patrimoine contribuent à faire découvrir ou

redécouvrir une histoire commune et à façonner une mémoire partagée. La force de

ces événements est aussi de montrer le formidable potentiel de modernité, de

dynamisme et de créativité que recèle la métropole lyonnaise. Ils sont de véritables

atouts pour le rayonnement de Lyon, et forment un ciment populaire et festif propice

à la cohésion sociale.

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est de tendre vers une certaine réciprocité d'intérêts (sociaux, culturels,

économiques…).

Les collectivités territoriales qui s'inscrivent dans une démarche

d'internationalisation de leur territoire attendent différents retours de la signature de

conventions de coopération décentralisée. De manière non exhaustive, on peut établir

une liste des objectifs généralement recherchés - certains d'entre eux ont déjà été

mentionnés plus haut - :

- les collectivités territoriales engagées dans des actions de coopération décentralisée,

espèrent des impacts économiques intéressants sur leur territoire, avec implication

d'entreprises locales dans les actions menées ;

- elles souhaitent ainsi construire une certaine image de leur territoire, sur laquelle

elles médiatiseront ;

- l'implication de personnel administratif local dans la coopération décentralisée

incite au renouvellement des pratiques professionnelles. La coopération décentralisée

devient alors un "outil de management pour les fonctionnaires territoriaux"62

;

- la coopération décentralisée fournit l'occasion de confronter les citoyens aux réalités

du monde contemporain et de favoriser l'intégration sociale.63

Les deux premiers points sont grandement imbriqués et se retrouvent par

exemple, de manière évidente sur le territoire lyonnais. Dans les années 1970, la

DATAR (Délégation à l'Aménagement du territoire et à l'action régionale) établit des

réseaux d'entreprises désirant s'internationaliser et bénéficier d'un soutien financier et

technique en ce sens. Plusieurs raisons sont avancées pour adhérer à cette logique : dans

le cadre de la décentralisation, de plus en plus de compétences économiques sont

déléguées aux collectivités territoriales, qui doivent être capable de répondre aux

besoins ; les territoires sont amenés à être de moins en moins tournés vers un centre fixe

national et régulateur et vont devoir faire face à la concurrence internationale et aux

mobilités potentielles. A ces raisons d'ordre purement économique, s'ajoutent des

motivations plus politiques comme la création d'emploi, la redynamisation de

l'économie locale, la possibilité financière de soutenir la recherche universitaire et le

62

Ibid, p.46. 63

Idem.

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développement technologique.64

En effet, on le sait, la coopération décentralisée doit

représenter un certain intérêt local pour la collectivité et ses habitants : la dynamique

économique et ce qu'il en découle s'inscrit bien dans cette logique. Antoine Vion

souligne que les fonctionnaires territoriaux en charge de l'internationalisation, soucieux

d'être des acteurs du développement local, insistent sur la rationalisation de leurs

actions et leur capacité à valoriser économiquement l'espace comme un atout majeur

pour la collectivité. "L'attractivité internationale des [territoires] est ainsi devenu l'enjeu

des paris sur le retour de l'investissement public et l'un des principes de classification et

de hiérarchisation des priorités d'action publique."65

Les territoires d'action publique

doivent donc se montrer attractifs et dynamiques pour attirer et fidéliser entreprises,

chercheurs, étudiants…

Comment définit-on un territoire à l'international ? Une première démarche pour

comprendre le territoire à l'international peut-être objectivante ou équipementière. Cette

posture définit les critères d'une ville à l'international : quels sont les équipements dont

une ville doit se munir pour prétendre détenir ou conserver une place à l'international

(hôtels, palais des congrès, restaurants…) ? Cette approche est développée par

Panayotis Soldatos qui propose une typologie des principaux éléments qui constituent

une ville à l'international pour ensuite les hiérarchiser et les classer selon des critères

essentiellement objectifs66

. Son étude est composée de multiples caractéristiques

répertoriées qui doivent permettre à une ville d'évaluer sa situation. Il définit un "tissu

conjonctif"67

favorable à l'internationalisation qui comprend les données suivantes : la

géographie, les hommes et leur culture, les communications, les services,

l'environnement socio-politique et l'économie.

64

VION Antoine, "Au-delà de la territorialité : l'internationalisation des villes ?", AFRI, vol II, 2001,

p.362-375. 65

Ibid, p.372. 66

SOLDATOS Panayotis, Les nouvelles villes internationales : profil et planification stratégique,

Serdeco, Aix-en-Provence, 1991. 67

Ibid, p.51.

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SOLDATOS P., Les nouvelles villes internationales : profil et planification stratégique,

Serdeco, Aix-en-provence, 1991, pp.17-18.

Tableau I

Le profil international moderne des villes

(traits cumulatifs)

Une ville internationale moderne :

1. est dans une position géographique d'ouverture au monde ;

2. accueille des facteurs de production en provenance de l'étranger (investissement

étranger, main-d'œuvre étrangère, etc…) et des flux de commerce (marchandises et

services) ;

3. est l'hôte d'institutions étrangères et internationales (firmes, banques et diverses autres

institutions socio-économiques, culturelles et scientifiques ; organisations

internationales, y compris des OING ; institutions scientifiques étrangères – écoles,

universités, etc… ; consulats et autres représentations diplomatiques, commerciales,

touristiques ; etc…)

4. exporte des facteurs de production et ses institutions économiques (firmes, banques,

etc…), sociales, culturelles et scientifiques ont une présence (filiales, succursales,

bureaux) à l'étranger ;

5. a une multiplicité de communications sociales avec l'étranger (de tourisme, postales,

téléphoniques, etc…)

6. est directement reliée, par des moyens de transport et de communications en général,

avec l'étranger ;

7. a un secteur de services tourné vers l'international et offrant un système de soutien aux

acteurs étrangers ou internationaux (palais de congrès, palais d'expositions, hôtels,

écoles internationales, bureaux de professions libérales à dimension internationale –

grands bureaux de droit international, d'arbitrage international, de comptables, etc…) ;

8. a des mass media d'un rayonnement et d'une diffusion internationaux ;

9. accueille, de façon régulière, des rencontres et autres types d'activités internationales

(congrès, expositions, festivals, rencontres sportives, etc…) ;

10. abrite des institutions nationales, régionales ou locales (outre celle sous le n°7) de

réputation internationale ou actives dans le domaine des relations internationales

(associations et autres clubs de relations internationales, grandes instituions nationales,

notamment socio-économiques et scientifiques, à portée internationale, etc…) ;

11. déploie une paradiplomatie urbaine (municipale ou privée), appuyée sur des services

spécialisés de relations internationales et des stratégies d'internationalisation ;

12. a des ententes (accords, protocoles, jumelages, alliances stratégiques, etc…) avec des

acteurs étrangers ou internationaux et participe à des réseaux internationaux de villes ou

d'institutions de villes ;

13. a une population d'une composition ethnique diversifiée.

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Cette approche peut être nécessaire dans la mesure où elle permet à une

collectivité territoriale de se positionner sur la scène internationale : elle peut inciter une

collectivité à se développer économiquement (volonté de faire venir des entreprises sur

son territoire et de les fidéliser par exemple), à jouer de ses atouts et de ses différences

(richesse du patrimoine, proximité maritime…), à faire montre des avantages

compétitifs dont elle bénéficie (en termes d'accueil de chercheurs et d'étudiants par

exemple)… Classer les collectivités participe tout simplement de leur promotion

internationale. C'est la volonté de rationaliser l'action publique territoriale qui est ici en

jeu : cela apparaît de plus en plus comme un but à atteindre par les collectivités, et

l'internationalisation est indéniablement un domaine d'application de cette gestion

rationnelle. Cette approche de Soldatos s'applique de façon assez nette en ce qui

concerne l'internationalisation du Grand Lyon, qui se positionne comme un territoire

"avant-gardiste", "modèle" ou tout au moins qui se veut modèle et précurseur de

dynamiques plus larges, porteuses d’avenir et pérennes.68

Lyon cherche ainsi à se hisser

au rang d'incontournable "second cities", aux côtés de Barcelone, Munich, Milan,

Prague, Manchester… Barcelone, par exemple, est devenu une importante second city

par le biais des Jeux Olympiques de 1992 : les installations réalisées pour accueillir

l'événement ont dessiné le nouveau visage d'une ville ouverte, dynamique, agréable à

vivre et œuvrant pour la culture. D'autre part, les JO de 1992 ont également enclenché

un processus de concertation entre acteurs, d'institutionnalisation des relations entre "la

Chambre de Commerce, les représentants du patronat et des syndicats, l'agence de

développement économique, le port et l'université".69

Barcelone a réussit à fédérer les

acteurs urbains autour de la thématique d'internationalisation, comprise comme un atout

dans un contexte de compétition urbaine croissante.

La coopération décentralisée s'inscrit dans cette démarche d'internationalisation

croissante des territoires d'action publique, parce qu'elle entraîne la venue et l'envoi de

68

"Utiliser les poubelles vertes pour sauver la planète bleue", Grand Lyon magazine, n°14, mars 2006,

p.8. Lyon, à l'initiative des transports doux Vélo'V, "Lyon en tête des villes françaises en matière de

création d'entreprises". "L'agglo en grand, épisode 1 : l'Amphithéâtre", Grand Lyon magazine, n°15, mai

2006, p.7. "Lyon, valeur sûre" pour l'investissement économique, "Lyon, ville de l'entrepreneuriat" pour

les candidats à la création d'entreprise. "La métropole s'affiche à l'international", Grand Lyon magazine,

n°19, avril 2007, p.13. Création de deux labels intéressants : "Lyon 2020", projet d'avenir et de réflexions

communes sur le long terme, qui s'articule autour de huit thématiques ; ONLY LYON : volonté de mettre

en synergie les compétences, les richesses, les talents du territoire pour n'exposer à l'extérieur qu'une

seule identité organisée et stratégique. 69

PINSON Gilles et VION Antoine, "L'internationalisation des villes comme objet d'expertise", Pôle

Sud, n°13, nov 2000, p.93.

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professionnels ou d'acteurs de la société civile (présidents d'association, jeunes en

formation, étudiants…), la permanence d'une dynamique territoriale, le souci de

renouveler sans cesse ses méthodes et de les questionner par le biais de la confrontation

internationale et d'être l'hôte à la fois de conférences ou colloques internationaux, mais

également de sièges sociaux d'organismes à dimension européenne ou internationale.70

"Carnet de retours de voyages. Les résultats et les retombées pour Lyon, de ses missions

internationales", Ville et Lyon et Grand Lyon, p.8.

D'autre part, la coopération décentralisée est soumise de plus en plus à des

procédures d'évaluation de la part d'organismes nationaux ou européens. Il ne convient

plus uniquement d'entretenir une relation lointaine et légère, mais bien de construire une

coopération qui a du sens, est valorisable sur les scènes nationale, européenne et

internationale et est capable de respecter ses engagements, de les pérenniser voire les

développer.71

Après cette présentation croisée des éléments qui composent le filtre d'analyse -

justification et construction d'un territoire, affirmation rationnelle d'une nécessaire

internationalisation -, appliquée à nos deux terrains d'enquête, nous allons désormais

nous attacher à définir l'inscription locale de la coopération décentralisée, en d'autres

termes, comment la coopération décentralisée parvient à s'inscrire de manière cohérente

sur un territoire d'action publique.

70

"Lyon internationale", Rapport d'activité, Direction des Relations internationales de Lyon, janvier

2005-septembre 2006. 71

Un bureau d'évaluation a été crée au sein de la Direction générale de la coopération internationale et du

développement (DGCID), Ministère des Affaires étrangères.

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/ministere_817/publications_827/cooperation-internationale-

developpement_3030/serie-evaluations_4632/index.html

Particulièrement dynamique dans le domaine de la création

d'entreprises, de l'émergence de pôles de compétitivité (Lyon Biopôle par

exemple), du tourisme d'affaire, dans la mise en place de grands projets

urbains… le Grand Lyon se nourrit de ses coopérations avec les villes du Nord

: une délégation du Grand Lyon s'est par exemple rendu à Birmingham pour

s'inspirer d'un réaménagement de quartier en pépinière d'entreprises de création

et cherche à transposer cette idée sur son territoire.

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II. Entre local et international : quand la coopération décentralisée fait naître

un territoire d'action publique

Cette partie vise à montrer en quoi la coopération décentralisée va participer du

gouvernement local en s'immisçant de manière pertinente sur un territoire d'action

publique. La coopération décentralisée, comme nous l'avons vu en première partie, a

cela de particulier qu'elle est issue de la tradition des jumelages vus par Antoine Vion

comme "des points d'appui de la perpétuation d'un ordre social local."72 On peut alors en

déduire que la coopération décentralisée va se nourrir de cet héritage pour construire sa

propre existence au sein du territoire d'action publique. C'est avant tout sur l'idée de

"captation locale"73 que nous souhaitons nous pencher pour expliciter cette inscription

locale de la coopération décentralisée appliquée à nos deux terrains d'enquête ; pour

ensuite aborder la question critique de la sensibilisation de la population à cette

internationalisation des territoires.

1. Mise en place d'une coopération décentralisée qui traduit à l'international des

éléments de politiques publiques locales

a) Approche sociologisée de l'action internationale des collectivités

territoriales

La science politique va chercher à sociologiser l'approche équipementière de

Soldatos en envisageant l'internationalisation comme volonté politique : un territoire est

vu comme un acteur collectif à la fois privé et public, qui va mettre en place ses

stratégies d'internationalisation. Nous allons tenter, à l'instar de cette approche

sociologisée, de comprendre les différentes logiques d'internationalisation d'un territoire

en se positionnant plus en amont, c'est-à-dire en repérant le processus de construction

de cette internationalisation. Gilles Pinson et Antoine Vion sont à l'origine d'une des

premières contributions françaises sur l'internationalisation des villes. Ils se penchent

sur "L'internationalisation des villes comme objet d'expertise"74

: l'expert tente de

diffuser des modèles de villes qui ont réussi leur internationalisation ; cependant, ils ne

cherchent pas à promouvoir l'homogénéisation de cette internationalisation. Pinson et

72

VION Antoine, op.cit., p.367. 73

PINSON Gilles et VION Antoine, op.cit., n°13, nov 2000, p.86. 74

Ibid, pp.85-102.

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Vion stipulent qu'il n'y a pas "mimétisme institutionnel", mais "captation locale"75

:

chaque territoire va élaborer sa propre internationalisation en fonction de ses

spécificités locales, des attentes sociales, des actions politiques…

"L'internationalisation est, de manière croissante, le fruit d'une production locale

unissant institutions publiques et institutions de la société civile, le produit d'un effort

collectif de réinterprétation du territoire."76

Cette idée d'internationalisation comme

participant au processus de construction locale, de production locale et collective

(acteurs publics et institutionnels, privés, appartenant à la société civile, autres

collectivités territoriales…) d'un territoire, va nous permettre d'avancer dans la

compréhension de l'internationalisation comme volonté politique : l'internationalisation

doit faire sens sur un territoire donné ; elle est elle-même construction et processus.

Cette idée s'inscrit dans celle, avancée plus haut, de territorialisation de l'action

publique. L'expertise sert de trame de fond pour se situer, et sur cette trame, chaque

ville occupe une place spécifique et originale : elle est une production socio-politique.

b) Captation locale ou quand la coopération décentralisée rime avec

politiques publiques locales : l'exemple du département de la Manche

En vue de justifier ce point sur la captation locale des éléments

d’internationalisation, nous avons choisi de présenter de manière plus approfondie un

de nos deux terrains d’enquête : le département de la Manche. Cette étude aurait tout

aussi bien pu être menée sur la communauté urbaine du Grand Lyon et c’est pour cette

raison que nous en présenterons également des éléments.

Présentation générale

Le département de la Manche mène différentes actions vers l'étranger, mais

n'entretient véritablement qu'une seule coopération décentralisée régie par la signature

d'une convention de coopération et ce, avec la province d'Alba en Roumanie. Les

actions qu'il mène d'autre part s'apparentent plus à de l'aide aux associations sur des

projets concrets. Le Département est dans ce cas un "facilitateur d'initiative"77, mais n'a

75

Ibid, p.86. 76

Ibid, p.99. 77

Entretien réalisé avec Gilles Quinquennel, vice-président du Conseil général de la Manche en charge

de la Commission coopération décentralisée, à Saint-Lô, le 19 février 2007.

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pas signé de convention avec les pays partenaires, donc ces actions n'entrent pas

directement dans le cadre de la coopération décentralisée. Une collectivité peut choisir,

au sein d'une convention, de déléguer une partie de ces activités à des associations

locales, dans ce cas, on parle de coopération décentralisée, parce qu'un accord a été

signé entre les deux collectivités étrangères. Ici, ça n'est pas le cas, mais nous nous

pencherons cependant sur ces actions, car elles font partie du domaine des Relations

internationales du Département – dont l'envergure est limitée – et qu'elles pourront

déboucher à terme sur des accords de coopération, notamment avec le Burkina-Faso,

dont le partenariat fonctionne très bien et depuis longtemps.

MAROC

Hormis avec la province d'Alba, une convention de coopération a été signée

avec le gouverneur de Ouarzazate, mais elle soulève de nombreux problèmes. "En fait,

avec le Maroc, ce qu'il s'est passé, c'est qu'il y a quelques années, une convention de

coopération a été signée entre le gouverneur de Ouarzazate et le Président du

département de la Manche. […] Mais le Maroc est un pays qui est encore très

centralisé, donc, déjà pour signer la convention, ça avait déjà été difficile, parce qu'il

fallait demander l'accord de toutes les strates politiques pour arriver à ce que ce soit fait

et en plus, il y a eu un changement de gouverneur, donc les relations se sont

complètement stoppées pour l'instant, depuis deux ans. Mais on insiste."78

Le département de la Manche s'accroche à cette convention parce qu'il y a sur le

territoire départemental des associations manchoises impliquées au Maroc. C'est

notamment par le biais de l'association "Maroc en Cotentin" que les relations restent

ainsi soudées. Gilles Quinquennel, vice-président du Conseil Général de la Manche, en

charge de la Commission coopération décentralisée, explique que c'est une association

présidée par un enseignant marocain installé en France et qui rassemble des familles

marocaines venues travailler en France à l'occasion des grands chantiers de la Hague.

"Ils sont de chez nous maintenant ces gens là, ils habitent Cherbourg, ils vont chez eux

en vacances une fois par an en été, c'est tout. Ils ont des enfants, ils sont français. Ils

sont un peu paumés en France. Ils avaient un peu perdu leurs racines, un peu comme ça

se fait dans les banlieues. Ils ont monté l'association, ils sont venus nous voir au début

pour nous demander des sous, comme toujours quoi. Ils avaient une idée qu'ils ont

78

Entretien avec Julie Lemeltier, stagiaire au Conseil général de la Manche, à Saint-Lô, le 31 août 2007.

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toujours d'ailleurs c'est de monter une maison du Cotentin au Maroc, dans leur village,

qui serait ouverte sur l'extérieur, un truc pour les jeunes marocains du coin là-bas ; ils

veulent faire des petites choses pour chez eux, ils sont encore de là-bas. Ça nous a

séduit, on a trouvé ça intéressant, en même temps ils ont du mal à s'organiser."79 Autour

de ce projet, qui n'est pas encore mis en place à cause du gel des relations mentionné ci-

dessus, s'organise tout un réseau de rencontres, de débats avec les Marocains isolés

installés dans la Manche. C'est une démarche qui s'installe également avec les

Roumains de la Manche qui, peu à peu, crée des "Groupes Roumanie" de discussion :

"Je n'imaginais pas qu'on puisse s'intéresser à la Roumanie sans s'intéresser aux

roumains de chez nous."80

Les relations avec le Maroc ne vont pas plus loin pour le moment, mais cette

idée d'intégration sur son propre territoire d'une population d'un pays avec qui on

souhaite (ré-)engager un partenariat fait partie des motivations énoncées par le Guide de

la coopération décentralisée. Celle-ci est intitulée "Action d'intérêt social et politique" :

"Une action de coopération décentralisée peut aussi avoir, en France, un impact au plan

social, particulièrement en matière de lutte contre les exclusions."81 Cette dimension

sociale est également une des priorités politiques du département de la Manche affichée

par les En Direct du Conseil Général de la Manche et que l’on retrouve dans les

budgets 2006-2007. Le Conseil général de la Manche a structuré ses interventions

autour de quatre axes :

- les infrastructures (routes et haut débit)

- le social (enfance, famille et santé, handicap, insertion, personnes âgées)

- l'économie (agriculture, pêche, artisanat, commerce, industrie, tourisme)

- la jeunesse et le cadre de vie (formation, sport, culture et environnement)82

L'intérêt de ce rapprochement n'est pas d'évaluer l'investissement du pôle

Relations internationales dans le domaine social, mais de signifier le parallèle qui existe

entre des axes prioritaires de politiques d'une collectivité et les actions qu'elle mène à

l'international.

79

Entretien avec Gilles Quiquennel, op.cit. 80

Idem. 81

Guide de la coopération décentralisée, op.cit., p.23. 82

"Le budget du département", En Direct du Conseil général de la Manche, n°14, mars 2006, p.2.

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BURKINA-FASO

Poursuivons dans ce domaine social avec les actions menées par l'association

AD3A dans le Sud-Ioba au Burkina-Faso. Aucune convention de coopération n’a

encore été signée entre la Manche et le Sud-Ioba (bien que cela semble devoir voir le

jour dans le courant de l’année 2008) : le Département soutient l’association AD3A.

Les actions menées par cette association au Burkina-Faso sont multiples et nous ne les

détaillerons pas ici. Nous souhaitions seulement nous concentrer sur un point

intéressant notre thématique de la captation locale. L'association travaille sur la base de

diagnostics participatifs et à partir de cela monte des projets par filières (sur trois ans)

dans le domaine de l'agriculture, de l'artisanat et de l'alphabétisation. Ces actions

semblent très positives du point de vue des retombées pour les populations locales.

L'association AD3A a voulu associer à cette démarche des jeunes en formation

professionnelle : des élèves en baccalauréats professionnels du lycée de Granville et des

élèves en difficulté scolaire et sociale de l'Etablissement régional d'enseignement adapté

de Saint-Lô (EREA). Ce sont des élèves qui sont donc pris en charge sur place par des

familles burkinabés ou des associations de femmes burkinabés et qui viennent

apprendre leur métier dans un environnement étranger à leur quotidien tout en étant

encadrés par leurs professeurs sur place. Les retombées en termes de rapport à l'autre,

d'apprentissage de la différence, de respect, d'éducation au développement semblent

avoir été très importantes et surtout très réussies. C'est ce qu'en dit Damien Blouet,

président de l'association AD3A :

"- Qu'est-ce qu'il en ressort sur un plan personnel pour les jeunes qui partent ?

- Et bien, ce sont des rencontres, notamment par rapport aux élèves de l'EREA, qui sont

dans un délitement social profond, avec beaucoup de violence institutionnelle et

personnelle. Tout y passe, malheureusement, la barque est pleine en ce moment. Ce qui

a été vraiment très émouvant, c'est que là, au mois de juillet, on en a deux qui ne

voulaient pas revenir en France. C'est une association de femmes qui les nourrissait,

donc qui organisait les repas matin, midi et soir. Donc il y avait des relations

privilégiées avec les femmes, et ils ont trouvé un confort affectif. C'est vrai que bon, là

bas, il n'y a pas grand chose, mais ils ont préservé quelque chose d'essentiel, c'est la

cohésion sociale, les relations avec les personnes, de personnes à personnes. Et pour

eux, ils arrivaient non plus avec l'étiquette de mauvais élève, de rebut de la société, de

"gogol", ce qu'ils me disent souvent, mais ils venaient pour un projet valorisant, sans

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marqué au fer rouge "débile mental", parce qu'entre jeunes ils sont extrêmement

violents aussi. Là, ils ont réussi à exprimer un sentiment, à parler avec des mots, ce

qu'ils n'avaient jamais réussi à faire auparavant. Pour eux, ça a été quelque chose

d'unique et ces jeunes me l'ont dit, ils ont vraiment ressenti des choses très positives."

