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La démocratie européenne à l’épreuve des changements...

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Storia e Futuro Rivista di storia e storiografia La démocratie européenne à l’épreuve des changements économiques et sociaux, XIX e – XX e siècle Actes du colloque international de la Maison de l’Europe Contemporaine (Université Paris Ouest Nanterre La Défense) Florence, 25-26 juin 2007 Sous la direction de Francis Démier et Elena Musiani Bononia University Press Allegato al n. 27 di Storia e futuro (Novembre 2011)
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Storia e FuturoRivista di storia e storiografia

La démocratie européenne à l’épreuve des changements économiques et sociaux, XIXe – XXe siècleActes du colloque international de la Maison de l’Europe Contemporaine (Université Paris Ouest Nanterre La Défense) Florence, 25-26 juin 2007

Sous la direction de Francis Démier et Elena Musiani

Bononia University Press

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Bononia University Press Via Farini 37 – 40124 Bologna tel. (+39) 051 232 882 fax (+39) 051 221 019 © 2011 Bononia University Press ISBN 978-88-7395-702-7 www.buponline.com e-mail: [email protected]

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La démocratie européenne à

l’épreuve des changements

économiques et sociaux,

XIXe – XXe siècle

Actes du colloque international de la Maison de l’Europe

Contemporaine (Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

Florence, 25-26 juin 2007

Sous la direction de Francis Démier et Elena Musiani

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Index

Francis Démier (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), La démocratie

face aux marchés

p. 9

Elena Musiani (Università degli Studi di Bologna), Un progetto di ricerca

europeo ed interdisciplinare: La Maison de l’Europe Contemporaine

p. 21

1. MODELES DEMOCRATIQUES DE L’EUROPE ET MUTATIONS DE SOCIETE: LA

LONGUE DUREE

Paolo Pombeni (Università degli Studi di Bologna), La démocratie du chef en

Europe. L’idéaltype du pouvoir charismatique comme moyen de gestion des

transformations économiques et sociales

p. 39

Andreas Fahrmeir (Université de Frankfurt), Democracy and Money: Debates

on the ‘Corruption’ of Elections and Electors in the Nineteenth Century

p. 65

Marie-Claude Chaput (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), La

presse critique face aux mutations économiques de la deuxième étape du

franquisme (1962 à 1975)

p. 77

Brigitte Krulic (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Une lecture

théologico-politique des avatars de l’idée démocratique en Europe: Edgar

Quinet

p. 89

2. NOUVELLES FORMES DE DEVELOPPEMENT, NOUVELLES CONTRAINTES POUR

LA DEMOCRATIE

Françoise Renversez (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), La

Banque Centrale Européenne et la construction de la démocratie dans les

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institutions européennes p. 109

Guy Burgel (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Démocratie

participative et démocratie représentative dans la gestion des métropoles

européennes

p. 125

Jean-Paul Charvet (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), Projets de

développement agricole et rural et démocratie européenne

p. 135

Bernadette Madeuf and Alice Sindzingre (Université Paris Ouest Nanterre La

Défense), Democracy and Growth: Assessing the Links

p. 145

Alan Scott (Université de Innsbruck), European Governance. Is the glass half

full or half empty?

p. 169

3. DÉMOCRATIE ET TRANSFORMATION DE SOCIETE

Roberta Sassatelli (Università degli Studi di Milano), Consumers,

Democracy and Solidarity. Dilemmas and Scope of Critical Consumerism

p. 187

Carl Levy (University of London), ‘Into the Zone’: The European Union

and Extra-Territorial Processing for Migrants, Refugees and Asylum

Seekers: Policy Discussions 2001-2005

p. 207

Andrée Kartchevsky (Université Paris Ouest Nanterre La Défense),

Flexicurité et protection sociale au regard de la démocratie

p. 223

Nicole Kerschen et Isabelle Roussel-Verret (Université Paris Ouest

Nanterre La Défense), A la recherche de la société civile dans le cadre de

l’Union européenne. Des discours à l’action

p. 237

4. L’ELARGISSEMENT DE L’EUROPE: QUELLE DEMOCRATIE?

Iván Zoltán Dénes (Université de Debrecen), In the Storm of Political

Hysterias

p. 273

Enrico Fassi (Università Cattolica, Milano), Which Friends? The Content

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of EU’s Democracy Promotion in its Neighbourhood p. 287

Ekaterina N. Luchinina (Ecole supérieure d’Economie, Moscou), The

evolution of the concept of democracy in the Russian political discourse

over the past decade

p. 305

Małgorzata Kowalska (Université de Bialystok, Pologne), La démocratie

postcommuniste, ou les dérives contemporaines de la démocratie à l’Est et

à l’Ouest de l’Europe

p. 313

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La démocratie face aux marchés

Francis Démier

Le colloque qui s’est tenu à la villa Finaly à Florence les 23 et 24 mars 2006

s’est donné l’objectif d’ouvrir des voies nouvelles pour étudier l’Europe à partir d’un

regard interdisciplinaire très large. L’enjeu a été aussi de confronter l’idée

européenne, envisagée en longue durée, aux contraintes nouvelles de la

mondialisation et des dérégulations qui l’ont accompagnée.

Une ligne de force s’impose dans l’histoire de l’Europe à l’époque

contemporaine, c’est le long cheminement vers la démocratie. La promesse a été

formulée par les philosophes du XVIIIe siècle, l’Europe des années 1950 semble

l’avoir réalisé, en brisant les derniers vestiges de l’impérialisme, les germes

d’affrontement et de conflits. Toute l’histoire d’une Europe longtemps imprégnée

d’un élitisme aristocratique qui confondait le suffrage universel avec le suffrage du

pauvre, apparaît comme une longue propédeutique à l’avènement du règne de la

démocratie parlementaire, signe emblématique de l’Europe surtout depuis que

l’Espagne est entrée dans la communauté. C’est même là que se définit peut-être le

cœur de l’Europe puisque sa dimension “moderne” réside dans le fait de garantir à la

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fois la démocratie contre les Etats totalitaires (dans ce schéma nazisme et stalinisme

renvoyés dos à dos) et d’assurer la paix au-delà des guerres entre Etats-nations. La

mise en place de l’Union européenne semble alors clore l’histoire des conflits.

Toutefois jusqu’à ce tournant décisif des années 1950 dans l’histoire de

l’Europe, les régimes démocratiques n’ont pas été nécessairement associés à l’essor

du capitalisme. Le capitalisme le plus performant, celui de l’Allemagne, s’est

accommodé fort bien d’un Etat autoritaire. La démocratie à la française en donnant

du pouvoir aux classes moyennes et à la petite paysannerie aurait retardé au contraire

l’avènement d’un capitalisme aussi convaincant que celui de l’Allemagne. Mais la

contradiction semble avoir été dépassée dans les années 1950 par la mise en place de

“l’économie sociale de marché” à l’allemande, la diffusion des idées de Beveridge,

les leçons de la Résistance, qui sont devenus des références pour un modèle européen

de démocratie. Seul le capitalisme économiquement le plus efficace, affirme-t-on

alors, peut assurer une redistribution susceptible d’ajouter à la démocratie politique

la dimension d’une démocratie sociale qui fait reculer les barrières de classe et efface

les traits négatifs du capitalisme. Ce scenario a pu paraître très crédible durant les

Trente Glorieuses et la mise en place d’un Etat providence qui est devenu une

caractéristique de l’Europe à l’échelle internationale.

Ce schéma s’est pourtant sensiblement dégradé au fil des années 1980-2000 et

l’idée d’un progrès permanent de la démocratie associé à la construction de l’Europe

s’est altéré: la désillusion politique à l’égard d’une histoire désormais sans alternance

puisque le suffrage universel a moins de prise sur le cours des choses, la mise en

cause de certaines libertés au nom de la lutte contre les ennemis de la démocratie, la

crise des valeurs de la démocratie devant la réapparition de courants xénophobes et

racistes ont modifié assez profondément la confiance que de larges courants

politiques accordaient à l’idée européenne. L’élargissement de l’Europe aux nations

qui sortaient du bloc soviétique a redonné un temps au lien démocratie-capitalisme

une force nouvelle et une dimension progressiste. Mais cette conviction a vite

disparu devant la contestation des valeurs démocratiques chez plusieurs de ces

nouveaux pays entrés dans l’UE. Cependant le problème ne peut être identifié

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seulement en explorant les difficultés contemporaines des mécanismes de la

démocratie, il tient largement aussi à la mutation du capitalisme européen lui-même

et à l’adoption rapide de formes de redéploiement inspirées du libéralisme anglo-

saxon alors que l’opinion pense encore souvent le lien capitalisme et démocratie en

termes de régulation classique.

Envisagé dans la longue durée, le lien entre la démocratie et l’espace européen

s’est construit par étapes. Dans une première étape l’enchaînement entre démocratie,

nation et Europe s’est établi sans contradiction, en puisant des références dans la

Révolution française qui entendait apporter aux peuples de l’Europe, même si c’est

au prix de la conquête, les valeurs universelles de la liberté et du progrès contre

l’Europe des princes. Le schéma n’a fait que s’approfondir au fil du XIXe siècle dans

les processus révolutionnaires de 1830 et de 1848 dominés par la grande idée d’une

“Europe des peuples”; c’est encore le cas dans les projets de l’utopisme saint-

simonien qui voit dans l’Europe une solution pour sortir des guerres napoléoniennes,

ou encore dans l’idée d’organisation européenne tirée de l’avènement du libre-

échange européen au tournant des années 1860.

Le schéma s’est altéré dans le deuxième XIXe siècle avec le retour du

protectionnisme, la grande déflation des années 1880 et l’affirmation de

nationalismes antagoniques. Mais alors, la dénonciation des impérialismes, s’est

organisée en référence à l’idée européenne. C’est le cas des mouvements pacifistes

qui se sont multipliés en Europe à la veille de la Grande Guerre chez les intellectuels,

dans les mouvements ouvriers, chez des leaders politiques épris de l’idée d’arbitrage

international ou encore dans des mouvements de femmes comme la Women’s

International League for Peace and Freedom. L’idée européenne est encore assortie

d’un idéal progressiste dans les mouvements de résistance européens qui rédigent

dans la clandestinité des programmes démocratiques et humanistes de réconciliation

des peuples contre le Reich européen totalitaire et raciste. On trouve après guerre,

dans le personnel politique, un “fédéralisme européen” qui semble s’imposer comme

la meilleure voie vers la paix et la prospérité. On retrouve encore l’Europe, comme

référence démocratique, projet éthique et culturel, pour nombre d’exilés qui ont dû

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fuir l’Espagne de Franco. Alors que l’Espagne franquiste se voit refusée l’entrée dans

la nouvelle Europe, les Espagnols républicains exilés sont présents dans le

développement du projet européen.

La dimension démocratique et humaniste de l’idée européenne s’impose encore

dans la mise en place d’une Europe des droits de l’homme contrepoint de l’Europe

du marché. La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et le

Conseil de l’Europe prolonge dans l’après Seconde guerre mondiale la vieille idée

d’Europe des citoyens, celle des “valeurs”, à opposer aux Etats et à la logique de

marché. Le niveau élevé de respect exigé des droits de l’homme est apparu aussi bien

dans le cas de la Tchétchénie que dans le domaine du terrorisme ou de l’immigration.

Il existe aussi en dépit des virulentes critiques auquel il est exposé, un modèle social

européen dont la séduction à l’égard des pays de la périphérie s’inscrit dans le droit-

fil des traditions progressistes de l’Europe (l’acquis communautaire des 70 directives

sociales sur la santé, la sécurité au travail, l’égalité homme-femme, les conditions de

l’emploi, l’information et la consultation des salariés… )

Pourtant, en dépit de la force et de la continuité de la revendication libérale,

puis démocratique et sociale, clef de l’édification de l’Europe contemporaine, celle-

ci ne s’est pas exactement construite selon cette logique profonde. L’économique a

occupé d’emblée une place déterminante. Mais, au lendemain de la Deuxième guerre

mondiale, il existe probablement une continuité étroite entre la panoplie des valeurs

progressistes qui ont dominé l’idée européenne et le choix d’une option économique.

L’Europe, c’est la paix, à un moment où l’analyse des causes de la guerre, de toutes

les guerres, accuse la crise économique des années 1930 et les nationalismes qui

l’ont accompagnée, d’être à la source du conflit. De là, la dimension politique de la

CECA présentée par Jean Monnet comme le levier d’un idéal européen appelé à

progresser au rythme du marché et la confiance placée dans un cheminement

économique devenu socle de la démocratie et de la paix. Il s’agissait à l’époque selon

Jean Monnet “d’ouvrir dans les remparts des souverainetés nationales une brèche

suffisamment limitée pour rallier les consentements, suffisamment profonde pour

entraîner les Etats vers l’unité nécessaire à la paix”.

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Mais seul l’économique pouvait alors donner le tempo européen là où la

culture politique des nations résistait. La grande réussite de cette voie vers l’Europe

reste la mise en place de la Politique agricole commune (PAC) qui domine encore

toute la conception de l’Europe puisqu’elle absorbe 45% du budget communautaire.

C’est la PAC qui a conjugué au mieux un idéal européen où le progrès s’accompagne

d’une mixité entre l’économique, le social et le politique puisqu’elle apportait à

l’Europe l’indépendance des approvisionnements, le progrès technique, l’intégration

des marchés, mais aussi un “niveau de vie équitable” à une population agricole

considérée encore alors comme le socle profond d’une identité européenne.

Pourtant l’Europe ne s’est pas construite seulement selon la logique d’un

marché régulé. Il existe aussi des retours du politique comme le montre les effets

politiques de la chute du mur de Berlin. La question de l’ouverture d’une nouvelle

dimension de l’Europe à l’Est, de son “élargissement”, peut être considérée à la

lumière des progrès des réformes économiques antérieures, mais elle est aussi le fruit

d’un processus politique lié “à un espace de négociation” qui s’est ouvert à partir des

initiatives des “communistes réformateurs” dans les deux pays clefs qu’ont été la

Pologne et la Hongrie. Dans le nouvel espace européen à vingt-cinq puis à vingt-sept,

ce sont alors les valeurs démocratiques de l’Europe, dotée d’une nouvelle vigueur,

qui ont déterminé la position des nouveaux entrants, mais ces valeurs étaient en

même temps liées intimement à l’idée que le marché était la condition du progrès.

L’unité retrouvée des valeurs européennes et du marché est toutefois restée sans

lendemain dans la mesure où très vite, le cadre économique dans lequel les nouveaux

entrants ont souhaité se situer relevait plus de la mondialisation que des structures

économiques européennes elles-mêmes.

De fait, l’Europe est depuis le tournant imposé par les politiques d’argent cher

en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, au début des années 1980, soumise d’abord à

la contrainte de la lutte contre l’inflation et un peu plus tard à celle de la

mondialisation des marchés. Dans ces deux dernières décennies durant lesquelles

s’est mise en place la monnaie unique, deux problèmes ont pesé sur les choix

européens. D’une part l’avancée dans l’unification par la mise en place de la

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monnaie unique accompagnée d’une politique anti-inflationniste inspirée à l’origine

par l’Allemagne, d’autre part, le tassement progressif de la croissance des pays de

l’union européenne, en décalage avec les performances beaucoup plus favorables des

économies de nombreux pays émergents.

C’est sur la base de ce constat que s’est redéfini un modèle européen du

capitalisme qui, par beaucoup d’aspects, tranche sur celui qui a guidé la première

phase de construction de l’Union européenne (concurrence modérée, haut niveau de

protection sociale, financement privilégié par les banques dont une large partie

étaient nationalisées). Pour l’essentiel, dans la deuxième formule, il s’agit d’une

adaptation du modèle anglo-saxon de croissance aux conditions de l’Europe. Les

réformes envisagées à l’échelle de tous les pays européens ont mis en avant plusieurs

objectifs: mobilité et flexibilité du travailleur, dérégulation des marchés pour

favoriser la concurrence, source de l’innovation, financement par le marché

financier, baisse des impôts, prise en compte privilégiée des actionnaires dans le

partage de la plus-value, recul des retraites par participation au profit de la

capitalisation. Ce “modèle” a été adopté selon des modalités plus ou moins

intransigeantes et a constitué, à sa manière, un facteur nouveau d’unification des

économies et des sociétés européennes. Si la Gauche et la Droite ont continué à se

distinguer dans leur appréciation du niveau d’intervention de l’Etat-providence,

l’influence considérable du modèle anglo-saxon sur les politiques économiques et

sociales européennes a contribué également à émousser l’idée de l’alternance des

majorités politiques, mais aussi en revanche, altéré le credo démocratique du modèle

européen.

Dans cette Europe dont les contours et les choix ont été bouleversés par la

domination nouvelle du marché, dans une Europe qui s’est définie dans de grands

empires, dans des nations, dans un espace colonial, dans le vaste rassemblement

assez hétérogène qu’est l’Europe des vingt-sept, à quelle échelle peut-on alors situer

l’identité européenne? La notion même de frontière de l’Europe devient difficile à

définir en termes juridiques car la territorialité n’est plus une limite du droit

communautaire. Le problème se pose par exemple dans le cas “d’exportation du droit

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communautaire” dans les régions périphériques, ou bien dans les règles de

fonctionnement des comités d’entreprise quel que soit le lieu de localisation du siège

social de l’entreprise.

Mais on ne peut se contenter de poser la question des frontières de l’Europe

pour cerner son identité dans la mesure où c’est son tissu interne qui est désormais

soumis à de grandes variations. Ces variations sont dues d’abord au fait que les

frontières internes n’ont pas totalement disparu (problème de l’harmonisation fiscale,

discriminations nationales…). Mais il suffit pour mesurer les métamorphoses de

l’identité européenne de prendre en compte les revendications des régions qui ont

manifesté la volonté de voir l’Europe se constituer non pas sur le socle des anciens

Etats-nations, mais dans un cadre tout à fait différent donnant aux régions (Pays

Basque et Catalogne) un statut qui renouait avec le passé, des langues et des identités

locales. La même remarque peut être faite dans le cas de la “Ligue” dans l’Italie du

Nord, sur la base d’une contestation des valeurs démocratiques.

Dans les nouvelles marges orientales de l’Europe, l’adoption de modèles de

société puisés à l’Ouest est également altérée par le poids d’héritages sociaux,

politiques et culturels souvent loin de la construction démocratique européenne…

Une définition géographique de la frontière se heurte ou doit composer alors avec la

force retrouvée des traditions, la référence à des frontières imaginaires qui relèvent

des mémoires collectives et non pas de la rationalité de la construction d’un nouvel

espace européen. Dans les confins européens, l’espace de liberté ouvert par

l’intégration à l’Europe réveille les ambitions des groupes régionaux, les anciennes

identités nationales masquées sous le communisme, les revendications

d’indépendance ou de territoire séparés. L’unification européenne peut alors

déboucher sur une pulvérisation identitaire, voire l’apparition d’un modèle

communautariste à base ethnique. Dans la même zone, mais à un autre niveau, se

trouve à l’œuvre la dynamique de la mondialisation liée à l’ouverture brutale des

marchés, ouverture qui ne coïncide pas nécessairement avec une harmonisation des

profils dans le cadre de l’Europe. La délimitation économique des frontières à l’Est

demeure ainsi indécise et même contradictoire.

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La mutation de l’Europe démocratique sous les effets de la mondialisation est

aussi largement liée à l’apparition de mobilités nouvelles. Continent d’émigration,

l’Europe est devenue un espace de forte immigration. Le phénomène qui est, à

l’échelle de l’Europe, transnational et même transeuropéen, a fortement accentué la

mobilité des populations européennes sans pour cela favoriser nécessairement des

échanges unificateurs autour des mêmes valeurs. La complexité des flux de migrants,

le fait qu’ils sont désormais alimentés aussi bien par le Sud que par l’Est, qu’ils sont

le fait de pays intégrés à l’Union européenne, mais proviennent aussi de pays hors

d’Europe, non seulement ne facilite pas l’intégration mais suscite au contraire la

formation de réflexes communautaires et de politiques de contrôle qui ne sont pas

harmonisées. Mieux identifiés dans un cadre transnational, ces flux de populations

défient les politiques de régulation nationales et sont suivis avec retard par les

politiques migratoires européennes de Schengen à Amsterdam. Il est difficile

d’identifier le départ et le retour, le temporaire et le durable, la promotion sociale ou

la chute de statut, dans des migrations qui sont de plus en plus celles de citadins, de

personnes de plus en plus qualifiées, de femmes désormais autant que d’hommes.

Demeurent posées des questions essentielles: ces nouvelles mobilités si difficiles à

cerner continuent–elles à jouer leur rôle intégrateur au-delà des frontières nationales,

fonction classique du migrant? Assiste-t-on à une “européanisation par le bas” ou le

phénomène échappe-t-il à la fois au cadre national et aux nouvelles régulations

européennes?

L’intensification des échanges, de biens, de personnes, la valorisation de la

mobilité comme nouveau modèle de citoyenneté européenne, n’a pas empêché le

maintien d’obstacles considérables dans les progrès du processus unificateur

européen. La pluralité des langues dans l’espace européen demeure et d’une certaine

façon rend unique à l’échelle de l’histoire, ce processus d’unification.

L’intraductibilité, d’une langue à l’autre, de concepts essentiels de l’espace public

révèle la permanence de cultures politiques particulières, en deçà des normes

européennes. On en a un exemple dans les statistiques qui permettent d’analyser les

indices démographiques, les “mots pour dire la famille” qui, dans l’ordre du culturel,

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diffèrent d’un pays à l’autre. En deçà du registre de l’internationalisation des savoirs

et des comportements, registre le plus visible, il existe des représentations de la

famille qui varient d’un pays à l’autre, d’une tradition de pensée à l’autre. Si

l’unification européenne a progressé, les convergences en matière de taux de

fécondité ont en revanche reculé. Des histoires et des cultures différentes

commandent encore les comportements: l’héritage historique du nazisme associé à

l’autoritarisme du père explique le rejet relatif de la famille; affaire privée en

Allemagne et en Grande-Bretagne, la famille est en France une “affaire d’Etat”. Si

les politiques familiales favorisent partout en Europe promotion et autonomie des

membres de la famille, harmonisation des prestations familiales, les fortes

divergences des taux d’emploi féminin, des aides publiques, des contrats de travail

maintiennent des contrastes d’un pays à l’autre.

Le processus d’élargissement de l’Europe ne s’est pas accompagné d’un

approfondissement parallèle des mécanismes démocratiques. En apparence, une

gestion “par en haut” du processus d’unification a permis de surmonter maints

obstacles et précipité les rythmes de l’unification. En profondeur, le déficit

démocratique de l’Union Européenne a pu représenter un obstacle important comme

l’ont montré les refus inattendus d’une partie de l’opinion publique européenne à

l’égard de sa constitution. Les difficultés tiennent en partie à la disharmonie des

mécanismes de la décision entre le niveau national et le niveau européen. L’Union

économique fonctionne sur une base essentiellement intergouvernementale qui

dévoile en fait un manque d’Europe. Mais la discipline budgétaire, aux effets

décisifs, est aux mains de la Commission européenne et du Conseil, déficit de

légitimité démocratique évident en matière de gouvernance économique. S’il existe

un pouvoir monétaire fort dans les mains de la BCE pour assurer la stabilité des prix,

il n’existe pas de pouvoir économique capable de gérer un budget européen,

d’imposer un dialogue constructif et de définir une véritable “Policy mix”, la

convergence et la coordination des économies des Etats européens. Ce qui est vrai

sur le plan économique l’est encore plus probablement sur le terrain de l’Europe

sociale qui a été définie essentiellement par des acteurs institutionnels. Là encore,

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déficit d’Europe, dans la mesure où les Etats sont restés réticents au transfert de

pouvoir en matière sociale et d’emploi, ce qui se traduit par le refus d’augmenter les

ressources du budget européen pour financer les politiques. Si l’opinion dénonce les

effets négatifs d’une politique peu attentive au plein emploi, ce n’est pas

nécessairement l’Europe qui est en cause, mais le manque d’Europe, ou en tout cas

sa construction asymétrique. Mais ce qui est aussi attendu c’est que chaque avancée

de l’Europe soit assortie de mécanismes de consultations démocratiques qui en

assurent la légitimité.

Cette carence d’Europe au sein même du processus d’unification et

d’élargissement, ne peut faire oublier la multiplication des tentatives pour formuler

des régulations nouvelles qui accompagnent les métamorphoses rapides de

l’économie et de la société européenne. Françoise Renversez, dans son analyse des

systèmes financiers des pays d’Europe orientale, montre la recherche d’une

stabilisation de marchés fragiles dans l’organisation d’un système bancaire qui fait

encore défaut dans l’Europe postsocialiste. On peut pointer de même, la pluralité des

modes de régulation, l’élargissement des compétences communautaires en matière

sociale au fil des traités successifs, mais aussi … le rôle et la pression des citoyens.

Dans les nouveaux espaces de la négociation collective, à l’échelle européenne,

le dialogue social, imbrique plus étroitement l’économique et le social que dans la

négociation collective classique grâce non seulement à l’intervention des

entrepreneurs et des travailleurs mais aussi à celle des collectivités territoriales, des

services décentralisés de l’Etat, des agences de développement, des associations

d’usagers… Ces réformes de la protection sociale prennent à rebours toutes les

traditions nationales en réduisant le champ des régimes publics et en ouvrant un

espace aux opérateurs du marché des capitaux. Plusieurs voies s’opposent et font

l’objet de dosages différents d’un pays à l’autre: le monopole public voué à la

solidarité avec les plus vulnérables, un pilier professionnel faits de régimes

d’entreprises faisant appel aux prestataires financiers sur le marché européen,

l’épargne individuelle des actifs abondée par l’entreprise et stimulée par de fortes

incitations fiscales. Les régulations nouvelles qui tentent de surmonter les

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La démocratie face aux marchés

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contradictions d’une construction européenne menacée de forces centrifuges, comme

le montre Jean-Paul Charvet dans le cas de la réforme de la PAC, peuvent

accompagner une rationalisation progressive des mécanismes de production (baisse

du soutien des prix au profit d’aides directes et découplage des aides directes qui ne

sont plus attribuées à une production particulière, à l’américaine) mais les inégalités

dans la répartition des soutiens demeurent.

A l’échelle du monde, la démocratie européenne reste donc bien une référence

fondamentale, l’image peut-être encore la plus pertinente qu’on a de l’Europe dans le

paysage de la mondialisation. Ce trait fondamental puise dans une longue histoire qui

a fait de l’Europe le territoire dans lequel la démocratie a été inventée. Il s’est

largement renouvelé et affirmé au lendemain de la Seconde guerre mondiale dans un

projet qui était encore celui d’une Europe des nations, une Europe de l’Etat-

providence et de fortes régulations encadrant l’économie de marché. On ne saurait

négliger de nombreuses nouvelles avancées de cette Europe dans la défense du droit

des individus, des hommes et des femmes. Mais la crise ouverte par la

mondialisation et la perte des repaires territoriaux et politiques définis à l’époque du

traité de Rome, après avoir bouleversé les grands équilibres économiques sur

lesquels reposait l’Europe, altère désormais dans de nombreux pays de l’UE les

mécanismes même de la démocratie.

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Un progetto di ricerca europeo ed

interdisciplinare: La Maison de

l’Europe Contemporaine

Elena Musiani

La Maison de l’Europe Contemporaine è un centro di ricerca e studio sorto

grazie a un “piano pluriformazione” (PPF) accordato dal Ministero francese per la

ricerca all’Università di Paris Ouest Nanterre La Défense al fine di costituire un

luogo per la ricerca a livello europeo all’interno di un piano quadriennale

dell’Università. Il progetto è stato dotato dal Ministero di un finanziamento previsto

su quattro anni. Fin dall’esordio l’obiettivo primario della nuova istituzione è stato

quello di raggruppare nello stesso ambito ricercatori e universitari, studiosi di

economia, storia, sociologia, psicologia, scienze giuridiche, e filosofia allo scopo di

intraprendere una ricerca comune e interdisciplinare sull’Europa contemporanea.

L’Europa immaginata e voluta fin dagli esordi è stata inoltre considerata in un

senso geografico ampio. Uno degli scopi principali del programma della ricerca è

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Un progetto di ricerca europeo ed interdisciplinare

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consistito precisamente nell’analizzare le diverse declinazioni che ha potuto

assumere il concetto di Europa nell’età contemporanea, in particolare in seguito alla

formazione degli Stati-nazione moderni. Ci si è quindi interrogati su una definizione

che intendesse l’Europa sia come forma di associazione di Stati sia come specchio

dei conflitti.

Ragionando inoltre in termini di World History e globalizzazione si è cercato

poi di allargare la ricerca sull’Europa, al fine di leggerla inserita all’interno del resto

del mondo.

Il progetto di ricerca ha avuto come punti nevralgici di partenza alcuni lavori

intrapresi all’interno di strutture e centri di ricerca già presenti all’interno

dell’Università di Paris Ouest, in particolare quelli della Maison Max Weber

(Federazione di unità di ricerca: “Capitalismo e democrazia”); i ricercatori

provenienti dall’Institut d’Histoire du Temps Présent e naturalmente sulle ricerche

interdisciplinari già in corso.

Fortemente pensata ed intesa come struttura di ricerca, la Maison de l’Europe

Contemporaine ha avuto anche per vocazione quella di attirare nuovi studiosi ed

offrire loro un inquadramento e degli spunti di ricerca originali. Fin dal suo esordio è

stato quindi lanciato un appello a diverse Università, Centri di ricerca e singoli

ricercatori europei al fine di creare una rete di collaborazioni per intraprendere

percorsi di studio e ricerca collettivi, allo scopo di accogliere ricercatori stranieri ed

allargare la vocazione internazionale dell’Università. Forte di un nucleo

interdisciplinare di docenti e ricercatori interni a Paris Ouest, la Maison è stata

dunque intesa come collettore di esigenze internazionali e interdisciplinari.

Il carattere proprio dell’interdisciplinarità è stato rappresentato dal gruppo di

ricerca costituitosi a Paris Ouest, gruppo che vedeva riuniti ricercatori provenienti da

laboratori di economia, sociologia, storia, geografia, architettura e gestione del

territorio, scienze politiche, diritto, etnologia, storia sociale, arte e spettacolo. Il suo

programma di ricerca inoltre ha visto la collaborazione della BDIC (Biblioteca di

documentazione internazionale contemporanea) che ha la sua sede all’interno del

Campus di Nanterre e che grazie alla ricchezza delle fonti conservate ed ai ricercatori

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che lavorano al suo interno, ha permesso di arricchire il programma di ricerca

fornendo una solida base documentaria e scientifica.

Punto di partenza della MEC – si è detto – è stato rappresentato dalla creazione

di una rete di collaborazione europea che ha visto alla fine la collaborazione di una

trentina di istituzioni di ricerca che hanno scelto di associare alcuni progetti di ricerca

a quelli della Maison allo scopo finale di partecipare alla progressiva costruzione di

una “memoria dell’Europa”, base indispensabile per fornire le risposte il più

possibile adeguate ai problemi che la società e il mondo contemporaneo pongono con

sempre maggiore pressione.

A tal fine il comitato scientifico, autore del progetto, si è dato come compito

quello di definire l’essenza stessa dell’istituzione, di riflettere sul suo contenuto, sulla

sua organizzazione, sul suo programma e sui legami da stabilire con l’estero. Il

lavoro è quindi cominciato con l’organizzazione di un ciclo di seminari tenuto con

scadenza mensile, il cui scopo è stato quello di dar vita a una riflessione periodica

sugli assi di ricerca riconosciuti dal ministero come identificativi dell’istituzione. I

seminari sono stati voluti aperti e pensati non come semplice forum di dibattiti, ma

momenti fondamentali per stabilire una base di lavoro che si è poi conclusa con un

primo generale momento di riflessione collettiva svoltosi il 23 e 24 marzo 2006 a

Firenze e avente per titolo proprio Pour une Maison de l’Europe contemporaine. Il

seminario è stato la base programmatica per l’organizzazione del primo convegno

internazionale della MEC che ha avuto luogo a Parigi il 16 e 17 giugno 2006 con il

titolo L’Europe: utopie ou levier du changement, il quale ha visto la partecipazione

di un gruppo importante di ricercatori stranieri.

Grazie a questi contributi iniziali il progetto di ricerca è andato

progressivamente sviluppandosi e arricchendosi di nuove riflessioni e intensi dibattiti

allo scopo di sviluppare una riflessione sugli effetti che la svolta liberale – presente

in Europa oggi - ha avuto su quel modello sociale e politico che era stato pensato e

creato all’indomani del secondo conflitto mondiale. La problematica – divenuta

centrale nel corso delle ricerche della MEC – è stata affrontata da diversi punti di

vista: quello del mercato del lavoro, dei mutamenti economici ma più in generale si è

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cercato di comprendere se e come il modello sociale e democratico ideato dai padri

costituenti dell’Europa avesse affrontato le sfide del mondo globalizzato.

Cinque sono stati gli assi di lavoro ritenuti principali dal comitato scientifico e

su cui si è poi andata sviluppando la ricerca della Maison de l’Europe

contemporaine:

L’Europa all’interno della mondializzazione

Le trasformazioni del mondo del lavoro

Tensioni, conflitti e rotture del tessuto sociali

Le mutazioni del modello democratico europeo

Le rappresentazioni dell’Europa (politiche, storiche, culturali)

Le tematiche sono sempre state trattate avendo come punto di riferimento

l’Europa, intesa in un’ottica di lungo periodo e geograficamente allargata:

dall’Europa degli imperi a quella delle nazioni, dall’Europa coloniale a quella delle

regioni. Si è cercato inoltre di riflettere sul tema delle frontiere dell’Europa e di

conseguenza sulla sua identità: flussi migratori ma anche trasferimenti di idee e

culture in un’ottica scientifica che leggesse l’allargamento non solo in termini politici

ma anche di espansione ed arricchimento della cultura e della ricerca, scopo fondante

della Maison stessa.

Sulla base di questi assi principali di ricerca sono stati organizzati diversi

convegni e seminari, a Paris Ouest, che hanno visto la partecipazione sempre

costante ed attiva dei “collaboratori” europei della MEC.

Dopo il convegno del giugno 2006 è stato organizzato un secondo incontro

internazionale questa volta dal titolo La démocratie européenne à l’épreuve des

changements économiques et sociaux XIXe, XXe siècle (i cui atti sono oggetto della

pubblicazione che segue) svoltosi a Firenze il 25 e 26 giugno 2007.

A dicembre 2007, presso l’Università di Paris Ouest si è svolto il convegno Le

droit d’ingérence dans l’Europe contemporaine.

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A maggio 2008 l’anniversario degli avvenimenti del maggio francese del ’68 è

stato lo spunto per l’organizzazione del convegno dal titolo 1968 en Europe:

héritage d’un événement, 1968-2008.

Dalla collaborazione con una delle principali istituzioni culturali cittadine, il

Comité d’histoire de la Ville de Paris, è scaturita l’iniziativa per l’organizzazione di

un convegno che aveva come soggetto: L’Hôpital dans la ville industrielle (la

France et l’Europe).

Intensa è stata poi la collaborazione che si è progressivamente creata con

l’Università degli Studi di Cadice in Spagna e che ha dato vita all’organizzazione di

ricerche e seminari comuni, sempre con lo spirito di ragionare in termini europei ed

interdisciplinari, a dimostrazione che un’Europa delle idee e della ricerca comune è

possibile.

Programmi dei seminari e convegni organizzati dalla Maison de

l’Europe Contemporaine

“Pour une Maison de l’Europe contemporaine”, 23 et 24 mars 2006, villa

Finaly, Florence

1. Les moments de l’Europe

Michel Kreutzer, L’Europe de la recherche et des Formations Doctorales

Elena Musiani, L’Europe des femmes entre la guerre et la paix

Geneviève Dreyfus-Armand, L’idée d’Europe dans l’opposition démocratique au

franquisme

Marie-Claude Chaput, Entrée de l’Espagne dans la C.E.E.

Alya Aglan, Les Résistances et l’identité européenne

Jean-Charles Szurek, Les inattendus du ‘moment 1989’ à l’Est

Sonia Combe, “Usages du passé dans le monde post-communiste: la disparition du

concept de fascisme/antifascisme”

Janine Goetschy, Bilan de l’Europe sociale sur 50 ans

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2. L’Identité de l’Europe: nations, frontières, mondialisation

Philippe Guttinger, Frontières du droit communautaire

Wanda Dressler, Les questions du voisinage dans l’Europe élargie et ses frontières

orientales

Tiphaine Barthelemy, Monica Heintz, L’Europe entre identités et altérités:

perspectives anthropologiques

Yann Richard, Les frontières de l’Union européenne: rapport du centre aux

périphéries

Mirjana Morokvasic, L’Europe des migrations

Danielle Rozenberg, Espagne: l’Etat des Autonomies

Gius Gargiulo, “Format” et grilles de programmation: une télévision entre identité

européenne et territoire national

Brigitte Krulic-J.J.Briu, “es concepts de l'espace public: regards croisés France-

Allemagne”

Silvia Contarini, La construction identitaire et le rôle de la littérature

3. Démocratie et capitalisme

François Eymard-Duverney, Droit du travail et économie dans le contexte européen

Françoise Renversez, La question du voisinage de l’Europe et la financiarisation de

l’économie

Régis Chemain, Union économique et monétaire et légitimité démocratique

Jean-Paul Charvet, Les implications économiques, sociales et territoriales des

évolutions de la Politique Agricole Commune

Pierrette Poncela, Quelles évolutions pour l’Europe des droits de l’homme?

4. Mutation du travail et crise de société

Bernard Friot, Les réformes de la protection sociale en Europe et l’évolution des

ressources des salariées

Annette Jobert, Europe et territoire dans les relations professionnelles

Bruno Amable, Les fondements politiques des transformations contemporaines de la

protection sociale en Europe

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Nicole Kerschen, “La construction d'un modèle social européen à travers la

stratégie coordonnée pour l’emploi”

Artan Fuga, Nouvelles étapes de l’élargissement et fragmentation de l’espace et des

populations périphérisées: incidences sur les sociétés de l’espace balkanique

Martine Segalen, “L’Europe des familles”

Francis Démier, Conclusion

Colloque international de la Maison de l’Europe contemporaine, “L’Europe:

utopie ou levier du changement”, Université de Paris X, Nanterre: 16 et 17 juin

2006

L’idée européenne

Claude Pouzadoux (Maison René Ginouvès Université Paris X), Le mythe d’Europe

Mark Gilbert (Université de Trento, Italie), Ideas of European Federation among

British ‘Progressive’ Intellectuals 1936-1945

Daniela Preda (Associazione Universitaria Studi Europei, Italie), “L’Europe de la

paix”

Roberto Balzani (Université de Bologna, Italie), L’Europa di Mazzini

Elena Lamberti (Université de Bologna, Italie), ETNP ACUME: cultural memory in

Europe

Denes Zoltan Ivan (Université de Debrecen, Hongrie), Imagining ourselves: old and

new, singular or plural

Dorothee Rösberg (Université Halle-Wittenberg, Allemagne), L’Europe et mémoires

(trans-) nationales. Le cas franco-allemand

Paolo Pombeni (Université de Bologna, Italie), Studiare la storia politica attraverso

questioni chiave: il problema della leadership politica e quello della democrazia del

benessere

L’Europe, démocratie et question sociale

Carl Levy (Department of politics goldsmiths; College University of London), The

Periodisation of Modern and Contemporary Europe: 1918-1945-1989

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W. Małgorzata Kowalska (Université de Białystok, Pologne), Démocratie post-

totalitaire et démocratie périphérique (le cas de la Pologne comme révélateur d’un

phénomène plus général)

Andreas Fahrmeir (Université de Cologne, Allemagne), Property, votes and political

influence – European dilemmas and solutions

Andres Barrera (Université Complutense Madrid, Espagne), Europe: an outline for a

socio-cultural interpretation

Alan Scott, Gilg Seeber (Université de Innsbruck, Autriche), Shifting Involvements,

shifting opportunities: the social movement sector in Austria

Frances Lynch (Université de Westminster London, Grande Bretagne), L’État

providence en Europe. Qui paie?

Rafal Towalski (Warsaw school of economics, Varsovie, Pologne), Social Dialogue

in post communist countries: different paths of development

L’Europe: nations, frontières, mondialisation

Chérifa Chaour (Université d’Alger et Paris X), l’U.E entre accords régionaux et

OMC De l’Accord préférentiel au partenariat ; philosophies et enjeux pour l’Europe

Julio Perez Serrano (Universidad de Cádiz, Espagne), La (re)construction de

l’identité européenne dans l’après-guerre froide: de la pax américaine à la

concurrence mondiale

Galina Yavorska (National Institute of International Security Problems, Ukraine),

Constructing European identity in Ukraine

DI Dongsheng (Université de Peuple, Pékin, Chine-Brussel institute of

Contemporary China studies),”EU-China Strategic Partnership: Challenges and

Opportunities”

Antonio Elorza (Université Complutense Madrid), Les petites nations et l’Europe

Table ronde (avec les intervenants du colloque de Florence)

Colloque international de la Maison de l’Europe contemporaine: La

démocratie européenne à l’épreuve des changements économiques et sociaux XIXe,

XXe siècle, 25, 26 juin 2007, villa Finaly, Florence

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Introduction: Francis Démier, Université de Paris X

1. Modèles démocratiques de l’Europe et mutations de société: la longue durée.

Président de séance: Michel Kreutzer, vice-président de l’université de Paris,

chargé de la Recherche.

Paolo Pombeni (Facoltà di Scienze Politiche, Università di Bologna), La démocratie

du chef en Europe. L'idealtype du pouvoir charismatique comme moyen de gestion

des transformations économiques et sociales

Francis Démier (Université de Paris X), Le modèle politique démocratique et les

révolutions industrielles européennes du XIXe siècle

Andreas Fahrmeier (Université de Frankfurt), La démocratie et l’argent: débats sur

la “corruption” des électeurs et des élections au XIXe siècle

Jean-Jacques Briu (Université de Paris X), “Variation du sémantisme des termes

‘démocratie’/’Demokratie’ du 18e au 20e dans des corpus de dictionnaires et de

textes”

Brigitte Krulic (Université de Paris X), Une lecture théologico-politique de l’idée

démocratique en Europe: Edgar Quinet

Isabelle Lespinet-Moret (Université de Paris X), Le paritarisme dans l’OIT, gage de

démocratie dans les relations économiques et sociales de l'entre-deux-guerres

Alya Aglan (Université de Paris X), La Résistance française et le passage de la IIIe

à la Ive République

Marie-Claude Chaput (Université de Paris X), Développement économique et

dictature dans la presse critique au franquisme

Danièle Frison (Université de Paris X), Réticences de la démocratie britannique face

à la démocratie européenne

Elena Musiani (Université de Bologna), “Miracle économique” italien et nouvelle

intégration des femmes à la démocratie.

2. Nouvelles formes de développement, nouvelles contraintes pour la

démocratie

Président de séance: Pierre Rouillard, directeur de la Maison René Ginouvès, MAE

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Bernadette Madeuf, Alice Sindzingre (Université de Paris X), Globalisation,

Democracy and Growth: Assessing the Links

Françoise Renversez (Université de Paris X), La Banque Centrale Européenne et la

construction de la démocratie dans les institutions européennes

Alia Gana (Université de Paris X), Développement durable des territoires en Europe

et dynamiques institutionnelles: vers de nouvelles pratiques de la démocratie?

Antonio Elorza (Universidad Complutense, Madrid), Isegoria: information et

pouvoir dans le cadre d’une révolution technologique

Alan Scott (Université de Innsbruck, Autriche), Legitimation, depoliticization and

urban governance

Guy Burgel (Université de Paris X), Démocratie participative et démocratie

représentative dans la gestion des métropoles européennes

Gilg Seeber (Université de Innsbruck, Autriche), Roberta Sassatelli (Université de

Milano, Italie), Consumers, Democracy and Solidarity. Dimensions, Scope and

Dilemmas of Critical Consumption in European Countries

Philippe Guttinger (Université de Paris X), Europe et démocratie environnementale

Jean-Paul Charvet (Université de Paris X), Des modèles de développement rural

dans les démocraties européennes: le Danemark, la Grande-Bretagne, la France de

la JAC

3. Démocratie et transformation de société.

Président de séance: Paolo Pombeni, Facoltà di Scienze Politiche, Università di

Bologna.

Julio Perez Serrano (Universidad de Cádiz, Espagne), La transition à la démocratie

comme capital intangible de l'Espagne actuelle: mythes et réalités

Michael Howlett (Waterford Institute of Technology, Ireland), Globalisation in

Ireland: Social Cultural Challenges and Opportunities for Democracy;

Carl Levy (Department of Politics Goldsmiths College University of London, Grand-

Bretagne), Into the Zone: The Geneva Convention, Refugees, Asylum Seekers and the

EU’s Projects for Extra-Territorial Solutions

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Martine Segalen (Université de Paris X), Les familles d’Europe à l’épreuve de la

démocratie

Gilles Raveneau (Université de Paris X), La démocratie confrontée à la société sans

risques

Pierrette Poncela (Université de Paris X), La démocratie à l'européenne face aux

mesures d’expulsion des étrangers

Nicole Kerschen, Isabelle Roussel (Université de Paris X), La méthode ouverte de

coordination et la société civile organisée

Silvia Contarini (Université de Paris X), Démocratie et immigration dans le cas

italien

Michel Bruillon (Université de Paris X), Délocalisation ou recolonisation? les

retraités britanniques aujourd’hui

4 L’élargissement de l’Europe: quelle démocratie?

Présidente de séance: Bernadette Madeuf, Université de Paris X

Vladimir Oulakhovich (Directeur du Centre des Recherches Internationales de

l’Université d’Etat de Minsk), European neighbourhood policy as the instrument of

transformation of the neighbours

Enrico Fassi (Università Cattolica, Milano), Which friends? The content of EU

democracy promotion in its neighbourhood

Wanda Dressler (Université de Paris X), Les nouveaux pays indépendants post

soviétiques à l'heure des révolutions de couleurs

Ivan Zoltan Denes (Université de Debrecen, Hongrie), In the Storm of Political

Hysterias. A Case Study on the Different Self and Enemy Images in a Newly Founded

Democracy

Monica Heintz (Université de Paris X), La citoyenneté dans les états post-socialistes

“faibles”

Serena Giusti (Università Cattolica, Milano), Il concetto di ‘democrazia sovrana’

introdotto da Putin

Ekaterina Luchinina (Ecole supérieure d’Economie, Moscou, Russie) The evolution

of the concept of democracy in the Russian political discourse during the last decade

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Malgorzata Kowalska (Université de Bialystok, Pologne), Mutations/mutilations de

la démocratie dans le cadre est-européen

Galina Yavorska (National Institute of International Security Problems, Ukraine), La

démocratie “totalitaire” en Ukraine

Gulnar Sarskeyeya, Diana Madiarova (Université Nationale Eurasiatique L.N.

Gumiliov d’Astana, Kazakhstan), Culture et politique kazakh face à l’ouverture

européenne

Artan Fuga (Université de Paris X), La démocratisation dans les Balkans: exemples

de la Serbie, de l’Albanie et de la Macédoine

Université de Paris X, Maison de l’Europe Contemporaine, “Le droit

d’ingérence dans l’Europe contemporaine” 14 décembre 2007, Université de Paris

X, Le droit d’intervention et l’Europe du congrès de Vienne (XIX e siècle)

Présidence Antonio Elorza (Université Complutense)

Marc Belissa (Maître de conférence à l’Université de Paris X), Ingérence,

intervention chez les théoriciens du droit des gens et dans les pratiques politiques

aux XVIIe et XVIIIe siècles

Angelo Varni (Professeur d’Histoire à l’Université de Bologne), Les interventions

françaises et autrichiennes dans l’Italie du premier XIX e siècle

Emmanuel Larroche (IDHE, Université de Paris X), La Restauration et l’expédition

d’Espagne en 1823

Anne Couderc (maître de conférences à Paris I-Ecole française d’Athènes), L’Europe

et l’indépendance de la Grèce, 1821-1832

Servane Marzin (docteur en Histoire, IDHE, Paris X), Guizot et le principe de la

non-intervention

David Delpech (ATER, Université de Paris X), “Vers une Europe des nations:

Napoléon III et la politique d'intervention armée”

L’Europe du XX e siècle: idéal humanitaire et brutalité nationaliste

Présidence Angelo Varni (Université de Bologne)

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Dzovinar Kevonian (Maître de conférence à l’Université de Paris X), Les juristes et

le principe du droit d'intervention humanitaire au tournant du XX eme siècle

Antonio Elorza (Professeur d’Histoire à l’Université de la Complutense, Madrid),

L’Europe et la guerre d’Espagne

Robert Coale (Professeur Université de Paris VIII), Les brigades internationales:

intervention ou engagement personnel?

Arton Fuga (CNRS, LADYSS), L’ingérence entre l’auto-gouvernance et l’auto-

détermination: le cas des Balkans au tournant du XXIe siècle

Jean-Marc Thouvenin (Professeur de droit public à l’Université Paris X-Nanterre),

La “responsabilité de protéger” en droit international: vers une légalisation de

l’ingérence au XXIème siècle?

“1968 en Europe: héritage d’un événement, 1968-2008”, 30, 31 mai 2008,

Université de Paris X

Le paysage politique de l’Europe renouvelé

Paolo Pombeni (Université di Bologna), Il 1968 come punto di svolta della politica

in Europa: fra rinnovamento generazionale e crisi dei sistemi ideologici

Gerd Rainer Horn (Université Of Warwick, UK), The Legacy of May 1968 to the

European Left

Francis Démier (Université Paris X), L’héritage de 68 dans la pensée de la gauche et

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Bernd Zielinski (Université Paris X), Les répercussions de Mai 68 en RFA sur le

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Fritz Keller (Université de Vienne), The 68-mouvement in Austria

Wanda Dressler (Université Paris X), Un héritage de 68: l’individualisme

démocratique: entre différence et indifférence

Les nouveaux fronts de luttes

Nicole Kerschen (Université Paris X), La CFDT et son leader Eugène Descamps

dans la négociation des Accords de Grenelle

Rik Hemmerijckx (Université Gent), Mai 68 et le monde ouvrier en Belgique

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Antonio Parisella (Université di Parma), Tradition et radicalité des luttes sociales

dans une ville de l’Emilie rouge après 1968

Marco Grispigni (Commission européenne, Bruxelles), Conflitto, violenza politica e

lotta armata: l’Italia negli anni ’70. Conflits sociaux, violence politique, lutte armée:

l’Italie des années 1970

Niels Beckenbach (Université de Kassel), Les enfants du délire. La RAF et l’automne

de plomb 1977 en RFA

Silvina Campo (Université de Buenos Aires ), “La Gauche prolétarienne” en France

Elda Guerra, Elena Musiani (Université de Bologna), La référence à 68 dans les

luttes des femmes italiennes

Les métamorphoses de la société, de la culture et du spirituel

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Un progetto di ricerca europeo ed interdisciplinare

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3

1. MODELES DEMOCRATIQUES

DE L’EUROPE ET MUTATIONS

DE SOCIETE:

LA LONGUE DUREE

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La démocratie du chef en Europe

L’idéaltype du pouvoir

charismatique comme moyen de

gestion des transformations

économiques et sociales

Paolo Pombeni

Le 11 mars 1946, expliquant à l’Assemblée Constituante italienne les motifs

pour lesquels les auteurs du projet de nouvelle Charte avaient rejeté l’option du

suffrage populaire dans l’élection du Président de la République, Meuccio Ruini –

qui présida la Commission chargée de la rédaction du texte – fit cette déclaration:

“Notre opposition – l’a dit un de mes collègues – naît des spectres des César,

Bonaparte et Hitler, ceci étant un souci prédominant chez la plupart d’entre nous”1.

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40

Rapportée au contexte, cette phrase permet d’encadrer avec précision le thème

que je voudrais présenter. Tout au long des XIXe et XXe siècles se déroula le débat

sur la compatibilité du système de légitimation du pouvoir gouvernemental

directement par le peuple. Initialement on mit l’accent sur un terme classique –

“césarisme” – forgé pour indiquer l’évolution que Julius César avait imposée au

système politique dans l’ancienne Rome. Ensuite, après l’aventure de Louis

Napoléon Bonaparte qui s’était autoproclamé Empereur des Français, et en partie

dans le sillage d’un célèbre pamphlet écrit par Marx et Engels, ce fut l’heure du

“bonapartisme”2. Finalement, après les dictatures totalitaires de la première partie du

XXe siècle et la naissance – dans le berceau de démocraties – de leaderships qui

empruntèrent la voie de l’“appel au peuple”, on commença à évoquer ce que Weber

avait précédemment défini “démocratie plébiscitaire”, dont les démagogies fascistes

furent des variantes au négatif3.

La question du leadership est indubitablement parmi celles qui passionnent

davantage les politologues: il s’agit du phénomène par lequel quelqu’un (ou quelque

chose) accède au pouvoir du leader (et à la fonction du constructeur de l’identité)

d’un sujet collectif. Les mots ont leur poids: “pouvoir” indique la capacité d’exiger et

d’obtenir l’obéissance et “leader” se rapporte au contenu dudit pouvoir, c’est-à-dire à

la reconnaissance au nom de laquelle l’obéissance est prêtée en vue d’emprunter un

parcours qui conduira – physiquement et métaphoriquemen-t – hors d’un lieu réputé

pour maintes raisons impropre à la satisfaction des exigences du sujet collectif

(surtout celles qui sont inhérentes à la construction et/ou au maintien de l’identité),

vers un autre lieu où celles-ci trouveront – du moins vraisemblablement – une

meilleure, sinon complète satisfaction4.

Le leadership est indissociablement lié à une vision de l’histoire en termes de

progrès et de délivrance: sans ceux-ci, le leadership deviendrait impensable. C’est

d’ailleurs la raison pour laquelle cette idée est toujours, et ce dans la moindre des

hypothèses, attenante à un élément de nature religieuse, la religion étant porteuse du

message qui annonce le salut, la libération, l’exode et la terre promise, et

l’apocalypse.

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Max Weber aboutit à une première et puissante théorisation du leadership, en

franchissant les frontières qui au XIXe siècle délimitaient la perception de ce

phénomène5. On employait alors les catégories de la “démagogie” ou du

“césarisme”, des modèles d’interprétation de la politique issus du paradigme

classiciste6. Les deux catégories faisaient référence au problème de la “démocratie”.

Selon la première, sur l’exemple d’Athènes, tout élargissement de la participation

politique en dehors du “better element”, était responsable d’une inégalité en termes

de ressources au sein de la classe dirigeante: d’un côté, ceux qui restaient liés au

“government by discussion”, c’est-à-dire à l’exercice de la démocratie sous la forme

d’une acceptation réciproque, pour d’évidentes raisons ne pouvaient pas compter sur

les “masses”. De l’autre, ceux qui étaient au contraire disposés à exploiter les

“passions”, voire les “instincts”, pouvaient compter sur le recrutement des masses et

sur leur asservissement à leurs propres fins. La deuxième catégorie s’inspirait de la

lecture que le XIXe siècle fit à l’égard du grand dictateur romain: l’homme politique

qui emploie la plèbe pour détruire un ordre fondé sur une aristocratie qui est certes

corrompue et épuisée, mais qu’il faudrait restaurer au lieu de l’éliminer, car son

élimination entraîne la destruction de la res publica, c’est-à-dire de l’ordre politique

fondé sur le “freeman”, le petit propriétaire – soldat qui incarne la continuité

institutionnelle entre privé et public7.

Il faudrait remplacer ces archétypes (en partie Weber le fait) par celui de

Moïse, le grand “passeur” biblique qui conduit son peuple des “oignons d’Égypte”

jusqu’à la “terre promise”, resserre les liens pendant la traversée du désert (et forge

l’identité nationale). La figure de Moïse représente le don que Dieu avait fait à son

peuple (donc l’origine non “programmable” du leadership, que le système politique

ne peut pas reproduire à son gré): ce don est subordonné à l’accomplissement de la

mission de guide dans le parcours qui mène de l’esclavage vers le salut, à travers une

“terre inconnue” dont on n’a jamais dessiné la cartographie (le “guide” non plus ne la

connaît pas, nous dit paradoxalement le récit biblique), et ce pour prouver que le

salut découle uniquement du dialogue quotidien entre Dieu et le chef, et que le

peuple doit “se confier” à tous deux.

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42

Si, comme l’affirme Carl Schmitt, la politique est une forme sécularisée de

théologie8, le leadership se prête remarquablement à l’investigation de cette thèse.

Cependant, je ne proposerai pas uniquement de nous mettre sur les traces de la

“vulgate” wébérienne qui résume le leadership dans le “chef charismatique”, celui-ci

étant l’individu qui relève le défi dans des circonstances exceptionnelles.

Il faut savoir que cette approche a été aussi proposée par les leaders eux-

mêmes. Citons, à cette fin, deux déclarations explicites de Charles de Gaulle. En

1932, il écrit que le leader n’est pas l’homme des temps de paix “mais il suffit que

les évènements deviennent graves, le péril pressant, que le salut commun exige tout à

coup l'initiative, le goût du risque, la solidité, aussitôt change la perspective et la

justice se fait jour. Une sorte de lame de fond pousse au premier plan l'homme de

caractère”9. Et dans ses Mémoires de guerre, en commentant son abandon du

pouvoir, début 1946, il constate: “Chacun, quelle que fût sa tendance, avait, au fond,

le sentiment que le Général emportait avec lui quelque chose de primordial, de

permanent, de nécessaire, qu’il incarnait de par l’Histoire et que le régime des partis

ne pouvait pas représenter [..] On concevait que cette légitimité restât latente au

cours d’une période sans angoisse. Mais on savait qu’elle s’imposerait, par

consentement général, dès lors que le pays courrait le risque d’être, encore une fois,

déchiré et menacé”10.

La question qui se pose maintenant, et qui peut paraître trop logique, est de

savoir si le leadership politique est réductible à cette phase unique dudit “leadership

héroïque”.

Impossible d’éviter l’analogie avec les archétypes reconnus, c’est-à-dire le

mythe de Gladstone qui incarne pour la première fois, au niveau européen et

américain et aux yeux de ses contemporains, la figure du grand manipulateur

politique (ou bien du grand “démagogue”, comme le disaient ses adversaires)11, et les

principaux dictateurs de la première partie du XXe siècle.

Quant à la phase de formation du leadership au cours du XIXe siècle, il

faudrait prendre en compte quelques autres éléments sans réduire le champ de la

recherche au seul phénomène du leader charismatique, une référence par contre

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incontournable dans l’analyse de la politique moderne selon Weber, qui s’inspire en

partie du mythe de Gladstone. Il faudrait par exemple prendre en compte la figure de

Cavour, un des archétypes de la manipulation “césarienne” qui à l’époque causa une

vive impression chez les observateurs. Le Comte de Cavour n’était certainement pas

“charismatique” dans le sens courant du terme ; il ne pouvait pas non plus s’appuyer

sur le peuple selon certaines modalités qui sont typiques du leadership. Il était à

maints égards l’enfant du système politique de son temps, qu’il a su maîtriser grâce à

la connaissance parfaite de ses mécanismes et à la capacité de les utiliser en fonction

d’une “vision” dont il était le seul dépositaire doté des capacités techniques

nécessaires. Dans ce cas la poursuite d’une fin a créé le leadership.

Dans l’élaboration de la pensée sur le leadership, ce point – très intéressant –

fut saisi après la première moitié du XIXe siècle, avec une capacité d’interprétation

géniale, par Walter Bagehot, qui fut observateur aigu du mouvement bonapartiste,

comme le révèlent ses correspondances depuis Paris12. En 1861, lorsqu’il était

directeur de The Economist, il avait publié sur The National Review un article à

l’occasion de l’éclatement de la guerre civile américaine13. Dans un extrait tiré de cet

ample texte, il analyse ce qu’il considère comme une spécificité inacceptable de la

Constitution américaine, c’est-à-dire la division entre les pouvoirs représentatif et

exécutif, cette “machinerie insensible” (insensible machinery) qui empêche, à ses

yeux, les ministres du président d’entreprendre leur carrière parlementaire, alors que

“le people américain est privé de la conduite et du gouvernement de grands hommes

d’État lorsque ceux-ci lui sont davantage nécessaires”14. J’attire l’attention du lecteur

sur l’exemple illustrant cette affirmation: “Quant au parlementarisme, le Comte

Cavour fit véritablement la preuve de la prépondérance du pouvoir d’un premier

ministre qui jouit de l’appui et de la confiance de son parlement, vis-à-vis de tous les

autres partis politiques, sous le despotisme ou bien dans la liberté”15.

Plus que pour la sympathie à l’égard de la cause italienne, par ailleurs très

répandue en Grande Bretagne (Bagehot montra une certaine froideur à l’égard de

Mazzini, contrairement à ce que firent nombre d’intellectuels anglais16), le penseur

admira l’homme d’État italien en appréciant principalement le rôle central du

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leadership politique en tant que force transformatrice de l’histoire, au-delà des

mécanismes ordinaires du constitutionnalisme libéral.

Ce n’est que vers la fin des années cinquante que le leadership politique semble

prendre ses distances vis-à-vis de l’ancien modèle de césarisme, pour le moins dans

de nombreux cas d’espèces, alors que retrouve sa vigueur la “capacité de

gouvernement” qui pourtant semble difficilement compatible avec l’horizon du

parlementarisme, et qui devient tout aussi improbable lorsqu’elle ne peut pas affiner

ses armes politiques dans l’arène parlementaire. À l’égard du cas américain Bagehot

déclare: “Un homme politique investi du pouvoir exécutif ne peut pas siéger au

parlement; s’il siège au parlement, il ne possède aucun pouvoir exécutif. Partant, tout

homme talentueux et qui a de l’ambition cherchera vainement une place appropriée

pour ses talents ou son ambition dans la Constitution américaine. Il ne pourra

ambitionner la charge de président parce que celui-ci est bien malheureux ex officio

ni, mutatis mutandis, briguer celle de Premier Ministre, tel M. Robert Peel ou le

Comte Cavour, car la loi américaine n’accorde pas le droit de cité à ces personnes

aux Etats-Unis”17.

Il est à noter que, dans un essai sur le “nouvel ordre” dans l’Allemagne

d’après-guerre18, Weber fera un constat assez semblable en imputant précisément à la

constitution bismarckienne l’impossibilité d’établir un rapport fécond entre le

pouvoir exécutif et le leadership politique.

Dans le commentaire suivant, Bagehot exprime ce qu’il considère être la

révolution de la politique moderne en éclairant sa pensée de manière toute

particulière: “En vérité, au cours des cinq cent dernières années il s’est produit un

grand changement dans les occupations prédominantes auxquelles vaquaient les

classes dirigeantes: auparavant elles s’adonnaient à l’action mouvementée ou au

repos immobile. Pour un baron féodal rien ne s’interposait entre la guerre ou la

chasse – deux passe-temps vivement stimulants – et un repos qu’on disait honteux.

La vie moderne est rarement mouvementée mais elle sans cesse scandée par l’action

paisible”19. Ainsi changea le mode de perception de la politique. Successivement,

dans un ouvrage intitulé Physics and Politics (1872), dont le dessein est ambitieux

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mais le succès modéré, Bagehot écrira que dans son évolution normale la politique

moderne semble avoir perdu son intérêt pour le cas d’exception, en reléguant donc le

césarisme au second plan: “Lorsque tel ‘Césarisme’ arbore la marque d’une certaine

originalité dans la pensée, c’est simplement parce qu’elle est le produit d’une époque

de liberté désormais reculée ou de l’exemple des pays avoisinants. Elle est frêle et

éphémère. Après un court moment, lorsqu’une ou deux générations en ont fait

l’expérience, à l’heure du besoin, elle s’évanouit…”20.

