+ All Categories
Home > Documents > La pragmatique sanction de Saint-Louis

La pragmatique sanction de Saint-Louis

Date post: 18-Oct-2021
Category:
Upload: others
View: 4 times
Download: 0 times
Share this document with a friend
32
j9'r. J JØ(°C kØ/ LA PRAGMATIQUE SANCTION DE SAINT-LOUIS PAR J 4. »CHUERMANS Premier Président de in Cour d'Appel de Liège (Extrait de LA BELGIQUE JUDICIAIRE, 1890, P. 641) BIWXELLES ALL.JANCE TYPOGRAPHIQUE 37, rue aux Choux, 37 L 1890 - Document - D I Il I 111111111E IltilIl D 0000005560998 j
Transcript
Page 1: La pragmatique sanction de Saint-Louis

j9'r.J JØ(°C kØ/

LA PRAGMATIQUE SANCTION

DE

SAINT-LOUISPAR

J4. »CHUERMANS

Premier Président de in Cour d'Appel de Liège

(Extrait de LA BELGIQUE JUDICIAIRE, 1890, P. 641)

BIWXELLESALL.JANCE TYPOGRAPHIQUE

37, rue aux Choux, 37 L

1890

-Document-

D I Il I 111111111E IltilIl D0000005560998j

Page 2: La pragmatique sanction de Saint-Louis

LA PRAGMATIQUE SANCTIONDE

SAINT LOTJIS°Il est de non devoir de maintenir jnta,ts

- les droits du pouvoir civil que. depuis SaintLouis, sueur, souverain en }'raoce na jamaisabandonnS. -

(Dise. irnpdriat du 15 (évr. 1865.)

A l'; pli de sa thèse concernant les droits de laintion à l'égard des biens ecclésiastiques, la BELGIQUE

JUDICIAIRE avait cité l'article 5 de la Pragmatiquesanction, de l'ait où Saint Louis proteste contreles levées de fonds fttites sur le clergé de France par lacou]' de Rome et s'oppose à leur renouvellement (1).

Les canonistes soutiennent que la dite Pragmatique(et notamment son art. 5) est factice et qu'on l'attribueà tort à Louis IX La suprématie ecclésiastique éd-fiée par Charlemagne, s'écroulant sous les coups d'unSaint (2); voilà en vérité ce qui est inadmissible I

La question (le lauthenticité de cette Pragmatiqueest, depuis deux siècles, l'une des plus discutées tiansl'interminable polémique entre l'Etat et l'Eglise. En cesderniers temps, elle a été traitée de la manière la plussavante au point de vue de la diplomatique, commede l'histoire (les faits et des institutions, et l'on n'in-terviendrait pas dans le débat, si l'on n'avait pas l'es-pérance de couper court à toute controverse ultérieure,

(') Ce travail est la condensation, pour la BELGIQUE JUDICIAIRE,d'une étude beaucoup plus développée, destinée h voir le jourultérieurement. On s'est attaché ici h supprimer les détails encom-brants qui ne sorti pas de stature h intéresser les -jurisconsultes.

(L) BEI.G, Mi»., 4889, pp. 532 et 4514.(2) HENRI MÀitTIN, histoire de France (4e édit., -1865), IV,

p. 310.

Page 3: La pragmatique sanction de Saint-Louis

-6-

euproduisant, au point de vue législatif et juridique(où l'on ne s'est pas encore placé), non pas des argu-ments nouveaux sur la vraisemblance du documentcontesté, mais la preuve formelle et péremptoire de saréalité et de sa sincérité.

Ceci est écrit surtout dans le désir de raffermir quel-ques légistes (3) qui se laissent ébranler, après avoireux-rnémes secoué assez rudement leurs adversaires.

Quant aux canonistes, leur thème est fait, et l'on n'aaucune prétention de les convertir.

Voici d'abord le texte de l'ordonnance contestée(le lecteur voudra bien attacher sou attention aux motssoulignés)

Edit sur les élections ecclésiastiques cl libertésgallicanes (ou Pragmatique sanction) (1).

Paris, mars 1268 (n. st. 4269).

Ludovicus, Dci gratiâ, Francorum tex, ad perpetuam rei« memoriam. Pro salubri et tranquillo statu ecclesire regni nostri,« nec non pro divini cultûs augmenlo, et Christi fidelium ani-

'narum sainte, nique gratiani et auxilium omnipoteniis Dei,cujus soli(us) ditioni, atque prûtectioni reIupn nosirum semper

« subjectunz extitit, et tanne esse votitmus, consequi valeamus.• Qme scquuntur, bec edicto consuliissimo, in perpetuum sali-u turc siatuimus eLordinamus

« 1. Ut ecclesiarum regni nOstri, proelati, patroni et benefldio.• mm collalores ordina rii, jus suum plenarium habeant, et« unieuique jurisdictio debite servetur;

« 2. Item ceclesiœ cathedrales, et. aliœ regni nostri liberaselectiones et caruin effectuin integraliter habeant;

3. Item simoni2e crimen pestilèrum ecclesiam labefactans,• a regno nostro eliminandum volumus et juhemus;

u 4. Item promotiones, collationes, provisiones, et disposi-cc tiones prselaturarum, dignilatum, sel aliorum quorumcumque• beneficiorum, et ofliciorum ecclesiaslicorum regni nostri,

(3) On adopte ici l'appellation cc légistes n pour désigner lessavants qui, clans leurs recherches, se dégagent des prétendonsde l'Eglise; c'est ainsi, du reste, que les canonistes affectentd'appeler ironiquement leurs contradicteurs. (Voy. BELa. JUD.,1889, p. 627.)- (4) I5AMBEnT, Ilectteit général des anciennes lois françaises, I.

p. 214 Le titre de cc Pragmatique sanction » est plus récent.

Page 4: La pragmatique sanction de Saint-Louis

-7-

« secundum dispôitioncm, ordinationem, deterihinationem ju-• ris commuais, sacrorum conciliouni eecleskc Dei, atquecc institutoruin antiquorum sanctorun, pairuin, fieri voluinus pa-• niter et ordinamus

cc 5. item exactiones et cirera çi'avissiina peeuniarurn per• curiain roinanani ecclesim regni nostni inipositas vel imposita• quibus regnumn nostruin miserabiliter depauperatnrn extitit,• «ive etiani i,npnnendas, aut iinponenda, levari, aut colhi,• nullatenus volumus, nisi duntaxat pro rationabili, più et urgen-cc tissiiii ti causû, inevitahili necessitate, et de spontaneo et ex-t( presse consensit nostro, et ipsius eccleshe regni nostri;

cc 6. Itemtibertates, frnucliisias, imnmu'zitates, prerogativas,« jura et pnivi]eia per inclitm reeordationis Franeorum reges

Ï)rmdecessores nostros, et successive per nos eccicsmts, taQuas-cc tarifs atque lods pus, nec non porsonis ece1esiatieis regnice nostri cencessas et concessa innovamus, laudamus, approbarnuscc CL eonfirmarnus per prLeenteS.

cc liaruni tenore, universis Justitioriis, officiariis, et suhditis,,o,stris, oc Joca tenent.ibus, presentibmis et futunis, et eorurn

• cuilibet,- pi-out ad cura pertinuenit, distriete prcipiendo mari-• dnus, quitterais omnia etsiogula proedieta diligenter et attente

serve;,t, fauconS et custodiant, atque servani et teneri et eus-« Lodiri i,mviotabilitcr faciant. nec aliquid in contrarium quoviscc ''modo fadant vel attentent, sou lien vo1 attentari permittant

transgressores tut eontrafaeientes, juxta casûs exigefltiam tait« p(Lnt pleciendo, quod ceteris deinceps eedat in execnplum.

cc En quorum omnium et singulorum testimnotmiumn, pnosentesliteras sigilli nostni appensione muniri fecimus.