Cela dit, Damien Blouet reconnaît que ce qui est nécessaire dans ce domaine,

c'est avant tout des moyens financiers et non des moyens humains, "mais c'est vraiment

bien pour les gamins, qu'ils puissent aller voir ailleurs, changer d'air et d'environnement.

Ce n'est pas parce qu'ils font partie de milieu populaire qu'ils ne doivent pas avoir les

mêmes chances que les autres de se réaliser. Et puis, les rencontres sont très riches. Les

gamins voient des choses qui les font réfléchir, comme par exemple un enfant

burkinabé, qui ne mange qu'un jour sur deux ou sur trois… On ne veut pas faire de

l'assistanat et juste donner de l'argent. On n'est pas une ONG qui apporte tout cuit

l'argent."83 C'est une dimension indéniable de la coopération décentralisée qu'il faut

prendre en compte ici : le rapport humain, le lien entre les peuples et les cultures,

l'épanouissement de l'individu dans un monde complexe. Un des enjeux de base de la

coopération décentralisée est bien de parvenir à favoriser les échanges entre populations

pour une meilleure compréhension mutuelle.84

Il convient ici de rappeler cet élément structurant, d'autant plus que l'exemple ci-

dessus permet de remplir à la fois cet objectif d'apprentissage de l'autre, mais également

est vecteur d'intégration sur le territoire de la collectivité ensuite : Damien Blouet

explique qu'au retour du premier chantier-école au Burkina-Faso, cinq anciens élèves

ont intégré la tête dirigeante de l'association et s'occupent désormais des nouveaux

chantiers qui partent.

ROUMANIE

Le département de la Manche, comme nous l'avons mentionné plus haut, se veut

précurseur ou tout au moins à la pointe dans le domaine du numérique. Il a crée le

syndicat mixte Manche-numérique qui est un établissement public dans lequel se sont

regroupées presque toutes les collectivités de la Manche dès sa création en juin 2004 ;

l'objectif étant de couvrir l'ensemble du territoire manchois d'un aménagement

83

Entretien réalisé avec Damien Blouet, op.cit. 84

Guide de la coopération décentralisée, op.cit., p.21.

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numérique de qualité, moins cher et plus rapide. Selon En Direct du Conseil Général de

la Manche, le Département a été le premier à réaliser le partage d'infrastructures entre

différents opérateurs. Grâce au haut-débit, le Département souhaite maintenir et créer

des emplois, attirer de nouvelles entreprises et éviter les délocalisations, augmenter la

qualité de vie par un accès perpétuel des citoyens au service (en février 2006, 99,6%

des habitants ont pu être raccordés au réseau) et participer au développement

économique du département.85 L'accès facilité à Internet est également une façon de

désenclaver un département quasi-insulaire.

Alain Laniese, président du Directoire de Thybris, entreprise de pointe spécialiste dans la sécurisation

électronique de document choisit Cherbourg pour installer le centre opérationnel de sa société.

Dans le cadre de sa coopération avec la province d'Alba, le département de la

Manche travaille principalement sur cette question de la numérisation. Le fait est que

Gilles Quiquennel, vice-président en charge de la Commission coopération

décentralisée, est également président de Manche-numérique. Le Département va

pouvoir initier ses interlocuteurs au numérique, tout en favorisant la recherche en ce

sens : un projet de visio-conférence est actuellement en marche, ainsi que la création

d'un espace public numérique installé dans le centre-ville d’Alba. C'est donc dans un

souci d'échange sur la base de ce que l'on sait faire, de ce que l'on maîtrise et de ce que

l'on est capable d'exporter, que le département de la Manche a choisi de travailler sur le

numérique dans le cadre de sa coopération décentralisée avec Alba : l’idée est de faire

partager au pays partenaire ce projet, l'améliorer, le confronter aux expériences propres

au partenaire… C'est un excellent exemple d'une captation locale des logiques

85

"Les routes du haut-débit sont ouvertes", En Direct du Conseil général de la Manche, n°24, février

2006.

"Je n'étais jamais venu dans la Manche. Jusqu'au jour où

Manche-Expansion m'a fait savoir que le Conseil général installait un

réseau haut-débit performant […]. Je me suis rendu à Cherbourg où j'ai

trouvé exactement ce que je cherchais : un pôle de sécurité et de

confidentialité - essentiel pour une entreprise comme la nôtre - mais

aussi un environnement idéal, avec une qualité de vie évidente, un

savoir-faire intéressant, une vraie culture et des compétences solides.

J'ai aussi découvert des entreprises animées par le même état d'esprit

que le nôtre. J'étais conquis, et nous envisageons de recruter trente

personnes sur trois ans, en recrutant essentiellement sur place."

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internationales très réussie dans la mesure où le Département réintègre ses propres

problématiques dans le champ de sa coopération.

Conclusion de la présentation générale du département de la Manche

Au travers de ces trois exemples marocains, burkinabés et roumains, le

département de la Manche justifie une appropriation locale de la coopération

décentralisée. Cette coopération décentralisée peut donc se comprendre comme un

instrument des politiques sociales, des politiques d'insertion, ou encore des politiques de

développement économique mises en place au niveau des territoires. Elle s'inscrit dans

un arsenal d'outils variés qui œuvrent pour la réalisation d'objectifs politiques définis

par la collectivité territoriale. Par le biais de la coopération décentralisée, le

département de la Manche répond à des objectifs politiques qu'il a définis ou tout au

moins esquissés en amont. La collectivité capte des compétences qu'elle réinterprète et

réintègre sur son territoire et auxquelles elle répond selon ses propres modalités d'action

publique. La coopération décentralisée participe ainsi du développement local des

territoires.

Un projet de développement local cherche à modifier la situation d'un territoire

et de ses habitants, en en valorisant les atouts et les richesses collectives. Il doit, dans

l'idéal, être porté par les habitants et les institutions réunies autour d'un même objectif.86

Un des enjeux majeurs d'une coopération décentralisée comprise, réussie et

portée par les acteurs du territoire reste la communication autour de cette pratique et la

sensibilisation des citoyens, qui pourront alors adhérer aux projets préalablement

explicités et pensés en accord avec leur quotidien et participer aux actions menées par

leur collectivité - car la dimension sociale, d'intégration, de recréation d'un lien social

perdu, de sentiment d'appartenance, passe aussi, comme nous avons essayé de le

démontrer, par la coopération décentralisée. Il nous semble donc intéressant de réfléchir

à présent sur la sensibilisation des acteurs du territoire à l’égard de la coopération

décentralisée, sensibilisation qui nous paraît quelque peu problématique par rapport à la

réalité contemporaine de l’action internationale des collectivités territoriales.

86

LAYE Pierre, op.cit., p.181.

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2. Sensibilisation des populations locales à l’action internationale des collectivités

territoriales et médiatisation : tentatives et limites

a) La médiatisation de la coopération décentralisée : énigme ou échec ?

A l’inverse de Grand Lyon magazine qui consacre quelques éditions à l’action

ou à la dimension internationale du Grand Lyon - le numéro 19 d'avril 2007 lui

consacre sa couverture87 -, le département de la Manche ne communique pas sur cette

thématique, absolument inexistante sur les deux dernières années de l'édition des En

Direct du Conseil général de la Manche. On en déduit que : la coopération

décentralisée ne va pas de soi pour le Conseil général de la Manche ; c'est un thème qui

n'est pas susceptible d'intéresser un large public ou qui pourrait être sujet à des

incompréhensions de la part des habitants et/ou des "contribuables".

Au niveau départemental

Avez-vous une publication spécifique d'information sur la coopération décentralisée ?

Effectifs %

Non réponse 4 7,7

oui 37 71,2

non 11 21,2

TOTAL 52 100

Au niveau des grandes villes

Avez-vous une publication spécifique d'information sur la coopération décentralisée ?

Effectifs %

Non réponse 8 18,2

oui 4 9,1

non 32 72,7

TOTAL 44 100

Actions de coopération décentralisée : état et perspectives des politiques et des actions de développement

par les collectivités territoriales, DGCID, MAE, novembre 2000, étude coordonnée par Michel

LAVERGNE, p.60 et p.71.

87

"La métropole s'affiche à l'international", Grand Lyon magazine, n°19, avril 2007.

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Les Départements semblent communiquer davantage sur les coopérations qu'ils

entretiennent avec l'étranger, alors que les grandes villes répondent à 72,7 % non à la

question de l'existence d'une publication spécifique d'information sur la coopération

décentralisée. Cette tendance est inverse à ce que nous avons constaté à partir de nos

deux terrains d'étude - le département du Rhône, terrain de stage que nous

approfondirons dans le chapitre suivant, ne semble pas davantage que celui de la

Manche, communiquer sur les actions qu'il mène.

Les réseaux d'acteurs de la coopération et de la solidarité internationale, comme

Horizons Solidaires pour la Basse-Normandie ou Resacoop pour la région Rhône-

Alpes, ont des publications spécifiques à la coopération décentralisée et à la solidarité

internationale ; mais la même question posée au niveau régional donne les résultats

suivants : 20,8 % oui et 70,8 % non. Il serait intéressant d'approfondir cette "énigme

départementale" en étudiant plus spécifiquement chaque département, mais ce ne sera

pas l'objet de nos futurs développements.

Pour donner un panel assez général de différents outils utilisés pour encourager

la médiatisation des actions à l'international sur Lyon, citons : le Village de la Solidarité

Internationale (Place Bellecour), le salon des associations UNITERRE (Centre

commercial de la Part-Dieu) - ces deux outils de sensibilisation sont présents de

manière relativement similaire sur tous les territoires qui prétendent à

l’internationalisation -, la création d'un appel à projet en direction de la jeunesse "Tous

Jeunes Acteurs du Monde" (la ville de Lyon finance les meilleurs projets de jeunes

collégiens et lycéens), la publication de brochures explicatives "Devenez tous jeunes

acteurs du monde" et "Carnet de retour de voyage", distribués à 300 ou 400 000

exemplaires (explication de ce que fait Lyon à l'international : "Missions studieuses au

Nord", "Voyages réciproques au Sud").

b) Des publics distincts à cibler

En matière de sensibilisation, des publics spécifiques seront plus facilement

intéressés et donc ciblés par les démarches d’internationalisation des territoires, parce

qu’une réciprocité directe entre leurs intérêts et ceux du territoire est évidente. C’est le

cas par exemple pour les entrepreneurs, les fonctionnaires territoriaux, les chercheurs,

les étudiants, les créateurs… On cherche à "vendre" son territoire à l'international, à en

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montrer les atouts, les richesses. Au-delà de ces acteurs directement concernés, qui

ressentent les retombées bénéfiques des actions de coopération décentralisée et qui ont

tout intérêt à ce qu'elles fonctionnent et perdurent, toute une frange de la population est

peu ou pas impliquée dans les projets de coopération et ne peut donc en ressentir

l’intérêt immédiat et local. Quelle est alors la réalité de la sensibilisation des citoyens à

la coopération décentralisée ?

c) La réalité de la sensibilisation sur le terrain

Les entretiens réalisés à Lyon ne sont pas révélateurs d'une médiatisation

réussie. Ainsi cette affirmation de Pascal L'Huillier, chargé de mission à la coopération

du Grand Lyon : "- Est-ce que vous avez la sensation que la population lyonnaise est

sensibilisée et se sent concernée ?- Pas du tout."88

Cela semble surprenant quand on sait

toute l'importance de la sensibilisation locale pour la bonne appréciation, le bon

fonctionnement et la pérennité de la coopération décentralisée ; car tout l'enjeu de cette

pratique est bien d'être une dynamique d'acteurs, portée par le bas, les territoires et

définie par eux. "On travaille quand même avec les impôts des Lyonnais, donc il faut

que les Lyonnais comprennent cet intérêt." 89

Evaluer ou tout au moins saisir l'impact des campagnes de sensibilisation sur la

population lyonnaise est quasiment impossible à réaliser. Ce qu'il ressort de l'évaluation

précédemment citée du ministère des Affaires étrangères est qu'"on ne perçoit pas

toujours le sens de l'action menée ; les buts concrets sont évidents et, pourtant, un

nombre encore trop restreint de citoyens comprend le bien-fondé de ces actions."90

Malgré les efforts réalisés en ce sens, il semble qu'il y ait une sorte de barrière entre le

local et l'international dans l'esprit citoyen, mais le constat s'arrête là.

Nous avons alors cherché à approfondir cette thématique pour cerner l’avis de

notre interlocuteur de manière précise et dresser un constat plus général sur la nature de

cette réalité.

88

Entretien réalisé avec Pascal L'Huillier, op.cit. 89

Entretien réalisé avec Charles-Henri Malecot, op.cit. 90

LAYE Pierre, op.cit., p.43.

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"- Par rapport à toute cette sensibilisation, vous avez la sensation que ça

fonctionne ?

- Que ça fonctionne, c'est-à-dire, oui, Lyon maintenant est reconnue comme une

ville internationale."91

On constate que la problématique de la sensibilisation de la population est vite

détournée au profit d'une valorisation de la position du Grand Lyon sur la scène

internationale par rapport aux autres acteurs internationaux. Ce transfert comprend son

propre intérêt dans la mesure où l’intérêt local est également présent dans l’image dont

la communauté urbaine se dote. Cette dimension médiatique est un objectif que chacun

des territoires qui entretient une coopération internationale souhaite développer.

Cependant, le Grand Lyon tient ici une place à part, dans la mesure où c’est avant tout

un territoire qui cherche à se positionner comme second city sur la scène internationale ;

la coopération décentralisée y occupe donc une place moindre. Les Départements que

nous avons pu étudier ou rencontrer, nous ont semblé davantage préoccupé par

l’implication directe des populations dans leurs actions de solidarité internationale, dans

la mesure où la coopération décentralisée est leur outil d’internationalisation.

Selon un rapport de mars 2005 sur la Sensibilisation de l'Opinion Publique à la

Coopération Internationale pour le Développement, il est dit que "beaucoup a déjà été

fait mais beaucoup reste à faire, de manière plus systématique et avec une plus grande

efficacité."92 Le Haut Conseil de la Coopération Internationale tente d’apporter quelques

réponses, tentatives d’explication ou constats sur ce questionnement problématique de

la sensibilisation des citoyens :

- manque d’appui de la part de l’Etat, qui tire pourtant profit de la coopération

internationale93

91

Entretien réalisé avec Charles-Henri Malecot, op.cit. 92

Notes de stratégie du HCCI : "La Sensibilisation de l'Opinion Publique à la coopération internationale

pour le Développement", mars 2005, p.2. 93

Conférence d'ouverture par Jean-Louis Bianco, président du HCCI : "Nouveau enjeux de la

coopération, nouvelle solidarité dans les dynamiques africaines", du 19 au 23 novembre 2001.

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- carence dans l’apprentissage de la coopération internationale et plus

particulièrement dans l’éducation au développement, dont découle le point

suivant

- communication difficile, dans la mesure où les actions menées le sont sur

des territoires géographiquement éloignés, diversifiés et bien loin de nos

représentations courantes

- communication difficile due à la multiplication des acteurs qui agissent et

tentent de faire porter leur message : "En communication, l'opérateur public

est en compétition avec les acteurs non gouvernementaux ou décentralisés."94

- aucune différence n’est faite entre urgence et développement, "car pour

"vendre" du développement, il faut solliciter sur la catastrophe."95

Au regard de ces constats, on peut se demander si une communication réussie en

matière de coopération décentralisée est possible, dans la mesure où les maîtres-mots de

la bonne tenue d'une convention de coopération sont : pérennité, long terme, recul...

D'autre part, les interrogations citoyennes sur la coopération décentralisée portent bien

souvent sur l'efficacité d'une telle action. Or, il nous semble que la coopération porte

avant tout sur une tentative de développement local, dans le sens d'"un projet qui

s'efforce de changer la situation d'un territoire et de ses habitants. Il tente d'en valoriser

les qualités (ressources, atouts, valeurs), d'en minimiser les handicaps, d'en contourner

les contraintes."96

En termes d'efficacité, le développement local (infrastructures,

éducation, alphabétisation, insertion sociale…) prend du temps, n'est pas directement

visible et chiffrable, donc certainement pas médiatiquement très "vendeur". Si

l'attention citoyenne se concentre sur l'immédiat et les catastrophes soudaines, comme

le souligne Severino, il semble difficile de la mobiliser pour des actions de longue

haleine, qui demande patience et persévérance.

Le tableau suivant est tout à fait révélateur du poids que représente l'action

extérieure des collectivités territoriales dans l'imaginaire citoyen. Deux limites sont à

94

LIMAGNE Joseph, Secrétaire général de la rédaction de Ouest-France et SEVERINO Jean-Michel,

Directeur général de l'Agence française de développement, "Les Français et la solidarité internationale.

Analyse et interprétation à partir du résultat de quatre sondages", 15 novembre 2006 in

http://www.hcci.gouv.fr/lecture/synthese/opinion-solidarite-internationale-sondage.html. Site consulté le

14 janvier 2008. 95

Idem. 96

LAYE Pierre, op.cit., p.43.

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apporter concernant notre sujet. D'une part, ces résultats ne tiennent compte que des

actions menées dans les pays en voie de développement, la coopération décentralisée

n'étant nullement limitée à ces pays ; et d'autre part, ce chiffre de 8 % englobe les

actions internationales d'une collectivité dans leur ensemble, et non pas la seule

coopération décentralisée.

La notoriété des organismes connus pour intervenir dans l'aide aux pays en voie de

développement (spontanément cité par les personnes interrogées)

La Croix-Rouge 56%

Médecins sans frontières 50%

L'ONU 35%

Médecins du monde 32%

Le Secours populaire 25%

Les ONG / les Organisations non gouvernementales 24%

Handicap international 18%

Autres (total cumulé de divers organismes cités) 16%

Les associations 15%

Action contre la faim 14%

La Banque mondiale 12%

Comité catholique contre la faim et pour le développement ou CCFD 12%

Le Gouvernement 12%

Le ministère des Affaires étrangères 11%

L'Europe / la Commission européenne 10%

Agence française de Développement ou AFD 9%

Les collectivités locales : villes, départements, régions 8%

Les syndicats 7%

Les entreprises 5%

Finalement, même si cette question de la sensibilisation reste difficile à évaluer

et qu'il s'avère délicat de trouver des solutions pour mieux communiquer sur la

coopération décentralisée, tout le monde s'accorde sur le bien-fondé d'un travail

approfondi sur cette thématique, qui participe d'une appropriation locale des éléments

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d'internationalisation dans leur ensemble et de coopération décentralisée en particulier.

Communiquer sur l'adéquation entre les logiques et objectifs politiques territoriaux de

la collectivité et de son partenaire à l'étranger, et donc sur les indéniables qualités et

atouts pour le territoire d'action publique d'entretenir une coopération décentralisée,

pourrait s'avérer une réponse intéressante à envisager. En cause aussi pourrait être

l'enfermement trop répandu de l'esprit français dans une vision élitiste et non perfectible

de ses techniques et de ses méthodes et de sa capacité à se persuader qu'il ne peut rien

apprendre de l'extérieur, et surtout pas des pays en développement. Cette citation de

Patrice Berger, en charge de la coopération décentralisée à l'Agence d'urbanisme du

Grand Lyon (association partenaire du Grand Lyon) est, selon nous, symptomatique de

cette perception flouée de la coopération décentralisée : "Dans certains cas quand on a

bossé aussi en Amérique du sud, on apprend pas mal sur les pratiques de gestion

participative des quartiers, sur certains créneaux très précis, relation privé / public, mais

dans l'ensemble il faut bien avouer que c'est plus de l'assistance ou de l'appui à ces

villes du sud qu'on en retire autant qu'on espère qu'ils en tirent."97

Il reconnaît qu'il y a

échange sur cette thématique de la gestion participative des quartiers, pour finalement

briser cette réciprocité en qualifiant son travail d'assistanat. Si des responsables en

charge de la coopération décentralisée adoptent ce discours, il semble difficile ensuite

de faire passer un message optimiste et constructeur sur cette pratique de la coopération

décentralisée et de susciter l'adhésion citoyenne derrière ce projet de coopération entre

territoires.

Au-delà de cette idée de sensibilisation du public, donc d’une

internationalisation visible et consentie, il nous semble incontournable de comprendre

le travail des acteurs en amont, au sein même des collectivités territoriales ou bien sur

des scènes de négociation plus élargies, qui peut également contribuer à accroître cette

médiatisation.

97

Entretien réalisée avec Patrice Berger, chargé de la question internationale à l'Agence d'Urbanisme du

Grand Lyon, le 7 février 2007.

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Au travers de nos deux terrains d'enquête et des éléments de compréhension

propres à chacun, nous avons tenté, dans cette deuxième partie, de présenter une

coopération décentralisée cohérente avec le territoire d'action publique sur lequel elle

prenait forme. Nous avons essayé de démontrer comment pouvait se concrétiser

localement la coopération décentralisée, comment elle parvenait à s'immiscer dans la

"trame de fond locale". Il nous semble que cette donnée est essentielle, dans la mesure

où elle permet de rassembler des acteurs aux sensibilités et intérêts variés. L'idée est

que chacun, à son échelle, peut trouver un intérêt à l'internationalisation de son lieu de

vie : l'entrepreneur qui voudra investir à l'étranger, les chercheurs et les artistes à la

recherche de confrontation internationale, les étudiants soucieux d'acquérir une

expérience riche à l'étranger, les migrants désireux de garder contact avec leur terre

d'origine, le citoyen conscient du monde dans lequel il vit qui choisira de comprendre et

d'agir… "Un territoire est un espace géographique défini par la relation qu'entretiennent

ses habitants avec lui. On parle de territoire quand cette relation est un élément

déterminant de l'identité collective des populations qui y vivent ou qui en sont

originaires. Il structure leurs activités économiques, leurs pratiques sociales, les débats

politiques…"98

Et la coopération décentralisée participe pleinement de la construction

de ce territoire d'action publique, en étant cohérent avec les politiques mises en place à

l'échelle de la collectivité. Pour approfondir cette idée de concordance entre coopération

décentralisée et territoire et amener un point de vue différent sur ce travail de terrain, il

convient de se pencher sur l'inscription d’un département Relations internationales au

sein même des services de la collectivité. Comment le service des Relations

internationales s'intègre au fonctionnement tant politique qu’administratif de la

collectivité territoriale ? Comment se concrétise la mise en administration de l’action

internationale des collectivités territoriales ?

98

LAYE Pierre, op.cit., p.181.