Vu dans cette optique, le problème du leadership politique ne consiste plus à

avoir des “hommes extraordinaires”, des “hommes du destin”, à la direction des

nations et des peuples, mais à comprendre positivement comment un système

politique peut produire des leaders. Bagehot exprime sa vision sur ce thème dans un

article publié sur The Economist en décembre 1875, dans lequel il lance un regard

très pénétrant sur l’attitude de Bismarck à l’égard du gouvernement de cabinet21.

En commentant une attaque violente que le chancelier de fer avait lancée,

devant le Reichstag, contre le principe de la responsabilité des ministres vis-à-vis du

parlement (donc contre le modèle constitutionnel anglais), le directeur de

l’hebdomadaire économique met l’accent sur le fait que la “joint ministerial

responsibility” était simplement le moyen de rallier tous les leaders politiques de la

majorité autour du gouvernement (et les leaders de l’opposition autour de la

perspective de faire partie d’un futur gouvernement). Aucun pays ne pouvant être

régi “by incoherent public meetings”, il devient alors nécessaire de se fier à la

“discipline of parties”: “Dans un grand pays, le parlement qui veut réellement

gouverner doit être discipliné et réglementé afin que quelques esprits parviennent à le

soumettre, à des fins pratiques, à leur contrôle. Si ce n’est pas le cas, comme parfois

il arrive, il se doit d’influencer ses leaders prédominants de manière à ce qu’il

apparaisse sous leur contrôle, leur sanction et leur leadership”. Les chefs des partis et

les leaders politiques devraient agir en harmonie: “Une coalition de majorité bien

organisée doit s’interposer entre l’assemblée et le gouvernement, afin que rien

n’entrave le déroulement de l’activité parlementaire. Le seul moyen d’interposer

ladite coalition de majorité entre une grande assemblée populaire et le gouvernement

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administratif, c’est de mettre les chefs des partis aux places de commande des divers

ministères, et d’insister sur leur responsabilité collective et réciproque”22.

Grâce à sa sensibilité politique, Bagehot avait de bonne heure compris qu’une

série de transformations s’étaient produites, comme le confirmait l’éclat de l’astre

naissant de William Gladstone, le grand homme politique britannique qui, dès les

“Bulgarian Agitations” de 1876-77, incarnera pour l’Europe l’archétype, sinon du

nouveau “démiurge” politique, du nouveau “démagogue”23. Déjà en 1865 il avait

touché au cœur du problème: le pouvoir du leader consistait en sa “capacité

d’expliquer”, de rendre compréhensible la politique à un auditoire sans préparation

spécifique24. “Ils n’avaient aucune perception sur la faisabilité des mesures

financières introduites par M. Gladstone. Ils sont bien contents, maintenant qu’il les a

expliquées. Mais ils voulaient qu’il les leur explique. Supposons qu’il puisse faire

cela avec le reste de la politique, dans ce cas je crois qu’il pourra rester au poste de

premier ministre pendant de longues années”25. Cette même année, en commentant la

présentation par Gladstone de la candidature de son fils au Parlement, Bagehot

remarque dans un article significativement intitulé Politics as a profession26: “le

service de l’État exige un travail pénible et l’apprentissage de la routine – et les

hommes qui approchent de la cinquantaine ne les aiment pas”, en ajoutant

promptement que le parlement devient de plus en plus l’arène où se déroule la

sélection des membres du gouvernement: “Chez nous le Parlement n’est pas

simplement un corps législatif – c’est l’organe duquel sont exclusivement choisis les

membres du gouvernement exécutif”27.

Ces passages résonnent d’un écho lointain qui évoque le slogan célèbre de

Weber: la “Führerdemokratie mit Maschine” dont il sera d’ici peu question. Lorsque

Bagehot écrit les notes susmentionnées, Gladstone vient de commencer son

apothéose de leader politique de premier plan, mais cet observateur aigu avait déjà

noté certains traits saillants qui allaient dessiner tout un nouveau scénario. Ce ne fut

que bien plus tard, en 1887, que le nouveau premier ministre britannique, le

conservateur Lord Salisbury, découvrit que le phénomène était désormais irréversible

en déplorant avec la Reine Victoria que “l’exercice du discours politique, un devoir

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dont nous sommes entièrement débiteurs à M. Gladstone, alourdit le travail de ceux

qui sont au service de Votre Majesté”28. Malgré toute récrimination, hors des salles

parlementaires, désormais le leader se livrera constamment à l’exercice de

l’éloquence politique, se faisant un devoir de fournir au peuple des explications sur

ses stratégies politiques29.

Cependant Gladstone se mettra à modifier l’éloquence politique aussi sur le

plan des contenus: dorénavant le leadership ne s’exerce plus simplement en parlant

des “grands thèmes” de la politique, surtout internationale30, mais également en

illustrant les thèmes formant le quotidien du travail politique et administratif. Le

leader n’est plus “l’homme d’État” au sens ancien du mot, c’est-à-dire celui qui

contribue à la grandeur de son pays dans le contexte des relations internationales,

comme à maints égards l’avaient été, ou tenté de l’être, Napoléon III, Cavour et

Bismarck. Maintenant la grandeur de la nation est ramenée à l’horizon domestique et

elle s’identifie avec l’amélioration du bien-être du peuple: politique fiscale, budget et

“free breakfast table” (abolition des droits de douane sur les produits de première

nécessité) deviennent des leviers d’agitation de même que la destinée impériale d’un

pays ou l’hégémonie culturelle d’une nation31.

Il est bien difficile de sous-estimer le succès remporté par Gladstone, qui

devient assez rapidement le modèle du leadership efficace (en prenant également une

allure “démagogique” négative) dans le débat politique européen. Bismarck lui-

même est obsédé par l’idée de se mesurer avec lui32 .

Cependant aucun observateur de l’époque ne parvient à comprendre que

Gladstone a aussi transformé l’exercice du leadership en routine politique. Certes,

l’enthousiasme qui avait accompagne les “Bulgarian Agitations” (1876-77) ou la

célèbre campagne du Midlothian (1879-1880), avait contribué à construire l'image

d’une nouvelle divinité politique (ou d’un démon démagogique, aux yeux de ses

adversaires), mais nous ne pouvons pas ignorer que, à y regarder de plus près, la

carrière politique de Gladstone ne fut nullement sous le signe de la pérenne victoire.

S’il est le “Grand Old Man” (GOM dans le jargon de la presse), il est aussi un

homme qui connaît ses limites et qui a essuyé des échecs. Sûrement ce nouveau

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leader populaire est “a character” sans pour autant le moindre “pouvoir absolu”,

comme ce fut le cas pour Louis-Napoléon ou Bismarck et, dans une mesure plus

limitée, pour Cavour lui-même. Gladstone eut toujours à combattre de puissants

adversaires et finalement il fut battu par l’un de ceux-ci, Lord Salisbury précisément.

En plus, il resta fidèle à la constitution en vigueur sans avoir la possibilité, ni

l’ambition d’en forger une nouvelle à sa guise. Il affirma sa confiance dans le peuple

qu’il reconnut capable de choisir, sur la base d’un sain instinct, un leader juste qui lui

propose des idées justes33, mais il refusa toujours d’admettre que les idées justes ne

puissent naître autrement que de l’échange public d’idées. Bref, Gladstone fut et

resta un esprit libéral que le constitutionnalisme classique mettait complètement à

son aise.

Or, il advint que certains auteurs politiques libéraux considérèrent son cas en

séparant arbitrairement son succès populaire et le contexte spécifique dans lequel il

s’était formé, en interprétant Gladstone comme un phénomène nouveau qu’il fallait

situer à mi-chemin, entre l’ancien césarisme et la nouvelle démagogie populiste

typique d’une époque dominée par les partis de masse34. C’est ainsi que la question

du leadership s’inscrivit dans un contexte conforme au nouveau modèle du “popular

government” (à louer ou à blâmer suivant les inclinations personnelles des divers

auteurs), ou bien qu’elle fut reléguée dans le contexte de la “décadence” lorsque le

déclin des “settled superiorities” fut supposé ouvrir la voie à la démagogie, et ce

faisant l’amalgame avec le déclin des “mœurs” et de la “religion”, les deux autres

piliers de l’ordre social35.

La thèse de l’existence d’une opposition entre la “raison politique” et le

“consensus populaire” sous-tend une question très épineuse en termes de leadership

politique. Initialement on suppose que la raison politique se distribuerait si

naturellement entre les divers acteurs politiques (qu’il s’agisse d’élites dirigeantes

traditionnelles, de “gens de culture” ou de membres d’une catégorie quelconque)

qu’elle rendrait inacceptable toute forme de leadership: la raison triompherait et

rallierait le consensus, et ce au bénéfice d’une technique de gouvernement que tout

esprit élevé et bien éduqué soumettrait à son propre examen critique.

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Plus tard une autre idée commence d’apparaître: dans une société de masse à

suffrage élargi (sinon universel) ce présupposé, pense-t-on, n’est plus garanti puisque

le rationnel politique n’est plus l’apanage de tout sujet actif qui entre sur scène. Pour

rassembler sous sa houlette aussi les acteurs politiques de second plan, qui pourtant

jouent des rôles non négligeables, il faudra bien quelque chose. Ce quelque chose est

le leadership.

Influencés par l’exemple des dictatures du XXe siècle, nous sommes habitués à

raisonner sur ce problème uniquement en termes de leadership individuel. Ce n’est

plus correct. Un grand nombre d’agences, y compris les partis politiques, les

institutions publiques traditionnelles (les églises, les communautés locales, l’armée)

et les bureaucraties au service de l’État, sont investis de la tâche de conduire le

peuple à se familiariser avec les rouages de la politique moderne, de plus en plus

complexes. Remarquons pour plus de précision que le leadership est normalement

fondé sur la concurrence et, de manière plus ou moins volontaire, sur la coordination

entre la multiplicité des divers acteurs. Évidemment, dans les coulisses, certaines

“personnalités” ont commencé de prendre un relief tout particulier: cela fait partie de

la nature humaine aussi dans la sphère politique, puisqu’il est bien difficile d’éduquer

le peuple uniquement aux idées abstraites, sans chair ni sang36.

Dans un contexte historique où la routine paraît dominer, et où il faut

prioritairement réorganiser la vie publique en fonction des grandes mutations

économiques et sociales qui se sont produites ou qui sont en cours, les gens

deviennent de moins en moins enclins à rechercher de nouveaux Moïse qui les

conduiraient à travers le désert. À son tour le débat se concentre progressivement

autour de deux propositions alternatives: introduire la routine de la sélection d’un

“leader pour tous les jours” selon le modèle du “popular government”

(parlementarisme plus fonction sociale des partis politiques), ou bien créer le

leadership au travers des rouages du gouvernement des Etats modernes, c’est-à-dire

en distillant une variété toute particulière de bureaucratie (sous divers aspects ce

choix est assimilable à celui de la Sonderweg allemande et de l’“État administratif”

italien37).

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J’ai été amené à ne pas traiter de la question spécifique du leadership

charismatique à la lumière de la théorie politique wébérienne. Souvent ce thème

fascinant a été interprété de manière naïve, alors qu’il est bien différent par rapport à

la question de l’“homme extraordinaire” et également des principales dictatures du

XXe siècle38. Certes, le nouveau siècle marque un tournant dans notre univers mais

la réalité des choses parfois ne correspond pas à celle que nous imaginons.

Après la première guerre mondiale, la question centrale n’est donc plus le

mode de sélection du leader d’après l’ancien système, ni son degré d’efficience ou

d’efficacité. D’ailleurs aussi les nations victorieuses ont la perception de l’après-

guerre comme d’une période entièrement nouvelle qui les met devant l’obligation de

se méfier des démarches traditionnelles de préparation du leader. Avoir conduit son

peuple vers la victoire n’est plus maintenant une perspective d’avenir mais devient

une sorte de legs du “passé”. On a pris conscience du fait que la guerre vient de

bouleverser la scène mondiale39.

Mais Bagehot avait déjà présenté le leadership comme une fonction liée à la

promesse de gérer l’avenir. Or, il arrive rarement que cette forme particulière du

leadership politique40 trouve un miroir aussi fidèle que celui des périodes d’après-

guerre (surtout après des conflits de remarquables proportions et de longue durée).

L’Europe de 1918 et de 1945 nous offre quelques cas exemplaires qui montrent la

fracture entre les leaderships en période de guerre et de paix: pour le premier après-

guerre il suffit de mentionner Lloyd George et Clemenceau (sans ignorer les italiens

Orlando et Sonnino)41 et, pour le deuxième après-guerre, Winston Churchill et

Charles De Gaulle42. Au leader d’“après-guerre” il n’est pas demandé d’avoir une

“capacité de commande” (comme il arrive lorsqu’il doit conduire une nation sur le

front de guerre), mais des “idées pour l’avenir”, surtout lorsqu’il s’agit d’améliorer

les conditions d’un peuple qui a fait déjà ses preuves de loyauté et de “patience” à

l’heure du danger. La célèbre “land fit for heroes” dont parle Lloyd George en 1918

est un pays maintenant organisé pour accueillir son État Providence, dans lequel il

n’est pas admis de déroger à l’“ordre” (aucun “bien-être” n’est possible dans un

contexte fragile et turbulent). Mais à lui seul cet ordre ne suffit pas43.

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Cette règle générale devient encore plus dramatique dans le cas de pays qui

s’exposent au risque de perte de leur identité nationale. L’exemple plus frappant est

celui de l’Allemagne après 194544, mais l’Italie aussi offre un cas similaire45.

Comparativement à la tendance perceptible au cours du XIXe siècle, la

personnalisation du leadership se renforce dans le sillage de l’expérience de la guerre

de 1914-18: sur le terrain de bataille les soldats obéissent à un commandant plus qu’à

des règles impersonnelles. C’est pourquoi cet après-guerre laisse traîner la demande

d’un leadership d’empreinte personnelle, très semblable au style et aux objectifs

militaires.

La pénétration du fascisme dans ce contexte est une question explorée depuis

longtemps. Autre chose est d’affirmer que Mussolini et Hitler peuvent être

considérés comme une incarnation de la théorie wébérienne du leadership

charismatique. Bien que cette approche soit largement consacrée dans

l’historiographie et dans la politologie46, selon moi elle est incorrecte et je

m’efforcerai de démontrer pourquoi. Weber énonce la théorie du pouvoir

charismatique par imbrication dans la question du “pouvoir légitime” (en prévoyant

en l’espèce les trois “types purs” du pouvoir). Cependant il ne suffit pas de respecter

substantiellement les mécanismes de légitimation prévus par les systèmes juridiques

en vigueur, tel fut le cas de Hitler47 et de Mussolini (la violence ayant représenté un

élément de pression externe et complémentaire, même si très important, et non

l’origine “constitutionnelle” de leur prise de pouvoir48). Le pouvoir “légitime” peut,

en mesure extrêmement réduite, user de l’instrument de la contrainte physique pour

obtenir l’obéissance, et par conséquent il peut “supporter la critique”. Ces deux

éléments sont indissociables. Quant au premier, il faut bien noter que les fascismes

ont renoncé au postulat du pouvoir légitime en ce qu’il implique le “monopole de

l’État” dans l’usage de la force, puisqu’ils ont pris naissance en s’appuyant sur le

recours à une “milice privée” qui, plus tard, devient “étatique” sans jamais être

réellement “publique” (étant l’organe d’une faction). Il est assez difficile de

percevoir dans le fascisme et le nazisme l’existence sous une forme quelconque de la

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condition qui permettait la liberté de critique: aussi dans les conditions de plus grand

consensus, ces régimes n’ont jamais accepté le “government by discussion”.

Il existe une autre raison qui nous conduit à exclure Mussolini et Hitler du cas

d’espèce du pouvoir charismatique. En effet, si sous certains aspects leur pouvoir

rappelle le césarisme bonapartiste selon la description qu’en fait Bagehot, ils n’en

possèdent pour autant pas une caractéristique fondamentale: ils ne sont pas “orientés

vers l’avenir”. Ceux qui mettent souvent l’accent sur la propension de leurs régimes

pour les millénarismes de toute sorte ne se laisseront pas déconcerter par cette

affirmation: il s’agit là d’une version bien naïve (et caricaturale) de l'orientation vers

l’avenir. L’évocation de fantasmes apocalyptiques n’est pas un des déterminants de

cette propension. Un système est “orienté vers l’avenir” lorsqu’il est conçu pour

assurer sa propre durée, et qu’il est doté de mécanismes internes qui déterminent sa

vie politique ordinaire et la sélection ordinaire du leadership sans qu’il y ait besoin

d’actes d’héroïsme singuliers par l’un de ses membres.

Weber avait conçu le leadership charismatique comme un moment limité et

exceptionnel pour faire la transition vers la fondation d’un nouveau type de système

politique ordinaire. Par contre Mussolini et Hitler ont formé (volontairement ou

obligatoirement) le dessein de perpétuer artificiellement un “état d’exception” qu’ils

avaient par ailleurs contribué à radicaliser, sinon à créer, voulant prolonger

indéfiniment leur “transition” puisque leur fin était la poursuite métahistorique d’une

sorte de nouveau et indéterminé âge d’or49.

Aujourd’hui nous pouvons situer bien différemment leur rôle en considérant un

autre cas historique, celui de Charles De Gaulle en France50, que nous pouvons

mettre davantage en rapport avec l’idéaltype wébérien du leadership charismatique.

D’abord soupçonné, à l’époque de sa prise de pouvoir, de vouloir instaurer un

nouveau type de fascisme, il donne naissance à un système politique qui se

transmutera en un système “ordinaire” (et dont pourront à leur tour disposer aussi ses

adversaires, comme il arriva à Mitterrand en 1987 après sa victoire aux élections

présidentielles), son régime n’ayant jamais aboli les libertés de critique et

d’opposition et la “compétition ouverte” non seulement lors de la conquête du

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pouvoir mais également lors de sa vérification périodique. Indubitablement, ici, nous

nous retrouvons dans le contexte du “government by discussion”, bien que la

discussion soit déplacée du plan parlementaire au plan électoral. De Gaulle, en

somme, avait fondé une constitution et non un pouvoir personnel51.

Pour résumer, à mon avis l’historiographie (et, j’oserai dire, aussi la science

politique) devraient développer une autre approche à l’égard des problèmes cruciaux

du leadership politique, moins naïve et plus formalisée que celle qui est issue de la

culture politique à cheval sur les XIXe et XXe siècles, et qui s’est substantiellement

reproduite dans la plus grande partie des contributions postérieures.

Les types purs de la science wébérienne sont naturellement au cœur de

l’analyse du leadership, mais nous sommes en présence, faut-il remarquer,

d’idéaltypes et non de modèles historiques faisant office de catégories52. Cela

signifie que les composants singuliers de chaque type idéal sont susceptibles d’être

appréhendés dans divers (et divergents) cas historiques. Si nous revenons sur le cas

des Fascismes, personne ne niera que l’appel aux attentes de leaders charismatiques

de l’époque était déterminant dans la construction de leur consensus populaire. Nous

invitons à considérer que la manipulation abusive desdites attentes permit d’élever

artificiellement les leaders fascistes au rang de “nouveaux Moïse”, alors qu’ils ne

pouvaient nullement se prétendre en tant que tels. Pour résumer, ils étaient

indubitablement classables sous des typologies d’hommes politiques qui ne

revêtaient l’habit du leadership charismatique que sous des traits caricaturaux.

Donc je crois qu’il faudrait ajouter quelques éléments qui élargiront le champ

de recherche sur le leadership, en abandonnant en même temps la voie des

“biographies emblématiques”.

S’écarter de l’“idéaltype pur” devient probablement une nécessité. Après le cas

intriguant de Cavour, qui fut “chef” sans pour autant être charismatique dans le sens

courant du mot, il faudrait considérer les évolutions au cours de la seconde moitié du

XXe siècle, lorsque les médias communicationnels (la presse, et puis la radio et la

télévision) assurent à la “publicité” des dimensions qui sont déterminantes pour que

la parole du leader puisse avoir un “écho national” (et immédiat: dans un double

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sens, temporel, parce que sa parole arrive immédiatement à la communauté, et

pragmatique parce qu’il n’a plus besoin d’aucune “médiation” pour communiquer

par le biais de la presse écrite – qui de toute façon dépersonnalise ses dires –, ni des

structures du système de pouvoir, car son auditoire le “perçoit physiquement”,

auparavant uniquement par l’ouïe, maintenant aussi par la vue)53.

Dans une vaste typologie, quelques exemples nous aident à réfléchir sur les

divers aspects qui caractérisent les mécanismes de la construction du leadership.

Jouant un peu avec les mots, je me demande si, aussi dans ce domaine, il est possible

de faire une distinction entre les techniques “froides” et les techniques “chaudes”.

Les secondes sont mieux connues et elles se basent sur le schéma traditionnel du

“sauveur de la patrie”. De Gaulle représente l’exemple le plus illustre dans cette

typologie, et c’est pour cette même raison que plusieurs contemporains l’ont associé

à la typologie des dictateurs fascistes qui se présentaient également comme des

“sauveurs”. Outre l’élément de la réussite qui n’est pas négligeable (la preuve en est

la diversité de l’œuvre qu’ils nous ont laissée: alors que Hitler et Mussolini ont

détruit les fortunes de leurs pays respectifs, ceci n’est pas vrai dans le cas du

Général), les deux typologies ont une autre différence substantielle. De Gaulle est

complètement intégré à la “démocratie”, étant deux fois “battu” par celle-ci (en 1946

et en 1968) sans aucune tentative de revanche “insurrectionnelle” contre son verdict,

et surtout il est le fondateur d’un système qui peut lui survivre et qu’il peut léguer à

ses adversaires politiques (chose impensable dans le cas des régimes fascistes). Cela

dit, indubitablement, le grand homme politique français appartient à la typologie des

leaderships “chauds” et dotés de la conscience de soi (il suffit de mentionner les deux

déclarations citées plus haut).

On peut alors songer, élargissant le débat au-delà de ces limites, à deux autres

cas qui sont plutôt “intrigants”: celui de Francisco Franco et de Théodore et Franklin

Delano Roosvelt. Le premier instaura une dictature avec culte de la personnalité, où

le rôle du “sauveur de la patrie” se conjugua avec l’absence d’une “vision” d’avenir

proprement dite (mieux, avec la promesse, d’un certain point de vue, de ne pas avoir

à se mesurer avec l’avenir), et avec l’absence d’une dimension “démagogique”

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véritable, surtout lors de l’instauration de la dictature (Franco ne fut pas un

“agitateur”, il ne parla pas au peuple, il fut tout court chef militaire)54. Par contre

dans le cas des deux Roosevelt, même si c’est sous des angles bien différents, il

faudrait approfondir le versant typiquement “américain” de la construction du

leadership axé sur la “communication” et par le biais d’un mécanisme qui, sans

jamais l’enfreindre, a toutefois une primauté sur le principe du “government by

discussion” (en poursuivant peut-être la ligne du leadership inaugurée par

Gladstone)55.

Bien plus complexe est le discours sur les leaderships “froids”, qu’incarnent

ceux qui ont accompli leur fonction de guide en méprisant explicitement les

“visions” attribuées aux dictatures totalitaires et qui préfèrent tenir un discours à voix

plus basse pour rallier le consensus et rassurer la communauté, car ils ne la guideront

pas vers des rêves de grandeur en carton-pâte qui mènent à la catastrophe.

Indubitablement Alcide De Gasperi – si éloigné pour son caractère et physique de la

“vulgate” du leader charismatique – représenta bien cette typologie, malgré le fait

qu’il exerça la fonction de leader au cours d’une période relativement limitée et qu’il

fut davantage reconnu par la postérité que par ses contemporains56. Ce n’est pas le

seul exemple: aussi Churchill fut battu par Attlee lors des élections de 1945, et ce de

façon également emblématique car cet “inconnu” fut choisi à la place du personnage

idolâtré qui avait sauvé la Grande Bretagne contre l’assaut mortel de l’armée

hitlérienne. Évidemment, au lieu du “héros”, le pays voulait un leader à la tête d’un

gouvernement qui le conduirait vers la reconstruction dans des conditions équitables

et supportables, et non pas vers la perspective de “grandeur” sur laquelle Churchill

insistait57.

Aussi De Gasperi et sous certains aspects Adenauer l’avaient affirmé58: pas de

“mission historique” pour les deux pays vaincus, selon les attentes des groupes de

l’opinion publique qui pour autant avaient mesuré leurs pas sur le nouveau statut de

leurs pays, mais qui voulaient une garantie de “salut” dans la “normalité”, et

l’annulation de cette aspiration historique à l’“exceptionnalité” qui avait été à la

racine des maux causés par les deux dictatures totalitaires.

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À mon avis, ces quelques exemples soulignent l’importance d’une réflexion

plus profonde sur cette problématique qui mériterait de sortir de l’impasse dans

laquelle l’a confinée un discours trop aplati sur une dimension “journalistique”;

évidemment, il va falloir quelque chose de plus consistant que cette courte

présentation sur les axes porteurs d’une recherche qui est en cours.

1 Voir Atti dell’Assemblea Costituente. Discussioni in Aula, Roma, Tipografia della Camera, 1947, p.

2019. 2 Pour une analyse des premières réactions vis-à-vis de la question faisant référence à la catégorie du

“césarisme”, voir I. Cervelli, Cesarismo: alcuni usi e significati della parola (secolo XIX), dans

“Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento”, XXII (1996), pp. 61-197. Une étude

importante, toutefois limitée à l’aire linguistique allemande est: D. Groh, Cäsarismus, Napoleonismus,

Bonapartismus, Führer, Chef, Imperialismus, dans Geschichtliche Grundbegriffe, par W. Conze et al.,

Stuttgart, Klett, vol. I, 1972, pp. 726-771. Sur le bonapartisme voir C. Cassina, Il bonapartismo o la

falsa eccezione. Napoleone III, i francesi e la tradizione illiberale, Roma, Carocci, 2001. 3 Sur la question de la “démocratie plébiscitaire” chez Weber, voir F. Ferraresi, Il fantasma della

comunità, Milano, Angeli, 2003; D. D’Andrea, L’incubo degli ultimi uomini. Etica e politica in Max

Weber, Roma, Carocci, 2005. Sur la question de la démagogie fasciste, P. Pombeni, Demagogia e

tirannide. Uno studio sulla forma partito del fascismo, Bologna, Il Mulino, 1984. 4 Sur la question du rapport entre leadership politique et société, voir P. Pombeni, Autorità sociale e

potere politico nell’Italia contemporanea, Venezia, Marsilio, 1993 et la communication Social

Authority and Political Power, que l’A. a présentée au congrès tenu à Pise par le European

Consortium for Political Science (septembre 2007). 5 P. Pombeni, Charismatic Leadership between Ideal Type an Ideology, à paraître dans le “Journal of

Political Ideologies”. Sur le rapport entre théorie du leadership et expérience biographique et

intellectuelle vécue par le sociologue de Heidelberg, J. Radkau, Max Weber. Die Leidenschaft des

Denkens, München, Hanser, 2005.

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6 Pour le débat sur ces catégories en Grande Bretagne, J. W. Burrow, Whigs and Liberals, Oxford

Clarendon, 1988; S. Collini, Public Moralists. Political Thought and Intellectual Life in Britain 1850-

1930, Oxford, Clarendon, 1991. 7 Pour le débat sur ce modèle en France, G. Quagliariello, La politica senza i partiti. Ostrogorski e

l’organizzazione della politica tra ’800 e ’900, Roma-Bari, Laterza, 1993. 8 V. C. Galli, Genealogia della politica. Carl Schmitt e la crisi del pensiero politico moderno,

Bologna, Il Mulino, 1996. 9 Ch. De Gaulle, Le fil de l’épée, Paris, 1932, p. 66 10 Ch. De Gaulle, Mémoires de Guerre, III, Paris, Plon,, 1959 p. 287 11 Sur Gladstone voir H.C.G. Matthew, Gladstone, Oxford, OUP, 1998; R. Shannon, Gladstone. The

Heroic Ministry, London, Penguin, 2000. Sur la question spécifique de la construction de son

leadership, E. Biagini, Gladstone e l’invenzione della leadership in una democrazia imperfetta,

“Ricerche di Storia Politica”, 5 (2002), pp. 341-350. 12 L’auteur les analyse dans: La questione della leadership nel pensiero e nella storia politica europea

del XIX e XX secolo, paru dans, Dal mondo antico all’età contemporanea. Studi in onore di Manlio

Brigaglia, Roma, Carocci, 2001, pp. 739-744. Ces écrits ont été traduits dans une édition italienne de

bonne qualité: W. Bagehot, Napoleone III. Lettere sul colpo di stato francese del 1852, Roma,

Ideazione, 1997. Les originaux en anglais ont été publiés dans: Bagehot’s Historical Essays, sous la

direction de N. St. John-Stevas, New York, Anchor Books, 1965, pp. 381-86. 13 W. Bagehot, The American Constitution at the present crisis, dans Bagehot’s Historical essays, cit.,

pp. 348-80. 14 “deprives the American people of the guidance and government of great statesmen, just when these

were most required”. 15 “Count Cavour well knew and thoroughly showed how far the power of a parliamentary Premier

supported by a willing and confiding parliament, is superior to all other political powers, whether in

despotic governments or in free”. 16 Voir D. Mac Smith, Mazzini, Milano, Rizzoli, 1993. 17 “If a politician has executive authority, he cannot enter parliament; if he is in Parliament, he cannot

possess executive authority. No man of great talents and high ambition has therefore under the

Constitution of the United States a proper sphere for those talents, or a suitable vista for that ambition.

He cannot hope to be President, for the President is ex officio a poor creature; he cannot hope to be,

mutatis mutandis, an English Premier, to be a Sir Robert Peel, or a Count Cavour, for the American

law has declared that in the United States there shall be no similar person”.

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Bagehot était en train de décrire une réalité qui était à la veille d’une mutation, comme il a été noté

déjà à partir de A. Lincoln (élu en 1861). Voir pour une évaluation de ce thème: F. Fasce, Da George

Washington a Bill Clinton. Due secoli di presidenti USA, Roma, Carocci, 2000, pp. 51-55. 18 Voir la traduction italienne dans: M. Weber, Parlamento e governo nel nuovo ordinamento della

Germania, Torino, Einaudi, 1982. 19 “There has in truth been a great change during the last five hundred years in the predominant

occupations of the ruling part of mankind; formerly they passed their time either in exciting action or

inanimate repose. A feudal baron had nothing between war and the chase – keenly animating things

both – and what was called ‘inglorious ease’. Modern life is scanty in excitements, but incessant in

quiet action”Ce sont les mots de Walter Bagehot dans son plus célèbre ouvrage, The English

Constitution (1867). Je cite d’après W. Bagehot, Collected Works, London, The Economist, vol. VII,

1974, p. 143. 20 “And when some ‘Caesarism’ exhibits as it sometimes will an originality of mind, it is only because

it has managed to make its own product of past free times or neighbouring free countries; and even

that originality is only brief and frail, and after a little while, when tested by a generation or two, in

time of need it falls away” Collected works, vol. V, 1974, p. 363. 21 Prince Bismarck on cabinet, dans, Collected Works, vol. VIII, 1974, pp. 278-82. 22 “If a parliament is really to govern any great country, parliament must be disciplined and

regimented so as to be, for all practical purposes, under the control of a few minds, or if not, as

sometimes happens, under their control, yet capable of so influencing the leaders whom it usually

obeys, as to appear under their control and to act under their sanction and leadership”. […] “A well-

organised party majority must stand between such an assembly and the government, if the regular

work of government is not to be hindered. And the only means of getting such a party majority to

stand between a great popular assembly and the administrative government is to put the chiefs of the

party in command of the various departments of the administration, and then to insist on a collective

responsibility amongst them”. 23 Voir sur Gladstone, H.C.G. Matthew, Gladstone, Oxford, OUP, 1998; R. Shannon, Gladstone. The

Heroic Ministry, London, Penguin, 2000. Une synthèse agile, fine et détaillée nous est offerte par E.F.

Biagini, Gladstone, London, Macmillan, 2000. 24 C’est la réprimande que prononce à son encontre le Times, le 29 novembre 1879: “Dans un mot,

trop c’est trop… Est-ce que [le pays] souhaite vraiment que la chose publique soit à la merci de

l’agitation, de la rhétorique, d’autres qualités qui conviennent davantage à la populace qu’à ceux qui

parlent devant le Sénat?” [In a word everything is overdone… Does it [the country] wish the conduct

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of public affairs to be at the mercy of excitement, of rhetoric, of the qualities which appeal to a mob

rather than to those which command the attention of a Senate?]. En vérité Gladstone, le 9 février

1877, avait riposté par avance à ces reproches devant le Parlement: “Peut-être certains diront que la

Chambre des Communes représente le pays; pourtant ce n’est pas le pays. Comme dernièrement les

gens font la différence entre le pays et le Gouvernement, de même ils pourraient faire la différence

sous certaines circonstances entre le pays et la Chambre des Communes” [I suppose it may be said

that the House of Commons represents the country; but still it is not the country, and, as people have

lately drawn a distinction between the country and the Government, so there might be circumstances

in which they might draw a distinction between the country and the House of Commons]. Je cite

d’après l’introduction de H.C.G. Matthew dans The Gladstone Diaries, vol. IX, Oxford, Clarendon,

1986, p. LXIX. 25“They had no idea that what Mr. Gladstone has done in finance could be done. They are delighted

with it now he has explained it, but they needed to have it explained. If he can do so with the rest of

politics, he may be our first minister for many years” The New Ministry, dans Collected Works, VII, p.

162. 26 Dans Collected Works, VI, p. 130-34. 27 “Office requires much drudgery ad routine training – and men of five and forty do not like this.

Parliament with us is not merely a legislative body – it is the body out of which exclusively our

executive government is chosen”. 28 Dans M. Pugh, The making of British Politics 1867-1939, Oxford, Blackwell, 1982, p. 3. 29 Sur la signification que cette transformation comportera avec le temps, alors que le gouvernement

se faisait juger non plus sur son action mais sur sa capacité de “promettre” pour l’avenir, cf. P.

Pombeni, Ideology and Government, dans “Journal of Political Ideologies”, 11 (2006), pp. 61-76. 30 Ce fut le cas lors des “Bulgarian Agitations”: cf. R. Shannon, Gladstone and the Bulgarian

Agitation 1876, London, Nelson, 1963. Sur l’importance extraordinaire de la construction rhétorique

chez Gladstone, voir H.C.G. Matthew, Politica e Retorica in Inghilterra 1860-1930, dans, La

trasformazione politica nell’Europa liberale 1870-1890, sous la direction de P. Pombeni, Bologna, Il

Mulino, 1986, pp. 267-282. 31 Pour l’analyse de Gladstone “populiste” et de ses thèmes, voir E. Biagini, Liberty, retrenchment and

reform. Popular Liberalism in the Age of Gladstone 1860-1880, Cambridge, CUP, 1992; J. Lawrence,

Speaking for the people. Party, language and popular politics in England, 1867-1914, Cambridge,

CUP, 1998.

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32 Voir P.M. Kennedy, L’antagonismo anglo-tedesco, Milano, Rizzoli, 1993, notamment les pp. 225 à

238. 33 Gladstone exposa ces idées dans un “Modern Symposium” sur le thème du “popular judgment in

politics is more just than that of the higher orders?” qui, sous l’égide de la “Metaphysical Society”,

avait attiré de nombreuses personnalités politiques et intellectuelles de l’époque. Ces écrits ont été

publiés sur deux numéros de la “Nineteenth Century Review”, 2 (1877), pp. 797-822; 4 (1878), pp.

174-192. 34 Voir G. Quagliariello, La politica senza i partiti, cit. Sur la question plus en général du populisme,

voir P. Pombeni, Typologie des populismes en Europe, dans Les Populismes, sous la direction de Jean-

Pierre Rioux, Paris, Perrin, 2007, pp. 85-129, 386-395. 35 C’est l’avis du belge Émile De Laveleye, Les Gouvernements dans la démocratie, Paris, Alcan,

1891: “Le raisonnement et l’histoire nous apprennent que, pour fonder des institutions à la fois

démocratiques et libres, deux conditions sont nécessaires: la concorde entre les classes et des mœurs;

or ces deux conditions semblent devoir faire de plus en plus défaut” (p. 7). 36 Un auteur qui avait très précocement remarqué l’importance de cette réduction des motivations

politiques aux pulsions ordinaires fut Graham Wallas, avec son ouvrage, Human Nature in Politics,

London, Constable, 1908. Sur cet auteur voir M.J. Wiener, Between Two Worlds. The Political

Thought of Graham Wallas, Oxford, Clarendon, 1971. Sur le contexte de la naissance et du

développement de la forme du parti moderne, voir P. Pombeni, Partiti e sistemi politici nella storia

contemporanea, Bologna, Il Mulino, 1994 (traduction d’une édition précédente, moins complète,

Introduction à l’histoire des partis politiques, Paris, PUF, 1992). 37 Sur le thème de la “Sonderweg” (la voie particulière) allemande menant à la modernisation

politique, voir l’ouvrage classique de D. Blackbourn, G. Eley, The Peculiarities of German History,

Oxford, OUP, 1984. Sur l’”État administratif” en Italie, voir M. Fioravanti, Costituzione,

amministrazione e trasformazioni dello stato, dans, Stato e cultura giuridica in Italia dall’Unità alla

Repubblica, a cura di A Schiavone, Bari, Laterza, 1990, pp. 3-87. 38 J’ai approfondi cette question à travers l’analyse des textes de Weber et de la littérature relative

dans Charismatic leadership between Ideal Type and Ideology, cit. 39 Sur cet aspect nous souhaiterions renvoyer à P. Pombeni, La crisi europea del primo dopoguerra.

Una riconsiderazione, in, Il partito politico dalla grande guerra al fascismo, sous la direction de F.

Grassi Orsini e G. Quagliariello, Bologna, Il Mulino, 1996, pp. 75-104. 40 Sur le thème des fractures historiques de 1918, 1945 et 1989, en 1996 s’est tenu un congrès

international à l’Université de Keele. Le volume réunissant les fruits de ces travaux est disponible aux

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éditions Carl Levy et Mark Roseman, London, Palgrave, 2002: Three Post-war Eras in Comparison.

Western Europe 1918-1945-1989. Signalons notre essai, The Roots of the Italian Political Crisis: A

View from History, 1918, 1945, 1989… and After, ibidem, pp. 276-296. 41 Sur ce thème voir La grande guerra e la pace di Versailles Ottant’anni dopo, sous la direction de

G. Orsina, numéro monographique de “Ricerche di Storia Politica”, n.s., II (1999), pp. 279-370. Dans

mon essai, La lezione di Versailles e l’Italia. Alcune riconsiderazioni, ibidem, pp. 355-370, j’ai

considéré en particulier la position différente sur le plan du leadership de Orlando et de Sonnino par

rapport aux trois autres grands hommes. 42 Sur la pertinence de ces nouvelles approches en termes de construction du consensus politique voir

P. Pombeni, La legittimazione del benessere: nuovi parametri di legittimazione in Europa dopo la

Seconda Guerra Mondiale, dans, Crisi, legittimazione, consenso, sous la direction de P. Pombeni,

Bologna, Il Mulino, 2003, pp. 357-417. 43 Voir P. Pombeni, La democrazia del benessere e l’evoluzione della forma partito nel quadro dei

sistemi costituzionali europei 1943-1968, dans Luciano Cafagna tra ricerca storica e impegno civile,

sous la direction de Enrico Francia, Venezia, Marsilio, 2007, pp. 85-104. 44 Sur la reconstruction allemande, voir le premier chapitre de G. Ritter, Über Deutschland. Die

Bundesrepublik in der deutschen Geschichte, München, Beck, 1998; M. Görtemaker, Geschichte der

Bundesrepublik Deutschland, München, Beck, 1999, pp. 15-82; H.A. Winkler, Der lange Weg nach

Westen, vol. II: Deutsche Geschichte vom “Dritten Reich” bis zur Wiedervereinigung, München,

Beck, 2001, pp. 109-131. Pour un bilan historiographique voir A. Ferretti, Bonn non fu Weimar:

cesure, modernizzazione e scelta occidentale della Bundesrepublik nella storiografia degli anni

Novanta, dans “Ricerche di Storia Politica”, n.s., III (2000), pp. 391-405. 45 Il suffit de penser au rôle de suppléance que l’Église catholique fut en mesure de jouer au bénéfice

d’un leadership de longue portée. Voir les fines observations de Andrea Riccardi, L’Italia «nazione

cattolica», dans Vescovi d’Italia, Cinisello Balsamo, San Paolo, 2000, pp. 9-26. Voir aussi G.

Formigoni, L’Italia dei cattolici. Fede e nazione dal Risorgimento alla Repubblica, Bologna, Il

Mulino, 1998. 46 Une phase très célèbre de ce débat qui prit naissance d’après la querelle entre Wolfgang Mommsen

et Karl Loewenstein est esquissée dans l’ouvrage de S. Eliaeson, Constitutional Caesarism: Weber’s

politics in their German Context, dans, The Cambridge Companion to Weber, sous la direction de S.

Turner, Cambridge, CUP, 2000, pp. 144-148. Voir, pour une analyse détaillée de la question que je

résume ici dans ses termes essentiels, Charismatic Leadership, cit.

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47 Voir sur ce point les intéressantes observations de M. Ricciardi, Tra carisma e funzione. La

“Führerschaft” di Adolf Hitler, “Ricerche di storia politica”, 5 (2002), pp. 365-375. 48 Il y a nombre d’années, un jeune penseur proposa de remplacer le terme usuel “Machtergreifung”

(conquête du pouvoir par la force) et d’indiquer l’avènement au pouvoir de Hitler en 1933 par son

substitut “Machtübernahme” (simplement: prise de pouvoir), que d’ailleurs d’autres avaient déjà

emprunté à cette même l’époque. Voir N. Frei, “Machtergreifung”. Anmerkungen zu einem

historischen Begriff, dans “Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte”, XXXI (1983), pp. 136-145. 49 Cf. P. Pombeni, Demagogia e Tirannide, cit. Le thème est abordé différemment par E. Gentile, La

via italiana al totalitarismo, Roma, Carrocci, 2000. 50 Wolfgang Mommsen évoque les polémiques suscitées dans la phase initiale de la prise de pouvoir

par De Gaulle dans la préface à l’édition anglaise de Max Weber e la politica tedesca (Chicago,

University of Chicago Press, 1984). 51 Sur ce thème voir G. Quagliariello, De Gaulle e il gollismo, Bologna, Il Mulino, 2003. 52 Sur la question des types idéaux dans le cadre de la “Wissenschaftslehre” wébérienne, voir F. H.

Tenbruck, L’opera di Max Weber: Metodologia e scienze sociali, dans, Max Weber e le scienze

sociali del suo tempo, sous la direction de M. Losito et P. Schiera, Bologna, Il Mulino, 1988, pp. 25-

54. 53 Encore une fois signalons l’expérience emblématique de De Gaulle vis-à-vis de la télévision. Voir

R. Brizzi, Venduti come detersivi. Le elezioni presidenziali del 1965 e i primi passi del marketing

politico in Francia, in “Ricerche di Storia Politica”, 10 (2007), pp. 3-26, et toujours du même auteur,

la Thèse de Doctorat auprès de l’Université de Bologne, De Gaulle e la televisione. 54 Cf. P. Preston, Franco, London, Fontana Press, 1995. 55 Sur cet aspect important voir D. Frezza, Il leader, la folla, la democrazia nel discorso pubblico

americano 1880-1941, Roma, Carocci, 2001. Il faut considérer aussi la “dimension impériale” dans

l’expérience américaine. Voir C.S. Maier, Among Empires: American Ascendancy and Its

Predecessors, Cambridge, Harvard University Press, 2006. 56 En vérité la période du “leadership” politique de De Gasperi se déroule de février 1946 à juin 1953.

Voir P. Craveri, De Gasperi, Bologna, Il Mulino, 2006. Sur l’expérience singulière de formation du

leadership de De Gasperi, qui fut citoyen de l’empire d’Augsbourg, voir P. Pombeni, Il primo De

Gasperi. La formazione di un leader politico, Bologna, Il Mulino, 2007. 57 La littérature sur Churchill est très abondante. Je signale uniquement le volume le plus récent, c’est-

à-dire la remarquable biographie de R. Jenkins, Churchill, London, Pan Books, 2002. Sur la

signification des élections de 1945 dans les deux versants politiques, voir S. Brooke, The Labour

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Party and the 1945 General Election, “Contemporary Record” 9 (1995), pp. 1-21; M.D. Kandiah, The

Conservative Party and the 1945 Election, ibidem, pp. 22-47. K.O.Morgan., Britain since 1945. The

People’s Peace, Oxford, Oxford University Press, 2001. 58 La biographie sur Adenauer est en général celle de H.P. Schwarz, Konrad Adenauer, dont il est fait

renvoi spécifique au vol. II: The Statesman, 1952-1967, Oxford, Berghahn, 1997 (original allemand

Stuttgart 1991). Sur les parallèles et les spécificités de la reconstruction en Italie et en Allemagne, voir

P. Pombeni, I nodi della stabilizzazione politica in Italia e in Germania 1945-1958, dans, Italia e

Germania 1945-2000. La costruzione dell’Europa, sous la direction de Gian Enrico Rusconi et Hans

Woller, Bologna, Il Mulino, 2005, pp. 233-258.

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Democracy and Money: Debates on

the “Corruption” of Elections and

Electors in the Nineteenth Century

Andreas Fahrmeir

Elections and “Old” Corruption: The British Example In the early nineteenth century, the London constituency of Westminster

experienced a remarkable development: the cost of successful electoral campaigns

for one of the constituency’s two parliamentary seats dropped from ca. £30,000

around 1810 to a mere £1,500 per candidate in the 1820s. Put differently, election

campaigns ceased to be elaborate affairs involving gifts to voters, expensive electoral

agents, organised transport to the polls, muscular bystanders to discourage

opponents’ supporters, as well as much free food and drink. Instead, they became

relatively modest events which involved candidates’ declarations and the publication

of their programmes in newspapers and a limited number of pamphlets.

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This was in itself a remarkable reversal. Even more astounding was the fact

that the revolution of electioneering resulted in modest changes in political

preference (Westminster remained a radical-liberal borough) and was not brought

about by a change in the regulation of election; elsewhere, payments remained a

condition for political success. Moreover, both expensive and not so expensive

contests were accompanied by candidates’ declarations of respect for electors’

autonomy and independence, the promise to remain immune to outside “interests”,

and promises to oppose government policies of which voters did not approve.

Apparently, Westminster’s electors decided rather suddenly to take such

professions of independence so seriously that they were prepared to forfeit material

benefits. This conforms to Frank O’Gorman’s observation that electors were not

docile tools of political patrons in Britain’s “unreformed” electoral system, though

financial inducements remained important, and the opportunity to vote was sharply

restricted by agreements between leading families or parties to dispense with

elections.

The change in Westminster election practice were part of a more general

demise of a political system hostage to “old corruption” – ties of patronage,

influence, and financial exchange which allowed wealthy and usually aristocratic

“patrons” to acquire a group of “clients”, voters subservient to their interests and

political activists who placed their rhetorical or administrative talents at their

patron’s disposal. The system was based on material interests: political patronage

was expected to include lucrative appointments, pensions or contracts. Political

office could thus become a road to wealth. For example, the eighteenth-century

politician John Wilkes expected his considerable investments in election campaigns

to be met by his patronage network, and ultimately used political office in the City of

London as a way of paying off his substantial debts acquired while in radical

opposition to the government. Had his London campaigns been unsuccessful, it is

likely that, sooner or later, Wilkes would have experienced the fate of a later

colleague, Sir Watkin Lewes, whose campaign costs landed him in debtors’ prison.

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In a European perspective, British elections in the eighteenth and nineteenth

centuries were all but unique in several ways. They were not interrupted by a period

of absolutism, and the cost of elections was not a particularly well-kept secret; in

fact, the price (or potential price) of constituencies was relatively well known to

anyone with an active interest in politics. Moreover, the historiography of the

“unreformed” electoral system in Britain before 1832 has tended to emphasise this

feature of elections by highlighting competition not between ideologies or political

programmes, but between rival family compacts.

There are a number of reasons for this. In contrast to continental European

countries, British “estates” continued to meet regularly. Frequent elections of

national (rather than – as in the case of provincial estates in France – regional)

importance provided an opportunity for competition for the right to represent a

county or borough. Though contests in fact took place only for a small minority of

seats, participation in them could be fairly extensive, as the financial conditions for

the right to vote had not been adjusted to inflation. This was particularly true for

counties, though the very size of their electorate made it unlikely that they would

indeed be contested. Though most towns had a small electorate, some cities with a

broad franchise – like Westminster or London – held regular elections which could

be influenced by relatively poor men, certainly by men much poorer than their peers

allowed to vote in European elections in the decades after 1815. In these

circumstances, candidates who enabled poorer voters to take time off work to travel

to the place of the election, to wait to have their votes recorded, and to meet possible

challenges to their voting rights gained a significant advantage. Parliamentary rules

assumed that members of the British House of Commons would be propertied

members of the town or country they represented. In practice, however, this

condition had ceased to be relevant, allowing wealthy men from any part of the

country to compete for any seat – or, put more cynically, to make a financial bid for

membership in the House. Candidates who had to make themselves known to an

unfamiliar electorate were also well advised to demonstrate their generosity before

and during an election, another practice without direct parallel in other European

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countries, where representatives tended to be local notables. Finally, British

eighteenth- and nineteenth-century political history was marked by long periods of

political consensus, and Lewis Namier has argued persuasively that this ensured that

candidates’ (and, presumably, voters’) personal interests were paramount in

determining their political behaviour.

Continental Parallels Nevertheless, it is unlikely that the use of financial inducements in elections

were unique to Britain. It is well known that the Holy Roman Empire’s most

prominent representatives, the Electors, were not above accepting lavish gifts in

exchange for casting particular votes in the election of the Emperor. The sale of a

crucial vote could finance a palace, as is indicated by Schloß Weißenfels in the

Franconian village of Pommersfelden, built by a prince-bishop of Mainz in the early

eighteenth century with money paid to him for supporting Charles VI. On rare

occasions, such gifts could succeed in interrupting the Habsburg succession to the

imperial title.

While gift-giving practices in towns have received some attention, little is

known about practice in continental estates which continued to function. The same

can be said about parallels to the end of old corruption in Britain on the European

Continent, though the very high financial requirements for participating in elections

after the end of the Napoleonic wars, particularly in France, ensured that notables

bribing voters never gained the same importance.

Franchise Rules, Corruption and European Democracy An entirely different question is whether the developments sketched above are

relevant to a history of democracy in Europe. Regardless of whether it is told as a

European or as a national story, this history usually adopts a different perspective. It

tends to emphasise the expansion of the franchise (from resident, propertied men to

resident men to resident “adult” men and women to resident men and women over

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eighteen years, expatriates, some aliens and, finally, sixteen year olds), the party-

political outcomes of different electoral systems and franchises, or the intellectual

history of the debate on the principles on which a right to vote could be based. While

these histories have never been naïve or simplistic, the majority adopts a whiggish

view, and recounts the advance of democracy towards its modern forms as a history

of progress subject to challenges and the dangers of backsliding, but with a tendency

to advance to a brighter future.

Even if the history of the perversion of democracy through ways in which free

choices can be manipulated by governments, wealthy interest groups, and individual

candidates is a minor part of this story of overall progress, it is a pertinent one.

Understanding it is essential for any attempt gauge the degree and dangers of

corruption in the present, and to evaluate whether the massive increase of concern in

recent years is, in fact, justified or whether it is exaggerated. Integrating the story of

the abuse of democratic processes into the history of democracy can also serve to

question the assumption that corruption is an alien phenomenon which can only enter

truly democratic systems as an, as it were, illegal import, from the developing world,

eastern Europe, pre-modern or pre-democratic dictatorial eras. The study of the

relationship between money and votes can thus serve as an important part of a

history of democracy in Europe. I propose to argue the point further by broadly

sketching some outlines and suggesting some areas for future empirical enquiries.

Sources of Corruption and Counter-Measures Three relationships have been identified as major sources of corruption in a

broader and in a narrower sense at various times. In general, they were suspected of

contaminating political decision-making processes by placing particular interests

ahead of the common good. In the more technical sense, they involved suspicions of

illicit, though not necessarily illegal, exchanges of favours or cash for political

influence. These three relationships concern the interaction between governments,

representatives and voters; between “patrons” or “interests”, candidates, and voters;

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and between voters and people with economic or social influence over them which

falls short of a formal patron-client relationship. Fear of these relationships has

varied over time, and attempts to minimise harmful effects have produced different

safeguards, which then produced unanticipated side effects.

In the late eighteenth and, particularly, the nineteenth century, liberal or

enlightened constitutional theory viewed parliamentary assemblies primarily as

checks on the actions of a government which derived its legitimacy from

appointment by a monarch who claimed a divine right to rule. The key point was to

prevent government from becoming despotism by upholding the rule of law through

assemblies which were – like the House of Lords or French parlements –

representative of political elites, and/or through assemblies representative of a

section of the population. These more or less representative assemblies were

expected to exercise control by participating in the formulation of laws and by

determining levels of taxation.

In these circumstances, the main point of concern was the potential corruption

of parliamentarians (or electors) by a government which could induce the few

individuals who served in representative assemblies to abandon the interests of their

constituents or fellow-citizens in favour of personal advancement. The core of the

debate on “old corruption” in Britain was, therefore, not the effect of lavish electoral

campaigns on voters’ independence (both Whigs’ and Tories’ being sceptical of the

political maturity of “common” people), but the extent of government control of

constituencies. If government control became too great, it would be able to

marginalise and perhaps even silence opposition by having a docile parliament

elected and by buying off critics with lavish salaries or other perks. Safeguards were

therefore put in place to limit government influence: The re-election of members of

the House of Commons after appointment to government office, to confirm that their

electors continued to trust them, was only one example; others related to the ability

of members of parliament to receive government contracts. On the European

continent, early nineteenth-century representatives’ desire to highlight their

independence resulted, for example, in calls of Bavarian deputies for lower

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allowances, because lavish expenses made them appear to be, collectively, in the

monarch’s pocket, in spite of their rhetoric of moderate opposition. As this was an

impression the monarchy was rather pleased with, their request was denied.

Parliamentarians’ economic status was considered a key line of defence against

excessive government influence: only personal wealth (and the desire to uphold their

dignity) could render them independent of control.

Concern about the corruption of parliamentarians by government declined as

the responsibility of governments to parliaments increased. But the new relationship

which emerged in the course of the nineteenth century brought problems of its own.

In the extreme, it could destroy the role of parliamentary assemblies as a check on

government abuses, because parliamentary and government could effectively become

a unit; in extreme cases, this could facilitate transition to dictatorial government.

Indeed, there is some contemporary concern that parliaments have abandoned their

duty of scrutiny, and handed it over to courts, raising new questions about the extent

of democratic versus professional governance.

While debates about the division of powers between executive and legislative

continue, the exchange of bribes between governments and legislators has ceased to

be a prominent concern, not least because much greater sources of wealth are now to

be found outside government.

Somewhat ironically, the emphasis of liberal constitutional theorists on

parliamentarians’ independence coincided, at least for parts of the nineteenth

century, with monarchs’ and governments’ trust in the inherent conservatism (and

thus: reliability) of propertied and older voters. The dominant political theory in

Western and Central Europe at the time has been described as the vision of the state

as a “joint stock corporation with real estate as shares”. The test of time

demonstrated, however, that behaviour of voters was a more complex issue. One the

one hand, propertyless voters were considered likely to want to squander or

redistribute wealth. It was therefore widely agreed that unchecked expression of

lower-class sentiment in votes had a potential to alter the economic structure of

society in revolutionary ways. The “excesses” of the French revolution, henceforth

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associated with a broad (though rarely exercised) franchise, in this respect, appeared

to prove the point. In Britain, the solution to the dilemma was a system of public

voting in which wealthy individuals could ensure a “respectable” outcome – with the

rejection of elected, but “unsuitable”, candidates by parliament as a last resort, at

least for a time.

On the European Continent, the initial solution of the problem in constitutional

states was typically a two-stage electoral procedure, which was supposed to produce

moderate results in itself, combined with elevated financial requirements and high

age restrictions for voters and candidates. In this situation, the need (or indeed the

ability to) bribe electors was presumably less present, as electoral campaigns were

likely to be governed by the social rules of polite society rather than the boisterous

British election rituals. However, even candidates who met financial entry

requirements – and these had loopholes, like the purchase of a vintner’s license in

Baden – could require or desire outside financial aid with election expenses, which

could involve banquets for voters or the publication and distribution of unprofitable

newspapers.

Over the course of the century, the attitude to propertied and propertyless

voters changed. The propertied franchise tended to produce parliaments in which a

liberal opposition was strong, if not dominant; by contrast, Napoleon III and

Bismarck demonstrated that the expansion of the franchise could strengthen

conservative regimes by admitting voters who were more likely to follow the

instructions of their largely conservative superiors in rural settings. As the expansion

of the franchise appeared to create greater opportunity to manipulate electors, some

regulation of election expenses and procedures to challenge illegitimate results

usually emerged. Another reform was an end of voting systems which made it

possible to determine how individuals had voted, as this made bribery pointless

because the fulfilment of the implicit contract it involved could never be verified.

The secret ballot combined with a prohibition of “party tickets” distinguished

by size and colour, created yet another problem. The results of votes became more

difficult to verify, and the admission of unqualified voters cannot be undone.

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Moreover, the secret ballot can be associated with the rise of “protest votes” for

radical parties, which individuals will never need to justify, because they cannot be

traced to them.

From the late nineteenth century onwards, however, the greatest fear of

corruption involved the bribery of representatives by outside interests after or before

their election: wealthy individuals or corporations who seek to benefit from political

decisions, and who seek to control representatives or even blocks of voters with a

view to manipulating or influencing political decisions. Concerns could be directed

at the impact of individuals’ private business interests on their political agendas (for

example: did the U.S. capital come to be where it is because this raised the value of

George Washington’s real estate?), at the manipulation of voter opinion through

coordinated publicity campaigns by “press barons” with personal agendas, or at the

purchase of politicians’ votes, as in the Panama scandal. What could emerge from

these concerns – particularly around 1900, in the First World War and the inter-war

years – was an interpretation of political decisions as the expression of sinister

hidden interests or conspiracies directed by “capitalists”, “imperialists”, “Jews”,

“Freemasons” or others. At least in Germany, where democracy is generally

considered fragile by historians, this insight has influenced the historical study of

corruption. Whereas corruption is described as an empirical phenomenon in National

Socialism or the German Democratic Republic, scholars focusing on other periods

have tended to emphasise the (often destructive) effects of debates on corruption on

the practice of democracy and the boost they gave to radical movements like

National Socialism and Communism, but eschewed debates on whether corruption

was itself a significant phenomenon or a media projection.

Future Perspectives The latter perspective has had an important – and not always beneficial –

impact on the study of political corruption and its effects. While a large body of work

has considered the “medialisation” of corruption – the way in which accusations

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were formulated, publicised, tested, believed or rejected – less has been done on its

extent or on identifying periods of a high or low incidence of corruption. Yet,

implicit assumptions of corruption’s rise and fall play an important role in influential

historical narratives; one example is the role assigned to corruption accusations in

Harold James’s recent magisterial account of modern European history, which

implies that corruption remains at historically low levels, and concerns about its

impact on policy-formation are merely expressive of a particular style of politics.

Obviously, the study of corruption involves a number of difficult

methodological issues. In eras in which what we would now describe as corruption

was practised openly, identifying it involves a degree of anachronism. When

corruption is prohibited or frowned upon, its practitioners will dissemble, while

(potentially unfounded) accusations of corruption can be used as a political weapon.

Furthermore, boundaries between legitimate electioneering (which may involve the

timing of government spending and taxing decisions, the manipulation of public

opinion and public discourse) are always likely to be contested.

There is no really elegant way around these problems, which raise issues of

sources and standards of proof, but tangential approaches may be able to obviate

them. One approach could be a focus on the event of voting, not in the perspective of

its political staging, but with a view to its economics: what do election campaigns

cost? who pays? what happens to those candidates who fail to be elected? The same

questions could be directed at political offices: are they profitable (which would have

to mean, more profitable than career paths otherwise open to those individuals who

become politicians), or is the rhetoric of public service associated with them actually

realistic? Similar questions have been successfully posed with regard to the social

composition of political elites; perhaps all that is required is a creative reading of the

accumulated evidence against the grain.

Another approach could be a close reading of parliamentary debates on

economic policy, particularly when they involved decisions affecting fortunes and

businesses of members, to see whether parliamentary assemblies were aware of

potential outside (or inside) influences, and what steps they took to reduce conflicts

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of interest. Such approaches could, perhaps, shift the historiography on corruption

from a pointillist perspective dominated by particularly prominent scandals to a more

general view, place current problems in a broader perspective – and help determine

how exceptional Westminster was, both as a highly-priced and as a cheap

constituency.

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La presse critique face aux

mutations économiques de la

deuxième étape du franquisme

(1962 à 1975)

Marie-Claude Chaput

Pour interroger les rapports entre dictature et mutations économiques dans

l’Espagne franquiste, je me suis intéressée aux années 1962-1975, qui correspondent

à un essor économique spectaculaire du pays. Le régime s’en est attribué le mérite et

les multiples inaugurations par le caudillo de barrages aux quatre coins du pays ont

été savamment orchestrées et répercutées par le NO DO, les actualités projetées

obligatoirement avant les films dans tous les cinémas. Cependant, la presse critique,

apparue dans les années 60 et seul résultat de l’ouverture politique espérée alors,

invite à nuancer cette vision optimiste.

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L’Espagne a connu peu de véritables expériences démocratiques au sens où

nous l’entendons aujourd’hui avant celle qu’elle connaît actuellement qui est la plus

longue. En outre, elles ont toujours été brèves: le Sexenio (1868-1874) “émocratique”

ou “révolutionnaire” et la Seconde République de 1931 à 1939 dont trois années de

guerre. L’instabilité a caractérisé ces moments où l’Histoire a semblé s’accélérer. Les

deux adjectifs, associés au Sexenio comme à la Seconde République, expriment les

caractéristiques de ces courtes périodes d’intense liberté, suivies de longues périodes

de gouvernements conservateurs voire dictatoriaux.

Ces moments d’agitation sociale et d’essor du mouvement ouvrier dans un

contexte plus favorable aux revendications, n’étaient guère propices aux affaires et, à

première vue, on pourrait dire que c’est avec le retour de régimes autoritaires que

l’Espagne a connu le plus fort développement économique. Une reprise économique

après les heures troubles du Sexenio et les transformations accélérées à partir des

années 60 du XXe siècle qui ont succédé aux années de famine de l’après guerre

pourraient permettre une telle interprétation.