- « Datunm Panisius. anno Domini 1268, mense mnartio

Voici, en résumé, l'histoire de la polémique sur l'au-thenticité de l'ordonnance de 1269

JiÉ[]IE DE Bo,JRDEILLE (1410 à 1484), archevêque deTours, soutint, aux Etats de Tours, de 1483, que mêmeen matière temporelle, tout chrétien a pour devoird'obéir aveuglément an pape; pareil personnage, ad-versaire décidé (le la Pragmatique de Bourges, en1438 (5), était peu favorable à celle de Saint Louis, Iln'ose la contester— et cela est caractéristique à uneépoque où l'on aurait pu encore contrôler les dénéga-tions—mais il cherche M'amoindrir Cette ordonnance

(5) li avait écrit un travail contre la Pragmatique de Bourges,et il fut l'un des prélats dotés, par le cardinal La Balue, du clin-peau de cardinal, pour leur zèle en faveur de la papauté. Il nmérite été question de le canoniser,

Page 5: La pragmatique sanction de Saint-Louis

—S—

qu'on attribue à Saint Louis, ce roi l'a, dit-on.abrogée lui-même, moins de six mois après son émis-sion(6), et quant au texte tel qu'on le rapporte et teldu reste que DE BOURDEILLE le publie luï-tiiême, toutce qu'il y a à en tirer, c'est pie les Saints, sauf laVierge Matie, sont soumis à l'humaine infirmité SaintLouis adonné un mauvais exemple; voilà tout!

Un siècle et demi se passe-sans que personne osedavantage contester l'authenticité. En 1641, H. DESeoNou (7) reconnaît encore la Pragmatique commevraie et bien conçuevere nec injuste statutumil a peine seulement à s'expliquer qu'on retourne l'arti-cle 5 contre l'Eglise qui comme cela convient «, n'ajamais fait de levées sur le clergé d'un pays salis leconsentement du prince; il se demande aussi commentSaint Louis a pu interdire ces levées, alors qu'il venaitd'en profiter lui-même pour la croisade:

Une légère incertitude était aussi jetée dans les es-prits; nais ce n 'était pas assez: Rome était, à la fin duXVII° siècle, au plus flagrant de sa lutte avec le galli-canisme; à la veille de la célèbre déclaration du clergéfrançais, en 1682, il fallait faire disparaitre un texteimportun dont on se servait contre FEglise.

On était à quatre siècles du règne de Saint Louis;deux cents ans s'étaient déjà écoulés depuis qu'on avaitproduit, sans contestation, l'ordonnance de 1269, enplein Parlement; d'illustres prélats, comme l'arche-vêque (le Paris, DE MARcA (1594 à 1662), auteur d'unlivre sur la concordance du Sacerdoce et de l'Em-pire, invoquaient volontiers la Pragmatique de Saint-Louis...

Mais oh incendie avait, en 1618, anéanti les registresdu Parlement; on oublia que des copies en avaient étéprises et publiquement produites, sans que, de 1438 jus-qm'en 1680 (â peu • près), il y eût eu, par la courromaine, la moindre contradiction l'occasion parut fa-

(6) cc Sed verunitamnen fertur (Sanctus Ludovicus) illam infra« semestre revocasse. , IIILIE nu BounDEILLE en reconnaissaitdonc l'existence ; en l'aurait facilement réduit M poenanz libri.s'il avait osé contester l'authenticité : les registres (lu l'arlementexistaient encore de son temps. (Voir infra.)

(7) Annoiiurr. !Jaronii eontinutmtin, [,p. 326.

Page 6: La pragmatique sanction de Saint-Louis

-9-

vorable, puisqu'oli ne pouvait plu s recourir aux docti-ments originaux...

Un mot d?oi'dre partit (le Roine THÔMASSIN travail-lait à son ouvrage sur la discipline de l'Eglise qui paruten 1678 et 1679; il reçut mandat et même salaire (8), hl'effet de soutenir que jamais Saint Louis n'avait puémettre la Pragmatique (et notamment Fart. 5 sur leslevées de fonds). Seulement il négligea d'expurger coin-piètement son livre et il ra laissé subsister inaladroi-tement un passage compromettant où il dit que SaintLouis ne souffrit pas que les papes fissent d'injustes

exactions sur les églises de son royaume (9): pré-cisément le texte de l'article 5 qu'il s'agissait de Ihiredisparaître!...

Les objections de '1'f1oIAssIN, répétées par d'autreszélateurs de la cour romaine, ne touchent pas l'illustrel3osswrr, non plus que Noiu MEXÀNDRE, historien del'Eglise; elles sont soumises par eux à une vigoureuseréfiitalion.

LENATN DE T1ljI,:MuN'l' et d'après lui, Fi LLEAIJ 1W LA

CHAISE, dans leur ljistoi re tic Saint Louis, ont été rén-seignés sur l'existence de certaines objections qu'ils ré-fritent;et. bien qu'ils les croient inédites, ils en fanl'objet d'une critique serrée.

Plus tard, l'abbé FJ.EURY ne thit pas même aux an tagonisi es de la Pragmatique l'honneur (le mentionnerleur opposition; l'abbé \TJLy, les Bénédictins de l'Artde vérifier les dates, adoptent en la motivant l'opinion(lue la Pragmatique sanction émane bien de SaintLouis. Mais, tout naturellement, oit rencontre les Bol-landistes (1741) dans le camp de Rome.• DE ]11:RIG0URT cependant s'était laissé alter au doute,et c'est apparemment sur cette impression d'un k'gi si''non suspect, que VOLTAIRE (10), après avoir loué la

(8) l3rur.zoT. Essai suries institutions de Saint Louis (couronnépar l'Académie des Inscriptions et flelles-Lettres, en 4821), p. 581.où il ('.ite une po]émiqne à ce su jet Gioruale eectesin.stwo (Ii(loura, 1788. r° 36 à38; Jlipostd ail' autore dci Ciorucie cccli,-siusiico di home, 4188, p. 22.

(9) Dtseiptine de I'Eqiise, 111, p 581('1 0) Essai sur les mien u-s, clic p. 58..

Page 7: La pragmatique sanction de Saint-Louis

10 -

Pragmatique, ajoute la restriction '. si toutefois elle estde Saint Louis.Dans la première moitié du présent siècle, unanimité

en sens contraire :MERJÂN, BEUGNOT, JSAMBEItT, Sis-MONDI, M1G?ET, MIGIIELE!', HENRI MARTIN - noms (lUtcomptent - admettent tous l'authenticité; la plupartne mentionnent pas même nue contradiction quel-conque.

Mais tout à coup, sur un nouveau mot d'ordre, coïn-cidant avec l'approche de la proclamation de linthilli-huilé papale comme dogme, voilà qu'une pléiade demenus canonistes se prodigue clans les revues spécialespatronnées par l'Eglise ; les objections de TIT0MA55INsont remises (t neuf; on en ajoute d'autres; on aceorn-mode l'histoire de belle façon; les erreurs qu'on accu-mule ne sont pas à compter...

Tout cet échafaudage historique s'écroule sous lesCOUPS de PAUL VIorLwr mais celui-ci lui-même estlouché par une de ces objections, après avoir réfutétoutes les autres...

li est temps, d'accord avec le W SOTDAN, deooiha (1 1,«arrêter le travail de termites des canonistes; il fautque la vérité historique reprenne ses droits.

On prouvera ci-après que la Pragmatique émane bien(le. Saint Louis, et que la constatalion de son existenceen 1269, eut lieu non pas à deux siècles de là. mais endes temps très voisins de sa promulgation.

Pour rendre ul t(,-r'ieu renient impossible toute dériva-ion vers des accessoires (procédé familier aux canonis-

tes), on montrera. en résumant les travaux modernesauxquels il y a peu à ajouter, que la Pragmatique esten concordance parfaite avec les formules et le stylede l'époque, avec le caractère de Saint Louis, avec lesévénements de son règne; enfin la véritable portée dePartielle 5 sera déterminée d'après la situation relativede la Franco et de la papauté à la mort du pape Clé-ment IV.

1. La première question à examiner au point de vue

(il) MIEDNEII, Zeilsehrift fOr die hi.y&n'ische Theologie, XXVI(1856), 1"

Page 8: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- Il -

législatif et juridique, est l'état matériel de l'instrumentcontenant la Pragmatique comme l'original n'existeplus, il s'agit de rechercher dans les lois, dans les re-cueils de jurisprudence, etc., en quels termes cet étatest constaté.

Une ordonnance du 17 février 1463 (12), qui est,d'après les canonistes, le premier document où il soitparlé de la Pragmatique de Saint Louis, ajoute

Visis ordinationibus piefati Sancti Ludovici regis.Ces ordonnances dont le Parlement constate, en même

temps,» l'observation pendant de longues années, exis-taient donc, et comme, en 1463, il n 'y avait encore au-cun recueil officiel imprimé. il faut que les minutesaient été extraites des archives d'Etat, comme celles dela Sainte-Chapelle, où étaient déposés les documentslégislatifs on prouvera d'ailleurs plus loin qu'en i 438et en 1450, la minute de la Pragmatique (ou tout aumoins une expédition authentique) diïment scellée, aété produite.