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PARTIE 2 - La mise en administration de l'action internationale d'une

collectivité territoriale

ous avons tenté de mettre à jour l'interpénétration qu'il existait entre

coopération décentralisée et construction du territoire d'action publique

sur lequel elle s'inscrit. Nous avons montré en quoi la mise en place de la coopération

décentralisée se voulait, le plus possible, en cohérence avec les politiques publiques

mises en place par la collectivité territoriale. Pour poursuivre notre réflexion sur la

compréhension de ce qu'est l'action internationale des collectivités territoriales, nous

allons désormais orienter notre regard plus précisément sur l'inscription de cette action

au sein même d'une administration territoriale. En d'autres termes, comment s'opère la

mise en administration de l'action internationale des collectivités territoriales ? Au-delà

de l'acceptation et de la reconnaissance de la coopération décentralisée et plus

généralement de l'action internationale des collectivités territoriales, qu'en est-il

réellement de l'application de cette nouvelle compétence et de son inscription au sein de

l'administration territoriale ?

Pour répondre à cette interrogation, une présence prolongée au sein d'une

collectivité territoriale s'avérait nécessaire. Une enquête de terrain de six mois a donc

été réalisée dans la Mission Action Internationale et Humanitaire du Conseil Général du

Rhône. Nous souhaitions alors découvrir le quotidien d'une mission Relations

Internationales et de son principal protagoniste : le chargé de mission. En effet, la place

occupée par le chargé de mission Relations Internationales et son rôle évident

d'interface – interface entre la collectivité au sens administratif et politique, la

collectivité au sens territoire et citoyens, les réseaux nationaux et bien évidemment la

scène internationale par le biais des actions menées –, se corrèlent avec le

questionnement général guidant notre propos.

Il conviendra, dans un premier temps, d'expliciter l'action internationale du

département du Rhône : ses projets, ses contributions, ses partenaires, ses limites ; pour

ensuite comprendre le rapport complexe qui s'est installé entre action internationale et

territoire – politique, administratif, citoyen – au sein du Département, et qui participe du

positionnement de la Mission.

N

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Notons que tout au long de cette partie, nous utiliserons plus aisément le terme

d'action internationale ou extérieure des collectivités territoriales, dans la mesure où ce

dernier regroupe toutes les actions internationales menées par une collectivité et pas

uniquement les actions de coopération décentralisée. Nous nous proposons d'étudier la

mise en administration d'une Mission internationale au sein d'un Conseil Général, et

cela ne représente pas d'intérêt de dissocier la coopération décentralisée des autres

actions menées, tant elles sont liées entre elles et définissent toutes, à leur manière,

l'action extérieure d'une collectivité territoriale. Nous nous attacherons cependant, à

définir chacune de ces actions dans leur spécificité.

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Chapitre 1 - Analyse de la Mission Action Internationale et Humanitaire du

département du Rhône ou comment se décline concrètement l'action

internationale d'une collectivité territoriale

u travers de ce chapitre, nous allons présenter, de façon relativement

détaillée, l'action internationale du département du Rhône. L'idée est

d'analyser la Mission Action Internationale et Humanitaire, terrain de notre stage, pour

en comprendre la nature et amorcer ainsi, à l'aide de ce panorama explicatif, notre

réflexion plus générale sur la mise en administration de l'action internationale des

collectivités territoriales.

I. Point méthodologique : Présentation du terrain d'enquête

La Mission Action Internationale et Humanitaire du Conseil Général du Rhône

existe depuis plus de trente ans ; en effet, la signature de la première Charte de jumelage

et d’amitié entre le département du Rhône et la province de Liège date de 1975.

Monsieur Olivier Desmules, Directeur-chargé de mission de cette mission, et également

Directeur de notre stage, a pris ses fonctions en début d'année 2007. Il a souhaité dès

lors, réactiver, dynamiser la Mission et l'orienter vers davantage de professionnalisme.

Cette mission est composée de deux personnes : le Directeur-chargé de mission

Olivier Desmules et sa secrétaire, Séverine Giraud, qui n'est disponible pour lui qu'un

tiers de son temps. L'absence d'un véritable service Relations Internationales avec

Directeur/trice et chargés de mission, est révélateur d'un choix politique du

Département. C'est un élément important à souligner, car il aura des incidences

certaines sur les orientations, l'envergure et la nature des actions internationales du

département du Rhône.

Notre stage a commencé le 4 février 2008 pour une durée de six mois. Nous

avons tout de suite été intégrés à la Mission Action Internationale et Humanitaire par

Monsieur Olivier Desmules. Nous disposons d'un bureau indépendant, situé dans les

locaux de l'Espace associatif du Rhône ; le bureau d'Olivier Desmules se trouve

directement dans les locaux de la Préfecture. La situation géographique de notre bureau

représente un intérêt certain, dans la mesure où Action Internationale et Vie Associative

travaillent ensemble sur le volet subvention aux associations. Il est particulièrement

important pour un service Relations Internationales, et plus particulièrement dans le cas

de coopérations décentralisées, de mettre en place les actions les plus transversales

A

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possibles, qui requièrent des compétences directement disponibles au sein du

département.

Les premières semaines de notre stage ont été consacrées à la découverte des

actions menées par la Mission Action Internationale et Humanitaire et des mécanismes

institutionnels d’un Département. Après lecture des dossiers, prise de notes et

rencontres de professionnels, des séances de travail ont été organisées avec Olivier

Desmules, pendant lesquelles nous élucidions tous les questionnements que nous nous

posions. Assez rapidement, nous avons pu assister à des réunions auxquelles participait

Olivier Desmules. Cela pouvait être des réunions organisées avec les associations

subventionnées par le Conseil Général, ou celles qui cherchaient un soutien financier de

la part du Département, des réunions de comité technique sur l'attribution de

subventions, des réunions thématiques sur des événements précis, des réunions au sein

des réseaux parisiens de la coopération décentralisée... Nous avons pu observer

attentivement le déroulé de ces différentes réunions et en retirer une compréhension

plus fine des rapports entre les acteurs professionnels, du poids du Département au sein

d'arènes de discussion variées, des mécanismes décisionnels... Après environ un mois

de stage et une connaissance plus approfondie des dossiers et des mécanismes

institutionnels, Olivier Desmules nous a proposé de choisir différents dossiers sur

lesquels travailler de manière plus autonome. C’est alors que nous avons pu établir des

premiers contacts avec les partenaires étrangers et nous immiscer plus concrètement

dans le rôle du chargé de mission stagiaire.

Nous allons maintenant procéder à une présentation succincte des différents

projets sur lesquels nous allons plus spécifiquement travailler, qui sera complétée par la

suite quand nous nous attacherons à présenter les différentes actions de la Mission

Action Internationale et Humanitaire. En concertation avec notre Directeur de stage,

nous avons choisi de travailler avec la province de Somogy en Hongrie : nous étions

chargés de réactiver et d’animer une coopération signée en juillet 2006, mais qui n'avait

donné lieu à aucune action concrète jusqu'alors. Les contacts ont été réamorcés entre les

deux collectivités et deux échanges, l’un sur le thème du tourisme rural, le second, sur

le thème de la santé, sont prévus pour l’année 2008. Par ailleurs, nous avons travaillé

sur un projet d’alimentation en eau et d’assainissement dans le Judet d’Alba en

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Roumanie.99

Cette coopération fonctionne bien et depuis longtemps : il est donc

intéressant pour nous de travailler sur ce projet intégré dont les partenaires et les actions

sont déjà bien identifiés. Il s’agissait dans ce cas de créer un contact avec le service

Agriculture et Environnement qui devait nous apporter son expertise, de répondre à une

commande passée par l’association partenaire Solidarité Développement Rhône

Roumanie et d’amorcer une réflexion technique sur la thématique de l’eau et de

l’assainissement, géographiquement cohérente avec le territoire du Judet de Timis.

Enfin, nos activités sont diverses et variées et nous avons la chance d'effectuer

un stage aux côtés d'un professionnel désireux de partager ses compétences et son

savoir, ce qui nous permet alors de découvrir le métier de chargé de mission sous tous

ses angles. Pour présenter une liste non exhaustive des actions ponctuelles menées

pendant le stage, citons :

la participation au comité technique d'attribution de subventions et suivi de dossiers

de demande de subvention

la participation au Conseil Général des Jeunes

la participation aux groupes de travail nationaux (Cités-Unies-France, Assemblée

des Départements de France, ...)

le suivi de dossiers d'accueil de délégation

la participation à la réflexion sur les nouveaux axes politiques proposés par la

Mission

l’élaboration de rapports et de notes synthèse sur des thématiques variés

la mise à jour de la base de données du Ministère des Affaires étrangères et

européennes ayant trait aux actions internationales menées par le Département

99

Présentation du projet eau et assainissement en annexe.

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II. Les réalités d'une action internationale variée et dynamique

Comme le souligne le Guide de la coopération décentralisée, "la notion d'action

extérieure des collectivités territoriales est la notion la plus extensive. Elle regroupe

l'ensemble des actions menées avec l'étranger par les Régions, les Départements, les

communes et leurs groupements. Ces actions – reconnues par une circulaire du Premier

ministre en date du 26 mai 1983 – incluent non seulement la coopération décentralisée,

mais également l'aide humanitaire d'urgence, les actions de promotion économique et de

rayonnement culturel, voire des placements d'emprunts... elles ne reposent pas

nécessairement sur des engagements conventionnels avec une autorité locale

étrangère."100

Nous adopterons donc plus généralement la notion d'action extérieure ou

internationale des collectivités territoriales pour exposer les différentes actions menées

par la Mission Action Internationale et Humanitaire du département du Rhône, qui

répondent à cette large définition ; ce qui suit présente donc le travail de la Mission

Action Internationale et Humanitaire. Cette description va nous permettre d'expliciter le

processus de mise en administration de l'action internationale.

1. Actions de coopération décentralisée du département du Rhône

Le département du Rhône entretient quatre coopérations de type coopération

décentralisée – c'est-à-dire établies entre deux collectivités étrangères ayant signé entre

elles un protocole de coopération.101

Une coopération entre deux collectivités peut avoir

différentes origines comme l'existence préalable d'un jumelage entre territoire ou le

coup de cœur d'un élu pour une région étrangère particulière. De plus en plus, les

instances nationales, comme Cités-Unies-France ou l'Assemblée des Départements de

France, incitent les collectivités à opter pour davantage de cohérence dans la mise en

place de nouvelles coopérations, c'est-à-dire à choisir de coopérer avec un territoire

présentant des similitudes avec le sien : caractéristiques géographiques, sociales et

économiques, thématiques de travail, volontés politiques, etc. Des appels à candidature

de territoires étrangers souhaitant trouver un partenaire français sont également

100

Guide de la coopération décentralisée, op.cit., p.9. 101

Exemples de convention de coopération en annexe.

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disponibles sur le site Internet de Cités-Unies-France.102

Un protocole de coopération doit être signé entre les Présidents des deux

collectivités désormais partenaires et énonce quelques axes phares autour desquels vont

s'opérer les échanges. Ces axes sont élaborés conjointement – à la fois par les élus, mais

également et surtout, par les professionnels-experts des Relations internationales – en

fonction des aspirations et des compétences de chacune des collectivités.

Dans le cadre des protocoles de coopération signés entre le Rhône et ses

partenaires, il est difficile d'en connaître les origines exactes. Le Département conserve

des traces écrites des protocoles de coopération, mais la Mission n'est pas en mesure de

rappeler précisément les modalités d'émergence des coopérations. Les coopérations

avec la Roumanie sont intervenues après la chute du bloc soviétique : des élus ont

sensibilisé leurs collègues aux réalités de l’Est et aux situations d’urgence que leur

isolement avait engendrées. Au même moment, la Chambre d’Agriculture de Lyon,

créant et développant des relations avec la Roumanie a sollicité l’aide technique et

financière du Conseil Général du Rhône. Les actions de solidarité internationale avec le

Burkina-Faso sont de deux ordres : celle menée avec Ouagadougou est à l’initiative de

l’association de jeunes pompiers Faso-Feu, qui acheminent des camions réformés

jusque là-bas et dispensent une formation technique spécifique à l’utilisation de ce

matériel sur place ; celle menée à Boussouma est issue d’une rencontre entre Olivier

Desmules et une jeune burkinabé du collège local lors de la manifestation Biovision

Next.

102

http://www.cites-unies-france.org/. Site consulté le 19 juin 2008.

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Pour information, citons le Courrier des maires103

qui récapitule les dix étapes à

suivre par l'élu pour participer à la mise en place d'une coopération décentralisée sur

son territoire, pilotée par le chargé de mission Relations Internationales :

Voici détaillés succinctement les quatre protocoles de coopération. Notons en

introduction de cette présentation que "L’Europe concentre 60 % des liens de

coopération décentralisée tissés dans le monde entier […] avec une concentration sur la

Roumanie et sur la Pologne."104

a) La province de Liège en Belgique

Le département du Rhône a signé avec La province de Liège, une "Charte de

jumelage et d'amitié" le 7 septembre 1975. Depuis lors, les échanges ont perduré et ce

jumelage a évolué vers une forme de coopération décentralisée entre les deux

territoires, qui donne lieu régulièrement à la signature de nouvelles conventions de

coopération.

Les thématiques abordées par les parties prenantes dans le cadre de cette amitié

sont très variées : enseignement – qui est le plus important des volets –, agriculture,

culture, communication et outils de communication, économie, services techniques,

santé, social et sport. Nous n'établirons pas ici le rapport détaillé qui a donné lieu à un

rapport de programmation sur les années 2005-2008.105

103

GALLET Bertrand, "Participer à la coopération décentralisée", Courrier des maires, n°201, avril

2007. 104

LAYE Pierre, op.cit., p.328-329. 105

Extraits du Rapport de programmation en annexe.

1 - choisir son partenaire

2 - se conformer à un scénario logique

3 - bien connaître le cadre juridique

4 - approcher le nouveau partenaire

5 - rédiger une convention

6 - mobiliser les acteurs de son territoire

7 - définir un mode d'organisation locale

8 - choisir les domaines d'action de la coopération

décentralisée

9 - intégrer la démarche interculturelle

10 - profiter des cofinancements de l'Etat

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b) La province de Somogy en Hongrie

Depuis le mois de mai 2007, une coopération a été amorcée entre le département

du Rhône et la province de Somogy en Hongrie. Le protocole de coopération porte sur

des thématiques très générales – ce qui donne ensuite une latitude d'action intéressante

– : la coopération institutionnelle, le développement touristique, le développement

économique, le développement des échanges culturels et sportifs, l'agriculture et la

santé. Aucune action concrète n'a été menée à ce jour entre les partenaires français et

hongrois, mais des perspectives voient le jour de manière précise pour l'année 2008,

avec deux échanges prévus sur les thèmes du tourisme rural et de la santé. La première

démarche est d'amorcer une rencontre sur un thème établi par la convention, pour

ensuite évaluer les besoins : selon quels axes plus précis orienter les échanges, quelles

sont les volontés politiques de chaque côté, quels sont les expériences et savoir-faire

que chacun peut partager, quels acteurs de chacun des territoires peuvent rentrer en

contact... ?

c) Les Judet d'Alba et de Timis en Roumanie

Deux protocoles de coopération ont été signés avec deux Judet roumains : celui

d'Alba et celui de Timis.

Depuis 2003, le département du Rhône (69) entretient un protocole de

coopération avec le Judet d’Alba, qui porte essentiellement sur la promotion et la

réalisation d‘objectifs communs dans les domaines de l’agriculture et du développement

rural. L’objectif général est d’engager les partenaires en milieu rural sur une voie de

développement durable par le biais d’actions et de projets qui contribuent à

l’aménagement du territoire et à son entretien, et d’autre part, à rendre plus

Une quinzaine d'actions a été menée par la Mission Action Internationale et

Humanitaire en 2007, toutes thématiques confondues. En voici une liste non exhaustive qui

donne une idée des actions menées avec la Province de Liège :

- échange d'étudiants travailleurs sociaux dans le cadre de stages qualifiants, entre

l'école Rockefeller de Lyon et l'Institut supérieur d'enseignement des sciences

sociales et de l'information de Liège.

- participation au comité départemental tourisme du Rhône au salon "Vert, Bleu,

Soleil" de Liège

- accueil d'équipes de rugby – "Coupe du monde des Ecoles de rugby" – et

d'échec – "Open International d'Echec" de Lacroix-Laval

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compétitives les exploitations familiales pour parvenir à maintenir l’emploi. Le

département du Rhône est le maître d'ouvrage des actions menées dans le cadre de cette

coopération, et l’association Solidarité Développement Rhône Roumanie en est le

maître d’œuvre.

Jusqu’alors, des actions de communication ont été menées sur les normes

européennes, des échanges, des voyages d’étude ont été réalisés entre des acteurs du

Rhône et de Timis (exemple : échange entre la chambre d’agriculture de Lyon et la

Direction de l’agriculture du Judet d’Alba ; stage de 4 mois en France de jeunes

agriculteurs roumains ; ...). Un projet de mise en place d'un système de traitement des

eaux usées par lagunage, soutenu par l'expertise du Conseil Général du Rhône, est

actuellement à l'étude sur le Judet.

La convention signée en novembre 2004 avec le Judet de Timis portait

essentiellement sur la thématique de la protection de l’enfance et la jeunesse, mais a été

ensuite retravaillée, pour intégrer la notion de coopération culturelle (lecture publique,

muséologie, archéologie, promotion de la culture roumaine et échange de jeunes) et

d’aide à l’évaluation d’un projet de restauration du vignoble de Buzias. La Mission

Action Internationale et Humanitaire, jusqu’à présent, a davantage travaillé sur la

protection de l’enfance et la jeunesse – projet lourd et délicat. En effet, l’abandon, le

délaissement, les violences et abus faits aux enfants restent des problèmes récurrents de

la société roumaine. Le Département a participé à une première vaste opération de

construction d’un orphelinat à Recas ; projet porté le Conseil Général du Rhône avec

pour maître d’œuvre l’association rhodanienne Les Enfants de Recas. Différentes

actions ont été menées ensuite autour de ce projet, dans une perspective globale de

soutien à l'insertion sociale et professionnelle.

Des échanges de jeunes ont été réalisés : un échange de jeunes de l’Institut

Départemental de l’Enfance et la Famille du département du Rhône et de l’orphelinat de

Recas en 2005 ; un camp d’été a été organisé pour des jeunes roumains sur le territoire

du département du Rhône en juillet 2007 ; plus récemment, quatre étudiantes

Assistantes Sociales de l’Ecole Rockefeller de Lyon ont effectué un stage dans trois

structures sociales différentes du Judet de Timis en février 2008. Un projet de "séjour

d’apaisement" est également en cours de réflexion et qui se concrétiserait par la prise en

charge de jeunes rhodaniens en séjour de dépaysement dans la structure d’accueil de

Recas et de jeunes adolescents roumains dans des structures sociales rhodaniennes.

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D’autre part, la Directrice du Service Protection de l’enfance du département du

Rhône a réalisé une enquête de terrain sur le territoire du Judet, pour mettre en place, de

façon concertée, un schéma départemental de protection de l’enfance, avec diagnostic et

suivi.

Enfin, la Mission Action Internationale et Humanitaire porte actuellement un

projet ambitieux, qui sera générateur d’effets positifs pour les jeunes sortant de

l’orphelinat de Recas : la construction de deux pavillons-appartements protégés à

Lugoj, non loin de la ville de Timisoara. Le souhait ici, est de créer un programme

intégré, c’est-à-dire pensé à la fois en amont et en aval et répondant aux problématiques

sociales à l’œuvre en Roumanie.

Dans le cas des échanges avec la Roumanie, et plus particulièrement avec le

Judet de Timis, le Département œuvre pour qu'une transition plus franche s'opère entre

aide humanitaire et coopération décentralisée. En effet, bien qu’une convention ait été

signée entre les deux territoires et que les actions soient menées le plus conjointement

possible, il convient désormais que le Judet de Timis s'implique davantage – dans un

souci de renforcement des capacités des acteurs du territoire, de réciprocité et de

partage des enjeux – : d’un point de vue décisionnel, avec l'émergence d’une réflexion

en termes de gouvernance, mais également d’un point de vue financier.

2. Actions de solidarité internationale menées par les acteurs locaux et soutenues

par le Département

Le département du Rhône, comme toute collectivité territoriale, développe une

politique active de soutien aux associations, principalement par l'octroi de subventions,

mais également par l'aide et le conseil. En effet, l'Espace associatif du Rhône, rattaché

au Conseil Général, propose aide, appui, conseil et formations aux associations

demandeuses. La Mission Action Internationale et Humanitaire, appuyée par l'expertise

de l'Espace associatif, soutient ses propres associations de solidarité internationale. Un

groupe de travail informel, ou comité technique, composé d'Olivier Desmules et

d'experts associatifs, se réunit régulièrement pour étudier les demandes de subvention

au fur et à mesure de leur arrivée et arbitrer entre celles qui sont recevables et celles qui

ne le sont pas. Ils préparent également ensemble le groupe de travail formel, qui réunit

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les élus en charge des questions internationales. Ce groupe a pour objectif de présenter

les associations retenues aux élus, pour qu'ils les considèrent au regard de l'expertise

apportée et qu'ils les défendent ensuite en séance publique.

Jusqu'à présent, aucun critère d'attribution n'était véritablement édicté et le refus

de telle ou telle demande de subvention se faisait davantage sur la base de critères qui

se voulaient objectifs : l'intérêt local, l'inscription sur le territoire, le caractère collectif

du projet... Pendant notre stage, nous avons produit une note sur les critères d'attribution

de subventions aux associations. Nous l'avons réalisée à partir de la capitalisation

d'expériences d'autres collectivités territoriales. Une petite dizaine de Départements

français nous ont apporté des informations relatives à leurs pratiques, leurs expériences,

et nous avons réalisé à partir de cela un travail de synthèse, que nous avons adapté aux

réalités du département du Rhône, aux méthodes déjà à l'œuvre et aux possibilités

d'évolution politique du Département. Ce travail a servi à alimenter une réflexion plus

générale sur l'orientation politique de l'action internationale du département du Rhône

que la Mission Action Internationale et Humanitaire souhaitait soumettre aux élus.106

Parmi les critères proposés et retravaillés avec Olivier Desmules, nous avons

soumis l'idée de procéder à des entretiens individualisés pour chacune des associations

de solidarité internationale soumettant un dossier de demande de subvention. Le rôle du

chargé de mission est de leur apporter son expertise : il les conseille, les oriente dans

leur choix, leur soumet avis et propositions... Il pourra par la suite soutenir un projet

associatif particulier devant les élus, mais en dernier ressort, ce n'est pas lui qui décide

de l'attribution des subventions. Son rôle ici est de jouer l'interface entre le monde

associatif porteur de projets de solidarité internationale et le monde politique, qui

accorde son soutien à des associations rhodaniennes.

On peut distinguer deux types d'associations subventionnées et soutenues par la

Mission Action Internationale et Humanitaire : les associations uniquement

demandeuses de subventions et les partenaires. La différence qui sépare les unes des

autres est assez ténue.

Les partenaires ont généralement signé une convention avec le Département

106

Document de proposition de critères d'attribution de subventions en annexe.

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parce qu'ils reçoivent davantage de financement107

, font l'objet d'un suivi procédural et

relationnel plus important et sont directement cohérents avec les volontés politiques du

Département en matière d'action internationale. Citons par exemple, la subvention de 24

000 euros accordée chaque année et pendant trois ans, selon une convention triennale, à

l'association Solidarité Développement Rhône Roumanie, maître d'œuvre de la

coopération entre le département du Rhône et le Judet d'Alba ; ou encore, l'association

Bioforce, qui reçoit 57 000 euros pour son projet spécifique de Plate-forme de l'emploi

solidaire installée à Vénissieux.