L’évolution des années 60-70, qualifiée dans la presse étrangère de miracle

économique, a été perçue dans cette presse critique qui apparaît au début des années

60 comme le cadre d’une possible ouverture politique. Les transformations sociales

qui en ont résulté avec notamment l’essor d’une classe moyenne qui avait

cruellement manqué aux précédents gouvernements démocratiques pour pouvoir se

consolider, semblaient offrir un cadre propice. Franco s’est limité, comme il l’a

toujours fait dans les moments critiques, à un simple changement de façade. Cela a

cependant permis la création de deux magazines d’idées, à situer dans la mouvance

des news magazins très en vogue alors: Triunfo (1962-1982) qui a compté des

collaborateurs communistes et Cuadernos para el diálogo (1963-1978) créé par des

chrétiens progressistes préconisant le dialogue comme l’indique son titre. Malgré la

censure et les risques de saisie, cette presse a permis à l’opposition de s’exprimer et

elle a souligné les contradictions qui accompagnaient un essor incontestable. Son

analyse permet de s’interroger sur dictature et développement économique avec

l’apparition d’aspirations à la démocratie au sein même des secteurs économiques

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qui avaient appuyé le soulèvement militaire en juillet 1936. L’intégration au Marché

Commun Européen leur était désormais indispensable. La vieille dictature héritée des

années 30 était devenue un obstacle sur la voie de la modernisation et l’Europe

représentait à nouveau le progrès. L’autarcie imposée par les puissances occidentales

après la Seconde Guerre Mondiale avait montré ses limites; pour prospérer le

capitalisme avait besoin de marchés extérieurs.

Transformations économiques et dictature L’Espagne s’était transformée au début du XXe siècle mais les déséquilibres

économiques et sociaux expliquent la persistance de situations anachroniques dans

les latifundia du Sud, en Andalousie et en Estrémadure, ou dans les minifundia de

Galice. La Guerre avait stoppé la modernisation en cours et l’isolement du début des

années 40 d’un pays en ruines s’était traduit par des années de famine. Rationnement

et pauvreté ont accompagné la politique d’autarcie mise en place par un régime qui

n’avait guère le choix, mis au ban de l’Europe après la défaite de ses anciens alliés

Hitler et Mussolini.

On peut observer que libéralisation et évolution politique sont des thèmes

récurrents après l’échec économique manifeste à la fin des années 50 et dans un

contexte de manifestations étudiantes (1956), d’évolution de l’attitude de l’Eglise et

avec l’apparition de grèves d’un type nouveau organisées par le syndicat clandestin

majoritairement communiste Comisiones Obreras.

L’exode rural, l’émigration, le tourisme devenu la première industrie

d’exportation, la publicité entrée dans les foyers avec la télévision parallèlement à

l’industrialisation, un niveau de vie plus élevé ont permis l’accès à la consommation

d’un plus grand nombre et contribué à l’évolution des mentalités.

La politique d’autarcie, menée pendant près de vingt ans, s’est révélée un

désastre et le Plan de Stabilisation de 1959 a marqué un tournant. L’Espagne avait

commencé à intégrer les grands organismes internationaux à partir de 1950 et

l’objectif était de libéraliser l’économie ce qui exigeait l’ouverture aux

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investissements étrangers et l’importation de nouvelles technologies. Si Franco s’est

attribué l’essor spectaculaire du pays, c’est l’aide financière américaine qui l’a

d’abord sauvé dans le contexte de la Guerre froide puis dix ans plus tard l’entrée au

gouvernement des technocrates de l’Opus dei très liés à la Banque mondiale et au

Fonds Monétaire International. La question économique est indissociable des

relations extérieures. L’afflux de devises dû au tourisme et l’émigration a permis un

décollage économique rapide avec certaines faiblesses qui persistent encore

aujourd’hui comme le montre la crise actuelle.

Ce changement de cap économique d’un pays dont un des slogans touristiques

était Spain is different était indispensable pour le régime s’il voulait assurer sa survie.

Les Plans de développement étaient un moyen de légitimer définitivement le

franquisme au moment où l’Espagne espérait obtenir son intégration à l’intérieur du

Marché Commun qui exigeait une démocratisation.

L’éditorial de février 1967 exprime clairement l’espoir mais aussi les craintes.

Les limites des différents plans de développement, supposés être à l’origine de ce

que certains ont appelé le “miracle espagnol”, ont été dénoncées dès les années 60:

Si aujourd’hui l’intégration économique à l’Europe est la voie préalable à l’intégration

politique, il n’est pas certain que cela se poursuive.

[…] Cette revue est favorable – ses lecteurs le savent bien – à ce qu’en Espagne soient

en vigueur les normes qui caractérisent une démocratie.

Les Andalous qui avaient permis l’essor des régions industrialisées du Nord de

l’Espagne et de l’Europe étaient la preuve de ces déséquilibres.

A l’heure des bilans, début 1967, Enrique Barón, devenu plus tard ministre

socialiste (1982-1985) puis député européen et président de la CE (1989-1992) et

José Luis García Delgado, économiste professeur à l’Université Complutense de

Madrid et à Oviedo puis président de l’Université Internationale Menéndez Pelayo,

mettaient un bémol au discours triomphaliste. Le gel des salaires et la baisse des

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crédits montraient les limites du “miracle”. Ils dénonçaient la spirale vertigineuse de

l’augmentation des prix depuis 1965:

L’année 1965 a été essentielle et particulièrement significative. Le contraste entre les

apparences extérieures et les réalités de fond; le contraste entre un certain optimisme officiel et

l’inquiétude croissante de divers secteurs directement impliqués dans le processus économique;

les contradictions entre une politique programmée d’expansions et des mesures correctrices de

stabilisation pour freiner; des contradictions entre les objectifs économiques proposés à la

société espagnole et l’insuffisance des moyens mis en œuvre, l’état anachroniques de nos

structures de production et de notre appareil institutionnel.

Un an plus tard, dans leur bilan de mars 1968 sur l’année 1967, les mêmes

auteurs confirmaient le pronostic pessimiste fait un an plus tôt (“La economía

española en 1967. La quiebra del optimismo”, “L’économie espagnole en 1967. La

fin de l’optimisme”). Face à l’inflation et à l’augmentation des prix, les tensions

montaient et les conflits se multipliaient, un trait caractéristique des sociétés qui

connaissent une croissance économique accélérée. Les réponses ne pouvaient être

que politiques.

Développement économique et aspirations démocratiques En mars 1968, Amando de Miguel, dans un article de Cuadernos… intitulé

“Développement économique et modernisation politique” (“Desarrollo económico y

modernización política”), soulignait une des découvertes paradoxales des recherches

en socio politique qui va dans le sens des questions que nous nous posons:

le rapport entre développement économique et modernisation politique plus faible que

ce que l’on croyait. L’Espagne en est l’exemple: on y observe un décalage flagrant entre le

rythme de croissance économique (un des plus forts au monde) et le retard (une évolution très

lente et des retours en arrière) dans le processus d’institutionnalisation d’un régime

démocratique moderne.

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Le revenu par habitant contrastait avec le peu de participation politique mais il

notait une timide évolution; or si le progrès économique n’est pas synonyme de

démocratie en tout cas il la favorise.

En juin-juillet 1968, l’éditorialiste de Cuadernos para el diálogo relevait,

cependant, les conséquences positives des transformations économiques au niveau

social: l’augmentation des classes moyennes et l’amélioration du niveau de vie des

travailleurs qui avaient entraîné une plus grande conscience politique. Or si

l’expansion économique est possible avec un régime dictatorial, il semble bien que

cette dernière entraîne à brève échéance une aspiration à la démocratie comme le

soulignait le titre: “Les choses bougent en Espagne” (“Algo pasa en España”). Il

insistait sur les conséquences pour la classe ouvrière dont le rapport au politique

avait changé:

[…] les améliorations économiques dont ont bénéficié, bien que dans une moindre

mesure que pour d’autres classes sociales, des secteurs importants de la classe ouvrière et qui

ont permis que celle-ci acquiert une véritable conscience politique sur différents aspects de la

vie publique et sur leur capacité d’agir. A côté de la lutte pour un meilleur salaire, seul objectif

auparavant pour des raisons évidentes de survie, apparaît aujourd’hui l’aspiration légitime de

participer aux décisions publiques et à l’exercice du pouvoir.

En août 1969, alors que Franco avait désigné pour successeur Juan Carlos de

Bourbon, l’indulgence du régime pour le capital éclatait au grand jour avec l’affaire

Matesa, une fraude gigantesque commise par Juan Vilá Reyes, un chef d’entreprise

au-dessus de tout soupçon, qui avait détourné des sommes colossales d’aides à

l’exportation. On le disait proche de l’Opus dei dont les ministres dix ans plus tôt

étaient apparus comme les sauveurs de l’économie nationale. Le bilan était sévère:

De nombreuses questions relatives à cette affaire – les critères d’attribution des crédits

officiels, les groupes d’intérêt qui ont fait pression sur la Banque de Crédit Industriel pour

l’octroi de ces crédits, l’absence d’une véritable information sur leur attribution, etc. –

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préoccupent une grande partie de l’opinion publique qui demande une information complète et

satisfaisante.

Dans un contexte de hausse des prix et du chômage, l’“affaire” cristallisait le

mécontentement. Si le chef de l’Etat affirmait – dans des conversations privées – que

cette demande était économique et n’avait rien à voir avec la politique, les membres

de la Communauté Economique Européenne ont appliqué le “rapport Birkelbach” du

Parlement Européen qui rejetait l’intégration dans la CEE des Etats non

démocratiques. Pour souligner les liens entre problèmes économiques et politiques,

rappelons qu’en juillet 1962, s’était tenue à Munich une réunion d’hommes

politiques espagnols modérés qui souhaitaient que l’Espagne tourne définitivement la

page de la Guerre Civile et entreprenne les changements lui permettant d’intégrer la

Communauté Européenne. Une première demande faite en février 1962 avait été

refusée en raison de sa situation politique, la réponse de Franco avait été un nouveau

durcissement du régime.

Trois professeurs de sciences économiques et politiques qui travaillaient en

équipe et signaient leurs articles collectivement Arturo López Muñoz, dans

Cuadernos… et dans Triunfo, ont analysé à la loupe l’économie espagnole à partir de

1965. En 1971, ils ont publié deux ouvrages: Croissance et crise du capitalisme

espagnol et un Annuaire d’économie espagnole. Dans leurs articles, ils dénonçaient

la persistance de problèmes que le discours officiel triomphaliste tentait de faire

oublier. Dans ce bilan négatif se détachaient: la crise de l’agriculture traditionnelle,

l’émigration, la crise du charbon, la crise de la sidérurgie, le nombre très élevé

d’accidents du travail etc.

En 1970, après huit ans de longues négociations, un Accord Préférentiel avait

été signé avec la Marché Commun Européen; le régime s’était empressé de le

présenter comme un succès politique. Cependant Arturo López Muñoz relevaient les

problèmes qui se poseraient avant de pouvoir parvenir à une pleine intégration. Ils

pointaient du doigt les faiblesses: l’agriculture avait perdu en importance mais les

problèmes de fond n’avaient pas été réglés, quant à l’industrie, elle était devenue un

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secteur dynamique mais son développement chaotique faisait douter de l’avenir. Le

rôle de l’Institut National d’Industrie (INI) créé par le régime était jugé peu

efficace…

Universitaires, ils expliquaient l’importance qu’ils accordaient à la presse

d’opinion. A un moment où le débat politique était impossible dans les structures

prévues à cet effet, cette presse a pu proposer un contre-discours même si son impact

était limité à une minorité. Ils insistaient sur l’importance de ce “travail

d’information et de divulgation”:

[…] nous considérons qu’il constitue également dans le domaine de l’économie et

surtout, dans le contexte actuel de la société espagnole, une tâche importante, presque une

exigence pour les spécialistes et intellectuels qui partagent les mêmes objectifs et les mêmes

préoccupations.

Les déséquilibres ont caractérisé le miracle économique espagnol où

l’industrialisation s’est faite de manière déséquilibrée régionalement et socialement

même si l’émigration massive des journaliers du Sud organisée par le régime et le

tourisme a pu créer l’illusion.

Démocratie et développement La crise du début des années 70 a frappé en Europe dictatures et démocraties.

Le chômage a augmenté partout et le régime ne pouvait plus compter sur la soupape

de l’émigration. En 1972, alors que la crise était devenue réalité, Arturo López

Muñoz s’interrogaient sur le chômage et la situation de l’Espagne. Ils dénonçaient le

caractère improvisé des Plans de développement qui s’étaient contentés de s’adapter

au marché sans jamais faire de véritable réforme en profondeur.

Le régime de Franco a-t-il été une dictature ou un simple régime autoritaire

comme certains voudraient le faire croire? La démocratie existait-elle en Espagne

avant la mort de Franco? Ces questions sont au cœur du débat dans cette presse qui,

malgré la censure plus sensible d’ailleurs aux thèmes politiques qu’aux thèmes

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économiques, a un discours extrêmement critique qui lui a valu d’être interdite à

diverses reprises.

Le procès de Burgos où seize personnes accusées d’appartenir à ETA et d’être

responsables de trois assassinats – notamment d’un garde civile et du commissaire

Manzanas –, à l’origine de la radicalisation des positions en 1968, a été un révélateur

mais n’a pas été significatif d’un changement du régime. Dans un climat d’extrêmes

tensions et avec l’état d’exception au Pays Basque, à Guipuzcoa, puis dans toute

l’Espagne de janvier 1969 à mars, les revendications s’affichaient comme clairement

politiques. En décembre 1970, Pedro Laín Entralgo, qui avait constitué avec Dionisio

Ridruejo, la branche réformiste de la Phalange créée en 1934 sur le modèle fasciste

par José Antonio Primo de Rivera, avant de passer ensuite dans l’opposition au

franquisme, exprimait l’attente de la décision du chef de l’Etat. La grâce accordée a

été interprétée par certains et lui-même comme la fin de méthodes qu’il dénonçait

dans son article comme la spirale des assassinats et de la répression alors que

d’autres croyaient y voir un signe de faiblesse (“Entre el temor y la esperanza”,

“Entre la peur et l’espoir”). Les éditoriaux de janvier 1971 dans Cuadernos…

exprimaient l’espoir d’un retour à la paix :

Il nous appartient à tous de transformer ce qui a été tension de mort en tension de vie,

d’oublier la peur de l’avenir, de convaincre ceux qui ont peur que la paix authentique ne peut

être obtenue uniquement par des sanctions administratives ou des condamnations pénales, mais

en avançant fermement et sereinement afin de construire notre propre modèle de coexistence

collective dans une Europe plus grande et plus solidaire, où nous nous intégrerons an raison

d’un impératif historique inexorable.

Les pressions étrangères ont sans doute joué un rôle mais les exécutions de

septembre 1975 ont été la preuve que la nature du régime n’avait pas changé et que

son fondateur n’abandonnerait pas le pouvoir ni les méthodes mises en place dès le

soulèvement avec une répression sanglante qui ne faiblissait pas.

Les préoccupations économiques étaient exposées de manière critique

notamment la hausse des prix qui frappait les plus modestes.

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Le désir de rejoindre l’Europe de la part d’un pays qui en avait été le cœur

pendant plusieurs siècles, n’était pas nouveau. A la fin du XIXe siècle, alors que le

Désastre de 1898 et la perte de Cuba, Porto Rico, des Philippines, de Guam sonnait

le glas de son empire passé, les intellectuels avaient préconisé l’“européisation”

comme solution. Face à l’indifférence de l’Europe, certains comme Miguel de

Unamuno, avaient choisi le repli et manié le paradoxe d’une “espagnolisation” de

celle-ci. Intégrer l’Europe signifierait la victoire de la démocratie puisque c’était la

condition préalable. Cependant des voix s’élevaient pour rappeler que la solution ne

viendrait pas de l’extérieur mais d’une évolution interne. En février 1971, après

l’accord du Traité Préférentiel de 1970, un numéro monographique de Cuadernos…

consacré à “L’Espagne et l’Europe” analysait les différents aspects économiques et

juridiques à régler avant un processus de rapprochement qui avait à peine commencé.

Au début des années 70, les bilans dans Triunfo et dans Cuadernos…

reconnaissent une croissance économique spectaculaire depuis la fin de l’autarcie

tout en soulignant que cette amélioration du niveau de vie incontestable ne doit pas

occulter les problèmes. Pour rendre le système plus compétitif, une plus grande

liberté avait été accordée au capital mais dans une structure politique immobile cela

avait accentué les contradictions.

Après onze années de croissance, 1972 est placé sous le signe de la crise; elle

frappe déjà les pays voisins et elle va signifier plus de chômage.

En 1973, alors que la détérioration de l’état de santé de Franco laissait

envisager une fin prochaine de la dictature, les analyses deviennent plus politiques.

Arturo López Muñoz soulignaient que le décalage entre l’évolution économique et

l’immobilisme politique, rendaient la situation intenable sur le long terme:

[…] l’atout du système politique espagnol, en ce qui concerne le développement des

années soixante, se trouve précisément dans le fait “de cesser d’être ce qu’il est”, du moins

d’un point de vue économique: en acceptant une intégration progressive aux démocraties

occidentales, liées, dit-on, à des systèmes politiques décadents, en permettant l’entrée massive

de touristes, en faisant appel également au capital étranger […] et en laissant partir vers

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l’extérieur un tiers ou un quart de la croissance annuelle de la population active [...] Elle a

contribué également, sur le marché de la division du travail à l’échelle internationale, à la

poursuite du développement économique de certains pays capitalistes européens.

Il est frappant de voir qu’aux côtés de l’intérêt légitime des économistes, les

juristes s’intéressent de près à l’économie ce qui montre comment ce développement

capitaliste sous le signe du libéralisme cadrait mal avec la vieille dictature. Les

censeurs ne jugeaient pas utile d’interdire ces articles critiques, très documentés

voire techniques qui ne pouvaient toucher qu’un public restreint comme le long

compte rendu publié dans Triunfo en juillet 1973 d’un colloque organisé par le

Cercle d’Etudes Juridiques à Madrid les 25 et 26 juin. Les intervenants, venus

d’horizons politiques aussi éloignés que le très catholique Joaquín Ruiz Giménez et

Enrique Tierno Galván le futur maire socialiste du Madrid de la Movida, ont tous le

même regard critique. Ils opposent notamment développement et simple croissance

économique: le premier suppose une amélioration globale des conditions de vie alors

que le second ne s’en préoccupe guère.

Le 1er mars 1975, quelques mois avant la mort du dictateur, le rédacteur en

chef de Triunfo Eduardo Haro Tecglen, dans un éditorial intitulé “A propos de la

démocratie” (“A propósito de la democracia”), notait que pour certains elle était déjà

là alors que pour d’autres, elle s’éloignait à nouveau. Il expliquait ces interprétations

contradictoires par sa nature même:

Appréhender le véritable sens du mot démocratie est particulièrement difficile, car, en

réalité c’est quelque chose qui n’existe pas. C’est un idéal auquel on peut tendre. C’est un

système politique, une forme de gouvernement, un régime, qui est perpétuellement en cours

d’élaboration.

Il rappelait qu’au sens moderne du terme, la démocratie avait à peine deux

siècles… Elle exigeait la liberté de pensée et celle de la presse, la fin de la censure

pour les livres, les films, etc. autrement dit un long chemin restait encore à parcourir

quelques mois avant la mort de Franco.

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En décembre 1975, Cuadernos para el diálogo, sous le titre “L’économie dont

hérite Juan Carlos” (“La economía que hereda Juan Carlos”) dressait un bilan plutôt

positif d’un pays industrialisé avec un revenu élevé dont 75% des habitants vivaient

dans des zones urbaines. L’Espagne ressemblait à ses voisins européens mais

l’éditorialiste soulignait les déséquilibres sociaux et régionaux hérités de près de

quarante années de franquisme: une tendance à des monopoles peu favorables au

consommateur, une mainmise du capital privé sur certains services publics, aucune

préoccupation pour l’environnement notamment la pollution dans les villes et la

destruction des côtes avec une urbanisation sauvage...

La place stratégique de l’Espagne – géographiquement parlant – explique

l’évolution de ses relations avec les démocraties occidentales déterminée par la

Guerre froide: l’aide financière des Etats-Unis puis les premières négociations à

partir de 1962 avec l’Allemagne d’Adenauer et la France de De Gaulle, eux aussi

convaincus de sa nécessaire intégration pour la défense de l’Europe.

Développement économique et modernisation ont été de pair. Franco a dû

transformer le pays sur un plan économique sans changer la nature du régime aussi

n’a-t-il fait que des changements superficiels pour être présentable au niveau

international. Cependant les commentateurs étaient conscients qu’un processus

inexorable était en cours et que, tôt ou tard, le changement politique était inéluctable.

Les migrations économiques des campagnes vers les zones urbaines ont créé de

nouvelles relations et une nouvelle donne sociale avec des populations ouvrières plus

difficiles à contrôler que les masses rurales. Toutefois si la Transition a pu se faire de

manière pacifique, même si cette image modélique est largement contestée

aujourd’hui, les transformations économiques liées à la modernisation du pays y ont

contribué. Elles rendaient difficile la survie du régime après la disparition de son

fondateur. La période envisagée montre que si une dictature n’est pas incompatible

avec le changement économique, celui-ci entraîne une évolution qui, dans le cas de

l’Espagne, a permis le passage rapide à une démocratie certes imparfaite – comme

chez ses voisins – mais réelle.

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Une lecture théologico-politique des

avatars de l’idée démocratique en

Europe: Edgar Quinet

Brigitte Krulic

“la liberté est chétive et a besoin de

légende”, Paul Bénichou, Le Temps des

prophètes

L’œuvre de Quinet s’inscrit dans le débat, poursuivi tout au long du XIXe

siècle, sur les modalités de l’atterrissage démocratique. C’est un double constat qui

fournit le point de départ de sa réflexion: l’échec de la Révolution française que rend

manifeste la disproportion entre les sacrifices consentis et les résultats; la

discordance entre le politique et le social qui caractérise l’évolution historique de la

France. En effet, la liberté politique peine à se stabiliser dans un pays où se succèdent

les épisodes révolutionnaires entrecoupés de retours à la servitude et au despotisme1,

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Une lecture théologico-politique des avatars de l’idée démocratique en Europe

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tandis que la démocratisation sociale – l’égalité des conditions tocquevillienne – est

largement réalisée depuis la fin du XVIIIe siècle. La France, pays de la Révolution

mais non de la démocratie politique, vit sous le signe du paradoxe conflictuel.

La question essentielle qui préoccupe Quinet, c’est la fondation – ou la

refondation – de la démocratie, le régime dans lequel les hommes s’affranchissent de

la sujétion, “mesurent les valeurs à l’aune de la conscience et reconnaissent dans la

loi, non le fait d’une puissance arbitraire […], mais la source d’un impératif de

reconnaissance mutuelle et d’association au service du bien commun”2. Avec

Tocqueville, il partage le souci de déterminer les conditions de viabilité des systèmes

politiques; ce faisant, il pose le problème, crucial en un siècle qui accorde à l’histoire

une place prééminente, du rapport à la tradition, à ce qu’il appelle le “génie de la

France”, c’est-à-dire, en termes contemporains, les fondements de la culture politique

analysés sur le long terme. Mais là où Tocqueville montre la discordance entre la

démocratisation sociale et la difficulté à obtenir un consensus permettant la

stabilisation de la démocratie politique, Quinet, partant du principe d’homothétie

entre le substrat religieux et le fait politique, interprète l’histoire française à la

lumière d’une “incompatibilité radicale”3 entre deux traditions toutes deux issues du

christianisme, l’aspiration individualiste à la liberté issu du message évangélique – le

“sentiment”, l’“esprit” –4 et sa pétrification institutionnelle sous la forme holiste

d’Eglise dont la traduction politique est la monarchie absolue.

Quinet, en effet, observe qu’entre la “religion de la France” et la “politique de

la France” il existe une contradiction absolue5 ou dans une autre formulation, qu’il

est impossible de “déduire de la monarchie religieuse la république politique”6. Cette

discordance entrave le processus de démocratisation politique, évoqué en termes de

“développement normal”, de “marche qui s’accomplit régulièrement”7. Elle se

manifeste en une succession d’élans avortés vers la liberté, la Réforme au premier

chef, puis les épisodes révolutionnaires depuis 1789. De ces considérations se dégage

une vision tragique du “génie de la France”. L’histoire de France se présente comme

une dramaturgie qui oppose deux aspirations antagonistes, l’une vers la liberté,

l’autre vers la servitude, la crise révolutionnaire et l’oppression du despotisme: “La

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France est amoureuse de l’impossible. Cette passion fait les héros, elle ne donne pas

la paix”8, Or il importe de casser cette détermination pour permettre l’instauration

d’une démocratie durablement stabilisée grâce à la diffusion d’un “esprit nouveau”.

Ce qui suppose au préalable une lecture théologico-politique des fondements

des régimes politiques, et plus précisément des modalités de légitimation et

d’exercice du concept de souveraineté, concept à la base de l’ordre politico-juridique,

qui, selon Quinet, fonde le critère de différentiation des systèmes politiques qu’il

analyse dans une perspective de comparaison européenne. Pour paraphraser la phrase

inaugurale de la Théologie politique de Carl Schmitt, les catégories du politique

relèvent d’une sécularisation de concepts théologiques, c’est-à-dire, dans la

terminologie de Quinet, du “développement de la religion nationale” d’un peuple,

principe fondamental sur lequel s’ordonne l’Etat. Cette sécularisation s’applique non

seulement à leur genèse, mais à leur structure. Les institutions politiques ne sont que

la réalisation du principe religieux dont elles dérivent: “la religion est la loi des lois,

c’est-à-dire celle sur laquelle toutes les autres s’ordonnent”9. Corrélativement, ce

sont les révolutions religieuses qui déterminent les révolutions politiques. Les

Jacobins, faute d’avoir su inventer une forme nouvelle du politique ancrée sur une

révolution théologico-politique, ont réinstitué au service de la Révolution le principe

de souveraineté absolue; ils n’ont réussi à mettre en place qu’un régime de terreur et

d’oppression. Seul le but était nouveau, les moyens employés, la contrainte et

l’autorité, “étaient ceux de l’absolutisme séculaire héritier du césaro-

byzantinisme”10.

Quinet dépasse l’approche sociologique de la religion qui prédomine chez

Tocqueville11, même si tous deux s’accordent à souligner le ferment démocratique

constitutif du message évangélique d’égalité des consciences12. Quinet reproche à

l’auteur de la Démocratie en Amérique13 d’ignorer que le fait religieux constitue un

principe essentiel d’intelligibilité des sociétés, la source et non le produit de tout

progrès moral, le fait générateur qui détermine l’évolution historique sur la longue

durée14. Il s’ensuit que la France, qui “seule des nations modernes, a fait une

révolution politique et sociale avant d’avoir consommé sa révolution religieuse”15 est

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condamnée à échouer dans toutes ses tentatives pour réaliser durablement la

démocratie. Le désaccord avec Tocqueville se prolonge donc dans la représentation

que tous deux se font des modalités d’application du modèle démocratique aux

cultures particulières. Tocqueville est soucieux de démontrer le caractère

potentiellement universel de la démocratie: ce qu’a inventé l’Amérique protestante

doit pouvoir être transposé à la France démocratique et le catholicisme ne saurait

constituer un obstacle, tout au contraire16. Il s’appuie sur l’observation des

catholiques aux Etats-Unis pour affirmer que le catholicisme est intrinsèquement

favorable à l’égalité: le pouvoir hiérarchique du prêtre s’exerce uniformément sur un

peuple de croyants composé d’égaux “au-dessous de lui”. La Démocratie en

Amérique anticipe à cet égard les analyses de L’Ancien Régime et la Révolution, en

développant la thèse à première vue paradoxale de la corrélation entre le principe

hiérarchique et l’égalitarisme, c’est-à-dire du rôle niveleur de la monarchie absolue

où, selon la formule de Montesquieu, “ôtez le prince, les conditions y sont plus

égales que dans les républiques”. Il en résulte que pour réconcilier la démocratie et la

religion, il n’est pas nécessaire de convertir le pays au protestantisme ni de créer une

nouvelle religion17.

Quinet est en désaccord total sur ce point. Il dresse un tableau comparatif de ce

qu’on appellerait les cultures politiques européennes selon le critère interprétatif

privilégié que constitue le fondement religieux de l’exercice de la souveraineté.

Première catégorie, qui comporte deux variantes symétriquement opposées: les

peuples chez lesquels le principe religieux se confond avec le principe politique. En

premier lieu, ceux qui ont accédé ou sont en voie d’accéder à la démocratie,

Néerlandais, Suédois, Anglais, Américains, qui ont accompli une révolution

religieuse, c’est-à-dire ont substitué à une religion pétrifiée une religion nouvelle, en

l’occurrence le protestantisme. Anglais et Américains réalisent pleinement l’esprit de

la démocratie, un gouvernement de libre discussion sur le fondement d’une religion

de libre examen. Chez eux, le principe de la vie politique n’est qu’une conséquence

du principe de la liberté religieuse propre à toutes les “sectes protestantes”18, hostiles

au papisme assimilé au principe de “servitude”.

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En second lieu, les peuples pour lesquels la démocratie est irréalisable car leurs

régimes politiques sont des théocraties, où l’autorité religieuse et l’autorité politique

sont confondues, soit parce que le pouvoir religieux absorbe le politique en imposant

le modèle inquisitorial de l’“absolutisme universel” (Espagne)19, soit parce que le

pouvoir politique s’érige en Eglise (Russie) – le tsar se fait pontife –, joignant au

“fanatisme du prêtre la toute puissance du roi absolu”20.

Deuxième catégorie: les peuples qui s’essaient à la liberté politique sans avoir

réalisé la liberté religieuse, comme la France ou l’Italie qui a adopté le principe

démocratique dans les républiques mais conservé le principe absolutiste de la

religion catholique. La démocratie n’y est pas viable21, tant que la séparation entre le

domaine ecclésiastique et le domaine civil n’aura pas été accomplie: “tous les Etats

catholiques périssent; […] la liberté politique est irréalisable dans ces sortes

d’Etats”22.

Quinet oublie étrangement le cas de l’Allemagne, pays où il avait séjourné

pendant des années et dont il était un excellent connaisseur, bien plus lucide que

Renan ou Taine, restés jusqu’en 1870, tributaires de la vision staëlienne du “peuple

des poètes et des penseurs”23. Dès le début des années 1830 au moins, Quinet avait

pressenti que l’Allemagne “cosmopolite” – incarnée à ses yeux par cette Rhénanie

tournée vers la France où il avait des attaches familiales dans les milieux libéraux

profrançais – se soumettrait, pour réaliser son l’unité, à la Prusse, Etat autoritaire et

“matérialiste” à vocation hégémonique (Allemagne et Italie, 1836). Le clivage

catholicisme/protestantisme est donc totalement absent de cette analyse. Le fait qu’en

Allemagne, la révolution religieuse protestante ait trouvé un large écho, mais sans

que cela se traduise par une forte aspiration à la liberté, contredit son postulat de

base, à savoir que celui qui est souverain dans le dogme l’est dans le gouvernement.

Quinet se borne à rappeler ces spécificités allemandes que sont le particularisme et

l’absence d’un état centralisé24, forme politique liée à la domination de l’Eglise.

Toutefois, la “crise allemande de la pensée française” consécutive à la défaite

de 1870 lui inspire une analyse subtile qui semble anticiper les interprétations du

Sonderweg allemand développées par Thomas Mann (Docteur Faustus) et théorisées

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par Louis Dumont: la “voie particulière” suivie par l’Allemagne s’expliquerait par la

combinaison, d’inspiration luthérienne, entre l’exigence de liberté intérieure propre à

la conscience chrétienne et la soumission aux autorités politiques et sociales. “Le

Français quand il entre dans la réaction, se livre tout entier, esprit, imagination,

raison. Il est pris dans un engrenage de fer, où aucune partie de lui-même ne subsiste

intacte. […] Le réactionnaire allemand ne livre que la plus petite partie de lui-même,

sa surface politique. Il réserve tout ce qui est du domaine de l’esprit. Son libre-arbitre

reste sain et sauf25. Son besoin d’indépendance philosophique s’accroît même des

concessions qu’il fait comme une partie rétrograde. Le réactionnaire français n’a

aucun besoin d’une intelligence libre”26. Les Allemands combineraient donc le

“holisme de la communauté” enclin à la soumission aux instances temporelles et

l’individualisme chrétien intensifié par Luther et incarné par l’idéal de la Bildung ou

développement de soi27. L’impact de la Réforme aurait donc exercé un effet

paradoxal sur une culture durablement partagée entre l’émancipation de la pensée et

l’incapacité à réaliser la liberté politique.

La typologie de Quinet soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout et laisse

donc dans le flou le problème des interactions entre “fait générateur” et situations

nationales particulières, entre le déterminisme du modèle interprétatif et le

“probabilisme” induit des circonstances historiques, entre les traditions politiques et

l’espoir persistant d’une extension de la démocratie à travers l’Europe. Les questions

de fond restent sans réponse claire: pourquoi le catholicisme garde-t-il une telle

emprise dans certains pays, dont la France? Peut-on y réaliser la démocratie à contre-

courant de la tradition?

Pour Quinet, le concept de souveraineté constitue le pivot et l’enjeu essentiels

qui conditionnent et expliquent les relations entre l’individu et le corps social, pensés

selon un schéma assez simpliste d’extrapolation du microcosme de la conscience

individuelle au macrocosme social. La conscience religieuse et morale s’assimile à la

conscience civique, le protestant se fait citoyen, réalisant ainsi l’esprit de la

démocratie, une communion naturelle des esprits libres28 où s’abolit la séparation de

l’espace privé et de l’espace public. Très logiquement, il privilégie, par rapport à

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Tocqueville, une typologie purement politique qui minore l’économico-social, ce

qu’il appelle la “civilisation”, état proche de l’égalité des conditions qu’il juge

largement réalisée en France, au profit du “spirituel”, de l’individu libre, c’est-à-dire

du citoyen29 libéré de la servitude et des contingences matérielles. Pays

sociologiquement “démocratisé”, la France, dans la vision de Quinet, n’est pas

démocratique au sens plein du terme, lequel exige une redéfinition radicale des

modalités d’exercice du pouvoir et de l’autorité politiques. Il postule, sur le mode

d’une “libre évidence commune”, une correspondance spontanée entre le corps social

et les membres, qui réalise l’harmonie entre la souveraineté collective et la liberté

des individus30. Or c’est le dogme religieux qui détermine et enracine les “formes,

habitudes, antipathies, préjugés”31 des individus ainsi que les institutions politiques.

En reprenant la terminologie de Louis Dumont, on peut déceler chez Quinet,

d’un côté la structure holiste de la souveraineté absolue, traduite par l’obsédante

répétition de “tout entier” (holos) – “l’Etat tout entier contenu dans le roi, la

suppression entière de l’autorité du peuple”32 imposant l’obéissance aveugle – et de

l’autre, un individualisme absolu qui est, inséparablement, un universalisme absolu,

la valorisation de l’individu ontologiquement et juridiquement égal à ses semblables.

C’est en effet sa relation filiale à Dieu qui confère à l’âme individuelle sa valeur

éternelle, et c’est dans cette relation que se fonde la fraternité humaine: les chrétiens

se rejoignent dans le Christ dont ils sont les membres33.

La réforme protestante, forme religieuse de l’individualisme au sens

sociologique, a brisé la notion d’Eglise fondée sur l’interdépendance des hommes et

la hiérarchie sacerdotale, c’est-à-dire la “solidarité entre les hommes; les œuvres, les

mérites de l’un ne servaient plus à l’autre; chacun était pour ainsi dire chargé tout

seul du soin de lui-même”34. L’individualisme égalitaire constitue le substrat

anthropologique de la démocratie politique: “l’autorité que chacun s’attribue sur la

croyance conduit nécessairement à la souveraineté du peuple en matière politique”,

mode de souveraineté horizontale ancré sur l’Evangile, “contrat primitif qui de ces

solitaires, fait les citoyens d’une république d’égaux”35. Pour Quinet comme pour

Tocqueville, la démocratie, dont l’Amérique fournit l’exemple emblématique, c’est

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le sacre des individus rendus à l’autonomie, dégagés des liens d’interdépendance

constitutifs de la société hiérarchique. Mais ils se séparent sur un point important.

Tocqueville souligne le risque d’atomisation des individus libérés de la “chaîne” des

solidarités organiques, dont la Révolution a violemment disjoint les anneaux. Quinet,

quant à lui, ne se préoccupe guère du problème central développé par La Démocratie

en Amérique, le fondement du lien social dans la société démocratique. Sa

perspective n’est pas, nous l’avons déjà souligné, sociologique. Ce qui lui importe,

c’est l’idée que l’avènement de la démocratie relève d’un retour au principe spirituel

évangélique dégagé de ses pesantes incarnations terrestres, et par conséquent d’un

processus de désincorporation, de désintrication entre le droit et le pouvoir, entre

l’être humain et le principe (l’Evangile et le prêtre, le roi et la légitimité du pouvoir).

C’est là que réside, à mon sens, la divergence entre ces deux penseurs du

théologico-politique que sont Michelet et Quinet. Le premier réinvestit sur le corps

du peuple la ferveur mystique attachée au corps du roi, tandis que Quinet s’efforce,

au nom du principe de “séparation” inlassablement invoqué, d’opérer cette mise en

forme du pouvoir démocratique comme “lieu vide”, au sens, théorisé par Claude

Lefort, où celui qui exerce le pouvoir ne l’incarne pas36. Plus précisément: il s’agit de

démanteler l’unité imposée au nom d’une autorité surplombante qui fonctionne

comme un système hiérarchique centralisé37 pour y substituer, processus que Quinet

qualifie de “révolution religieuse”, l’unité de l’universalité conçue comme corollaire

de l’individualisme ontologique et juridique. C’est de ce point de vue que Quinet

figure comme penseur original de la modernité politique: il ne s’agit pas

d’autonomiser le politique par rapport au religieux, mais de réinvestir hic et nunc le

fait religieux, l’aptitude à créer un référent transcendant au lien social, de réexploiter

les catégories du théologico-politique au service de la modernité démocratique

individualiste.

Quinet tire sa notoriété de l’influence qu’il a exercée sur la génération qui

arrive au pouvoir après 1870: républicain inflexible, père de la “laïcité” à la

française, chantre, à l’instar de Michelet, de l’“unité de la nationalité française”

érigée en mythe38. Mais “sécularisation”, au sens d’inscription continuée des Eglises

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dans la sphère publique39, serait en fait un terme plus approprié: Quinet plaide pour

la réappropriation, par et dans le monde terrestre, de principes – liberté, égalité,

fraternité – transcendants à l’histoire, réappropriation amorcée avec Lumières,

consacrée par la Révolution dont Quinet note, sur le mode du paradoxe provoquant,

qu’elle est plus chrétienne que la monarchie d’Ancien Régime40. La démocratie

apparaît ainsi comme l’aboutissement d’un processus d’émancipation qui fonde une

religion civile, réalisation immanentiste des exigences anhistoriques de la Raison, de

l’Humanité, du Droit, de la Justice41. L’émancipation fonctionne, dans l’optique de

Quinet, par succession de “séparations”, c’est-à-dire de processus tendant à réaliser

l’autonomisation de domaines de compétences distincts et hermétiquement clos, idée

d’inspiration néo-kantienne qui figure aux sources mêmes du concept de laïcité42.

“Comment s’est constituée la science moderne? En la séparant de la science de

l’Eglise. Le droit civil? En le séparant du droit canon. La constitution politique? En

la séparant de la religion de l’Etat. Tous les éléments de la sociabilité moderne se

sont développés en s’émancipant des Eglises”43. Forme institutionnelle de l’idée

démocratique, la République doit, pour se stabiliser face à l’Empire autoritaire

d’Outre-Rhin, renoncer au funeste principe de la souveraineté absolue, pivot d’une

tradition étatique qui subordonne le droit à la force, à cette “raison d’Etat” dont

Quinet dénonce les origines césaro-byzantines et le substrat “papiste”.

La démocratie réinstitue donc la société autour d’un pôle d’unité, une “foi”

sécularisée et réinvestie sur les peuples de l’Humanité: elle substitue donc à l’unité

factice imposée au peuple la communion civile des citoyens dont l’instituteur est le

héraut et le garant. A ses élèves il “doit dire: Vous êtes tous enfants d’un même Dieu

et d’une même patrie: tenez vous par la main jusqu’à la mort”44. Par conséquent, la

démocratie sera religieuse ou ne sera pas. “Qui ne voit par là que pour résister à la

menace toujours pendante de l’orthodoxie universelle et russe, la nationalité

française aura besoin, dans le péril, de se réfugier dans une orthodoxie plus

universelle que celle de l’Eglise grecque et de l’Eglise romaine, c’est-à-dire qu’elle

ne pourra vaincre qu’à la condition de sortir de tout esprit de secte, de déployer une

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bannière, acceptée à la fois par le Latin, le Grec, l’Allemand, le Slave, c’est-à-dire

par l’humanité même”45.

La référence obsédante au vocabulaire de la Révélation évangélique – le

serment du Jeu de Paume décrit comme Eucharistie, Waterloo comme le Golgotha de

la France – 46 ne doit cependant pas prêter à contresens: la foi chrétienne se réalise

pleinement en se détachant de la lettre du dogme pour se transformer en cette

religion civile qu’est la démocratie47. L’Evangile n’a plus d’autre objet que le monde

terrestre: “Dieu s’est incarné, […] il vit dans le cœur des nations et des Etats”48. Du

christianisme ne perdure que le sens d’une transcendance. La neutralisation de la

sphère publique émancipée des tutelles religieuses implique en fait l’abolition de la

séparation entre la réalité et les principes, le fait et le droit, le religieux et

l‘immanent: cette neutralité démocratique n’est pas une absence du religieux, on

pourrait même dire qu’elle est saturée de religieux parvenu au terme du processus de

sécularisation. Critique implicite de l’artificialisme des droits naturels49, la

démocratie de Quinet désenchante le dogme pour réinsuffler l’enchantement au cœur

même de la réalité politique.

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dans sa source, ses formes et ses développements, qui repose sur la distinction entre sentiment

religieux (permanent, inné, source de liberté) et formes religieuses (arbitraires, superficielles). 5 L’enseignement du peuple, p. 62. 6 Ibidem, p. 61. 7 Ibidem, p. 60. 8 Ibidem, p. 64. 9 L’enseignement du peuple, p. 36 et p. 179: “Tout ce qui se passe dans le monde religieux a son reflet

dans le monde politique. Je n’ai encore trouvé aucune exception à cette loi”. 10 Cf. François Furet, La Gauche et la Révolution au milieu du XIXe siècle. Edgar Quinet et la

question du jacobinisme 1865-1870, Paris, Hachette Pluriel, 1986. 11 Voir à ce sujet Agnès Antoine, L’Impensé de la démocratie. Tocqueville, la citoyenneté et la

religion, Paris, Fayard, 2003. 12 Voir les critiques que Quinet adresse à David Friedrich Strauss, l’auteur de La Vie de Jésus (1835)

dans son essai Allemagne et Italie (1836). Quinet développe l’idée que le génie du christianisme

réside en la consécration de la dignité de la personne; il critique l’approche de Strauss qui tend à

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minorer le rôle de l’individu novateur dans le flux collectif des croyances Œuvres complètes, Tome 6,

Les Roumains. Allemagne et Italie. Mélanges, Paris, Pagnère Libraire Editeur, 1857, pp. 251 sq. 13 Le Christianisme et la Révolution française (cours du Collège de France, 1845), Paris, Corpus des

œuvres de philosophie en langue française, Fayard, 1984, p. 201. 14 Une religion, c’est “l’idéal vers lequel tend une nation et qu’elle réalise de plus en plus dans ses

institutions civiles; c’est la substance dont vivent les générations diverses d’une même race

d’hommes”, L’Enseignement du peuple p. 184. Dans L’Ancien Régime et la Révolution, Tocqueville

souligne l’exceptionnalité de la Révolution française qui, contrairement aux autres révolutions

politiques, n’a pas eu de “territoire propre”, en raison du caractère universel de son message, délivré à

l’ensemble de l’humanité et non pas aux seuls citoyens d’un pays donné. Cela, selon lui, l’apparente

aux révolutions religieuses. Mais chez Tocqueville, la perspective théologico-politique de Quinet est

absente. 15 Le Christianisme et la Révolution française, p. 230. 16 De la Démocratie en Amérique, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 1986, Tome 1, p. 273. Sous le

second Empire, la position de Tocqueville, déçu par la prompte soumission des catholiques au régime,

évolua. Sur ce sujet, voir Agnès Antoine, cit., et Camille Froidevaux, Le puritain n’est pas

républicain, in Le Moment tocquevillien. Raisons politiques, “Revue de pensée politique”, Presses de

Sciences Po, février-avril 2001 (pp. 127-141). 17 Agnès Antoine, pp. 192 sq. C’est, selon Tocqueville, par “une étrange confusion” que le

catholicisme s’est rangé dans le camp hostile à la liberté. Il se démarque ainsi de Joseph de Maistre et

de Bonald, mais aussi de la tradition libéralo-protestante (Benjamin Constant, Mme de Staël). 18 L’enseignement du peuple, pp. 57-58. 19 Ce que Quinet appelle aussi “jésuitisme”, ibidem, p. 179. 20 Ibidem, p. 61 et pp. 180-181. 21 Ibidem p. 59. 22 L’enseignement du peuple, p. 44. 23 Sur ce sujet, voir Claude Digeon, La crise allemande de la pensée française 1871-1914, Paris, PUF,

1959, pp. 26 sq. 24 L’Enseignement du peuple, p. 104. Voir surtout Allemagne et Italie (cit., pp. 149 sq.). 25 C’est moi qui souligne. 26 L’esprit nouveau Livre 3, chap.2 Le réactionnaire français et le réactionnaire allemand, pp. 114-

117.

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104

27 Louis Dumont L’Idéologie allemande. France-Allemagne et retour, Paris, Gallimard, 1991, pp. 34

sq. 28 F. Furet, La Gauche et la révolution au milieu du XIXe siècle. Edgar Quinet et la question du

jacobinisme 1865-1870, Paris, Hachette Pluriel, 1986, p. 29. 29 F. Furet, Le dialogue posthume d’Edgar Quinet avec Tocqueville in Différences, valeurs,

hiérarchies (mélanges Louis Dumont sous la direction de J. C. Galey) Publications de l’EHESS, 1984,

p. 153. 30 P. Bénichou Le Temps des prophètes, cit., p. 900. 31 L’Enseignement du peuple p. 77. 32 Le Christianisme et la Révolution française, 12e leçon L’Eglise gallicane et l’Eglise de l’avenir, p.

212. 33 Cf. les analyses d’Ernst Troeltsch (Les Doctrines sociales des Eglises et groupes chrétiens),

commentées in Louis Dumont Essais sur l’individualisme Paris, Seuil, 1983 p. 43. 34 Le Christianisme et la révolution française (11e leçon L’Amérique et la Réformation, p. 201).

“Chacun des fondateurs s’en va à l’écart dans le fond des forêts; il est là, pour ainsi dire, le roi d’un

monde; il ne relève que de lui-même dans l’univers physique et dans l’univers moral. La Nature et la

Bible l’enveloppent” (ibidem). 35 Ibidem, p. 202. 36 Cf. Claude Lefort, Permanence du Théologico-politique?, in Essais sur le politique XIXe-XXe

siècles, Paris, Le Seuil, Point Essais, 2001, p. 265. 37 La Révolution reprend l’héritage absolutiste de l’Eglise: “L’esprit d’examen, de discussion, n’ayant

pas été enraciné par une révolution religieuse, il s’ensuit que le moindre dissentiment passe pour un

schisme inexpiable. On voit les assemblées s’ériger en conciles. […] C’est ainsi que la force du

catholicisme, unité, centralisation, entre au cœur de la Révolution française” (Le Christianisme et la

Révolution française 13e leçon L’Assemblée constituante et la Convention, p. 240). 38 L’Enseignement du peuple, p. 142, p. 169. Sur le mythe de l’unité, voir Raoul Girardet Mythes et

mythologies politiques, Paris, Le Seuil, 1986, pp. 139 sq. 39 Marcel Gauchet, (reprenant les travaux de J. Baubérot), La Religion dans la démocratie. Parcours

de la laïcité Paris, Gallimard Folio, 1998, p. 20. 40 Le Christianisme et la révolution française, pp. 214-215. 41 On voit là tout ce qui sépare Quinet du mouvement éclectique (Victor Cousin) dont il se démarque

pour des raisons plus politiques que philosophiques. Il lui importe en effet de diriger le peuple non

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105

vers une doctrine philosophique qui ne saurait être commune à l’humanité, mais vers un credo

collectif répondant au besoin profond des peuples (voir P. Bénichou, cit., pp. 902 sq.). 42 Voir Brigitte Krulic, Aux sources du concept de laïcité: les néokantiens français, à paraître in

“Diotima, Revue de recherche philosophique”, Athènes. Rappelons que Quinet connaissait le texte de

Kant intitulé La Religion dans les limites de la raison, publié assorti d’une lettre de Quinet au

traducteur. 43 L’Enseignement du peuple, p. 143. 44 Ibidem, p. 136 et “L’instituteur a un dogme plus universel que le prêtre, car il parle tout ensemble

au catholique, au protestant, au juif et il les fait entrer dans la même communion civile” (ibidem). 45 L’Enseignement du peuple, p. 184. 46 “Un gouvernement légitime et chrétien est une sorte d’Eucharistie sociale, dans laquelle le

souverain nourrit un pays, une nation de sa propre substance morale. Si le chef de l’Etat se nourrit de

son peuple et le dévore, il fait le contraire du Christ”. Le Christianisme et la révolution française, p.

214. 47 P. Bénichou parle du “spiritualisme démocratico-prophétique” de Quinet, “rhétorique vague et

puissante, ornement d’une démocratie concrète”, cit., p. 911. 48 Paul Bénichou, cit., p. 912. 49 F. Furet, La Gauche et la Révolution, cit., p. 69.

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2. NOUVELLES FORMES

DE DEVELOPPEMENT,

NOUVELLES CONTRAINTES

POUR LA DEMOCRATIE

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La Banque Centrale Européenne et

la construction de la démocratie

dans les institutions européennes

Françoise Renversez

La Banque Centrale Européenne (BCE) a fait l’objet dans certains pays de

l’Union Européenne et notamment en France de vives critiques. Il était attendu d’une

monnaie commune qu’elle facilite à la fois les échanges intereuropéens et donc

l’activité; en particulier en évitant les dévaluations compétitives, et d’autre part,

qu’elle protège de la spéculation internationale que subissaient alors certaines

monnaies en particulier le franc. Quoique la parité élevée de l’euro face au dollar

puisse être considérée comme un succès de sa politique monétaire et que la BCE

remplisse ainsi la mission que lui confie l’article 105 du traité de Maastricht: lutter

contre l’inflation et assurer la stabilité monétaire, il lui est reproché de ne pas faire

entrer dans ses objectifs prioritaires la croissance économique et le plein emploi qui

en résulte et aussi de ne pas utiliser sa capacité d’intervention sur les marchés

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financiers dans le sens des politiques économiques, expression des choix

démocratiques dans l’Union Européenne.

L’autonomie de la BCE est ainsi mise en cause. Or cette autonomie a été, à la

fois, une condition de la mise en place de la monnaie unique dans la zone euro (ce

qui ne signifie pas dans tous les Etats de l’UE), et une condition de sa crédibilité sur

les marchés financiers. La mondialisation des transactions financières fait en effet

des banques centrales des agents intervenant sur les marchés internationaux de

capitaux et subissant leurs contraintes. Ce qui réduit d’autant leurs marges d’action

sur les taux d’intérêt et la gestion de la liquidité des économies.

Pour assurer sa crédibilité la BCE est conduite à pratiquer une politique de taux

d’intérêt qui peut être jugée en contradiction avec les politiques de croissance ou de

soutien conjoncturel poursuivies par certains Etats, voire même avec la politique de

change qu’ils pourraient souhaiter pour favoriser leurs exportations. La politique

d’une institution dont les membres sont nommés en raison de leur compétence

financière peut ainsi se révéler comme un obstacle à celle que poursuivent des

gouvernements démocratiquement élus dans un ensemble politique qui se réclame de

la démocratie. Mais les institutions de l’Union Européenne qui disposent d’un

pouvoir économique énoncent plutôt des principes de fonctionnement que des

objectifs économiques précis d’autant que les décisions budgétaires restent

nationales.

Après avoir montré pourquoi l’autonomie de la Banque Centrale Européenne

est considérée comme une condition de son efficacité dans une économie où les

marchés financiers sont globalisés (I) on indiquera les voies institutionnelles par

lesquelles il semble aujourd’hui qu’un contrepoids démocratique pourrait être mis en

place (II).

Une monnaie commune gérée par une banque centrale autonome Si la BCE polarise l’attention des observateurs, elle est en fait à la tête d’un

dispositif en réseau: le Système Européen des Banques Centrales, le SEBC,

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111

l’ensemble BCE + banques centrales nationales (BCNs) constituant ce qu’on désigne

comme Eurosystème. Cependant la prééminence de la BCE s’affirme dans la gestion

de la monnaie commune.

S’il est important de rappeler l’aspect institutionnel de la gestion de la monnaie

commune, il faut aussi observer que les principes de fonctionnement, s’ils sont

évidemment le résultat de négociation entre Etats, ont été fortement inspirés par les

théories économiques dominantes en matière monétaire marquées par le monétarisme

ce qui nous conduira dans un deuxième temps de ce développement à préciser les

fondements théoriques de l’action de la BCE

La monnaie commune et ses institutions

Une remarque liminaire: la monnaie commune n’est pas celle de toute l’Union

Européenne, la zone de la monnaie commune ne se confond pas avec l’Union

Européenne. Actuellement 12 pays membres sont dans la zone € et l’une des

économies les plus importantes, celle du Royaume Uni n’en fait pas partie non plus

que celles du Danemark et de la Suède.

L’euro apparait comme l’aboutissement d’un long processus dont les étapes

majeures ont sans doute été le Traité de Rome (1957) instaurant le Marché Commun

et l’Acte Unique de 1986 programmant pour 1993 un marché unique européen tant

pour la circulation des hommes que pour celle des marchandises.

En matière monétaire, dès 1970, le rapport Werner avait conclu à la nécessité

d’une monnaie unique, mais l’acte décisif a été le Traité de Maastricht signé le 7

février 1992 instituant dans le cadre de l’Union Européenne une union économique

et monétaire: l’UEM Celle-ci inclut un Système Européen des Banques Centrales, le

SEBC, mais l’instauration de la monnaie unique le 1er janvier 1999 est d’abord

limitée à une définition des taux de conversion des monnaies nationales par rapport à

l’euro.

Ce qui avait pour conséquence une conversion en euro des opérations sur les

marchés de capitaux, suivie des règlements par chèque avant le basculement général

opéré le 1er janvier 2002 par la généralisation aux pièces et billets.

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La participation à la zone était soumise à des critères d’entrée, les fameux

critères de Maastricht définis en termes de taux ou de ratios.

le taux d’inflation ne doit pas dépasser plus de 1,5% de la moyenne des

taux des 3 meilleurs pays dans le domaine de l’inflation

le taux d’intérêt – le taux d’intérêt à long terme, ne doit pas dépasser de

plus de 2% le taux des 3 meilleurs pays dans le domaine de l’inflation

le ratio déficit public/PIB doit être < 3%

le ratio dette publique/PIB doit être < 60%

le taux de change doit respecter les marges du SME pendant 2 ans avant

l’entrée sans dévaluation

Aux 12 pays membres initiaux de l’UE s’ajoutent en 2004 10 pays Chypre,

Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque,

Slovaquie, Slovénie et en 2007 l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie.

Outre qu’ils ont constitué des conditions d’entrée les taux et ces ratios

constituant aussi des normes dans lesquelles vont s’inscrire les décisions budgétaires

des Etats membres. La gestion de la monnaie unique homogénéise donc les pratiques

budgétaires des Etats membres en les inscrivant dans des normes et place ainsi les

politiques macroéconomiques dans le cadre de contraintes budgétaires.

Les institutions de la BCE ont été conçues pour l’Europe des 12. Elles

comportent un directoire composé d’un président, d’un vice-président et de 6

membres nommés pour 8 ans non renouvelables et un Conseil de la BCE qui

comprend outre les membres du directoire, les gouvernances des banques centrales

nationales. On perçoit la difficulté d’action d’une instance décisionnelle aussi

nombreuse et dont les membres représentent des économies aussi inégales.

La BCE est responsable devant le Parlement Européen. Elle doit lui présenter

un rapport annuel, le Parlement peut demander des auditions supplémentaires mais il

ne peut, ni donner des instructions à la BCE, ni en changer le statut. La BCE n’est

donc pas sous le contrôle du Parlement organe démocratique de l’Union.

Le pouvoir monétaire est la seule délégation de type fédéral consentie au sein

le l’UE, conséquence inévitable de la nature monétaire du projet. Une monnaie ne

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113

peut avoir qu’un taux de change. Certes l’article 111 du Traité dispose que le Conseil

des Ministres de l’UE “formule des orientations de politique générale du change”

mais le Conseil européen du Luxembourg de 1997 a décidé de n’y avoir recours que

dans des circonstances exceptionnelles.

La BCE a été conçue sur le modèle de la Bundesbank, toute aussi indépendante

vis-à-vis du pouvoir politique allemand mais dont l’efficacité a résulté de la visibilité

de son action pour l’opinion publique allemande fortement marquée par la crainte du

retour à l’inflation galopante connue à la fois dans l’entre-deux-guerres et dans la

période 1945-1948.

L’indépendance de la BCE sur le modèle de celle de la Bundesbank était un pré

requis à l’entrée de l’Allemagne dans le système de la monnaie unique. Mais l’action

de la BCE concerne des opinions publiques dont les conjonctures nationales diffèrent

et dont les réactions vis-à-vis de l’inflation sont également différentes.

Cette action de la Banque Centrale s’inscrit dans le cadre de missions, elles

aussi définies par le traité de Maastricht. Celui-ci dans son article 105 assigne pour

principal objectif à la BCE la stabilité des prix, en précisant ses missions: la

définition et la mise en œuvre de la politique monétaire de l’UE, la conduite des

opérations de change, la détention et la gestion des réserves de change des Etats

membres, la protection et le bon fonctionnement des systèmes de paiement.

Le Conseil des gouverneurs définit à la fois les objectifs intermédiaires, c’est-

à-dire les conditions de réalisation de la stabilité des prix et les instruments d’action

nécessaires. L’objectif de stabilité des prix a été défini par la BCE comme la

progression sur un an de l’indice des prix inférieur à 2% dans la zone euro. Il s’agit

d’un indice des prix à la consommation.

Cependant l’article 105 dispose également que sans préjudice de la stabilité des

prix la BCE apporte son soutien aux politiques économiques générales de la

communauté en vue de contribuer aux objectifs de l’Union.

Les décisions de la BCE se fondent sur deux ordres de données considérées

comme les deux piliers de son action. Le premier est la surveillance de l’agrégat

monétaire large M3 c’est-à-dire un agrégat monétaire incluant les agrégats de

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monnaie M1 et quasi monnaie M2, ainsi que l’épargne liquide, au total M3, le second

pilier est constitué par une batterie d’indicateurs économiques relatifs aux prix et aux

risques pour la stabilité des prix de l’ensemble de la zone. Ces 2 piliers sont hérités

de la Bundesbank et critiqués par nombre d’économistes qui jugent que l’évolution

de la masse monétaire n’est plus significative dans un environnement de

globalisation financière: la surveillance de l’agrégat monétaire conduit à considérer

comme inflation toute croissance de la masse monétaire supérieure à 4,5% soit 2 %

de croissance acceptée des prix et 2,5% de croissance monétaire résultant de la

croissance du PIB.

La question a été débattue: pour assurer la solidité de l’euro, en donnant une

priorité absolue à la stabilité des prix, la BCE n’a-t-elle pas entravé la croissance

européenne, car comme l’observent certains économistes, si une bonne politique

monétaire ne suffit pas à susciter la croissance, une politique inadéquate suffit à

l’entraver. Il faut observer que face à la hausse des prix du pétrole la BCE a accepté

le dépassement de l’objectif d’inflation ce qui a permis de contenir le ralentissement

de la croissance ou à tout le moins de ne pas l’aggraver. Mais des spécialistes

considèrent que la fourchette de 1 à 2% est trop étroite et ils posent [Artus et

Wiplosz, 2002] la question suivante: la BCE n’a-t-elle pas sacrifié le pragmatisme

que pratique la FED, à la quête de la crédibilité ce qui renvoie aux fondements

théoriques de son action et de son statut institutionnel.

Les fondements théoriques du statut institutionnel de la BCE

La globalisation financière et la dimension atteinte par les marchés de capitaux

ont modifié le contexte d’intervention des Banques Centrales. Les volumes financiers

échangés “en temps réel” les ont conduites à intervenir par des signaux exprimés en

termes de variation de taux d’intérêt directeurs plus que par le volume financier de

leurs opérations. Ces signaux visent à stabiliser, ou le cas échéant à modifier, les

anticipations des opérateurs sur les marchés financiers dont les plus importants sont

les intermédiaires financiers et les banques. Ce type d’action, dont la figure

d’excellence a été le précédent gouverneur de la FED: Alan Greenspan suppose que

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la Banque Centrale ait acquis auprès des responsables économiques, et auprès des

marchés financiers une véritable crédibilité. La crédibilité d’un agent économique se

fonde sur la cohérence observable entre la mise en œuvre présente et passée de sa

politique, ici la politique monétaire et le programme annoncé par cet agent.

L’importance accordée à la crédibilité des banques centrales a pour socle la

théorie des anticipations rationnelles. Cette théorie adapte dans le champ dynamique

des anticipations, déterminantes en matière d’investissement en particulier,

l’hypothèse de rationalité des agents, base de la théorie néoclassique: les agents dont

le comportement est déterminé par la recherche de leur intérêt ajustent leurs moyens

aux fins poursuivies. Les décisions des agents fondées sur les anticipations seront

donc informées et il n’y a pas d’erreur nécessaire de prévision, si des erreurs existent,

elles seront distribuées au hasard et donc leur somme sera nulle.

Cette hypothèse a été adoptée par la Nouvelle Ecole Classique et elle a des

conséquences particulièrement importantes en matière monétaire. L’adaptation du

comportement des agents au comportement des décideurs sera immédiate, ce qui ôte

à ces derniers l’avantage de l’avance temporelle que comporte la prise de décision.

Aux termes de cette analyse les décideurs monétaires doivent éviter les interventions

correctrices mais mettre en œuvre une politique constituant un élément stable des

prévisions des agents leur évitant l’erreur, dans un tel cadre une politique de norme

monétaire annoncée sera particulièrement efficace. On reconnait l’annonce de la

progression de la masse monétaire ou le taux d’inflation accepté de la BCE. Il

importe donc que la Banque Centrale soit crédible.

Or l’indépendance de la BC par rapport aux pouvoirs politiques et en

particulier par rapport au gouvernement est considérée comme un élément constitutif

de cette crédibilité. Les nécessités budgétaires lorsque la BC n’est pas indépendante

peuvent entrainer de la part de l’Etat des demandes d’infléchissement de la politique

monétaire de la BC contraires à la stabilité recherchée.