Le Parlement, dans ses remontrances sur le concor-dat de F'rancois J avec Léon X (1516), cite l'ordonnancede Saint Louis, y compris l'article 5, que Ion trouve

ès registres de la cour, de. Parlement.(Soi.nr,

Or, cela est important copie de la Pragmatique a étéenregistrée, et l'oii sait que la copie des lois on des or-donnances, transcrite dans les registres du Parlement,formait grosse «, fusait la même foi que la minuteet pouvait suppléer à celle-ci(la).

Voilà que le célèbre jurisconsulte DunorJJÀN (14), ix;TIILET, greer du Padement(i5),Dut'uv (16), garde dutrésor des chartes, Nicous Gars, etc., attestent que

(12) ISÂMBERT. X, p. 480.(13) Encyclopédie (édit. in-4'), Jurisprudence, IV, o I,,nreqis

trouent, p. 299.14) OEuwes, Il, p. loti; IV, p. 309.15) Mémoire cl uduis, etc., édit. de 1006. Il importe peu que

cette mention soit seulement d'un éditeur posthume « La Prag-« matique tout entière et au vrai, Comme elle se trouve ès an-

ciens registres.(16) Preum'es des liheréés de ('Eqiise anglicane, n . 560.

Page 9: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 12 -

la Pragmatique de Saint Louis a été vue par eux, ycompris Fart. 5, dans les registres du Parlement

BOSSUET (17) constate indirectement le témoignageunanime de tous ceux qui s'étaient occupés de la Prag-nialique ; car il parle de celle-ci, comme si elle existaitencore en original.

l3ossUET s'écrie même, réflexion absolument péremp-toireAn vero negabunt more solemrii (Pragrna-« ticarn) promnulgatam, quie in vetustissirnis Pa.rlamenti

regestis extet?C'est qu'en e(lbt les registres publies ne sont pas des

assemblages de feuilles volantes reliées après coup; lespièces y sont inscrites à leur date, ii la suite des unesdes autres, « seriatim eteontinenti « d'après une expres-sion de Pifrlippe-le-Bel (18), dans une de ses ordon-nances.

Le rnème Parlement, eu 1463, parle formelLement del'enr'egistremneni des ordonnances qu'il vise, y comprisla PragmatiqueH Us cil ictis et oi'diriationibris tri

registris dicte curie nostre Parlamenti registratis.Louis-le-l-lutin, le 15 mai 1315 (19), constate d'ail-

leurs l'existence de ces registres .. La vérité 'eue etserte par les registres de Monseigneur Saint Loys,

et une vie manuscrite du même (qu'on conservait aitsiècle passé en la Bibliothèque du Roy .') dit expres-sément que Louis iX. avait fait enregistrer ses ordon-nanrces (20).

On ne fabrique pas des ordonnances royales aussi fa-cilement que des bulles papales pour lancer dans lemonde les ffmuses décrétales, il a suffi de les rédiger etdcn colporter des copies; au contraire, pour faire lassercornue vraie une ordonnance qu'on aurait insérée aprèscoup dans les registres du Parlement, il aurait Val I u lacomplicité unanime et permanente de ce corps; or, auXlv' siècle, seule époque on une fraude aurait pu s'être

(17) De/'cn.io deelarationis cieri gaUicani, 11, p -120.(18) Du LAurmlÊnu, Ordonnances des rots de l"rnncc, I, i l p. 417

et 418.(19) ISAMBERT, III, p. 0.5; cfr. p. 70.(20) Encyclopddie, toc. cil., p. 298.

Page 10: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 13

accomplie (voir ci-après), les clercs étaient en majoritéau Parlemenl. (21).

A ajouter àcela que la Pragmatique le Saint Louisdoit avoir été envoyée, en copie aux tliffirord.s corps duroyaume c'est ainsi qu'on en signale, au XV° siècle, unexemplaire il Chambre des comptes tic Moulins (22.)

C'est la Pragmatique tout entière. y compris son asti-de 5, dont l'existence est ainsi constatée en minute(ou expédition authentique) dûment scellée et en trans-cription enregistrée.

Cela est absolument prouvé et il est important d'y in-sister.

En effet, l'on possède le texte complet de la Pragma-tique, imprimé en 1480, 1492 1 1510, 1520, 1549,1554 (23), d'après les registres du Parlement.

Dans toutes ces éditions, l'article 5 est toujow"s re-produit.

C'est en 1575 seulement qu'apparaît, pour la toutepremière fois, la Pragmatique de Saint Louis, sans sonarticle , dans la Bihiiotheca patruin de MARGuERIN

DE LA I3IGNE...

(24) ISAMnERT, IV, p. 497.(22) BibI, nation. a Paris, MS il desfrêrcs i)u puv. L'évêque

lt*sir' (passage cité ci-après), parlant de la Pragmatique de SaintLouis et autres ordonnances semblables, ajoute u Et crov que ès

registres de vostre court de Parlement et ès Chambres de \:5« comptes et trésor à Paris,s'eit trouveraient plusieurs avoir esté« enregistrées, s'il vous plaisait de les y faire chercher,

(23) 0E I) ou n OEIL I E, contra inrj, ians Calte, '1(111 Sait eonenr , etc,(1480), réimprimé en 4520 sous le titre de bcfen.toriv.m Concorda-larron (Voy. SOIDAN. p. 445); NicohE CILLE, Chroniques et anactes; bu Humai., 51111e du Parlement; Dunoulta [les premièreséditions de certaines de ses oeuvres, où il a reproduit l'article StIc la Pragmati quej.

Assurément on ne s'arr&era pas à réfuter ici certain canonistedont le système est assez plaisant La Pragmatique existaitd'abord sans l'artic]e5 cet article aéré ajouré par itcoi.n GlttE(!),Il anenunnent I l (d'après PssQ.utras) par un « rIes plussavamilsu jui iseonsultes de France, le laineux DurtouLIN...

Tonte cette gloire dispensée généralement et inaladroileuienl,à un adversaire, sur la foi d'on aucunement ( (lui est une affirnia-tien)! Les lecteurs de la HEI.0 ..lt,n., 4889. p. 493, se rappelle't'ont pareils éloges décernés à l'avocat général TAloN, quand oncroyait pouvoir l'invoquer pour soi...

Page 11: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 14 -

Or, il n'y a pas ici Li introduire l'habile hypothèse (desBollandistes) qu'il y aurait eu, de la Pragmatique, plu-sieurs manuscrits, les uns avec l'article 5, les autressans cet article, ce qui ouvrirait la porte à la question:Quels sont les bons?

II n'y a absolument qu'un seul manuscrit-type, c'estcelui des registres du Parlement.

Qu'est-ce donc qui a pu engager DE LA PIGNE Li trou-quer le texte qu'il présente lui-même comme promulgué

solemniter « par Saint Louis?BossuaT pourrait bien Atre dans .le vrai en supposant

une fraude pieuse : vivo bono religioni fuit Sancti Lu-dovici nomme quidquam cdi quo cur'ia romana repre-hendi videretur.On est presque tenté de se demander Si ar LÀ PIGNE

lui-même n'a pas affiché son intention d'expurger laPragmatique, lui qui la présente comme salubriter- edita le, par opposition peut-ètre aux éditions anté-rieures non purifiées, les il insalubres

Mais ces altérations de texte, dont on trouve tantd'exemples dans l'histoire de l'Eglise, n'ont plus coursl'article 5 fait bien partie de la Pragmatique, et LENAINDE TJLLEMONT (24) l'a dit avec tonte raison : l. ou ta- Pragmatique est entièrement supposée, ou elle est de

Saint Louis.Dès lors, si l'on prouve l'authenticité d'une seule des

dispositions de la Pragmatique, la preuve est faite pourle tout, y compris l'article 5.

On doit donc repousser le système mixte contestantl'article 5 et admettant les autres : les dispositions dessix articles, avec le préambule et le dispositif, sontabsolument solidaires les unes des autres.

H. Nous voici arrivés Li la partie principale du pré-sent travail

D'après les canonistes, dont c'est l'argument fonda-mental, le silence a été gardé sur la Pragmatique deSaint Louis, pendant deux siècles, de 1269 à 1463.