Les associations uniquement demandeuses de subventions sont également

accueillies et conseillées par un expert en Relations internationales, mais entretiennent

souvent des liens moins ténues avec la Mission Action Internationale et Humanitaire, et

s'intègrent de manière moins évidente aux axes politiques du Département. Nous

pouvons mentionner des associations comme Bioport, association de soutien logistique

aux organisations humanitaires (2000 euros), la Maison de l'Amérique latine (7500

euros), l'association Coopération et échanges vétérinaires (4000 euros)...108

107

La signature d'une convention entre le Département et une association rhodanienne est

traditionnellement obligatoire quand la subvention est égale ou supérieure à 23 000 euros. 108

Tableaux récapitulatifs des demandes de subventions et budget subventions aide humanitaire 2008 :

prévisions en annexe.

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Déc ---------- Mars

Traitement AIH + VA

Nov : début du dépôt des dossiers Juin : Commission

d’arbitrage

Juillet : Commission spécialisée

Suivi d’une demande de subvention jusqu’à son traitement final

CIRCUIT

Dépôt d’un dossier de demande de subvention par

l’association auprès de l’Unité Territoriale présente

sur son canton (Maison du Département)

Enregistrement par l’UT et transfert au

service de la Vie Associative (VA)

Concertation VA - Mission Action Internationale

et Humanitaire et arbitrage sur la recevabilité du

projet.

Enregistrement si le projet est recevable

Groupe de travail informel : premier avis expert

Passage en Commission d’arbitrage : groupe

de travail qui réfléchit et donne un second avis

sur les demandes restantes

Passage en Séance publique : dernière

modification et arbitrage final

Passage en Commission spécialisée : analyse,

modification, dernier avis d’experts

Juillet (+ 15 js) :

Séance publique

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3. Contribution de la Mission Action Internationale et Humanitaire aux réseaux

nationaux

Les collectivités territoriales françaises qui s'engagent en coopération

décentralisée vont échanger sur leurs pratiques et leur savoir-faire et mettre en commun

leurs expériences et les limites rencontrées dans l'élaboration de certains projets. Elles

vont ainsi contribuer à la réflexion théorique sur la coopération décentralisée pour une

amélioration des pratiques territoriales. Ces scènes de négociation sont en pratique

appelées groupes de travail ou réseaux et sont de nature et d’importance variées.

Le groupe de travail de l’association "Initiative Nationale France-Hongrie" qui est à

la fois un outil de capitalisation des expériences menées entre la France et la

Hongrie et un facilitateur de relations et de prises de contact entre les deux pays.

Un groupe de travail "province de Liège" existe également au niveau du Conseil

Général du Rhône, mais il mérite d’être réactivé, car son activité s’est arrêtée depuis

de nombreuses années.

Un groupe de travail sur l’allocation des subventions aux associations du

département du Rhône, composé d’élus et de techniciens-experts des Relations

internationales et de la Vie associative, que nous ne détaillons pas ici, car nous y

reviendrons par la suite.

Le groupe de travail du Conseil Général des Jeunes : nous participons activement

avec Olivier Desmules à la Commission Solidarité internationale du CGJ du Rhône,

qui est un espace de discussion et de dialogue pour de jeunes collégiens élus. A

l'issue de leur mandat, ils auront réalisé un DVD de sensibilisation destiné aux

jeunes du département sur le thème de la solidarité internationale et de

l'humanitaire.

Le groupe de travail "Roumanie" de Cités-Unies-France (CUF) auquel nous n’avons

pu contribuer durant le stage. Par ailleurs, nous avons assisté à une réunion

thématique sur le "Tourisme responsable".

Les groupes de travail "Tourisme solidaire" et "Démarche qualité" de l'Assemblée

des Départements de France (ADF). Nous avons assisté et participé, pendant notre

stage, à plusieurs réunions d'ADF. Ces deux groupes de travail, menés par Elisabeth

Barincou, Chargée de mission Coopération décentralisée Relations internationales,

sont particulièrement actifs et ont donné lieu à la publication de deux études solides

et documentées, outils pratiques pour les collectivités territoriales souhaitant

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s'engager en coopération décentralisée. Chaque Département est invité à contribuer

à la réflexion générale du groupe de travail – dans la forme et dans le fond – et à

l'illustration du document – communication sur des expériences pilotes. L'idée

principale est l'amélioration des pratiques, rendue possible par le caractère

participatif et empirique du document.

Les Départements sont invités à faire montre de leurs atouts, à valoriser leurs

actions, à s'exprimer sur leurs doutes et les réticences rencontrées : ainsi, comme

nous le soulignions précédemment, les collectivités se positionnent sur ces scènes

de négociation par rapport aux autres collectivités.

Le Guide de la coopération décentralisée recense différentes scènes de dialogue

ainsi offertes aux collectivités territoriales. Nous avons cité par exemple Cités-Unies-

France (CUF), association qui fédère au niveau national environ 500 collectivités. Les

élus locaux membres de CUF peuvent organiser leurs discussions selon deux logiques :

discussion par groupes pays ou par groupes thématiques. L'Association des Maires de

France (AMF) apporte information et conseil aux municipalités ; celle des

Départements de France (ADF) a trois objectifs principaux : recenser et faire connaître

les actions de coopération décentralisée des départements français, établir une

concertation étroite et permanente entre les Conseils Généraux de France et assurer une

fonction de représentation des Conseils généraux auprès des institutions nationales et

européennes. Citons encore l'Association des Régions de France (ARF), l'Association

française du Conseil des communes et régions d'Europe (AFCCRE) qui diffuse

l'information européenne et permet aux collectivités d'anticiper les conséquences les

politiques européennes sur le plan local…109

Une remarque, issue de discussions et observations, peut être soulevée à ce stade

de notre explicitation des réseaux. Une forme de rivalité sous-jacente, de lutte

territoriale semble animer les différentes scènes de négociation – nous nous concentrons

principalement, pour émettre cette remarque, sur les deux scènes nationales bénéficiant

d’une reconnaissance auprès des collectivités territoriales et du Ministère des Affaires

étrangères et européennes, ADF et CUF. Les contributeurs d'ADF sont par exemple,

uniquement des Conseils Généraux, alors que CUF accueille toutes formes de

109

Guide de la coopération décentralisée, op.cit., pp.63-70.

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collectivités au son sein. Les premiers, détenant une scène de négociation propre à leur

échelle territoriale et politique, s'y sentent plus à l'aise pour s'exprimer et trouver leur

place ; alors qu'au sein de réseau plus large comme CUF, ils se trouvent confrontés à

des régions très riches, avec beaucoup d'expérience, ou bien des villes à l'envergure

internationale. L'hétérogénéité des contributeurs de CUF et la grande cohérence des

groupes de travail d'ADF sont à la fois une grande richesse pour chacun d'eux, mais

contribue à alimenter des tensions entre réseaux, qui se disputent les participants. Il

semble par exemple, assez rare que les réunions organisées par les deux réseaux aient

lieu le même jour, ce qui, d'un point de vue pratique pour les collectivités territoriales

provinciales, les incitent à choisir entre l'un et l'autre des deux groupes de travail.

On peut penser que ces réseaux manquent de légitimité et ont besoin de

reconnaissance pour exister. Ce qui se passe au niveau des territoires d'action publique

que sont les collectivités, semble s'appliquer également aux scènes de négociation

nationales. Leur utilité est incontestable pour celui qui juge la coopération décentralisée

comme un véritable dispositif d'action publique territorialisée, donc qui la met en œuvre

sur sa collectivité, mais reste encore problématique pour ceux qui ne l'apprécie pas, peu

ou mal. Les réseaux sont la voix des collectivités territoriales engagées dans des actions

internationales et présentent donc, au niveau national et notamment vis-à-vis du

Ministère des Affaires étrangères et européennes, les mêmes limites auxquelles les

collectivités se trouvent confrontées sur leur territoire.

Au-delà de cette volonté d'échange de pratiques et de savoir-faire, ces réseaux

permettent aux collectivités de se positionner par rapport aux autres collectivités et

éventuellement, de devenir des acteurs incontournables sur certaines thématiques ou

certains pays. C'est une forme de médiatisation, de communication pour la collectivité –

sur une scène cependant toute acquise à la cause de la coopération décentralisée.

Elisabeth Barincou, précédemment citée, nous explique qu'il est important pour elle que

chaque collectivité lui donne des éléments explicatifs sur ses actions de coopération, les

profils de ses chargés de mission, les orientations et axes politiques de son exécutif,

parce que cela lui permet de constituer une base de données dans laquelle elle peut

puiser en fonction de ses besoins : telle compétence sur une mission particulière, un

chargé de mission parlant telle langue, une expertise… 110

Quelques collectivités sont pionnières dans cette médiatisation de leurs actions

110

Rencontre informelle, réalisée avec Elisabeth Barincou, Chargée de mission Coopération décentralisée

et Relations internationales, réalisée le 22 février 2008 à l'Assemblée des Départements de France à Paris.

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et sont devenues des acteurs incontournables : leurs élus président les groupes de

travaux de CUF ou d'ADF – le Vice-Président en charge de la coopération décentralisée

de la Manche est Président du Groupe Roumanie de CUF ; le Président du Conseil

Général des Côtes-D'Armor est Président d'ADF –, ils sont porte-parole dans les

moments opportuns, ce sont des acteurs que l'on retrouve fréquemment lors des

manifestations, colloques, rencontres de la coopération décentralisée : ainsi se joue la

force d'une Mission à l'international, dans sa capacité à se promouvoir et à faire valoir

ses atouts sur la scène nationale ou européenne.

Si l’on cherche à comprendre la nature de ces scènes de négociation, il apparaît

que c'est ici que se positionne désormais l'Etat. Comme nous l'avions vu présenté dans

le texte de Duran et Thoenig111

, celui-ci cherchait à se repositionner face à l'émergence

des territoires dans la gestion des affaires publiques. Si l'Etat n'est pas directement

acteur et initiateur de ces organes de négociation, il reste l'arbitre et l'interlocuteur

incontournable des collectivités territoriales. L'Etat trouve là à justifier sa position par

rapport aux territoires d'action publique. Par ce biais, il continue à donner de larges

directives et à orienter les acteurs dans la mise en application de leur coopération.

Il convenait de rappeler ce double jeu de positionnement : l'Etat vis-à-vis des

territoires ; les collectivités entre elles. Notre volonté était ici d'introduire l'idée des jeux

d'acteurs qui se nouent au niveau national – nous aurons l’occasion par la suite de

revenir sur le niveau local. Il faut donc mettre en œuvre au niveau local ce que les

collectivités territoriales opèrent avec leurs partenaires : la réciprocité, le travail en

commun, l'échange. Des efforts de coopération entre territoires sont nécessaires et on

retrouve alors toute l'utilité des scènes de négociations impulsées à un niveau national,

voire international. Ce n'est qu'à ce niveau que les rivalités locales, les enjeux

électoraux, les intérêts de chapelle, peuvent être dépassés, voire annihilés. La

coopération décentralisée gagnerait-elle vraiment à être plus autonome vis-à-vis de

l'Etat ?

111

THOENIG Jean-Claude et DURAN Patrice, op.cit.

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Ce panorama rapide donne une idée générale des grandes lignes d'actions

menées par le département du Rhône. A ces projets de fonds, s'ajoutent des

manifestations sporadiques et des contributions plus ponctuelles auxquelles participent

le chargé de mission et qui permet de représenter le Département en tant qu'entité

administrative, au-delà des événements qui conscernent ses compétences évidentes et

directes. Par exemple, le Département subventionne à hauteur de 57000 euros

l'association Bioforce en charge de la formation des humanitaires partant sur le terrain

et à l'initiative d'une antenne "Plate-forme de l'emploi solidaire" basée à Vénissieux.

Bioforce organise depuis peu un Tour de France de l'Humanitaire, entreprise médiatique

de promotion des métiers de l'humanitaire à destination des jeunes. Le département du

Rhône est le principal partenaire de cette manifestation et nous avons participé, aux

côtés d'Olivier Desmules, à la conférence de presse de présentation, organisée à Paris et

au lancement de l'opération à Lyon, en mars 2008. Le 21 juin 2008, nous avons

participé, à titre indicatif, aux Etats Généraux de l'Europe se déroulant à la Cité

internationale de Lyon. Ces différentes manifestations ponctuelles s'inscrivent le plus

souvent dans une démarche globale de cohérence d'action et visent au développement

de l'action internationale du Rhône dans un sens souhaité politiquement et porté par le

chargé de mission.

De manière générale, les collectivités territoriales françaises qui mettent en

place des actions de coopération et de solidarité internationale sur leurs territoires,

pourraient décliner ainsi leurs actions. Cependant, il reste à noter que l'action

internationale du Rhône est marginale dans la structure administrative générale du

Département ; si l'en va ainsi de beaucoup d'autres collectivités, certaines d'entre elles

s'affirment déjà comme des interlocuteurs incontournables des Relations internationales

françaises. Des collectivités territoriales comme la région Rhône-Alpes ou le Nord-Pas-

de-Calais, sont investies dans des coopérations beaucoup plus larges, à dimension

européenne. D'autres collectivités, citons les Départements et villes de la région Ile-de-

France, sont très engagées dans la relation coopération / société. Le citoyen, en tant

qu'acteur individuel pris séparément, est bien souvent le nœud central de leurs actions.

Le département du Rhône ne semble pas parvenu à se structurer dans un sens

précis et à dessiner sa politique de manière affirmée. Olivier Desmules travaille à forger

une identité propre à l'action internationale du Rhône, à la rendre cohérente dans sa

globalité : il évoque la possibilité d'actions transversales susceptibles d'être éligibles aux

financements européens, ce qui permettrait de donner une autre dimension à l'action du

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Département et d'entrer dans les sphères européennes, il affirme sa volonté de canaliser

les actions et projets par des notes synthèses écrites régulièrement et par des volontés

politiques énoncées et appliquées.

Deux limites se posent alors : les moyens financiers très légers alloués à l'action

internationale et les moyens humains insuffisants, réduits à Olivier Desmules et à son

assistante. Ces deux contraintes majeures sont conditionnées par la volonté politique

des élus du Rhône de donner une réelle impulsion et envergure à l'action internationale

de leur Département. C'est par ce biais, qui représente un réel handicap pour la Mission

Action Internationale et Humanitaire, mais qu'il est très intéressant d'approfondir, que

nous souhaitons aller plus avant dans la thématique de la mise en administration de

l'action internationale du département du Rhône.

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Chapitre 2 - Eléments déterminants d'une mise en administration réussie

e fil conducteur de ce second chapitre est la volonté politique que les élus

vont exprimer en matière d'action internationale. Cette volonté politique va

ensuite conditionner toutes les actions de la Mission Action Internationale et

Humanitaire. Nous sommes face à une Mission dynamique, active, qui entretient de

nombreuses coopérations au regard de sa taille et mène de front différentes actions

constructives pour le Département, mais qui ne parvient pas à atteindre un niveau

important de lisibilité et de notoriété. Là est en jeu la volonté politique des élus

d'accorder ou non du poids à l'action internationale du Département. Et cela ne semble

manifestement pas être le souhait des élus du Rhône. La mise en administration réussie

d'un Département comme le Rhône est avant tout conditionnée par la volonté politique

des élus.

L'action extérieure du département du Rhône est dynamique, active et variée :

multiples thématiques travaillées avec les partenaires, inscription dans des réseaux

nationaux et contribution aux réflexions sur les pratiques de la coopération

décentralisée, participation à des démarches innovantes et structurantes sur le territoire

d'action publique (exemple : Conseil Général des Jeunes développé précédemment)...

Cependant, la Mission Action Internationale et Humanitaire n'a pas, pour le moment, les

moyens humains et matériels d'entrer dans une démarche plus globale de coopération

inter-partenaires ou encore de partenariat avec l'Union européenne (sous-tendu à la

coopération inter-partenariale). Les coopérations entretenues se nourrissent de relations

de territoire à territoire et l'enjeu actuel est à la fois de donner davantage de sens aux

anciennes coopérations en les dynamisant et en les inscrivant dans la modernité

(volonté de sortir de la dynamique du jumelage et/ou de l'assistanat) et d'ancrer plus

avant l'action internationale dans les axes politiques du Département. Notre idée ici est

de développer et surtout de décliner ce second enjeu, crucial pour comprendre les

réalités de la mise en administration de l'action internationale du département du Rhône.

Le fil conducteur de notre réflexion restera la volonté politique des élus,

composante incontournable sur le chemin de la reconnaissance de l'action internationale

sur le territoire d'action publique ; l'étude de la relation de travail s'instaurant entre la

L

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Mission Action Internationale et Humanitaire et d'autres services du Conseil Général

sera également révélateur du positionnement de la Mission ; enfin, la présence de

l'action internationale sur le territoire d'action publique de la collectivité mérite d'être

soulignée, car elle est cause et conséquence de la mise en administration progressive de

l'action internationale du département du Rhône.

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I. Une visibilité de l'action internationale conditionnée par la volonté politique

des élus départementaux

1. Présentation de l'organisation politique du Département : le rôle du chargé de

mission face aux élus

Une collectivité territoriale est administrée par des représentants politiques

démocratiquement élus. Ceux-ci détiennent donc légitimement le pouvoir de décision.

Le bureau exécutif est composé du Président du Conseil Général et de quinze Vice-

présidents – un domaine de compétence du Département est attribué à chacun d'entre

eux – et de deux Vice-présidents délégués. Ce bureau assure une fonction de réflexion

et de proposition.

Le Bureau Exécutif

Michel Mercier, Président

- Jean-Jacques Pignard, Vice-président délégué auprès du Président, chargé

du rayonnement culturel et des relations internationales

- Dominique Perben, Vice-président chargé de la vie associative

- Jean-Luc de Passano, Vice-président chargé des grandes infrastructures, des

routes départementales et du devoir de mémoire

- Dominique Nachury, Vice-président chargée de la famille, de l'enfance, de la

protection de la jeunesse et de la prévention spécialisée

- Danièle Chuzeville, Vice-président chargée des collèges, du Conseil général

des jeunes et du schéma des enseignements artistiques

- Albéric de Laverne, Vice-président chargé de l'insertion

- François Baraduc, Vice-président chargé des personnes handicapées

- Jean-Paul Delorme, Vice-président chargé des personnes âgées

- Raymond Durand, Vice-président chargé des sports et des parcs

départementaux

- Bernard Fialaire, Vice-président chargé de la santé et de la prévention

- Michel Thien, Vice-président chargé de l'économie, du réseau câblé et des

pôles de compétitivité

- Paul Delorme, Vice-président chargé de l'agriculture et de l'aménagement

rural

- Georges Barriol, Vice-président chargé des transports départementaux et du

projet Leslys

- Daniel Pomeret, Vice-président chargé du personnel, des ressources

humaines et de l'administration générale

- Charles Bréchard, Vice-président chargé du développement durable, de

l'environnement et de la coopération décentralisée

- Lionel Lassagne, Vice-président chargé de l'enseignement supérieur, de la

recherche et des affaires européennes

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Le département du Rhône n'accueille pas de Vice-présidence en charge de

l'action internationale globale du Département, ce qui implique une dispersion des

dossiers sur plusieurs élus et un manque de clarté et de lisibilité de l'action

internationale au sein du Conseil Général.

Chaque Vice-président est assisté par un service technique associé, composé

d'experts-conseillers. Ils travaillent ensemble tout au long de l'année : l'expert est chargé

de conseiller l'élu sur les dossiers, de l'informer et de lui soumettre des avis, l'élu, au

regard de ce dialogue et de ses compétences, décide en dernier ressort de l'orientation

politique que prendra sa Vice-présidence.

Le Vice-président, lors de la séance plénière annuelle de juillet, pendant laquelle

le budget est voté, doit avoir une connaissance exacte des dossiers soumis au vote des

élus départementaux et être capable de les défendre face à l'Assemblée. L'élu est alors

assisté de son expert référent, toujours Directeur Général du service ou Directeur

Général administratif, assis juste derrière lui à la Tribune de l'Assemblée

départementale, vers qui il peut se tourner à tout moment, pour toute précision ou

conseil. Le vote annuel du budget est décisif pour un service, dans la mesure où cela

conditionne les actions à venir et donne une orientation politique à ce que doit être le

service. Une enveloppe budgétaire est allouée chaque année à la Mission Action

Internationale et Humanitaire et la séance plénière de juillet décide également du

montant des subventions allouées à telle ou telle association – le choix de l'association

retenue déterminant également la volonté politique des élus.112

Peu de temps avant cette séance plénière annuelle, élus et experts se sont réunis

au moment des commissions spécialisées, pour analyser et émettre un avis technique et

politique sur les projets et dossiers relevant de leur domaine de compétence. La Mission

Action Internationale et Humanitaire dépend de deux commissions : la commission des

Affaires sociales – pour tout ce qui concerne l'humanitaire – et la commission

Aménagement du territoire et qualité de la vie – pour ce qui se rapporte à la coopération

décentralisée. Cela accentue le sentiment de dispersion de la Mission et contraint le

chargé de mission à davantage de flexibilité dans la tenue de ses actions : finalement,

aucune commission ne correspond véritablement à l'action internationale. On répartit

alors les projets avec plus ou moins de cohérence dans des commissions disparates.

En amont, Olivier Desmules et les experts du service de la Vie Associative ont

112

Budget subvention aide humanitaire 2008 : prévision en annexe.

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procédé à un classement des demandes de subventions entre celles qui sont recevables,

c'est-à-dire celles qui remplissent des critères d'attribution de subventions plus ou moins

objectifs mais non encore écrits, et celles qui ne le sont pas, et donc, sont rejetées

d'emblée. La commission d'arbitrage, précédant d'environ un mois la commission

spécialisée et elle-même composée des experts et élus référents, se charge de poursuivre

ce classement et de donner un avis sur toutes les demandes de subventions dites

recevables. Le rôle du chargé de mission est ici encore de conseiller l'élu, au regard de

ses compétences, de sa connaissance des dossiers, des entretiens qu'il a pu réaliser avec

les représentants associatifs. Lors de nos discussions avec Olivier Desmules, celui-ci

exprime le souhait de construire une mission cohérente : cohérences thématique et

géographique entre actions de coopération décentralisée et subventions aux associations

par exemple. Il souhaite également dynamiser la mission, en diversifiant les projets

soutenus, en modernisant ses soutiens chaque année, en renouvelant les partenariats

locaux.

Ici peut être posée une des limites du métier de chargé de mission au sein d'une

collectivité territoriale. L'élu, le Vice-président ou le Président du Conseil Général peut

avoir dans l'idée de soutenir tel projet plutôt que tel autre et donc ne pas tenir compte

des avis et conseils de son expert référent. L'élu préfère parfois choisir en fonction de

ses intérêts locaux, des promesses électorales tenues, de ses préférences immédiates,

des immobilismes entretenus. Par exemple, certaines associations sont soutenues par le

Conseil Général depuis des années, sans aucune modification ou volonté de

modernisme et il paraît quasi-impensable d'arrêter de les financer. Olivier Desmules

exprime une certaine frustration à l'égard de ces pratiques : l'expertise du professionnel

est quelque peu mise à mal, et parfois peu considérée. Dans une certaine mesure, il est

intéressant de rapprocher cette observation d'un texte d'Olivier Roubieu sur les

nouveaux hauts fonctionnaires urbains. Ceux-ci parviennent à imposer leur autorité aux

élus grâce à leurs compétences et savoir-faire, mais dans le même temps, ils sont

capables d'intérioriser les contraintes politiques à l'œuvre au sein des collectivités

territoriales et de négocier avec différents acteurs du territoire.113

Quant bien même

Olivier Desmules apporte à l'élu son arbitrage et son professionnalisme, ce dernier

décide en dernier ressort ; mais l'un et l'autre ont pris conscience de leur place dans le

113

ROUBIEU Olivier, "Le modèle du "manager". L'imposition d'une figure légitime parmi les hauts

fonctionnaires des collectivités locales", Politix, n°28, V.7, 1994, pp.35-48.