Tout l’art des gouverneurs des banques centrales consiste à acquérir

suffisamment de crédibilité pour pouvoir adapter leurs décisions aux difficultés de la

conjoncture sans que leur crédibilité soit mise en doute. Ce fut le cas de la

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Bundesbank qui a plusieurs reprises géra des taux de hausse des prix supérieurs à ses

annonces. En cas de crises financières graves où les risques pris par les banques

peuvent mettre en cause leur solvabilité, les Banques Centrales exercent leur fonction

de prêteur en dernier ressort. Elles apportent par des prêts immédiats, à des taux

relativement faibles, la liquidité à court terme dont les banques ont besoin pour éviter

de se trouver en difficulté de paiement et rapidement en position d’insolvabilité. Ce

fut surtout le cas d’Alan Greenspan, considéré comme le gourou des marchés et que

le gouvernement des Etats Unis rapatria en avion militaire de l’étranger où il

séjournait lors du 11 septembre 2001 et qui sut éviter une crise bancaire grave en

assurant aux banques des Etats Unis la liquidité dont elles avaient besoin (60

milliards de dollars) décision qui fut suivie de décisions analogues de la BCE, de la

BC du Japon et la BC du Canada, évitant ainsi l’ébranlement du système et la

panique des agents économiques∗.

Ce soubassement théorique éclaire la position actuelle de la BCE.

Statutairement indépendante des gouvernements, elle doit assurer sa crédibilité en

maintenant fermement la réalisation de l’objectif qui lui est assigné: la stabilité

monétaire, d’autant que la définition de sa mission ne comporte pas comme pour la

FED la réalisation d’un triple objectif de plein emploi, de stabilité des prix et de

modération des taux d’intérêt à long terme.

Ceci étant, il faut observer que face à la hausse des prix du pétrole la BCE a

accepté le dépassement de l’objectif d’inflation, ce qui a permis de freiner le

ralentissement de la croissance. Elle a eu en l’occurrence un comportement

pragmatique analogue à celui de la FED.

Cependant certains experts comme Artus et Wiplosz dans un rapport du

Conseil d’Analyse Economique estiment que le plafond de la hausse des prix est trop

bas en étant fixé à 2%, ils préconisent une fourchette de variation, soit de 1 à 4%, soit

de 1,5 à 4,5%, en faisant observer que de 1955 à 1998 le taux d’inflation moyen a été

de 3,6%.

∗ Il semble que la crise des “subprimes” connaisse la même issue.

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Plus fondamentalement, les mêmes économistes et d’autres comme C. de

Boissieu font observer que la multiplication des formes de placements liquides, celle

des opérations sur les marchés de produits dérivés par les intermédiaires financiers

ont détendu les liens entre masse monétaire, croissance monétaire et inflation.

Une critique forte concerne également la prise en compte de l’évolution du prix

des actifs, tant celui des actifs financiers qui subissent les effets de la spéculation,

que celui des actifs immobiliers plus rigide que celui des biens de consommation qui

reflètent les effets de la mondialisation des échanges. Or la hausse des prix des actifs

n’est pas retenue par la BCE dont la référence est le prix des produits de

consommation. La vraie difficulté tient à la définition restrictive de la mission de la

BCE héritée de la Bundesbank qui a eu à gérer la crainte de l’inflation des allemands,

elle tient surtout à ce que l’action de la BCE n’est pas équilibrée par celle d’un

pouvoir économique consistant.

Quelles hypothèses institutionnelles pour une démocratisation des

rapports BCE/économie européenne? Banque centrale autonome, dirigée par un exécutif puissant dont le Président

est à la fois un acteur essentiel et le porte parole, la BCE paraît en position dominante

par rapport aux autres centres de décisions européens. Ce déséquilibre institutionnel

peu favorable à la démocratie est aggravé par le manque d’autorité économique des

pouvoirs existants (II.1.). Des stratégies de rééquilibrage ont été proposées dont le

choix reste ouvert (II.2). Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères

déclarait le 14 janvier 2007 que “l’Europe est actuellement une confédération avec

une monnaie fédérale”.

Un déséquilibre institutionnel peu favorable à la démocratie

Le déséquilibre institutionnel entre la BCE et les autres institutions

européennes tient tout d’abord au fait que l’UE n’a pas résolu une question de fond,

se destine-t-elle à s’organiser selon une structure fédérale, ou demeure-t-elle au

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118

mieux une confédération des nations ou plutôt une association de nations en vue de

la constitution d’un grand marché? Lors d’un colloque au Sénat à Paris en novembre

2006 M. Lamy (O.M.C.) a pu déclarer devant d’anciens et actuels premiers ministres

et d’anciens commissaires de l’UE “Le monopole de l’Etat-nation subsiste, hérité du

Traité de Westphalie (1648) et l’Europe politique ne peut se faire”. Telle qu’elle

existe l’UE s’est constituée à partir de projets successifs dont la mise en œuvre a

suscité les institutions nécessaires et au cours du même colloque le premier ministre

belge a pu déclarer “l’euro a été le dernier grand projet”. Ce projet a suscité la

création de la BCE mais l’institution économique qui aurait pu l’équilibrer, avec

donc une autorité budgétaire, n’a pas été mise en place. Or, si comme on l’a vu, une

Banque Centrale non autonome, et sans la tradition de la Banque Centrale anglaise

aurait quelque difficulté à s’imposer aux marchés de capitaux, le budget instrument

d’expression des choix dans les sociétés démocratiques pourrait être le contre poids

démocratique à la BCE. Or le budget de l’UE représente 1% du PIB de l’Union

contre 21% du PIB pour le budget fédéral des États-Unis, l’UE ne dispose donc pas

d’un contrepoids au pouvoir de la BCE.

Les décisions économiques sont prises au sein de l’UE dans un cadre

institutionnel qui résulte à la fois des textes et de l’histoire diplomatique de l’Union.

En effet le Conseil Européen qui rassemble les chefs d’Etat et de gouvernement

et donne les impulsions politiques importantes est issu des sommets

gouvernementaux des années 70 et 80 et n’était pas prévu par le Traité de Rome. En

revanche, l’initiative des textes appartient à la Commission prévue par le Traité,

celle-ci légifère sous forme de directives et de règlements et a le pouvoir de protéger

ses propositions des amendements du Parlement qu’elle refuse, la Commission a

aussi la capacité de saisir la Cour de Justice Européenne si elle estime qu’un Etat

membre n’applique pas le droit européen, elle peut aussi sanctionner elle-même le

non-respect du droit de la concurrence.

La concurrence apparaît ainsi dans l’activité de la Commission comme un

dogme fondateur de l’U.E. Il est vrai que l’objectif initial du Marché Commun était

de faire bénéficier les pays membres de ses bienfaits dans le cadre du Marché

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Unique. La mise en concurrence des producteurs permet en théorie de réaliser un

équilibre du marché à long terme où les quantités les plus grandes sont offertes aux

prix les plus bas. Cet équilibre correspond à une baisse du coût des facteurs de

production : le capital et le travail. Au moment de la mise en place du Marché

Commun le coût du travail, assez comparable dans les pays de l’UE, était considéré

comme “rigide” en raison du plein emploi et de la puissance des syndicats de salariés

dans un contexte économique international où la concurrence des pays émergents

n’était pas encore apparue.

Le dogme de la concurrence a gardé toute sa vigueur malgré la part prise par

les pays émergents dans les échanges mondiaux alors que le coût du travail (salaires

et charges sociales) y est sensiblement plus bas que dans l’UE. En témoigne une

proposition récente de la Commission. Dans une communication du 12 décembre

2006 intitulée “l’Europe dans le monde”, la Commission propose à l’Union de

renoncer de façon unilatérale aux instruments de défense commerciale prévus par les

traités pour se protéger du dumping.

Les propositions de la Commission sont soumises au Conseil des Ministres et

selon les domaines à l’accord du Parlement européen. Le Conseil des Ministres

représente les intérêts des Etats membres, il est composé des ministres européens

compétents selon les objets en cause au Conseil, il se réunit sous le nom d’Ecofin en

matière économique.

Le Parlement est depuis 1979 l’institution la plus visiblement démocratique de

l’UE puisqu’il est élu au suffrage universel direct, mais il lui manque la faculté de

proposition des textes, prérogative de la Commission, et la possibilité de décider à

des majorités simples, des majorités qualifiées étant souvent requises.

Les Conseils des ministres sont présidés par le président de l’Union. La

présidence de l’Union peut donner une impulsion dont la portée était cependant

limitée par la durée de 6 mois du mandat soumis à rotation. Le mandat de 2 ans

prévu par le Traité simplifié pourrait améliorer cet aspect des institutions.

Le système institutionnel a été conçu pour un nombre limité de participants, 6

en 57, 12 en 86, 15 en 95, 25 en 2004, 27 au 1er janvier 2007.

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120

Le nombre des pays membres limite la possibilité de choix novateurs. Certes le

Conseil européen a adopté en mars 2000 la stratégie de Lisbonne dont l’objectif

économique déclaré était de faire de l’Europe “l’économie de la connaissance la plus

compétitive et la plus dynamique du monde en 2010”. Deux types d’actions quelque

peu contradictoires devaient soutenir cet objectif : la libéralisation, notamment du

marché du travail et des industries de réseaux c’est-à-dire celle du fer, du gaz, et les

services postaux et d’autre part des politiques communes devaient être engagées en

particulier en matière d’innovation.

Mais la mise en œuvre des politiques communes est freinée par la règle de

l’unanimité que le Traité simplifié remplace par des majorités qualifiées sur les

questions qui touchent aux choix gouvernementaux comme la fiscalité. Pour

échapper à cette contrainte l’harmonisation a été recherchée par des voies

minimalistes, dont relève le principe de la reconnaissance mutuelle par lequel la

norme juridique d’un Etat est automatiquement valable dans les autres, ce principe

est jugé comme “porteur d’une dynamique de nivellement par le bas”.

Ce qui a permis à une ancienne ministre E. Guigou de déclarer au colloque du

Sénat déjà évoqué que “les traités ne sont pas appliqués faute d’autorité

économique”. L’exemple le plus probant est celui du taux de change.

Celui-ci rend particulièrement évident l’asymétrie entre la BCE et le pouvoir

des institutions assurant la représentation démocratique de l’UE. Le traité de

Maastricht confère au Conseil des Ministres le pouvoir de détermination du taux de

change, la BCE n’ayant qu’un pouvoir de gestion, l’article 111 dispose que le

Conseil des Ministres formule les “orientations générales de politique de change”.

Mais au Conseil européen du Luxembourg en décembre 1997 il a été décidé de n’y

avoir recours que dans des circonstances exceptionnelles.

Le taux de change de l’euro est flottant par rapport au $, à la £, ou au yen . Il

n’y a pas de stratégie de change. Si le taux de change €/$ s’est révélé un facteur

favorable en période de hausse accélérée de prix du pétrole il se maintient à des

niveaux qui sont un obstacle aux exportations pour des transactions réglées en $. Si

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les exportations allemandes progressent néanmoins c’est parce que les biens

d’équipement exportés par l’Allemagne relèvent d’une très haute spécialisation.

La possibilité d’une action sur les taux de change n’est pas utilisée par le

Conseil des Ministres. Le fondement théorique de cette position est donné par le

triangle d’incompatibilité de Mundell et Padoa-Schioppa (ce dernier est actuellement

membre du directoire de la BCE). Au terme de cette démonstration, conduite

indépendamment par les deux auteurs, il résulte qu’on ne peut avoir à la fois mobilité

parfaite des capitaux, indépendance de la politique monétaire et fixité des changes.

La mobilité parfaite des capitaux résulte pour l’UE de la globalisation financière et

de sa législation, l’indépendance de la Banque Centrale qui conduit la politique

monétaire est également institutionnalisée, le cours l’euro n’est donc pas maîtrisable.

Une solution moyenne équivaudrait à la restriction de l’indépendance de la

BCE, ne serait-ce qu’en lui imposant la gestion d’un taux de change décidé par le

Conseil des Ministres. Techniquement possible, cette solution supposerait un accord

pour la décision qui dans le contexte actuel paraît irréalisable.

La France, subissant plus que d’autres pays membres de l’UE les conséquences

de cette non intervention, certains économistes ont proposé des solutions qui passent

par une démocratisation des institutions, soit en accroissant les pouvoirs du

parlement européen, soit en permettant de dégager des principes majoritaires dans les

organes qui réunissent les gouvernements.

Les voies institutionnelles de la démocratisation

Les “non” français et néerlandais ont bloqué le processus institutionnel. Or

avec des défauts et en particulier l’inutile partie 3 qui l’ont fait rejeter le traité

constitutionnel comportait quelques avancées dans le sens démocratique reprises par

le Traité simplifié.

D’une part, et on l’a vu ici à plusieurs reprises, le point est important,

l’élargissement de la majorité qualifiée comme règle de décision substituée à

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l’unanimité évidemment plus difficile à réaliser à 27 qu’à 6 ou même 12∗. D’autre

part, le Parlement se voit reconnaître plus de pouvoir or il est élu au suffrage

universel.

Mais sur des points cruciaux il est vrai que le Traité n’apportait aucune

amélioration, le dogme régnant de la concurrence ne laissait place à aucune des

dispositions favorables à une régulation macroéconomique et à des instruments de

lutte contre le dumping social et fiscal, malgré les pouvoirs accrus laissés à la

Commission, ses décisions n’allant pas en ce sens.

En cette phase, immédiatement postérieure à un élargissement, il est

vraisemblable qu’il serait difficile de modifier l’état institutionnel des rapports entre

Union et Etats membres. On l’a vu avec l’opposition farouche de la Pologne à toute

modification de son poids relatif dans les instances; en revanche, il serait

probablement plus facile de modifier l’équilibre des pouvoirs au sein de l’Union au

bénéfice de l’organe démocratique qu’est le Parlement. Il est évident que si le

Parlement avait la possibilité de proposer des lois, en termes juridiques: la capacité

d’initiative des lois, y compris concurremment avec la Commission, un progrès serait

accompli sur le principe même de la démocratie mais aussi une voie serait ouverte à

l’expression des besoins économiques qui équilibrerait l’actuelle prépondérance de la

BCE en matière économique.

Des économistes français, notamment J. Le Cacheux et J.P. Fitoussi, à la

faveur des débats du Conseil d’analyse économique ont proposé pour sortir de cette

impasse institutionnelle d’emprunter la voie des pères fondateurs, c’est-à-dire de se

donner un projet pour l’UE qui entrainerait la construction ou l’aménagement des

institutions qui permettraient sa réalisation.

Or au moment où émergent de nouvelles puissances industrielles, l’Inde et la

Chine, l’UE n’a pas de politique industrielle alors qu’elle n’est pas comme la Russie

assise sur des réservoirs de ressources énergétiques. C’est pourquoi il est possible

qu’un projet européen se redéfinisse autour du triptyque énergie-environnement-

∗ Devient à terme: en 2014-2017 55% des États membres 65% de la population.

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recherche. Il s’agit de politiques nouvelles sur lesquelles les choix des pays membres

ne sont pas encore engagés. Si ce projet était réellement adopté, c’est-à-dire si l’UE

ne se limitait pas à des généralités du type de celles de Lisbonne un tel projet

impliquerait au minimum la redéfinition du budget de l’UE et celle de la politique de

concurrence. Actuellement il n’y a pas de ressources propres de l’Union, son budget

est limité aux contributions versées par les Ministères des Finances des Etats

membres donc financé par les impôts prélevés par les Etats nationaux. L’UE n’a pas

le droit de lever l’impôt, prérogative qui précisément définit le pouvoir d’Etat, le

pouvoir régalien.

Un financement budgétaire autonome aurait un indiscutable effet

d’entrainement. On observera que la zone euro n’est pas toute l’UE. Certains

économistes envisagent donc un double niveau de gouvernance (P. Artus et C.

Wiplosz) l’un pour l’UE, l’autre pour la zone euro.

En conclusion, le problème de la gestion démocratique de l’économie dans

l’UE, comme on l’a vu, n’est pas essentiellement celui de la BCE, il est celui de

l’équilibrage de son pouvoir, la question de la relative coordination des politiques

budgétaires pourrait être posée au sein de la zone euro, ce qui passe par la

coordination des politiques fiscales. La présidence allemande l’a bien vu qui a inclus

dans ses objectifs d’avancer sur une base commune, celle de l’impôt sur les sociétés.

Un petit pas qui pourrait être s’il réunissait un grand pas pour l’UE.

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Bibliographie

Artus Patrick, Wiplosz Charles

2002 Rapport du Conseil d’Analyse Economique, n. 38, La Documentation

française.

Chavance Bernard

2004 Les incertitudes du grand élargissement: l’Europe centrale et balte

dans l’intégration européenne, Paris, L’Harmattan.

Fitoussi Jean-Paul, Le Cacheux Jacques

2007 L’Etat de l’union 2007. L’Europe des biens publics, Paris, Fayard,

Presse des Sciences Politiques.

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Démocratie participative et

démocratie représentative dans la

gestion des métropoles européennes

Guy Burgel

Avec la première constitution de Solon dans l’Athènes du VIe siècle av. J.C., la

Grèce antique lègue précocement à l’Europe les deux formes de gestion

démocratique de la cité. C’est moins le contenu des lois fondamentales de la ville qui

est ainsi préfiguré – à l’époque, la grande question d’une société encore très rurale

reste les procédures de transmission de la terre –, que le mode d’expression de la

volonté des citoyens libres réunis sur la Pnyx, au pied de l’Acropole. Le vote à

bulletins secrets (psiphisma) est prévu, mais de très loin on lui préfère le vote à main

levée (khirotonia), plus rapide à mettre en œuvre et où surtout s’exerce la pression

publique de l’opinion. Ce sont là les ancêtres de la démocratie représentative,

élective, et de la démocratie directe, de consensus ou de contrat social, qui va

engendrer la démocratie participative. De façon un peu cavalière, on peut avancer

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que lorsque la ville européenne est ou devient libre et s’affranchit du pouvoir

despotique du prince ou de l’évêque, sa gestion se partage entre ces deux formes

primitives de démocratie, héritées de la Grèce antique.

Dans la période contemporaine en Europe, la question fondamentale demeure à

cet égard de comprendre les raisons de l’affaiblissement de la démocratie

représentative classique, notamment dans les plus grandes agglomérations, les

métropoles. Accessoirement, loin de revêtir la forme identique d’une gouvernance

unique, à laquelle a pu faire croire une mondialisation appréciée de façon trop

réductrice, le processus présente des manifestations variées, où se mêlent les histoires

nationales et les patrimoines culturels et politiques locaux. Les progrès de la

démocratie participative paraissent relever autant de l’analyse institutionnelle des

sociétés que de la géographie des espaces urbains. Au-delà de la thématique

envisagée ici, ces perspectives comparatives sont riches de sens pour la

compréhension de la construction européenne, à la fois unitaire et multiple. C’est

certainement dans l’acceptation de cette diversité qu’on peut dépasser la

contradiction permanente entre une Europe des Etats, élaborée au sommet, souvent

perçue comme technocratique et froide, et une Europe des nations, qui apparaîtrait

plus chaleureuse et plus proche des personnes. La compréhension de l’identité de

l’autre est toujours un gage d’échange et d’entente mutuelle.

Pourquoi la démocratie urbaine représentative s’affaiblit-elle en

Europe? Les raisons de l’amenuisement du “gouvernement” de la cité – entendons par là

une institution de gestion de la ville considérée comme une instance politique

distincte de sa construction matérielle et spatiale – sont largement universelles. Elles

se manifestent particulièrement dans les grandes villes, les métropoles, qui sont

caractérisées à l’époque contemporaine, moins par leur taille démographique ou

l’extension de leur territoire, que par leur rôle dans l’économie mondiale et leur

détachement relatif de leur base régionale originelle. Le poids des investissements

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étrangers et la capacité à capter les flux financiers internationaux sont d’ailleurs des

indicateurs remarquables de cette “métropolisation”

Trois séries de causes générales peuvent être invoquées dans cette évolution.

Elles se rattachent aux grandes catégories de l’analyse des villes: le politique,

l’économique, le socio-spatial. Les constructions urbaines institutionnelles étaient

très souvent inspirées d’un modèle “étatique”, d’essence religieuse, royale, ou plus

ou moins démocratique. Elles reposaient dans un territoire donné et aux limites

définies sur l’adhésion libre ou contrainte des habitants-citoyens à un pouvoir, dont

la légitimité est reconnue par tous, de l’intérieur, comme à l’extérieur. Le sentiment

d’identité, d’appartenance, est intimement lié à cette situation. Dans toutes les

catégories des espaces politiques – l’Etat, la province, la cité –, le processus,

longtemps stable, est érodé aux deux échelles des territoires, par le haut et par le bas.

L’instauration et la montée en puissance d’institutions internationales, l’Europe au

premier chef, de façon plus lointaine l’Organisation Mondiale du Commerce, rétrécit

la sphère de réglementation purement “locale”, qui régissait tous les aspects de la vie

fonctionnelle des individus et des groupes. Simultanément à l’autre extrémité, le

pouvoir se fractionne par un désir d’autogestion dans des partitions du territoire

politique d’origine. Le mouvement de 1968 a été en Europe un puissant accélérateur

de cette tendance. Ces tensions contradictoires de la société et des espaces se

manifestent dans les expressions politiques banales comme dans la langue

technocratique experte. M. Raffarin, premier Ministre, parlait de la “France d’en bas”

et de la “France d’en haut”. Et les aménageurs opposent de longue date les

procédures centralisatrices habituelles de gouvernement territorial du “top down” à

l’émergence des mouvements spontanés du “bottom up”.

Dans la grande ville, ces transformations prennent un tour spécifique. Malgré

l’accélération des mobilités, l’“Hôtel de ville”, lieu habituel de rassemblement des

habitants de la cité, apparaît lointain. On lui préfère des “mairies-annexes” ou

d’arrondissements, où siègent des “conseils de quartiers”, même si l’on sait bien,

pour souvent le déplorer, que l’essentiel du pouvoir réside encore dans la

municipalité tout entière. A Paris, notamment dans les quartiers bourgeois de

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l’Ouest, la saleté des rues de la capitale est attribuée à une mauvaise volonté

particulière de la Mairie, y compris dans les bulletins d’“information” des élus

locaux. A Marseille, le ramassage, toujours aléatoire, des ordures passe dans

l’opinion pour l’application d’un accord tacite entre une municipalité – pourtant de

droite – conciliante et les syndicats d’éboueurs sur une durée du travail définie par

des itinéraires à suivre plus que sur des horaires fixes (la règle du “fini-parti”). Au

total, la légitimité du pouvoir municipal s’effrite avec une vigueur d’autant plus

grande que les territoires sont étendus. L’adhésion aux mécanismes démocratiques

est à l’unisson. Ainsi, en France, de manière générale, les taux d’abstention aux

scrutins municipaux sont directement proportionnels à la taille des communes. Il y a

là une contradiction majeure entre les pouvoirs attribués à l’institution (la

construction et l’affectation des logements sociaux, la politique scolaire, la solidarité

active) et le désintérêt civique qu’on lui témoigne.

Ces logiques politiques se doublent de transformations économiques dont les

résultats sont souvent identiques. A l’unité territoriale classique des acteurs de la

production (le “capitaliste”, initiateur d’entreprise, l’usine, matérialisation de

l’investissement, et le “prolétariat” localement implanté aussi bien sur le lieu de

travail que dans l’habitat ouvrier), succède une série de ruptures qui désolidarisent

les différents segments du processus économique. Les décisions les plus importantes

(ouverture d’un site, délocalisation d’un établissement, réduction d’effectifs) sont

souvent prises ailleurs, à l’échelle nationale, voire mondiale, par un groupe anonyme,

dont les habitants ont du mal à comprendre les motivations, sauf à les réduire à

l’expression simplificatrice du profit de l’actionnariat. Si le lieu d’emploi n’est plus

confondu, et depuis longtemps, avec le lieu de résidence, la tertiarisation de

l’économie et la féminisation de l’activité ont encore accéléré ces dissociations. Dans

le même temps et de façon paradoxale, les salariés exigent de l’édilité publique, dont

ce n’était nullement la fonction originelle, qu’elle s’intéresse à un développement

économique qui lui échappe, en attirant les investisseurs et en s’opposant au départ

des entreprises existantes. Le succès de ces efforts est évidemment relatif, puisque,

dans le monde libéral, action politique et puissance économique appartiennent à deux

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ordres distincts. Mais dans l’esprit du citoyen, cet échec des élus, surtout s’il suit des

promesses de campagne aventureuses, ajoute au discrédit de la démocratie

représentative: comment faire confiance à un pouvoir qui se trompe et vous trompe?

Enfin, l’extension spatiale démesurée des périphéries urbaines, les dilutions et

les discontinuités engendrées notamment par la circulation automobile, la

multimotorisation des ménages, l’expansion de l’habitat individuel, accentuent la

désuperposition entre le territoire institutionnel de la ville et son aire fonctionnelle.

En France, le “millefeuille” parisien, selon l’expression maintenant consacrée, atteint

des records de complexité: un Etat, une région, huit départements, plusieurs

centaines de municipalités dans le tissu urbain continu, sans compter quelques

dizaines de “communautés d’agglomération”, fraîchement apparues. Mais toutes les

métropoles additionnent aussi une “commune centrale”, souvent associée

économiquement à un “pôle urbain” dans la terminologie de l’INSEE, et un nombre

important de communes périphériques, assimilées à une “couronne périurbaine”. En

fait, le fonctionnement quotidien et structurel de cette “aire urbaine” est évidemment

unitaire (transports, marché de l’emploi et du logement, gestion des déchets et des

nuisances), mais son mode d’administration est fractionné, et sa prise de conscience

par le citoyen-habitant particulièrement limitée. Dans la capitale française, le

sentiment d’une identité “parisienne” ou même “francilienne” est discret, alors même

que l’on a à faire à une des agglomérations métropolitaines les plus denses et les plus

ramassées du monde. L’indifférence pour une démocratie représentative, qui n’a pas

su, depuis 150 ans avec Haussmann, faire rattraper le territoire réel par le territoire

institutionnel n’en est que plus patente. Elle conduit l’habitant à être désarticulé entre

une échelle très locale, où se jouent à son avis ses intérêts immédiats (habitat,

environnement), et une échelle très globale, où se placent ses valeurs (humanité,

solidarité, développement durable). Située entre les deux, la “ville” est la grande

perdante de cet écartèlement.

Les différentes dysharmonies territoriales, qui viennent d’être évoquées pour

expliquer la baisse de la démocratie représentative, trouvent dans l’urbanisation

européenne une expression exacerbée, en raison de son histoire et de sa culture.

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Contrairement à l’Amérique ou même à l’Asie, la quasi-totalité des métropoles

européennes ont des origines multiséculaires, voire millénaires. Même si depuis la

Rome antique, la distinction entre l’urbs, matérielle, et la civitas, institutionnelle, est

classique, leur dissociation contemporaine dans l’espace apparaît une rupture

historique radicale: à la ville, la monumentalité, l’urbanité, l’ordre, construit et

public, à la périphérie, la banalité, l’illisibilité, l’insécurité. Cette dislocation est

d’autant plus mal vécue que, à l’inverse par exemple de la ville américaine rejetée

par puritanisme dans une ruralité cathartique (voir le modèle jeffersonien de

Monticello), la ville européenne a toujours été associée dans son système de valeurs,

économiques, sociales et culturelles, à la centralité. La promotion de la “ville

émergente” périphérique, de l’edge city, jette un trouble structurel dans cette

construction idéologique et institutionnelle. C’est l’idée même de la démocratie,

comme creuset de la société et de la civilisation, qui s’en trouve ébranlée. En

triomphant de la ville, l’urbain a déstabilisé en Europe le principe premier de la

chose publique.

Pourquoi les formes de gouvernance urbaine européenne sont-elles

diverses? Il s’en faut pourtant que l’expression concrète de ces processus suive partout

les mêmes modes. Les patrimoines génétiques des villes – configurations spatiales et

architecturales, héritages culturels et politiques – interprètent les mécanismes

généraux. Trois cas seront présentés ici, autant parce qu’ils correspondent à des

territoires d’observation familiers que parce qu’ils représentent des modes

d’adaptation différents aux évolutions contemporaines. Paris pourrait bien témoigner

pour un modèle de gouvernement impossible. La capitale française démontre à l’envi

les difficultés contemporaines de l’établissement d’une nouvelle démocratie urbaine.

Malgré l’empilement des pouvoirs, les caractéristiques favorables ne manquent

pourtant pas: forte présence de l’Etat régalien, s’identifiant avec les destinées de la

ville, y compris dans le dédoublement du Palais (le Louvre, Versailles), qui engendra

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durablement la dissymétrie Est-Ouest, développement radioconcentrique très

ramassé du tissu urbain qui s’apparente jusqu'à l’avatar des villes nouvelles à la

dilatation d’une centralité unique. Pourtant, la remise en selle sous la présidence de

Nicolas Sarkozy de l’idée d’un “Grand Paris” ne s’accompagne pas jusqu’ici de

perspectives très cohérentes de la part des principaux protagonistes. La région Ile-de-

France, chargée de la mise en œuvre du schéma directeur, s’est montrée incapable

d’élaborer une stratégie globale pour la métropole, qui soit autre chose que l’addition

d’objectifs vertueux (la compétitivité économique, l’équité sociale et l’équilibre

géographique, l’écodéveloppement) et de surmonter ses contradictions entre les

exigences d’une agglomération urbaine dense et continue et les besoins spécifiques

d’une riche périphérie rurale et agricole.

La Ville de Paris, empêtrée dans sa repentance d’indifférence par rapport à la

banlieue, n’a pu que susciter une “conférence métropolitaine”, organe de

consultation molle et consensuelle et d’adhésion libre. Enfin, l’Etat, instigateur du

processus, apparaît aujourd’hui partagé: une consultation à grand spectacle de

“starchitectes” pour la communication, un secrétariat d’Etat confié à Christian Blanc

comme garant bien incertain du volontarisme du pouvoir central, une proposition

incomplète de la commission Balladur, chargée de la réforme territoriale, pour réunir

(étrangement, car on est loin de la réalité de l’agglomération) Paris et les trois

départements de petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-

Marne). La capitale du cartésianisme et du colbertisme accouche d’avortons

institutionnels. Faute de projet politique structurant, les organes de “gouvernance”, ni

très représentatifs, ni très participatifs, ni très démocratiques, par exemple le fameux

Syndicat des Transports d’Ile-de-France (STIF), ont encore de beaux jours devant

eux.

Capitale de la Grèce contemporaine, ressuscitée d’une longue éclipse

historique en 1830 par la volonté des grandes puissances européennes de l’époque

(Angleterre, France, Russie), Athènes est à l’opposé de Paris. On est bien loin de

Solon. La jeunesse et la faiblesse de l’Etat ont été de longue date compensées par le

dynamisme et les initiatives de la société civile. Pendant les années de la haute

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croissance urbaine (1950-1980), où Athènes triple sa population, pour atteindre 3

millions d’habitants dans une nation qui dépasse à peine 10 millions de Grecs, la

rénovation privée et la densification des quartiers centraux, l’habitat spontané, mais

non précarisé, dans la périphérie, ont assuré, sans bidonvillisation, l’essentiel des

transformations matérielles de la ville. Le corollaire de cet enrichissement privé

remarquable est un déficit majeur d’espaces et d’équipements publics, notamment en

matière de transports. Il a fallu la préparation des jeux Olympiques de 2004 et les

exigences liées de la communauté internationale, pour qu’en une décennie se mette

en place, avec l’aide massive des crédits européens, une gouvernance d’Etat

originale, associant directement gouvernement central et milieux d’affaires,

notamment les grandes sociétés de travaux publics, pour la construction de grands

équipements. Le résultat est impressionnant: nouvel aéroport international, réseau de

métro moderne, bien qu’encore limité, rocade autoroutière débloquant la circulation

automobile. Mais ce sursaut se révèle éphémère. La violence des émeutes urbaines

de décembre 2008 démontre autant des traditions anarchistes dans l’université

grecque et la désespérance de la jeunesse dans une économie bloquée, que l’impasse

d’une société urbaine, uniquement mue par des considérations individuelles sans

souci de la chose publique. La crise financière et morale tombe ici sur un terrain

politique fragile, où la notion même d’intérêt général ou de solidarité sociale n’a pas

grand sens.

Assez paradoxalement, c’est à Moscou, que l’on trouverait des formes de

gouvernance assez cohérentes avec les mutations actuelles. Elles n’en sont pas moins

inquiétantes pour l’idée que l’on se fait de la démocratie. La capitale de la Fédération

de Russie a hérité de la période soviétique d’une situation qui n’est pas dépourvue

d’avantages: un immense territoire municipal, contenu dans une autoroute

périphérique, renferme encore l’essentiel du tissu aggloméré, les traditions de

pouvoir autoritaire perdurent, qui ont longtemps concentré dans les mains du parti

communiste l’ensemble des jeux d’acteurs, politiques, économiques et sociaux. La

nouvelle constitution du pays a encore accentué ces spécificités, en conférant à la

capitale, tout comme d’ailleurs à sa rivale tsariste de Saint-Pétersbourg, le statut

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Démocratie participative et démocratie représentative

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exorbitant de “sujet” de la Fédération. A la barre de la municipalité depuis des

lustres, le maire actuel, Iouri Loujkov, manœuvre habilement, entre respect

démagogique de l’agitation locale des associations de quartier et compromission

ouverte avec les milieux financiers et immobiliers les plus spéculatifs. Les paysages

de Moscou en sortent bouleversés: éventration du quartier du Manège, sous les

murailles du Kremlin, édification d’une cité d’affaires futuriste, Moscow City, sur les

rives de la Moskowa, densification des arrondissements centraux. L’institution est

donc ici théoriquement représentative (maire et douma municipale élus). On n’oserait

dire que c’est un modèle de vertu démocratique.

Ce survol rapide de situations urbaines contrastées apparaît tout à la fois

réconfortant pour l’analyste et inquiétant pour le citoyen. Malgré des tendances

universelles qui s’élargissent dans la croissance comme dans la crise, mondialisation

et européanisation ne riment pas avec uniformisation. Pas plus que la fin de l’histoire

n’est programmée, la mort des villes n’est à l’ordre du jour. Et c’est heureux pour

leurs habitants comme pour leurs spécialistes. Inversement, alors que les problèmes

économiques (l’emploi), sociaux et ethniques (l’intégration) et environnementaux (la

prise en compte du développement durable), s’accumulent, le pouvoir politique

apparaît impuissant à se réformer pour se donner une nouvelle dimension

institutionnelle et territoriale adaptée aux transformations de la ville. C’est là un

risque majeur sur lequel, beaucoup plus encore que sur la Politique Agricole

Commune hier, ou aujourd’hui sur le soutien au système bancaire, bute la

construction d’une Europe de plus en plus urbanisée. L’affronter réclame à la fois

effort pédagogique des clercs et sursaut civique des populations. Sans cette utopie

refondatrice, la ville européenne serait en grand péril.

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Démocratie participative et démocratie représentative

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Bibliographie

Guy Burgel

2003 Histoire de l’Europe urbaine (sous la direction de Jean-Luc Pinol).

Livre 6. La ville contemporaine de la Seconde Guerre mondiale à nos

jours, Paris, Le Seuil.

Guy Burgel

2006 La revanche des villes, Paris, Hachette Littératures.

Guy Burgel

2008 Paris meurt-il? Paris, Perrin.

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Projets de développement agricole

et rural et démocratie européenne

Jean-Paul Charvet

La Politique Agricole Commune (PAC) qui demeure la principale politique

commune menée dans le cadre de l’Union européenne a aujourd’hui plus de

cinquante ans: ses objectifs de départ ont été définis en 1957 dans l’article 39 du

Traité de Rome. Il s’agissait alors de “garantir la sécurité des approvisionnements”,

“d’accroître la productivité de l’agriculture grâce au progrès technique”, “de

stabiliser les marchés”, “d’assurer un niveau de vie équitable à la population

agricole”. D’autres objectifs sont progressivement venus s’ajouter à ceux-ci, au cours

de réformes successives, alors que l’Union européenne, composée de six Etats

membres au départ, en comporte aujourd’hui 27. La situation actuelle est ainsi

devenue beaucoup plus complexe que celle du début des années 1960.

Dans cette communication, je reviendrai sur le projet de départ qui reposait sur

une dimension démocratique forte, puis je rappellerai les principales évolutions

survenues depuis les années 1960 avant de présenter les principaux points

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Projets de développement agricole et rural et démocratie européenne

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aujourd’hui discutés, dont celui d’une gestion plus citoyenne, dans les débats

destinés à établir “l’état de santé” de la PAC en 2008 et à préparer une nouvelle PAC

pour l’après 2013.

Les fondements historiques de la PAC La France et le syndicalisme agricole français – en particulier la JAC (Jeunesse

Agricole Chrétienne) – ont joué un rôle central dans la mise en place de la PAC au

cours des années 1950 et 1960. Un numéro récent de la revue “Paysans” (Paysans, n.

300, nov.-dec. 2006) débute par une reproduction intégrale de l’éditorial du premier

numéro de cette revue, paru il y a cinquante ans. Son titre et son sous-titre sont tout à

fait révélateurs de son contenu: “Construire la démocratie ... Pour une république

authentique et la participation effective des ruraux à la vie du pays”. Je n’en citerai

qu’un court paragraphe: “Nous lutterons pour une démocratie authentique, celle qui

poussent les hommes, tous les hommes, à exprimer ce qu’ils pensent, à apporter leur

part personnelle à un effort commun, celle enfin qui permet au dernier des paysans,

isolé dans un hameau perdu, de dire son mot dans les grandes affaires de la nation”.

Derrière cette déclaration de principe, il y avait tout un projet de société fondé

en particulier sur la promotion d’exploitations agricoles familiales modernisées, à

deux unités de main d’oeuvre, encadrées par des coopératives intervenant à la fois en

amont (pour l’achat de semences, d’engrais, de produits phytosanitaires..., mais aussi

pour du conseil technique) et en aval (pour la commercialisation des productions) de

ces exploitations.

Mais ce modèle de développement d’où venait-il? Les nombreux voyages

effectués dans les années 1950 aux Pays-Bas par les principaux jeunes dirigeants

syndicaux, dont Michel Debatisse, l’auteur de la “Révolution silencieuse”, soulignent

qu’ils avaient trouvé dans ce pays un “modèle” pour la société agricole et rurale

qu’ils souhaitaient développer en France: celui d’une solide démocratie rurale

organisée autour d’une coopération agricole puissante.

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Avec davantage de recul et en faisant appel au temps long on s’aperçoit que ce

modèle “néerlandais” provenait en fait du Danemark où il avait été mis en place à la

fin du XVIIIème siècle. Un de ses initiateurs majeurs avait été le pasteur Grundtvig

(pasteur luthérien) qui, en rupture totale avec l’ancien régime social féodal, fondé sur

la grande propriété aristocratique qui existait jusque là, a eu pour projet de créer une

démocratie rurale fondée sur de petits exploitants indépendants, instruits (création

d’écoles populaires), vertueux (importance de la religion), solidaires et bien formés

sur le plan technique. Il s’agit d’un modèle inspiré largement par la philosophie des

Lumières que l’on pourrait rapprocher de celui que Jefferson a voulu mettre en place

à la même époque aux Etats-Unis (cf. le “Township and range system”, projection

territoriale du projet de société d’une démocratie rurale) ou de celui, plus tardif

(milieu XIX ème siècle), mis en place dans la vallée du Rhin par les coopératives

(d’inspiration catholique) Raiffeisen.

Ce modèle “danois” fondé sur une paysannerie instruite, compétente,

disciplinée, fortement organisée sur un mode démocratique à la fois au travers de

syndicats et de coopératives, peut être considéré comme l’inspirateur lointain du

projet de société que l’on retrouve en arrière plan des grandes lois d’orientation

agricole françaises de 1960 et 1962 ainsi que de la PAC mise en place à cette même

époque.

Très différent du modèle britannique fondé sur la très grande exploitation

agricole, le libre échange et la puissance de firmes agroalimentaires privées, il

convenait bien ou assez bien aux agricultures des six pays de départ de l’Union

européenne, y compris à l’Italie du Nord où le modèle Raiffeisen avait fait très tôt

école, mais à l’exception de l’Italie du Sud où les réalisations d’une réforme agraire

limitée n’étaient pas parvenues à effacer l’héritage historique des latifundia.

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Evolutions de la PAC et élargissements successifs de l’Union

européenne Alors que l’expression de “sécurité alimentaire” pouvait être traduite en anglais

par “food security” dans les années 1960 et encore au début des années 1970 – on

demandait avant tout à cette époque à l’agriculture de produire suffisamment de

nourriture et de “garantir la sécurité des approvisionnements” –, son sens a évolué à

partir des années 1980 et surtout 1990. On la traduit aujourd’hui par “food safety”,

c’est à dire que, pour le citoyen-consommateur, il n’y a plus de véritable problème

quantitatif d’approvisionnement, mais essentiellement des problèmes qualitatifs: il

est devenu de plus en plus sensible, à la suite d’un certain nombre de dérapages de

l’agriculture “productiviste”, à la qualité sanitaire, mais aussi gustative des produits

de l’agriculture. Il accorde également de plus en plus d’importance à la gestion de

l’environnement ainsi qu’à l’entretien des paysages et des espaces ruraux et il se

prononce désormais en faveur d’une agriculture “durable”, même si cette notion

apparaît particulièrement polysémique.

Dans ce contexte et depuis la réforme de la PAC de 1992, les soutiens à

l’agriculture ne proviennent plus principalement des prix, mais de versements directs

attribués aux agriculteurs. La PAC qui était financée jusque-là de façon indolore par

les consommateurs qui payaient leur nourriture nettement plus cher que si elle avait

été achetée sur le marché mondial devient, à partir de 1992, de plus en plus financée

et de façon très visible, par les contribuables. D’où l’exigence citoyenne, chez

certains d’entre eux, au moins d’évaluer de façon plus précise les soutiens apportés à

l’agriculture, leurs modalités, ainsi que leur répartition sociale.

En relation avec ces évolutions internes à l’Union européenne, l’articulation

aux marchés mondiaux a évolué depuis 1986, date des débuts de l’Uruguay Round.

Avec ce cycle de négociations commerciales internationales alors menées dans le

cadre du GATT (organisation à laquelle l’OMC a succédé aujourd’hui) l’agriculture

a été pour la première fois concernée alors qu’elle ne l’avait pas été jusque là.

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L’Union européenne a dû revoir ses modalités de soutien et s’ouvrir davantage vis à

vis de l’extérieur.

Première réforme importante, la réforme de 1992 s’est traduite par une forte

diminution des prix minimum garantis (prix d’intervention), diminution de 50% dans

le cas des céréales. Celle-ci a été compensée par la mise en place d’aides directes

attribuées par hectare de terre arable ou par tête de bétail. Parallèlement, afin de

mieux gérer l’offre, une jachère “économique” a été imposée portant sur 10% des

terres labourées. Enfin, on a commencé à prendre quelques mesures agri-

environnementales, encore bien modestes.

Seconde vague de réformes: l’Agenda 2000 de 1999 et les accords de

Luxembourg de juin 2003. L’Agenda 2000 a mis en place, pour la première fois et

parallèlement à la politique spécifiquement agricole, une politique de développement

rural. Les accords de Luxembourg ont renforcé cette orientation, mais alors que les

aides du “premier pilier” (le pilier agricole) sont financées à 100% par l’Union

européenne, celles du “second pilier” (le pilier rural) le sont sur une base de 50% par

l’Union européenne et de 50% par les Etats membres, ce qui ne manque pas de poser

problème aux Etats les plus pauvres, en particulier à ceux d’Europe centrale et

orientale. Ces accords ont également instauré un découplage des aides directes

versées aux agriculteurs: les DPU (Droits à Paiement Unique) désormais attribués

aux agriculteurs ne sont plus liés à des productions particulières, même s’ils peuvent

demeurer partiellement couplés pour certaines d’entre elles. En revanche leur

versement intégral implique de la part des agriculteurs le respect de “bonnes

pratiques agronomiques”, meilleures gestionnaires de l’environnement: c’est

“l’écoconditionnalité des aides”. Enfin, une modulation des aides est mise en place:

actuellement 5% des aides directes attribuées aux plus grandes exploitations sont

retenus et utilisés en faveur d’opérations de développement rural. Pour ces opérations

une assez large marge de manoeuvre est laissée aux Etats membres, avec la

possibilité d’opter pour des programmes régionaux plutôt que pour des programmes

nationaux.

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140

L’Europe des 6 est devenue Europe des 9 en 1973, puis Europe des 10 en 1981,

Europe des 12 en 1986, Europe des 15 en 1995, Europe des 25 en 2004 et Europe des

27 en 2007. Ces élargissements successifs se sont fait d’abord en direction de

l’Europe du Nord, puis en direction de l’Europe méditerranéenne et à nouveau vers

l’Europe du Nord et enfin en direction de l’Europe centrale et orientale. Pour les pays

d’Europe du Nord – à l’exception notable du Royaume-Uni – cette extension s’est

faite vers des pays où l’emportaient déjà des exploitations agricoles familiales de

taille moyenne ou grande, sans être très grandes. En revanche, les extensions vers le

Sud et vers l’Est ont amené dans l’Union européenne des pays et des régions aux

histoires agraires et aux structures d’exploitation profondément différentes de celles

de l’Europe de l’Ouest. Bien des régions de l’Europe méridionales demeurent

caractérisées, malgré les évolutions récentes, par une opposition entre latifundia et

microfundia. Quant à l’Europe centrale et orientale elle a été jadis marquée par

l’importance de très vastes domaines aristocratiques et par le “second servage”; puis

par les kolkhozes, sovkhozes et lopins individuels de l’époque communiste.

Aujourd’hui elle présente le plus souvent une opposition entre des exploitations

géantes héritées des anciens kolkhozes ou sovkhozes et des millions de minuscules

exploitations de survie couvrant à peine quelques hectares. On y est donc en présence

d’exploitations qui sont soit sous-dimensionnées, soit sur-dimensionnées par rapport

au modèle de référence de l’exploitation agricole de taille moyenne modernisée en

fonction duquel a été construite et fonctionne la PAC depuis un demi siècle.

Les principaux débats actuels concernant la réforme à venir de la

PAC Alors qu’une refonte de la PAC est plus que jamais à l’ordre du jour, il est

intéressant d’en souligner les principaux enjeux, en particulier pour la France qui en

reste la principale bénéficiaire et dont les 3/4 des exportations de produits agricoles

et agroalimentaires s’effectuent vers d’autres pays de l’Union européenne. On ne

pourra ici qu’esquisser certains de ces enjeux, mais il y a là des thèmes de recherche

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qu’il serait très intéressant de pouvoir développer dans le cadre de la Maison de

l’Europe Contemporaine en sollicitant les interventions de chercheurs représentant le

plus grand nombre possible de pays de l’Union européenne. De quelle PAC a-t-on

besoin aujourd’hui? Jusqu’où pourrait-on renationaliser voire régionaliser la PAC

afin de permettre une meilleure prise en compte des spécificités d’espaces agricoles

et ruraux qui ont été modelés par des histoires agraires bien différentes?

La mise en oeuvre du premier pilier – le pilier agricole –, qui continue à

absorber plus de 85% du budget de la PAC, favorise, en raison même des bases

retenues pour le versement des aides directes versées aux agriculteurs, les

exploitations les plus grandes et les régions les plus favorables à une agriculture

technicienne et modernisée. Visant d’abord à réduire les coûts de production, elle

pousse à la concentration des structures d’exploitation, à la réduction de la main

d’oeuvre employée ainsi qu’au renforcement de bassins de production agricoles

étroitement spécialisés: bassins laitiers, bassins céréaliers ...

Le second pilier – le pilier rural – encourage, en revanche, la diversification

des productions, la création d’emplois agricoles et ruraux et le maintien d’activités de

production agricole dans des zones “défavorisées” comme les zones de montagne.

N’oublions pas non plus les nombreux agriculteurs qui en raison de la

dimension très réduite de leurs exploitations ou/et de la localisation géographique de

celles-ci se trouvent “entre les deux piliers” et ne profitent véritablement ni de l’un,

ni de l’autre.

Des arbitrages – fondés sur une régionalisation? – devront être opérés si l’on

veut éviter de dépenser l’argent des contribuables en même temps pour une action et

pour son contraire. Jusqu’où la distinction entre deux piliers est-elle véritablement

justifiée?

La qualité des aliments, dont leur qualité sanitaire, est appelée à prendre une

importance croissante. Les industries agroalimentaires jouent un rôle croissant dans

ce domaine, ce qui confère un avantage majeur aux agricultures de l’Union

européenne de l’Ouest par rapport à celles de l’Est où les retards et les sous-

investissements demeurent très marqués dans ce domaine. Par ailleurs, la traçabilité

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des productions et des produits alimentaires implique l’application de règles qui

demeurent dans l’immédiat plus aisées à mettre en place à l’Ouest qu’à l’Est.

Mais il ne faut pas pour autant oublier les problèmes quantitatifs: les objectifs

fixés par le traité de Rome il y a cinquante ans demeurent d’actualité. Parmi eux

figure la “sécurité des approvisionnements”, même si des exigences nouvelles se sont

imposées depuis. La géopolitique rejoint ici la politique économique dans des

contextes de plus en plus mondialisés. Il est peu envisageable d’éliminer toute

protection aux frontières quand on a à conduire une politique agricole et alimentaire.

Selon les pays, la hiérarchisation des objectifs n’est pas la même: au Royaume-

Uni, on insiste sur l’indispensable rentabilité et compétitivité de l’agriculture, en

Espagne, sur l’élaboration de modèles agricoles communs, en Allemagne, sur

l’obligation de ne procéder à aucun changement fondamental avant 2013, en Pologne

et en France, sur la préservation de la PAC et la fidélité à ses principes

fondamentaux...

Les citoyens-consommateurs européens demandent une meilleure prise en

compte des questions environnementales par les agriculteurs et les firmes de

l’agroalimentaire. Ils sont très largement en faveur de la mise en place de formes

d’agriculture durable, qui peuvent prendre des configurations très diverses selon les

régions et selon le poids relatif que l’on accorde au différentes dimensions de la

durabilité: dimension environnementale, sociale, économique, éthique. Il y a bien là

une exigence démocratique forte qui est exprimée par la société globale. D’un côté

les agriculteurs vont être amenés à gérer toujours mieux l’environnement et à

préserver davantage les paysages et la biodiversité. De l’autre, les subventions

européennes seront de plus en plus justifiées par la rémunération de ces externalités

positives. Dans ce contexte, la PAC d’après 2013 pourrait reposer sur un double

système de financement: un système d’assurance garantissant un revenu de base pour

la production de biens marchands et un système de rémunération des services rendus

à la société par les agriculteurs, donc de rémunération d’aménités non marchandes.

Ce double système pouvant être modulé selon les Etats et les Régions ...

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Conclusion Les exigences démocratiques actuelles font donc que la Politique Agricole

Commune est appelée à devenir beaucoup plus qu’une politique agricole, mais aussi

une politique alimentaire, rurale et territoriale, les territoires étant pour les

géographes des espaces organisés par les sociétés. Dans ce contexte, la très grande

diversité des territoires agricoles et ruraux aujourd’hui rassemblés dans le cadre

d’une Union européenne à 27 implique, qu’au delà de l’indispensable maintien de

règles communes, une place plus importante soit faite aux politiques nationales et

régionales, ce qui pourrait favoriser l’émergence de projets de développement

territorial dans un contexte de structures démocratiques plus proches des citoyens

concernés.

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144

Bibliographie

Charvet Jean-Paul

1997 La France agricole dans son environnement européen et mondial,

Liris.

2007a Agriculture et développement durable, chapitre 5, in Le

développement durable (Y.Veyret, dir.), Paris, Sedes, pp. 117-135.

2007b La Politique Agricole Commune, Encyclopaedia Universalis.

2007c L’agriculture mondialisée, Documentation Photographique n. 8059,

La Documentation Française, PAC, le débat reste ouvert, pp. 60-61.

Loyat J. et Petit Y.

2002 La politique agricole commune: un enjeu de société, La

Documentation Française, collection réflexe Europe.

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Democracy and Growth:

Assessing the Links

Bernadette Madeuf and Alice Sindzingre

Introduction∗ The relationships between growth and democracy are addressed by a large

literature in economics, political economy and development economics, and which

has produced diverse findings. Results of quantitative analyses have been highly

variable and remain subject to controversy. The concepts of growth and democracy

are indeed endogenous to each other, with causalities working in both directions. In

∗ Bernadette Madeuf: Professor of economics, President of the Université Paris-Ouest; Alice

Sindzingre: Research Fellow, National Centre for Scientific Research-CNRS-EconomiX-Université

Paris-Ouest; Visiting Lecturer, School of Oriental and African Studies (SOAS, University of London),

department of economics.

A first version of this paper was presented at the International Conference “La démocratie à l’épreuve

des mutations économiques et sociales de l’Europe contemporaine”, Florence, Villa Finaly, 25-26

June 2007.

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Democracy and Growth: Assessing the Links

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addition, the possible channels of their respective impacts on one another (e.g., from

growth to political institutions in a given country) are numerous and complex, and

involve many intermediary mechanisms, such as the levels of inequality or

education.

The paper shows that the relationships between growth and political

institutions (including democracy) depend in fine on other determinants: in

particular, public policies (especially redistributive policies) and the hierarchy of

their objectives; the credibility of the commitments, promises and policies of

governments, the stability of institutions and of the time horizons and expectations of

individuals, which may correct markets failures and myopia. One may further add

institutional dimensions such as fairness, social cohesion and trust, which may work

as public goods and therefore be beneficial to growth. It is argued that these

relationships may be assessed only ex post and on a case by case basis, in contrast

with most of the literature in development economics. The latter indeed postulates ex

ante correlations between these notions, which therefore can be explored by

econometric models. Depending on countries, contexts, histories, democracy may

strengthen social cohesion or exacerbate social divisions.

Firstly, the paper highlights the complexity and plurality of the causalities that

link these concepts and the difficulty in establishing robust correlations between

them. The relationships between political regimes—in particular democracy— and

growth work in both ways and involve several intermediary mechanisms and

channels. A crucial point is that most studies are based on models and cross-country

regressions. Results are often inconclusive, or rely on questionable proxies and

indices. Variables such as political regimes or growth are likewise endogenous to one

other. The theoretical framework, which is usually that of neoclassical economics,

assigns a minimal role to public institutions – notably the state – and mostly

conceives institutions in terms of property rights and contract enforcement.

Secondly, it is argued that the inconclusive character of these causal

relationships stems from the concept of democracy itself and the intrinsic

impossibility in quantifying, and hence assessing its impact through econometric

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Democracy and Growth: Assessing the Links

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methods. The concept of democracy – and political regimes in general – does not

have the properties that are required by modelling, such as the stability of its

references in space and time. What models and regressions apprehend are the forms

and attributes of democracy. The relationships between growth and political

institutions consist of processes and depend on the type of growth, the effective

content of institutions and public policies, and the nature of social cohesion, which

are linked to specific settings and are progressively built in the course of history.

What the literature says: the inconclusive relationships between

political regimes and growth The multiplicity of causalities and the endogeneity of the concepts involved in

the relationships between political regimes and growth

There is a very large literature in development economics on the relationships

between political regimes and economic growth, but its results are remarkably

inconclusive. In addition, the possible relationships are numerous. Firstly, the

concepts involved – state institutions, specific types of governments, political

regimes, growth – are themselves complex. Secondly, there are many possible

channels of causality between them, and many intermediary mechanisms intervene

that blur causalities. Democracy is both a multidimensional concept and an

institution like any other. The economic impact of democracy follows many

channels: some may lead to a positive impact on growth (e.g., democracy may foster

the accumulation of human capital), others to negative impacts (e.g., democracy may

reduce the rate of physical capital accumulation or foster government consumption)

(Tavares and Wacziarg, 2001).

Moreover, correlations may be examined in both ways, from democracy to

growth and from growth to democracy. The relationships between political regimes

and growth are complex for two important reasons. Firstly, the concepts involved in

the relationships between political regimes and growth are endogenous to each other:

e.g. the likelihood of a particular type of political regime in developing countries

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Democracy and Growth: Assessing the Links

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may be a function of the level of development. As shown by Bardhan and Udry

(1999), the level of development influences that of the state and public institutions,

and at low levels of development, government institutions are often captured by

private interest groups that in turn contribute to the inefficiency of these institutions –

to “state failure” – and hence to a negative impact of public institutions and

associated political regimes on growth.

Secondly, these relationships are non-linear and exhibit threshold effects. The

existence of threshold effects in economic causalities has been highlighted by the

debates over the existence of poverty traps and multiple equilibria (low and high

equilibria). Rosenstein-Rodan (1943) demonstrated the existence of spillover effects

and the beneficial (multiplier) effects of linkages between sectors regarding the

relationship between investment and growth. His work paved the way for research on

the non-linearities in the relationship between growth and its various determinants –

not only investment but education, market structure, and so on. Modern development

economics highlights the possibility of non-linearities and threshold effects –

multiple equilibria, poverty traps – via the concept of coordination failure (Hoff,

2000).

The impact of democratic institutions has thus been analysed as non-linear and

subject to threshold effects: this impact differs according to levels of development

and depends on the time horizons considered. Relying on a cross-country regression

Barro (1996) thus showed that more democracy enhances growth at low levels of

political freedom but reduces growth when a moderate level of freedom has been

attained. Improvements in the standard of living (measured by GDP, health and

education) raise the probability that political freedom will increase.

Debates over relationships and directions of causalities are ongoing, and

display different and sometimes contradictory results. At the country level analyses

based on case studies show that democracy does not necessarily lead to growth.

Symmetrically, many autocratic regimes enjoy high growth rates, China being a

well-known example. High growth rates may also characterise countries where

growth is grounded on the export of natural resources and hence on movements of

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their international prices, while these countries may be governed by authoritarian

regimes and even dictatorships: this is typically the case of oil countries, such as

Angola and Equatorial Guinea. Conversely, relationships may work from growth to

specific political regimes and types of public institutions. Growth seems to foster

demands for democracy, as shown by the historical trajectories of South Korea,

Thailand, Chile, and Argentina, among others.

These inconclusive findings reveal that there are many other determinants and

intermediary causalities. Linkages between growth and political regimes

(democracy) imply many other variables, such as trade, financial openness, and

foreign direct investment, as well as intermediary mechanisms and channels, in

particular the levels of inequality and education prevailing in a given country.

The inconclusive character of causalities involving democracy and growth

The causalities between political regimes – democracy in particular – and

growth have been explored by a vast literature. Regarding the first direction of

causality – from growth to political regimes, and democracy in particular – Lipset

(1959) and a vast literature after him suggested that democracy is a product of

economic development (Huber et al. 1993). Lipset’s “modernisation” thesis argues

that at the country level, there is a causal effect of income per capita on the

propensity for democracy. As underscored by Acemoglu et al. (2007), the reasons

why some countries are democratic and prosperous, and others not, have been

analysed according two approaches: focusing on a potential causal channel from one

of these variables to the others (Lipset’s hypothesis); considering that at certain

critical junctures societies bifurcate towards distinct development paths.

Lipset’s thesis has been subject to many critiques, however. In particular, from

examples of former European colonies, Acemoglu et al. find that once historical

factors that affect both income per capita and the likelihood for democracy are

controlled for, there is no correlation between income and democracy. Democracy

and income per capita tend to co-evolve but here is no evidence that income per

capita has a causal effect on democracy. For Acemoglu et al., historical factors

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appear to be more relevant explanations of the divergence of political and economic

development paths across countries.

In regard to the opposite direction of causality – from political regimes

(democracy in this case) to growth – the pathbreaking article was that by Przeworski

and Limongi (1993). As underscored by Bardhan in his introduction to this article

(1993), the studies reviewed by Przeworski and Limongi appear to be “hopelessly

inconclusive” and suffer from important methodological problems. A recurrent

argument is that democracies may be more vulnerable to particularistic demands,

especially for immediate consumption, which may hamper long-run investment.

Democracies may thus intensify existing social divisions. In this respect Bardhan

points out that the caste system in India has been strengthened by democracy.

Democracies are constrained by electoral cycles and partisan politics, and a

vast literature in “political macroeconomics” has underscored the incentives for

increasing budget deficits at election time (Alesina et al. 1997; Drazen 2000, among

many others). A problem of democracies in developing countries is that they must

deliver economic benefits to the various constituencies within the short time horizon

of the electoral cycle, i.e. very rapidly. There is a divergence, however, between the

short time horizon of elections – and reform programmes – and the longer time

required for elevating average incomes, transforming institutions and improving

human development (e.g., education, health). Democratic institutions may thus

generate frustration and lose credibility, though this credibility is a crucial channel of

their impact on growth. As argued by Przeworski (2005), democracy stabilises only

if it “self-reinforces” and if it involves income redistribution that is viewed as fair

both by the poor and the rich: democracy is therefore more likely to endure in high-

income countries, which goes back to the first causality mentioned above, i.e. from

the level of development to democracy.

The literature regarding the links between democratic institutions and growth

in a given developing country thus remains inconclusive and there is little consensus

on the link between political rights and growth. A positive impact of democracy on

growth has been found in some studies, most often through cross-country

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151

regressions. These econometric exercises, however, do not confirm definitive

conclusions as to the influence of democracy on variations in growth rates. Yet the

relationship is positive at a strictly analytical level. As highlighted by Sen (1999),

democracy is a desirable goal because it is instrumental with respect to growth: both

development and democracy are elements of freedom, and with democracy

preventing disasters, the warding off of famines in India being a notable example. As

Rodrik (1999) likewise argues, democracy should be viewed as a “meta-institution”,

i.e. an institution that contributes to the building of good institutions: participatory

political institutions are meta-institutions that elicit and aggregate local knowledge

and hence help build better institutions.

On the other hand, Bardhan (1993) emphasizes that authoritarian regimes

display diverse forms, some providing stability, and others rapid growth: as shown

by Sah (1991) authoritarian regimes exhibit a larger variance in economic

performance than democracies. Non-democratic regimes indeed appear to have more

diverse effects on growth, negative or positive. Certain studies argue that

“benevolent dictatorships” can be more efficient in triggering growth in the early

phase of development (a notable example being Singapore). Authoritarian regimes

may be associated with high rates of growth. This was demonstrated by South Korea

during its phase of catching up in the 1980s that was achieved under military rule,

i.e. the “developmental state” model, with the military viewing growth as an

instrument in the enhancing of its hold on power. This was likewise shown by China,

Russia in the 2000s, and commodities-exporting states, those based on oil in

particular. The latter may include states based on anti-democratic systems, e.g. states

based on religious fundamentalism. At the same time, authoritarian states may also

be associated with economic stagnation, as revealed by a number of dictatorships in

Sub-Saharan Africa (e.g., Zaire in the past, Zimbabwe today).

Democracy seems in contrast to be associated with less volatile economic

performance (Rodrik 1999). As Varshney (2002) argues, while dictatorships

achieved a whole range of economic outcomes, from the best to the worst,

democracies seem to be “stuck in the middle”: no long-lasting democracy witnessed

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the economic collapse of Mobutu’s Zaire, but none has enjoyed the economic

success of South Korea, Taiwan or Singapore.

Rodrik and Wacziarg (2005) focus on democratic transitions rather than the

long-run relationships between democracy and growth picture and their findings are

more favourable to democratisation: for them, there is no evidence that

democratisation is bad for economic performance. They find that democratic

transitions have a positive effect on growth in the short-run, especially in the poorest

countries, that democratisations tend to follow periods of low growth rather than

precede them and that democratic transitions are associated with a decline in growth

volatility.

Finally, a link conducing from political institutions to growth that seems robust

is political stability (Przeworski et al. 2000). The latter seems to have a more

significant positive impact on growth than does any specific form of political regime.