(24) Histoire de Saint Louis, éditée par FE GAULLE, VI, j).399.

Page 12: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 15 -

Il s'agit de resserrer cet entre-temps, et même de leréduire pour ainsi dire à néant.

Procédons en remontant le cours des années.Tjious BASIN, évêque de Lisieux (1402 à 1491), dont

l'exactitude ponctuelle est reconnue (25), parle de laPragmatique de Saint Louis, et il affirme avoir i'eu

l'ordonnance escrite et s(c)eltée (comme) en semblablesmatières, qui fut montrée et exhibée aux conventionssolennelles de l'Eglise gallicane, à Chartres (1450)et àBourges (1438) « (26).JEAN-JuVÉNAL DES TJRSINS, archevèque de Reims (mort

en 1473), analyse en quelques mots la matière tic la Prag-inatiqueeslections, collations de bénéfices, jurisclic-

tions et exactions de finances; « il dit ait roi qu'il futstatué sur ces points (donc dans la Pragmatique de 1269)par Louis IX qui est saint et canonisé (27) . Il ajoute:

Et faut dire qu'il flst très bien votre père (Charles VI)et autres l'ont approuvé.Ce témoignage, en ce qui concerne Charles VI, se con-

firme par les ordonnances de mars 1418(28) qui, commela Pragmatique de Saint Louis, statuent sur les élec-tions, la simonie, les levées de fonds de la cour de Rome..les franchises de l'église gallicane ce sont presque lesmêmes dispositions que dans la Pragmatique de SaintLouis, et Charles VI, puisqu'ilaapprouvé colle-ci, l'avaitbien eue sous les yeux.

Mais l'archevêque DES U.RSINS ajoute qu'en 1406, pa-reille matière avait déjà été traitée et, cii effet, l'on aconservé un arrêt du Parlement du 11 septembre 140(jet une ordonnance du 18 février suivant (1406, avantPâques), où les levées de fonds sur le clergé de Fiancesont l'objet de dispositions identiques à l'article 5 de laPragmatique de Saint Louis (29).

(25) QueREllÂT, 1111)1. de 1'ale des chartes, lii, p. 372.(26) Voir les documents insérésla suite du 'fusonotu CAN-

FIIARIEN5I5 Poenitermtùile, édité en 1677, II, p. 509 vo y . aussiDunaND DE MÀu.l,ÀtçE, Les libertils de i'Eglise a/iècane prouvées etcommentée.ç, Iii, p. 677.

(27) histoire de Chartes VI (1653), p. 128.(28) lsÂlnEuT, VIII pp. 595 et 597.(29) lu., Vil, pp. ii:; et 130.

Page 13: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- lb -

L'arrêt du Parlement du li septembre 1406 est parti-culièrement remarquable; à une époque cG nul ne son-geait à combattre l'authenticité de la Pragmatique,DuIowIN avait cité celle-ci comme ayant inspiré l'ar-rêt, et nos canonistes rayonnaient l'arrêt ne parle pasde Louis IX; il cite seulement Philippe-le-Bel et.....leroi Joas i...

Mais ils avaient omis de remarquer que l'arrêt de1406 contient l'article 5 de la Pragmatique, tout entier,dans toutes ses parties qui, cependant, forment un en-semble très compliqué.

En effet, cet article 5 se compose des éléments sui-vants

1' Faculté accordée à l'église romaine de demanderau clergé français des subsides extraordinaires;

20 En cas d'urgence et de nécessité;311 Pour cause pieuse et raisonnable;'1 0 A. la condition d'obtenir le consentement du roi et

de l'Eglise de France;5° Enfin, quand toutes ces conditions sont réunies,

nais alors seulement, obligation pour le clergé françaisde subvenir aux besoins de l'Eglise romaine.

Or. tout cela se trouve réuni et développé dais l'arrèt(le i 406, véritable commentaire de l'article S de la Prag-malique, suivant pas à pas cet article dans chacune 'leses dispositions

Ecclesia romana cLuteras Ecclesias debebatexcitape,coliortari et requirere de subsiclio cliaritativo, quodeidern Eccleske rernanu annni posset et deberet, cointamen consilio, moderamine et justa causa, absqueprjudicio, culpa non pracedonte, durante necessi-tate, ac de consensu et beniguitate principum, patro-norum et alioruin pnelatorum, et non cuin gravaini neassiduo et indistincto ctterarum Ecclesiarum (30)Qu'on indique donc, ailleurs que dans l'article 5 de la

Pragmatique, le thème complexe de cette paraphrase! .Nous voilà arrivés au -XlVe siècle, puisqu'il y a certi-

tude que la Pragmatique, si elle est factice, ra pas étéfabriquée depuis 140G,

(30) 11)., ibid., p. 121.

Page 14: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 17 -

Faudra -t-i] bien des etlbrts pour en trouver les tracesau (lit XIV' siècle?

A en croire l'ordonnance du Parlement de 1463, celasera bien aisé.

1l y est dit, eneffet(Sl) Leroy1 ysHutin, l'an 1315,confirma ladite ordonnance lu roy Saint Loys et cellecia roy Philippe-le-Bel qui paravant avoit fait sein-blable ordonnance et, depuis, le ro y Jean, en l'an 1356,conferina la dite ordonnance de son dit grand ayeuLPhilippe.Voilà un programme tout tracé retrouver dans la

collection des ordonnances des rois de Fiance, les dispo-sitions prises, aux dates fixées, parles rois Jean (1350à1364), Louis-le-Hutin (1311 à 1315), Philippe-le-Bel(1285 à 1314), et concernant l'un ou l'aulre des objets dela Paginatique (le Saint Louis élections, collations debénéfices, franchises de l'Eglise de Fz'ance, levées de lacour de Roine.

Ce sont là les autres rois dont parle .JEAN-JuVENAI, DESUitsINs, comme ayant approuvé la Pragmatique deSaint Loùis.

Les collections des ordonnances sont bien incomplètes,tout le monde en convient; cependant le travail de re-cherche sera encore assez fructueux.

L'année 1356, indiquée par le Parlement, nous fournitune ordonnance du 3 mars, s'occupant formellement de

levée du bien du temporel des églises (32) «, à proposde l'ordonnance de Philippe-le-Bel de 1302, dont il vaêtrequestion comme se référant à la Pragmatique de1269, -

L'année 1315 nous présente plusieurs documents légis-latifs (33) où il est parlé des ordonnances de Saint Louis,comme des franchises et libertés accordées, par ce roi,tant au clergé qu'aux autres ordres.

Enfin, Philippe-le-Bel nous apparaît, en 1302, avecson ordonnance sur la réformation du royaume; il s'oc-cupe précisément des matières réglées par l'article 6 dela Pragmatique, et il reproduit les ternies non seulement

(31) In., X, P. 4011).(32) In., IV, P. 841.(33) ID., III, lP• 61 et sniv.

Page 15: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 18 -

le cet article, mais aussi du préambule et du dispositif:il va mèmc jusqu'à citer le nom de Saint Louis, sonafeiti, comme auteur des dispositions qu'il répète.

Or, on ne dira pas, sans doute, que Phulippe-le-Bel acité le nom de Louis IX pour permettre au faussaired'attribuer à celui-ci une Pragmatique qui aurait servide t y pe à l'ordonnance!...

La citation de ce nom s'oppose à la rétorsion de l'ar-gument et il supposition que la Pragmatique auraitété fabriquée sur le modèle de l'ordonnance de 1302.D'ailleurs quand? par qui? Assurément pas par Philippe-le-Bel lui-mnème; or qui,après lui, antérieurementà 1406?

Voici le texte allégué ou l'on retrouvera en italiquesles expressions déjà soulignées ci-dessus

Ut auxilium et g;a lias onnipotent-s Deimisericorditer babeamus, cujus solius ditioni, ma-nui et protectioni regnurn nostvunz subjectumsemper extilit et nune esse volusnns... quod privi-legia., liber-talcs, frane/tisiw, cousuetudines seu zut-niunitates ecelesiaruni, rnonasterior-un? Ø perso-narum ecclesiasticau,n integre et illese (34serventur, leneantur et custodianlur eisdein, sscui'TEMPORIBUS fèlicis recordationis BEA'J't LunovlcI,avi noslr'i, inviolabiliter servata fuerunt, inhibentesdistrictius omnibus justitiariis, officiariis, minis-tris,delibus et subditis nostris... ne predictas im-mnunilates infringere présumant (35).Peut-on ne pas appeler cola une seconde édition, avec

nom d'auteur, de la Pragmatique (le Saint Louis etmême une édition amplifiée? Où Louis IX avait seule-ment dit distriele, Philippe,-le-Bel emploie le compara-tif dLçt2'ictius : il veut que l'ordre réitéré soit exécutéplus sévèrement que la disposition primitive...