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système, des enjeux et de leur marge de manœuvre respective. Que ce soit au moment

de la tenue des commissions d'arbitrage ou spécialisées ou lors de la séance plénière,

l'élu peut choisir de ne pas soutenir telle ou telle association. Le Président du Conseil

Général, après le vote de l'Assemblée, énonce en dernière instance ce qu'il valide et ce

qu'il rejette. Chaque vote fait l'objet d'une délibération, garant de la légalité de l'acte,

d'une publication officielle et de la levée d'un compte administratif.

Au-côté de cette procédure annuelle, des commissions permanentes ou des

séances publiques se réunissent chaque mois pour statuer sur les affaires courantes du

Département : elles sont composées de l'ensemble des 54 conseillers généraux. Elles

vont décider par exemple de l'allocation, en cours d'année, d'une subvention à

association, du renouvellement de convention arrivant à échéance... La séance publique

est, comme son nom l'indique, ouverte au public, alors que la commission permanente

se réunit en huit-clos et décide très rapidement de la suite à donner aux projets. Un

projet passe dans l'une ou l'autre des commissions selon une hiérarchisation préalable

des dossiers.

2. Entre scepticisme et désintérêt : la force politique à l’œuvre au sein de

l’administration du Rhône

Un des problèmes majeurs rencontrés par la Mission Action Internationale et

Humanitaire est bien la volonté politique des élus départementaux. D'après les

entretiens informels que nous avons eus avec des acteurs départementaux, il ne semble

pas que l'action internationale fasse l'objet d'un grand intérêt pour les élus locaux. Avant

l'arrivée d'Olivier Desmules à la tête de la Mission en janvier 2007, très peu d'actions

étaient menées et identifier un interlocuteur stable et fiable paraissait délicat. La

nomination d'Olivier Desmules pouvait alors être perçue comme une réelle volonté de

re-dynamiser l'action internationale du Département, de lui donner une nouvelle chance,

une nouvelle jeunesse, dans le contexte actuel de l'essor de cette nouvelle compétence

au niveau des territoires d'action publique. Ce ne fût finalement pas le cas. De

nombreux exemples peuvent venir illustrer un manque visible de reconnaissance de

cette compétence et de la Mission Action Internationale et Humanitaire. Tout d'abord,

Olivier Desmules ne dispose d'aucun service constitué, d'aucun personnel : il est à la

tête d'une mission, seul. Ensuite, en amont des dernières élections cantonales de mars

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2008, Olivier Desmules plaidait pour une Vice-présidence à part entière, détenue par un

élu intéressé par les questions internationales et désireux de faire émerger une réelle

volonté politique en ce sens. A l'issue de la nomination des élus aux différents postes de

Vice-président, les Relations internationales ont été partagées entre trois Vice-

présidences distinctes, sans réelle cohérence : Jean-Jacques Pignard est Vice-président

chargé du rayonnement culturel et des relations internationales, Charles Bréchard est

Vice-président chargé du développement durable, de l'environnement et de la

coopération décentralisée et Lionel Lassagne, a été nommé Vice-président chargé de

l'enseignement supérieur, de la recherche et des affaires européennes. Chacune d'elles

prend une orientation particulière et il s'avère difficile de "classer" telle action sous telle

présidence. Au regard des réalités de l'action internationale actuelle, un tel découpage

dénote davantage d'un manque de connaissance des problématiques contemporaines de

coopération, que d'une stratégie politique étudiée.

Dans un entretien réalisé auprès de Damien Blouet,114

Président de l'association

manchoise AD3A œuvrant au Burkina-Faso, celui-ci expose les difficultés qu'il

rencontre à échanger avec les collectivités territoriales dans son travail quotidien

d'associatif engagé sur le terrain : "Je pense pouvoir dire qu'il y a une certaine

immaturité" des élus dans leur manière d'appréhender la coopération Nord/Sud. Il

explique par exemple que les procédures de subventions du Conseil Régional de Basse-

Normandie, qui est un de leurs partenaires, sont très bureaucratiques : ils vont par

exemple demander des factures aux partenaires burkinabé, "[sans se rendre compte] que

les gens sont analphabètes et ne pourront jamais fournir de factures. Voilà un exemple

de décalage criant." Pour lui, la raison principal à ce dysfonctionnement est que

"beaucoup ne sont jamais allés en Afrique, sur le terrain et je trouve cela inquiétant dans

le cadre de la coopération région à région."115

Cette critique formulée par Damien Blouet est intéressante, car elle traduit une

certaine incompréhension entre les collectivités territoriales, représentées ici par les

élus, et le monde associatif, largement présent sur le terrain. Il peut être intéressant ici

de confronter différentes perceptions de ces relations. Malgré son ancienneté, le livre de

114

Entretien réalisé avec Damien Blouet, op.cit. 115

Idem.

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Henri Rouille d'Orfeuil, Coopérer autrement116

présente des aspects intéressants, car ce

dernier expose son scepticisme, à l'instar de Marie-Christine Kessler117

, à l'égard de la

coopération internationale publique. Selon lui, le manque de présence continue des

collectivités sur le terrain, d'une part profite aux Etats du Sud, qui instrumentalisent les

sociétés civiles pour qu'elles récupèrent les mannes financières venant du Nord et

d'autre part, empêche des actions de développement dans la durée.118

A l'inverse,

Guillaume Devin119

oppose la légitimité politique de l'action globale des collectivités

territoriales aux dérives des micros-projets des Organisations de Solidarité

Internationale : il privilégie donc la première au détriment de la seconde. L'idée

aujourd'hui est de tendre vers une coopération fructueuse entre collectivités et

associations, ce qui participe localement d'une plus grande inscription de l'action

internationale des collectivités territoriales sur le territoire d'action publique. Les

associations sont en effet, un des premiers acteurs que les collectivités doivent savoir

mobiliser : elles apportent savoir-faire et expérience de terrain, et favorisent la diffusion

locale de l'international.

Cette incompréhension se manifeste cependant entre deux groupes d'acteurs

dont les intérêts, quoique différents dans leurs moyens, sont assez similaires en termes

de fins. L'incompréhension qui existe au sein du Conseil Général du Rhône se situe

largement en amont : entre ceux qui croient à l'action internationale des collectivités

territoriales et ceux qui y voient peu d'intérêt, la majorité des élus. La Mission Action

Internationale et Humanitaire est encore largement vue comme quelque chose de

folklorique, de plus ou moins utile, d'anecdotique dans la politique du Département.

Une mission qui va permettre aux élus qui le souhaitent de voyager. Un élu que nous

avons rencontré au hasard d'un couloir avec Olivier Desmules semblait jalouser la

mobilité internationale de l'élu référent de l'action internationale. Et c'est là que le bas

blesse, dans la mesure où si reconnaissance il y a, elle est minime et surtout flouée.

L'accent n'est pas mis ici sur la professionnalisation de l'action internationale des

collectivités territoriales et les atouts et intérêts indéniables qu'une telle action peut

116

ROUILLE D'ORFEUIL Henri, Coopérer autrement, L'Harmattan, Paris, 1984. 117

KESSLER Marie-Christine, op.cit. 118

BAYART Jean-François (dir.), La greffe de l'Etat, Karthala, Paris, 1996. 119

DEVIN Guillaume, "Les ONG et les pouvoirs publics : le cas de la coopération et du développement",

Pouvoirs, n°88, 1999, Paris.

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apporter au Département. Cependant, l'élu reste, dans tous les cas, la voix politique du

Département, l'interlocuteur incontournable dans l'élaboration d'une convention de

coopération.

Cette explication de la reconnaissance accordée par les élus du Conseil Général

du Rhône à l'action internationale de leur collectivité, suffit en elle-même à expliquer le

pourquoi d'une dynamique de mission frustrée et d'une visibilité réduite voire

inexistante. Quand bien même l'action internationale n'est jamais une priorité affichée

par les Départements, il convient de souligner que certains Départements se montrent

plus expressifs quant à leur volonté de s'ancrer dans une démarche internationale :

constitution d'un service à part entière de Relations internationale, allocation de fonds

conséquents (quoique rarement très importants), lisibilité sur le territoire locale (lettre

du Département, presse locale, Internet), élu en charge uniquement de ces questions,

soutien politique et définition précise des volontés de la collectivité...

Tout au long de notre stage, nous avons travaillé aux côtés d'Olivier Desmules, à

la redéfinition des axes politiques. Nous nous sommes posés en force de proposition

face aux nouveaux élus en charge de l'action internationale : la position stratégique du

chargé de mission est ici de soumettre des propositions, d'orienter l'avis des élus, de le

guider vers ce que devrait être dans l'idéal une réelle Mission internationale. Olivier

Desmules a donc organisé des réunions de travail avec les trois nouveaux Vice-

présidents, pour leur exposer de manière précise et approfondie les actions jusque là

réalisées, les différentes missions qui lui étaient attribuées et les objectifs qu'il

souhaitait voir accomplis par la Mission, les axes politiques qu'il lui semblait opportun

de suivre et de développer. Le chargé de mission participe ainsi à l'inscription de

l'action internationale dans les axes politiques évidents du Département. Sans en faire

une compétence principale, car là n'est pas l'enjeu, il convient d'en faire une compétence

indispensable : là s'opère l'interface direct entre le chargé de mission-expert et l'élu

référent.

Il est difficile de comprendre les raisons de ce manque d'intérêt, de ce manque

de reconnaissance pour l'action internationale du département du Rhône. Plusieurs

hypothèses peuvent ici être formulées pour tenter de comprendre cette désaffection.

Avant tout, il convient de souligner que le cas du département du Rhône n'est pas isolé :

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les collectivités territoriales françaises, dans leur diversité, ne forment pas un bloc

commun face à cette nouvelle compétence. Certaines sont pionnières en ce domaine,

mais beaucoup d'autres ont une activité relativement limitée et sont quasi-inexistantes

dans les réseaux nationaux, d'où un manque de reconnaissance plus national que local.

La Mission Action Internationale et Humanitaire du Département, comme nous l'avons

précédemment souligné, tente de se positionner sur cette scène et d'acquérir ainsi

lisibilité et visibilité. Il existe, de manière générale, un problème de reconnaissance de

l'échelon départemental en tant qu'entité territoriale administrative pertinente. La

décision 251 du Rapport Attali stipule que "l'Etat devra concentrer au niveau régional

l'essentiel de ses cadres décentralisés et supprimer autant que possible les services en

département"120

. Cette proposition a certes provoqué de vives réactions dans le monde

politique et journalistique, mais n'en reste pas moins toujours présente. En matière de

Relations internationales, l'action des villes, plus locale et des régions, plus globale,

semble davantage retenir l'attention du grand public. Le territoire de la région Rhône-

Alpes est particulièrement révélateur de ce que nous énonçons. Cette Région est en effet

très visible et largement reconnue. Ses projets sont financièrement, matériellement et

humainement beaucoup plus lourds : quand le Conseil Général finance à hauteur de 57

000 euros l'association Bioforce, le Conseil Régional donne 800 000 euros, dont

400 000 euros au titre de l’action humanitaire et internationale et 400 000 euros au titre

de la formation continue. La ville de Lyon est également très lisible, autant sur la scène

internationale que sur la scène locale pour les actions qu'elle mène à l'international. Ce

sont deux collectivités engagées de longue date dans l'action internationale, qui ont

beaucoup d'expérience et dont l'expertise est reconnue. Lors d'un entretien informel

réalisé avec Philippe Di Loretto, chargé de mission à la ville de Lyon, celui-ci exprimait

son scepticisme quant à la viabilité d'une action internationale menée au niveau

départemental : entité entre-deux, manque de pertinence en termes de visibilité pour les

partenaires étrangers... Dans ce contexte, les élus du Département ont pu ne pas penser

politiquement porteur d'être un acteur de plus à mener des actions à l'international sur le

territoire rhodanien.

Un grand nombre de collectivités territoriales, de taille raisonnable, ne sont par

ailleurs pas prêtes à s'associer avec d'autres collectivités pour mener des actions

120

Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, sous la présidence de Jacques

ATTALI, La documentation française, Paris, 2008.

http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000041/0000.pdf

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extérieures : peur de se faire phagocyter, peur de devenir invisible, peur de perdre le

fruit entier de la réussite des projets... Cette question de la synergie entre territoires

distincts est très délicate, dans la mesure où chaque territoire veut véritablement garder

sa spécificité territoriale. Les territoires "novices" en matière de coopération ou dont la

coopération mériterait d'être étoffée, mesurent tout l'enjeu que représente un travail en

synergie avec soit des territoires proches géographiquement, soit des territoires qui

travaillent sur les mêmes zones géographiques ou les mêmes thématiques, mais ils

redoutent d'être happés par des territoires plus importants qui mènent plus de

coopérations avec davantage de moyens. Ils ont peur de perdre un certain pouvoir de

décision, de servir de "bouche-trou sur les petits projets."121

C'est le cas du département

de la Manche qui reste réticent à l'égard d'un partenariat avec le Conseil régional de

Basse-Normandie sur Madagascar (le Département n'a pas encore signé de convention

avec Madagascar mais participe à des actions au sein des Maisons Familiales Rurales

malgaches) : "la région Basse-Normandie, son budget juste pour Madagascar, c'est 100

000 euros et nous 100 000 euros, c'est notre budget pour toute la coopération

décentralisée."122

La synergie territoriale, si elle peut s'avérer efficace et raisonnable,

apparaît pour les acteurs locaux comme un déni de spécificité et va à l'encontre de la

captation locale explicitée précédemment. C'est principalement la thématique de la

visibilité à l'international qui questionne pour leur part les territoires plus importants.

Pour ces territoires, il n'est pas question de partager les fruits d'une internationalisation

réussie.

Un autre problème se pose pour le département du Rhône : les divergences

politiques. En effet, le Conseil Général, à majorité UDF-UMP, est réticent à travailler

avec le Région Rhône-Alpes ou la ville de Lyon, dont les deux majorités sont à gauche.

Nous n'avons pas cherché à approfondir ce point, mais il vient argumenter l'idée d'une

intercommunalité difficile à mettre en œuvre.

Même si elles se montrent souvent réticentes, les collectivités territoriales sont

largement incitées à mettre en commun leur énergie, leurs compétences, leurs

expériences. D'autant plus que beaucoup d'entre elles enclenchent tout juste des actions

de coopérations décentralisées. Elles ont besoin de se nourrir mutuellement pour éviter

121

Entretien avec Julie Lemeltier, op.cit. 122

Ibid.

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les erreurs grossières, parfois visibles sur le terrain, parce que les actions étaient mal

préparées. Si elles acceptent de travailler ensemble en amont, de réfléchir à la viabilité

de leurs projets ou d'échanger leurs expériences au sein d'organisations annexes, monter

ensemble des projets de coopération décentralisée à un niveau intercommunal ne

semble pas aller de soi.123

Du chemin reste encore à faire : 85 structures

intercommunales sur 20 500 entretiennent des liens de coopération décentralisée…124

Nous l'avons compris, l'action internationale des collectivités territoriales est

conditionnée aux volontés et forces politiques présentes et actives sur le territoire

d'action publique. De là découle une grande part de la lisibilité, visibilité et

reconnaissance de cette action et de ses acteurs, tant au niveau, une fois encore, de

l'entité territoriale rhodanienne, que de l'administration départementale même. Et c'est

celle-ci que nous avons voulu découvrir, dans ses attraits et ses contradictions.

123

Vade-mecum coopération décentralisée et intercommunalités, Ministère des Affaires Etrangères,

Commission nationale de la coopération décentralisée, 2004. 124

LAYE Pierre, op.cit., p.37.

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II. S’intégrer dans une logique administrative territoriale existante : gage de

reconnaissance ou déni d’existence ?

1. Franchir la barrière décisionnelle du Directeur Général des services, incarnation

administrative du monde politique

Quand bien même la Mission Action Internationale et Humanitaire du Rhône

existe depuis plus de trente ans, aucune volonté politique n'a été manifestée ni déployée

pour en faire un service à part entière, autonome et politiquement porté. Cela a façonné

la Mission de deux façons que l'on peut dire contradictoires : la méconnaissance, d'une

part, et la dépendance, d'autre part. Rappelons-le, la volonté politique, fil conducteur de

notre réflexion, conditionne et détermine la nature précise de l'action internationale du

Département. De cela découle la place accordée par la Mission et son action au sein de

l'administration départementale elle-même.

Il convient ici de mentionner le rôle important voire décisif du Directeur Général

des services dans la mise en place des volontés politiques de la majorité. Sollicité par

tous les services du Conseil Général, il est en charge de la validation ou invalidation de

l'ensemble des dossiers. De lui dépend l'ensemble des projets du Conseil Général ou

tout au moins leur concrétisation ou non. Il est une véritable pierre angulaire du système

administratif. Face à l'ensemble des dossiers qui lui sont soumis et pour lesquels il doit

donner un avis, le Directeur Général des services hiérarchise les sollicitations en

fonction des priorités politiques du Département. D'où une procédure parfois

préjudiciable à la Mission Action Internationale et Humanitaire, dont la validation des

dossiers peut arriver très ou trop tard. Le projet de la Mission de participer au Marché

des régions françaises de Budapest en juillet 2008, a ainsi dû être annulé ; faute d'un

accord de principe sur la possibilité de participer à cette manifestation, les délais ont été

largement dépassés. Le nombre important de dossiers gérés par la Direction Général des

services, corrélé à une absence de réelle volonté politique de faire émerger l'action

internationale du Département et à une certaine lourdeur et lenteur administrative,

conduisent à une forte réduction des marges de manœuvre de la Mission Action

Internationale et Humanitaire. On peut soumettre ici l'hypothèse d'une inadaptation de

l'administration locale aux problématiques internationales. En effet, travailler dans les

Relations internationales nécessite une certaine réactivité et une capacité d'adaptation

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parfois très rapide à diverses situations ponctuelles. Olivier Desmules parle de

« tuyaux » pour définir le processus de décision, de l'émanation du projet à l'accord

global, en passant par les différentes étapes obligées du circuit administratif. Cependant,

pour avoir discuté de manière informelle avec des chargés de mission d'autres

collectivités, il semble que ce souci de procédure soit principalement du à cette

perpétuelle absence de volonté politique de la part des élus.

2. Lisibilité, visibilité, accessibilité : limites et atouts de la Mission Action

Internationale et Humanitaire

Puisque que peu reconnue politiquement, la Mission Action Internationale et

Humanitaire est peu connue au niveau de l'administration et des autres services du

Département. Aucune communication interne ne participe de la diffusion et de la prise

de conscience de l'existence et des actions de la Mission. Après discussions informelles,

on s'aperçoit que beaucoup de fonctionnaires territoriaux ou personnels administratifs

ignorent tout simplement l'existence de cette action internationale. Les sondages du

Haut Comité de la Coopération Internationale, mentionnés dans notre première partie,

font état de cette méconnaissance citoyenne de l'action internationale des collectivités

territoriales, preuve de la non-évidence de l'appropriation de cette nouvelle compétence

par les territoires. Pour cette raison, cela doit être porté par les élus, larges vecteurs et

promoteurs de nouvelles logiques territoriales. C'est à eux de s'approprier cette

compétence pour en faire un atout de leur territoire ; atout ensuite récupéré et réinventé

à l'échelle micro du territoire (différents services du Conseil Général, monde associatif,

établissements d'enseignements publics...).

Olivier Desmules tente de contrer les effets pervers de ce manque de lisibilité en

assoyant progressivement sa Mission au sein des services du Conseil Général. Il publie

régulièrement une lettre d'information sur les actions menées, les projets en cours et

propose un bilan de l'activité de sa Mission.125

Dans ce cadre, il interpelle par écrit les

élus, mais aussi le Directeur Général des services et l'ensemble des services du Conseil

Général. Olivier Desmules s'étonne souvent que ces interlocuteurs ainsi sollicités,

expriment étonnement et satisfaction à l'égard de l'ensemble des actions menées et des

125

AIH Actualités lettre d’information sur la coopération décentralisée en annexe.

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projets en cours portés par la Mission. Il doit toujours prouver la légitimité de sa

mission et le bien-fondé de l'action internationale du Département, avant d'envisager

davantage de soutien et de reconnaissance. C'est une étape que d'autres collectivités

territoriales ont largement franchi : leur énergie peut alors être essentiellement

consacrée à l'activité de leur service Relations Internationales.

Outre publier une lettre régulière d'information et alimenter le site Internet (en

projet), la situation spatiale du bureau d'Olivier Desmules représente un atout à ne pas

négliger dans la stratégie d'affirmation et de lisibilité de la Mission. En effet, son bureau

se situe dans l'Hôtel du Département, directement en face des bureaux des élus et

proche de celui de la secrétaire particulière du Directeur Général des services. Ainsi, il

peut très facilement croiser un élu, lui soumettre rapidement quelques suggestions ou

propositions, se déplacer dans un bureau voisin sans contrainte, être visité

régulièrement dans son bureau... Cela facilite sa lisibilité, sa visibilité et lui donne une

existence spatiale au cœur du système administratif. Ainsi s'affirme l'action

internationale par la présence physique de cette compétence au cœur du lieu des

décisions politiques et des procédures administratives : Olivier Desmules joue alors la

carte des contacts et des relations de travail de proximité pour positionner son action. Il

devient un incontournable de ce pôle stratégique de l'Hôtel du Département. Les élus

et/ou personnels administratifs vont davantage penser à sa mission, à l'individu en tant

que tel, avec qui les uns et les autres ont plaisir à travailler. On l'interpelle sur des

questions qui le concernent plus directement. D'autre part, il se positionne

progressivement lors de manifestations diverses du Conseil Général, en s'associant aux

événements départementaux, en devenant un expert des Relations internationales

incontournable et indispensable pour le Département.

Le Conseil Général du Rhône participe, par exemple, aux Etats Généraux de

l'Europe le 21 juin 2008 à Lyon. Olivier Desmules a été associé très tardivement à cette

manifestation, parce que la secrétaire du Directeur Général ne pensait pas

originellement à la Mission Action Internationale et Humanitaire et à ses actions

européennes ; cependant, Olivier Desmules est vivement sollicité pour écrire les papiers

du Président du Conseil Général concernant toutes les questions européennes rapportées

au territoire d'action publique. Ainsi, s'affirme progressivement, mais efficacement et

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professionnellement la Mission Action internationale et Humanitaire.

3. Le paradoxe d'une compétence nouvelle : entre autonomie et dépendance.

S'inscrire dans un système existant.