The flaws inherent in methods: the problems of cross-country regressions in

growth empirics

A crucial point is that most studies that attempt to link particular political

regimes and growth are based on models and empirical analyses that rely on

econometrics, and in particular cross-country regressions. The causal relationships

that may associate institutions, political regimes and growth are indeed highly

complex. This literature is inconclusive because it is obliged to consider formal

political institutions due to the overwhelming use of econometrics, which are viewed

as the only “scientific” methodology for drawing causalities.

Studies are usually based on growth regressions. The latter by definition rely

on variables that can be easily handled in mathematical equations, i.e. formal

institutions or, in other words, the forms of institutions: e.g., constitutions that may

organise formal democratic institutions, parliaments, political parties, elections, legal

rules organising press freedom, and so on. Authoritarian regimes, however, may also

exhibit a series of formal institutions that help to define democracy, such as

parliaments or constitutions. Moreover, the mere presence of formal democratic

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institutions provides little information regarding the processes actually at work,

which involve phenomena that are complex, context-dependent, evolve with time

and belong to multiple domains of individual and collective behaviour: politics,

economics, psychology and so on. Causalities may rely on variables referring to

formal legal systems that exist “on paper” (de jure), which in no way warrant their

existence “de facto”.

The concept of institutions, and in particular democracy, is multidimensional,

and therefore difficult to define. Alesina and Perotti (1994) emphasize that there can

be two definitions of democracy: the implementation of regular, free, multiparty

elections; and the existence of civil and economic liberties. These two definitions are

not identical. Some regimes are undemocratic according to the first definition but

grant economic rights to their citizens (e.g., Hong Kong, Singapore). In addition,

Alesina and Perotti underscore the correlations between democracy, income, and

education, and thereby highlight the difficulties in disentangling causes and effects.

The literature defines most often political institutions via their attributes,

functions and consequences, e.g. respect for the rule of law, protection of property

rights, political and economic freedoms, accountability, legitimacy and so on. Such

definitions have a historical dimension and are context-dependent: they imply

defining other entities and institutional variables; e.g., they refer to concepts such as

representativity and accountability, which immediately raises the question as to

whom? These definitions generate intrinsic problems of endogeneity when such

variables are used in regressions.

Cross-country regressions do not acknowledge the extreme difficulty of

measuring phenomena that are non-economic or do not consist of quantities such as

political regimes, institutions or democracy. These variables are assumed to be stable

and discrete in order to be included in an equation, but when these variables refer to

institutions, political entities and mechanisms, they do not display such properties of

stability and separability (Sindzingre 2006; 2007a).

In the growth and democracy literature, cross-country regressions rely on

proxies and indicators that are often questionable. The construction of indexes and

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indicators, which are often composite, is problematic, e.g., indexes of economic

freedom, democracy, rule of law and so on. In order to explore a correlation between

growth and democracy Barro (1996) thus uses subjective indexes of political

freedom as a proxy for democracy. Proxies may have a remote relationship to what

they are supposed to represent: e. g., the rate of urbanisation as a proxy for prosperity

before European colonization (Acemoglu et al. 2002); an index of the average

protection against expropriation between 1985 and 1995 as a proxy for current

institutions (Acemoglu et al. 2001). Conclusions may rely mostly on the use of an

instrumental variable: e.g., the mortality of settlers used as an instrument for current

institutions (Acemoglu et al. 2001). Moreover, the theoretical framework often relies

on neoclassical assumptions. A minimal role is assigned to a key institution such as

the state, with institutions mostly conceived of as property rights and contract

enforcement.

Cross-country regressions may be flawed in addition. As revealed by Brock

and Durlauf (2001), cross-country empirical studies on economic growth exhibit

many problems: e.g., lack of robustness of specification, collinearity, and non-

linearity. Findings based on cross-country regressions may be spurious. Srinivasan

and Bhagwati (1999) also argue that cross-country regressions are a poor way to

analyse the relationships between growth and other variables: the choice of period,

sample and proxies imply many degrees of freedom “where one might almost get

what one wants if one tries hard enough”.

This may therefore be the case with regressions that include variables such as

democracy, as democracy is not a simple economic aggregate but an institutional

variable, which is to say, a variable that is particularly exposed to problems of

endogeneity, context-dependence and historical transformation. As stated by

Przeworski and Limongi (1993), inferences based on standard regression models are

invalid because political regimes are endogenous: democratic regimes are more

likely to occur at a higher level of development, and the duration of democracies and

dictatorships is influenced by economic conditions. All these methodological

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problems contribute to the inconclusive character of the results highlighted in the

literature.

Assessing the concept of democracy and the relevant linkages with

growth The inconclusive character of the relationships between political regimes – and

democracy in particular – and growth thus stems from several factors. A key factor

stems from the concept of democracy itself. A crucial question is indeed that of

assessing what democracy exactly is, what are its necessary and sufficient attributes,

how to define it, and how to measure it.

Conceptualising democracy

Democracy is a concept, which is the name of a specific political institution but

also refers to a set of institutional mechanisms. Democracy is a multidimensional

concept, a composite concept and therefore has relationships with other economic

aggregates, e.g., growth, but with growth itself being a concept with several

dimensions.

All institutions – and therefore that of democracy – involve two different

dimensions, i.e. forms and contents (Sindzingre 2007b). Only forms may be

apprehended by modelling, with many analyses in fact confined to that of democratic

forms (e.g., number of elections, parties, newspapers, and so on). A particular form,

however, may have many actual contents, depending on historical and geographical

contexts. The sole form of democracy is under-determined.

For example, many developing countries exhibit democratic institutions but

access to political power may still be associated with the appropriation of the

country’s resources and follow a “winner-takes-all pattern”: democratic institutions

may in fact be instrumentalised as instruments for autocrats to serve their private

interests and stay in power, relying on patronage and clientelism in the process.

Similarly, a specific content – including elements of a democratic process –

may take different forms, with some not being “democratic” in appearance. One

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example is China’s township-village enterprises (TVEs) analysed by Qian and

Weingast (1997), which contributed to China’s spectacular growth. While displaying

legal forms that in appearance still belonged to the communist system, they were in

fact based on market-preserving processes, participation and decentralisation.

A more appropriate way of analysing the concept of democracy is therefore to

understand it as a process: a “meta-institution”, as highlighted by Rodrik. Democracy

is instrumental to other institutions or economic outcomes, such as growth, human

capital, and welfare.

The concept of democracy is often ill-defined in the economic literature,

particularly as it is confused with its attributes (e.g. pluralism, political freedom,

participation, freedom of expression) or with other institutions that are associated

with democracy (e.g., parliaments, parties) or with neighbouring concepts (e.g.,

“good” governance). It is also confused with economic institutions that share similar

attributes, in particular the attribute of freedom, e.g. free market institutions and

secured property rights. The concept of democracy is also often confused with public

policies: but democratic institutions are to be distinguished from policies of

democratic governments.

The concept is likewise confused with forms of states and institutions that are

specific to a particular time and space (e.g., the “Tocquevillian” and individualist

type of democracy). An identical “name” (“democracy”) may be used across time

and regions to describe specific phenomena that seem to exhibit similar attributes,

and in turn this unique name justifies the possibility of common features: however,

the effective contents of a democracy may strongly differ across settings, e.g., the

contents of democratic institutions which developed in a Sub-Saharan African

country that is characterised by a low level of literacy, decades of colonisation and

dictatorship in the late 20th century, and those observed by Tocqueville in 19th

century America.

There is therefore an intrinsic impossibility in quantifying the concept of

democracy in the way that it used by standard methods of economics, e.g., cross-

country regressions. The concept of democracy – and beyond that, concepts of

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political institutions and regimes – does not have the required properties, i.e. being

entities that are discrete, separable, and with a stable reference in space and time.

Together with the endogeneity of political regimes to growth and policy variables,

this explains the uncertain character of many results.

Growth, political and economic institutions: exploring the many causalities

The relationships between growth and political institutions involve other

determinants, other causalities, linkages and mechanisms, which appear to be more

relevant and involve more refined analyses.

In particular, a rigorous analysis has to consider the type of growth. The

macroeconomic literature usually insists that “growth matters”. Types of growth also

matter, however. As in many developing countries, growth may be “immiserising”

(Bhagwati 1958). Growth per se may not enhance the provision of public goods.

Growth may also rely on a highly inegalitarian sharing of the social product, as

highlighted by Bowles in his discussion of “institutional poverty traps” (Bowles

2006). Latin American oligarchies and their consolidation of economic inequalities

by political institutions and public policies are examples of the importance of

considering the specific features of growth paths, if the relevant causalities are to be

assessed (Engerman and Sokoloff 2000).

Inequality indeed plays a crucial role in the relationship between democracy

and growth, as income distribution is related to socio-political instability and to

education decisions (Perotti 1996). Income distribution mediates many relationships,

such as the relationships between growth and poverty in a given country: as shown

by Bourguignon (2004), the latter constitute in fact a “triangle” because these

relationships are shaped by the level of inequality. Likewise, rather than bidirectional

relationships the links between growth and political institutions form a triangle that

involve the profile of distribution and many other variables, such as education and

demography. In the presence of high inequality and whatever the political regime – a

formal democracy or an authoritarian regime –, political and economic institutions

are endogenous to one other and are mutually reinforcing: oligarchies may, for

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158

example, maintain economic institutions that foster growth but lock out other social

groups from political power (Acemoglu and Robinson 2006).

Education is a key dimension of inequality as its expansion has had a positive

impact in lessening inequality. It has been shown that in low-income countries,

particularly in Sub-Saharan Africa, democracy may enhance spending on primary

education, even if for electoral motives, which may have a positive impact on

lessening inequality and enhancing growth (Stasavage 2003).

An analysis of the relationships between democracy and growth should

consider that the influence of democracy on growth has to refer to a “de facto”

concept of democracy rather than to an abstract form (“de jure”): i.e. an institutional

setting that is a combination, in a given historical and geographical context, of

specific types of institutions, dimensions of institutions and social norms, with the

latter mediating the relationships between democracy and growth.

These institutional dimensions not only govern the political domain but also

the economic and social domains, especially individual exchanges and markets: in

particular, these “actual” institutional dimension consist of “trust”, credibility –

especially the credibility of policies and governments’ commitments –, and stability

of the expectations of individuals. Fairness, social cohesion and trust can be viewed

as public goods and therefore beneficial to growth. This influence of democracy may

also be assessed when it refers not to an abstract form but to a concept of democracy

that is associated with specific policies, e.g. redistributive policies and taxation. The

latter have positive effects when they are instrumental to goals such as the valuing of

public goods, “fairness”, equity, solidarity and social cohesion.

Social cohesion per se is indeed a crucial determinant of growth: it is a public

good, which as such has a positive impact on growth. Conflicts have a negative

impact on growth with socially fragmented societies, lacking “meta-institutions”

capable of managing conflicts, displaying lower growth performances. These

divisions and social fragmentations constitute important factors explaining low levels

of development, as argued by Nissanke and Sindzingre (2006) in the case of Sub-

Saharan Africa.

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It is democracy combined with social cohesion that has a positive impact on

growth. These unique combinations also result in the impact of democracy, in

association with particular types of social protection, on growth in developed

countries, especially European welfare states. Specific types of democratic

institutions have fostered unique paths of growth in Europe, which are both the

outcome of democratic institutions and the expressions of demands from citizens that

these institutions made possible (Lindert 2004; Piketty 2005).

Bardhan (1993) also emphasized that the positive impact of a political regime

stemmed from this regime’s ability to “provide leadership in resolving collective

action problems”, this leadership having both the capacity for formulating cohesive

developmental goals and avoiding prisoners’ dilemma-type deadlocks (when private

interest groups, in the absence of a government’s commitment, do not commit

themselves and prefer short-term rent-seeking).

In contrast, in the “real” world – that of the “actual” concept of democracy –

polarisation, fragmentation and inequality may skew the impact of formal democratic

institutions on economic growth. As shown by Alesina et al. (1999), individuals are

less willing to pay for public goods in heterogeneous societies.

Time is an important dimension in the concept of democracy. Time shapes

democracy in several aspects, firstly because the persistence, the resilience, and the

longue durée of institutions in the course of history consolidate them as well as their

influence on economic activities (Putterman et al. 2001). Secondly, time shapes

democracy – and this is a crucial element in the relationship between growth and

democracy – because the time frames of economic agents, their capacity for forward-

looking as opposed to market myopia, shape their economic behaviour.

Thirdly, time also shapes political institutions, as the latter result from

individual agency, especially rulers’ preferences and behaviour. A ruler

institutionalises either predation or taxation depending on his time horizon when he

is in power (Olson 1993). Many studies in political economy have showed that the

time frame of economic agents, environments of political instability, the problems of

commitment and credibility are key endogenous processes that may lead to poverty

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traps. For Olson, the combination of political instability and dictatorships leads to

pure predators: the latter feel insecure and therefore have more incentives to loot the

country than to make it grow and levy taxes on its production, and there is no

incentive for increasing wealth and creating efficient economic institutions.

These arguments constitute a case for state intervention and governments that

are credible, efficient and oriented towards the welfare of their citizens and the

provision of public goods. State intervention is still more relevant in a context of

globalisation and global openness to trade. The latter constitute important constraints

on governments’ policy space while they simultaneously increase the likelihood of

social tensions. According to Rodrik (1999), globalisation creates constraints on

governments’ policy space, exacerbates social conflicts over redistribution and

increases demand for social insurance. The existence of political and economic

institutions able to channel these conflicts and maintain social cohesion is thus an

important factor of growth, through, e.g., appropriate policies or public expenditure.

The relationships between democracy and growth depend on specific policy

choices and hierarchy of priorities, which are particularly crucial in developing

countries that enjoy only limited resources. For example, for some governments

growth may be the overarching objective, as was the case in Asian “developmental

states” (South Korea, Taiwan) in the early stages of their development, with

governments drawing their political legitimacy, beyond the particular form of the

regime, from this growth (Kang 2002, on the example of Korea). Other governments

may focus on policies that are viewed as conducive to growth, which may be very

diverse, e.g., attracting investment, increasing productivity, liberalising the economy,

enhancing human capital, or improving employment or social cohesion.

These reciprocal relationships can be assessed only ex post: in some cases

democracy may foster growth in strengthening social cohesion, sometimes it

strengthens social cohesion without enhancing growth; sometimes social cohesion is

a prerequisite for democracy and growth, and sometimes democracy may exacerbate

divisions and inequalities, as so happens in low-income countries. This explains the

limitations of the standard methodologies in economics, i.e. cross-country

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regressions, which assume the existence of stable and ex ante relationships. The ex

post emergence of links and causalities implies that analyses of the relationships

between growth and democracy are to be made on a case by case basis, e.g. a country

or region, and at a given period of time.

Conclusion This paper has shown that, both in an analytical and policy perspective, it is

difficult to assess ex ante the relationships between growth and a political institution

such as democracy. From a policy point of view, the old debate regarding ends and

means remains relevant, especially in developing countries that are confronted with

limited resources. The relationship between democracy and growth depends on

specific hierarchies of objectives and policies, i.e. as to whether growth is the central

objective, as was the case in Asian developmental states during the phase of

catching-up, or on the policies that are viewed as conducive to growth, such as

improving education, attracting investment or enhancing social cohesion.

The paper has shown the limitations of standard regressions and argued that the

relationships between democracy and growth can be assessed only ex post: in some

cases democracy fosters growth, in others this process requires social cohesion, and

in others, often low-income countries, democracy may exacerbate divisions and

inequalities. In contrast with the standard economic literature, the paper thus defends

analyses of the relationships between growth and democracy that are made on a case

by case basis, in given places and periods of history.

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European Governance. Is the glass

half full or half empty?

Alan Scott

The current mood of scepticism, both popular and academic, towards the EU is

in many respects puzzling∗. Given Europe’s history in the first half of the last

century, the fact that the EU and its precursors created an institutional framework in

which trade and the pursuit of profit could work its magic of translating dangerous

passions into rational interests (Hirschman 1977) seems little short of miraculous.

European countries under military dictatorship into the mid 1970s – Greece,

Portugal, Spain – have, in part thanks to the European integration process, been

transformed into stable democracies, and something similar has been happening to

the former satellite states of the USSR. Politically, much of the heritage of the

∗ This is a modified version of a paper that appeared in Anton Pelinka and Fritz Plasser (eds),

Europäisch Denken und Lehren. Festschrift für Heinrich Neisser, University of Innsbruck Press,

2007’ 271-79. I would like to thank the editors for allowing me to use material from that chapter here.

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European Governance. Is the glass half full or half empty?

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Second World War – the Iron Curtain and the divisions of Germany being the most

obvious cases – has been overcome. Economically, those countries that were early

members of the Common Market benefited enormously in terms of stability and

growth, while those who remained (or chose to remain) outside (e.g. the United

Kingdom) suffered accordingly (see Milward 1992)1.The gap between Europe’s

poorer periphery (the south, but also the Celtic fringe) and the rest has diminished or,

as in the Irish case, disappeared altogether. And yet.

And yet opinion poll data show persistent (though uneven) and, with some

national exceptions, growing levels of scepticism towards the European Union across

its territory2 and a battery of academic and political criticisms has been ranged

against the manner in which the EU is governed. At the level of popular, media and

political discourse, for globalization critics, the EU is a force for neo-liberalization;

for Xenophobes, a threat to national integrity and identity; for Euro-sceptics,

particularly in Britain, the path towards a superstate and a retreat into “Continental”

statist paternalism and sentimental Rhein capitalism. Sometimes, as in the case of the

French and Dutch “Nos” to the draft EU constitution in 2005, some of these forces

come together despite their contrasting grounds and conflicting ideologies (see

Nicolaïdis 2005)3.

Ignoring Oscar Wilde’s dictum that a man who sees both sides of a question, is a man

who sees absolutely nothing at all, I shall here briefly seek to set out the core arguments of

both sides of the academic “governance” debate, particularly as it relates to European

governance.

The term “governance”, along with associates such as “good”, “democratic”,

“multi-level”, “network” and “partnership” governance, has – like “globalization” in

the 1990s – been subject to such inflationary use that it threatens to become

meaningless. It is frequently used as a more modern, or less tainted, synonym for

“government”. Perhaps that is ultimately what it is, but, at least in the more

optimistic literature, it is thought to be something else; something more inclusive,

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effective and efficient than mere “government”. In the words of Gerry Stoker, one of

its leading advocates, “you can have too much government, but you can’t have too

much governance” (Stoker 2001). Against such an optimistic view, we find the

arguments of those whom Daniele Conversi (2006) has aptly labelled “demo-

sceptics”; those who argue that contemporary governance is more “post-democratic”

than “multi-level” (Wolin 2004 [1960], Crouch 2004)4.What are the key arguments

of the protagonists? How do they differ in their assessment of contemporary

European governance?

The glass half full Given that urban studies (alongside the corporate governance literature) is one

of the key sources of the current governance discourse and that the sub-national

(city-region) level promises to be among the winners of the shift “from government

to governance”, it should come as no surprise that many of the most optimistic takes

on governance in general, and European governance in particular, should come from

political scientists specializing in regional and/or urban politics. Again, it is Stoker,

with his influential “five propositions”, who embodies that position:

Governance refers to a set of institutions and actors that are drawn from but

also beyond government.

Governance identifies the blurring of boundaries and responsibilities for

tackling social and economic issues.

Governance identifies the power dependence involved in the relationships

between institutions involved in collective action.

Governance is about autonomous self-governing networks of actors.

Governance recognizes the capacity to get things done which does not rest

on the power of government to command or use its authority. (Stoker 1998,

18-19).

Whereas government is centralized and top-down, governance is here

portrayed as inclusive, problem-oriented and, necessarily, multi-level. The buzz word

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is partnership: partnership between government and business at all levels (“public-

private partnerships”, PPPs); partnership between government and the voluntary

sector: charities, NGOs, civic associations, etc. Monologue is to be replaced with

dialogue and, in the language of the social democratic Third Way, statist “one size

fits all” solutions are to give way to flexible policies not merely negotiated with non-

state actors but also encouraging some of those actors to take on state

responsibilities, e.g. in the sphere of welfare, Stoker’s “blurring of boundaries and

responsibilities”.

At the level of politics, governance has something for everyone. It appeals to

both the centre-right and centre-left. The former can read: “less state/more market”

and “limited government”; the latter can talk about “empowerment” and the

“enabling” (rather than the welfare) state5. Each can thus address their core

constituencies while maintaining a high degree of consensus on specific policies. In

this way, the more fundamental differences between left and right have been

relativized and moderated; matters of nuance rather than principle. There is here a

common acceptance of much of the 1980s New Right’s agenda with the centre-left

seeking a way of pursuing progressive politics within the terms of that consensus, or,

less neutrally expressed, hegemony. “Governance” (in which old dualisms between

state and market have been aufgehoben (transcended), at least at the level of rhetoric)

is the new territory in which centre-left and centre-right play out their remaining

differences.

The European Union is an especially promising field for governance discourse

because (i) being the product of treaties between states, it is necessarily the

expression of partnership and the result of negotiated compromise; (ii) it is thus

constitutionally (in a loose sense of the term) multi-level; subsidiarity is built in.

Here the grounds for optimism become particularly explicit via a contrast between

the nation state model and the EU as an experiment in “post-sovereign” state form.

The nation state rests not merely on the claim to a monopoly of legitimate coercion

(Gewalt), but also upon a claim to a monopoly of legitimate culture (Gellner 1983 is

the locus classicus). “Sovereignty” comes to include not merely the protection of the

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integrity of the physical boundaries of the nation, but also of its cultural boundaries;

of its “authentic” national heritage and cultural goods6. The nation state is thus bound

to the project of cultural homogenization (see Conversi 2008 for a useful overview

and discussion). The historical sociologist Michael Mann’s recent, and very

influential, The Dark Side of Democracy (2005) has traced in great detail just how

dangerous and bloody this process of cultural homogenization has been. With its

frequent decent into organic conceptions of democracy (Mann 2005, 61-69) and the

ever-present danger of confusing demos and ethnos (ibidem, 502), in Mann’s analysis

it takes only specific combinations of socio-political conditions7 to ignite ethnic

cleansing (a new term for an old practice) and/or genocide. On this view, insofar as

democracy is itself tied to nation state building, the hope of liberals that the subject

of modern democracy is the Staatsbürger rather than the Volksgenosse (Weber 1917,

266) – the citizen of the state rather than the member of a community of fate – cannot

be fully realized.

The hope of supporters of the EU as a governance model frequently rests upon

the assertion that it has broken this vicious circle and with these basic principles of

sovereign nationhood. One of the most sophisticated expressions of such a view is

that of the legal theorist and ex-SNP MEP Neil MacCormick who argues that the EU

represents a potentially liberating separation of legal authority and sovereign power

(genuine “divided sovereignty”). Individual member states have pooled sovereignty,

but, crucially, have not thereby created a new leviathan: “the Community[…] is

plainly neither a state nor an enjoyer of sovereignty as any kind of Federation or

Confederation. It is neither legally nor politically independent of its members”

(MacCormick 1995, 101). This “transcendence of the sovereign state” (ibidem, 102)

“creates an opportunity for re-thinking problems about national identity” (ibidem,

103) and, “is capable of generalization and extension to what is sometimes called the

“regional” level within Europe” (ibidem, 103). It does so because the decoupling of

legal authority and political power simultaneously decouples nationalism from

sovereign statism, and it is “nationalism allied to sovereign statism that is

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incompatible with liberalism in the conditions of the world as we find it”

(MacCormick 1996, 154). The argument is essentially this: “the modern nation state,

the post-revolutionary state, has inherited from feudal monarchy the claim to

sovereignty” (ibidem, 153) and thus lays claim to a monopoly over the legitimate

means of coercion, over law making and public administration, and over legitimate

national culture. It is precisely this multiple monopoly which has made the nation

state both such a powerful modernizing force and such a danger. However, the EU is

not a state in this sense. It is “post sovereign” in key respects: necessarily pluralistic

and loosely bounded (cf. Jenkins 2008). This opens up a new space for

experimentation, not least with respect to cultural identities.

The regional level is key here. MacCormick’s argument is echoed in the

distinction Michael Keating draws between affective regionalism, in which the

regions are imagined as “affective communities” (Keating 1998, 14), and

cosmopolitan regionalism in which the economic embededdness of the regions in

Europeanized or internationalized networks is reflected in cultural pluralism and

openness. The former is illustrated by Lord Mackay of Ardbrecknish’s complaint to

the House of Lords that an Italian waiter working in Glasgow could vote in the

referendum on Scottish devolution while his own daughter, a “true Scot” who

happened to be living near Lake Como, could not (reported in Brown 1998, 220).

Such chauvinism is incompatible with the pluralist principles of multi-level

governance, and liberal nationalist and regionalists, like MacCormick, are thus drawn

to cosmopolitan multi-level governance embodied in the EU.

Finally, multi-level governance is thought to have a democratizing effect if

imported back into highly centralized nation states within the EU. This view shaped

the devolution debate of the first Blair government (1997-2001). Thus, of the UK’s

own experiment in multi-level governance (the Scottish Parliament, Welsh Assembly

and proposed English regional assemblies)8 academic supporters, such as the

constitutional expert Vernon Bogdanor, note that while the Scottish Parliament was

to be a “constitutionally subordinate parliament, politically… it will be anything but

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subordinate” (Bogdanor 1999, 185) thereby creating “in reality a new constitution for

Britain as a whole”(ibidem, 188); a “quasi-federal relationship between the two

parliaments” (ibidem, 188). The possible end point of this process is a Britain

consisting “for the purposes of devolution not of three nations, but of two nations

together with the English regions” (ibidem, 192); the manifestation not of

nationalism but of a liberal “pluralist and decentralist tradition” (ibidem, 192).

Moreover, devolution to the English regions might address the problem of the

“missing” or “chaotic” middle in English local government (Harding 2000)9.

This then is the outline of the optimistic view of governance in general and of

EU governance in particular. What then is the “miserablist” response?

The glass half empty The sceptics tend to view governance discourse as an attempt to take the

politics out of politics. Thus, the German social movement analysts Margit Mayer

traces a decline in urban social movement activity in Europe to the shift towards

allegedly inclusive, but in reality highly selective, co-optation of non-state actors:

“far from automatically fostering a “communitarian” situation, this sector

reproduces, within itself, the exclusionary and polarizing tendencies characteristic of

neoliberal politics” (Mayer 2000, 151). Increased institutionalization, routinization

and professionalization is associated with a move away from statist social policies in

the course of which social movements, NGOs and voluntary groups have been

identified as potential partners for the local state10.

In one of the most challenging accounts of governance, which links the general

debate to the particular context of the EU, Claus Offe and Ulrich Preuss build such

de-politicization into their definition of the term:

This style of ruling without an opposition is what is meant by governance – a

concept whose rise to amazing popularity in academia and beyond is itself

symptomatic of the scarcity of power resources that are both legitimate and

effective. [...] Good governance can thus be described as an activity that tries to

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create and maintain order in a complex world of highly interdependent elements

with a blurred line between state and non-state (that is, economic and “civil

society”) as well as national and supranational actors, and with multiple veto points

and a severe scarcity of sovereign power resources. In this world, the activity of

“ruling” loses much of its vertical dimension of bindingness and “giving orders”; it

transforms itself into horizontal acts of winning support through partnership and a

highly inclusive participation of all pluralist collective actors to the extent that they

muster any capacities at all for vetoing or obstructing policy results or for

contributing to desired outcomes. (Offe and Preuss 2006, 182, emphasis added)

The reference to “the extent that they muster any capacities at all for vetoing or

obstructing policy results…” is an ironic – almost sarcastic – commentary upon the

claims made for “good governance”. In a similar spirit, Colin Crouch asks just how

much participation is currently genuinely desired by policy elites and suggests that

“the maximum level of minimum participation” (Crouch 2004, 112) is optimal in

contemporary “post-democracy”. Post-democracy refers not to any immediate threat

to democratic institutions, but to the skills of an increasing disembedded political

elite to bypass such institutions. The sociological precondition for these “post-

democratic practices” is the decline of class politics which has removed any danger

to, but therefore also informal checks on, politics. On the one hand, political parties,

having lost their social base and confronting a powerful media, remodel themselves

on the “phantom firm” (both “spin” and a rise of populism are manifestations of

these shifts). On the other hand, government is increasingly open to corporate

pressures. This, in turn, is a paradoxical effect of New Right policies which have

weakened institutional pillarization to the advantage of the market rather than, as was

claimed, separating state and market (Crouch 2001). In the process, the state has lost

confidence in its own capacities to govern the public domain other than via market

mechanisms (Marquand 2004). It has outsourced its key competences. This is a

combination that the American political theorist Sheldon Wolin has, in the second

edition of his classical Politics and Vision, dramatically characterized as “inverse

totalitarianism” (Wolin 2004 [1960]): the final victory of market over state.

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Even with respect to the claims for the growing role of the local and regional

level, sceptics find grounds to doubt the claims made for multi-level governance. For

the political theorist Larry Siedentop, the growing power of regions within the EU is

not necessarily a force for democratization because the autonomy that regions

enjoyed before the rise of the nation state was “a form of liberty which threw

authority and power into the hands of leading regional feudatories, the Church or

civic corporations rather than into the hands of the people as a whole” (Siedentop

2000, 175). European regions, he adds, generally lack “civic traditions which can

rival those of the nation state” (ibidem, 231).

In the more critical literature, the shift from government to governance is not

taken as evidence of greater levels of participation, or necessarily of a weakening of

the state’s command capabilities, but rather as a distinct modality of power; a shift in

state capacities (Weiss 1997)11. This position too has been articulated within urban

studies, notably by Neil Brenner in his analysis of “new state spaces” (e.g. Brenner

2004). Rather than view the increased emphasis on the role of the cities and regions

as a shift to greater inclusion and participation, new state space theory sees it as a

retreat from the Keynesian state’s attempt to even out social and spatial inequalities

(e.g. through transfers). “Spatial post-Keynesianism rescales” the state, which no

longer seeks to govern a unified object – “the nation” – but reconstitutes the subject

of governance as “the entrepreneurial city”, “the learning region”, etc. These are set

up in mutual competition (Standortpolitik – the politics of locational advantage) in

the hope of lifting general standards by simultaneously lowering costs and raising the

level of activity (“neo-liberalization”). This spatial rescaling of the state creates “new

state spaces” in which regions and city-regions are of growing significance, but also

increasingly competing, thus strengthening local “growth machines” and the “growth

coalitions and thereby further weakening citizens” voice while increasing spatial

inequalities (cf. Logan and Molotch 1987).

Finally, particularly with respect to the EU, governance critique can be viewed

as a revival of earlier criticisms of neo-corporatism. This is especially evident in the

arguments of Offe and Preuss (2006) who present the EU as the consociational

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model writ large, but with the additional problem of creating a polity in the absence

of a demos. Like consociationalism before it, the contemporary claim to govern

inclusively cannot be fully realized, some interests are always going to be excluded

creating futile soil for populism (see Papadopoulos 2005). Despite, or perhaps

precisely because of, its weak sovereignty, the EU falls into what the anthropologist

Marc Abélès (2000) calls an “action trap”: the project has to be driven ever onwards

in order not to fall off the tracks. Abélès’s questions is how long can the project

succeed in keeping European citizens on board?

In brief, to its critics, multi-level governance defuses responsibility across

levels and among partners, while network governance fails even the most basic test

of representative democracy: one man, one vote.

Final word A conclusion, even were there space, would seem inappropriate. The

contemporary governance debate is reminiscent of the duck-rabbit drawing beloved

of children and philosophers: what at one moment appears a duck is at another a

rabbit; like the glass, a matter of perception.

Acknowledgements

This brief account sums up some of the concerns of the BM:WF funded project “European

Governance: multi-level or post-democratic?” (http//www.NODE-research.at). I would also like to

thank the other project members for their support and feedback.

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‘Economically and politically Britain’s role became increasingly peripheral and the benefits from not

having joined the Communities were reduced to no more than the preservation of that same illusion of

independence which led to the mistake in the first place’ (Milward 1992, 433). 2 See, for example, the response to Eurobarometer’s question four on EU membership: ‘Generally

speaking, do you think that (your country’s) membership of the European Community (Common

Market) is ...?’ http://ec.europa.eu/public_opinion/cf/index_en.cfm.

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3 Kalypso Nicolaïdis interprets the French referendum results as symptoms of a crisis of the Left, and

identifies despair, frustration and protest as the main factors. 4 Unlike previous elite theorists who, at best, were liberals without liberal values (so David Beetham’s

majestic observation on Weber (Beetham 1989, 312) and, at worst, fascist, Conversi characterized

contemporary demo-scepticism as committed to democratic principles, but sceptical vis-à-vis their

institutional embodiment and historical emergence. 5 The notion of the ‘enabling state’ (like governance itself) comes out of academic – in this case,

social policy – discourse (especially Gilbert and Gilbert 1989). Here we are dealing with an intimate

relationship between the academy and policy makers, mediated, and not infrequently driven, by both

progressive think tanks, such as Demos and the IPPR, and pro-market ones, such as the Social Market

Foundation and the Policy Institute (all UK examples) and/or by academics acting as consultants to

ministers and government departments or to international institutions such as the OECD. So, for

example, we find the terms ‘empowerment’ and ‘enabling state’ cropping up in a single sentence in a

policy statement by the then UK Home Secretary, David Blunkett: ‘we need to forge a new

relationship between state and citizen, recognising not just that the state cannot do everything but that

it should be fundamentally recast: as an enabling state that empowers people to provide the solutions

to their own problems’ (Blunkett 2003, 22). 6 The influential theorist of nationalism, Anthony D. Smith (1996), argues that an appeal to

‘authenticity’ is the single common characteristic of all nationalist claims. 7 The main task Mann set himself was to identify just what those combinations have historically been,

and thus offer a general, but non-reductionist, explanation of ethnic cleansing and related crimes

against humanity. 8 The last of these has proved most problematic. In a referendum held on November 4th 2004, the

voters of the England’s North East region rejected the government’s proposal for an elected regional

assembly (78% against, 22% for, on only a 47.8% turnout). Similar referenda planned for other

English regions have been postponed indefinitely. 9 In fact, Alan Harding is somewhat sceptical about this prospect, noting that UK debates ‘have been

driven by a highly selective politics of national identity, not by a powerful UK-wide movement in

support of decentralization of political power’ (Harding 2000, par. 2.2.3). 10 A very similar argument has been made for the US social movement sector by Theda Skopol (2003)

who traces, in considerable historical detail, the shift ‘from movement to management.’ Like Mayer,

she sees the decline as a response to changes in political opportunity structures.

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11 Even privatization has been said – against the dominant orthodoxy – to increase some of the powers

of the nation state (cf. Hibou ed 1999).

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3. DÉMOCRATIE ET

TRANSFORMATION

DE SOCIÉTÉ

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Consumers, Democracy

and Solidarity

Dilemmas and Scope of Critical

Consumerism

Roberta Sassatelli

Against traditional critical views considering that advertising is able to

commend consumption as an alternative to political rebellion (i.e Lasch 1979), the

sphere of consumption can constitute itself as a space for forms of political action.

For example, as early as the late 18th century, English women used their consumer

power to support abolitionism (Davies 2000). Later, at the turn of the 20th century,

the National Consumer Leagues appeared in the US and were mostly concerned with

using manifestations and boycotts on the part of consumers to exert indirect pressure

on specific enterprises denounced as both producers and employers. Founded by

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Consumers, Democracy and Solidarity

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Florence Kelley and inspired by the Progressive Movement, social justice was their

utmost purpose, i.e. they published “white lists” of manufacturers who treated their

workers fairly (Glickman 2001; Strasser et al. 1998). They anticipated the sequence of

mobilizations against the rising cost of living which sprang up around the First World

War in many Western countries often led by housewives organizations. The French

Ligue Sociale d’Acheteurs, for example, was influenced by its American counterpart

and was likewise created for the ethical education of consumers, with the aim of

bringing about changes in working conditions by developing a sense of responsibility

in buyers for the treatment of workers, portraying consumers as citizens who had the

“right to intervene in capitalism” (Chessel 2006). Broadly speaking, these

movements were successful in inspiring changes in legislation regarding work or

price control, and they effectively offered women a possibility to speak out and act in

the public sphere: in their capacity as “consumers” women claimed the responsibility

and right to intervene in masculine territories such as work, trade unionism and local

and national politics. These are early examples of consumer protest which clearly go

beyond standard consumer defence, such as that represented by the consumerist and

product-testing organisations which developed especially from after the Second

World War and became consolidated with the adoption by various international

bodies of “consumer rights”. This blend of consumerism which is largely internal to

existing market relations being mainly concerned with value-for-money and

information transparency is clearly not the only way for consumers to associate.

Indeed, much more recently, and especially after the WTO 1999 protests in Seattle,

the political investment of the consumer has become more explicitly aimed at

critically addressing globalized capitalist relations. A new hybrid actor, the citizen-

consumer is being increasingly relied upon as the constituency and the agency for

political and economic transformation. In this paper I explore the contradiction and

dilemmas of political or critical consumption to consider the scope of the new

political investment of the consumer.

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Consumers, Democracy and Solidarity

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Globalization, Protest and Consumption Global capitalism has tended to raise local hackles, provoking resistance in

many different forms, including fundamentalist ones. As globalization proceeds it is

especially large multinationals that have become the targets of growing critical

attention, both within environmentalist organization and for the alter-global

movement. Economic globalization has highlighted a number of external

diseconomies which derive from market expansion as currently managed (such as

pollution, the inequality between consumers, the widening gap between North and

South, food scares, etc.). In introducing innovations which alter the routines of

consumption, expanding the relevant human community, promoting the

disembedment of economic from socio-cultural processes, globalization creates a

space to bring into question the naturalized boundaries of the market. A number of

grass-roots movements which have organized not only boycotts of particular

products, but also powerful symbolic protests. The spread of McDonald’s on the

world scale, for example, has stimulated numerous hotbeds of resistance which have

often taken on global dimensions but press for local control of resources. In

particular, since 1985 the London-based group of the international environmental

movement Greenpeace has promoted an anti McDonald’s campaign, a boycott day

which is held every autumn in a growing number of countries. The growing success

of this initiative is also due to the massive public resonance of the libel case that

McDonald’s brought against two Greenpeace activists, for their distribution of

protest leaflets. The leaflet maintained that the American giant exploited children

with its advertising and its employees with low pay, promoted unhealthy eating,

damaged the environment through encouraging the deforestation of Amazonia to

produce low-cost forage, and treated animals in inhumane fashion. The so-called

“McLibel case”, still the longest running case in English legal history (from 1994 to

1997) was a public relations disaster for McDonald’s which, despite its skilful

lawyers, was unable to win on all items (Vidal 1997). Internationally, protests against

McDonald’s have generally been non-violent but none the less emblematic: for

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example, in France McDonald’s were filled with apples, occupied by farmers with

chickens, ducks and geese, covered with dung, and so on. Some of these actions were

guided by the farmer and trade-unionist Joseph Bové, who reached international

fame destroying a barrel of his precious Roquefort cheese in front of a McDonald’s

during the anti-globalization protest in Seattle 1999. Bové’s actions can be seen as

part of the French tradition which, from the 19th century, has given a patriotic cast to

the development of agricultural policy and ties gastronomy to the safeguarding of the

national territory, and yet nevertheless transcends this to promote the local and

sustainable agriculture at the international level. In the logic of Bové’s protest,

production and consumption are not separated: both are political questions since the

counterpart to exploited workers are said to be the consumers for whom it is ever

harder to find genuine products.

Well beyond these examples it is evident that a growing variety of discourses,

both within the marketplace and outside it, in politics and civil society, is calling into

being the “consumer” as not only an active subject but also, and more fundamentally,

as a political subject. Institutional actors at the international and supranational level

as well as anti-globalization movements are particularly vocal in addressing

consumers as a constituency, called forth as a partner in checking the otherwise

allegedly unhampered workings of international business. Examples abound, from

the EU Green Paper on business social responsibility which places the consumer side

by side the citizen and identifies both as the main constituency for ethical business,

to the wide spectrum of local, national and international organizations which are

increasingly concerned with mobilizing social actors as “consumers” (i.e. traditional

environmental movements, fair-trade campaigns, anti-sweatshop boycotts, etc.). As

suggested, it is not entirely new to explicitly link consumption with the pursuit of

moral and political aims, still today a discourse about the “duty” and

“responsibilities” of social actors qua “consumers” has consolidated into something

of a master narrative. People are increasingly and explicitly asked to consider that to

shop is to vote and that daily purchases, product boycotts, and consumer voice may

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be the only way individual man and women across the globe have to intervene on the

workings of increasingly global and disembedded markets.

These phenomena have been typically set against developments in what is

defined as “post-democracy” (Crouch 2004). Contemporary Western societies have

witnessed a profound change in their citizens’ forms of political participation. While

traditional means of political involvement, such as voting and party membership

have declined in Western countries over the last few decades, protest and other

unconventional activities appear to have become regular forms of political

participation by citizens. Unconventional means of participation have to a degree

become “normalized”, and the repertoire of citizen actions has continued to expand,

and to do so especially in the “private” and “cultural” domains of “consumption” and

“culture jamming”. Besides demonstrations, strikes, rallies, public meetings,

occupations – all variants of the established repertoire of citizens’actions (Tarrow

1998) – in recent years a growing number of people have started to deploy consumer

choice as a means of political participation across Europe. Beck and Gernsheim

(Beck and Gernsheim 2001, 44) have argued that, via the political deployment of

consumer choice, “citizens discover the act of shopping as one in which they can

always cast their ballot – on a world scale, no less”. Shopping for human rights or

political issues more generally has been defined as “political consumerism”,

including “actions by people who make choices among producers and products with

the goal of changing objectionable institutional or market practices. Their choices are

based on attitudes and values regarding issues of justice, fairness, or non-economic

issues that concern personal and family well-being and ethical or political assessment

of favourable and unfavourable business and government practice. Political

consumers are the people who engage in such choice situations. They may act

individually or collectively. Their market choices reflect an understanding of

material products as embedded in a complex social and normative contest”

(Micheletti 2003, 2-3). Political scientists and sociologist have advanced set of

explanations for such developments. Contemporary societies are said to be

experiencing a process of “individualisation” whereby people are increasingly

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reflexive about their identities, values and actions (Beck 1997; Giddens 1999). The

increase in individual skills, as a consequence of improved education and of greater

information availability, has arguably given way to citizens who are more aware of

social problems and their underlying causes and who also have greater capacities and

means to articulate their dissatisfaction. New forms of participation have often been

associated with growing levels of distrust among citizens for traditional political

institutions, particularly as to the ability of governments and institutional actors to

respond to and control new uncertainties and demands emerging from every day life

(Norris 1999). Politics itself is emerging in places other than the formal political

arena (“sub-politics”) because citizens no longer think that traditional forms of

political participation are sufficient (Beck 1997).

Consumers, Political Participation and Responsibility There is now a growing body of studies that focus on consumer action as

political participation, and quite a few studies that assess the phenomenon in a

comparative perspective, focussing on social, cultural and economic background of

“political consumers” and on the influence of religious affiliation and involvement in

more traditional forms of political participation (Ceccarini, Forno 2005; Fonseca-

Fons 2004; Micheletti 2003; Micheletti, Follesdal and Stoll 2004, Tosi 2006).

According to Efta 2005, the sales volume of Fair Trade products grew 154% in

Europe between 1997 and 2004. Fair Trade Coffee is the fastest growing segment in

the US market, growing a spectacular 67% per year (Arnould 2007). The European

Social Survey has shown that approximately one third of Europeans have boycotted

certain goods or/and have bought goods for political and ethical reasons. According

to Ifoam, organic production is growing a steady 10% every year and the growing

number of studies on alternative food networks (from box schemes to farmers’

markets) are showing their vigour in many advanced economies (Dubouisson-

Quellier and Lamine 2004; Goodman 2003; Holloway et al. 2006). While fair trade

products or box schemes are still a niche market, even mainstream ethical

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companies, such as the Body Shop, or ethically engaged advertising, such as

Benetton’s, appear to be increasingly appreciated, and yet they are also the target of

increasing critical attention becoming the favourite objective of environmentalist

associations who feel it is their right to demand ever greater levels of transparency,

of sub-advertising organization such as Adbuster who question to what extent can we

expect a genuine moralization of market relations (see fig. 1). In academic circles

some take these companies an example of the powers of capitalist markets to absorb

any value and use it for profit (Brabazon 2001; Heath and Potter 2001), others prefer

to make distinctions between commodities and look for criteria on the basis of which

evaluate the “green-ness” of a company (Robbins 2001). Clearly the former work

with a either/or logic, the latter think in nuanced gradients. In this paper I shall argue

for the second, but before that it is crucial to understand a bit more what the current

political investment of the consumer is about.

A variety of actors (both individual and collective, economic and political,

oriented towards profit maximisation or towards collective goods) are contributing to

shaping alternative views of the market. This variety is reflected in the many nuances

of the discourses on the “critical” consumer, their uneven resonance, and the varying

economic and political effectiveness of attempts to approach commodities as bearers

of environmental, ethical and political concerns. We can, however, identify a

fundamental cultural theme at the outset, in that consumer choice is portrayed as

neither universally good nor a private issue.

Most forms of critical consumption share some kind of interest in

environmental values and address both redistribution issues and the problems

generated by the increased separation and disentanglement of production and

consumption. People are typically asked to consume better. As a source of power,

consumption is not to be given up altogether, but consumer choice is framed as a

practice with direct and momentous consequences, capable of expressing consumer

sovereignty only if consumers take full responsibility for the environmental, social

and political effects of their choices and are ready to reconsider their consuming life

on those grounds.

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Extensive empirical research conducted in Italy among engaged consumers as

well as activists from a variety of organizations makes it clear that different

initiatives share a distinct notion of consumer sovereignty which critically elaborates,

and sometimes overturns, laissez-faire wisdom (Sassatelli 2006a; Leonini and

Sassatelli 2008). Three themes in particular seem to emerge in varying degrees and

combinations: redistribution and interdependency, collective goods, and the

pleasures of frugality. Most informants put forward a civic vision of the market,

contending that market relations thrive among equals, and indeed that to realise itself

the market’s social potential requires a pacified social space, which places value on

redistribution and sees the powerful consumer as the prime motor behind this. They

also share the view that goods which transcend individual, exclusive enjoyment (in

particular, the environment) are of the essence for consumers’ quality of life, but are

all too often neglected by capitalist market relations: here again, consumer choice is

seen as a way to internalise environmental factors. Finally, the liberal view of the

relationship between consumption and happiness is regarded as simplistic.

This matches a growing body of literature in philosophy and the social sciences

which argues that people’s well-being might be understood in terms other than their

expenditure, and which starts from notions of “quality of life” which will often add

environmental or communitarian depth to a short-term, individualist and private

vision of individual choice (Nussbaum and Sen 1993). This may even imply some

form of “voluntary simplicity”, “sobriety” or “downshifting” in consumption,

rejecting upscale spending and long working hours, and living a simpler, more

relaxed life in order to discover new pleasures and enhance personal satisfaction, as

well as to further socio-economic equality and environmental awareness (see also

Etzioni 1997; Nelson et al. 2007; Soper 2008).

The discourses surrounding critical consumer practices provide a set of specific

criteria of choice drawing on “regimes of justifications” (Boltanski and Thévenot

1991) which have been taken beyond the dominant mode of legitimating markets in

western culture. As I have suggested elsewhere (Sassatelli 2006b), themes mainly

associated with the promotion of consumption as a legitimate sphere of action per se

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– “taste”, “good taste”, “pleasure”, “fantasy”, “comfort”, “distinction”, “happiness”,

“refinement”, and so on – are replaced by themes predominantly associated with the

definition of a democratic public sphere and with production. The vocabulary of

critical consumerism draws either on social and political activism (to purchase is to

“vote”, “protest”, “make oneself heard”, “change the world”, “help the community”,

“mobilise for a better future”, and so on) or on production (to purchase here becomes

“work you do for the community”, “effort done for yourself and the other”,

“creative”, “productive”, and so on). Alongside this, a new set of criteria for

measuring quality of life and pleasure is slowly evolving which draws on spiritual

themes, de-rationalisation and communitarianism.

Dilemmas and Scope of Critical Consumption While “lifestyle politics” has come to function as a form of civic participation

for many people (Beck and Gernsheim 2001; Schudson 1998), consumption has

become so “politicised” that it is no longer possible to sharply divide between

“citizenship and civic duty” on the one hand and “consumption and self-interest” on

the other (Scammell 2000; Soper and Trentmann 2007). The commercial rhetoric of

consumer choice has penetrated political discourse and inspired political reforms

such as privatization of public services – such as in the case of Great Britain public

health, that has meet with a strong resistance by citizens (Clarke et al. 2007).

Likewise, political vocabularies, and in particular the notion of voting, are being used

in commercial campaigns for rather ordinary commodities – such as a quite

successful Italian campaign for women’s sanitary towels (see fig. 1).

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Fig. 1

“Vota il Cambiamento”, Billboard Campaign for Female Sanitary Towels, Italy 2006

Drawing on a political vocabulary, a number of voices have thus celebrated the

political persona of the consumer. The consumer has been portrayed as the truly

global actor who can be a counterweight to big trans-national corporations, and can

replace the vanishing citizen in working for a cosmopolitan democracy: today,

“citizens discover the act of shopping as one in which they can always cast their

ballot – on a world scale, no less” (Beck and Gernsheim 2001, 44). Similar claims

rests on a dubious metaphor assimilating consumer choice with voting (and voting

with democracy). Let us tease out what is implicit in the metaphor: that consumer

choice is like voting, that it is effective, that it is democratic. These assumptions can

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easily obliterate the specificity of both voting and consumer choice, the fruitful

synergies which can be produced by considering their mutual transformation, and,

last but not least, their ambiguities.

It would indeed be mistaken systematically to attribute a deliberately political

intention to all consumer choices of a critical variety. Many of the practices which

come under the umbrella of critical consumerism may be conducted by consumers

who have in mind meanings and objectives other than strictly political ones. For

example, alternative distribution networks, including second-hand shops, not only

respond to a politically conscious middle-class consumer, but also attract

disadvantaged urban groups who may not be able to afford to shop via formal

channels (Williams and Paddock). Likewise, the demand for organically grown

vegetables typically mixes private health concerns with some degree of

environmental consciousness, and comes from diverse sources, including a large

vegetarian movement as well as health-conscious or gourmet carnivores (Lockie and

Kristen 2002). In Italy, a large proportion of those who buy Fair Trade goods in

supermarkets (for example) do so because they “like” the products or consider them

“better quality”, or just “by chance” (Sassatelli 2008).

Still, alternative ways of consuming are not a syndrome, an ideology as

Baudrillard (1970) maintained in his well-known book La société de consommation,

written as the contestation years were fading. Baudrillard’s view that “counter-

discourse” does not afford “any real distance” from (a single vision of) consumer

society should indeed be balanced against the development of alternative

consumption practices which favour alternative views of the market. Thus, while

there may be no escape from market society and consumer choice, choices can be

constructed and practiced in quite a variety of ways, some of which seem to

internalise values other than money and quantity and consider the common good, gift

relations, and civic engagement as irreducible elements of consumers’ gratification.

Fair trade choices, the participation in a basket scheme, or the support of local

agriculture cannot be written off as simply yet another positional option, the

consumption of lost simplicity on luxury grounds. Yet we should not leave out of

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account the intrinsic pleasures of ethical shopping, nor just equate “genuine” critical

choices with political votes. Shopping ethically enables us to make choices which

matter to us in ways that political voting may not, because these choices matter in

themselves, empowering us in everyday life, rather than for their expressive potential

or possible larger effects on macro realities (Schudson 2007). Peoples’ lives can be

entirely reorganised starting from a number of apparently banal choices, which often

require and bring about a different management of time, of space and of social

relations. While certain consumption such as the consumption of news seems to be

crucial for both civic engagement and truly political consumerism (Friedland et al.

2007; Shah et al.), the presence of politically and ethically motivated cultural

intermediaries and social movements appears crucial if the micro-politics of

everyday life are to be translated into political pressure as such.

This begs the question of effectiveness, conceived in terms of public

resonance, corporate change, and ultimately political-economic change. We know

that as Fair Trade goes mainstream, it has had its difficulties in always keeping its

promises to help producers in developing countries. Recent work on global anti-

sweatshop campaigns (Micheletti and Stolle 2007) and on their appropriation by US

company American Apparel (Littler and Moor 2008) seems to point to the fact that

wide public resonance, and even commercial success, may not always correspond to

a real improvement in the working life of garment workers. Alternative consumer

practices can easily be absorbed by the market. The marketing and advertising

industries are well aware of the interest in ecological, ethical and political themes

among a certain strata of Western populations and have long started to promote their

own versions of the “greening of demand” (Zinkhan and Carlson 1995). The

institutionalisation of a dialogue between consumerist and environmental

organizations and large multinational commercial companies may also have

ambiguous effects (Barnett and Cloke 2005; Doubleday 2004). Codes for ethical

business and for socially responsible management are becoming widespread, yet they

are typically self-administered by industry itself. In response to boycotts and

consumer choices in pursuit of specific causes, a variety of labelling schemes, often

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set up by ad hoc organisations variously linked with either business or political

institutions, is playing a crucial role. This does not mean that ethical claims can

easily be used in a purely instrumental fashion, for ethically oriented consumers may

demand proof of standards and may push companies much further than expected. But

it does suggest that it is unrealistic to imagine there is a direct and symmetrical

demand/supply relation between consumers and producers. In particular, the reaching

of global markets may imply an emphasis on efficiency and promotion which can

transform green and Fair Trade products into fetishes (Hudson and Hudson 2003;

Levi and Linton 2003).

The antinomy between commercial aims and ethical aims may also become a

dialectical resource to modify views of capitalism. This is certainly the fundamental

dynamic of value creation and progress within the Fair Trade field in Italy (Sassatelli

2006a). In Italy, activists who work at the commercial end of Fair Trade (shops,

import organizations) place emphasis on the positive role of commercialisation as

“cultural vector”; those who are concerned with labelling schemes stress the role of

“good principles”; and the cultural and political entrepreneurs emphasise the risks of

commercialisation and the role of “education and awareness”. The very

fragmentation of the Fair Trade market in Italy seems to favour such a plurality of

voices, which arguably results in a more democratic space.

More broadly, markets are institutions that can be organised differently (see

Carrier 1997; Callon 1998), and they can thus be put to many different ends. While

there is no easy road to alternative ways to organize market capitalism, capitalist,

profit-driven markets can be transformed to take into account the redistribution of

resources, avoid economic polarisation, and stress a new set of pleasures. Engaged

consumers may be one of the levers of the transformation. A perspective on the

relationship between critical consumption and democracy is crucial to this end.

While it is mistaken to suppose that the individual, global consumer increasingly

invoked by Fair Trade and other critical initiatives can now carry on a global scale

the duties and capacities of the citizen, or can transform the awareness of effects into

a politics of justice, it would be foolish to deny the political potential of consumer

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choice. A democratic politics cannot snobbishly look at market-mediated actions as

they are indeed a major form of participation to society by the vast majority of

people, both citizens and not. Still, while we all consume, we do so in many different

ways which are largely a function of our different resources and of the different

political infrastructure that upholds different systems of consumption. In banal terms,

if in contemporary democracies each citizen has a vote, consumers are notably

different in terms of purchasing power and may thus have rather different degrees of

influence on the market. Critical consumption does try to make the political

infrastructure of our everyday consumer lives visible to us, yet different positions

within that infrastructure, and different infrastructures (often still determined by

national borders), make critical consumption more or less probable and viable. This

double-bind construction shows that there is still a space for politics in the traditional

sense; indeed, that politics and consumption can act in synergy in the transformation

of the market.

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“Into the Zone”: The European

Union and Extra-Territorial

Processing for Migrants, Refugees

and Asylum Seekers:

Policy Discussions 2001-2005

Carl Levy

Introduction In previous papers and publications I have examined the extent to which a

liberal democratic regime based on the adherence to the Geneva Convention has

been undermined in the European Union1. I argued that the after-shocks of 9/11 and

the effects of the rise of Far Right parties were still uncertain2. Although the Geneva

Convention may have been hollowed out even before 9/11, the event placed a great

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‘Into the Zone’

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strain on it. And yet European politicians at the senior level still defended it in the

European Union. It served and still serves as a benchmark for their liberalism. This

paper outlines a new project on the evolution of the policy debate over suggestions

for creating extra-territorial processing camps for migrants, refugees and asylum-

seekers. This paper focuses on the years 2001 to 2005.

However, I envisage a project on extraterritorial zones divided into four

sections, which will take the story up to the present. First there is the historical

record: the mapping of longer trends stretching back to the 1980s or as Virginie

Guiraudon argues the 1880s; from Ellis Island to anomalous airport zones and so-

called safe areas in the Yugoslav Wars of Succession in the 1990s and the farming

out of security to the private sector and away from borders (airline checks of visas

etc.)3. Secondly, there is the evolution of a specific policy that can be traced from the

IGCs: from Tampere to Seville and beyond, and most importantly the model of

camps during the Kosovo crisis of 19994. Thirdly there is the complex story of policy

transfer from the USA (Guantànamo mark one) and Australia’s “Pacific Solution”,

which includes identifying the individuals and bureaucracies, which transferred these

models into the European Union at the very point when the public liberal face of

Europe deplored them5. This also entails mapping the leading Member-State policy

entrepreneurs (the UK, the Netherlands and Denmark) and more recently Italy and

more ambiguously Germany. Finally, a fourth theme is to be pursued: these are

attempts to sell this policy and the contested meanings of what it entails. The policy

elite in the European Union were far from sold on it: indeed the European

Commission was positively schizophrenic and the leading players in Member State

display mental and moral confusion. German Interior Minister Schilly springs to

mind during the period covered. On the other hand, the UK and Denmark had been

consistent boosters. From Straw to Blunkett: the UK brought the argument back to

the table even when other players would rather not discuss it.

This final section of the project also links up with the much broader discussion

of the concept of the state of exception and the zone and camp being the physical

embodiments of it. And to make things more confusing the refugee and the state of

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‘Into the Zone’

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being a refugee serve as exemplars of a permanent state of exception in a world of

nation states. There is a rich literature on the construction of the refugee historically,

legally and culturally6. This ranges from Hannah Arendt usage of the refugee as

benchmark to measure the liberalism of her world7, to more recently the interesting

but I believe flawed work of the Italian political philosopher Giorgio Agamben.

Agamben’s work is inviting because his invocation of Carl Schmidt’s state of the

exception has been applied to all sorts of zones: the two “Guantànamos” (as a camp

for interdicted Haitian and Cuban migrants in the 1990s and as a camp for “unlawful

combatants” after 2001), and of course there are other examples that spring to mind –

Belmarsh, Abu Gharib and further discussions in the Bush administration during the

period covered by this paper8, I have many problems with Agamben, which go

beyond the scope of this paper. It is important, however, to underline that the

promotion of extra-territorial processing zones was not merely sold as necessary if

regrettable states of exception. Nor should they be interpreted in a more sinister

fashion as the mask of the Liberal State slipping: a reversion to the “universe of

camps” which scarred the European landscape in the twentieth century, as in Gregor

Noll who invokes Agamben in his interesting discussion of extra-territorial

processing zones9.

Extra-territorial zones can be framed as a pragmatic and liberal development

under changed circumstances where immigration and the war on terror are the “hot

button” issues of modern politics. A certain reading of the Kosovo experience would

argue that extra-territorial zones within the proximity of the European Union can be

harnessed to equitable burden-sharing between the Member States of the European

Union and thus strengthen the Geneva Convention. The extra-territorial zone can be

linked to the promotion of Protective Entry Passports issued to asylum seeker at or

near home to short-circuit human traffickers. And also conceivably could be linked

to European Green Card system (raised by Frattini within the context of the EU

debate in the earlier part of this decade)10. Thus a certain rendering would formally

recognise that forced migration is a mansion of many rooms and the line between

refugee-hood and economic migrant is not clear and will be less so in the future11.

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Regional zones in areas of conflict far away from the European Union would

be linked to tackling the root causes of flight. Root causes, a popular buzz-word in

the 1990s, involved policies ranging from enhanced aid and trade between Europe

and the developing world (areas of engagement, which were there most intense in the

Mediterranean and North Africa), to military intervention in order to prevent “rogue

states” from creating situations of mass flight12. The last issue is very controversial:

tackling “rogue states” has led to odd marriages between the Right and Left. On the

international level on need only recall the varied positions of Germany vis à vis

intervention in Kosovo in 1999 and intervention in Iraq in 200313.

But to return to the main argument: it is possible to posit another reading of the

development of zones that is different to the Agambenite interpretation of the zones

as the state of the exceptional. As my colleague Georg Menz shows in his

forthcoming book, the sovereign state is far from the only player in this game14. The

farming out of visa controls to airlines many years ago has already been mentioned.

Menz shows that a cacophony of interests groups (business, trade unions, academics,

the legal profession, NGOs etc.) challenge the decisive and unilateral image of the

Sovereign State. Policy-making occurs at many levels with governments negotiating

with each other in Brussels and interest groups at the national level. These interest

groups add complexity to the picture. The steel masters of Brescia, for example may

be natural supporters of Italy’s xenophobic Northern League in the past but without

non-EU citizen labour their blast furnaces would grow silent. Farmers in East Anglia

may be supporters of the Tory Party (which has proposed a quota system for

economic migrants and refugees/asylum-seekers) but they certainly do not want this

to impact on their contracts with the large supermarkets.

In short, extra-territorial processing may become part of a package that

conceptualises forms of forced migration as a process of global management not as

fortress or zone building.

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Methodological Approaches This may be a naïve and untenable interpretation but it certainly is useful in

understanding how policy-makers and politicians may sell to themselves the extra-

territorial zone as a major part of the EU’s common European asylum system. A

constructivist approach to the evolution of zones and their future in European policy-

making may be a useful way forward. In this regard I have found the discussion by

Lucia Quaglia on the role of ideas in the advancement of European monetary

integration useful for my project15. Quaglia uses a three-level typology to explain

how ideas produced national interest for the promotion of the EMU in a given

Member States. First, the presence of an analytical imagination is advanced: several

different options are present to policy-makers and “the structural context did not

unambiguously prescribe a certain course of action”. So one would have to evaluate

in what way zones seize policy-makers’ analytical imagination. Second, one has to

measure the congruence of the content of beliefs of decision-makers and their

behaviour. Third, Quaglia prescribes an exercise in “process tracing”: “concisely

mapping the process by which the beliefs influenced policy-making, explains which

ideas carried more weight, how and why”16.

But there are several givens in which all three of these levels of constructing a

policy for extra-territorial zones operate. Within the broader public there is the

cognitive dissonance evident between the visions of floods

migrants/refugees/asylum-seekers and their actual numbers in the period surveyed

here (2001-2005). The numbers of asylum seekers arriving in the industrialised

world fell sharply for the third year in a row in 2004 and reached the lowest since

1988. In Europe the numbers were down to the levels of the late 1980s although

higher than for a few years in the mid-1990s. Thus the numbers of asylum seekers

entering Germany was the lowest since 1984, the Netherlands since 1988 and the UK

is back to numbers of the early 1990s17. This, as we know, did not prevent the issue

of migration becoming a major but not effective issue in the British electoral

campaign of 2005.

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Of course cognitive dissonance was even more dramatically displayed in the

British public’s attitudes towards Kosovar asylum seekers over five years earlier.