Comment cette identité qui, pur ainsi dire, Il crève

• (34) Ce o integre et illese servari » ne proviendrait-il pas dela lettre ù Philippe-le-Bel, écrite le 3t juillet 1407, par Boni-face VIII, qui aurait fait ainsi une allusion indirecte k la Pragma-tique? (MIGNOT, Traité des droits de jEtai et du Prince air lesbiens possédés par le clergé, Il, p. 134.)

(311) lsmtBEnT, li, 1 1, 7611.

Page 16: La pragmatique sanction de Saint-Louis

•19 -

les veux ', n'est-elle pas universelleuientachujisc (30)!On n'a pas h le répéter ici: une seule des dispositions

de la Pragmatique, étant prouvée vraie, la vérité de laPragmatique tout entière est démontrée...

Nous sommes, qu'on le remarque, à trente-trois ansseulement (le la date de la Pragmatique de Saint Louis!

Du même coup, est renversée une autre objectioncomment la Pragmatique serait-elle anléileure h Phi-lippe-le-Bel, puisque ce roi n'en parle pas dans soir

avec Boniface VIII?Il est vrai qu'il n'a rien dit de l'article 5, bien qu'on

fasse allusion A ses ordonnances (voir supra, 3 mars1356) concernant les levées d'argent opérées surl'Eglisede France; mais cet article-Ut, il a mieux fait que dele citer, il l'a exécuté.

En effet, la veille même de la promulgation de labulle Clericjs laicos, du 18 août 1296. Pliilippe-le-Bel,avant eu vent de ce qui se préparait à Home, Sut sonordonnance du 17 août, interdisant la sortie de tout cequi avait été prélevé pour la décime en thvcu,' de lacour romaine. C'était là une mesure de représailles, prised'autorité et d'urgence; le roi n'avait ni te désir, nin' élir e le loisir, (le chercher la justification dosa décisiondans l'arsenal des anciennes ordonnances: pour prouverson pouvoir, il lui suffisait (le l'exercer,..

On a établi ainsi que la Pragmatique est l'àmo desdispositions concernant l'Eglise, pendant deux cents ans,entre 1269 et 1403, de même que, comme cela a étéégalement démontré, aucune contestation directe donton eût pu vérifier le fondement sur la minute ou dansles registres, ne s'est élevée pendant les deux sièclessuivants, de 1463 à 1078..,

III, La Pragmatique de 1209 est donc de Saint Louis:cela est désormais bien acquis, et l'on pourrait s'arrêter

(36) Dc LAUnIÉRE, I, p,35 7, avait déjà fait le rapprochement,nmais il 'avait pas cru devoir insister sur l'emploi des mêmes

termes, rani, salis doute, le rapport lui semblait évident.Quant au Y SoI.UAN. p. 434, il indique bien ce rapprochement

entre les ordonnances de 1302 cl t269, 'nais il n'en u pas tirétout le parti possible.

Page 17: La pragmatique sanction de Saint-Louis

-- 20 -

ici établir la vérité dispense de démontrer la vraisem-I j lance.

C'est là ce qu'on appelle ercceptio verilalis.Continuons cependant, et arrachons les ronces et les

broussailles qui obstruent encore le chemin.Des philologues d'occasion, dont la conclusion était

lacée a priori, trouvent, les uns que le style de lal'ragmalique est trop élégant , «autres, trop cul-

phatique et trop rédonriar?t' pour l'époctne.Cesdeux jugements sont quelque peu contradictoires;

néanmoins, il sera très aisé de les réfuter h la fois l'unet l'autre.

II suffit pour cela d'adopter la même méthode que ci -dessus :remonter le cours des deux siècles entre 1463et1269, et comparer le langage des documents officiels,pour suivre au rebours l'altération de la latinité.

Une occasion très opportune et très curieuse se pré-sen t', et cela h propos dune des ph rases de la Pragma-tique, celle où il s'agit (le l'appauvrissement (les EglisesdeFrance et du royaume, par leslevées pécuniaires (le lacour de Rome; on n'a qnit vérifier la manière dont celaest exprimé dans la l'ragrïratique de Bourges de 1438,les ordonnances 4e 1418, l'arrêt du Parlement de 1406,les ordonnances du 6 septembre 1363 et du 30 avrilmême année, de juin 1351, etc. ; et l'on verra Le langageembrouillé, surchargé d'épithètes, encombré de syno-nynies, se dégager, se purifier, s'élucider, pour arriverrétroactivement à ces termes simples et naturels de l'or-donnance de 1269oner'a imposita ecclesie regni

riostri qriilitis regnuin nostruin m iserabiliter depau-peraturn extitit...Cela donnerait lieu h un développement intéressant et

même saisksarit ; mais les auteurs de l'objection sont detrop mince autoritépour qu'on s'attarde à les réfuter.

Plus sérieuse est une autre objection, tirée non plusdu langage ordinaire, mais du style officiel de la chan-cellerie (le Saint Louis.

C'est la seule qui arrête encore PAUL V1OJ.LET (37). et

(37) Bibi. de L'école des chanci, 4810, pp. 162, 388; 1871,P . 3131.

lllas ce qui n'était d'abord qu'une ohjectiun,est devenu pour-

Page 18: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 21. -

à sa suite H. WALLON (35), les auteurs qui ont le mieuxétudié la Pragmatique, et avec lesquels on est ici par-ûtitement d'accord sur tous les autres points, sans lamoindre exception.

Le docteur SOLDA,; a produit à cet égard un trèscurieux travail de comparaison que l'on va résumer ici,en le renforçant,

L'ol.'jection repose sur fpploi, dans le préambule,de la formule ad rei per ùeùasn meinoriain « et, danslé mandement d'exècation,del'énumérationi " justitiaril,

otliciarii, nostri subditi et Inca tenentes.Quant à la première, le nombre si restreint des or-

donnances conservées de Saint Louis (39), a cependantpermis de retrouver dans lune d'elles, les mots eI in

cu v ant perpetuam rnemeriarn .D'ailleurs, il estreconnu que la formule était emplo yée au XII0 siècle,au XIII', air par la chancellerie romaine dans undocument opposé ii la cour de Rome, on a pu très bienaffècter d'imiter son langage, même sans la moindrebravade.

Quant h la deuxième, il est vrai, on rencontre le plussouvent, dans les ordonnances conservées de SaintLouis, des 4. haillivi «, des senescalli '; mais c'esttoujours pour (les dispositions d'ordre intérieur ou d'uneapplication restreinte à un territoire, jamais pour uneordonnance aussi générale que la Prigmatique. D'ail-leurs, on découvre, même dans les ordonnances de,SaintLouis, ou dans les documents de son temps des justi-

tiarii, otliciarii (sous la forme synonyme otiiciales),nostri subditi, loca tenentes (qui eorumn loco erunt).Mais ce qui emporte la solution est la circonstance

M. VIolLET, une raison sérieuse d'adopter l'opinion contraire.Dans son ouvrage Le," Etnblissemenl.ç de Saint Louis, publié de1881 u 1886, 1, p. 284, il appelle l'ordonnance de 1269, laIr pseudo-Pi'agmatique de Saint Louis », et la croit fabriquée auXV, siècle sur le modèle de l'ordonnance de 1302...

Mais ce savant distingué est si sincère et de si bonne foi u'onrie tI&espùre pas de lui voir reconnaître son erreur.

(38) Saint Louis et son temps (187â), Il, p. 34.(39) On est allé jusqu'à évaluer à plusieurs centaines le nom-

1,i'e de celles qui n'ont fias été recueillies Société littéraire de['Université de Lanceur choix de mémoires, 1848 1 p. 126.

Page 19: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 22 -

i j iïe la seconde édition '. de la Pragmatique de 1269,c'est-à-dire l'ordonnance de 1302, porte, clans le mêmeordre, le mandai d'exécution justitiariis, officiariis...

su hditis nostris. »Seuleinent,en vue du prochain départ pourlacroisado,

la Pragmatique s'adressait, en outre, aux '2 loca Jouer-tes -, appelés à remplacer les croisés au pays natal.Au surphis, la formule même de la Pragmatique ne se

retrouve littéralement dans aucune ordonnance qui au-lait pu servir de modèle au faussaire.