Si elle reste encore trop méconnue, la Mission Action Internationale et

Humanitaire fait partie intégrante de l'administration du Conseil Général, dont dépend

une large partie de ses actions. En effet, l'essence même de l'action internationale des

collectivités territoriales, et plus particulièrement de la coopération décentralisée, est de

travailler en étroite relation avec les forces vives du territoire d'action publique, au

premier rang desquelles se trouvent les services directs du Conseil Général. La Mission

Action Internationale et Humanitaire, comme tous les services Relations

internationales, va chercher à monter ses projets avec l'appui technique et les savoir-

faire des fonctionnaires territoriaux ou chargés de mission disponibles au cœur même

de la collectivité. Le chargé de mission Relations internationales n'est pas compétent

dans chacun des domaines sur lesquels il intervient – qui peuvent aller de l'agriculture, à

la protection de l'enfance, en passant par la gestion touristique. Il fait alors appel aux

professionnels des secteurs attitrés, monte avec eux des projets cohérents et viables qui

ont bénéficié de leur expertise, puis leur délègue progressivement les dossiers qui

ressortent de leurs compétences. Le rôle du chargé de mission est ici de nouer des

relations, d'être à l'initiative de coopérations internationales, de porter un temps les

dossiers, pour ensuite les déléguer : l'idée est ici de tisser progressivement une toile

entre deux voire plusieurs territoires d'action publique à l'échelle internationale. Il est un

pont, une interface entre compétence et savoir-faire à échanger. Matériellement,

techniquement et "éthiquement", le chargé de mission est dépendant des compétences

de l'administration locale pour que vive son action.

Par ailleurs, le processus de captation locale, dont nous avons précédemment

parlé, peut s'avérer encore plus réussi et approprié au terrain si le service des Relations

internationales de la collectivité concerné travaille en synergie avec d'autres services de

la collectivité : cela facilite une insertion réussie des politiques mises en place sur le

territoire. "La coopération décentralisée, en soi, ça n'a pas de sens, si ça n'est pas mis en

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relation avec d'autres services".126

Nous souhaitons ici faire un détour par le service des Relations internationales

du département de la Manche, sur lequel nous avons précédemment travaillé, et qui

peut nous apporter un éclairage intéressant sur une tentative réussie pour un service de

Relations internationales de travailler avec d’autres services du Conseil Général.

Le service des Relations internationales du département de la Manche s’est

engagé par exemple, à aider un service partenaire à trouver des contacts institutionnels à

l'étranger et à établir des relations viables et pérennes. Un partenariat a ainsi vu le jour

entre le Comité Départemental de Tourisme et le service des Relations internationales

sur un projet de Tourisme de Mémoire autour de la Seconde Guerre mondiale. Les deux

services partenaires ont choisi de travailler sur un projet européen transfrontalier : le

travail du service des Relations internationales a donc été de trouver les meilleurs

contacts possibles, intéressés par cette thématique touristique et porteurs du projet, dans

la bande Sud de l'Angleterre. D'autre part, toujours au niveau du Conseil Général de la

Manche, des actions culturelles sont menées en commun par le service culture et les

Relations internationales. Le Conseil Général est à l'initiative du festival "Villes en

scène" qui propose d'amener la culture dans les milieux ruraux du département. Elodie

Renaudin explique que dès l'année prochaine, le service culture va intégrer des

spectacles roumains, burkinabés ou marocains - de marionnettes, de danse ou de chant -

dans leur programmation, parce que le service culture a eu le réflexe de voir ce qui se

passait du côté des Relations internationales et a profité des relations instaurées dans le

cadre de la coopération décentralisée. C'est une façon de diffuser le message de la

coopération décentralisée à tous les services du Département, auprès du public de

"Villes en scène" et de pérenniser les relations avec les partenaires étrangers, qui

trouvent là de nouveaux médiums pour échanger.

126

Entretien réalisé avec Elodie Renaudin, assistance en Relations internationales au Conseil général de

la Manche, à Saint-Lô le 19 février 2007.

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Le Guide de la Démarche Qualité en Coopération Décentralisée présenté par l'Assemblée des

Départements de France et le F3E, juin 2008.

Quant est-il au sein de l'administration départementale du Rhône ? Nous avons

précédemment souligné le manque de visibilité de la Mission, qui est une première

limite à la satisfaction de cette condition d'existence de l'action internationale des

collectivités territoriales.

Cependant, il apparaît que la Mission parvient à travailler avec les compétences

techniques de plusieurs services du Conseil Général et que cette collaboration perdure

dans le temps. On s'aperçoit que cela dépend grandement de la motivation et du

dynamisme des personnels sollicités : certains voient là la possibilité d'ouvrir leur

horizon professionnel, d'apprendre et de partager leur savoir-faire, d'autres sont réticents

quant à l'éventualité de travailler avec l'étranger, soit parce qu'ils considèrent que cela

ajoute du travail non prioritaire à leur service, soit parce que la perspective de travailler

avec l'international les effraie.

Pour illustrer ces deux appréciations de l'action internationale, nous proposons

d'expliciter succinctement deux collaborations ou tentatives de collaborations émanant

de la Mission Action Internationale et Humanitaire que nous avons directement vécues.

Coopération avec le Judet d’Alba en Roumanie

Nous avons eu pour mission de monter un projet « Eau et Assainissement » dans le

cadre de la coopération entretenue avec le Judet d'Alba en Roumanie. Cette coopération

existe de longue date, fonctionne très bien et a, à plusieurs reprises, reçu des financements

du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Nous avons longuement travaillé sur

ce projet avant de proposer une note de synthèse destinée à être soumise au service

Agriculture et environnement du Département, dont nous souhaitions recueillir l'appui

technique. Il nous a été relativement complexe de définir une date de rencontre avec la

responsable de ce pôle, qui voyait ce projet comme une surcharge de travail. Cependant,

une fois délégué le dossier à son service, motivation et dynamisme ont été les maître-mots

de ce partenariat. Nos interlocuteurs ont été très réactifs et le projet a rapidement évolué. La

semaine suivante, une enquête par questionnaire sur le système d'épuration des eaux usées

par lagunage a pu être soumise au Judet d'Alba. Ceci est un exemple de collaboration

fructueuse entre services.

Le Guide de la Démarche Qualité en Coopération Décentralisée, sur lequel le

Départ du Rhône a travaillé aux côtés d'Elisabeth Barincou, de l'Assemblée des

Départements de France – document présenté le 30 juin 2008 au Conseil Général d'Ile-et-

Vilaine – propose quelques pistes pour une meilleure communication interne.

Communication interne au Conseil Général :

- une rubrique sur l'Intranet

- une information régulière dans le journal de communication interne

- un numéro spécial par an sur la coopération décentralisée

- une invitation de tous les agents du Conseil Général lors de grands temps de la

coopération décentralisée

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Dans le cadre d'une action internationale, il est possible à des services très variés

de coopérer entre eux. Dans la mesure où l'un des volets de la coopération est de

procéder à un échange de pratiques et de savoir-faire entre professionnels, la quasi-

totalité des compétences peut être représentée : cela va de la Direction Développement

du territoire, au Pôle Enfance, Famille et PMI, en passant par le service Agriculture et

Environnement et le Comité Départemental du Tourisme. L'idée est de travailler en

commun et avec l'extérieur, de faire évoluer les pratiques mais également les mentalités,

de bénéficier des expériences étrangères et de partager ses propres savoirs.

C'est une manière intéressante d'aborder l’action internationale des collectivités

territoriales comme une interaction entre différents secteurs administratifs. Cette action

internationale s'intègre donc au territoire par le biais de la synergie qui s'opère entre les

acteurs au sein de la collectivité. Il y a interpénétration des compétences, qui vise à

dépasser les discours convenus sur l'inutilité d'un service des Relations internationales.

Lors d'un entretien réalisé avec une chargée de mission, celle-ci m'explique en effet que

les services avec qui les Relations internationales ne travaillent pas, les voient plutôt

comme un "service sympa qui fait des dîners, des déjeuners, des déplacements… ",

alors que ceux avec qui ils sont en relation "ont une idée assez précise de ce qu'[ils] fait

et ils se rendent bien compte des enjeux que ça représente."127

127

Entretien avec Julie Lemeltier, op.cit.

Coopération avec la province de Somogy en Hongrie

Olivier Desmules nous a confié la mission de réactiver une coopération avec la

Province de Somogy en Hongrie ; coopération signée en juillet 2006, mais suivie d'aucune

proposition d'action d'un côté ou de l'autre. Après étude du dossier et du protocole de

coopération, il semblait intéressant d'amorcer nos échanges autour de la question

touristique et plus précisément du tourisme rural. Après de premiers contacts convaincants

avec l'homologue du chargé de mission en Hongrie, nous décidions d'exposer les volontés

partagées par les deux collectivités au Comité Départemental du Tourisme du Rhône, pour

recueillir leur expertise et contracter un partenariat avec eux. Après exposition de nos

volontés aux personnels du CDT, nous nous sommes aperçus que l'accueil réservé à notre

projet était quelque peu froid. Ce n'était pas tant un manque d'intérêt à l'égard du projet en

tant que tel, qu'une certaine réticente à travailler avec la Hongrie. En effet, nous avons été

surpris par les premières réactions "à chaud" émises par nos interlocuteurs : réticence,

scepticisme à l'égard des capacités touristiques hongroises, commentaires succincts et

caricaturaux sur les réalités hongroises... Finalement, nous avons conclu sur un accord de

principe : le CDT nous propose un programme d'accueil d'une délégation hongroise sur le

thème du tourisme, avec réunions de travail et échanges de savoir-faire sur les pratiques du

tourisme rural. Les relations méritent d'être approfondies et les premiers échanges seront ici

révélateurs des possibilités de travail entre les deux collectivités sur ce thème du tourisme

rural.

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Nous avons noté, durant le stage, l'importance de la dimension relationnelle dans

ces échanges de travail entre services. Nous avons souligné précédemment le

positionnement stratégique du bureau d'Olivier Desmules. Celui-ci parvient par ailleurs

à affirmer sa position et à obtenir soutien et collaboration grâce à la sympathie qu'il

exprime à l'égard de tout un chacun. Les acteurs voisins du système vont l'intégrer plus

facilement au jeu global. Par cette attitude, il peut prouver l'importance et la pertinence

de sa mission et devenir un acteur crédible du système. C'est une attitude qu'il entretient

et pérennise dans ses relations au système dans sa globalité.

Enfin, et pour achever le tour d'horizon des différents rôles occupés par le chargé de

mission sur la scène territoriale, il est nécessaire de revenir sur sa position

d'interlocuteur privilégié du territoire. Interface entre le territoire citoyen et le système

politico-administratif du Département, il est aussi celui qui va faire émerger une prise

de conscience des réalités et problématiques européennes et internationales.

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III. Les citoyens et l'action internationale : rapport risqué révélateur de tension

Dans ce second chapitre, nous avons fait prendre à notre réflexion une forme

pyramidale, qui décline la mise en administration d'une nouvelle compétence territoriale

du haut vers le bas. Après examen du poids de la volonté politique sur les décisions

prises par la Mission Action Internationale et Humanitaire et des rapports entretenus

entre nouvelle compétence territoriale et ancien système administratif, l'idée est

maintenant d'achever cette pyramide par une étude sur les liens directs entretenus entre

chargé de mission et citoyens du Rhône. Notons dès à présent que cette troisième partie

n'aura pas l'envergure des deux précédentes. D'une part, parce que nous avons abordé

cette thématique tout au long de notre travail, tant elle se pose en corollaire de l'action

internationale des collectivités territoriales : nous nous permettrons cependant quelques

rappels, qui nourrirons notre présente analyse. D'autre part, parce que la visibilité du

département du Rhône sur le territoire d'action publique en matière d'action extérieure

présente des limites que nous avons précédemment soulignées, qui ont d'indéniables

répercussions sur la perception citoyenne du rayonnement international du département

du Rhône.

"La coopération décentralisée doit devenir une politique publique locale à part

entière et l'implication des populations en sera la meilleure illustration"128

1. Initiatives départementales. Trouver sa place sur le territoire : les premiers pas

d'une véritable reconnaissance

Le principal lien qui unit le chargé de mission – et par lui, le Département dans

sa structure tant politique qu'administrative – au territoire d'action publique, sont les

relations qu'il entretient avec les associations présentes sur son territoire. Nous avons

précédemment détaillé le chemin parcouru par une demande de subvention et le soutien

apporté par le chargé de mission à telle ou telle association au projet porteur et pertinent

avec les axes politiques du Département. Nous souhaiterions présenter ici quelques

initiatives de la Mission Action Internationale et Humanitaire pour favoriser la

médiatisation de ses actions et/ou la sensibilisation à l'action internationale en général.

128

LAYE Pierre, op.cit.

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Avant l'arrivée d'Olivier Desmules au poste de chargé de mission, l'argent public était

versé sans reconnaissance visible de la part des partenaires ; l'accent est désormais mis

sur la lisibilité territoriale des actions menées par le Département.

Nous avons par exemple intégré à notre travail sur la définition des critères

d'attribution de subventions aux associations, une rubrique "médiatisation", incitant les

associations et organismes partenaires à mentionner la participation financière du

Département dans leur support de promotion et de communication : le logo du Rhône

est ainsi présent dès lors que le Département s'investit dans la mise en œuvre d'un

événement et/ou dans le fonctionnement de l'association. Le Département finance par

exemple, à hauteur de 57 000 euros, l'association Bioforce, plate-forme de l'humanitaire

et de l'emploi solidaire. Dans la mesure où le montant de cette subvention est bien en-

deçà de ce que donne la région Rhône-Alpes et le Grand Lyon, il a été convenu entre

l'association et Olivier Desmules, que cet argent devait être destiné à une action visible,

phare et innovante de Bioforce : le Tour de France de l'Humanitaire. Cette action vise à

faire découvrir le monde de l'humanitaire aux jeunes français : douze étapes sont

prévues aux quatre coins de la France de mars à décembre 2008. C'est une action très

visible, qui mobilise un nombre d'acteurs territoriaux importants (associations

implantées sur le territoire, professionnels venant échanger sur leurs pratiques et

expériences, artistes invités en marge des réunions du Tour de France de l'Humanitaire,

manifestations parallèles…). Et le logo du Rhône est présent sur l'ensemble de leurs

supports de promotion – et ce, dans toutes les villes françaises partenaires de l'opération

– : affiches, tracts, site Internet du TDFH129

, guide distribué à chacun des participants…

Dans les remerciements de ce guide, on peut lire : "Nous souhaitons particulièrement

remercier le Conseil Général du Rhône, notre partenaire national"130

avec un lien vers le

site Internet du Département.131

Mentionnons également, en ce qui concerne les initiatives intéressantes du

Département, le Conseil Général des Jeunes et sa commission spécialisée "Solidarité

internationale". La Mission Action Internationale et Humanitaire coordonne cette

commission avec Chrystelle Linares, responsable du CGJ au Pôle Education. L'objectif

est avant tout de sensibiliser les jeunes à la solidarité internationale, de les amener à

129

http://www.tdf-humanitaire.net/. Site consulté le 30 juin 2008. 130

Guide d'information : Tour de France Humanitaire, Bioforce, 2008. 131

http://www.rhone.fr/. Site consulté le 30 juin 2008.

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réfléchir sur les réalités de l'actualité internationale, à prendre du recul par rapport aux

idées reçues en matière d'humanitaire. La mission du CGJ est double : réfléchir à un

DVD de sensibilisation expliquant les tenants et les aboutissants de l'humanitaire, les

métiers, les réalités, les interlocuteurs locaux… Ils vont être les acteurs de leur DVD,

les "Tintins au pays de l'humanitaire" comme ils se définissent eux-mêmes et partir à la

rencontre de professionnels de la solidarité internationale. Par ailleurs, ils disposent

d'une enveloppe financière qu'ils vont attribuer à une action de leur choix. Le rôle du

chargé de mission, perçu ici comme l'expert en Relations internationales, est de les

aider à réfléchir à la solidarité internationale, mais aussi de les mettre en contact avec

des acteurs clefs du territoire (Bioforce, Resacoop…) et de les sensibiliser directement

aux actions extérieures du département du Rhône (actions de coopération et de

solidarité internationale). L'idée serait que l'enveloppe financière qui leur a été allouée,

puisse être utilisée dans le cadre d'une action déjà amorcée par la Mission Action

Internationale et Humanitaire. Les jeunes du CGJ, sensibilisés à la solidarité

internationale par le chargé de mission, vont eux-mêmes sensibiliser les jeunes

collégiens du Département à la solidarité internationale, grâce à leur travail, leur

investissement et surtout avec leurs propres mots et leur regard de jeunes adolescents.

Voici présentés deux exemples non exhaustifs de l'implication du Rhône sur le

territoire d'action publique. Cependant, il convient de noter que cet investissement se

cherche, tente de s'organiser, ne va pas de soi. Un élu proposait il y a peu à Olivier

Desmules de créer une rencontre départementale de la coopération internationale,

réunissant les acteurs impliqués à l'international, sur des pays ou des thématiques

également travaillés par le Département. Il est intéressant de souligner cette dimension

locale de l'action internationale des collectivités territoriales, car elle a véritablement

évolué depuis les débuts des lois de décentralisation, quand la règle voulait que la

coopération décentralisée représente un intérêt local132

pour le territoire sur lequel elle

s'inscrivait. Aujourd'hui, cette contrainte n’existe plus : l'intérêt local n'est plus une

obligation. Cependant, les services de Relations internationales s'attachent toujours à

faire montre de l'implication territoriale de leur coopération, car cela représente

véritablement un sens dans nombre de coopérations.

132

TULARD Marie-José, op. cit.

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2. La place manquée du département du Rhône

Nous l'avons exposé à maintes reprises : la volonté politique du département du

Rhône en matière d'action internationale reste à approfondir. D'où des répercussions

évidentes sur le processus de médiatisation impulsé par la Mission Action

Internationale et Humanitaire. Un point intéressant a été soulevé dès le début de notre

stage par Olivier Desmules : arrivé en janvier 2006, il a grandement œuvré à la

réactivation et au développement des coopérations du Rhône ; cependant, il reste seul

sur sa mission et la charge de travail est conséquente si l'on souhaite bien faire les

choses et suivre régulièrement chacune des coopérations entreprises. Dans la mesure où

il est peu soutenu, il ne peut prétendre à développer sa mission au-delà de ses

possibilités financières et humaines. Il choisit alors de ne pas trop communiquer sur les

actions qu'il mène. Selon lui, communiquer suscite envie et intérêt. La Mission sera

donc rapidement submergée par les demandes de subvention émanant de la société

civile ou des organisations associées (montage de micro-projets, participation à une

mission…). L'international devient "accessible" au local. De façon pragmatique, Olivier

Desmules, seul, ne peut répondre à ces requêtes de manière efficace et individualisée.

D'autre part, on peut penser qu'être assailli par des demandes de subventions, de rendez-

vous, être sollicité pour s'investir dans la vie associative (participation aux conseils

d'administration, aux conférences de presse, aux réunions régulières…) peut nuire à la

volonté affichée de professionnalisme des acteurs territoriaux de l'action internationale.

Objectivement, la Mission Action Internationale et Humanitaire n'est pas

humainement assez conséquente pour mener à bien des projets d'action internationale à

un niveau départemental. Le Département est pourtant une collectivité aux ressources et

opportunités variées, qui peut prétendre mener des projets d'envergure intéressante.

Dans le cas du département du Rhône, on peut se poser la question du pourquoi de cette

mission. Intéressante, riche et variée, elle est si peu soutenue et comprise par le

territoire politique que sa marge de manœuvre est très faible et que les possibilités de

développement qui s'offrent à elle, vont nécessiter un fort investissement et de la

persévérance de la part du chargé de mission.

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Conclusion

'idée générale de notre travail était de réfléchir à la coopération

décentralisée en tant que nouvelle compétence transférée aux collectivités

territoriales. De simple coopération décentralisée, nous avons été amenés à nous

questionner sur l'action internationale des collectivités territoriales dans leur globalité.

Cette compétence particulière, construite dans la conflictualité, parfois dénigrée et trop

souvent peu ou mal comprise, poursuit son processus de construction identitaire.

L'action internationale des collectivités est une compétence intrinsèquement

territoriale : née des jumelages, elle s'est battue pour sa spécificité locale. Aujourd'hui,

des territoires forts de leur initiative et de leur savoir-faire s'affirment sur la scène

nationale et internationale. Nous avons tenté de démontrer l'originalité de cette

compétence, octroyée par le haut (l'Etat), mais pensée et pratiquée en amont par le bas

(les territoires). Riche de cette histoire – entre revendication du pouvoir des périphéries

face au centre et affirmation des spécificités locales –, elle se dessine au sein de

chacune des collectivités territoriales avec une teinte toute particulière. L'action

internationale étant loin d'être représentée de manière homogène sur le territoire

national, nous avons donc proposé un filtre de compréhension de cette compétence, qui

nous a permis de la penser en termes analytiques et de dépasser ainsi les particularités

locales, qui la construisent et lui donnent sens. Notre intégration approfondie au sein de

la collectivité départementale du Rhône nous a permis de cerner la place et le rôle de

l'acteur clef de cette action internationale : rôle d'interface du chargé de mission, parfois

délicat, souvent difficile, entre le monde politique, exigeant et peu compréhensif, le

monde administratif, réticent ou curieux, et le territoire d'action publique, demandeur et

complexe. Notre réflexion nous a amené à cerner les réalités de la mise en

administration d'une nouvelle compétence a priori peu évidente pour les collectivités

territoriales. Le département du Rhône a été en cela très intéressant à observer, dans la

mesure où cette mise en administration ne va pas de soi, est compliquée à mettre en

œuvre, est mal comprise. Cependant, nous réaffirmons l'idée que l'action internationale

des collectivités territoriales participe du gouvernement des territoires.

L

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L'action internationale est, par la force des choses, œuvre de décentralisation et

s'intègre donc directement aux compétences territoriales traditionnelles. Nous avons pu

apprécier l'inscription territoriale de cette compétence au sein du système politico-

administratif du département du Rhône. Des élus en ont la charge, des professionnels la

font vivre. Elle se décompose de multiples façons et s'intègre rapidement à des réseaux

d'envergure. De manière générale, on peut dire que sa place n'est plus à revendiquer

pour ses protagonistes. Dans les faits, il en va parfois tout autrement et des chargés de

mission peuvent rencontrer de nombreuses difficultés à faire admettre le bien-fondé de

leur action. La pertinence de leur mission n'est pourtant plus à remettre en cause, au

regard de la loi, des autres expériences françaises et des projets dont ils sont porteurs,

mais l'international au niveau local nécessite davantage que volonté et dynamisme.

En effet, comme nous l'avons largement exposé en seconde partie, l'action

internationale est conditionnée par la volonté politique des élus ; par conséquent, il y a

action internationale parce que l'élu chargé de gouverner le territoire l'a voulu ainsi.

C'est un premier pas anodin, mais indispensable à l'intégration d'un service de Relations

internationales au sein d'une collectivité territoriale. Et c'est à partir de là que l'action

internationale acquiert de la pertinence. Etre présent et agir à l'international, parce que

c'est aussi penser et agir sur son propre territoire d'action publique, participe

effectivement du gouvernement des territoires.

L'action internationale c'est aussi gouverner, dans la mesure où il y a volonté de

s'inscrire dans les compétences déjà à l'œuvre au sein de la collectivité et de se servir

des savoir-faire locaux et disponibles au sein du territoire comme de l'administration.

Elle doit se comprendre comme un instrument des politiques sociales, des politiques

d'insertion, ou encore des politiques de développement économique mises en place au

niveau des territoires. Elle est une flèche supplémentaire à l'arc administratif, une flèche

originale, qui permet de renouveler ses pratiques et de questionner ses certitudes.