Within the space of one month the image in the tabloid press but also in opinion polls

in the spring of 1999 went from welfare scroungers to tragic ethnically cleansed

refugees18. This leads on to a series of interesting questions about the construction of

the issue amongst the broader public. The conceptualisation of what group or groups

we speak of is confused in the public’s mind: there is no clear differentiation

between refugee/ asylum seeker, non-European economic migrant and EU citizen in

search of employment. Indeed in the last case the accession to the EU of a largely

Eastern European contingent of Member States muddied the waters, with British

politicians engaging in extraordinary contortions. Thus the warning of millions

heading West, echoed the famous headline in the early 1990s of 25 million Russians

on the march west. Indeed the government made a virtue out of necessity. First

supporting a scheme to monitor the entry of Eastern and Central Europeans, and then

arguing that in a proposed new policy on migration that the very group which was a

threat a few months previously would be a useful pool of labour to decrease Britain’s

reliance upon citizens of non-European Union states. This approach came back to

haunt the government when the actual numbers entering the country over the

following three years was larger than predicted and not even known with any

precision19. What these events demonstrate, it that any constructivist approach to the

introduction of zone policy within the European Union must always factor in the

complicated, indeed to repeat, the contorted relationship of political class to the

general public over the issues of migration and (one might add) more recently

migration and terrorism20.

But within the political class and policy-making community of the European

Union two other bedrock issues shape the entire discussion of forced migration and

the building of zones and these go to issues I have addressed elsewhere21. Politicians

and policy-makers have certain bedrock ideas that are central to their self-image as

liberal democratic Europeans and policies are not merely tossed off because the

collective political and policy-making sovereign wishes to exercise its will, as

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Agamben seems to suggest. First, the essence of the Geneva Convention: non-

refoulement: The prohibition of the return of asylum-seekers to countries where their

lives would be endangered (underlined by the European Union’s recognition of the

anti-torture Convention). The search for safe third countries throughout the 1990s

and indeed the spread of the Geneva Convention to the southern and then eastern

European states in the past twenty-five years was spurred on to create a buffer of safe

space to send failed asylum-seekers. But it also has had the unintended or intended

effect of widening its remit: indeed now the major increases in-country refugees in

2004 in Europe was Slovakia and her neighbours. Nonfoulement is also central to the

construction of the paradox of Belmarsh and the debate over house arrest: the UK

government suspended aspects of the European Convention to protect the sanctity of

the Geneva Convention and the Convention against torture. In a more general sense

the Geneva Convention has been a liberal fiction or myth. In the past two decades

nearly 90% of landed refugees and asylum seekers in the European Union have never

been recognised with full Convention status. They have been the recipients of

humanitarian leave to remain or temporary protection and yet politicians and policy-

makers have very rarely openly called for the abolition of a status that is honoured

more in the breach than in its fulfilment22.

Yet, amazingly for some political scientists perhaps, politicians and policy-

makers have been motivated through ideas and beliefs. The unthinkable remains

unthinkable because of the collective self-construction of liberalism in which the

Geneva Convention has played a major part. The Geneva Convention has survived as

the boundary between liberal multilateralism and system of charity and/or states of

exception. It is also quite true that Geneva system produces a series of rules and

regulations and locks partners into a collective enterprise in which sovereign interests

may be best suited. As a series of recent historical studies have shown, through a

meticulous dissection of the importance of lessons learnt from the inter-war, war and

immediate post-war eras: but to repeat, ideas still matter: the calculations of rational

players will only take us so far23.

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That is why recent attempts to explain burden sharing through the use of

rational-choice theory are so wrong-headed24. Along with non-refoulement, burden

sharing is the other pole in the field of force in which the Geneva system in Europe is

understood. In the 1990s the European Commission wished to substitute burden

sharing with the more politically correct “balance of effort”. But this never caught

on. Burden-sharing along with unintended effects of obeying the injunction of not to

refouler, have shaped the entire architecture of liberal and/or fortress Europe. Burden

sharing in the 1990s essentially meant shifting the burden from the Germans to

everyone else and since 2000 to lessen the burden upon the British and others as the

lion’s share of asylum-seekers and refugees were shifted from Germany to her

partners. The combined effects of bilateral, multilateral and Community based

policy-making (safe third countries, readmission agreements, visa regulations, airport

checks, Dublin 1 and 2, Eurodac and the expansion of the Union itself) made it

extremely difficult for asylum-seekers and refugees to reach the inner core of

European Union25.

Events in Kosovo in the spring of 1999 joined together the issue of burden

sharing and extra-territorial zones. If the crisis had not been resolved and hundreds of

thousands of refugees remained encamped in Macedonia, Albania or Turkey for

longer than a brief spell, the Member States of the European Union and others were

envisaging accepting many thousands of refugees based on agreed system of burden

sharing. Thus the camps in Macedonia would have been the base for a gigantic

exercise in sharing the burden: camps of exception in a different sense that Agamben

meant. Of course that was not to be as the Serbia pulled out and the refugees returned

home. Several months later the European Union leaders met at Tampere and fleshed

out a Common European Asylum Policy to fulfil a remit spelt out in the Treaty of

Amsterdam. Tampere is where burden sharing and extra-territorial zones were

intimately linked from the start. As I have shown elsewhere, the attempt to

undermine the liberal architecture of refugee and asylum policy-making with a

disavowal of the basic tents of the Conventions was shot down26.

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The Search for Extra-territorial Camps However, burden sharing and limiting sovereignty (in the shape of qualified

majority voting) remained the most contentious issues after Tampere and forced the

Union into series of expedient deadlines to force Member States to harmonise policy

and lessen the issue of burden sharing. The deadline set by the Treaty of Amsterdam

(as demonstrated at Laeken and elsewhere) was not enough of a goad to action and

thus harmonisation and implicitly burden sharing was written into the European

Constitution. But since its ratification was unclear (and this turned out remarkably

prudent), the Member States signed the Hague Programme in the autumn of 2004 as

a rolling series of policy commitments to see out the decade and reach a promised

land of harmonisation and equitable burden-sharing. By the middle of the decade, the

signals from the European Union were mixed. In the period 2002-2005, the various

attempts by the Dutch, Danes and the British (with their “Vision Papers”) to

introduce zone-type camps into EU discussions only brought unease or official

opposition by other Member States27.

In the summer and autumn of 2004, Otto Schily, the one time opponent of

zones became their champion. In the wake of boatloads of migrants from Africa

landing on the Italian island of Lampedusa, Schily seemed to be won over to extra-

territorial zones: promoting them in Libya (his is reported saying – “if we stop boats

we have to create shelter for people. If we stop illegal migration we have to return

people to their country of origin”). Meanwhile, the Italians negotiated bilateral

arrangements with Colonel Ghaddafi. Schily was roundly condemned by Amnesty

International, which cited the poor human rights record of the Libyan regime. In one

case 18 illegal immigrants in Libya were dumped on the border with Niger and

perished of thirst in the desert: there are many other cases. At the same time it was

suggested by the Baltic States and Slovakia that Ukraine set up a processing centre to

deal largely with Chechens. Ukrainians were incensed because they were not

consulted. Nevertheless, European interior ministers agreed on five pilot schemes in

Tunisia, Morocco, Algeria, Mauritania and Libya (provided Libya signed the Geneva

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Convention on refugees) costing one million euros and largely financed by the

European Commission. These camps would not house deported migrants from

Europe and the entire programme would be supervised by UNHCR. Finally, in

November 2004, interior ministers approved the already mentioned Hague

Programme in which there were vague statements, which pledged the European

Union to look at the feasibility of joint processing of asylum applications outside and

inside of EU territory but camps were not openly discussed. Indeed in one of his

interviews incoming Justice and Security commissioner said: “Europe should never

promote such camps”.

If this brief overview demonstrates the Geneva Convention talisman still could

not be overthrown, one interesting consistent policy development was the closer

involvement of UNHCR, as envisaged in the documents since Amsterdam. Before

his clamorous resignation, Ruud Lubbers promoted his pet project Convention Plus

2002, pushing for greater European involvement in resettlement programmes that of

course could dovetail quite nicely with those advocating camps in Europe. The

Australians and the Americans always argued that their camps were acceptable

precisely because as countries of immigration and quota refugees they had more than

their fair share of migrants. The USA, Canada, Australia and New Zealand in 2004

accepted 100,000 refugees for resettlement, Europe a mere 470028.

To sum up, the march towards the establishment of a full-fledged system of

camps was uncertain but the theme was not going away. In the period from 2005 to

2007 rather than camps, stemming the flow of forced and economic migrants from

Asia and particularly Africa became increasing prominent. With thousands drowning

at sea, the way forward was through a renewed emphasis on root causes (partnership

with third countries and regions of origin and transit’ and a prominent use of EU

sanctioned border patrols – Frontex). There have also been several contentious

linkages between the UN and the EU (Global Forum on Migration and

Development)29.

But one should be cautious in arguing that camps are dead in the water. The

nature of European Union policy-making should cause one to be cautious. In the

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future a coalition of the willing (the Dutch, Danes and British or the Germans and the

Italians or some other permutation of Member States) might eventually bring the

policy to fruition at the level of the European Union. Thus the process of a single or

smaller group of like-minded Member States instituting policy decisions at the

national level, then flying it as Community soft law and then transforming it into

hard Community law may be torturous but it can be relentless for all that. Indeed it is

worth recalling that the concept of the “safe third country” originated as law in the

Danish parliament in 1986.

Conclusion It is now time to conclude. Gregor Noll has argued that the building of zones

was predicated on the creation of the states of the exceptional and locating the

refugee outside the domain of justice. But Europe has had too many countervailing

policies in this decade to assume that the trend is necessarily marching towards an

age of camps: thus Italian draconian immigration laws (which were not effectively

enforced and somewhat neutralised by amnesties) were counter-balanced by Spain’s

libertarian approach (which has since been tightened up significantly). It is

instructive to examine the parallel process of EU attempts to harmonise or

Europeanise the counter-terrorism strategies of the Member-States. Historical path

dependence (from constitutions, to police forces to political cultures) have been a

remarkable strong force preventing Europeanisation of counter-terrorism and perhaps

also partially explains why migration control itself had been not as securitised as one

would have predicted immediately after 9/11. The road to weaker forms of

cooperation and coordination seemed to have won out. It is also evident that similar

burden-sharing dynamics have appeared in this policy arena. Geo-politics and

national history are important: Malta and Slovenia are less worried about terrorism

than the UK and Spain, for example30. The strengthening of the European legal space

through the ratification of a Constitution or the current Lisbon Treaty and a stronger

and more effective United Nations may also be utopian. Prophecies of the rule of an

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exceptional regime or critics of human rights rhetoric (be they conservatives or post-

modernists) may be too hasty and certainly ambiguous nature of policy-making in

Europe. By her very nature the refugee has of course always lived in a state of

exception. Human rights “talk” should be taken at face value since restrains the

policy-makers and politicians who tempted to streamline procedures at its expense.

And thus I hope that my future project will be more nuanced than much of the work

being done on extra-territorial solutions. The recognition of refugee status or some

other temporary status is a decision of the nation-states who have signed the Geneva

Convention, but as Matthew Gibney has recently noted in a fine book, a pragmatic

humanitarianism and a sense of international solidarity have been and remain the

best way forward31, and the best way to promote human rather than homeland

security32.

1 C. Levy, European Refugee and Asylum Policy after the Treaty of Amsterdam: The Birth of a New

Regime?, A. Bloch and C. Levy (eds), Refugees, Citizenship and Social Policy in Europe, Macmillan,

Basingstoke, 1999, pp.12-50; C. Levy, C. Levy, The Geneva Convention and the European Union: A

Fraught Relationship, in J. van Selm, K. Kamanga, J. Morrison, A. Nadig, S. Spoljar Virinza and L.

van Willigen (eds), The Refugee Convention at 50: A View from Migration Studies, Lanham, MD,

Lexington Books, 2003, pp. 129-44; C. Levy, The European Union after 9/11: The Demise of a

Liberal Democratic Asylum Regime?, “Government and Opposition”, 40, 1, January 2005, pp. 26-59. 2 The latest and most comprehensive account of the European Far Right is, C. Mudde, Populist

Radical Right Parties in Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2007. 3 V. Guiraudon, Before the EU Border: Remote Control of the “Huddled Masses”, in K. Groenendijk,

E. Guild and P. Minderhoud (eds), In Search of Europe’s Borders, London, Kluwer Law

International, 2002. 4 J. van Selm (ed), Kosovo’s Refugees in the European Union, Continuum, London, 2000.

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220

5 J. van Selm, Refugees Protection Policies and Security Issues, E. Newman and J. van Selm,

Refugees and Forced Displacement: International Security, Human Vulnerability and the State,

Tokyo, United Nations Press, 2003; J. van Selm, Refugee Protection in Europe and the US after 9/11,

in N Steiner, M. Gibney and G. Loescher (eds), Problems of Protection. The UNHCR, Refugees and

Human Rights, London, Routledge, 2003, pp. 237-62; G. Noll, Negotiating Asylum: The EU Acquis,

Extraterritorial Protection and the Common Market of Deflection, Martinus Nijhoff Publishers, The

Hague, 2000; G. Noll, Visions of the Exceptional: Legal and Theoretical Issues Raised by Transit

Processing Centres and Protection Zones, “European Journal of Migration and Law”, 5, 2003; G.

Noll, Securitising Sovereignty: States, Refugees and the Regionalisation of International Law, in

Newman and van Selm, cit., pp. 277-305. 6 Inter alia, P. Tuitt, False Images. Law’s Construction of the Refugee, London, Pluto Press, 1996; N.

Soguk, States and Strangers. Refugees and the Displacement of Statecraft, Minneapolis, University of

Minnesota Press, 1999; T. Kushner and K. Denise Knox, Refugees in the Age of Genocide: Global,

National and Local Perspectives during the Twentieth Century, Taylor and Francis, London, 1999; I.

Ward, Identifying the European Other, “International Journal of Refugee Law”, 14, 2, 2002, pp. 219-

37. 7 See overviews in D. Villa (ed), The Cambridge Companion to Hannah Arendt, Cambridge

University Press, Cambridge, 2000; S. Benhabib, The Reluctant Modernism 0f Hannah Arendt,

Rowan and Littlefield, 2003. This discussion is also linked to a flourishing debate over the

connections between cosmopolitanism and our duties to displaced persons. See the eloquent treatise of

S. Benhabib, The Rights of Others: Aliens, Nationals and Citizens, Cambridge, Cambridge University

Press, 2004 and Another Cosmopolitanism, Oxford, Oxford University Press, 2006. 8 For Agamben’s discussion of the state of exception see, his State of Exception, University of

Chicago, Chicago, 2004. There is a vast literature invoking Agamben. In the Trinity Term 2007, the

Refugee Studies Centre in Oxford devoted an entire an entire seminars series to it. Entitled Camp Life:

Exception, Emergence and the Spaces of Forced Migration, it included the following papers:

B. Neilson, Policing the Borders of Politics: Camps in the global context.

N. Sigona, The comfort of exceptionality: Roma coping strategies in nomad camps in Italy.

J. Edkins, Missing displaced, disappeared: Persons in a state of emergency.

M. Duffield, Development and Emergency: Containing the Migratory Effects of Underdevelopment.

B. Diken, From Refugee Camps to Gated Communities: A Culture of Exception.

R. Andrijasevic, From Exception to Excess: Re-reading Detention and Deportation in Today’s

Europe.

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221

Other works to consult include: B. Diken and C. B. Lausten, The Culture of Exception – Sociology

Facing the Camp, London, Routledge, 2005; J. Huysmans, A. Dobson and R. Prokhovnik (eds), The

Politics of Protection: Sites of Insecurity and Political Agency, London, Routledge, 2005.

On the mental universe of Bush administration in this period, see the recent reviews of a vast subject:

L. Arimatsu, US Detentions. Long Legal Limbo, “The World Today”, February 2007, pp. 25-27; D.

Luban, The Defense of Torture, “New York Review of Books”, March 15, 2007, pp. 37-40; D. Cole,

The Man Behind Torture, “New York Review of Books”, December 6, 2007, pp. 38-44; A. Danchev,

Accomplicity: Britain, Torture and Terror, “The British Journal of Politics & International Relations”,

8, 4, 2006, pp. 587-601; C. Gearty, Terrorism and Human Rights, “Government and Opposition”, 42,

3, 2007, pp, 340-362. 9 Agamben, Visions, 2003, cit. 10 For a useful review of the evolution of EU policy in the last decade see, H. Wallace, W. Wallace

and M. Pollock (eds), Policy-making in the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2005,

Ch 18. 11 A recent account of immigration policy in Europe can be found in A. Geddes, The Politics of

Migration and Immigration in Europe, Sage, London, 2003; C. Parsons and T. Smeeding (eds),

Immigration and the Transformation of Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2006. 12 A good review of the concept ‘root causes’ can be found in C. Boswell, Preventing the Causes of

Migration and Refugee Flows: Towards a EU Policy Framework, “New Issues in Refugee Research”,

Geneva, UNHCR, 2002; C. Boswell, The “External Dimension” of the EU Immigration and Asylum

Policy, “International Affairs”, 79, 2003, pp. 619-638; G. Loescher and J. Milner, The Missing Link:

the Need for a Comprehensive Engagement in Regions of Refugee Origin, “International Affairs 79”,

2003, pp. 583-617. 13 The less than benign factors behind liberal interventionism are discussed at length in M. Duffield,

Global Governance and the New Wars, London, Zed Books, 2001; M. Duffield, Development,

Security and Unending War. Governing the World of Peoples, London, 2007. 14 G. Menz, The Political Economy of Managed Migration. The Role of Unions, Employers and Non-

Governmental Organizations in a Europeanized Policy Process, Oxford, Oxford University Press,

2008. 15 L. Quaglia, Italy’s policy towards European monetary integration: Bringing ideas back in?,

“Journal of European Public Policy”, 11, 6, 2004, pp. 1096-1111. 16 Cit., p. 1098. 17 UNHCR, 2005.

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222

18 van Selm, cit., 2000. 19 J. Salt and P. Rees, Globalisation, Population Mobility and the Impact of Migration on Population,

ESRC, London, 2006. 20 G. Lahav, Immigration and Politics in the New Europe, Cambridge, Cambridge University Press,

2004. 21 Levy 2005. 22 N. Steiner, Arguing about Asylum. The Complexity of Refugee Debates in Europe, Basingstoke,

Palgrave, 2001; L. Schuster, The Use and Abuse of Asylum in Britain and Germany, London, Frank

Cass, 2003; M. Gibney, The Ethics and Politics of Asylum: Liberal Responses to Refugees,

Cambridge, Cambridge University Press, 2005. 23 For historical studies see, G. Loescher, The UNHCR and World Politics. A Perilous Path, Oxford,

Oxford University Press, 2001; B. Cronin, Institutions of the Common Good: International Protection

Regimes in International Society, Cambridge, Cambridge University Press, 2003; M. Mazower, The

Strange Triumph of Human Rights 1933-1950, “Historical Journal”, 47, 2, 2004, pp. 379-398. 24 E.R. Thielemann, Why asylum policy harmonisation undermines refugee burden-sharing,

“European Journal of Migration and Law”, 6, 1, 2004, pp. 47-63; E.R, Thielemann and T. Dewan, The

myth of free-riding: refugee protection and implicit burden-sharing, “West European Politics”, 29, 2,

2006, pp. 351-369. 25 Levy 1999; Thielemann and Dewan 2006. 26 Levy 2005. 27 Levy 2005, 56-59. 28 R. Luubers, Put an end to their wandering, “The Guardian”, 20 June 2003. 29 D. Styan, The Security of Africans beyond borders: migration, remittances and London’s

transnational entrepreneurs, “International Affairs”, 83, 6, 2007, pp.1171-1175. 30 D. Haubrich, September 11, Anti-Terror Laws and Civil Liberties: Britain, France and Germany

Compared, “Government and Opposition”, 2003, pp. 4-28; C. Boswell, Migration Control in Europe

After 9/11: Explaining the Absence of Securitization, “Journal of Common Market Studies”, 45, 3,

2007, pp. 589-610; J. Monar, Common Threat and Common Response? The European Union’s

Counter-Terrorism Strategy and its Problems, “Government and Opposition”, Vol. 42, No.3, 2007,

pp. 292-313. 31 Gibney 2005. 32 For human rather than homeland security see C. Gearty, Terrorism and Human Rights,

“Government and Opposition”, 42, 3, 2007, p. 361.

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223

Also see, R. Jackson, Constructing Enemies: ‘Islamic Terrorism’ in Political and Academic

Discourse, “Government and Opposition”, Vol. 42, n. 5, pp. 394-426.

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Flexicurité et protection sociale

au regard de la démocratie

Andrée Kartchevsky

La flexicurité est un concept dont le flou est certainement utile; il s’agira alors

d’interpréter le phénomène social mis en œuvre par le recours à ce vocabulaire. La

vraie question qui se pose est celle du périmètre de la flexicurité, périmètre qui est un

enjeu de conflit potentiellement majeur.

La flexibilité pourra se décliner de différentes façons. Depuis les analyses

d’Atkinson (1984, 28-31) les quatre formes les plus importantes de flexibilité sont

ainsi définies:

la flexibilité numérique qui consiste à ajuster le nombre de salariés en

fonction des besoins par recrutement et licenciement;

la flexibilité du temps de travail qui ajuste les heures de travail et le

moment qui convient;

la flexibilité fonctionnelle qui peut être horizontale ou verticale et qui

est liée à une flexibilité organisationnelle;

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Flexicurité et protection sociale au regard de la démocratie

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226

la flexibilité salariale qui renvoie au taux auquel salaires nominaux et

salaires réels répondent aux changements de l’offre et de la demande de

travail.

La flexibilité numérique élevée a des conséquences négatives dont une faible

incitation de la part des entreprises à former leurs salariés et améliorer leurs

compétences; de la même manière elle réduit la responsabilisation des entreprises à

l’égard des problèmes de santé au travail. La flexibilité du temps est discriminante à

l’égard des femmes en particulier. La flexibilité fonctionnelle pose de façon aiguë le

problème des changements organisationnels qualifiants ou au contraire strictement

tayloriens voire encore traditionnels. Quant à la flexibilité salariale, elle est

étroitement liée à la corrélation chômage/inflation salariale: jusqu’à quel point le

taux moyen de croissance du salaire réagit-il à l’augmentation ou à la baisse du

chômage?

La flexibilité s’opère ainsi quantitativement aussi bien que qualitativement, en

séparant la main-d’œuvre du marché interne et celle du marché externe, en

distinguant une employabilité différenciée suivant l’âge, le sexe ou l’origine

ethnique, en substituant à la catégorie agrégative de la qualification celle

individualisante de la compétence, en recherchant les “potentiels” éventuellement à

travers les expatriations, en individualisant les rémunérations, en démultipliant les

types de contrats, en admettant qu’au cours de l’existence on pourra changer non

seulement de métier, mais aussi d’employeur, d’habitat, de statut.

La flexibilité, à travers les différentes modalités qu’elle peut revêtir, génère

pour les travailleurs une instabilité et une insécurité de l’emploi. Si on définit la

stabilité de l’emploi comme la continuité du lien entre un salarié et une entreprise et

la sécurité comme le fait pour une personne de demeurer employée sans interruption

“durable” même s’il y a changement d’entreprise, on observera que “la croissance de

l’instabilité de l’emploi s’explique d’abord par l’augmentation du poids des services

dont l’instabilité est forte et par la baisse corrélative du poids de l’industrie où elle

est plus faible. Elle s’explique aussi par les changements dans les modes de

production et de gestion de la main-d’œuvre” (Cerc 2005, 10).

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Flexicurité et protection sociale au regard de la démocratie

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227

La flexicurite: comment? Le Conseil européen de Lisbonne s’est fixé pour objectif de faire de

l’économie européenne, à la fin de la décennie 2000, “l’économie de la

connaissance” la plus compétitive et la plus dynamique du monde, avançant pour ce

faire, cinq priorités dont “l’éducation et la formation tout au long de la vie”. Dans la

même perspective les 23 lignes directrices pour l’emploi élaborées par la

Commission européenne en 2003 pour la période 2005-2008 considèrent que “la

mise en place d’un équilibre adéquat entre flexibilité et sécurité est indispensable

pour soutenir la compétitivité des entreprises, améliorer la qualité et la productivité

du travail et faciliter la capacité d’adaptation des entreprises et des travailleurs aux

mutations économiques”. La ligne 20 vise à “favoriser la flexibilité en la conciliant

avec la sécurité de l’emploi”. La flexicurité a jusqu’ici été considérée comme

l’association de deux termes, la flexibilité recherchée par les entreprises et supportée

par les travailleurs, la sécurité revendiquée par les travailleurs et que devraient leur

procurer les entreprises. Mais le néologisme n’est pas la simple juxtaposition ou

cohabitation de deux termes, il est l’intégration de deux exigences qui doivent en

s’associant trouver à pouvoir s’intégrer. Au moment d’aborder la question du

“comment” reprenons la définition de la flexicurité proposée par ses partisans:

Le concept de flexicurité repose sur l’hypothèse que la flexibilité et la sécurité ne sont

pas contradictoires mais complémentaires, voire solidaires. Il associe un faible niveau de

protection des travailleurs contre les licenciements à des indemnités de chômage élevés et une

politique du marché du travail reposant sur l’obligation et le droit des chômeurs à la formation.

La sécurité de garder un emploi est remplacée par la sécurité de trouver un emploi. Le dialogue

social entre employeurs et salariés est un élément important du modèle de flexicurité.

La flexibilité, qui s’impose ainsi comme une exigence avec une série de risques

majeurs pour l’entreprise et surtout pour les travailleurs et à laquelle des modalités

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nouvelles de sécurité pourraient éventuellement apporter des aménagements, peut

être étudiée sous deux angles complémentaires.

Du point de vue des formes qu’elle peut revêtir les doublons pouvant être

employés ne manquent pas: flexibilité statique et dynamique, flexibilité produit et

procédé, flexibilité externe et interne, flexibilité quantitative et qualitative, flexibilité

de réponse et d’initiative, flexibilité technique et financière. Si la flexibilité se

présente ainsi sous des formes différentes, la sécurité est, elle aussi,

multidimensionnelle: “la sécurité de l’emploi (job security) renvoie à la possibilité de

garder un emploi déterminé chez un employeur déterminé. C’est celle que vise la

protection de l’emploi. La sécurité d’emploi et d’employabilité (employment

security) est plus large; elle recouvre la possibilité de détenir un emploi (pas

forcément toujours chez le même employeur) et de ne pas être au chômage: la

formation continue dans l’entreprise et hors de l’entreprise (“formation tout au long

de la vie”), ainsi que l’ensemble des mesures de la politique active de l’emploi

contribuent à cette forme de sécurité. Le “contrat d’activité” se situe aussi dans cette

logique. La sécurité de revenu (income security) est encore plus englobante; elle

renvoie à la possibilité d’obtenir un revenu tout au long de sa vie, et notamment, hors

des périodes d’emploi. Elle dépend donc du système de protection sociale au sens

large (intégrant notamment les politiques “passives” de l’emploi comme

l’indemnisation du chômage). Enfin on peut distinguer une quatrième forme de

sécurité, non réductible aux trois autres, la sécurité de conciliation (combination

security) qui renvoie à la possibilité de pouvoir concilier, au cours de son cycle de

vie, son activité rémunérée avec d’autres activités (notamment familiales).

Du point de vue des modalités permettant d’exploiter ces différentes formes de

flexibilité on pourra distinguer une flexibilité imposée par l’entreprise, une flexibilité

imposée par les pouvoirs publics et, présentant sans doute plus d’avantages, une

flexibilité négociée par les partenaires sociaux. Chacune d’elle appellera des

réponses adaptées et si l’on entend concilier sécurité et flexibilité, “pour progresser,

il est nécessaire que soient abordés conjointement les questions relatives au

licenciement et celles des aménagements à apporter aux contrats de travail, aux

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modalités de l’assurance chômage et aux différentes aides aux demandeurs

d’emploi” (Cerc 2005, 21). La flexicurité concernera donc aussi bien le contrat de

travail (en substituant éventuellement à la multiplication actuelle, fruit de politiques

de l’emploi∗, un contrat unique assurant simultanément flexibilité à court terme pour

l’entreprise et sécurité à long terme pour le travailleur), que le type de rémunération

(avec partie fixe, partie variable, avantages sociaux et avantages divers permettant à

l’entreprise une certaine souplesse de gestion de l’individualisation, au travailleur

une certaine maîtrise de ses revenus et au collectif de travail un certain sentiment de

justice), que la formation (adaptant celle-ci aux besoins de l’entreprise comme à

l’âge et aux désirs des travailleurs), que la protection sociale (par le moyen d’une

“sécurité sociale professionnelle”).

“Dans un contexte de développement de la flexibilité externe, la diversification

des formes de mobilisation du travail s’accompagne de trajectoires professionnelles

et de situations d’emploi elles-mêmes plus diversifiées. En conséquence la question

peut se poser en matière de droits sociaux, de protection sociale et de formation

professionnelle qui intègrent à la fois la sécurisation de l’activité professionnelle à un

moment donné et celle des parcours professionnels dans son ensemble” (CES 2006)∗.

Nous sommes par là même invités à porter de façon privilégiée notre attention sur la

protection sociale.

∗ La loi de programmation sociale du18 janvier 2005 les a remplacés par quatre dispositifs: contrat

initiative – emploi, contrat insertion – revenu minimum d’activité, contrat d’accompagnement dans

l’emploi (CAE), contrat d’avenir. ∗ Dans la partie de son avis consacré au volet emploi, le Conseil économique et social fait quatre

propositions: accroître l’efficacité de l’aide à la recherche d’emploi, favoriser la formation

professionnelle, sécuriser les parcours professionnels des salariés, encourager un développement de

l’emploi indépendant.

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Flexicurite et protection sociale Qu’en est-il de l’impact de la flexicurité sur la protection sociale, si l’on tient

compte du fait que les entreprises financent des régimes de protection sociale: des

régimes de retraite complémentaire ou surcomplémentaire; des régimes de

prévoyance qui versent des prestations en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité

temporaire; des assurances couvrant les frais médicaux en sus de la couverture de

base assurée par la Sécurité Sociale (les prestations étant versées par un organisme

assureur extérieur à l’entreprise).

Il convient tout d’abord d’affirmer que la protection sociale française (mais

aussi dans d’autres pays de l’UE) est un terrain d’interaction complexe entre la

législation du travail, les accords interprofessionnels, les conventions collectives de

branche et les initiatives des entreprises. Qu’est-ce qui détermine alors les frontières

entre l’obligatoire et le facultatif, ou celles entre dispositifs nationaux, de branche ou

d’entreprise? Une autre interrogation renvoie au va-et-vient entre obligatoire et

facultatif.

De manière générale, les droits des salariés aux indemnités (licenciement,

départ en retraite, maintien du salaire durant des congés) sont régis pas le Code du

travail qui requiert des niveaux minimaux. Ces minima sont souvent dépassés par les

conventions collectives de branches et parfois les entreprises dépassent à leur tour la

négociation de branche. Ces droits augmentent avec l’ancienneté: la durée du

maintien du salaire ainsi que le montant des indemnités de départ sont fonction du

nombre d’années de service dans l’entreprise. Les salariés nouvellement embauchés

ne commencent à bénéficier de ces droits qu’à partir d’une certaine ancienneté. Ces

compléments du salaire ont en commun le fait qu’ils récompensent la stabilité. Si un

salarié quitte son emploi, il subit une réduction de ces droits même s’il est embauché

immédiatement ailleurs. À la différence des indemnités légales ou conventionnelles,

les droits des salariés aux prestations des régimes de retraite complémentaire ou

d’assurances collectives ne sont pas fonction de l’ancienneté dans l’entreprise: ils ne

motivent donc pas le personnel à rester dans l’entreprise, ou du moins pas

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directement. (Les régimes de retraite “maison” peuvent constituer une exception à ce

constat).

Les régimes de la protection sociale d’entreprise sont cofinancés par les

salariés et les employeurs et assurés par des organismes extérieurs à l’entreprise.

L’une des différences importantes entre la Sécurité Sociale et l’assurance réside dans

le fait que la première intervient sur des régimes – c’est-à-dire des prestations et des

cotisations – alors que la seconde vise des organismes. Cette différence d’approche

n’a rien de surprenant pour tout ce qui relève de l’assurance classique. Mais elle pose

problème pour la partie de l’assurance qui vise à offrir des couvertures sociales à des

assurés.

La protection sociale complémentaire emprunte à la double logique de la

Sécurité Sociale et de l’assurance. On passe graduellement d’une logique de régime

social à une logique de contrats collectifs ou individuels avec des organismes

indépendants dont l’objectif peut dans certains cas être social mais n’est pas en tout

cas de réaliser une nouvelle Sécurité Sociale. De plus, la frontière entre la Sécurité

Sociale et les protections complémentaires étant mouvante, elle tend à s’infléchir

depuis plusieurs années au détriment de la première. La tendance est à la réduction

de couverture et au transfert de fait vers les régimes complémentaires. Les mesures

fiscales d’exonération des cotisations à des régimes de protection sociale, de l’impôt

sur les revenus des entreprises et sur le revenu des salariés fournissent une puissante

motivation pour les salariés comme pour les employeurs à instaurer ou augmenter les

cotisations à de tels régimes, plutôt que d’augmenter les salaires.

Mais dans les entreprises, ce sont les directions qui prennent l’initiative de la

mise en place des régimes. Ce sont les directions qui négocient avec les assureurs; la

désignation de ces derniers est leur apanage. Ceci a conduit les grandes entreprises

d’abord, puis d’autres de plus petite taille, à disposer d’un outil non négligeable de

détermination de rémunérations “personnalisées”. Mais bien au-delà de cet aspect, et

pour synthétiser, nous dirons que les avantages qu’en retirent les entreprises sont de

plusieurs types:

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les firmes les plus performantes peuvent améliorer de manière sélective

la rémunération des cadres;

ces compléments sont des opportunités que l’on ne peut ignorer,

puisque l’évolution des salaires directs est délimitée par les pouvoirs

publics et par les accords de branches;

la protection sociale complémentaire peut aussi être un facteur de paix

sociale;

les cotisations patronales sont déductibles du bénéfice imposable;

les contrats de prévoyance accentuent de manière générale la

dépendance des salariés vis-à-vis de l’entreprise.

Quand le tour d’horizon est fait, il apparaît aussitôt qu’une figure centrale a

fondé tous les systèmes de protection sociale: l’activité salariée (en tant que

condition première de l’intégration sociale). Là-dessus, le consensus est large: toutes

les solutions passent par l’emploi. Toutes les mesures prises, qu’il s’agisse des

conquêtes fondamentales ou de mesures préventives, doivent être entendues comme

des contreparties au travail. La société a opté pour une sécurité non pas individuelle

et fondée sur l’épargne, mais sociale et fondée sur la prévoyance obligatoire. Mais si

tout le système de protection sociale a été basé à la fois sur la solidarité et sur la

“prévoyance obligatoire”, encore faudrait-il que tout le monde ait un revenu; un

salaire duquel sont prélevées les cotisations.

En fait, toute l’organisation des transferts de ressources se fait entre des

individus dont les droits naissent dans le fait qu’ils sont tous des travailleurs, l’ont

été, le seront. Le débat sur assurance/solidarité reflète le partage entre ceux qui

disposent d’un emploi et ceux qui n’en ont pas. L’emploi est un clivage majeur.

Conclusion Les systèmes sociaux et institutionnels (en effet chaque individu relève d’une

institution spécifique en fonction de son statut) sont caractérisés par le

cloisonnement; ce cloisonnement lui-même génère de la concurrence entre les

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différents acteurs, les diverses parties prenantes: Etat, employeurs, syndicats, mais

aussi et de plus en plus les régions, ou encore les branches; ceci évidemment ne

milite pas en faveur de parcours professionnels sécurisés qui nécessiteraient pour leur

mise en œuvre, non seulement transparence financière, mais aussi la cohérence des

dispositifs de façon à assurer la “transférabilité” des droits sociaux. Et à cet égard on

ne peut que noter et critiquer l’absence de la négociation interprofessionnelle.

Ceci suppose que les droits attachés à la personne reposent sur la solidarité et

non sur un principe assurantiel et que par ailleurs soit mise en place une

capitalisation effective des droits “sur une période suffisante” comme le suggèrent

Méda et Minault (2005). La gestion de ces droits renvoie alors à la question que nous

avons évoqué ci-dessus, à savoir celle de la désignation de l’instance en charge de

cette gestion. D’où la nécessité de définir de nouveaux compromis institutionnels

entre l’Etat, ses diverses composantes décentralisées et les partenaires sociaux de

façon à reconfigurer les responsabilités respectives des uns et des autres.

La question en définitive est la suivante: comment moderniser la protection

sociale, afin qu’elle offre à tous la sécurité par rapport aux risques de la vie et qu’elle

favorise ou améliore l’accès à l’emploi? Ceci signifie une approche de la flexicurité

alliant fonctionnement du marché du travail, protection sociale, capital humain et

gouvernance (notamment des services publics de l’emploi de qualité). Autrement dit

un programme doté d’un volontarisme politique avéré.

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A la recherche de la société civile

dans le cadre de l’Union

européenne. Des discours à l’action

Nicole Kerschen et Isabelle Roussel-Verret

Il est temps de reconnaître que l’Union européenne est passée d’un processus

diplomatique à un processus démocratique et que ses politiques influencent profondément les

sociétés nationales et la vie de tous les jours (Livre blanc sur la gouvernance européenne,

2001)

Lorsque nous avons décidé de nous intéresser à la société civile dans le cadre

de l’Union européenne, nous nous sommes engagées en terre inconnue. Nous

venions de terminer deux études sur la place des partenaires sociaux dans la stratégie

européenne pour l’emploi et nous voulions étendre la recherche à un nouvel acteur, à

savoir la société civile (Kerschen 2005; Kerschen et Roussel-Verret 2006). Or, en

tant que juristes du travail, spécialisées dans les politiques sociales, nous n’avions

jusque là que très peu rencontré la société civile. En France, les mouvements de

chômeurs avaient fait leur apparition dans les années 70 et des ONG s’étaient

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A la recherche de la société civile dans le cadre de l’Union européenne

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240

engagées, dans les années 80, dans la lutte contre la pauvreté et pour l’insertion

sociale, notamment dans le cadre du revenu minimum d’insertion (RMI). Au niveau

européen, la Plate-forme des ONG européennes du secteur social avait été créée à la

suite de la publication du Livre vert (1993) et du Livre blanc (1994) sur la politique

sociale européenne. Les institutions européennes tentaient de mobiliser la société

civile en vue de promouvoir une citoyenneté européenne active. Elles prônaient

également le dialogue civil dans le cadre d’une “gouvernance ouverte” associant

étroitement, sous diverses formes de partenariat, l'Union, les États membres, les

collectivités régionales et locales, ainsi que les partenaires sociaux et la société

civile. Comment pouvions-nous aborder la société civile, qui nous apparaissait

comme une “boîte noire”?

Une des difficultés consistait aussi dans le vocabulaire utilisé. Suivant la nature

du document, l’institution, qui s’exprimait ou le domaine d’action concerné, on

parlait tantôt de société civile, de société civile organisée, d’organisations non

gouvernementales, d’associations représentatives, de parties intéressées ou de parties

concernées, mais aussi de démocratie participative et de dialogue civil.

Nous nous sommes intéressées, en premier lieu, aux discours développés par

deux institutions européennes, le Comité économique et social européen, d’une part,

et la Commission des Communautés européennes, d’autre part. Ces deux institutions

ont des conceptions différentes du rôle que doit jouer la société civile dans le cadre

de l’Union européenne. Elles se sont livrées bataille avant d’adopter des positions

complémentaires. Nous avons enrichi cette problématique grâce à une approche plus

dynamique, consacrée à la société civile en action. D’une part, nous avons observé

des acteurs de la société civile dans le cadre de deux stratégies européennes, fondées

sur la “méthode ouverte de coordination”, à savoir la stratégie coordonnée pour

l’emploi et la MOC inclusion sociale. D’autre part, nous avons replacé la société

civile dans l’architecture globale du fonctionnement de l’Union européenne, en

articulant la démocratie participative avec la démocratie représentative et le dialogue

civil avec le dialogue social.

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A la recherche de la société civile dans le cadre de l’Union européenne

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241

Dans le cadre de ce texte, nous présentons les résultats d’une étude

exploratoire, qui nous a permis, par la suite, d’élaborer un projet de recherche,

intitulé “Société civile et européanisation des politiques sociales”, en abrégé

“EUROCIVIS”, en réponse à un appel d’offres de l’Agence Nationale de la

Recherche (ANR) sur la thématique “Gouverner et administrer”. Ce projet de

recherche a été retenu pour financement et les travaux de recherche, qui ont

commencé en décembre 2008, vont s’étendre sur trois ans. Dans ce cadre, les

différentes pistes de recherche, qui ont été ouvertes lors de l’étude exploratoire,

seront poursuivies.

Partie I. La société civile vue par les institutions européennes La société civile a progressivement émergé dans le cadre de l’Union

européenne à partir du milieu des années 90.

A notre connaissance, les institutions européennes n’ont eu que des contacts

ponctuels avec les organisations non gouvernementales avant 1992. La Déclaration

n. 23 annexée au Traité de Maastricht (1992) fait référence à la coopération entre les

institutions européennes et les associations de solidarité, en visant les associations en

tant qu’institutions responsables d’établissements et de services sociaux.

En novembre 1993, la Commission des Communautés Européennes publie le

Livre Vert sur la politique sociale européenne. Il s’agit du premier document officiel

qui aborde de façon explicite les politiques sociales européennes et qui vise à lancer

le dialogue avec les ONG. Un groupe d’ONG se mobilise et travaille ensemble pour

organiser, en avril 1994, un Forum des ONG consacré au Livre Vert. Cette

coopération entre ONG se poursuit ensuite de façon informelle. En 1995, les ONG

du secteur social décident de renforcer leurs contacts, afin de développer un cadre

permanent de coopération. L’objectif principal est de permettre au secteur associatif

d’établir un dialogue plus large et plus suivi avec les institutions européennes sur les

questions de politique sociale. C’est dans ce contexte que la Plate-forme des ONG

européennes du secteur social est créée. Elle constitue une alliance de plus de 40

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A la recherche de la société civile dans le cadre de l’Union européenne

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organisations non gouvernementales, fédérations et réseaux européens. Elle cherche

à développer le dialogue civil entre les ONG européennes et les institutions de

l’Union européenne. Pour elle, les ONG devraient être considérées comme des

partenaires à part entière et être consultées par les décideurs politiques à tous les

niveaux sur toute question importante.

La bataille des institutions entre 1999 et 2001 A la fin des années 1990, le Comité économique et social européen et la

Commission ont proposé des approches différentes concernant les relations entre la

société civile et les institutions européennes. Le Comité économique et social

européen s’est positionné comme intermédiaire entre la “société civile organisée” et

l’Europe, alors que la Commission a souhaité maintenir un dialogue aussi ouvert que

possible avec toutes “les parties intéressées”.

Le Comité économique et social européen, un pont entre l’Europe et la société

civile organisée

Le Comité économique et social européen (dit “Comité” par la suite), instance

européenne à caractère consultatif, est composé de représentants des différentes

catégories de la vie économique et sociale, notamment des producteurs, des

agriculteurs, des transporteurs, des travailleurs, des négociants et artisans, des

professions libérales et de l’intérêt général. Il a émis, en septembre 1999, un avis sur

“le rôle et la contribution de la société civile organisée dans la construction

européenne” (Comité économique et social européen 1999a). Cet avis a servi de

document de base pour les travaux de la première Convention de la “société civile

organisée au niveau européen”, qui s’est tenue à l’initiative du Comité, en octobre

1999 (Comité économique et social européen 1999b et c).

Dans cet avis, le Comité s’est positionné comme le représentant de la “société

civile organisée” à partir d’un argumentaire très détaillé.

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A la recherche de la société civile dans le cadre de l’Union européenne

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243

Pour le Comité, il n’existe pas de théorie faisant autorité à propos de la société

civile. La société civile est “un concept global désignant toutes les formes d’action

sociale d’individus ou de groupes, qui n’émanent pas de l’Etat et qui ne sont pas

désignés par lui”. Il s’agit d’un “concept culturel”, qu’il faut associer à des valeurs

telles que le pluralisme, l’autonomie des citoyens, la solidarité, la visibilité,

l’éducation, la responsabilité et la subsidiarité. Plus largement, la société civile doit

être considérée comme le troisième élément à côté de l’Etat et du marché.

A partir de cette vision, le Comité a tenté de définir la “société civile

organisée”, ainsi que les acteurs la composant. La société civile organisée est

considérée comme “l’ensemble de toutes les structures organisationnelles dont les

membres servent l’intérêt général par le biais d’un processus démocratique basé sur

le discours et le consensus et jouent également le rôle de médiateurs entre les

pouvoirs publics et les citoyens”.

Font partie de la société civile organisée ainsi définie:

les “acteurs du marché du travail”, c’est-à-dire les partenaires sociaux;

les organisations représentatives des milieux socio-économiques, qui ne

sont pas des partenaires sociaux au sens restreint;

les organisations non gouvernementales, qui unissent les personnes sur des

causes communes;

les organisations de base, c’est-à-dire les organisations issues du centre et

de la base de la société et poursuivant des objectifs axés sur leurs

membres;

les communautés religieuses.

L’avis fournit quelques exemples concrets de classement d’organisations dans

ces catégories. Les organisations de défense des droits de l’homme et les associations

caritatives se retrouvent dans le troisième groupe, alors que les mouvements de

jeunesse et les associations familiales sont rangés dans le quatrième groupe.

Le Comité prône ensuite une sélection parmi les organisations appartenant à la

société civile, qui “vont des lobbies menant des actions spécifiques aux organisations

extrêmement organisées”. Pour identifier les organisations faisant partie de la société

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A la recherche de la société civile dans le cadre de l’Union européenne

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civile organisée, deux critères sont utilisés, à savoir l’existence de structures de base

et la représentativité qualitative et quantitative dans le domaine d’action concerné.

La société civile organisée doit avoir avant tout une fonction de médiation

entre les citoyens et les institutions européennes. Le dialogue social peut à ce titre

faire office de modèle de référence. Mais le dialogue civil ne doit pas remplacer le

dialogue social. Bien plus, il doit constituer un complément nécessaire au dialogue

social (cf. Partie II). De par sa composition et l’indépendance de ses membres, qui ne

doivent être liés par aucun mandat impératif et qui doivent exercer leur fonction dans

l’intérêt général de la Communauté, le Comité se voit comme le porte-parole de la

société civile organisée et comme une enceinte institutionnelle de rencontre de la

société civile organisée

Lors de la première Convention de la “société civile organisée au niveau

européen” (octobre 1999), plusieurs critiques ont été formulées à l’égard du Comité

comme forum représentatif du dialogue avec la société civile. La composition du

Comité ne tiendrait pas suffisamment compte des ONG et des changements

intervenus dans la société civile organisée. De par le mode de désignation de ses

membres, qui sont nommés par le Conseil de l’Union européenne, statuant à la

majorité qualifiée, sur proposition des Etats membres, le Comité ne représenterait

que les organisations nationales et non pas les réseaux européens. En conséquence,

des propositions concrètes ont été formulées en vue d’un renforcement des relations

avec les organisations de la société civile, qui ne sont pas représentées en son sein

(auditions, initiatives communes, communication des expériences de terrain,

utilisation d’experts en provenance d’organisations externes…) (Comité économique

et social européen 1999c).

Une gestion ouverte des affaires publiques, comme position de la Commission

des Communautés Européennes

C’est dans le cadre du processus d’élaboration politique, que la Commission se

positionne par rapport à la société civile, et plus particulièrement par rapport aux

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ONG. Elle entend entamer un dialogue avec toutes “les parties intéressées” dès le

début du processus. Sa politique de consultation est axée sur le principe d’ouverture.

Dans un document de discussion intitulé “la Commission et les organisations

non gouvernementales: le renforcement du partenariat”, la Commission a rendu

public, en janvier 2000, sa position. La publication de ce document précède de

quelques semaines le Conseil Européen de Lisbonne de mars 2000, qui a adopté

la méthode ouverte de coordination” proposant un partenariat à la société civile. Ce

document contient une définition des ONG, une présentation de leurs fonctions au

niveau européen, ainsi qu’une proposition de guide de bonne pratique avec des

critères de sélection des ONG à inclure dans les consultations opérées par la

Commission (Commission 2000).

La Commission propose une définition de l’expression “ONG”. Une définition

légale ne lui semble pas pertinente, eu égard à la grande diversité des statuts régissant

les activités des ONG, à savoir les organisations charitables, les associations sans but

lucratif ou encore les fondations.

Par contre, toutes les ONG ont en commun les caractéristiques suivantes:

elles n’ont pas été créées pour réaliser des profits personnels,

elles ont des activités bénévoles,

elles se distinguent des groupes informels ou ad hoc par un certain degré

d’existence formelle ou institutionnelle,

elles sont indépendantes, en particulier des gouvernements et des pouvoirs

publics, mais aussi des partis politiques et des organisations commerciales,

elles sont désintéressées quant à leurs objectifs et aux valeurs qu’elles

défendent.

Sur le plan fonctionnel, les ONG peuvent avoir des activités opérationnelles,

par exemple en tant que prestataires de services dans le cadre de la protection sociale,

ou leur objectif premier peut être de défendre certains intérêts en influençant les

politiques des pouvoirs publics. Il faut signaler que la Commission n’exclut pas les

syndicats et les organisations sectorielles ou professionnelles, mais elle donne la

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246

priorité aux ONG actives dans le “secteur tertiaire”, c’est-à-dire dans les domaines

relevant ni du Gouvernement ni du secteur marchand.

En partant de cette définition, la Commission énumère les fonctions qu’elle

entend faire jouer aux ONG. Elles auront pour première fonction de renforcer la

“démocratie de participation” fondée sur le droit d’association des citoyens pour

poursuivre un but commun, au-delà des partis politiques et des syndicats. Elles

représenteront auprès des institutions européennes certaines catégories particulières

de citoyens, par exemple les groupes de population les plus pauvres, Elles

contribueront à la réussite des politiques européennes, en intervenant en amont dans

la définition des politiques, grâce à leur connaissance du terrain en termes

d’information, d’expérience et de savoir-faire, et en aval dans la gestion, la

surveillance et l’évaluation de projets financés par l’Union européenne. Les réseaux

européens d’ONG apporteront une contribution à la formation d’une “opinion

publique européenne”.

Pour faire face à ces différentes fonctions, la Commission entend proposer aux

ONG, plusieurs modes de dialogue et de consultation. Outre les consultations dans le

cadre des Livres verts, des Livres blancs et des Communications, elle entend

développer des réunions ad hoc entre les services de la Commission et les ONG,

telles qu’elles sont pratiquées entre la Direction générale “emploi et affaires sociales”

et des ONG européennes ou nationales, une coopération plus structurée, comme par

exemple les réunions bisannuelles entre les services de la Commission et les

organisations membres de la Plateforme des ONG européennes du secteur social,

voire des consultations formalisées dans le cadre de comités ad hoc, comme le

comité consultatif des coopératives, mutuelles, associations et fondations établi

auprès de la Commission pour la conseiller en matière d’économie sociale.

La Commission propose enfin d’encadrer le dialogue et la consultation par un

guide de bonne pratique, c’est-à-dire un ensemble de principes permettant de mieux

structurer les relations entre elle et les ONG. La principale question, qui est posée,

concerne la représentativité des ONG. La Commission désire engager le dialogue

avec des “ONG démocratiques et transparentes quant à leurs membres”, enracinées

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dans les différents Etats membres de l’Union européenne, ayant une expérience

prouvée dans le domaine et capables de contribuer de manière substantielle à la

discussion. Elle se déclare également en faveur de “l’autosélection” par la

communauté des ONG, par la désignation des représentants et l’établissement de

réseaux ou de plateformes.

En dernier lieu, la Commission se déclare opposée à la reconnaissance d’un

statut consultatif officiel selon les systèmes d’accréditation en vigueur aux Nations

Unies et au Conseil de l’Europe. Elle s’interroge également sur la nécessité d’une

base juridique dans les Traités régissant le dialogue entre les ONG et les institutions

européennes.

La reconnaissance de deux approches complémentaires Cette bataille des institutions s’est soldée, d’une part, par la consécration du

Comité économique et social européen comme intermédiaire privilégié entre les

institutions européennes et la société civile organisée et, d’autre part, par une

institutionnalisation progressive de la consultation des parties intéressées et du

dialogue civil sous l’égide de la Commission. Loin de s’opposer, ces deux approches

se sont révélées complémentaires et offrent à la société civile un rôle important.

La consécration du Comité économique et social européen par le Traité de

Nice (2000)

Le Comité a obtenu sa consécration comme intermédiaire privilégié entre les

institutions européennes et la société civile grâce à la modification de l’article 257 du

Traité CE par le Traité de Nice (2000). Le nouveau texte prévoit qu’il est “composé

de représentants des différentes composantes à caractère économique et sociale de la

société civile organisée”. Pour qu’il puisse pleinement jouer son nouveau rôle, le

Livre blanc sur la Gouvernance Européenne (2001) a proposé un changement des

modalités de coopération entre le Comité et la Commission. Le Comité devrait

intervenir en amont du processus législatif en préparant des avis et des rapports

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248

préliminaires. Cette intervention, à un stade plus précoce, devrait lui conférer une

véritable influence au-delà de la consultation obligatoire prévue par les traités, après

transmission des propositions législatives (Commission 2001, 18). Dans ce but, la

Commission a conclu en 2001 un protocole de coopération avec le Comité, dans

lequel il est prévu notamment de renforcer le rôle d’animateur du Comité en matière

de dialogue avec la société civile organisée en le chargeant d’organiser des

consultations pour le compte de la Commission (Commission et Comité économique

et social européen 2001, 8).

La promotion d’une culture renforcée de consultation et de dialogue par la

Commission

Quant à la Commission, elle a réaffirmé fermement sa position d’une

“gouvernance ouverte” en approfondissant ses arguments. Dans le Livre blanc sur la

Gouvernance Européenne (2001), elle a proposé de renouveler la méthode

communautaire en suivant une approche partant davantage de la base que du

sommet. Son objectif est d’accroître la participation de toutes les parties intéressées

et principalement de la société civile, qu’elle définit en se calant sur la définition

proposée précédemment par le Comité économique et social européen (Commission

2001 réf. 9). L’attitude positive de la société civile à l’égard de l’Europe – “la société

civile considère que l’Europe offre de bonnes chances de modifier les orientations

politiques et de changer la société” – lui semble fournir de nouvelles perspectives

pour élargir le débat et pour faire participer plus activement les citoyens à la

réalisation des objectifs de l’Union. La Commission entend s’appuyer sur “une

culture renforcée de consultation et de dialogue” (Commission 2001, 20).

Dans une Communication intitulée Vers une culture renforcée de consultation

et de dialogue, la Commission a défini précisément sa ligne de conduite en matière

de contacts directs avec les parties intéressées (Commission 2002). Il s’agit de

“donner aux parties concernées la possibilité de s’exprimer, mais non de participer au

processus décisionnel”. Cette vision restrictive du rôle de la société civile semble

résulter de la résolution du Parlement européen concernant le Livre blanc précité,

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249

dans laquelle celui-ci a rappelé que “la consultation des milieux concernés […] ne

pourra toujours que compléter et non pas remplacer les procédures et décisions des

institutions législatives et démocratiquement légitimes; seuls le Conseil et le

Parlement en tant que législateurs peuvent statuer dans la procédure législative […]”.

La Commission a aussi rappelé la base juridique du rôle spécifique joué par la

société civile organisée dans les démocraties modernes, à savoir le droit fondamental

reconnu à tout citoyen de former des associations dans la poursuite d’objectifs

communs (article 12 de la Charte européenne des droits fondamentaux).

Mais la Commission a surtout proposé une amélioration des procédures de

consultation, grâce à:

la définition du terme consultation, qui désigne “le processus par lequel la

Commission souhaite susciter la contribution de parties extérieures

intéressées à l’élaboration de ses politiques avant toute prise de décision”;

la constitution d’une base de données, intitulée “Consultation,

Commission européenne et société civile” (CONECCS), dans laquelle

figurent des informations relatives aux organismes consultés par la

Commission. L’inscription dans ce répertoire n’aura cependant pas pour

fonction d’agréer un organisme;

l’adoption de principes généraux, qui guideront la Commission,

lorsqu’elle engagera des consultations. Ces principes généraux sont au

nombre de cinq: ouverture, participation, responsabilité, efficacité et

cohérence. L’application de ces principes doit renforcer les principes de

subsidiarité et de proportionnalité. Mais ces principes généraux ne seront

pas juridiquement contraignants;

l’adoption de normes minimales, qui doivent structurer le dialogue des

organisations avec les institutions européennes. Ainsi, toute

communication doit être claire et concise; la Commission doit cibler les

parties intéressées; elle doit assurer une publicité adéquate à la

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communication; elle doit prévoir des délais de participation, un accusé de

réception des contributions, ainsi que la publicité des résultats de la

consultation;

la possibilité de conclure des accords de partenariat dans certains secteurs

où la consultation a déjà été bien établie. Ces accords pourront porter

notamment sur la capacité des organismes à relayer l’information ou à

mener des débats dans les Etats membres.

De la société civile organisée à la démocratie participative des

organisations européennes de la société civile A partir de 2003, le thème de la “démocratie participative” prend le pas sur la

“société civile organisée”.

Le projet de Traité instituant une Constitution pour l’Europe consacre le

principe de la démocratie participative dans l’article I-46.

1. Les institutions de l’Union donnent, par les voies appropriées, aux

citoyennes et citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire

connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d’action

de l’Union.

2. Les institutions de l’Union entretiennent un dialogue ouvert, transparent et

régulier avec les associations représentatives et la société civile.

3. En vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la

Commission procède à de larges consultations des parties concernées.

4. [initiative citoyenne] (Duhamel 2003, 220).

Cet article reprend les deux voies, qui ont été progressivement dégagées par le

Comité économique et social européen et par la Commission. Il constitue aujourd’hui

l’article 8B du Traité de Lisbonne (2007), qui a été élaboré à la suite de l’abandon du

projet de Constitution. Nous reviendrons aux différentes dimensions de la démocratie

participative ainsi formalisée dans la Partie II.

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251

La mise en place d’une coopération plus étroite pour développer la démocratie

participative au niveau de l’Union européenne figure également dans le nouveau

protocole de coopération, signé le 7 novembre 2005 entre la Commission

Européenne et le Comité économique et social européen. La démocratie participative

a pour but de contribuer au renforcement de la légitimité démocratique. Ce protocole

contient deux nouveautés par rapport au protocole précédent de 2001. D’une part, la

participation de la société civile organisée doit être accrue à la fois au niveau

européen et au niveau national. Dans ce but, le Comité doit renforcer ses liens avec

les Conseils économiques et sociaux et les institutions similaires dans les Etats

membres. D’autre part, la fonction consultative du Comité dans le processus de

formation des politiques et des législations doit être étendue. Le Comité doit être

associé aux analyses d’impact et à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques

(Commission et Comité économique et social européen 2005).

La démocratie participative apparaît aussi dans le nouvel avis que le Comité

économique et social européen publie, en 2006, sur “la représentativité des

organisations européennes de la société civile dans le cadre du dialogue civil”

(Comité économique et social européen 2006). Dans ce cadre, le Comité rappelle

qu’il été “historiquement, et avant la lettre, un acteur à part entière de la démocratie

participative au niveau européen et sa composante la plus ancienne”. Par ailleurs,

l’avis est consacré au “droit à participer” revendiqué par les organisations

européennes de la société civile. Le Comité conditionne ce droit à une exigence de

représentativité. Pour cela, il opère une distinction dans le dialogue civil entre la

consultation et la participation. La consultation devrait, en principe, être ouverte à

toutes les organisations disposant d’une expertise dans un domaine donné. Est ici

visée, par exemple, la consultation par la Commission prévue à l’article I-46 du

projet de Constitution. Par contre, la participation, qui est la possibilité donnée à une

organisation d’intervenir formellement et activement dans un processus collectif de

détermination de la volonté, dans l’intérêt général de l’Union et de ses citoyens,

devrait être réservée aux seules organisations représentatives. “Seule une

représentativité clairement établie peut donner aux acteurs de la société civile un

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252

droit à participer de manière effective au processus de formation des politiques et de

préparation des décisions communautaire”.

Tout en laissant la question de l’accréditation ouverte, le Comité propose dans

son avis une procédure d’évaluation de la représentativité, ainsi que trois critères de

représentativité. La procédure est abordée uniquement par des principes:

transparence, objectivité, non-discrimination, possibilité de vérification, participation

de la part des organisations européennes. Il n’est pas précisé quelle instance va faire

cette évaluation ni comment elle va se dérouler. Les critères de représentativité sont

présentés de façon plus détaillée. Le premier critère a trait aux statuts de

l’organisation et à leur application. Le Comité se déclare en faveur de l’adoption

d’un statut européen pour les associations transnationales. Le deuxième critère porte

sur l’implantation de l’organisation dans les Etats membres. Le Comité considère

qu’une organisation doit être reconnue comme étant représentative, si elle peut

prouver qu’elle dispose d’organisations affiliées dans plus de la moitié des Etats

membres. Le troisième critère est plus qualitatif. L’organisation sera jugée sur son

expérience, sa capacité à traduire les intérêts des citoyens auprès des institutions

européennes, la confiance qui lui est faite, sa réputation… Ces trois critères de

représentativité sont cumulatifs.

En conclusion de cette première partie, consacrée aux vues défendues par deux

institutions européennes, nous voudrions insister sur le fait qu’un consensus semble

s’être dégagé sur la nécessité de développer la démocratie participative à tous les

niveaux. La société civile est considérée comme une contribution essentielle à la

réduction du déficit démocratique de l’Union européenne, suivant l’expression du

sociologue allemand Ulrich Beck (Beck et Grande 2007, 182). Les deux institutions

semblent être également d’accord sur les composantes de la société civile organisée.

Par contre, leurs positions demeurent divergentes quant aux rôles que l’Union

européenne entend faire jouer à la société civile et quant aux canaux par lesquels les

positions et les intérêts de la société civile devraient pouvoir s’exprimer. Nous

reviendrons sur cette question à la fin de la seconde partie. La question du rôle de la

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société civile va de pair avec la question de la représentativité des organisations de la

société civile, qui demeure centrale et non résolue. La Commission est en faveur de

vastes consultations avec toutes les parties intéressées. Elle désire un dialogue

ouvert, se prononce pour des critères de représentativité souples et semble même en

faveur d’une autosélection par la communauté des ONG. A l’opposé, le Comité

économique et social européen défend le “droit à participer” pour les organisations

de la société civile et, en conséquence, se prononce pour une sélection

d’organisations issues de la société civile, formalisée en termes de procédure et de

critères de représentativité. La différence de conception de la société civile peut être

interprétée comme un révélateur du positionnement institutionnel des deux

institutions (Smismans 2003).

Partie II. La société civile en action L’Union européenne a sollicité la participation de composantes de la société

civile lors du lancement de la stratégie coordonnée pour l’emploi (1997) et de la

“méthode ouverte de coordination” appliquée à l’inclusion sociale (2000). Ces deux

stratégies reposent sur une même méthode, à savoir “la méthode ouverte de

coordination” (MOC). La MOC est une forme non contraignante de coordination des

politiques nationales, basée sur la définition en commun, au niveau européen, de

lignes directrices, d’objectifs et d’indicateurs, ainsi que sur un système d’évaluations

périodiques soumettant les programmes des réformes des Etats membres à la

discussion et aux commentaires des autres Etats membres (Pollack 2005). Cette

méthode se caractérise également par une approche décentralisée visant à associer

sous diverses formes de partenariat tous les acteurs concernés. Dans ce cadre, les

Etats membres ont considéré que la contribution de la société civile était

indispensable pour construire une Europe sociale forte et efficace.