S'il s'agissait de pousser plus loin la recherche, voiciune idée qu'on aurait à creuser : les formules ne sont-elles pas spéciales, non à une époque, mais à un genred'affaires particulier, comme si les ordonnances prépa-rées dans tel ou tel bureau du Parlement, étaient, partradition administrative, revêtues de mandements ana-logues?

Ainsi, on croit ici avoir remarqué que les II jtïstitiarii,ufflciarii, subditi .', se rencontrent dans plusieurs or-

donnances, etc., concernant l'Eglise, par exemple (tou-jours en remontant)

18 février 1406(40): ll omnibus ,justiliariis,ceterisqueotflciariis et subditis nostris...27 juillet 1398(41) « singulis subditis nostris ... justi-tiaï'iis et officialibus...7 ruai 1397 (42)A tous nos justiciers, officiers etsuhgiés, etc...A l'aide de la formule analogue de l'ordonnance de

1302 (43), on arrive ainsi à la Pragmatique de SaintLouis (1269)..

IV. Désormais, on ose ici l'espérer, tous tes légistes

(40) IsAaiiurnT, Vil, p. 131. (Lettres sur les prélatures et béné-fices).

(41) 1»., VI. p. M. (Lettres qui soustraient l'Eglise (le France5 l'obédience du pape.)

(42) lu., VI, p. 781. (Lettres au sujet du schisme de tEglise.)(43) il est même à remarquer que c'est seulement pour l'arti-

cle 2, relatif aux franchises de l'Eglise, qu ' oïl rencontre la lor-mule : la même ordonnance, daims ses disposinons d'ordre civil,mentionne les sénéchaux, baillis, etc.

Page 20: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 23 -

seront (l'accord; il ne reste pins qu'à réfuter les der-nières objections des canonistes.

D'abord, celle-ci la Pragmatique rie convient pasau caractère de Saint Louis...

Les canonistes, si ingénieux en distinctions, ont con-fondu ici ce qu'il aurait fallu soigneusement discernerSaint Louis, chrétien, mais roi!

Comme chrétien, ce fut l'homme le plus pieux; commeroi il ne sacrifia jamais la moindre parcelle de son pou-voir Ù l'Eglise.

Il suffit de grouper quelques faits pour démontrer . I'in-dépendance de Louis IX, lui Saint., aux prises avec lescensures ecclésiastiques

En 1234, lors dune émeute à Beauvais, il assume lejugemei:t de l'affaire, en dépit dit clergé, brave l'interditlancé contre lui par i'évèque, fait saisir les biens decelui-ci (41)

En 1235, les bourgeois de Reius s'étaient révoltéscontre le chapitre. Saint Louis évoque encore la cause,affionte les trois monitions préalables à l'excommuùi-catiou ; enfin, il déclare qu'il ne maintiendra que lescensures justemeut prononcées (45).

Au retour de la croisade, en 1254, (tans Ufl entretienà part, sollicité par les prélats du Parlement qui luireprochent de violer ses devoirs de chrétien, il accusel'un de convoitise, l'appelle parjure, reproche à un autrele ne pas payer ce qu'il doit au roi et de violer son ser-inent d'hommage; il déclare à un troisième qu'il le con-sidère comme excommunié, et, lui appliquant la doctrinede i'Eglise, lui refuse audience (46).

En 1263, l'évêque d'Auxerre, au nom du clergé deFriture, réclame l'exécution des décrets du concile deCognac en 162 (47), etc., et, en conséquence, requiert'l'appui du bras séculiercontre lesexeommuniés; Louis IX

(44) VIorLET, loc. cit., 1870, p. 181.;f,ulZoT, Civilisation enFronce (Preuves des leçons XXXI et XLIX).

(U;) lu., ibid., p. 118 les censures prononcées contreLouis IX. soril réunies par llAnnouw, Conciliorunt coflectio, Vit,pp, 9250 à 9692.

(46) JoINvrI.ijm, histoire de Saint Lents, eh. 136.(47) ilAnnouiN, VII, P. 4962.

Page 21: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 24 -

refuse, à moins qu'on ne lui laisse juger si l'excommu-nication a été prononcée justement (48).

Mieux encore l'évêque de Clermont avait altéré sesmonnaies et y donnait cours forcé, sous la sanction despeines canoniques. Saint Louis lui enjoint de lever lesexcommunications et le même jour, mande au bailli deBourges de saisir les biens de l'évêque, s'il résiste (49).

Ajoutons à cela, l'indépendance de Louis lx., dans lesdémêlés du pape avec l'Allemagne (50), ses discussionsavec Clément IV, à propos des bénéfices de Relais et (leSens...

Aussi n'y a-t-il plus la moindre dissidence parmi lessavants modernes qui ne sont pas inféodés à l'Eglise;même ceux qui hésitent û admettre Fauthenticité de laPragmatique, et au premier sang, Psrx FAURE (51),BouTAttic (52), P. VIOLLET (53), Ti. WALlON (54), tousadmettent que les doctrines énoncées par la Pragma-tique, ont été celles que Louis IX prenait pour règle deconduile et quil se fit toujours un devoir d'appliquer.

Sont donc de véritables détracteurs de Saint Louis,les canonistes qui veulent enlever à ce grand prince lacouronne que lui a décernée VOLTAIRE (55), d'accordcette fois avec l'Eglise:» Sa piété (lui é (ait celle (l'un ana-

chorète, ne lui ôta aucune vertu de roi il sut accor-der une politique profonde avec une justice exacte, cl.peut-être est-il le seul souverain qui mérite cette

n louange.Mais, «après certains canonistes, on n'est pas chrétien

si on résiste à l'Eglise, même au temporel!Si Louis IX si été canonisé malgré la Pragmatique,

comme malgré sa résistance aux excommunications,c'est que l'Eglise n'a pas toujours pensé qu'un chrétien

(48) ioINvIrl.E, ch. 13 et 135.(49) iloulAnle, Saint Louis et Alfonse de Poieiei-s, pp. 216 et

428(60) il, WAMoN, Saint Louis et son temps (1875), H. P. M.(Si) histoire de Saint Louis, Il, p. 261.(52) La Fiance sous Philippe-le-Bel, pp. 90 CL 427.(63) BibI, de l'école des chartes, 1870, p. 173; 4871, I"(54) Lac, oit., Il, pli. 30 et suiv.(55) Loc. oit.

Page 22: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 25 -

doit abdiquer son indépendance, surtout l'indépendanceroyale, pour mériter le ciel.

Disons, eu outre, que la pression du clergé fiançais,pendant vingt-cinq ans, les démarches de Philippe ITT,la part prise par Boni tce ViII I ni- même, comme cardi-uni, à l'instruction du procès en béatification de SaintLouis, le désir de ce pape d'amadouer le petit-fils (le cedernier, Pliil ippe-le-Bel, qu'il venait du-ii ter par la bulleGler-icis iak'os de 1206, ont pu amener, cri cettecanonisation, comme acte politique, etêcarter tontes lesobjections.

Si Louis IX a été canonisé, c'est d'ailleurs que l'en-semble de sa vie, ses vertus, pour ne pas parler ici (leses miracles, lui avaient mérité cet honneur, et s'ill'avait mérité, le pape ne pouvait le lui refuser.

V. La Pragmatique, ajoute-t-on, est un contresenshistorique; les abus auxquels son texte obvie n'exis-taient pas.

MM. le D S0IDÀN, VI0LÏ.,ET et WALlON ont encorerésolu la question, et leurs arguments seront analysésci-après; on éprouve néanmoins le besoin de les ren-forcer, en faisant décidément entrer en ligne unchro-niqueur dont on s'était trop défié j usqu' ici, MAT'rnlnuPARIS, moine bénédictin ix Saint-Albans (Atigleterre).

Aujourd'hui, l'on revient bien (56) sur le compte de cecontemporain de Saint Louis, à la cour duquel il vécutpendant l'hiver de 1246-1247 MÀ'n'lttEu Paius jouit. enoutre, de la confiance du pape, des rois d'Angleterre,de Norvège; il était en relations avec les principauxpersonnages (le SOfl époque, et il a rassemblé les docu-n Lon ls les plus intéressants.