Enfin, l'action internationale des collectivités territoriales participe du

gouvernement des territoires car cherche à intégrer une dimension sociale et citoyenne à

ses objectifs et à ses enjeux. Ceci n'est pas spécifiquement le cas pour le département du

Rhône, mais certaines collectivités, notamment d'Ile-de-France, intègrent de manière

très constructive les habitants de leur territoire à leurs projets, qui deviennent réellement

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des projets citoyens. La volonté affichée est véritablement de "faire comprendre"

l'international au-delà de ce que l'on en voit habituellement (ONG médiatisées,

déplacements humanitaires, politique étrangère de la France, crises généralisées qui

traversent de nombreux pays…).

L'action internationale des collectivités territoriales, au-delà d'être une

compétence nouvelle octroyée aux territoires et de participer directement à leur

gouvernement, semble également vouloir s'affirmer comme une nouvelle façon de

concevoir l'espace et la relation inter-territoriale.133

Elle incite les territoires à travailler

ensemble sur des thématiques qui peuvent transcender leurs rivalités politiques,

administratives ou autres : l'Etat se pose alors en arbitre, en négociateur de scènes de

négociation dont l'objectif est la coordination des expériences et des savoir-faire.

Nous avons compris la difficile mise en œuvre d'actions concertées entre

territoires d'actions publiques, qui restent ancrés dans des rivalités dépassées (politique,

administrative, géographique…). On peut se poser la question du dépassement de ces

contraintes territoriales et se demander si l'action internationale des collectivités

territoriales, qui touche un public varié, ne se limite pas aux électeurs proches et aborde

des thématiques plus internationales que locales, ne pourrait pas donner naissance à un

processus de réflexion commun entre territoires. Pour cela, il faudrait que soient

distingués rayonnement international et action internationale ; le premier noyant le

second et écrasant les collectivités discrètes et aux moyens financiers limités, qui

œuvrent en fourmi pour l'émergence de coopérations porteuses de sens au niveau du

territoire.

Enfin, et c'est ainsi que nous souhaiterions achever ce travail, il convient de

rappeler que l'action internationale des collectivités territoriales est une émanation

politique locale et une traduction du processus de territorialisation à l'œuvre. Les

territoires sont des foyers de ressources en tout genre et l'action internationale ne vient

que renforcer leur détermination à prendre de plus en plus d'importance et à devenir des

133

BEN MABROUK Taoufik, "Quand la métropole se fait territoire politique : l'instauration paradoxale

d'un changement d'échelle, entre professionnalisation politique et quête de reconnaissance démocratique",

papier présenté à la table ronde "Villes, Régions, Etat, Europe : l'action publique à l'épreuve des

changements d'échelle" du congrès de l'AFSP, 14-16 septembre 2005, Lyon, 2ème

demi-journée : Les

compétitions politiques.

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acteurs incontournables sur la scène nationale comme internationale. L'enjeu désormais

est de faire prendre conscience aux élus de cette réalité et de l'implication directe de

l'action internationale dans le quotidien de leur territoire. Nous l'avons cerné au cours

des six mois que nous avons passés aux côtés d'Olivier Desmules : l'action

internationale d'un Département est une façon de dessiner les volontés politiques de la

majorité en place, elle traduit ses aspirations, ses objectifs d'avenir, ses conceptions du

territoire. Par ailleurs, gouverner un territoire c'est aujourd'hui être capable de l'inscrire

dans une dynamique plus large que ses frontières locales : c'est aussi le défendre sur les

scènes nationales, le promouvoir à l'international, faire montre de ses qualités et atouts,

attirer, créer et innover. La question reste entière et mériterait une étude sociologique et

politique approfondie : quelles peuvent être les clefs de compréhension à manier pour

convaincre les élus locaux du bien-fondé d'ouvrir leur territoire à l'international et de

l'évidence que cette compétence n'est plus du domaine de la marginalité politique, mais

participe, concrètement et efficacement, du gouvernement de leurs territoires ?

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Bibliographie

I - La coopération décentralisée dans sa globalité : des ouvrages juridiques aux

études de cas, en passant par les analyses critiques

1. Ouvrages

Actions de coopération décentralisée : étude sur l'état et les perspectives des politiques

et des actions développées par les collectivités territoriales, à la demande la de

Commission nationale de la coopération décentralisée, étude coordonnée par Marie-

Paule LAVERGNE, Direction générale de la coopération internationale et du

développement, 2000.

BREGEOT Ghislain, L’international, acteur du territoire. Quelles cohérences entre

coopération internationale et développement local pour quelle réciprocité ?, 6ème

entretiens de Rambouillet, Bergerie nationale de Rambouillet, le 13 novembre 2002.

Guide de la coopération décentralisée, La Documentation française, Paris, 2006.

GUILLAUD Gilles (dir.), La coopération décentralisée, Trois partenariats entre le

Nord et le Sud, L'Harmattan, Paris, 2005.

LAYE Pierre, La coopération décentralisée des collectivités territoriales, Editions La

lettre du cadre territorial, Paris, septembre 2005.

LUBAC Jean-Christophe, "Recherches sur les problèmes juridiques de la coopération

internationale des collectivités territoriales", Université Toulouse 1 sciences sociales-

UT1, Thèse, 30 juin 2005.

PETITEVILLE Franck, La coopération décentralisée. Les collectivités locales dans la

coopération Nord-Sud, L'Harmattan, Paris, 1995.

RAHMANI Tahar, BEKKOUCHE Adda, Coopération décentralisée, L'Union

européenne en Méditerranée occidentale, Contient Europe, Paris, 1995.

ROUILLE D'ORFEUIL Henri, Coopérer autrement, L'Harmattan, Paris, 1984.

ROUSSET Michel, L'action internationale des collectivités locales, LGDJ, Paris,

1998.

TULARD Marie-José, La coopération décentralisée, Politiques locales, LGDJ, Paris,

2006.

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2. Articles

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n°201, avril 2007.

LHOMEL Edith, "Roumanie-France : Vers une coopération décentralisée exemplaire

entre la région de Cluj et l’Auvergne ?", Le courrier des pays de l’Est, La

documentation française, n°1035, V.5, 2003, p.80-81.

3. Sites Internet

http://www.cites-unies-france.org/ : le portail de la coopération décentralisée et de

l’action des collectivités territoriales françaises

http://www.diplomatie.gouv.fr/ : site du Ministère des Affaires étrangères et

européennes (discours de ministres, vade-mecum, informations pratiques…)

http://www.hcci.gouv.fr/ : organisme de concertation destiné aux différents acteurs de

la coopération et de la solidarité internationale. Le Haut Conseil de la Coopération

Internationale a cessé ses activités le 30 mars 2008.

http://carrefourlocal.senat.fr/themes/coop_decentralisee/index.html : site du Sénat ou

point de rencontre des acteurs locaux sur le thème de la coopération décentralisée

(informations juridiques, administratives, actes de colloque…)

http://www.globenet.org/assises/contributions/index.html : liste des contributions et

documents utilisés pour la réaction du Livre Blanc des Assises de la coopération et de la

solidarité internationale.

http://www.afccre.org/fr/default.asp : Association Française du Conseil des Communes

et Régions d’Europe. Recueil d’informations sur les jumelages et les partenariats

européens.

II - Analyse des politiques publiques : rencontre entre la coopération décentralisée

et l’univers des politiques publiques

1. Ouvrages

BALME Richard, FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et

transformations de l'action publique en Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998.

COMTE Henri et NICOUD Marie-Odile, "Le droit public et les politiques locales", in

BALME Richard, FAURE Alain, MABILEAU Albert (dir.), Politiques locales et

transformations de l'action publique en Europe, Cerat, Grenoble, mai 1998.

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GAUDIN Jean-Pierre, L'Action publique. Sociologie politique, Presses de Sciences Po

et Dalloz, Paris, 2004.

LASCOUMES Pierre et LE GALES Patrick (dir.), Gouverner par les instruments, Les

Presses de Science Po, Paris, 2004.

LE BART Christian, Le discours politique, Que sais-je ?, Paris, 1998.

PINSON Gilles et VION Antoine, "L'internationalisation des villes comme objet

d'expertise", Pôle Sud, n°13, nov 2000.

SOLDATOS Panayotis, Les nouvelles villes internationales : profil et planification

stratégique, Serdeco, Aix-en-Provence, 1991.

VION Antoine, "Au-delà de la territorialité : l'internationalisation des villes ?", AFRI,

vol II, 2001.

2. Articles

Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, sous la

présidence de Jacques ATTALI, La documentation française, Paris, 2008.

BEN MABROUK Taoufik, "Quand la métropole se fait territoire politique :

l'instauration paradoxale d'un changement d'échelle, entre professionnalisation politique

et quête de reconnaissance démocratique", papier présenté à la table ronde "Villes,

Régions, Etat, Europe : l'action publique à l'épreuve des changements d'échelle" du

congrès de l'AFSP, 14-16 septembre 2005, Lyon, 2ème

demi-journée : Les compétitions

politiques.

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Revue française de science politique, Volume 46, n°4, 1996.

GENIEYS William, SMITH Andy, BARAIZE François, FAURE Alain, NEGRIER

Emmanuel, "Le pouvoir local en débat", Pôle Sud, n°13, novembre 2000.

ROUBIEU Olivier, "Le modèle du "manager". L'imposition d'une figure légitime parmi

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126

III - Comprendre la coopération décentralisée au regard de l’histoire

contemporaine des Nouvelles Relations internationales

1. Ouvrages

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scène internationale, Presses de la fondation nationale des sciences politiques et Dalloz,

France, 1992.

GIRARD Michel (dir.), Les individus dans la politique internationale, Economica,

Paris, 1994.

KESSLER Marie-Christine, La politique étrangère de la France. Acteurs et processus.

Presses de Sciences po, Paris, 1999.

"Lyon internationale", Rapport d'activité, Direction des Relations internationales de

Lyon, janvier 2005-septembre 2006.

MERLE Marcel, Les acteurs dans les relations internationales, Economica, Paris,

1986.

SMOUTS Marie-Claude (dir.), Les Nouvelles relations internationales. Pratiques et

théories, Presses de sciences po, Paris, 1998.

2. Articles

CONDAMINES Charles, "Migrations et coopérations internationales : intégration ou

exclusion ?", Politique africaine, n°71, octobre 1998.

CONSTANTIN François, "La transnationalité : de l'individu à l'Etat. A propos des

modes populaires d'action internationale en Afrique orientale" in GIRARD Michel

(dir.), Les individus dans la politique internationale, Economica, Paris, 1994.

BESSIS Sophie, "Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats

internationaux dans les années 90", Revue Tiers-Monde, t.XXXVIII, n°151, juillet-

septembre 1997.

DEVIN Guillaume, "Les ONG et les pouvoirs publics : le cas de la coopération et du

développement", Pouvoirs, n°88, 1999, Paris.

JACOB Jean-Pierre, "La décentralisation comme distance. Réflexions sur la mise en

place des collectivités territoriales en milieu rural ouest-africain." Politique africaine,

n°71, octobre 1998.

LEVY Marc, "Introduction au thème", Politique africaine, n°71, octobre 1998, pp.3-22.

SMOUTS Marie-Claude, "Que reste-t-il de la politique étrangère ?", Pouvoirs, n°88,

1999, Paris.

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127

SMOUTS Marie-Claude, "La coopération internationale : de la coexistence à la

gouvernance mondiale", in SMOUTS Marie-Claude, Les nouvelles relations

internationales, pratiques et théories, Presses de sciences po, Paris, 1998.

IV – Méthodologie appliquée à la science politique

1. Ouvrages

BEAUD Stéphane et WEBER Florence, Guide de l'enquête de terrain, La Découverte,

Paris, pp.204-208.

CROZIER Michel et FRIEDBERG Erhard, "Annexe 1 : Théorie et pratique de la

démarche de recherche", extraits de L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, pp.449-

472.

2. Articles

BEAUD Stéphane, "L'usage de l'entretien en sciences sociales", Politix, n°35, 1996,

p.228-242.

GIRARD Violaine et LANGUMIER Julien, "Risques et catastrophes. De l'enquête de

terrain à la construction de l'objet", Genèses, n°63, 2006/2, P.126-142.

V - Les inclassables

Travail d'archive réalisé à partir de la lecture de deux revues mensuelles locales du

début de l'année 2005 à 2007 :

- En Direct du Conseil Général de la Manche

- Grand Lyon Magazine

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ANNEXES

ANNEXE A – Organigramme des services rattachés à la Direction générale – source :

Intranet du département du Rhône (1 p.)

ANNEXE B – Budget subventions aide humanitaire 2008 – Prévisions au 15 mai 2008

– source : Vie Associative (1 p.)

ANNEXE C – Extrait du procès-verbal de la séance du 22 novembre 2002 – source :

Direction des affaires décentralisées, Préfecture du Rhône (4 p.)

ANNEXE D – Protocole d’accord de coopération entre le Judet de Timis/Roumanie et

le Département du Rhône/France – source : Mission Action Internationale et

Humanitaire (1 p.)

ANNEXE E – Protocole de coopération entre le Département du Rhône et le

département de Somogy (Hongrie) – source : Mission Action Internationale et

Humanitaire (2 p.)

ANNEXE F – Convention entre le Département du Rhône et l’association Solidarité

Développement Rhône Roumanie – source : Vie Associative (4 p.)

ANNEXE G – Extraits du rapport de programmation 2005-2008, actions réalisées et

envisagées avec la province de Liège en Belgique – source : Mission Action

Internationale et Humanitaire (3 p.)

ANNEXE H – Note d’information AIH Actualité mai 2008 – source : Mission Action

Internationale et Humanitaire (10 p.)

ANNEXE I – Définition des critères d’attribution de subventions aux associations –

source : travail réalisé lors du stage au sein de la Mission Action Internationale et

Humanitaire (3 p.)

ANNEXE J – Etude sur le projet eau et assainissement - travail réalisé lors du stage au

sein de la Mission Action Internationale et Humanitaire (5 p.)

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ANNEXE A – Organigramme des services rattachés à la Direction générale – source :

Intranet du département du Rhône

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ANNEXE B – Budget subventions aide humanitaire 2008 – Prévisions au 15 mai 2008

– source : Vie Associative

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ANNEXE C – Extrait du procès-verbal de la séance du 22 novembre 2002 – source :

Direction des affaires décentralisées, Préfecture du Rhône

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ANNEXE D – Protocole d’accord de coopération entre le Judet de Timis/Roumanie et

le Département du Rhône/France – source : Mission Action Internationale et

Humanitaire

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ANNEXE E – Protocole de coopération entre le Département du Rhône et le

département de Somogy (Hongrie) – source : Mission Action Internationale et

Humanitaire

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ANNEXE F – Convention entre le Département du Rhône et l’association Solidarité

Développement Rhône Roumanie – source : Vie Associative

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ANNEXE G – Extraits du rapport de programmation 2005-2008, actions réalisées et

envisagées avec la province de Liège en Belgique – source : Mission Action

Internationale et Humanitaire

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ANNEXE H – Note d’information AIH Actualité mai 2008 – source : Mission Action

Internationale et Humanitaire

A I H Actualités

Point sur les actions

de la Mission « Action Internationale et Humanitaire »

Mars 2008

PROVINCE DE LIEGE

Dans le cadre de la Charte d’Amitié et de Collaboration signée en 2005 et de la

programmation 2005-2008, ce n’est pas moins d’une quinzaine d’actions qui ont

été menées depuis un an, toutes thématiques confondues (Cf. rapport de

programmation)

L’ensemble des missions et accueils réalisés ont connu un bon succès et ont été

productifs.

Les relations Département du RHONE / Province de LIEGE se sont donc, à nouveau,

intensifiées et des perspectives très intéressantes de coopération émergent pour la

future Charte d’Amitié et de Collaboration (programmation 2009-2011)

Il conviendra de définir vers quelles priorités d’actions et de thématiques

ou compétences doit s’orienter ce nouvel engagement pluriannuel de

coopération et pour quels objectifs.

Une rencontre pourrait être programmée dans ce sens en avril ou mai.

Les prochaines actions

- Participation de 3 joueurs d’échecs de la Province à l’Open International d’Echecs

de LACROIX-LAVAL (12 au 18 avril 2008)

- Invitation à la course cycliste LIEGE/BASTOGNE/LIEGE (27 avril) pour les anciens

Vice-Présidents POUILLY et THIERS et leurs successeurs (Avis DG/

urgent…)

- Participation d’une délégation d’un collège de la Province (IPES) aux Jeux des

Collèges au Parc départemental de PARILLY (11 juin 2008) (Sous réserve

accord DG)

- Accueil d’une délégation de la Province à l’occasion des Rendez-Vous de

l’Agriculture 2008 à LACROIX-LAVAL (29 au 31 août 2008) (Sous réserve

accord DG)

Rappel

- Invitation de notre Département par la Foire Internationale de LIEGE pour être

« Hôte d’honneur du salon touristique VERT BLEU SOLEIL 2009 »

- Jumelage en préparation entre l’IPES d’Hesbaye sections Foot-Etudes et

Restauration avec un collège du Rhône « Foot-études » (St Louis / St Bruno ?) et

une école de restauration ou art culinaire (Ecully ?)

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- Echanges réguliers avec la SPIE (Aderly de la Province de LIEGE) et avec le

bureau économique et commercial wallon de l’Ambassade de Belgique à LYON.

Echanges entre entreprises favorisés

- Les échanges entre l’Ecole d’assistantes sociales Rockefeller et les Hautes Ecoles

de la Province se poursuivent et les échanges d’étudiant(e)s se déroulent pour le

mieux. Une étudiante liégeoise, Mlle Valérie GODFROID a été accueillie à l’Hôtel du

département le mois dernier

-Rapprochement « Nuits de Fourvière » et « Francofolies de Spa » pour actions

communes de promotion

-Invitation de notre Département par les organisateurs de la FOIRE AGRICOLE DE

BATTICE HERVE pour être «Hôte d’Honneur » en 2009 ou 2010

-Objectif de présence de nos deux institutions sur nos sites Internet respectifs et

coopération relatée sur nos journaux respectifs

ROUMANIE TIMIS

Appartements protégés

Suite à la mission réalisée en mars 2007, un programme de construction chiffré

avait été obtenu auprès des services techniques du Judet de TIMIS.

Ce programme (montrant un coût de construction de deux maisons estimé à 186

552 € TTC (93 276 € par maison) auquel il conviendra d’ajouter 26 674 €

d’équipements soit une opération qui s’élèverait à 212 226 €) a été transmis à

notre service Construction Ingénierie pour analyse et vérification des coûts.

Un certain nombre de remarques, suggestions et quelques questions

complémentaires ont été transmises au Judet (Mariana EFTIMIE)

Lors d’un bilan sur actions menées en mai 2007, la Mission Action Internationale et

Humanitaire posait un certain nombre de questions quant à la faisabilité et la

procédure de réalisation d’un tel programme :

Coût à engager, financement (vraisemblablement sur deux exercices ?) destination

des crédits, maîtrise d’œuvre…

A ce jour aucune décision n’a été prise et le Judet de TIMIS nous sollicite quant à

un engagement écrit de notre part pour la réalisation de ce programme.

A réception de cet engagement (délibération ?) le Judet confirmera l’achat du

terrain à LUGOZ et sa viabilisation.

Selon la décision et les procédures, les travaux de construction d’une première

maison pourraient débuter en avant l’été 2008 et la durée des travaux est estimée

par le Judet à trois mois.

Au regard de l’évolution de la loi, et des éventuels recours de la CANOL, il

semblerait plus pertinent, (si la décision est prise de réaliser ce programme)

d’élaborer une convention entre le Judet de TIMIS et le Département du RHONE,

convention qui rappellerait le programme sur deux ans ( ?) et qui préciserait les

modalités de réalisation et le versement d’une subvention correspondante au coût,

sur deux exercices.

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Il est utile de rappeler, par ailleurs, que des liens ont été créés avec des centres

d’insertion de Timis et Lugoz pour le suivi des futurs jeunes occupants des

appartements protégés.

Un « chantier de jeunes » serait « monté » par le Judet de TIMIS et notre

Département pour le traitement des finitions et des abords de ces maisons. (Avis

urgent de la DG pour suites à donner)

Maison des Enfants de RECAS

Le fonctionnement de la structure est suivi de très près.

Suite à une rencontre avec Mariana EFTIMIE (Conseillère de Judet) lors des Assises

de la Coopération Franco-Roumaine à NANTES, après plusieurs échanges

téléphoniques et suite aux informations obtenues par de jeunes stagiaires de

l’Ecole Rockefeller (voir plus bas), il s’avère que la Maison des Enfants de RECAS a

vécu plusieurs changements (Direction, Psychologue, assistante sociale….).

Nous n’avons pas à ce jour obtenu de garanties que le Schéma Directeur proposé

(suite à la mission sur place de notre Directrice du Service Protection de l’Enfance)

ait été mis en place.

Une demande de précisions sur le fonctionnement a été faite au Judet de TIMIS et,

lors d’une prochaine mission en Roumanie, une visite sur place s’avérera

nécessaire.

Echanges de jeunes

L’accueil d’un groupe de 16 jeunes du Judet de TIMIS a été réalisé du 10 au 21

juillet 2007.

Ces jeunes, qui ont vécu deux semaines de découverte de notre département, de

loisirs, mais aussi d’ateliers et autres activités éducatives (avec des jeunes

rhodaniens déjà partis en Roumanie et d’autres jeunes de l’IDEF).

Une rencontre « bilan » de cet accueil a été réalisée et un projet de déplacement

d’un groupe de jeunes rhodaniens en Roumanie est en réflexion.

Séjours d’apaisement

Mis en place par le Service Protection de l’Enfance en direction de jeunes aux

problématiques multiples mettant en difficulté les structures qui les accueillent, ce

dispositif pourrait utiliser la structure « Maison des Enfants de RECAS » afin de

favoriser ce type d’accueil qui nécessite un « vrai » dépaysement.

Un cahier des charges a été établi par la Directrice du Service PSE et le Chargé de

Mission AIH et une rencontre a été organisée avec l’association UNICITES qui

semblait convenir à ce type d’accompagnement.

Si l’association a enregistré la demande avec intérêt dans un premier temps et

devait faire une proposition, elle s’est désengagée dans un second temps justifiant

sa décision par le fait que, d’une part, l’association souhaite privilégier, dans le

cadre de son action, des projets collectifs, et, d’autre part, que leurs jeunes

intervenants n’étant pas recrutés sur compétence, leur qualification reste donc

aléatoire.

Des démarches sont entreprises actuellement pour trouver un autre « opérateur »

pour cette action.

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Côté Judet de TIMIS et après informations transmises sur ce dispositif et la

« commande », il n’y aurait aucun problème pour accueillir, au cours de chaque

année, des jeunes lorsque nécessaire.

Stages Ecole Rockefeller

Dans le cadre des relations qu’entretient l’Ecole Rockefeller avec les Hautes Ecoles

de la Province de LIEGE, le Chargé de Mission AIH a eu l’occasion de présenter

l’action internationale et humanitaire du Département à une promotion

d’assistantes sociales.

Le rappel des actions menées en Roumanie et plus précisément en lien avec le

Judet de TIMIS, a motivé le souhait de certaines étudiantes d’accomplir leur stage

d’études en Roumanie.

En lien avec la Direction « Social » du Judet (Rodica NEGREA) et la Direction de la

Protection de l’Enfance (Aurélia ANCIU), 5 étudiantes ont ainsi passé plusieurs

semaines à TIMIS, au sein des structures sociales et, notamment, de la Maison des

Enfants de RECAS.