Cette association de représentants de la société civile à l’élaboration et à la

mise en œuvre de stratégies politiques européennes a aidé à amener la réflexion sur

un terrain plus juridique. La Convention, chargée de redéfinir les institutions

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européennes, a proposé, dans le projet de Constitution européenne, de reconnaître la

“démocratie participative”.

La société civile, comme acteur de deux stratégies européennes Nous avons mené deux recherches parallèles, l’une sur la stratégie coordonnée

pour l’emploi et l’autre sur la “méthode ouverte de coordination” appliquée à

l’inclusion sociale. Tout en étant de la responsabilité des Etats membres, ces

stratégies font toutes deux appel au partenariat. La société civile et le rôle reconnu

aux organisations de la société civile apparaissent différemment suivant le domaine

concerné.

La stratégie coordonnée pour l’emploi

La stratégie coordonnée pour l’emploi est inscrite dans le Traité instituant la

Communauté européenne, au Titre VIII consacré à l’emploi, depuis le Traité

d’Amsterdam (1997). La promotion de l’emploi a été reconnue comme “une question

d’intérêt commun” et les Etats membres ont décidé de coordonner leur politique de

l’emploi (article 126 du Traité CE).

Des représentants de la société civile interviennent dans la stratégie coordonnée

pour l’emploi à travers la consultation du Comité économique et social européen.

Avant de prendre sa décision relative aux lignes directrices pour l’emploi, qui

formalisent les orientations communes en matière d’objectifs et de moyens, le

Conseil de l’Union européenne doit consulter quatre instances européennes, dont le

Comité. Ce dernier doit donner un avis sur la proposition de lignes directrices pour

l’emploi émise par la Commission. Cet avis est obligatoire et conditionne la validité

de la procédure. Cet avis ne lie pas le Conseil. Celui-ci demeure libre de prendre en

compte, ou non, l’avis du Comité. Il s’agit d’une consultation institutionnelle de la

société civile organisée. C’est la seule consultation de la société civile organisée

expressément prévue dans le cadre de la procédure de la stratégie coordonnée pour

l’emploi (article 128 du Traité CE).

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Les partenaires sociaux, comme “acteurs du marché du travail”, occupent une

place particulière au sein de la stratégie coordonnée pour l’emploi et plus largement,

depuis 2000, dans la stratégie de Lisbonne. Or, le Comité et la Commission les

considèrent comme une composante de la société civile organisée (Comité

économique et social européen 1999a, Commission 2001 réf. 9, Commission 2002).

Depuis 1997, le Comité de l’Emploi, qui réunit les hauts fonctionnaires ayant en

charge l’emploi dans leur pays et des représentants de la Commission, consulte les

partenaires sociaux “dans l’accomplissement de son mandat” (article 130 du Traité

CE), principalement en matière d’évaluation des plans nationaux d’action. Depuis

2000, un Sommet social tripartite entre la Présidence européenne et les partenaires

sociaux se tient avant chaque Conseil Européen de printemps consacré à la stratégie

de Lisbonne, et plus particulièrement aux politiques économiques et aux politiques

de l’emploi. Le Traité de Lisbonne (2007) reconnaît, dans le nouvel article 136bis al.

2, ce sommet comme une contribution au dialogue social.

Quel rôle les lignes directrices pour l’emploi font-elles jouer à la société civile

organisée et, en son sein, aux partenaires sociaux? Depuis la création de la stratégie

coordonnée pour l’emploi, on peut distinguer trois phases: les cinq premières années

allant de 1998 à 2002, une période intermédiaire portant sur les années 2003-2004,

l’intégration de la stratégie coordonnée pour l’emploi dans la stratégie de Lisbonne

depuis 2005.

Pendant les cinq premières années, la stratégie coordonnée pour l’emploi

reposait sur quatre piliers, consacrés respectivement à l’employabilité, à l’esprit

d’entreprise et à la création d’emplois, à l’adaptabilité des entreprises et de leurs

salariés et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes. Lors du Conseil

européen extraordinaire sur l’emploi de novembre 1997, qui a lancé la stratégie

coordonnée pour l’emploi, les Etats membres ont invité les partenaires sociaux à

fournir leur contribution dans différents domaines de l’emploi.

En matière d’employabilité (pilier 1), une approche de partenariat a été

proposée aux partenaires sociaux. D’une part, ils ont été incités à conclure des

accords, à leurs différents niveaux de responsabilité et d’action, en vue d’accroître

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les opportunités d’emplois et de formation pour les chômeurs. Ils ont ainsi été

associés à une politique étatique. D’autre part, les Etats membres leur ont proposé de

définir “à trois” une politique de développement de la formation tout au long de la

vie.

En matière de développement de l’esprit d’entreprise (pilier 2), l’économie

sociale a été désignée comme une source potentielle d’emplois. Etaient visées les

coopératives, les mutuelles et les Associations et fondations. Or, la Commission avait

préalablement reconnu aux Associations et fondations un rôle essentiel dans

l’activité sociale, dans la mesure où celles-ci offraient un large éventail de services

(Commission 1997). Une composante de la société civile apparaît ainsi comme

créateur potentiel de nouveaux emplois.

En matière d’adaptabilité des entreprises et de leurs salariés (pilier 3), les Etats

membres ont reconnu une compétence exclusive aux partenaires sociaux pour

négocier les conditions de modernisation de l’organisation du travail, et notamment

du temps de travail. Par contre, ils ont conservé leur responsabilité pour définir les

formes juridiques d’emploi.

En matière d’égalité entre femmes et hommes (pilier 4), les partenaires sociaux

ont contribué à l’amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie

familiale en signant des accords à l’échelle communautaire. Il s’agit d’accords-cadres

sur le travail à temps partiel et sur le contrat de travail à durée déterminée transposés

par voie de directives au niveau national.

Durant les premières années de la stratégie coordonnée pour l’emploi, la

société civile apparaît à travers les partenaires sociaux et des organisations non

gouvernementales, prestataires de services.

Le Conseil Européen de Lisbonne de mars 2000 a promu, à travers “la méthode

ouverte de coordination”, un partenariat plus ouvert. Dans cette logique, la stratégie

coordonnée pour l’emploi va encourager un partenariat “à tous les niveaux,

notamment avec les partenaires sociaux, les autorités locales et régionales et les

représentants de la société civile, afin qu’ils puissent contribuer, chacun dans sa

sphère de compétence, à promouvoir un niveau d’emploi élevé” (Conseil 2001

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considérant n. 18). Une “contribution appropriée” sera demandée à la société civile

en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie (LDE horizontale B).

Tous les “acteurs concernés”, y compris les représentants de la société civile, seront

sollicités dans le cadre d’une action locale et régionale pour la création d’emplois.

Mais surtout, les partenaires sociaux verront leur intervention élargie et leur

compétence renforcée. Ils seront impliqués dans un partenariat global portant sur

tous les volets de la stratégie coordonnée pour l’emploi et couvrant la mise en œuvre,

le suivi et le contrôle des plans nationaux d’action pour l’emploi (Kerschen et

Roussel 2006).

Etonnamment, à partir de 2003, on ne trouvera plus de référence explicite à la

société civile dans la stratégie coordonnée pour l’emploi. Un vocabulaire différent

prendra le relais: on parlera des “autres acteurs concernés”, “d’autres partenaires”,

des “parties concernées”.

Les lignes directrices pour l’emploi de 2003/2004 sont suivies d’un paragraphe

intitulé “bonne gouvernance et partenariat aux fins de la mise en œuvre des lignes

directrices pour l’emploi”. Devront être impliqués les Parlements, les partenaires

sociaux et les “autres acteurs concernés”, sans précision quant à la nature de ces

autres acteurs (Conseil 2003).

A partir de 2005, c’est-à-dire à partir de la relance de la stratégie de Lisbonne

et de l’intégration des lignes directrices en matière de politique économique et de

politique de l’emploi, la responsabilité des acteurs est clairement affichée:

les Etats membres, en coopération avec les partenaires sociaux et, le cas

échéant, d’autres partenaires, mènent leurs politiques en vue de mettre en

œuvre les objectifs et les actions prioritaires […]

les Etats membres créeront un vaste partenariat pour le changement en

associant pleinement à leur action les instances parlementaires et les

parties concernées, y compris aux niveaux régional et local […]

les Etats membres s’attacheront à favoriser l’insertion sur le marché du

travail des personnes défavorisées, y compris les travailleurs peu qualifiés,

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258

notamment par le développement des services sociaux et de l’économie

sociale […] (Conseil 2005 LDI N. 19).

La société civile fera une timide réapparition dans les dernières lignes

directrices pour l’emploi pour la période allant de 2008 à 2010: il y est dit qu’un

“vaste partenariat doit inclure les organisations de la société civile” (Conseil 2008).

Cette évolution récente est probablement due à l’apparition du thème de l’inclusion

active dans la MOC inclusion sociale, qui oblige de développer une coopération entre

les acteurs du marché du travail et les acteurs de la lutte contre la pauvreté (cf. ci-

dessous).

La MOC appliquée à l’inclusion sociale

Contrairement à la stratégie coordonnée pour l’emploi, la “méthode ouverte de

coordination” n’a pas de base juridique dans les Traités. Lorsque le Traité de

Lisbonne (2007) entrera en vigueur, il donnera à la Commission la possibilité de

prendre, en étroit contact avec les Etats membres, des initiatives, qui ressemblent fort

à la méthode ouverte de coordination sans qu’il y soit expressément fait mention. Le

nouvel article 140 al. 2 prévoit l’établissement d’orientations et d’indicateurs,

l’organisation d’échanges des meilleures pratiques et la préparation d’éléments

nécessaires à la surveillance et à des évaluations périodiques.

Le thème de la “lutte contre l’exclusion sociale” a été introduit par le Traité

d’Amsterdam (1997) dans les dispositions relatives à la politique sociale (article 137

§1 j. du Traité CE). Le Conseil Européen de Lisbonne de mars 2000 a donné mandat

au Conseil de l’Union européenne de fixer des “objectifs appropriés”, afin de

“donner un élan décisif à l’élimination de la pauvreté” (Conseil européen 2000,

Conclusions point 32). La politique de lutte contre l’exclusion sociale a été fondée

sur une MOC, intitulée “MOC inclusion sociale”, combinant des programmes de

réforme nationaux, fondés sur des objectifs définis en commun au niveau européen,

et une initiative communautaire favorisant la coopération entre les Etats membres. La

société civile a été associée étroitement à cette double initiative.

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259

Les objectifs communs, qui jouent dans la MOC inclusion sociale le rôle de

lignes directrices pour les politiques des Etats membres, ont été adoptés par le

Conseil de l’Union européenne en octobre 2000. Ensuite, le Conseil Européen de

Nice de décembre 2000 a arrêté définitivement la stratégie européenne contre

l’exclusion. Les objectifs communs ont été classés dans quatre axes: promouvoir la

participation à l’emploi et l’accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et

services, prévenir les risques d’exclusion, agir pour les plus vulnérables et mobiliser

l’ensemble des acteurs (Conseil 2000).

Un axe entier, l’axe quatre, a été consacré au partenariat. Au sein de cet axe,

deux objectifs concernent directement la société civile. D’une part, il s’agit de

promouvoir, selon les pratiques nationales, la participation des personnes en situation

d’exclusion et de favoriser leur expression sur les politiques et les actions

développées à leur endroit. Ce sont les publics cibles des politiques, qui sont ici

visés. D’autre part, il s’agit de promouvoir le dialogue et le partenariat entre tous les

acteurs publics et privés concernés, notamment en impliquant les partenaires sociaux,

les ONG et les organisations des services sociaux, dans leur compétence respective

en matière de lutte contre les exclusions. On retrouve ici les “acteurs du marché du

travail”, ce qui paraît tout à fait logique, car le premier objectif de la MOC inclusion

sociale est de favoriser l’accès à l’emploi. Les ONG apparaissent à travers deux

fonctions, la défense des causes communes et en tant que prestataires de services.

En décembre 2001, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne

ont adopté le programme d’action communautaire pour encourager la coopération

entre les Etats membres dans la lutte contre l’exclusion sociale pour les années 2002

à 2006 (Parlement européen et Conseil 2001). Ce programme, doté d’une enveloppe

financière conséquente, a pour objet d’améliorer les connaissances du phénomène de

l’exclusion, de développer des échanges d’informations et de meilleures pratiques et

d’évaluer les expériences de manière à renforcer l’efficacité et l’efficience des

politiques de lutte contre l’exclusion (considérant n. 10).

Dans ce cadre, les ONG sont abordées comme de véritables acteurs. Leur

légitimité est fondée sur l’expérience et l’expertise: “de nombreuses ONG à

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260

différents niveaux (local, régional, national et européen) ont acquis une expérience et

une expertise dans la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi que dans la défense au

niveau européen de la cause des personnes exposées à l’exclusion sociale”. Leur

contribution au programme communautaire est considérée comme importante pour

“la compréhension des diverses formes et divers effets de l’exclusion sociale et pour

garantir la prise en compte de l’expérience des personnes exposées à l’exclusion

sociale dans la conception, la mise en œuvre et le suivi du programme” (considérant

n. 15).

Ce programme communautaire soutiendra financièrement les réseaux

européens participant à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, des études et des

réunions consacrées à une meilleure connaissance du phénomène, auxquelles les

ONG seront intégrées comme pourvoyeurs d’informations, ainsi qu’une table ronde

annuelle de l’Union européenne sur l’exclusion sociale réunissant les partenaires

sociaux, les ONG et les représentants des différentes institutions européennes.

Pour conclure sur les stratégies européennes, il nous semble indispensable de

donner quelques indications sur les pratiques nationales en matière de partenariat, en

prenant comme exemple la France. Les partenaires sociaux ont été régulièrement

consultés, en matière d’emploi, au sein du Comité de dialogue social pour les

questions européennes et internationales (CDSEI). Le CDSEI est une instance

tripartite (Etat, employeurs, syndicats), qui a été créé en 1998 pour permettre aux

partenaires sociaux d’intervenir lors de la préparation des plans nationaux d’action

pour l’emploi élaborés dans le cadre de la stratégie coordonnée pour l’emploi. En son

sein, les partenaires sociaux participent à des groupes thématiques. Un de ces

groupes a permis, par exemple, de dégager, sur la base d’un large consensus, une

définition de la qualité de l’emploi (PANE 2001, 10). Par ailleurs, la contribution des

partenaires sociaux figure à part dans les plans d’action.

Les ONG ont été régulièrement consultées, en matière d’inclusion sociale, à

travers leurs représentants au Conseil national des politiques de lutte contre la

pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE). Depuis 2005, les partenaires sociaux ont été

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261

intégrés dans le CNLE. Cette évolution tient compte de la réorientation des politiques

d’insertion vers l’emploi. On retrouve également ce rapprochement des ONG et des

acteurs du marché du travail, syndicats et employeurs, dans “le Grenelle de

l’Insertion” (2008), dont les buts étaient précisément de redéfinir les objectifs de la

politique d’insertion et de sa gouvernance, de mobiliser les employeurs pour

l’insertion et de construire des parcours d’insertion adaptés.

La démocratie participative au regard de la démocratie

représentative et du dialogue social. Il nous reste à replacer “la démocratie participative” dans l’architecture globale

de l’Union européenne. Cette approche prend appui sur les règles juridiques, sur le

projet de Constitution européenne (2003) et le Traité de Lisbonne (2007) non encore

en vigueur au moment de la rédaction de ce texte, d’une part, sur les dispositions en

cours des Traités, d’autre part. L’accord interinstitutionnel du Parlement européen,

du Conseil et de la Commission de 2003, intitulé “Mieux légiférer”, nous fournira un

éclairage quelque peu différent.

Nous allons d’abord présenter les différentes dimensions de la démocratie

participative, puis confronter la démocratie représentative et la démocratie

participative, d’une part, le dialogue social et le dialogue civil, d’autre part.

Les différentes dimensions de la démocratie participative

L’article I-46 du projet de Constitution européenne, repris par l’article 8B du

Traité de Lisbonne (2007), prévoit quatre dimensions: l’expression et l’échange des

opinions, le dialogue, la consultation et l’initiative citoyenne.

Pour promouvoir la démocratie participative, les institutions de l’Union

européenne, et plus particulièrement la Commission, doivent entreprendre certaines

actions.

Les institutions de l’Union européenne doivent donner la possibilité, par les

voies appropriées, aux citoyens et citoyennes et aux associations représentatives de

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faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans les domaines

d’action de l’Union (§1). Cette expression peut se faire, par exemple, à travers des

réseaux européens d’associations, comme la Plate-forme des ONG européennes du

secteur social. L’objectif est de faire émerger une “opinion publique européenne”.

Les institutions de l’Union européenne doivent entretenir un dialogue ouvert,

transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile (§2).

Le Comité économique et social européen s’est positionné comme “un pont entre la

société civile et l’Europe”, comme forum représentatif du dialogue avec la société

civile. La table ronde annuelle sur l’exclusion sociale, précédemment mentionnée,

remplit également une fonction de dialogue.

Dans ces deux premières dimensions de la démocratie participative, les

associations représentatives sont censées jouer un rôle essentiel. Cette approche nous

ramène vers l’exigence de représentativité, qui a fait l’objet de nombreux débats au

niveau européen (cf. Partie I).

La Commission doit procéder à de larges consultations des parties concernées,

en vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union (§3). Cette

troisième dimension de la démocratie participative consacre la doctrine de la

Commission en matière de “gouvernance ouverte”, de contacts directs avec toutes les

parties intéressées au-delà de la société civile organisée (cf. Partie I).

Un million au moins de citoyens de l’Union européenne, ressortissants d’un

nombre significatif d’Etats membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la

Commission à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour

lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux

fins de l’application des traités (§4). Cette quatrième dimension de la démocratie

participative peut être caractérisée comme étant une “initiative citoyenne des lois”.

“Expression, dialogue, consultation et initiative” nous amènent à proposer une

double problématique de discussion. Qu’est-ce qui distingue la démocratie

participative de la démocratie représentative? Comment s’articulent ces deux

démocraties au sein de l’Union européenne? Qu’est-ce qui distingue le dialogue civil

du dialogue social? Comment s’articulent ces deux dialogues?

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263

La démocratie participative, comme complément de la démocratie

représentative

L’article I-45 du projet de Constitution européenne, repris par l’article 8A du

Traité de Lisbonne (2007), rappelle que l’Union européenne est fondée sur le

principe de la démocratie représentative (§1). Les citoyens sont représentés soit

directement à travers le Parlement européen, soit indirectement par les Etats

membres, qui sont représentés au Conseil européen et au Conseil des Ministres par

leurs gouvernements respectifs, eux-mêmes responsables devant les parlements

nationaux, élus par les citoyens (§2). Tout citoyen a le droit de participer à la vie

démocratique (§3) et les partis politiques au niveau européen ont pour fonction de

contribuer à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de

la volonté des citoyens (§4).

Il apparaît clairement que la démocratie participative n’a pas pour fonction de

remplacer la démocratie représentative. A travers la démocratie représentative, les

citoyens prennent part aux décisions prises par les institutions de l’Union

européenne. Seule “l’initiative citoyenne des lois” empiète sur la démocratie

représentative. La fonction de la démocratie participative, dans ses dimensions

“expression, dialogue, consultation” est de renforcer et de compléter la démocratie

représentative.

Le dialogue civil, “parent pauvre” de la démocratie participative en matière de

politique sociale?

Le dialogue civil se distingue du dialogue social par ses fondements juridiques.

Le Traité d’Amsterdam (1997) a institutionnalisé le dialogue social en

introduisant les articles 138 et 139 dans le Traité CE. Ces articles dérivent de

l’accord sur les modalités décisionnelles en matière de politiques sociales, qui a été

négocié par les partenaires sociaux européens, CES, UNICE devenue depuis lors

“BusinessEurope” et CEEP, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale de

1991 (Traité de Maastricht).

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264

La Commission doit promouvoir la consultation des partenaires sociaux au

niveau communautaire et, dans ce cadre, elle doit prendre toute mesure utile pour

faciliter leur dialogue en veillant à un soutien équilibré des parties (article 138 du

Traité CE §1). Elle a une obligation de consultation envers les partenaires sociaux,

avant toute proposition d’action communautaire dans le domaine de la politique

sociale. Cette consultation doit porter sur l’orientation possible de cette action (§2).

Si, après cette consultation, la Commission estime qu’une action communautaire est

souhaitable, elle doit consulter les partenaires sociaux sur le contenu de la

proposition. Les partenaires sociaux doivent lui remettre un avis ou une

recommandation (§3). A l’occasion de cette consultation, les partenaires sociaux

peuvent informer la Commission de leur volonté d’engager des négociations en vue

de conclure un accord européen, conformément à l’article 139 du Traité CE (§4).

Il n’existe pas d’obligation équivalente pour la Commission de consulter de

façon systématique les associations représentatives, voire la société civile. La

Commission a la possibilité de faire de vastes consultations de toutes les parties

concernées. De même, il n’y a pas de domaine réservé de consultation. La

Commission peut consulter sur tous les domaines relevant de l’action de l’Union.

Le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau communautaire peut

conduire, si les parties le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris à

des accords (article 139 §1 du Traité CE). Le dialogue social peut donc déboucher

sur des accords européens, soit à la suite de la consultation par la Commission prévue

à l’article 138 du Traité CE, soit à l’initiative des partenaires sociaux. La mise en

œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soit selon des

procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux Etats membres, soit, si

l’accord concerne une des matières relevant de l’article 137 du Traité CE, à la

demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur

proposition de la Commission (§2). Dans ce dernier cas, la décision du Conseil prend

la forme d’une directive européenne. Les accords européens peuvent donc être

“transposés” au niveau national par deux voies différentes: par un accord négocié par

les partenaires sociaux nationaux ou par une loi reprenant la directive européenne. Il

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265

est possible de considérer les partenaires sociaux comme des “quasi législateurs”, le

dialogue social pouvant se substituer à la démocratie représentative. Des accords-

cadres européens portant sur le télétravail (2002), le stress au travail (2004) et le

harcèlement et la violence au travail (2007) ont été “transposés” au niveau national

par la voie autonome (Kerschen et Roussel-Verret 2006).

Il n’existe pas d’équivalent en matière de dialogue civil. La première difficulté

réside dans la notion de dialogue civil. Le dialogue social fait référence à la

confrontation entre deux intérêts divergents, représentés respectivement par les

employeurs et par les salariés. On parle aussi de dialogue social bipartite ou

autonome. Plus rarement, le dialogue social désigne les relations entre les partenaires

sociaux et les institutions européennes. On parle plutôt dans ce cas de consultation ou

de sommet. Par contre, le dialogue civil fait référence au dialogue, que les

institutions européennes entretiennent avec les associations représentatives, voire la

société civile. Le dialogue civil ne peut pas aboutir à des accords européens et encore

moins à des décisions ayant valeur de loi.

En résumé, il est possible d’affirmer qu’il existe une hiérarchie en matière de

politique sociale. La démocratie représentative prime. Le dialogue social peut s’y

substituer sous certaines conditions. La démocratie participative vient en

complément de la démocratie représentative et du dialogue social. Elle ne peut se

substituer ni à la démocratie représentative ni au dialogue social. Cependant, le

déploiement de stratégies européennes fondées sur la “méthode ouverte de

coordination”, impliquant de vastes partenariats, peut offrir aux organisations de la

société civile de nouvelles opportunités (Smismans 2003).

Des modes alternatifs de régulation impliquant la société civile

L’accord interinstitutionnel de 2003 conclu entre le Parlement européen, le

Conseil et la Commission, intitulé “Mieux légiférer”, propose l’utilisation de modes

alternatifs de régulation impliquant directement la société civile, à savoir la

corégulation et l’autorégulation (Parlement, Conseil et Commission 2003). Le

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266

recours à ces mécanismes est possible, lorsque le Traité CE n’impose pas

spécifiquement le recours à un instrument juridique (§16). La Commission doit

veiller à ce que ces mécanismes soient conformes au droit communautaire et qu’ils

respectent les critères de transparence et de représentativité des parties impliquées.

Ces mécanismes ne sont pas applicables si les droits fondamentaux ou des choix

politiques importants sont en jeu ou dans les situations où les règles doivent être

appliquées uniformément dans tous les Etats membres (§17).

Sans rentrer dans les détails, il nous semble important de donner la définition

de ces mécanismes, ainsi que les fonctions de ces modes alternatifs de régulation.

La corégulation est un mécanisme, par lequel un acte législatif communautaire

confère la réalisation des objectifs définis par l’autorité législative aux parties

concernées reconnues dans le domaine, notamment les opérateurs économiques, les

partenaires sociaux, les ONG ou les associations (§18). Ce mécanisme a pour

fonction d’assurer l’adaptation de la législation aux problèmes et aux secteurs

concernés, d’alléger le travail législatif en le centrant sur les aspects essentiels ou

encore de profiter de l’expérience des parties concernées. Ces dernières peuvent

conclure un accord volontaire, dans lequel elles arrêtent les modalités de réalisation

des objectifs (§20). Dans ce cadre, les accords entre partenaires sociaux doivent

respecter les dispositions prévues aux articles 138 et 139 du traité CE (§19).

L’autorégulation est la possibilité donnée aux opérateurs économiques, aux

partenaires sociaux, aux ONG et associations d’adopter entre eux et pour eux-mêmes

des lignes directrices communes au niveau européen, notamment des codes de

conduite ou des accords sectoriels (§22). En principe, l’adoption de lignes directrices

communes ne fait pas l’objet d’une prise de position de la part des institutions

européennes. Cependant, dans les domaines couverts par les traités, la Commission

doit vérifier la conformité des pratiques d’autorégulation avec les dispositions des

traités (§22).

L’accord interinstitutionnel de 2003 ouvre ainsi un nouveau registre d’action

pour le dialogue civil, celui de la régulation. La société civile pourra être chargée de

la mise en œuvre des normes communautaires, à travers la corégulation, et elle

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pourra se doter, au niveau européen, de lignes directrices communes grâce à

l’autorégulation. Les “cadres d’action” définis par les partenaires sociaux européens

à destination des partenaires sociaux nationaux, par exemple en matière de formation

tout au long de la vie (2002) ou d’égalité entre femmes et hommes (2005) nous

semblent relever de l’autorégulation (Kerschen et Roussel-Verret 2006).

Dans le cadre de cette deuxième partie, consacrée à la société civile en action,

il nous est apparu que les partenaires sociaux constituent, dans le domaine de

l’emploi, des acteurs centraux à côté des institutions européennes et des Etats

membres. Leur compétence s’étend jusque dans le champ de la régulation, dans la

mesure où ils peuvent se substituer à la démocratie représentative. La société civile

apparaît à travers l’économie sociale en tant que créateur potentiel d’emplois. Son

rôle devrait être plus important en matière d’inclusion sociale. Mais la réorientation

de l’inclusion sociale vers l’emploi (inclusion active) reconnaît une nouvelle

légitimité aux partenaires sociaux tant au niveau européen qu’au niveau national

(France). A côté du dialogue social, qui s’est épanoui depuis une dizaine d’années, le

dialogue civil paraît peu visible. L’étude exploratoire ne nous a guère permis de

mesurer l’impact réel des organisations de la société civile dans l’élaboration des

stratégies européennes et dans leur mise en œuvre au niveau national. Plus

largement, le développement de la démocratie participative au sein de l’Union

européenne, y compris dans sa dimension de régulation, dépendra de l’adoption ou

non du Traité de Lisbonne.

Conclusion générale Nous avons commencé cet article en évoquant l’idée de la société civile

comme une “boîte noire”. A l’issue de cette étude exploratoire, la “boîte noire”

conserve quelques secrets. Mais nous ne sommes plus en terre inconnue. L’étude des

discours de deux institutions européennes et du fonctionnement de deux stratégies

européennes nous a livré de précieuses indications quant aux différentes

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268

composantes de la société civile, quant aux multiples rôles, que l’Europe entend faire

jouer à la société civile, quant aux difficultés en termes de procédure et de critères

pour désigner ses représentants. Mais cette construction par “le haut” nous semble

incomplète pour comprendre aujourd’hui l’émergence d’une société civile

transnationale. Nous ignorons tout des membres de la Plate-forme des ONG

européennes du secteur social, de leurs positions respectives tant au niveau européen

qu’au niveau national et de leur rôle effectif dans les stratégies européennes et plus

largement en terme de démocratie participative.

Cette lacune devrait être comblée à travers la recherche “EUROCIVIS”

financée par l’Agence Nationale de la Recherche. Cette recherche repose sur une

équipe multidisciplinaire, articulant sciences juridiques et sociologie, et sur une

analyse à niveaux multiples (européen, national, régional et local) en termes

d’européanisation (Featherstone et Radaelli 2003) des politiques de lutte contre la

pauvreté et l’exclusion. La réalisation d’entretiens avec les différentes organisations

de la société civile devrait nous permettre de mieux comprendre comment la société

civile conçoit elle-même son rôle dans les stratégies européennes et la construction

de l’Union européenne (approche “par le bas”).

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4. L’ELARGISSEMENT

DE L’EUROPE:

QUELLE DEMOCRATIE?

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In the Storm of Political Hysterias

Iván Zoltán Dénes

On the 50th anniversary of the 1956 Revolution, the Budapest streets were

immersed in turmoil, scandal, hooliganism and extreme rightist emblems instead of

dignified celebration∗. Finally the firm and hard-handed police put an end to the

disturbance. All this resembled far more closely the propaganda image of the 1956

Revolution as mob rule figured out by the propagandists of the brain washing post 56

regime than the liberating, cathartic experience of the revolution which represented

one of the greatest hopes of humanity, amongst others, for such intellectuals as

Albert Camus and Hannah Arendt.

In order to understand the causes of this strange remake, we need to take an

overview of the events, look at the power games, reconstruct and interpret the self

∗ Iván Zoltán Dénes: Member, Academia Europaea, London; Professor, Chair, Debrecen University,

Faculty of Jurisprudence and Political Science, Department of Political Theory and History; Founder

and President, István Bibó Center for Advanced Studies, Budapest, President; [email protected]. He is

grateful to Ms Judit Pokoly (Budakeszi, Hungary) for the translation. His special thanks are due to Mr.

David Robert Evans (Oxford-Budapest) for his thoughtful linguistic corrections.

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276

and enemy images of the different political discourses and dig out the links between

the unprocessed individual and collective traumas and their consequences: the

different political hysterias. Political hysterias which are not at all rare in

democracies1.

The political communities of the old European Union members must have been

surprised by the disturbances in a country which seemed to them an island of peace,

the positive example until then2. In the overwhelming majority of the Hungarian

political public the events caused a profoundly shock and split, in spite of a series of

cold civil or religious war types of experience on a limited scale and context.

The riots broke out when Prime Minister Ferenc Gyurcsány's speech delivered

between closed doors in May 2006 shortly after being re-elected leaked out. In it he

tried to convince his fellow party members of the need to radically reform the

administration of public revenues and the major redistributive systems, in a style and

with arguments that were unusual for their sincere commitment to the reform. He

stressed that unlike his predecessors, who did not dare to touch these issues for

sixteen years, he was resolved to take the necessary steps. He also made it clear that

neither he nor others had clear concepts of the necessary reform and its steps. It is a

leap in the dark. In spite of that, he made up his mind to embrace the cause of

reforms and tried to win the members of the socialist fraction to support him. In the

speech he accused the opposition of demagogy, but also admitted that during his one

and a half years in office before the spring election, nothing had happened to

promote the needed reforms. In the premier's chair, he had made every effort to

prevent the right wholly discarding the reform from winning the next elections. That

made him take risks: he did not put forth the reforms until his opponent was beaten

and a firm majority was created to support the necessary reform steps. To this end, he

did not tell the truth to the public, he improvised. All this he addressed to the

members of the socialist party fraction, and not to the whole political community, to

all citizens of the country deceived by both sides in the election campaign.

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After the – still unclarified – leaking out of the speech, demonstrations broke

out against the prime minister, quoted some of his words taking out their context, in

Budapest and in some towns of the countryside, demanding his resignation. The

opposition mobilized its following, the radical right held a continuous demonstration

at Kossuth square, at the Parliament from 17th September till 23rd October. Football

hooligans and extreme rightists set cars on fire, hurled stones at the police, besieged

and occupied the headquarters of the Hungarian television on 17th and 18th

September. Quite unusually for Budapest, the downtown streets became the venue of

turmoil, of regular clashes between trouble-mongers and the police. The early

October local governmental elections were a walkover for the right-wing opposition,

the result was proclaimed by its leader Viktor Orbán to be tantamount to a

referendum and therefore he demanded that the government should resign. The

disturbances were ended when upon the call of László Sólyom, president of the

republic, the prime minister asked for a vote of confidence against himself. The

ruling coalition parties supported him, and the rightist opposition gradually withdrew

from street politics and the extreme right became isolated.

Nation versus traitors (aliens at heart, communists, Jews): this antithesis sums

up the self-image and enemy image of the political right which splits up the political

communty into good guys and bad guys. It follows from this that “the fatherland

cannot be in opposition” – a thesis that expropriates the whole of the political

community, the nation, the national symbols and holidays, degrading all this into

kitch.

Rightist public discourse is carried on in the language of national self-

centeredness based on the decisive role of the will, it is aimed at the unavoidable

changing of unjust relations, and lays claim to nation-based state redistribution, new

regime change, moral revival. The underlying conviction is that the nation is not

emulative but self-sufficient, it implies its own values, and its past, character and

historical merits entitle it to making others adjust to it instead of adjusting to others.

Its interpretation of history traceable to Dezső Szabó and László Németh holds that

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278

foreign governors (various occupiers) did not only shift the country's point of gravity

to abroad, but they replaced its ruling stratum, intellectual elite and middle class.

This led to internal counter-selection: to the fetishization of the power relations, to

waiting out, and to self-destruction. The vision of the distant glorious past and recent

colonial past is paired with an image of the future which contains the need for truth

and righteousness to all in an abstract formulation, but is practically based on the

social-Darwinist conviction of the struggle of nations in its concrete aspect. This

conviction holds that the Hungarian nation deserves an extraordinary place which

must be fought out with every means, since it is threatened by its internal and

external enemies. In order to survive, it has to fight, and this struggle requires a

strong, determined and devoted leader. To this mind and emotional state, the cause of

the community overpowers the cause of liberty 3.

Even without the charismatic leaders of the right, István Csurka and Viktor

Orbán, there is more than sufficient grounds for the search for reparation fed by real

grievances, fears, pains and shames: by the Trianon treaty, the suppressed shame of

the persecution, dispossession and massacre of Jews, the humiliation of deportations

from neighbouring countries, the traumas of the Soviet occupation and Sovietization,

the suppressed grief for the post-56 retaliations, the opportunism of the Kádár era

and its cover-up, the disillusions after the regime change, the experience of “feigned

capitalism, capitalist exploitation of feudal relations”, to quote the diagnosis of an

early 20th century sociologist, Lajos Leopold4. By all the unhealed wounds that hurt

much. Branding the opponent as the enemy allows the right to project upon someone

all the shame, anxiety, uncertainty that they had brought along. The person of the

prime minister radiating self-confidence and commitment, who humiliates and

lectures the leader of the right, offers itself as it were for the personification of all the

trouble, pain and shame of the right. When they revile him, they feel they have but

received satisfaction for their grievances. When he disappears, everything will be

solved and pain will cease at one stroke, they think.

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But, if we take but one of the above-mentioned grievances, we find it an

extremely complex problem and trauma. The alternative to the disruption of

historical Hungary would presumably not have been to maintain its integrity but

rather the federative reorganization of the Monarchy with the predominance of Slavs

(a plan associated with Francis Ferdinand). The disannexation of areas devoid of

Hungarians must be approved if we are to take ourselves seriously. The status of

areas with mixed populations would have needed thorough deliberation and some

referenda. Since then, a great part of the concerned areas have lost their former

Hungarian character and this has turned the above processes irreversible. What

remains is the question of areas populated solely by Hungarians, and the memory,

fate and pain of those who lived and died or lived and left the rest of areas. They left

but they took their pain with them. It remains with them and with their descendants,

egging them on to seek reparation or elaboration. And then mention has not been

made of the memory of soldiers fighting in rivalry with the Romanian army for the

retention of Northern Transylvania in the Ukraine and for the occupation of Southern

Transylvania. Where is the grievance of those whose mother, wife, grandmother,

daughter, granddaughter was raped, whose father, son, grandson was shot dead or

taken captive by the Russians? Where is the grievance of the victims, sufferers and

survivers of Sovietization? Of those whose homes were laid an eye on, thus their

residents were denounced, deported, the apartments expropriated and given to others,

upon the model of what happened to the Jews in 1944?5.

Anyone who braces himself or herself to find out who are the thinkers and

examples of the Hungarian right, encounters a political kitch that makes everyone

and everything deplorable, ridiculous and frivolous. Power ambition without any

limitations – when someone wishes to control others, albeit he cannot control himself

– does not serve recuperation. The exercise of timocracy (martial rule based on lust

for fame) and threatening with ochlocracy (mob rule) can only temporarily divert

attention from the inner wound. But temporarily it does relegate it into the

background.

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The cause of the community should not be pitted against the cause of liberty,

but the two should be cross-referential. That, however, is preconditioned upon

everyone becoming free individuals, which – in turn – depends on much effort,

supportive reference groups, positive patterns, a tolerant atmosphere and, first of all,

conciliation with ourselves. It is dependent on a free choice of identities and a free

person who is able to choose his self-identity freely6.

Modernizers (civilizers, reformers, Europeanizers) versus regressors

(demagogues, populists, fascists): this is the leftist image of itself and its enemy.

Consequently, it proclaims to be committed to controlled modernization, its

exclusiveness, its lack of alternatives, its being the only salvaging variant. Its public

discourse is in the language of the adoption of European patterns/model.

The pattern to be adopted is Europe. The preconditions of achieving it were

ensured by the regime change, the building of liberal democracy and learning its

practice in a long and difficult process studded with relapses, the withdrawal of the

Soviet troops, the practice of four-yearly elections, the joining of NATO and the

European Union, but the attainment of this target is not so easy as it seemed from the

outside.

Seventeen years after the regime change it is probably not quite accidental that

signs of exhaustion are appearing almost simultaneously in Poland, Czechia,

Slovakia and Hungary. Nor is the fear of the Hungarian left and right that their

umbrella parties might crumble unjustified.

Europe comprises a wide variety of patterns from the Scandinavian countries to

Greece, from democracy to technocracy and oligarchy. It is surely not one and

indivisible, and the legal frameworks of a democracy themselves do not

automatically entail democratic socialization.

The emulative discourse is based on the fetishization of Europe, on the task of

catching up and bringing the country abreast of it, on a controlled modernization of

the country reminiscent of the enlightened absolutist traditions7. The forces in power

must live up to the historic possibility of integrating the country, themselves and

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those they govern into European civilization, the realm of progress and economic

growth. Their work and efforts are threatened and destroyed by the demagogy,

irresponsibility and uninibited demagogue of irrealistic Hungarian emotional

politicizing built on illusions and neglecting reality. According to their self-image,

they the select few with a calling and the taciturn majority behind them are opposed

to the power-hungry, unscrupulous, seditious minority. Reason vs emotion,

statesman vs demagogue, reality vs irrealism, responsibility vs irresponsibility, order

vs anarchy, progress vs stagnation, construction vs destruction, civilization vs

backwardness – these antinomies constitute the bases of their self-identity. They are

convinced that they alone are called and able to carry out the historic task, or else we

remain with uncertainty, chaos, anarchy, mob rule, all that they were and are afraid

of.

This is fed by different experiences: by the experience of Kádárist

functionaries who had to fight on two fronts against Rákosist restoration and against

the crushed revolution of 1956; by the fear that this manoeuvering and the resultant

delicate balance was threatened by both the empire and the irresponsible

demagogues; by the experience that unlike the other regime-changing parties and

their following, it was they who nevertheless represented the possibility of creating a

livable life and outside them there was no serious and responsible political factor.

That is why Péter Medgyessy (Hungary's prime minister from 2002 to 2004) and the

Socialist Party candidate to the Óbuda mayor's post in September were proud of their

former secret service roles in the party state. That is why the official in the premier's

office nominating bureacrats of the former party state for decoration, and Ferenc

Gyurcsány, who corroborated the nominations, did not realize that since the regime

change a role played in the party state apparatus had become shameful, and not

laudable. Pertinent is the legend that the regime change was the crowning of the

reforms of the Kádár age, as the peak achievement of Kádárist reformers. In fact, the

reforms of the Kádár age sooner or later bumped into the absolutism of the system

and so long as the extensivity of the system was sustained, the reforms were adjusted

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to absolutism in the conflict of the two: absolutism was the target of reforms but it

proved unreformable.

Undoubtedly, the totalitarianism of the party state gradually became more and

more oligarchic, the rule being seized by the few rich over the many propertiless. Its

legitimation could have been given by God's grace, the divine selection of the few in

power. However, the pragmatist oligarchy deflating and gradually giving up the

ideology, was without it. As regards the unprincipled pragmatism of the late-

Kádárian state party, we can recall the Conservative Party of the Hungarian Age of

Reforms, the Liberal Party of Austrian-Hungarian dualism and the Unified Party of

the interwar years, re-creating their false realism and clientele. In spite of these

parallels, its origin and character is rooted in totalitarianism.8 The oligarchy grew old

and slowly lost its self-confidence, its young successors became technocrats and

when the system went bankrupt and it turned out that in need the Soviet Union would

not give military aid, it was forced to bargain.

Many people saw unprincipled pragmatism, the emptiness or lack of ideology

legitimated and acceptable because of two experiences. One was the possibility to

catch up with the advanced West, which endowed economic growth and

consumption with a value per se, with the value of progress. The other was the

crumbling of the political antagonists and rivals and the discrediting of some of

them. The descendants of the political clienteles of the party state that had lost its

leftist character after Stalinism and 1956 could feel again that they were the lesser

evil, or rather, they were the only leaders with a calling. They are the ones who strive

to work out agreements and observe the rules of parliamentary democracy far more

strictly than their opponents. They claim to be the founders of modern Hungary and

their oppinents are the ones who obstacle this process. Instead of the pragmatic self-

justification of the oligarchy, since the election of Ferenc Gyurcsány prime minister

their ideology has been a peculiar admixture of republicanism and neo-Josephinism.

At the beginning it was predominated by republicanism, with a shift from summer

2006 towards an enlightened absolutist commitment. A commitment that considers

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itself the only repository of civilization, progress, Europe, and the commander of the

country's elevation – without alternatives, as its self-image suggests9.

One of the Socialist Party's hysterias was quite evident around the nomination

of speaker Katalin Szili to the presidential post in 2005 and after her failure. Ferenc

Gyurcsány resolved this situation by drawing the conclusion that the socialists had

mistaken themselves for the parliament and the country as such. Later, however, it

was he who failed to expose the situation to the country's population after the first

statement of the republic's president in September (or even earlier, after the

elections). Obviously, it explains but does not justify the missed opportunity that he

must have found it difficult to balance amidst the oligarchs of his party and to create

public opinion in the teeth of their influence. His workaholic sense of evocation,

which is authenticated by his deep-felt social mobility, cannot be the sole example

for others. The neo-Josephinian, Thatcherist language, on the other side, is offensive

not only for the losers, because – among other things – it implies the need to exclude

civil control. It would be desirable to return to the republican discourse.

The ideological hollowness of pragmatism was filled in 1994 and 2002 by the

self-justification of the oligarchy of the successor party and the claim to the false

social security of the Kádár regime. Its external cohering force was the rightist

hysteria built on the false national pride of the Horthy regime and the application of

modern marketing techniques, which the left tried to defuse by making moves to

realize the promises of the election campaign to the full. However, these were fear-

generated measures that led to immense indebtedness.

The task now is to eliminate the spiralling debt and to reform the major

redistributive systems, which should be carried out by creating an objective climate

and not with the hysteria of reforms. One precondition is the arousal of trust and

support in the long run. And it is not an easy task at all10.

The grievances and search for reparations on the right can relatively easily be

identified. It is harder to identify the traumas, fears and pains on the left. It is harder,

but not impossible. For grievances, fears and shames are many and various on this

side, too.

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Many of us live with the inherited trauma of 1944. Many bear the shame that

the validity of their individual mobility during the Stalinist period and the Kádár era

can be questioned since it was connected to the suppression and intimidation of

others. There certainly were and are people who were simply afraid in 1956. There

must be many underlying whose suppressed shame are collaborating gestures, acts

and suppressions from the Stalinist and Kádárist periods. There are certainly many

for whom the regime change was no liberation. Many might have been hurt by the

mistakes, offences committed by the Antall and Orbán cabinets. Even more are

harrassed by the loss of financial security. Very many are irritated and even

frightened by the repeated upsurge of rightist hysteria. It is momentarily gratifying to

brand, verbally annihilate the demonized demagogue who is seen as the embodiment

of the grievances of many people. But this gratification can indeed only be

momentary.

The exciters of the hysteria are not its masters but its participants. I have also

suggested that there are innumerable hysterias in Hungary, in East-Central Europe,

and in and outside Europe. As many as there are grievances, fears, pains

predominating our souls. Traumas that we have experienced or our parents,

grandparent suffered and suppressed, passing them down unarticulated and

unwittingly to their descendants, to us. Every grievance keeps hurting and poisoning

us like an encapsulated, unhealed wound; it may explode any time like a live shell;

its presence and effect distort our situation assessment, perpetuates our unintentional

and often savage search for reparation. We feel strongly driven to identify those who

caused the grievance and force them to conciliate us. Whereas those who caused the

traumas are most probably no longer alive. We tend to regard ourselves innocent

victims and to diabolize those who caused the grievance or their descendants. The

victim sticks to his role as victim more and more doggedly, afraid of losing it, but

this psychic process requires that the one-time offender not be confined to the human

scale. None are flesh-and-blood figures but mythic beings who are exempt from the

rules of human coexistence and communication11.

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This spin of this vicious circle, the reproduction of mythic roles, cannot be

stopped either by forgiving or by forgetting. There is no one to forgive if no one asks

for forgiveness. There is no forgetting when the subject of forgetting is constantly

reproduced in verbal aggression and symbolic politics. The way out is clarifying and

elaborating the situation. Elaboration requires facing up to ourselves, the taking of

painful decisions, it needs much inner mental work and effort. That is the only way

the traumas we suffered can be explored and talked out of ourselves in the company

of others who suffered similar grievances. We need therapeutic reference groups to

help us see the traumas of others as real grievances that pain them instead of seeing

them as the suppression of our injuries; to help us live with our sores and

acknowledge those of the others. In this way we may achieve that our life and deeds

will not be governed by our grievances. It is not easy to live through the political

hysteria even in this case, but we may put forth positive proposals because we are

now aware that beneath the excitability of a hysteria and the political machinations

unconscious real traumas are lurking against the backdrop of which could the satyric

play of 1956 be enacted, hysterias stirred and exploited even seventeen years after

the regime change, in free and independent Hungary having democratic legislature,

executive power and independent judiciary.

Of course, I don't believe that at the given moment everyone bears equal

responsibility for the autumn developments, especially for fanning of the rightist

political hysteria. Nor do I think that the exploration and comprehension of the

traumas underlying the hysterias solve everything. That will only mitigate the

collective madness, at the depth of which lies the insight that in a democracy the

source of power is not Divine Grace but the outcome of the collective will, which,

however, does not assert itself as it is supposed to. The formation of this will is

enframed in the constitutional order of liberal democracy and its content is the order

of liberty12. This is what allows for the coordination of modernity and tradition and

the free choice of identities, free people choosing identities – free people who do not

use their freedom for going mad and driving others into madness. To achieve this, we

need not only the constitutional framework of a liberal democracy, but also

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processes, patterns and experiences of democratic socialization and all the many

efforts that underlie it.

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In the Storm of Political Hysterias

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István Bibó's polemic with László Németh and Gyula Szekfű]. Budapest, Osiris, 1999, Idem: Európai

mintakövetés-nemzeti öncélúság. Értékvilág és identitáskeresés a 19-20. századi Magyarországon

[Adoption of European patterns versus national self-centeredness. Value systems and searching for

identity in 19th-20th-century Hungary]. Budapest, Új Mandátum, 2001, Liberty and the Search for

Identity. Liberal Nationalisms and the Legacy of Empires, Ed By Iván Zoltán Dénes. Budapest-New

York, Central European University Press, 2006. pp. 1-17, 155-271, 367-499, Discourses of Collective

Identity in Central and Southeast Europe (1770-1945). Texts and Commentaries, Edited by Balázs

Trencsényi and Michal Kopeček. Budapest-New York, 2006. I. pp. 197-351, II. pp. 307-498. 8 I am grateful to my learned friend and colleague, Mr. Charles Kecskeméti (Antony, France) for his

reflection and critical comment on the first version of this essay. 9 Cf. Bernadette Madeuf, Alice Sindzingre, Growth, Democracy and Glovalisation: Assessing the

Links, Paper presented at the conference La démocratie a l’ épreuve des mutations économiques et

sociales de l’ Europe contemporaine, Villa Finaly, Florence, 25-26 June 2007. I am indepted to Ms.

Alice Sindzingre (CNRS, Paris) for giiving me a copy of the lecture. 10 An independent analysis of the post-September 17 situation: Kis János, Pengeélen [On a blade-

edge]. Élet és Irodalom, 2006/40, pp. 3-5, 44, pp. 3-4, 11. Népszabadság, 287/2. p. 14. The

establishment of principles, Idem: A politika mint erkölcsi probléma [Politics as a moral problem].

Irodalom Kft, Budapest, 2004. 11 Szabó Miklós, Politikai kultúra Magyarországon 1896-1986. Válogatott tanulmányok [Political

culturein Hungary 1896-1986. Selected studies]. Atlantis, Medvetánc, 1989, Idem: Az

újkonzervativizmus és a jobboldali radikalizmus története (1867-1918) [The history of neo-

conservativism and radicalism (1867-1918)]. Új Mandátum Kiadó, Budapest, 2003, Balog Iván,

Politikai hisztériák Közép – és Kelet-Európában. Bibó István fasizmusról, nacionalizmusról,

antiszemitizmusról [Political hysterias in Central and Eastern Europe. István Bibó on fascism,

nationalism, anti-Semitism]. Argumentum Kiadó – Bibó István Szellemi Műhely, Budapest, 2004,

Kovács Gábor: Az európai egyensúlytól a kölcsönös szolgáltatások társadalmáig. Bibó István, a

politikai gondolkodó [From European balance to the society of mutual services. István Bibó, the

political thinker]. Argumentum Kiadó – Bibó István Szellemi Műhely, Budapest, 2004. 12 István Bibó, The Paralysis of International Institutions and the Remedies. A Study of Self-

Determination, Concord among the Major Powers, and Political Arbitration, Hassocks, Sussex, The

Harvester Press, 1976, János Kis: Constitutional Democracy, Budapest-New York, Central European

University Press, 2003.

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The Content of EU’s Democracy

Promotion in its Neighbourhood

Enrico Fassi

Introduction Democracy promotion is today at the centre of the debate in international

politics. While the issue is not new, neither in the practice of international relations

nor in academic debates, it has dramatically reached the top of the agenda due to

recent events.

United States’ response to the 9/11 terrorist attack – through the controversial

campaigns of Afghanistan and, mainly, Iraq – inflamed the debate on the relationship

between regime change and security, and particularly on the appropriate and

acceptable means to sustain, or induce, changes in the political system of other

countries1. Meanwhile, most of the central and eastern European countries

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“completed” their transitions, a process initiated 15 years ago in the eve of the

breakdown of the Soviet empire, officially joining the European Union in May 2004.

The Arab world, largely untouched by the “third wave of democratisation”, is

increasingly becoming the object of both European and American initiatives2.

President G.W. Bush, inaugurating his second term in 2005, placed democracy

promotion at the centre of US foreign policy agenda, and signalled the urgency to re-

establish the transatlantic cooperation on this specific issue3. Finally, the so called

“colour revolutions” in Ukraine, Georgia, Kyrgyzstan and Lebanon, as well as

monks’ protests in Myanmar, clearly demonstrated how much the demand for

democracy is actually high and unsatisfied in many parts of the world, showing at the

same time the valuable role that external actors can play.

Indeed, since the end of the Cold War and the fading of the geopolitical

calculations associated with it, an extraordinary window of opportunity has been

disclosed for actors willing to support, induce and promote the spread of democratic

reforms abroad.

In this phase, the EU emerged as one of the main international actors engaged

in this effort: in the last fifteen years, strategies have been devised, instruments have

been created, and resources have been mobilized in order to establish a solid policy

of democracy promotion. Undoubtedly, the double transition of the former soviet

satellites of eastern and central Europe, sanctioned by the historical enlargement of

May 2004, represents the most spectacular success of this policy.

However, membership is a limited resource and EU’s strategy of democracy

promotion cannot remain confined to the democratisation through integration model.

Indeed, while the enlargement process was reaching its limits, the EU had to confront

with two imperatives: on the one hand, in line with its ambitions, it had to devise

new instruments and a new strategy, in order to strengthen its role as a global actor

of democracy promotion; on the other hand, there was the urgency to address the

challenges emerging in the post-enlargement scenario. The European

Neighbourhood Policy (ENP), launched by the Commission in 2003, lies just

between these two goals: it is a key response to the new, post-9/11 and post-

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enlargement security context and, at the same time, it is intended as a powerful tool

of democracy promotion. Through the analysis of the ENP we can thus observe to

what extent the new strategy of democracy promotion formulated by the Commission

is reflected in one of its major foreign policy initiative. At the same time, this

analysis could shed some light on the whole doctrine lying behind EU’s approach to

democracy promotion, in particular concerning the interplay between this goal and

its security imperatives.

EU’s strategy of democracy promotion: three phases Democracy is a contested concept4. Though everyone has a rough idea about

its content, it is difficult to reach a comprehensive, widely accepted definition of

democracy; in addition, there is always an inherent tension between the democratic

ideals and the actual working of existing democracies, between formal and

substantial approaches. As a consequence, the definition of democracy promotion is

contested too (and even more so). Starting from the classical partition of the

democratization process in three phases – liberalization, transition and consolidation

– and introducing the concept of political accountability and limits to the use of force

by the external actor, democracy promotion can be defined as5:

the complex of all the visible and voluntary actions adopted, sustained and realised

(directly or indirectly) by external actors (public or private) with the explicit goal of

contributing (without employing violence) to the political liberalisation of autocratic regimes,

to the transition to democracy or democracy consolidation in given beneficiary countries6.

Given this definition, a strategy of democracy promotion consists, in the words

of Thomas Carothers, in answering to these questions: “what approaches do donors

take to promoting democracy?” and “on what models or theories of democracy and

democratisation are these approach based?”7. More specifically, a strategy of

democracy promotion can be defined as the combination between the specific goal of

the external actor – liberalisation, democratic transition or consolidation (depending

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on a careful analysis of the situation in the target-country) – the instruments

employed – forms of direct conditionality vs political dialogue or indirect approaches

– and the privileged target-level – individual, civil society, political society, State8.

As mentioned, the European endeavour in democracy promotion is relatively

recent; it can be approximately divided into three phases, each one with specific

features that contribute to define a distinct EU strategy.

The first “tentative phase” takes places during the ’90s. In this period, we assist

at the progressive adoption of the juridical, institutional and financial instruments

lying down the basics of this policy; it is in this moment, progressively characterised

by the urgency of the enlargement, that the EU establishes the foundations of its

strategy.

The second stage, which can be defined as the “acceleration phase”, can be

roughly identified with the mandate of the Commission chaired by Romano Prodi

(2000-2005). Throughout this phase we assist to a serious re-launch of the overall

policy, in order to meet EU’s ambition to act as a political player on the global scale,

on the one hand, and to accomplish the goals of the enlargement – “to finish the job”

– on the other. In this effort, the European Initiative for Democracy and Human

Rights (EIDHR) emerges as the single instrument that embodies this new proactive

approach to democracy promotion, particularly in the form of democracy assistance.

Finally, we are now in the “neighbourhood phase”: in the post-enlargement

context, the European Neighbourhood Policy stands out as the key foreign policy

priority of the European Union, and within this policy democracy promotion assumes

a prominent role. While the new approach to the EIDHR still has to show clear

achievements, and whilst the end of the enlargement sprint leaves space for a much

sober evaluation of this process (and of its limitations), security imperatives force the

EU to address the issue of the relationship with its (new) neighbours.

Obviously, the division between these three phases is not so sharp and, in

practice, they tend to overlap. As it has been noted, more than a defined grand

strategy it is possible detect a “learning by doing” evolution, in which ideas and

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solutions travelled from one area to the other.9 However, this partition helps to

highlight the main features of this policy and to analyse its likely evolution10.

The first tentative phase: the pillars of EU’s strategy of democracy

promotion During the first phase, which covers more or less the decade that goes from the

fall of the Berlin Wall to the resignation of the Santer Commission, the EU defined

the legal, financial and institutional framework necessary for the pursuit of this

policy. The first official statement concerning democracy promotion can be found in

the Declaration on Human Rights adopted at the Luxembourg European Council on

28-29 June 1991, which recognised the democratic values as an essential part of the

EU’s international relations and “a cornerstone of European co-operation”.11 On 28

November of the same year the Council then adopted a Resolution on Human Rights,

Democracy and Development laying down the guidelines, procedures and priorities

to improve the consistency and cohesion of the whole range of development

initiatives intended to foster these values12.

Underlining that the respect of human rights and the promotion of democracy

were objectives and conditions for development cooperation of both the Commission

and the Member States, the resolution indicated two potential policy instruments: on

the one hand, a positive approach intended to stimulate third countries, via political

dialogue and through the provision of financial resources; on the other hand, the

warning of negative measures “in the event of grave and persistent human rights

violations or the serious interruption of democratic processes” up to the suspension

of cooperation agreements13. Following these indications, one of the “most visible”

and «high profile» developments in this area was the introduction of the EU’s

standard democracy and human rights clause in all cooperation contractual

agreements with third countries14.

In this first phase, EU’s strategy of democracy promotion was based on an

interplay between a bottom-up approach, intended to foster economic growth and the

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development of civil society, and a “soft” implementation of political conditionality,

based more on the ideas of constructive dialogue and norm socialisation than on the

systematic application of the “democracy clauses”.

Actually, a significant difference emerged in relation to target countries: if this

approach produced limited achievements in most of the EU’s partners, it has been an

absolute success in relation to the CEE candidate countries, where a veritable distinct

model of democracy promotion emerged. It is through this process of democracy

promotion through integration that the EU has built its positive reputation as “norm

exporter” and effective actor of democracy promotion15.

The success of this model, however, was based on a combination of

peculiarities that could not be replicated: the historical and geopolitical contexts and,

particularly, its distinctive logic based on strict conditionality linked to the promise

of future membership. Therefore, although a spectacular achievement in its own, this

process could not represent “the model” for EU’s democracy promotion. More

precisely, to reach the level of its stated ambitions, the EU needed to elaborate a

global approach to democracy promotion, based on a strategy suitable also for all

those cases – the vast majority indeed – where these specific conditions do not apply.

It is precisely in the approach to these countries, where the initial strategy of

democracy promotion showed most of its weaknesses, that the EU should prove its

capacity to go beyond the integration model to devise a truly new approach.

Second phase: a global Europe? In the years of the Prodi Commission, while completing the process of

enlargement, the whole policy of democracy promotion was significantly renewed,

and a new strategy seems to emerge. Whilst some innovations could contribute to

improve the overall impact and effectiveness of this policy, others appear destined to

remain at the level of declarations or stated aims. A case of path-dependent

development, the EU’s strategy continued to be marked by the same distinctive

features – focus on civil society (and much less on political society), priority for

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market reform (and not so much on political and institutional reforms) trust in the

potential of constructive dialogue (and, with the exclusion of aspirant members, soft

conditionality), but also by the same weaknesses – lack of coherence, consistency

and careful conceptualisation as well as poor implementation – of the first “tentative

phase”.

Only the European Initiative for Democracy and Human Rights (EIDHR) – the

specific instrument for “democracy assistance” created by an initiative of the

European Parliament in 1994 – could emerge, potentially, as the veritable “driver” of

a renewed approach to democracy promotion. Actions under the EIDHR, indeed, do

not require the consent of the host government and could be directed towards

individuals or actors of civil/political society even in countries with which the EU

has not an agreement. In addition to the critical role granted to it by the Commission,

the revision of the EIDHR presented in the 2001 seems to show significant

innovations: a) a finer conceptualisation of the variables involved in the process of

democratisation, showed by the new articulation of the different campaigns; b) the

scope for flexibility, given by the prospect to combine the campaigns in different

ways to adapt the general approach to the specific needs emerged from the Country

Strategy Papers (CSP); further flexibility emerging from the de-centralisation of

responsibilities towards Commission’s Delegations; c) the enhancement of the

overall coherence ensured by the multi-level implementation of the campaigns16; d)

the selection of specific target-countries in order to maximise impact and

effectiveness of the EIDHR.

However, in spite of its new strategic role, the EIDHR remains fundamentally

an instrument to complement EU’s assistance programmes established with

governments. The comparative advantage of the EIDHR would have little impact if

not consistently supported by an overall renewed and pro-active approach to

democracy promotion. In addition, a significant percentage of the EIDHR budget

(about 30%, on a total of 100 million €) is still devoted to election monitoring, which

is conducted only in agreement with third countries.

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The analysis of the European Neighbourhood Policy seems thus critical to

understand to what extent the evolution of the European strategy of democracy

promotion, observed during the acceleration phase, actually impacted on specific

political initiatives.

Phase three: The European Neighbourhood Policy After the historical enlargement of 2004, the EU had to confront with an

entirely new, challenging context, due to the extension of its borders and the risk of

creating new dividing lines between insiders and outsiders. Meanwhile, 9/11 and the

Global War on Terror significantly contributed in altering the perception of threats

and the whole notion of security, also in Europe17.

The European Neighbourhood Policy (ENP), officially launched in March

2003, has thus been designed as an answer to these challenges, through the

development, in the words of Romano Prodi, of “a ring of friends”. The wider goal is

“to create an area of shared prosperity and values, based on deeper economic

integration, intensified political relations, enhanced cross-border cooperation and

shared responsibility for conflict prevention between the EU and its neighbours”.

Political stability and economic development are thus the mainstream ideas of this

policy and the core of EU effort to promote sustainable security in its

neighbourhood18.

At the same time, the ENP is also presented as a new, effective tool of

democracy promotion19. Indeed, the “shared values” on which the EU intends to

build its relationship with neighbouring countries are precisely those of “liberty,

democracy, respect for human rights and fundamental freedoms, and the rule of law”:

this policy seeks to promote the commitment to these values in the neighbouring

countries20.

Since its launch, the ENP rapidly progressed to the level of being considered as

“a key EU external relations priority”21. The mechanism clearly echoes both the

instruments and the logic of enlargement, i.e. conditionality. Areas of intervention

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and priorities listed in ENP Action Plans substantially recall the Copenhagen criteria

applied to the CEE countries. The implementation of these objectives is regularly

monitored through sub-Committees with each country, and the Commission will also

issue periodic reports on steps forward and on areas requiring further progress,

exactly how it happened with candidate countries. Even specific instruments of the

enlargement, such as Twinning and Taiex, are being re-proposed under the ENP. The

ENP thus appears as the natural extension of the enlargement policy to the new – and

old – neighbours. However, a deeper analysis of the ENP’s potential in terms of

democracy promotion reveals some limitations of this latter and a substantial

difference between these two approaches.