Un de ces documents jouera ici son rôle il s'agit(l'une copie d'instructions données, en 1247, h l'ambas-sadeur de Louis IX, auprès du pape.

(i6) Voir dans ce sens due DE LUYINES, j,jtroducl ion lagrande chroni lue de Man'.rrrsu l'Anis (trad. lluIiIAnr-llnlhIo LIES),Pp. 11V CL suiv,; voy. aussi SOLDAS, P. 401; BibI, 'le l'école ,frçcharte, 1870. p' 566.

Le (lue DE LuYNEs reconnaît dans l'oeuvre (le Manjirr,u Pains.'es erreurs inévitables au moyen Oge; mais il constate l'impartia-lité de ce chroniqueur, son souci de l'exactitude et sa bonne foi.

Page 23: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 26 -

L'histoire de la dite copie est curieuse.Elle avait échappé à l'attention de l'archevêque PAR-

KER et (le V%TATS premiers éditeurs de MÀrrHIEU PARIS.En 1657, ROGERT\VYSDEN ladécouvreetlasignale(57);

mais elle est seulement imprimée en 1690 (58).On la réimprime en 1818 (50); BEUGNOT (60) la ré-

seine en 1821 et y attire l'attention.En 1869, sir FRÉDÉRIC MÀDDEN met au jour l'Hïsio-

)'ia aninor de MArrilisu PARIS, restée inédite; il y ren-contre un renvoi à la copie des instructions diploma-liques (le 1247, et dans le manuscrit, encore existantaujourd'hui, des pièces justificatives (10 MATTHIEU PARIS,il montre, à la suite de la dite copie, une note de lamain (le celui-ci (61) la mort du chroniqueur, en 1259,donne une date certaine à celle copie, antérieure, parconséquent, à la Pragmatique de Saint Louis.

Et comme pour dissiper tout doute sur l'authenticitédu document lui-même, et non plus seulement de la co-pie, voilà qu'on met la main, en 1888 (62), sur d'autresinstructions données à un ambassadeur de Saint Louis,écrites dans le même st yle, avec le même respect (lelEglise, mais aussi avec la mème fermeté.

Enfin, certains documents publiés dans le Recueil deshistoriens de •&ance (volumes relatifs a Saint Louis.

(57) An historient u,indication of the chureh or Euqiand, citée' aï Viou.iiT Bibi. de l'dcnle des chartes, 4871, p. 406.

(fiS) ORrijuixus OnATius, Fasciculus reruni expetendaruiu etfugiendarniu (édit. d'Eoouxtto lnows), Il, p. M.

(f30) LLonFnE, 3fouuu,en ts historiques concernant les deuxPragmatiques, pli. 5, 22, 111 et suiv.

60) toc. cil., p. 423.CI) MATT]I. PAins, Historia Angioruin, III, p. 129. note. (Col-

lectionon des fh'nwu irita nnicaruiu niedii acut seriyutores); (jans levelu ni e VI (Add hanté nLa) de la Chronica majora (sic). I iflpriulé en.I 8S. les insiruclions diplomatiques en question sont repro-duites, . 99.

(62) BibI. de ('droit des chartes, 1888, p. 330.Les communications de Louis IX. par voie (['ambassades,

avaient été provoquées par le pape Grégoire IX (llAYNAIn1, ad.an,,. 1240, nG 53); déjh l'an précédent, Saint Louis avait envoyé

Renie, Main, l'un de ses couuseillerK, avec l'évOque liobert deTorotte (LENAIr DE TiilEiIONT, Il, p. 350).

Page 24: La pragmatique sanction de Saint-Louis

-27 -

édités en 1865, et des pièces des archives de France,nouvellement Mises au jour par M. V10LTJT, confirment,après 1259, les affirmations de MATTHIEU PARIS et lesénonciations des instructions de l'ambassadeur de 1247.

Ne pouvant être accepté comme prophète, MAT'I'ItJEul'Anis dpit être cru comme historien.

Il est donc permis, en cléjiil, des canonistes, de coin-prendre les ouvrages et les documents du chroniqueuranglais, parmi les preuves historiques des faits déniéspar ces canonistes, dont il va être question.

Les canonistes modernes contestent lotit ce qui gêneleur thèse il n'y avait, au Mll e siècle, ni usurpationsdu pape en matière délections, ni simonies, ni levées detbntis par la cour de Rome sur le clergé français.

Contentons-nous de renvoyer sur les premiers pointsaux nombreux fitits accumulés par M. VJ0LIET et citonsseulement la décision «un concile de Béziers qui, en123:3 (63), prit des mesures sévères contre la simonie,une bulle de Clément IV, de 1265 (publiée en 1266), parlaquelle ce pape s'attribue les bénéfices vacants en cour(le Ronie, contrairement aux déoits revendiqués par leroi cl l'l3glise de France (64), et enfin les deux conflitsdéjà cités de ce pape avec Louis IX, à propos de bénéficesclans les Eglises de Sens et de Reims (05).

Ceci soit dit en passant Les instructions diplomati-ques de l'an 1247 mentionnent déjà un grand nombre debénéfices conférés par le pape, en préjudice des droitsdu roi, spécialement la collation d'une prébende ii Saint-Martin de Tours.

Insistons au sujet des levées de fonds sur l'Eglisede France, en négligeant même celles de 1240.1265, etc. (66).

(63) LAnBE0S et COSSABTIUS, Sacrosancta concilia, XI, p. 455« Ml i holenda m simonie corruptel au] quDc in h s partibus cxc-

levit, » Elle n'était donc pas encore éteinte.(64) CocQuEi,IsKs, Ijullaruin ainphssirna coliectio, I]], part. 1,

P' 437.(05) y ojr notamment Fiun y, Histoire ecclésiastique, XVIII.

• PP' 81, 119, 134. Chut, LECmSnE, Les rapports (le la papautdavccla Franco sous Philippe lit, p. FiS.

(66) VIOLLET, loc. ci'!., 4870, p. 470.

Page 25: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 28 -

En 1217, disent les instructions de l'ambassadeur,les légats se sont adressés aux membres du clergé fran-çais; en vertu de l'obéissance due ait pape, ils ont faitjuter le secret sur la communication qu'ils allaient faire,et, abusant de cette situation, ils ont requis des levéesd'argent, sous peine d'excommunication.

Là dessus, cette ferme déclaration au nom du'roi1. Tri bu tuin de temporal•tbus neinini , etiairi secundu mjuin canonica, reddit Eculesia nisi Regi a quo tempo-ralia habet, etci subest in ternporalibus suis, qua,jure huinano, ici est jure regio, defen(l untur (07)L'article e et le préambule (le la Pragrnaticlue sont cii

germe dans ces instructionsT-Lex non potest sibi deqsse quin, pro posse suo, ser-

vet status, libei'tates, consuetuclines regni sibi a Deocommissi (68).Saint Louis ajoute

Dominus Rex jamdudum moleste sustinuit grava-mina qua inferuntur Ecclesi;E gallican, et per con-sequens sibi et regno... Jntolerabiliter gravatur Eccle-sia in depauperatione Ecclesiarutn, depauperaturregnum.C'est un prélude à l'article 5 de la Pragmatique.Ces levées de fonds de 1247, contre lesquelles l'ambas-

sadeur est chargé de protester, MATILIISU PARIS en paieen plusieurs endroits, tant à propos de la France que del'Angleterre, et le chroniqueur n'a rien inventé les re-gistres pontificaux attestent qu'en 1247, aux mêmes fins,

(67) Précisément la doctrine de SAINT Atitutoisu et de SAÉNTAucusThx, rappelée par la BELG leu., 1889, pp. 487 et suiv.Complétons la citation au point de vue où ce recueil s'était placé« Quando temporalia Ecelesiaruin jure regio habentur, istud

etiam juris hahet quod cannes Ecclesiaruni Iliesauros et ouinialoin poralia ïpsaruul, (Rex) pro sua et pro sui regni nect.s sitate,

« potest capere sicut sua. »(68) Cette notion, comme le fait remarquer M. Vioiun'r, Le.ç

Eteldissemen(s de Saint Louis, 1, p' 283, était dés le XI [I l, siècle.une idée courante en chancellerie; car dans la compilation d'an-ciennes coutumes, etc, qu'on appelle « Etabhissements de Saint« Louis», et qui doit avoir été rédigée en (272-1 273, sous Pli:.,lippe III, se trouve 's deux reprises la phrase « Li rois ite tient« de nu[ui, lors de Dieu et de so y . »

Page 26: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- -

la cour de Rome s'était adressée aux Eglises d'Ecosse,d'irlande,d'Espagne, d'Allemagne (39).