Un rapport de stage des plus intéressants a été rendu le 27 mars

ROUMANIE ALBA

Suite à l’obtention du MAE 2007 (23 000 €) et grâce à l’aide du Département via

l’association Solidarité Développement Rhône Roumanie, de nombreuses actions

concrètes ont pu être menées courrant 2007 et en ce début d’année 2008 sur le

territoire d’ALBA.

L’objectif général de ce programme étant d’engager les partenaires en milieu rural

sur une voie du développement durable par le biais d’action et de projets qui

contribuent à l’aménagement du territoire et à son entretien, et d’autre part, à

rendre plus compétitives les exploitations familiales pour parvenir à maintenir

l’emploi.

Ainsi des actions de formation, d’appui aux acteurs locaux pour initier des

démarches partenariales, d’accompagnement de projets professionnels dans les

exploitations agricoles ou encore de valorisation des produits, des savoir-faire et du

patrimoine (en matière touristique et culturelle notamment) ont été menées et

l’impact de ces actions sur le terrain est bon.

Plusieurs séances de travail ont pu être menées à ALBA ou dans le RHONE avec les

services du Judet, l’association SDRR et son Conseil d’Administration, Alba Afroda,

association relais en Roumanie…

Sous l’impulsion de notre Département et de l’association SDRR, le Judet d’ALBA et

l’association Alba Afroda ont signé une convention par laquelle le Judet « passe

commande » en quelques sortes auprès de l’association pour un travail de terrain.

Enfin, le nouveau Ministre de l’Agriculture roumain, M. Dacian CIOLOS, est une

connaissance proche des membres de SDRR et de Alba Afroda. Monsieur CIOLOS

suit nos actions depuis le début (il était au préalable Conseiller pour les Affaires

européennes auprès du précédent Ministre) et il a été accueilli dans notre

département à plusieurs reprises.

Les prochaines actions

- Voyage d’un groupe d’agriculteurs du RHONE à ALBA (en cours)

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- Assemblée Générale de SDRR le mardi 15 avril à 20H30 à La Tour de Salvagny

- Courrant mai : Une mission serait nécessaire dans les meilleurs délais à ALBA

pour une évaluation sur le terrain des actions et pour une séance de travail sur les

orientations et futures actions. Cette visite donnerait aussi l’occasion de

procéder à une signature officielle du protocole liant notre Département au

Judet d’ALBA (avis DG)

Rappel :

- La dernière convention triennale liant le Département à SDRR a été signée en

octobre 2005 et elle arrive donc à échéance au cours de cette année

Il conviendra donc d’élaborer une nouvelle convention (avis DG ?) qui tiendra

compte de la situation aujourd’hui en Roumanie et de nouvelles orientations à faire

émerger correspondantes aux besoins prioritaires sur place.

Une réflexion a été menée dans ce sens par des membres du bureau de SDRR en

lien avec des élus du Département (MM. Paul DELORME, Charles BRECHARD et

Jean-Paul DELORME) et le Chargé de Mission AIH. Proposition en cours.

- Une action sur le thème de l’EAU est en préparation.

Au-delà des problèmes d’adduction d’eau que connaissent certaines communes

rurales du territoire d’ALBA, sera traité le problème des effluents et notamment

agricoles. La mission AIH a sollicité l’aide du service Agriculture et Environnement

sur cette question pour réaliser dans un premier temps un diagnostic via un

questionnaire.

Rappelons que le thème de l’EAU et l ‘INTERCOMMUNALITE furent les deux sujets

principaux des Assises de la Coopération Franco-Roumaine de NANTES (15 et 16

novembre 2007) (voir rapport) au cours desquelles notre Département a pu tenir

plusieurs séances de travail avec les interlocuteurs du Judet d’ALBA.

HONGRIE / SOMOGY

Lors de la mission à Kaposvar du 7 au 10 mai 2007, M. Jacques MEYER, Vice-Président, a signé le

protocole de coopération qui lie les départements de SOMOGY et du Rhône pour un programme de

coopération portant pour les années 2007-2009 sur des actions de coopération institutionnelle, de

développement touristique, de développement économique, d’échanges culturels et sportifs, d’agriculture

et de développement ou encore de santé…

Une rencontre est prévue une fois par an pour établir une évaluation et un bilan de l’exécution du

protocole et des actions menées (deux actions concrètes par an).

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Les prochaines actions :

- Participation de 2 joueurs hongrois (de Kaposvar et Budapest) à l’Open

International d’Echecs de Lacroix-Laval (12 au 18 avril) ;

- Participation du Département et d’entreprises de notre territoire au MARCHE DES

REGIONS FRANCAISES et rencontres professionnelles (14-17 juillet 2007) (Tous

produits agroalimentaires et biens de consommation) Echanges importateurs

hongrois / exportateurs français et vente directe de produits français au grand

public (Voir dossier) (Avis DG) ;

- Projet d’accueil d’une délégation du département de SOMOGY sur le thème du

Tourisme Rural en lien avec RHONE TOURISME et l’Association Départementale de

Tourisme Rural (entre mai et juillet) (sous réserve accord DG) ;

- Projet d’accueil d’une délégation du département de SOMOGY sur le thème de la

SANTE (et notamment le traitement du Cancer / Canceropole) (dates à définir

sous réserve d’accord DG) ;

- Participation au groupe de travail INFH (Initiative France Hongrie) à l’ADF .

ARMENIE

En lien avec l’association RAFE (Rhône Arménie Formation Echanges), suivi de

l’avancée de la modernisation et de la restructuration du Centre de Formation

Professionnelle d’Erevan.

Les prochaines actions :

- Mission sur place à Erevan pour constat des travaux réalisés et contact avec la

direction et les autorités locales (et notamment le Ministère de l’Education

Nationale arménien) ;

- Réflexion quant au devenir de cette coopération et au renouvellement des

conventions Département du RHONE / RAFE (avis DG) .

BURKINA FASO

FASO FEU

Le projet de convoi de 8 véhicules de secours réformés (VSAB et Incendie) et de

matériel, en direction de la caserne des Sapeurs Pompiers de Ouagadougou, prévu

en début d’année a du être reporté pour raisons de sécurité.(Traversée de la

Mauritanie entre autres…) La présentation du convoi a été faite début janvier en

présence des élus (Jean-Paul DELORME et Charles BRECHARD) et de la Presse.

Un nouveau départ est en cours de programmation et une délégation de notre

Département devra se rendre sur place à Ouaga pour une réception officielle des

véhicules et matériels.

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Les prochaines actions :

En lien avec Monsieur GROLLEMUND, Consul Honoraire du BURKINA FASO,

rapprochement avec la collectivité territoriale homologue à Ouaga pour réflexion et

élaboration d’un projet de protocole ou charte qui officialiserait l’intervention du

Département en matière de coopération décentralisée sur ce territoire (avis DG)

BOUSSOUMA

Dans le cadre du forum BIOVISION 2007 (mars) une rencontre « Biovision next »

s’est tenue, permettant à des jeunes du monde entier de lancer des « appels à

projets » et de rechercher des partenaires et autres parrains.

L’Action Internationale et Humanitaire a ainsi pu rencontrer deux professeurs et

une jeune élève du collège de BOUSSOUMA (80 km au nord de Ouagadougou)

Un groupe de jeunes collégiens a créé un club « Environnement » (hygiène et

assainissement) qui regroupe aujourd’hui 70 élèves âgés de 12 à 22 ans.

Le club est encadré par le Proviseur du collège-lycée de Boussouma et par le

professeur de biologie.

Le RHONE est donc partenaire de ce projet et peut donc aider ce club par des

conseils et l’envoi de supports de communication pour rendre plus efficace la

démarche de sensibilisation des élèves sur la propreté, l’hygiène, principal objectif

du club.

Une action de ramassage des sacs plastiques, un concours de la classe la plus

propre, la pose de lave-mains à la sortie des sanitaires, des conférences sur

l’hygiène en milieu scolaire, le nettoyage de la Mairie et de la Préfecture… Les idées

ne manquent pas et une réflexion est amorcée en ce qui concerne le traitement des

déchets

Le club souhaiterait sensibiliser les familles du village au travers de l’action des

collégiens mais aussi le Maire, la collectivité… A suivre…

Les prochaines actions :

- Du matériel informatique réformé sera acheminé à BOUSSOUMA dans le cadre du

convoi FASO FEU

- Une visite au collège de BOUSSOUMA sera programmée pour une intervention sur

le thème de l’hygiène, avec supports (qui seront offerts au collège)

- Une action pour résoudre le problème d’alimentation en eau du collège pourrait

être menée également à partir d’un diagnostic sur place et d’une étude technique

(avis DG)

BIOFORCE

Le Département soutient activement l’association BIOFORCE qui a pour objectifs

d’orienter et de former aux emplois solidaires (départ en mission et retour de

mission)

Mais l’Ecole de l’Engagement Humanitaire développe également un projet de

solidarité locale et une véritable plate-forme de l’emploi solidaire

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Le Département siège au Conseil d’Administration de l’association BIOFORCE et,

recherchant une meilleure lisibilité de son soutien, a développé son implication par

le biais du chargé de mission AIH.

Participation aux comités de pilotage des structures, au comité d’organisation du

Tour de France de l’Humanitaire (événement visant à informer et sensibiliser et

orienter les étudiants sur ce secteur attirant) et réflexion quant à l’accueil à la

MAISON DU RHONE à Paris de rencontres « réseaux solidaires » mises en place

avec les ONG. (sous réserve accord DG)

La convention liant le Département à BIOFORCE arrive à échéance cette année et il

convient donc de mener d’ores et déjà une réflexion quant à l’implication future du

Département, sur quels objectifs et dispositifs, avec quelle lisibilité et à quelle

hauteur budgétaire (subvention) (Avis DG).

GROUPES DE TRAVAIL

ADF

Groupe de travail « Démarche Qualité »

Groupe de travail « Tourisme et Coopération Décentralisée »

Groupe de travail « Roumanie »

Groupe de travail « Hongrie" en lien avec INFH

Groupe de travail « Financements Jeunesse »

Commission « Relations Internationales, Coopération Décentralisée et

Francophonie »

CUF (Citées Unies France)

Groupe de travail « Roumanie »

Les « travaux » de ces différents groupes de travail et les comptes-rendus

sont à disposition

SOLIDARITE INTERNATIONALE AU CONSEIL GENERAL DES JEUNES

Une commission « Solidarité Internationale » a été mise en place au sein du

Conseil Général des Jeunes. Son principal but : Informer et sensibiliser la jeunesse

et principalement les collégiens du RHONE à l’Aide Humanitaire et à la Solidarité

Internationale.

Un projet de réalisation d’un DVD sur le sujet est en cours. Une subvention avait,

par ailleurs, été votée pour servir utilement une action de solidarité et la

destination de cette subvention devra être réfléchie.

Le Chargé de Mission AIH apporte sa contribution comme « expert » à cette

commission

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SUBVENTIONS

Un travail spécifique a été mené par la Mission AIH sur la question des

subventions :

- Cadre juridique ;

- Reprise de l’ensemble des subventions accordées en matière d’Aide Humanitaire

sur les 3 derniers exercices ;

- Etat des conventions arrivées à échéance (renouvellements) ;

- Réflexion sur les critères d’arbitrage et le circuit des demandes de subventions.

DIVERS

Etats Généraux de l’Europe

Ils se tiendront à la CITE INTERNATIONALE le SAMEDI 21 JUIN prochain

Organisé par EUROPA NOVA, le MOUVEMENT EUROPEEN et NOTRE EUROPE, en

partenariat avec les collectivités (Région, Département…) et soutenu par la

Commission Européenne, l’événement proposera, notamment, des ateliers sur les

trois grands axes majeurs :

- Une démocratie à faire vivre

- Des échanges humains à développer

- Des responsabilités à exercer

Notre Département sera référent pour certains ateliers (« Les échanges culturels,

berceau et ciment de l’Europe », «Existe-t-il une médecine européenne ? ») et sera

force de proposition y compris pour d’autres ateliers en lien avec les actions

européennes et humanitaires menées.

Accueil d’une délégation de la Province du Luxembourg

Une délégation de la Province de Luxembourg (Belgique) en visite dans le Rhône

du 10 au 12 avril sera accueillie à l’Hôtel du Département ce samedi 12 avril matin

pour une visite des lieux.

Seront reçues une quinzaine de personnes dont, Monsieur le Gouverneur de la

Province, Madame la Présidente du Conseil Provincial et quatre Députés

Provinciaux.

Le Chargé de Mission AIH sera présent

La présence d’un élu reste à définir (avis DG)

Salon UNITERRE 2008

Le Salon des Associations Humanitaires dont le Département est partenaire se

tiendra du 9 au 11 octobre au Centre Commercial de la Part-Dieu.

Ce salon a pour principal objectif de rassembler les associations de solidarité

désirant aller à la rencontre du grand public.

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La préparation de l’événement est en cours et le Département participera

également au jury du concours d’appel à projets portés par des jeunes

(groupements d’élèves) dont la mobilisation à l’aide humanitaire est aussi un des

objectifs principaux.

COMMUNICATION

Site Internet

En lien avec le service Communication et la cellule « Multimédia « (Patrick LOPEZ),

la mission « Action Internationale et Humanitaire » prépare un certain nombre de

pages expliquant l’action du Département en matière de Coopération Décentralisée,

d’Aide Humanitaire et de Relations Internationales.

Ces pages seront accessibles sur le site du Département et sur Intranet.

Photothèque

L’illustration des pages sur le site évoquées ci-dessus et l’utilisation de photos pour

tel ou tel rapport, a motivé la création d’une photothèque «Action Internationale et

Humanitaire » mise en place par la Mission « AIH » en collaboration avec le service

Communication. Cette photothèque rassemble ainsi des images des différents pays,

régions, départements avec lesquels notre Département est en relation de

coopération, des différentes actions menées et des différentes missions vécues…

Information

Pour mieux faire connaître, à l’interne, l’action internationale et humanitaire et de

coopération décentralisée que mène notre Département, la mission AIH a initié une

lettre « AIH Actualités » qui pourrait être mise en ligne sur Intranet et/ou adressée

à tous les élus (casiers).

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ANNEXE I – Définition des critères d’attribution de subventions aux associations –

source : travail réalisé lors du stage au sein de la Mission Action Internationale et

Humanitaire

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ANNEXE J – Etude sur le projet eau et assainissement - travail réalisé lors du stage au

sein de la Mission Action Internationale et Humanitaire

PROJET EAU COMPREHENSION DE LA COMMANDE

1. PROTOCOLE ET CONVENTION

Protocole de coopération entre le Département du Rhône et le Judet d’Alba –2002.

Convention signée entre le Département du Rhône [maître d’ouvrage] et l’association

SDRR [maître d’œuvre].

Contact : Jean Boudaud : [email protected] Secrétaire SDRR

Maître d’œuvre local : Association Alba-Afroda (association franco-roumaine de

développement rural) / a récemment signé une convention avec le Judet d’Alba

espoir de l’octroi d’une subvention de sa part à AA.

Contact : Rodica Parau

Tél : 0040 788 36 77 20

Asociata Franco-Romana de Dezvoltare Agricola

ALBA-AFRODA

Str.Ghe.Sincai nr2A, Alba-Iulia

Tél / fax : 0040 258 813 259 ; Tél mobile : 0040 788 36 77 19

[email protected] ; www.afroda.ro

Il y a eu régulièrement des demandes de subvention adressées au MAE : demande

menée conjointement par le Département du Rhône et SDRR / obtention régulière de 23

000 euros.

une demande de subvention au MAE doit obligatoirement être faite par une

collectivité territoriale, et non par une association, sinon elle n’est pas recevable.

il faut que la collectivité demandeuse justifie d’avoir une relation avec une autre

collectivité et avec une association locale porteuse du projet (SDRR) par le biais de

conventions de coopération.

c’est donc la collectivité qui se doit de rédiger le dossier de demande de subvention.

Cependant, l’association partenaire (ici SDRR) est très engagée dans la rédaction et la

tenue du projet.

il ne faut pas forcément que collectivité et MAE financent chacun à hauteur de 50 %.

Etape :

- février : demande dossier MAE

- juin : accord ou non

- septembre : accord pour telle somme précisée

- décembre : versement

Pas de demande pour 2008. Pourquoi ?

- parce que SDRR a une marge de manœuvre financière suffisante pour le

moment

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- faudrait rendre des comptes sur 2006.2007 avant de demander une nouvelle

subvention

- d’autre part, il faut progressivement que le Judet s’implique davantage

financièrement

- il n’y a pas de Direction établie à AA : Rodica Parau fait tout, sachant

qu’elle est également fonctionnaire à la Direction du Département

d’Agriculture d’Alba

Thème principal de cette convention : le développement rural.

Une convention a été signée entre SDRR et CG Rhône sur les points suivants :

- favoriser le développement local

- mettre en place un dispositif de formation avec notamment l’organisation de

stage pratique en France

- accompagner les responsables et animateurs de l’association locale

2. LA THEMATIQUE DE L’EAU

La thématique de l’eau n’avait pas été abordée dans le protocole de coopération, mais

figure dans le dossier de demande de subvention au MAE.

Thématiques abordées durant les « Assises de la coopération franco-roumaine » à

Nantes en novembre 2007 :

- intercommunalité

- eau

volonté de se saisir de ce créneau

Volonté d’ouvrir un volet Eau : souhait exprimé des deux côtés / échanges fructueux et

coopération qui fonctionne bien / hormis quelques difficultés financières du côté du

Judet d’Alba réticent à aider l’association partenaire AA (mais cela s’est débloqué grâce

à la signature d’une convention entre AA et le Judet)

2.1. EAU ET LEGALITE

a) Loi Oudin du 27 janvier 2005.

Article 1 du code général des collectivités territoriales

« Art. L. 1115-1-1. - Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les

syndicats mixtes chargés des services publics de distribution d'eau potable et d'assainissement

peuvent, dans la limite de 1 % des ressources qui sont affectées aux budgets de ces services, mener

des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans le

cadre des conventions prévues à l'article L. 1115-1, des actions d'aide d'urgence au bénéfice de ces

collectivités et groupements, ainsi que des actions de solidarité internationale dans les domaines de

l'eau et de l'assainissement. »134

134

http://www.assemblee-nationale.fr/12/ta/ta0375.asp. Site consulté le 19 mars 2008.

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Article 2 du code de l’environnement

« Art, L.213-6 - Dans le respect des engagements internationaux de la France et dans le cadre de

conventions soumises à l’avis du comité de bassin, l’agence peut mener des actions de coopération

internationale dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, dans la limite de 1% de ses ressources,

le cas échéant et suivant les règles statutaires en vigueur pour chaque catégorie de personnels, avec le

concours de ses agents. »135

La mobilisation financière (théorique), rendue possible par cette loi est estimée à 100

millions d’euros par an.136

b) Les acteurs d’une coopération EA (eau assainissement) peuvent être :

- les collectivités territoriales (expérience, savoir-faire, expertise…)

- les syndicats des eaux et de l’assainissement (établissements

intercommunaux)

- les agences de l’eau (gestion des bassins versants / fonds)

- les associations et organisations non gouvernementales

- les bureaux d’étude

Remarque : si les notions de maîtrise d’ouvrage pour les collectivités du Nord et du Sud

sont globalement similaires et revêtent les mêmes types de mandat et de prérogatives, il

en est tout autrement pour les notions de service public de l’eau et de l’assainissement.

D’autre part, l’eau n’est pas une compétence des Départements, mais des

intercommunalités (ex : Grand Lyon). En Roumanie, par contre, le Judet a compétence

sur l’eau et choisit l’opérateur avec qui il veut travailler.

c) Financements 137

d)Eléments généraux à retenir 138

- tenir compte dans l’élaboration des projets, du contexte culturel,

économique, social et géographique

- s’appuyer sur des acteurs locaux connaissant la situation

- formation des acteurs locaux

- rester à l’écoute des populations / démarche participative

- analyser les enjeux concernant l’achat de matériaux et leur impact sur

l’économie locale

- rechercher des partenariats avec plusieurs entreprises sur place

- évaluation externe confiée à des experts

- tenir compte des politiques en place ou des programmes ou plans de

développement régionaux ou nationaux => un inventaire et une rapide étude

des actions dans le même domaine sur la région, en cours ou achevées,

doivent ensuite être établis / ça permet d’une part, es futures actions dans le

135

http://seaus.free.fr/spip.php?article13. Site consulté le 19 mars 2008. 136

http://www.cites-unies-france.org/spip.php?rubrique20. Site consulté le 19 mars 2008. 137

Guide de la coopération pour l’eau potable et l’assainissement, pS-Eau, mars 2007, pp.21-26. 138

Guide de la coopération Nord-Pas de Calais dans les domaines de l’eau et l’assainissement, Enjeux et

pratiques des outils pour agir, pS-Eau.

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cadre de la politique nationale, et d’autre part, de profiter de la capitalisation

de l’expérience d’autres intervenants.

2.2. PROJET SDRR ALBA-AFRODA

Convention signée entre le Département du Rhône et l’Agence de l’eau Rhône

Méditerranée Corse.

Contact : Noémie Burette, chargée d’affaires [email protected]

a) Récapitulatif de l’action proposée :

- aider un groupe de communes du Judet a définir leurs besoins d’appui en

matière de Traitement et de gestion de l’eau et de mettre au point un

programme expérimental.

- rares sont les communes ayant un dispositif d’adduction d’eau (question

soumise par AM Laurent : dans quelle mesure peut-on mettre en place un

système d’épuration des eaux usées par lagunages si il n’y a déjà pas de

système d’adduction d’eau ?). Le lagunage est davantage un prétexte, un

argument, une porte d’entrée pour intervenir sur cette question de l’eau ;

l’Etat roumain a de l’argent pour mettre en place un système d’adduction

d’eau : on vient alors boucler la boucle.

- les maires du Judet ont manifesté beaucoup d’intérêt pour les systèmes de

gestion des effluents par lagunages

b) Première étape :

L’association a besoin de :

- quelques éléments pour savoir si la mise en place d’un système d’épuration des eaux usées

par lagunage peut convenir au milieu environnemental. Ce projet peut-il ou non

fonctionner ?

- les maires du Judet vont ensuite évaluer les possibilités de mise en application / la faisabilité du système

sur leurs propres terrains grâce aux questionnaires ou éléments fournis du côté français.

=> Elément de pré-étude pour le moment : l’idée est d’évaluer si c’est envisageable ou pas.

L’association attend des suggestions, des informations de base sur le lagunage et ses possibilités de

création : il faut telle surface, une pente de tant, telle condition climatique…

c) Action à venir :

Réunion avec AM Laurent, responsable agriculture et développement durable du

Conseil Général, le vendredi 28 mars.

Soumettre les conclusions de cette réunion à J. Boudaud.

Définir un objectif global.

Bien évaluer la faisabilité de l’action et ne pas se limiter à vérifier si la réalisation est

techniquement possible et correspond financièrement au budget disponible ou est

potentiellement finançable :

- faisabilité sociale (formation sur place / démarche participative / viabilité)

- faisabilité technique

- faisabilité économique (ressources nécessaires et disponibles)

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- faisabilité organisationnelle (répartition des tâches et des responsabilités)

- faisabilité vis-à-vis de l’environnement politique

- faisabilité vis-à-vis de l’environnement écologique

1 / repérage des deux sites à entreprendre (SDRR)

2 / étude de faisabilité (courant 2008)

3 / Phase de réalisation

Envisager la contractualisation : définition d’un minimum d’engagements et

d’obligations réciproques.


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