The ENP as a democracy promotion tool In line with the development of the EIDHR, official ENP documents stress the

ideas of ownership and differentiation as key concepts of its approach to democracy

promotion. The application of these notions into the framework of the

neighbourhood policy, however, requires some further clarification.

Starting with the first issue, it must be stressed that the ENP approach

represents a typical top-down process, in which the reform process – due to an

agreement between governments – spreads from the government to the society: it

thus quite difficult to speak of a real sense of true ownership in relation to this latter.

Moreover, as it has been abundantly stressed, the process of democratisation is, first

and foremost, “a domestic affair”, meaning that require the construction of a

domestic consensus: the perception that reforms are by some means “imposed” by

external actors could be detrimental even for the most committed government22. In

the ENP scheme, while Action Plans have to be jointly agreed, even the role of

governments in partner countries seems to be somehow marginal. Indeed, the main

areas of reform have been already indicated by the Commission, in its Strategy

Papers. In addition, a Country Report issued by the EU, where priorities are defined

before any input from target states could be heard, precedes every Action Plan, thus

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substantially reducing any true sense of ownership of the whole ENP process and,

perhaps more crucially, of the reforms involved.

In relation to the idea of differentiation, also stressed by the Commission, we

can raise some doubts too. In the words of the Commission, differentiation means

that priorities listed in the Action Plan should reflect specific needs and capacities of

that particular country. This is welcome, since the possibility of adaptation to

specific situation – both in terms of general features of the country and in relation to

its exact position along the autocracy-democracy continuum – represents a

fundamental feature of any successful strategy of democracy promotion. However,

one could argue, differentiations involves also something different, which has to do

with the degree of commitment, both of the EU and the partner country. Indeed,

ENP’s official documents clearly declare state that “the level of ambition of the

relationship will depend on the extent to which these values [democracy and human

rights, rule of law, good governance, market economy principles and sustainable

development] are effectively shared”. If we look at the governments of our

neighbours, and particularly the Mediterranean ones, it is evident that the point is

precisely that these values, and democracy foremost, are not effectively shared. That

is why we want to promote them! The issue is that, in contrast to the enlargement,

here there is not a clear end-point of the process, and the UE seems unable to fix

unilaterally the height of the bar in terms of commitment to democracy. This point,

although self-evident, raises some further reflections on the whole strategy of

democracy promotion behind the ENP framework.

Indeed, in general, it has been remarked by many that the ENP suffers a major

limitation in its incentive structure. The ENP, as previously illustrated, echoes the

logic of conditionality. More precisely, on the basis of content, logic and processes it

is the whole model of democratisation through integration that is replicated, with

profound consequences. Indeed, although the explicit aim of the ENP is to avoid the

creation of new dividing lines, a new cleavage seems to emerge precisely in relation

to the issue of democracy promotion. The Commission insistently reminds that

enlargement and neighbourhood are two different things. But for the newly Eastern

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neighbours, true aspirations and the power of a concrete example cannot be

underestimated. The path followed by many former soviet satellites, consciously or

not, encourages the others to consider the ENP somehow as the prelude to a “proper”

integration. Even if not made explicit – or rhetorically denied – membership is

always in the background23. For these countries, particularly Ukraine, the real

incentive is given by the prospect of a future membership. In this way, the powerful

machine of conditionality can be deployed and partner countries have a real

commitment to reform. The level of the commitment is clear, and evident to both

parties, as it is the goal: membership. The “carrot” is good enough to permit the EU

to present itself with a “big stick”24.

Circumstances appear very different in relation to the Mediterranean

neighbours. What has the EU to offer to these countries? Membership is clearly not

at stake. Instead, it has been argued, its most important and unique contribution may

be “in the very subjective quest for some kind of Euro-Mediterranean identity, and

for a modern place for Islamic culture inside the democratic EU, which in turn may

feed back through diaspora connections to the domestic politics of the Arab world”25.

Is that attractive enough for our ENP partners? It may be not. Even the eleven

incentives envisaged by the Commission seem somehow to offer a limited leverage

toward these countries26.

With these premises, conditionality becomes a blunted instrument; “the level of

ambition of the relationship” will depend almost completely on the neighbour’s

government choice and commitment, leaving the EU with few spaces for concrete

action. Since the “carrot” is not so tasty, the “stick” becomes small. In this context,

the democratisation through integration model cannot work. It could even be

detrimental, since the “imposition” of benchmarks and the strict monitoring of

reforms necessary to make use of the conditionality mechanism, summed to a scarce

sense of ownership, may provoke anger and resentment more easily than compliance

and commitment. In this context, the EU cannot “demand democracy with strident

voice”27. It would not work. What could work – and it has actually been working in

this area – is instead a (very) long-term approach based on norm socialisation. In this

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sense, the ENP can usefully update and reinvigorate the Euro-Mediterranean

Partnership, but it is something rather different from a vigorous engagement in

democracy promotion. To bring some effects, a general commitment to dialogue and

norm socialisation still need to be coupled, in a coherent strategy, with other more

pro-active, tailor-made approaches directly focused toward civil society, such as the

EIDHR. However, if we consider the latest evolution of the ENP, and once the issue

of security also enters the equation, the whole picture seems to be less clear-cut.

Conclusion: Democracy as a path to Security? Compared with previous EU initiatives in its neighbourhood – the Euro-

Mediterranean Partnership to the South and Association Agreements to the East – the

ENP certainly presents some positive innovations in terms of democracy promotion.

First of all, although in the framework of a multilateral initiative, it is recognized the

necessary country-specific approach in order to be more flexible and more specific in

rewarding possible reform efforts. The scope for flexibility could thus considered the

positive counterbalance of differentiation. Particularly in its December 2006 revision

of the ENP, the EU seems also ready and willing to offer a “real carrot” – i.e.

substantial incentives, such as the participation in selected EU’s agencies – to

emphasize its serious engagement with democratisation and reforms28 In this light,

the latest evolution of the ENP signals a development of EU’s strategy, from a purely

negative conditionality – linked to the menace of suspension of the agreement in case

of violations of the democracy clause – to a model of positive conditionality,

granting more aid and incentives to those actors being fast in the implementation of

their Action Plan29.

However, particularly in relation to the Mediterranean partners, the ENP seems

to be marked by another major constraint: there is indeed a widespread perception

that today, EU’s democracy promotion suffers a credibility deficit, partly due to an

unresolved democracy vs. stability dilemma.

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The nature of this policy, it should be recalled, lies in its effort to address the

security demand provoked by the enlargement and by the post-9/11 international

context. Security is the main goal, and the spread of democracy is considered as an

instrument (with the advantage of being a valuable goal in itself). The problem is –

as it emerges from ENP documents and the European Security Strategy as well – that

ahead of promoting democracy the EU intends to promote security and stability.

While we can argue that democracy, security and stability are strictly

correlated in the long run, and this seems to be true both on domestic terms and for

inter-state relations (according the so called democratic peace thesis30), things are

much complex in the short-term scenario. Indeed, as noted by Mansfield and Snyder,

partial democracies – which could be the results of an incomplete transition to

democracy or back-sliding democracy – are perhaps the most unstable form of

political system31. In brief, there seems to be an inherent contradiction between the

goal of promoting democratic values and the security imperatives the EU must

confront with, particularly with reference to its neighbourhood.

This seeming contradiction is being used, by the few democrats in the

neighbouring countries, to accuse the EU to pursue its security goals instead of

democracy; conversely, for the autocratic governments of the region, this serve as a

basis to justify or even exalt their role as stability-security provider32. Apparently,

there seems to be no way out of this dilemma.

Though, it has been noted, EU’s approach to the promotion of democracy and

human rights reflects its preference for a concept of soft security, and the use of soft

power in its foreign policy: that is to say the eschewal of purely military security

concerns in favour of the economic, societal and environmental aspects of security,

on the one hand, and inducing compliance with its policies by incentives, capacity-

building, persuasion and norm socialisation, on the other33.

In particular, as recently remarked by European Commissioner for External

Relations and ENP, Benita Ferrero-Walden, central to EU’s approach it is the

concept of human security: “an idea of security which places people at the heart of

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our policies. It means looking at the comprehensive security of people, not the

security of states, encompassing both freedom from fear and freedom from want”34.

If we adopt this idea of human security, the process of democratization and the

process of securitization appear much more compatible. Even more so if we add that

recent studies seem to reject the relationship between democratization and either the

frequency or the magnitude of conflicts (if income is controlled as a variable, for

example)35.

Indeed, the main problem of the ENP may not consist in a sharp contradiction

between its democracy and security goals, but in the limited appreciation, on the part

of neighbouring countries, of the liberal solution to the security dilemma supported

by the EU. Indeed, while the EU represents a “security community” founded on the

liberal assumption that “more freedom (democracy) equals more security”, most of

the neighbouring countries still feel to be part of an anarchical, Hobbesian arena, in

which the adverse relationship applies36.

Given the tools at EU’s disposal – incentives, capacity-building, persuasion

and norm socialisation – altering this perception represents a tough task, and it will

demand long time. In particular, it must be noted that EU’s normative approach to

foreign policy, and specifically the goal of democracy promotion, has to confront

today with an increasingly difficult context in the European Neighbourhood. On the

one hand, the global War on Terror, the difficulties of the transition in Afghanistan

and the failure of the campaign in Iraq, obviously altered the perception of

democracy promotion, particularly in Arab and Muslim countries of the European

neighbourhood. On the other hand, these same countries are much more exposed to

the influence of different normative options: Iran, and its theocratic model, with its

status of potential nuclear power, certainly exerts some appeal both on some

governments and on the Shiites minorities of the Mediterranean region. China, with

its model of impressive economic growth delivered by an authoritarian system, is

growing in prominence in the European Neighbourhood, as it already happens in

Africa and in Central Asia; chinese offer of economic cooperation, not linked to any

democracy or human rights criteria, certainly represents an attractive alternative to

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303

the cooperation with the EU. To the east, also Russia, as illustrated by the “Sovereign

Democracy” slogan, seeks to return to a role as normative power.

To conclude, the normative appeal of the EU, in general, and of EU democracy

promotion in particular, seems not to be particularly high in the Neighbourhood,

specifically in the Mediterranean partners. Given this context, the real problem may

not be that the EU is perceived to seek security instead of democracy, but that risking

democracy as a path to security may be to bet too much on the wrong horse.

1 See the US New Security Strategy, which clearly expressed the supposed link between autocracy,

failed states and terrorism, and the need to set the export of democracy as a priority of US’ strategic

response. NSS 2002, The New Security Strategy of the United States of America, September 2002. 2 Samuel Huntington, The Third Wave. Democratisation in the Late Twentieth Century, Normann,

University of Oklahoma Press, 1991. 3 See George W. Bush, Inaugural Speech, 20.01.2005, www.thewhitehouse.gov. 4 Peter Burnell, Democratization, in Burnell P. – Randall V. (eds), Politics in the developing world,

Oxford, Oxford University Press, 2005. 5 In my view, the use of force could represent the single feature that allow to draw a line between

‘democracy promotion’ – a consensus-building exercise – and ‘democracy export’ – based on the

forceful imposition of change. For a discussion on the use of force in democracy promotion see Paolo

Foradori, Rambo democrazia e politica estera americana. Un contributo al dibattito sulla dimensione

internazionale dei processi di democratizzazione, “Teoria Politica”, XXII, (2006), 3. 6 Adapted from Philippe C. Schmitter and Imco Brower, Promozione e protezione della democrazia. Il

concetto, le ricerche, la valutazione, “Rivista Italiana di Scienza Politica”, XXX, n. 2, agosto 2000, p.

196. 7 Thomas Carothers, Democracy Assistance: The Question of Strategy, “Democratization”, Vol. 4,

No3, Autumn 1997, p. 111. 8 At the level of individuals, activities are predominantly those of civic education or general

instruction. The often cited sustain to civil society usually means support to advocacy movements,

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independent media, democracy watchdogs, human rights activists and all those kind of associations

‘between the State and the individual’ that have a stake in the process of democratisation. The level of

political society, less widespread, involves instead the direct support to political party or movements

directly pointing to the conquest of political power. Finally, activities at the State level, such as

training of judges and Parliamentarians or assistance to constitutional reforms, are directed to increase

the democratic status of a certain regime by enhancing both its efficiency and accountability. See

Philippe C. Schmitter and Imco Brower, Promozione e protezione della democrazia, cit., pp. 196-197. 9 Borzel Taja – Risse Thomas, One Size Fits All! EU Policies for the Promotion of Human Rights,

Democracy and the Rule of Law, paper presented to the Workshop on Democracy Promotion, 4-5

october 2004, Centre for Development, Democracy and the Rule of Law, Stanford University US. 10 For a more detailed analysis of these three phases see Enrico Fassi, Le politiche di promozione della

democrazia dell’UE, in S. Giusti, A. Locatelli, L’Europa sicura. Le politiche di sicurezza in Europa,

Milano, Egea, 2008. 11 “Democracy, pluralism, respect for human rights, institutions working within a constitutional

framework, and responsible governments appointed following periodic, fair elections, as well as the

recognition of the legitimate importance of the individual in a society, are essential prerequisites of

sustained social and economic development”. Quoted in Karen Smith, Democracy and Good

Governance, in European Foreign Policy in a Changing World, Cambridge, Polity Press, 2003, p.

128. 12 This principles will be later incorporated in the Treaty of the European Union, signed in Maastricht

in 1992: article 11(1) states that the development and consolidation of democracy and of the rule of

law, and of respect of human rights and fundamental freedoms are among the objectives of the

Union’s Common Foreign and Security Policy (CFSP). A further reference is in the Treaty of the

European Community, concerning the goal and objectives of development cooperation: article 177(2)

states that Community policy should contribute to the general objective of developing and

consolidating democracy. With the TEU the promotion of democracy is thus recognised as a goal both

of the EC – and thus managed by the European Commission – and of the CFSP – the second pillar of

the Union, managed by the Council. Finally, in 1999, also in view of the enlargement process, the

Amsterdam Treaty reinforced this principle including in its article 7 the provision of the suspension of

a Member State for human rights or democracy violations. 13 Gordon Crawford, European Union development Cooperation and the Promotion of Democracy, in

Peter Burnell (ed) Democracy assistance. International Co-operation for Democratization, London,

Portland OR, Frank Cass, 2000, p. 92.

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14 Richard Youngs, The European Union and the promotion of democracy, Oxford, Oxford University

Press, 2001, p. 18. See also Gordon Crawford, European Union development Cooperation, cit., pp.

93-94. 15 See Michael Emerson, Senem Aydýn et al., The Reluctant Debutante. The European Union as

Promoter of Democracy in its Neighbourhood, CEPS Working Document n. 223, July 2005. 16 Even if the literature seems to agree that the major efforts should be focused at the country level.

See, for example, Jean Grugel, Democratization. A critical introduction, Palgrave, Basingstoke, 2002. 17 See Stefano Procacci, Problematizzare la sicurezza in Europa: identità, minacce, istituzioni, in S.

Giusti, A. Locatelli (eds), L’Europa sicura. Le politiche di sicurezza dell’Unione Europea, Milano,

Egea, 2008. 18 See Rosa Rossi, The European Neighbourhood Policy In Perspective, in Fulvio Attinà and Rosa

Rossi, European Neighbourhood Policy: Political, Economic And Social Issues, the Jean Monnet

Centre “Euro-Med”, Department of Political Studies, 2004, p. 11. 19 See, particularly, Michael Emerson, Senem Aydýn et al., The Reluctant Debutante. The European

Union as Promoter of Democracy in its Neighbourhood, CEPS Working Document N. 223, July

2005, and Elena Baracani, The EU and Democracy Promotion: A Strategy of Democratization in the

Framework of Neighbourhood Policy?, in Fulvio Attinà and Rosa Rossi, European Neighbourhood

Policy, cit. 20 COM (2004) 373 final, pp. 12-13. 21 COM (2005) 1521 final, p. 1. 22 See the ‘classical’ Laurence Whitehead, Three international dimensions of democratization, in

Whitehead L. (ed) The International Dimensions of Democracy, Oxford, Oxford University Press,

1996. 23 Karen Smith, The Outsiders: the European Neighbourhood Policy, “International Affairs”, n. 81

(2005), 4. 24 See Enrico Fassi, The European Neighbourhood Policy as a Strategy for Democracy Promotion?

Or the bad carrot and the small stick, paper presented for the ECPR Graduate Conference, Essex, 7-9

September 2006. 25 See Michael Emerson, Senem Aydýn et al., The Reluctant Debutante, cit. 26 See the EU Commission’s ENP Strategy Paper: COM (2004) 373 final. 27 Michael Emerson, Senem Aydýn et al., The Reluctant Debutante, cit., p. 30. 28 Thomas Demmelhuber, The ENP and its implementation in the Southern Mediterranean. The case

of Egypt’ Centre for European Integration Studies, Berlin, ZEI, Discussion Paper, C170, 2007.

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306

29 Although it is doubtful that this choice signals the evolution of the whole EU’s strategy towards a

form of ‘democracy assistance’, where the use of negative conditionality is excluded. For a discussion

of these concepts see P. Burnell, Democratization, cit. 30 Michael Doyle, Kant, Liberal Legacies, and Foreign Affairs, “Philosophy and Public Affairs”,

(1983), 12. 31 Mansfield Edward – Snyder Jack, Electing to fight: emerging democracies go to war, Boston, The

Mit Press, 2005. 32 See Thomas Demmelhuber, The ENP and its implementation in the Southern Mediterranean, cit. 33 Taja Borzel and Thomas Risse, One Size Fits All! EU Policies for the Promotion of Human Rights,

Democracy and the Rule of Law, paper presented to the Workshop on democracy promotion, October

4-5, 2004, Centre for Development, Democracy and the rule of Law, Stanford University, US. 34 Ferrero-Walden, Remarks on democracy promotion, Speech/06/790, Bruxelles, 7 dicembre 2006. 35 See Foradori Paolo, Caschi blu e processi di democratizzazione, Milano, Vita&Pensiero, 2007, pp.

116-134. 36 See Vittorio E. Parsi, Sicurezza, in Andreatta F., Clementi M., Colombo A., Koenig-Archibugi,

Parsi V. E., Relazioni internazionali, Bologna, Il Mulino, 2007. For the concept of security

community see the classic K. Deutsch et al., Political Community and the North Atlantic Area,

Princeton, Princeton University Press¸ 1957.

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The evolution of the concept of

democracy in the Russian political

discourse over the past decade

Ekaterina N. Luchinina

The past decade witnessed a series of transformations in many spheres of the

Russian society. These transformations have been reflected in the language that is

used in the country and in the meaning of certain key notions. Beyond any doubt, the

concept of democracy is included into the latter category. The article aims to analyze

the usage of this concept in the Russian political discourse and to study the

diachronic evolution of its meaning during the period in question. The analysis is

based on different sources, such as official documents (the Constitution of the

Russian Federation, programs of Russian political parties), Presidential addresses and

speeches (quoted from the official web-site of Russia’s president

www.president.kremlin.ru), speeches and statements made by policy makers and

government representatives (quoted from the media and their web-pages). The media

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308

materials have also been used. These have included Rossiyskaya Gazeta, Izvestia,

Nezavisimaya Gazeta, Argumenty i Fakty, which could be regarded as Russian

quality papers (both electronic and printed sources have been employed). The

principal research method is discourse analysis implying the complex study of

linguistic aspects of social problems and processes. This is achieved through

component analysis, distribution analysis, content-analysis, and interpretational

analysis.

The concept of democracy itself began to be used extensively in the Russian

political discourse in the late 1980s and due to political transformations gained really

firm ground at the beginning of the 1990s, especially during the summer of 1991

when two highly important events influenced further development of the nation – the

presidential election making Boris Yeltsin the first President of the Russian

Federation and the failed coup d’état that took place in August 1991. Both events

provoked a series of public reflections on such questions as “what is democracy?”

and “how to make Russia a truly democratic state?”.

The study of the speeches and articles of that period has allowed to obtain such

examples as:

We are determined to further facilitate the development of the democratic process and

the formation of the legal foundations of the government∗.

… democracy as a … stability guarantor…

Democratic movement by nature is a movement of creators, not destructors.

Democracy has taught people not to be silent. And they are not anymore silent when their

will is restrained.

The collocations of the noun democracy – namely stability, creator, will – are

very illustrative. They are imbued with positive meaning. Democracy as a concept is

personified: it can be a guarantor (of stability), i.e. ensure peace and prosperity, and

teach, i.e. give people some new knowledge. Moreover, it teaches people not to be

∗ Here and further on the translation is provided by the author of the article.

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309

silent, i.e. to stand up for their rights, to express their will, etc. Thus democracy is

closely connected with the idea of freedom and free will, the ideas rather novel for

Russia in the late 1980s.

The popularity of democracy as a concept can also be proved by the fact that

this lexical unit (or its derivatives) was present in the names of many emerging

political parties and movements, for example,

Yabloko Russian Democratic Party

Democratic Choice of Russia

Russian Movement for Democratic Reforms

Socio-Democratic Party of Russia

Christian Democratic Party

The component democratic was often present regardless of the political

platforms and ambitions of the party in question. For example, the name Liberal

Democratic Party of Russia was chosen by Vladimir V. Zhirinovsky despite his

overtly nationalistic attitude and notorious promises to “wash Russian soldiers’ boots

in the Indian ocean”.

It should be mentioned that in some speeches democracy was even presented

metaphorically:

Our train, having just started from the Dictatorship station, is gaining momentum on the

way to Democracy station.

This metaphor is also very vivid – here the use of democracy is parallel to the

use of the concept of светлое будущее / bright future, popular among the Soviet

leaders. Thus in the early 1990s the notion of democracy represented the vector of

the development of the society. It was something people believed in and aimed to. At

that period of time this word became absolutely indispensable in speeches, political

programs, and other statements by major political leaders. The term democracy was

viewed as highly positive and did not suggest any other interpretations.

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310

The past decade as a whole has been a tough period for the country in terms of

economic, political and social transformations. However, the analysis has revealed

that unlike the wild early 1990s, the late 1990s or the beginning of this century did

not witness a lot of debate related to the meaning of the concept of democracy. The

situation changed considerably at the beginning of the 21st century. Over time it

became possible to identify some shifts of meaning of this concept. Examining a

series of quotations allows to note certain variations in meaning and value.

The study of the speeches by President Vladimir V. Putin has revealed that

democracy remains one of the most frequent lexical units in his speeches (in the

2007 Address to the Federal Assembly this lexical unit is used 9 times, other frequent

units being development, nation, freedom, citizen, etc.). The noun democracy and its

derivatives are usually used in the following combinations:

democracy and civil society institutions,

democratic values,

democratic achievements of the Russian people

This rhetoric has not changed over the time of his presidency. The speeches by

vice-prime minister Dmitry A. Medvedev, who is usually referred to as one of

Putin’s most probable successors, echo this style:

Today we are building new institutions based on the fundamental principles of the fully-

fledged democracy. The democracy that does not require any additional definitions. The

efficient democracy, based on the principles of market economy, rule of law and accountability

of the authorities to the rest of the society.

Moreover, such rhetoric is parallel to that of foreign political leaders, namely,

G.W. Bush and T. Blair, whose discourses include the following typical

combinations:

… advancing freedom and democracy

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311

… with the hope of freedom and democracy

… the values of freedom and democracy

However in the 2007 Address Mr. Putin used several new derivatives of the

word democracy:

pseudodemocratic phraseology

democratisators’ slogans

The prefix pseudo- has the meaning of false, not real. The noun

democratisators implies someone trying to impose democracy and can be regarded as

an occasionalism. Both instances allow for the negative interpretation of such

expressions, which, in its turn, is one of the first instances of derogatory shades of

meaning found with the concept of democracy in the speeches of the leader of the

nation.

Another dimension of comparison for this analysis is the recurrence of the unit

democracy/democratic in the names of political parties and movements. It has been

mentioned that in the early 1990s these words were extremely popular. The

beginning of this century saw the creation of new parties and blocs having the

following names:

Russian Party of Life,

Motherland Political Party,

People’s Will Party of National Revival,

People’s Party of the Russian Federation.

It can be noted that the terms democracy/democratic have been replaced by

such life, motherland, people that have definitely more traditional and conservative

connotations and that are supposed to appeal to the Russian cultural heritage rather

than to the recently adopted values.

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The media sources offer more diverse interpretations of democracy, ranging

from rather neutral:

These discussions themselves prove the development of democracy in Russia.

to outwardly extreme, which is proved by the context in which democracy is

used:

Perestroika and democracy have shortened Russians’ life expectancy by 5 years.

… three times damned democracy

… hard years of democratic outrage.

In the instances cited above democracy is no longer a bright idea indicating the

vector of the development of the society. It is found in combination with highly

negative, almost tabooed, lexical units – outrage, damn. It is also stated as one of the

reasons for shortening the life expectancy of the Russians. Such usage can be

explained by the fact that the concept of democracy is generally associated with the

1990s when the society saw the unprecedented growth of criminal structures and

when the level of the wellbeing of the population dropped dramatically.

Another dimension of the meaning of the concept of democracy is closely

connected with the USA and its ambition to promote its goals around the world as

well as with the recent criticism of Russia offered by this nation. Consequently, in

the media democracy is often found in connection with the US policy description

and/or analysis, though the country itself may not be explicit: “Something is wrong

in the country known worldwide for its democracy and political correctness

principles”.

It should be noted that this change in the interpretation of democracy in the

media is perfectly in line with the interpretation of the US image and the overall

attitude to Americans. In the early 1990s the media sources featured the following

usage of the word American: “There will be no pause in the Russian-American

relations”. “Russia and America are determined to be partners and prospective

allies”.

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This rhetoric did not change even during the Gulf War when the Russian media

laid all the blame on Saddam. At the beginning of the 21st century the tone of the

publications (including those devoted to the military campaign in Iraq) changed

considerably:

Americans are determined to bring the matter to an end, which may lead to a catastrophe.

This will be considered shameful weakness of Americans

The adjective American in these examples is found in combination with such

words as shameful weakness, catastrophe. The first sentence focuses on the

determination, a quality generally considered positive, but here implying

shortsightedness and stubbornness. Thus even Russian quality papers have recently

adopted the tendency to emphasize the failures of the US and to focus on the

drawbacks of its policy.

Thus it is possible to conclude that the meaning of the concept of democracy in

the Russian political discourse has recently undergone a certain evolution, which

reflects both internal and external political conjuncture. From the positive concept

indicating the bright prospects of the society it has become a notion to blame for all

the failures of the past decade. However, this evolution is made more explicit in the

media: the speakers having higher official status tend to refrain from using the noun

democracy in ambiguous contexts.

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La démocratie postcommuniste,

ou les dérives contemporaines

de la démocratie

à l’Est et à l’Ouest de l’Europe

Małgorzata Kowalska

Tout porte à croire que la chute du communisme a constitué un moment

paradoxal dans l’histoire de la démocratie moderne. D’une part, elle a entraîné le

triomphe apparent des valeurs démocratiques et l’expansion du modèle politique

occidental, d’autre part, elle a précipité une crise de ces valeurs ou, tout au moins, du

modèle.

Dans l’Europe orientale, le régime démocratico-libéral a du mal à s’implanter,

un mal d’autant plus grand qu’on se porte vers l’Est, ce qui conduit à des formes de

la démocratie qui apparaissent infirmes, partielles et superficielles: dans certains pays

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La démocratie postcommuniste, ou les dérives contemporaines de la démocratie

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316

de la région, la démocratie prend un caractère purement imitatif du “modèle

occidental”, sans atteindre les modes d’être et de penser, les aspirations et les

motivations de larges couches sociales; dans d’autres pays, elle prend la forme du

populisme autoritaire qui garde certaines ressemblances avec les formes anciennes

du “socialisme réel”, mais qui, dans une large mesure, résultait déjà d’une réaction à

l’épanouissement superficiel du modèle occidental.

Au même moment, le régime démocratico-libéral traverse visiblement une

crise à l’Ouest de l’Europe. Jusqu’à un certain point, cela est sans doute lié à la

démobilisation qui succède normalement à une guerre gagnée, fût-elle froide ou

symbolique, ou à la perte de l’ennemi. A un niveau plus profond, le problème n’est

pas seulement la perte de l’ennemi, mais la perte d’une perspective d’avenir ou le

sentiment du manque d’alternative au status quo. Cela renvoie à la question – assez

bien connue car fortement débattue – de la “fin de l’idéologie” et de la “fin de

l’utopie”, qui se traduisent, en dernière analyse, par le déclin de tout projet politique

ambitieux, voire sérieux, qui aille au-delà de petites retouches de l’ordre établi et au-

delà de la gouvernance administrative de cet ordre. Enfin, la crise de la démocratie

occidentale est liée aux changements qui se produisent dans le capitalisme moderne

qui, dans les pays développés, est entré dans la phase dite post-industrielle liée au

développement récent des technologies de communication, et à une phase plus

mondiale ou globale. Le post-industrialisme et la mondialisation ont été aussitôt

renforcés par une nouvelle idéologie, ou par une “post-idéologie” représentée par le

néo-libéralisme qui conduit à une radicale “émancipation” de l’économie – et, en

dernière instance, du capital et de sa circulation – à l’égard du contrôle politique.

Quoique le néo-libéralisme et les actions qui s’en inspiraient datent du début des

années 80 et ont précédé la chute du communisme, c’est après 1989 qu’ils ont vécu

leur vrai triomphe, en représentant, à la fois, la plus radicale réaction au

communisme étatiste et se sont substitués au communisme dans sa fonction d’utopie

moderniste et progressiste. Cette utopie libérale est très singulière cependant – une

post-utopie – dans la mesure où elle soumet tous les idéaux démocratiques

traditionnels (liberté, égalité, justice, participation) au critère techno-économique de

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317

compétitivité et d’efficacité. Par conséquent, la chute du mur de Berlin apparaît dès

lors de moins en moins comme le commencement d’une nouvelle révolution

démocratique et de plus en plus comme celui d’une nouvelle révolution capitaliste.

Dans le livre publié en 1990, écrit presque immédiatement après la chute du

mur de Berlin, sous le titre éloquent La mélancolie démocratique, Pascal Bruckner

écrivait: “Ainsi allons-nous peut-être apprendre que la démocratie peut mourir de

réussir, courir à la ruine sous le masque souriant du succès”1. Dans un autre endroit

du même livre, le paradoxe est formulé un peu autrement. Voici que, dit Bruckner,

après la chute du communisme, la démocratie a rassemblé toutes les aspirations,

mises autrefois dans différentes idéologies qu’elle a dépassées en les absorbant, en en

faisant ses “moments” et en devenant ainsi “l’étendard de tous les rêves humains,

l’évangile des nantis comme des déshérités”; toutefois, cet étendard n’est plus que le

signe d’une déception, d’une désillusion, le résultat de défaites et de l’acceptation

d’un purgatoire sans fin. En somme, la démocratie serait tout à la fois l’emblème des

rêves d’un meilleur monde et le moindre mal. “Même si personne n’est contre, à

peine avons-nous la force d’être pour. Nous percevons confusément que tout reste à

faire, mais, privés de l’impulsion que nous donnait la présence de l’ennemi, nous

n’en avons plus l’énergie... Notre sens de supériorité est modeste... ce n’est plus

qu’une certitude négative”2. La démocratie d’après le communisme est devenue donc

une démocratie incertaine d’elle-même, doutant de son avenir et de sa valeur même,

dans le meilleur cas, une démocratie insatisfaite de son état actuel. Comme écrit un

autre penseur français, Olivier Mongin, après la chute du mur de Berlin, “la

désillusion démocratique est devenue orthodoxie”3.

Ce paradoxe prend une forme particulièrement ironique dans le cas des anciens

pays communistes cherchant à se transformer en démocraties libérales de type

occidental. Comme l’a exprimé George Shopflin: “A particularly striking irony in the

political development of the postcommunist countries is that they began their passage

towards democracy by hitching their wagons to an idealized vision of the West

European star at the very time when thet star was beginning to appear increasingly

tarnished to the West Europeans... That was bound to fail”4. Ou encore, comme, l’a

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dit Jacek Kuroń: “…nous courons après le train occidental sans voir qu’il vient de

changer de direction”.

“La désillusion démocratique” peut prendre deux formes différentes, voire

opposées: elle peut porter sur le degré de réalisation de l’idéal démocratique dans les

faits socio-politiques et elle peut regarder cet idéal lui-même. Le premier type de

désillusion témoignerait du maintien et même d’une radicalisation de “l’attitude” et

des valeurs démocratiques; le second signifierait, au contraire, la retraite de cette

attitude et de ces valeurs. Dans la pratique, ces deux types de désillusion peuvent être

mêlés, il n’empêche que la distinction entre les deux est non seulement justifiée, mais

analytiquement indispensable, fondamentale aussi d’un point de vue pratique. C’est

de la nature de la désillusion démocratique que dépend en effet l’avenir de la

démocratie.

Bien évidemment, quand nous parlons d’une crise de la démocratie, nous

admettons l’acception normative de son concept, dépassant sa conception purement

positiviste dont se servent la plupart des politologues. Il existe bien des définitions ou

des critères de la démocratie – réalistes ou purement formels – qui conduisent à la

conclusion que les sociétés occidentales sont toujours des exemples de la

démocraties et les pays comme la Pologne fournissent l’exemple de la transformation

démocratique réussie et même d’une consolidation de la démocratie. En effet, on

peut penser que la condition suffisante de la démocratie est l’institution des élections

théoriquement universelles, libres et égales (sans égard au niveau d’abstention de

vote ou au degré de représentativité des élites politiques), la pluralité des partis qui

briguent le pouvoir (même s’ils se distinguent surtout par la rhétorique électorale et

non par les politiques concrètes), la pluralité des sources d’information

(indépendamment de leur qualité), le régime formel du droit (fût-il peu ancré dans les

pratiques sociales), l’égalité formelle des droits civiques… On peut alors démontrer

que, dans les pays européens, du moins ceux qui font partie de l’UE, la démocratie

fleurit toujours ou à nouveau et que ses déficits secondaires ne portent pas atteinte à

la logique essentiellement saine et à son image globalement optimiste. Cependant, il

suffit d’élever un peu les exigences avancées par des politologues comme

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Huntington (Third wave of democratization), ou de d’aller au-delà des critères

institutionnels-formels pour observer la condition des sujets démocratiques et l’état

des valeurs démocratiques dans nos sociétés, pour que la démocratie contemporaine,

tant à l’Est qu’à l’Ouest de l’Europe, apparaisse sous un jour différent et plutôt

morne.

En vérité, même chez les théoriciens de la démocratie peu radicaux et tout-à-

fait réalistes, tels que Robert Dahl5, sans parler de Habermas, les institutions et les

procédures démocratiques sont non pas des valeurs en soi, mais les moyens

permettant d’atteindre certaines fins. De ce point de vue, la fétichisation des

procédures à laquelle nous avons souvent affaire aujourd’hui dans le discours

dominant de la démocratie se trouve être, en elle-même, le symptôme de la crise

consistant dans “l’oubli” des valeurs que les procédures devraient servir.

Plus globalement, les fins traditionnelles et les conditions de possibilité idéales

de la démocratie sont l’égalité et la liberté. Plus exactement, il s’agit de l’égalité et de

la liberté politiques, c’est-à-dire du droit égal d’accéder au pouvoir de co-décider de

la forme de la polis. Mais déjà Tocqueville se rendait compte que l’égalité politique,

ou la distribution égale de la liberté politique, restait en rapport avec l’existence

d’une égalité relative à d’autres niveaux, pré-politiques, c’est-à-dire avec l’égalité du

statut social, l’égalité de l’éducation, enfin avec l’égalité économique; bref, avec tout

ce qu’il embrassait du terme large d’“égalité des conditions”. Ajoutons, toujours en

suivant Tocqueville mais aussi tous les théoriciens du libéralisme que, dans les

démocraties modernes ou libérales, la liberté politique comprend le moment négatif

de la liberté-indépendance, freedom from, ou l’absence de la contrainte de la part des

autres, les droits de l’individu en tant qu’individu, sans quoi elle tournerait

inévitablement en une “tyrannie de la majorité”. Néanmoins, le moment proprement

politique de cette liberté est le moment positif qu’on appelle traditionnellement

l’autogouvernement: il s’agit non de la liberté par rapport à (from), mais bien de la

liberté pour (to) le pouvoir, d’une liberté qui permet de participer dans la vie

publique, de co-décider et, sinon de co-gouverner, du moins de contrôler

effectivement les gouvernants.

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La démocratie est donc un projet et un processus d’émancipation qui vise la

distribution égale d’une liberté politique positive. Pour une part, cela implique déjà

et, surtout, cela devrait conduire à “l’égalisation des conditions” par la constitution

de lois protégeant les intérêts et la liberté de tous. On peut dire aussi que c’est un

processus où deux logiques coïncident: une logique égalitaire (qui s’oppose au

principe aristocratique de hiérarchie) et une logique libertaire (qui s’oppose au

principe despotique ou autoritaire). La démocratie se développe quand ces deux

logiques non seulement coexistent, mais agissent l’une sur l’autre de sorte qu’elles se

renforcent (plus d’égalité s’accompagne de plus de liberté et vice versa) ou, du

moins, corrigent l’une et l’autre (la liberté qui ne sert pas l’égalité n’est pas désirable

et vice versa). Par contre, la démocratie est en crise quand ces deux logiques

s’affaiblissent et quand elles divergent.

Ajoutons que, déjà à la lumière des analyses classiques de Tocqueville, la

démocratie est un régime paradoxal, sinon contradictoire, dans la mesure justement

où elle implique l’égalité et la liberté à la fois ou la liberté politique collective et la

liberté-indépendance individuelle à la fois. Il n’est pas difficile en effet d’arriver à la

conclusion que ces valeurs peuvent et même doivent entrer en collision et se limiter

l’une l’autre, même si, à un certain niveau, l’une implique l’autre. La démocratie ou,

du moins, ce qu’on appelle la démocratie libérale serait donc l’équilibre instable et

toujours menacé entre ses moments conflictueux. Et sa crise consisterait notamment

dans la perte de cet équilibre incertain, dans la domination d’un moment

démocratique sur l’autre ou dans leur divergence. Le postulat d’égalité peut, comme

au temps du communisme, être promu aux dépens de la liberté. Mais l’inverse est

tout aussi possible: la liberté négative ou libérale peut se détacher de la liberté

politique positive, la liberté individuelle – de la liberté collective, enfin, toute liberté

peut se séparer de l’égalité.

Or, il est difficile de ne pas souscrire à la thèse – formulée par nombre

d’auteurs – que la dernière phase du capitalisme, étant un capitalisme post-industriel

et néo-libéral à la fois, affaiblit nettement la logique égalitaire, mais aussi celle de

liberté, menant à leur divergence, c’est-à-dire à la distribution fort inégale de la

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liberté. Qui plus est, cette liberté inégalement distribuée devient de plus en plus

seulement une certaine liberté, une liberté non-politique, individualiste et, à la limite,

celle de la consommation. La logique de l’égalité et la logique de la liberté faiblissent

pour les mêmes raisons qui renforcent les logiques de l’efficacité, de la compétitivité

et de la consommation. Dans les sociétés de concurrence orientées vers le succès

économique, l’inégalité augmente inévitablement, en même temps que se rétrécit la

dimension proprement politique de la liberté qui cède la place à la gouvernance

technocratique, au marché et à la liberté privée de consommation. Sous l’effet du

progrès technologique, une partie de la population devient de trop et n’est plus

qu’une charge pour le système. Mais tant ceux d’en bas que ceux du haut de l’échelle

sociale sont de moins en moins des citoyens. Les citoyens font place aux

consommateurs, satisfaits ou frustrés, aux producteurs, aux fournisseurs de services

et aux ménages.

La démocratie peut être définie aussi, dans la lignée de Claude Lefort6 (d’une

manière qui ne contredit nullement la conception classique, mais qui approche le

problème à un autre niveau) comme la forme de société qui s’organise autour du

“lieu vide du pouvoir”. Le lieu du pouvoir est, dans la démocratie, vide en ce sens

que personne, nul homme et nul groupe, ne peut s’y identifier et l’occuper pour de

bon. Il est vide en ce sens aussi que le pouvoir qui l’occupe provisoirement ne

s’identifie pas à la source de la loi ou du savoir. Du même coup, la loi et le savoir

sont, dans la démocratie, justement parce que leur lien avec le pouvoir a été rompu,

toujours ouverts et donc toujours contestables. En d’autres termes, dans la

démocratie, chacun peut chercher à avoir le pouvoir, à changer l’état du savoir et

l’état du droit, car cette forme sociale singulière n’accepte pas de réponses ni de

solutions ultimes. Son fondement reste constamment indéterminé. Dans ce sens, la

démocratie est aux antipodes d’un ordre stable où les références sont invariables et

où cet ordre donne le sens de sécurité.

On pourrait croire que la démocratie ainsi entendue a été renforcée par la

nouvelle phase du capitalisme, en entraînant le dépérissement de tous les fondements

et des valeurs stables. Mais je donnerais raison à ceux qui affirment que cet

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ébranlement n’est que l’effet de la domination des valeurs technologiques et

marchandes. Le tenant même de La condition postmoderne, Jean-Francois Lyotard,

autorise à tirer une telle conclusion, puisqu’il a bien vu un rapport étroit entre la “fin

des méta-récits” et le triomphe de la “légtimation par l’efficacité” ou l’“hégémonie

du discours économique”. (Rappelons que, pour Lyotard, la “fin des méta-récits”

s’applique non seulement aux grands systèmes philosophiques et aux idéologies tels

que le marxisme, mais aussi à toutes les “idéologies d’émancipation”, dont l’idéal

“démocratico-libéral” qui présuppose le principe de discussion et de consensus

raisonnable. Lyotard soulignait, il est vrai, que tout consensus signifie, dans la

pratique, la légitimation d’un discours dominant, mais il remarquait aussi que ce

discours ne doit pas être métaphysique ou idéologique au sens fort du terme. De nos

jours, le consensus – ou le prétendu consensus – se fait simplement autour du

“principe d’efficacité”, ce qui veut dire que différents projets politiques capitulent

devant “l’hégémonie du discours économique”. Lyotard prévoyait donc que le débat

politique disparaîtrait pour la simple raison qu’il n’est pas efficace et, du point de vue

de ce critère, ne représente alors qu’une perte du temps7.

D’autre part, l’ébranlement postmoderne propre au capitalisme tardif fait naître

le sentiment de menace et provoque la réaction sous forme de la demande ou, du

moins, du consentement a un gouvernement de la “main forte”, ou encore à

l’autoritarisme traditionnel. D’ailleurs, ce dernier ne doit nullement exclure le

“fondamentalisme techno-marchand”, il peut même le fortifier ou servir son

implantation. En témoignent, par exemple, la modernisation à la fois autoritaire et

pro-capitaliste du régime chinois et, dans une certaine mesure, du régime russe, ainsi

que l’alliance des néo-libéraux et des conservateurs radicaux aux Etats-Unis.

Bref, tout porte à croire que, si on comprend la démocratie comme “lieu vide

du pouvoir”, le processus démocratique a été, dans le monde contemporain, entravé

ou même inversé. En effet, ce lieu vide semble toujours plus complètement et

durablement occupé par des individus ou des groupes concrets ou encore par des

mécanismes économiques et techniques impersonnels (du moins en apparence), non

soumis au contrôle démocratique. Du coup, le pouvoir acquiert une légitimité, se

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confond avec un savoir et avec une loi, en devenant de plus en plus soit un pouvoir-

savoir des experts (économiques, techniques, juridiques), soit un pouvoir carrément

autoritaire où les formes du savoir et des lois en vigueur sont décrétées par un “Roi”

(Président, chef du parti gouvernant, selon le cas).

A ce niveau de généralité, le diagnostic s’applique à la condition de la

démocratie dans bien des régions du monde, dont les deux parties de l’Europe: la

“vieille” et la “nouvelle”, la “démocratico-libérale” et la postcommuniste. La

situation de la démocratie Est-européenne, même dans les Etats comme la Pologne

où la transformation est dite “réussie”, pourrait s’analyser dans les termes du “pas

encore”. Les problèmes du “pas encore” résultent, non seulement de l’insuffisance de

la tradition démocratique dans l’histoire de ces pays mais aussi de la brièveté de la

période dite de “transition”. Ces problèmes résultent aussi des difficultés structurelles

liées au processus même de transformation de régime. Elles ont été assez bien

diagnostiquées par Claus Offe qui soulignait la difficulté, voire l’impossibilité,

d’instaurer, dans les anciens pays communistes, à la fois la démocratie et le

capitalisme8. En effet, dans l’histoire des pays occidentaux, la démocratie ne s’est

développée qu’à un stade avancé du capitalisme, en le “corrigeant”. L’expérience

consistant à introduire le capitalisme par les moyens politico-démocratiques n’a pas

eu de précédent dans l’histoire. Et la tentative de la réaliser n’a fait que révéler les

contradictions qui existent entre le capitalisme et la démocratie.

Le trait frappant des analyses de notre démocratie, venant tant de gauche que

de droite, est en effet la prédominance de la perspective du “pas encore”. La grande

majorité de nos critiques de la démocratie post-communiste trouvent les raisons de

son état insatisfaisant dans les conditions historiques et locales, sans rapport avec des

processus globaux. Certes, les manières concrètes d’identifier les raisons des

problèmes et les moyens d’en sortir sont bien différentes. Pour les critiques de droite,

c’est surtout l’héritage du communisme qui est la source des faiblesses de notre

démocratie, mais, là encore, il y a une différence nette entre les conservateurs et les

libéraux: alors que les premiers insistent sur la persistance des “réseaux”

communistes cachés que la libération du droit et de l’économie ne ferait

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qu’encourager, les seconds accentuent la persistance de la “mentalité communiste”

(la passivité, l’esprit de revendication, l’absence de culture juridique, le penchant à

l’étatisme, etc…). Par contre, du point de vue de la gauche, les faiblesses de notre

démocratie viennent surtout d’un retard de civilisation séculaire qui se manifeste,

entre autres, dans le traditionalisme patriarcal et dans l’importance de l’Eglise.

Seulement en deuxième lieu, la gauche (du moins la gauche “officielle”, représentée

au parlement) lie la faiblesse de notre démocratie à la nature des transformations qui

ont suivi le tournant de “l989”.

En donnant partiellement raison aux uns et aux autres, je voudrais souligner

seulement que les défauts de la démocratie Est-européenne liés à l’héritage de

l’histoire, ont été éminemment renforcés par le mécanisme même de transformation,

par la révolution capitaliste d’en haut, menée selon les principes néo-libéraux, mais

avec les moyens de “l’ingénierie” sociale technocratique.

Au niveau des faits sociaux, les réformes économiques ont non seulement mis

en poudre la version communiste de l’égalitarisme, mais ont empêché l’émergence

de la liberté politique puisque les équipes gouvernementales successives ont réalisé

une stratégie de changements sans regarder l’opinion du “peuple”. La logique

démocratique a été subordonnée à la logique d’adaptation à un modèle extérieur

suggéré par des économistes. Au niveau des idées, les faiblesses de notre démocratie

post-communiste sont mises en évidence déjà par le fait que les idéaux mêmes de la

démocratie formulés par nos critiques s’écartent visiblement des conceptions

classiques, en insistant soit sur le besoin des fondements forts (religieux et

nationaux) de la démocratie, soit sur une liberté négative. Pour les uns – les libéraux

au sens étroit du terme – la liberté par excellence est surtout la liberté économique,

pour d’autres – ceux de “gauche” – c’est surtout la liberté des opinions et des

moeurs. Dans chaque cas, et plus spécialement dans le cas des conservateurs et des

libéraux qui dominent aujourd’hui, l’idéal même de la démocratie est donc celui

d’une démocratie où l’égalité est subordonnée soit à une hiérarchie de valeurs

déterminée, soit à une conception libérale de la liberté où le pouvoir est guidé par

l’Etat et l’Eglise, ou encore par les mécanismes du marché.

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Dans l’histoire récente de la Pologne, nous avons eu – nous avons toujours –

deux types d’élites politiques et deux types de logiques non-démocratiques qui

correspondent, respectivement, à deux types de mutilations de la démocratie. On peut

distinguer en effet une élite qu’on peut appeler libérale, responsable de la dérive à la

fois marchande et technocratique de notre démocratie (celle qui a réalisé la

révolution capitaliste d’en haut et a promu le modèle purement procédural ou

juridique de la démocratie). Il existe aussi une élite, ou une anti élite, qu’on peut

appeler populiste qui prétend défendre le “peuple” contre les mauvais libéraux, qui

pratique le langage nationaliste et religieux et qui recourt à des politiques nettement

autoritaires au nom de la sécurité, de la tradition et de “l’ordre moral”, en appelant au

ressentiment et à l’esprit de revanche des couches sociales les plus frustrées par les

réformes libérales. Cette élite ou “contre-élite”, au pouvoir dans la Pologne depuis

2005 9, réintroduit une sorte d’Etat policier, notamment au nom de la lutte contre la

corruption et contre les privilèges de certains groupes. Mais, ce faisant, elle ne freine

en aucune manière la libéralisation au niveau économique. La politique dite sociale –

ou l’aspect “solidariste” de son programme – reste du pur verbiage.

Dans les deux cas, la place laissée à l’activité politique des simples citoyens est

fort réduite. Dans le cas de l’élite libérale et de la logique qu’elle a mise en place, le

lieu du pouvoir a été occupé non seulement par un groupe limité de réformateurs

tenants de l’économie de marché. Dans cette forme de démocratie, le peuple ne peut

jamais avoir raison contre les “règles” du marché et contre les “experts”. La

participation dans les affaires publiques devient l’affaire des plus entreprenants et des

plus compétents (encore s’agit-il d’un certain type d’instruction et d’éducation). Tous

ceux qui ne sont pas suffisamment “éclairés” et adaptables sont assimilés, dès lors,

aux masses sans culture faisant obstacle à la modernisation, qu’on confond volontiers

avec la démocratisation.

Dans le second cas, celui de la contre-élite populiste et de sa politique

réactionnaire-autoritaire, le lieu du pouvoir est dominé de manière plus manifeste

encore, au-delà des équipes dirigeantes, par des institutions telles que l’Eglise,

l’appareil de l’Etat et la police. On valorise un Etat fort et fondé sur une hiérarchie de

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valeurs indiscutables. En se réclamant du peuple, on lance des campagnes contre tous

ceux qui n’entrent pas dans la “nation”. En invoquant la “justice”, on n’hésite pas à

forcer, même à violer les lois en vigueur, mais aussi à procéder à des arrestations

spectaculaires et à manipuler les médias publiques.... Enfin, on recourt à la

manipulation de l’histoire pour reconstruire et contrôler la mémoire collective. Dans

cette politique, c’est la question identitaire – celle du patriotisme – qui occupe le

premier rang. Ainsi, dans la Pologne d’aujourd’hui et, dans la plupart des pays post-

communistes, la démocratie est tiraillée entre deux dangers: le libéralisme

technocratique et le populisme autoritaire.

Certes, l’analogie entre les deux dangers ne devrait pas voiler les différences

importantes entre eux. Il n’est pas indifférent qu’on évoque comme référence, plutôt

le marché qu’une certaine tradition nationale et l’Eglise. Quant à la liberté, les

libéraux et les populistes conservateurs se situent, du moins en apparence, aux

antipodes. Alors que pour les uns la liberté, placée surtout sur le plan économique, se

définit par son aspect individualiste et négatif, les autres, hostiles à l’individualisme

opposent les élites cosmopolites au peuple (sain, fidèle à la tradition, patriote),

professent une sorte de liberté positive et collective aux dépens des libertés

individuelles et de la loi. Cette liberté collective trouve cependant une limite dans le

système de valeurs traditionnel.

Dans le contexte de la Pologne d’aujourd’hui, c’est sans doute le deuxième

danger – populiste/conservateur – qui s’est avéré le plus grave. En l’espace de deux

ans, le gouvernement de Kaczynski, en mobilisant une assez grande partie de la

population contre les “élites” post-communistes, libérales et européennes, est

parvenu à scandaliser “l’Europe” à gâter le niveau du débat publique, corrompre le

système juridique et affaiblir les institutions démocratiques en Pologne. Du point de

vue qui nous intéresse, le seul avantage de ce gouvernement est qu’il a mis à nu

toutes les insuffisances de la démocratie libérale formelle promue après “89” perçue

dès lors comme profitable surtout aux élites.

Mais il importe de voir aussi et surtout comment ces deux dérives, la

néolibérale et la populiste peuvent se combiner. Les libéraux sacrifient volontiers une

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bonne partie des libertés individuelles au traditionalisme pour défendre les seules

libertés économiques, alors que les conservateurs se contentent d’une rhétorique

populiste et traditionaliste sans s’opposer à la libéralisation sur le plan économique.

La fusion du néo-liberalisme et du populisme conservateur s’est bien opérée dans les

Etats-Unis sous le régime de Bush. Elle s’est opérée, du moins jusqu’à un certain

point, dans l’Italie de Berslusconi. Il est à craindre qu’elle ne se réalise, aujourd’hui,

en France, sous la présidence de Sarkozy. Et il semble évident qu’elle se produit en

Pologne – étant donné que le principal parti libéral ne diffère, à bien des égards, du

principal parti conservateur-populiste que par le “style” (plus “européen”) et par

certains détails mineurs de son programme. Si ces deux parties ne gouvernent pas

ensemble aujourd’hui, comme on s’y attendait avant les législatives et les

présidentielles de 2005 et se présentent en opposants, c’est bien moins à cause de

leurs divergences idéologiques qu’à cause des ambitions de leurs leaders. Mais on

peut remarquer qu’ils peuvent se relayer et qu’ils occupent, tous les deux, la quasi

totalité de l’espace publique dans la Pologne d’aujourd’hui.

Si les faiblesses des démocraties Est-européennes n’étaient liées qu’à une

situation de transition on pourrait penser qu’avec le temps, la démocratie et le

capitalisme trouveront un équilibre. Or, tout porte à croire que cet équilibre est en

train de se rompre dans les pays occidentaux de la “démocratie mûre ou avancée”.

Toutefois, la situation de la démocratie dans l’Europe occidentale semble plus

simple. On peut l’analyser dans les termes de “ne plus”. Le bon exemple d’une

pareille analyse est fourni par le livre du sociologue anglais Collin Crouch, sous le

titre signifiant Post-Democracy10. L’auteur affirme que l’histoire moderne de la

démocratie occidentale présente une parabole qui a atteint son apogée dans les

années 1950-1960 et qui a décliné depuis, de sorte que, de nos jours, nous nous

trouvons à l’étape de la post-démocratie. Il associe ce déclin à plusieurs facteurs liés

à la décomposition de la classe ouvrière, à la formation d’une classe politique dont

les intérêts et le know-how communs importent plus que les différences idéologiques,

enfin et avant tout, à l’importance croissante du pouvoir économique représenté par

les entreprises multinationales.

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Nombre d’auteurs français fournissent tout un éventail d’arguments – de la

sociologie à la philosophie – qui confirment ce jugement. On parle des inégalités

croissantes et de l’atrophie des liens sociaux, de l’épanouissement de

l’individualisme, mais aussi de la renaissance des climats fascistes dans certains

groupes, du dépérissement des codes communs, de la crise de la représentation

politique et de celle des attitudes civiques. On dénonce la subordination de la

démocratie au marché et, plus généralement encore, le glissement du pouvoir réel du

domaine de la politique à celui de l’économie; la crise de la souveraineté entendue

non seulement comme la souveraineté de l’Etat, mais aussi et surtout comme la

souveraineté du “démos”, du peuple politique. On déplore la crise du politique

même, ou de la capacité à formuler et à réaliser des projets de vie en commun. On

critique la manière technocratique et marchande de faire la politique et la nouvelle

idéologie attachée à la mondialisation capitaliste. Pierre-André Taguieff a nommé

cette idéologie “bougisme”. La devise du “bougisme” est “vitesse, efficacité,

élasticité, rentabilité”. Cette idéologie est “ce qui reste du progressisme quand on en

a éliminé toute référence aux fins de l’humanité... L’impératif catégorique devient le

mouvement. Il serait indécent de demander pourquoi. Il faut bouger pour bouger”11.

Emmanuel Todd, par contre, baptisera le même phénomène, la même idéologie, du

nom de “passivisme”, en soulignant que le renoncement néo-libéral aux projets

politiques, aux valeurs égalitaires et à la souveraineté nationale signifie au fond “la

glorification de l’impuissance, l’adoration active de la passivité”. Cette idéologie

mérite aussi, pour Todd, le nom de “pensée zéro”. La “pensée zéro” a remplacé les

anciennes querelles idéologiques et, en ce sens, est une “post-idéologie” mais, depuis

les années 1980, elle a atteint un tel degré d’hégémonie qu’elle “rappelle plus l’unité

de foi médiévale que le partage des opinions qu’on croit typique de la démocratie

libérale”12. Cette pensée, dit Todd, se compose d’une série de lieux communs qu’on

traite en vérités révélées (il faut moderniser la production, couper les dépenses

publiques, réduire l’emploi…) et quiconque essaie de les contester, s’expose à

l’accusation d’irresponsabilité. Toujours par rapport au même phénomène, Jean-

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Pierre Le Goff parle tout simplement de l’idéologie de la modernisation dont les

mots-clés sont “adaptation” et “gouvernance”13.

En résumé, pour ces auteurs, la crise de la démocratie occidentale réside dans

la tendance à remplacer l’émancipation politique égalitaire par le culte non-égalitaire

de l’efficacité économique-technique, dans la réduction de la liberté politique au

profit de la liberté négative et individuelle qui, dans la pratique, se manifeste surtout

comme une pseudo-liberté de consommation (du moins dans les couches plus

aisées), enfin dans l’occupation du lieu vide du pouvoir par la classe des experts

technocrates (économiques et juridiques), mais aussi et avant tout par les acteurs

économiques les plus puissants. Du côté des vaincus de ce processus, la réaction est

souvent la montée des attitudes populistes, xénophobes et autoritaires.

Considéré dans la perspective Est-européenne, polonaise en particulier, ce

diagnostic parait à la fois familier et lointain. Familier, parce que les phénomènes

décrits par les auteurs occidentaux se laissent facilement repérer aussi dans notre

réalité. On peut même affirmer, à juste titre, qu’ils se manifestent chez nous sous une

forme plus aigüe: lors de notre révolution capitaliste menée par en haut, le diktat de

l’économie, l’inégalité et le peu d’importance de la liberté politique collective se sont

manifestés d’une façon particulièrement nette. De même, la réaction populiste,

xénophobe et traditionaliste, qui semble typique de notre région, peut être interprétée

comme la version plus exacerbée des réactions analogues à l’Ouest de l’Europe.

Mais ces analyses paraissent aussi lointaines, car elles accordent une importance

fondamentale à ce qui, à l’Est de l’Europe est considéré comme marginal.

“Pas encore” et “ne plus” sont certes différents, mais on peut trouver des

analogies entre eux. On peut dire aussi et c’est mon hypothèse, que les pays Est-

européens, nonobstant leurs situations spécifiques se présentent comme des prismes

qui grossissent et précisent la nature de ces problèmes. La démocratie dans les pays

occidentaux ressemble bien, du moins par certains traits, à celle des pays Est-

européens. La post-démocratie se définit, après tout, par les mêmes dérives jumelées:

celle du libéralisme “modernisateur” et celle du populisme réactionnaire.

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Une conclusion provisoire pourrait se formuler en deux temps. La démocratie

actuelle est menacée à l’Est comme à l’Ouest de l’Europe. Un danger couru par la

démocratie consiste à vouloir déterminer les fondements du régime en se référant,

soit aux principes d’un certain libéralisme économique et de l’esprit technocratique,

soit aux valeurs dites traditionnelles et à l’idéologie de l’Etat fort. Dans chaque cas,

cela se fait au détriment de l’ouverture essentielle du régime démocratique, de la

participation des citoyens, de la liberté politique et de l’égalité. Dans chaque cas,

l’espace du débat publique accepté est réduit de façon drastique, la violence

symbolique s’y déchaîne et la plupart des citoyens sont réduits à la passivité. Dans

chaque cas, s’impose l’appareil d’Etat, mais aussi les mass medias (notamment la

télévision dont les chaînes dites publiques sont contrôlés par les représentants des

élites politiques). En Pologne, il est frappant d’observer combien les journalistes des

principaux programmes d’information suivent la ligne politique et idéologique

dominante.

Mais la démocratie européenne a souvent été dans des situations plus difficiles.

A tout prendre, on peut dire que sa condition actuelle se situe en position

intermédiaire. Tout dépend de la nature de la crise actuelle. Concerne-t-elle

seulement des phénomènes périphériques de nos sociétés ou a-t-elle déjà gagné les

couches profondes de nos manières de vivre? Tant que l’inégalité et le défaut de

liberté politique sont perçus par la majorité comme des phénomènes négatifs, la

dégradation des processus démocratiques n’est pas fatal. Autrement dit, tant que nous

sommes attachés à la fois à la liberté et l’égalité, la crise actuelle de la démocratie

peut n’être que passagère. Le danger serait de se lasser de ce couple au profit d’un

pouvoir autoritaire.

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1 Pascal Bruckner, La mélancolie démocratique, Paris, Seul, 1990, p. 184. 2 Ibidem, p. 17. 3 Olivier Mongin, Face au scepticisme. L’invention de l’intellectuel démocratique, Paris, Hachette,

1998, p. 12. 4 George Shopflin, Postcommunism: the problem of democratic construction (web ressources). 5 Cf. Robert A. Dahl, Democracy and it critics. Rappelons que, selon Dahl, la démocratie présuppose:

“l’égalité intérieure essentielle” de tous les individus-citoyens et que sa fin ultime est l’autonomie

morale. 6 Voir Claude Lefort, La question de la démocratie, in Essais sur le politique, XIXe et XXe siècles,

Paris, Seuil, 1986. 7 Voir J., F. Lyotard, La condition postmoderne et Le différent. 8 Clauss Offe, Varieties of Transition, chap. 3: Capitalism by Democratic Design? Democratic Theory

facing the Triple Transition in East Centyral Europe, Cambridge, Massachusetts, The MIT Press,

1997. 9 Le texte a été écrit avant les dernières élections législatives en Pologne (octobre 2007), anticipées de

deux ans par rapport au calendrier normal, qui ont suivi une crise au sein de la coalition populiste-

conservatrice présidée par le parti de Kaczynski et qui ont mis fin au gouvernement de cette coalition,

en remettant le pouvoir dans les mains des libéraux. Ce changement de pouvoir en Pologne, quoique

digne d’attention à bien des égards, ne dásactualise pas cependant, et ne dément nullement, les

arguments essentiels et les conclusions de ce texte. 10 Collin Crouch, Post-Democracy, Cambridge, Polity Press, 2004. 11 Pierre-André Taguieff, Résister au bougisme. Démocratie forte contre mondialisation techno-

marchande, Paris, Mille et Une Nuits, 2001, p. 75. 12 Emanuel Todd, L’illusion économique. Essai sur la stagnation des sociétés dévelopées, Paris,

Gallimard, 1998, p. 243. 13 Jean-Pierre Le Goff, La démocratie post-totalitaire, Paris, La Découverte, 2002, p. 44.

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