La véracité de MATTHIEtJ PARiS est d'ailleurs confir-mée par le fait (lue l'abus signalé s'est continué après1259 levées de fonds avec menaces dexcorurnunica-tIOII

En 1233, le clergé de Franco, rassemblé, invoque lesgravamina quibus diu oppressa fuerat Fèclesia galli-cana propter subventionés quas fecerat de inandatoDomini Papa . Et le subside est unanimement re-

fusé on le notifie air (70).Murinur fuit magnum in Ecclesia (71) gallicana n,

s'écrie it ce propos lit) chroniqueur qui ajouteLa cour de Reine ronge et dévore les bourses. On ne

saurait compter les levées de fonds, les inoirclierics,les violences (emunctiones, corupulsiones) fluites pont-le pape et pour les collecteurs. Des excommunicationsont même été prononcées. (Novit Jhesus si bene hué-tuml)En 1207, SIMON DE 13111E, légat du pape (depuis pape

lui-même, sous le nom de Nartin 1V), est investi de lamission de faire des levées de fonds sur le clergé 'JeFrance (72), avec pouvoir de prononcer des peines cano-niques contre les réealcitrahts.

On verra ci-après comment la réclamation dità propos (le ces levées de Fonds, fut accueillie par lepape ici, il s'agit uniquement de prouver que, sousLouis lx. la cour de J{omne ne cessa de réclamer de l'ar-gent â charge de l'Eglise de France, avec menace depeines spirituelles.

Ces levées de fonds n'avaient pas cessé â la mort de

(69) Reg. pontif., IV, e». car. 81, 109, cii par llsynioi, (id.ana. 1247. n°10.

(70) EUDES IIIGACD, Recueil des hisloriens (1C Fronce, XXI,P, :388.

(il) 3(ajus chronicon Len,or'iciense, Ibid., pp. 770 et suiv.Comp. dans le Spicilegiuui de n'Àciritnv, 4793, Il, p. 949, lesdoléances d'un monastère au sujet des levées dc fonds inouîeset importunes, exercées « Onormitel' » par Innocent IV, à chargede I'Eglise (le Fiance. Voir aussi celte chronique chez Diicurtssn,histoire des cardinaux Iran çais II, 1)590.

(79) BÀYNÀI,in, (id. cran. 1267, n° 54.

Page 27: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- :30 -

Clément IV, en 1208, quelques mois avant la Pragma-tique; Alfoase de Poitiers, en 1269, recommanda à sessénéchaux de mettre (Tes tempéraments à l'exécution desréquisitions pécuniaires de. Roue (73).

ivlalgrû les démifigations des canonistes, il 3 , avait doncample mal.iére, en 1269, à une réglementation par voied'autorité, au sujet (Tes abus contre lesquels la Pragma-tique réagit.

VI. Reste à expliquer comment Saint Louis, qui ve-nait de profiter, Pou] la croisade, des levées de fondsrequises, en 1267, par, la cour de Rome, a pu prendre ladisposition de l'article 5 contre celle-ci. C'est l'objectionde H. DE SPONDE, souvent répétée depuis.

Commençons par, restituer à l'article 5 son véritablecaractère, qu'on n'a pas bien compris ou, peut-être,voulu comprendre.

Cette disposition est tout simplement un acte calme,niais ferme, du pouvoir temporel, conscient de ses droitset de ses devoirs, déclarant qu'il entend taire respecterses prérogatives par I'Eglise.

Elle n'est ni un manifèste contre le pape, ni uneoffensegratuite lancée h sa face, etc,, etc., comme on se com-plait à le dire, en forçant la voix.

Elle est même une concession Caite à I'Eglise romaine,à laquelle le Roi reconnaît le droit de recourir au clergé'le Fiance, sous certaines conditions.

Prouvons ces trois points, en ordre inverse.L'ambassadeur de 1247 était chargé de (lire au

pape (74) A secu o non est audi tu ni quod Ecclesia ro-maria pro quacunz que necessitate subsidium pequ-niai'n ni vel tr'ihuturn de lwn pojali bus suis exegeri tah Ecclesia gallicana.La Pragmatique admet cependant qu'eu cas de néces-

sité. le pape pourra s'adresser au clergé français; maisSaint Louis a tait l'expérience de demandes de fondspour Constantinople, pour la guerre contre Frédéric 11.etc. (75); il précise et il exige que le subside soit demandé

(7.3) Bou'rAilrc.Sui'm/ (.outv cl .4lRnM 'le Piilien, p. 433.(74) OlITimuiNus (rmATIGS, toc, cil., Il, p. 230.(7$) l\IATTIIIEL' PAuIS, Iluloria i)iajÔ?', édit. de 1.511 , p. 1060;

EUDES [ILGALJD, lice. des /ist. de France, XXI, p. 588.

Page 28: La pragmatique sanction de Saint-Louis

— 31 -

pour la religion, et non pas arbitrairement il faut unecausa pia et mtionabilis «, qu'il se réserve d'appré-

cier, et non plus une « nécessité quelconqu6 -.L'article 5 de la Pragmatique n'est pas offensant pour

le pape:Le mot exactiones », qu'on affecte (Te prendre de

mauvaise part, dans le sens de notre mot fiançaisexactions ' (76), signifie simplement, clans la bonne

latinité : perception pécuniaire, levée de fonds «. C'esttoujours ainsi qu'on la traduit ci-dessus, et cela avecd'autant plus de raison que, en 1267, Clément IV T'em-ploie une demi -douzaine de fois dans sa réponse au clergéfrançais (77), en parlant de ce qu'il demandait à l'Eglisede France.

La doléance que les levées de la cour de Home ontamené l'appauvrissement de l'Eglise de France et duroyaume, n'est pas une nouveauté : le pape l'a entenduetic la bouche de l'ambassadeur de 1247; son légat, decelle du délégué du clergé français, en 1263.

Dans la Pragmatique, pas un mot de la cause subjec-tive de ces exactions n; il était si facile cependant dela mentionner c'était l'avaritia , l'avidité de la cour10 ma? ne

Ce mot était dans toutes les bouchesMATTUIET; PARIS (78) parlant de Saint Louis, dit de

lui : . Suspectant liabens romana curi avat'iliam,Saint Louis, lui-même, dans ses instructions à l'arn-

dassadeur (le 1258 (79), le charge de demandez' au pape,l'envoi de légats qui avar'iliam detestentur.

Eudes de Châteauroux, légat du pape, dit à SaintLouis,qu'obligé de retournerauprés des 'déloyales gensqui sont â Rorne, il aura soin de dépenser au préalable

(76) Il est assez curieux de voir le lalin : exiqere, exactruu,former en français : exaction, exactitude, le premier toujours prisde mauvaise part, le second de bonne, enfin exigence, plutôt demauvaise que de bonne.

(77) IiAYNALI)I, ail, cnn. 1267, n''5 $ ersuiv.(78) llisto,'ia major, P. 960; M. sous le titre de Chrarviea

luujQi'a, de hi eoll, des lie,', luit. mcd. oevi scriptores, IV, p. 601.(70) BibI, de i'&:otc des charles, 1888, p. 63e.

M

Page 29: La pragmatique sanction de Saint-Louis

ç'

- 32

tout son argent, pour qu'on ne luicoure mie à lamain « (80).Enfin, R0GER BACON (1214 à 1294), parlant de la cour

de Rome et énumérant les péchés capitaux dont elle estenvahieRegnat su perbia, invidia corrodit singulos,

lnxuria difl'ainat tot;unillain curium, gula in omnibusdominatu i'... » ne pouvait oublier l'avidité:Ardetavaritia (81).Le travail qu'on arecominaudé ci-dessus, pour suivre

la décadence de la latinité depuis la Pragmatique deSaint Louis ju squ'à celle (le Bourges, montrera en outrele langage bien moins réservé qu'ont tenu les succes-seurs de Saint Louis: c'est là que pleuvent, à propos (Inl'Eglise, les gros mots extorsiones, oppressiones, in-

terprisia, usurpationes, tvraniiides, mortifer pestA-lentiaj, phariseoruin more, lucris inhiare, avaritiisdelectari «, etc., etc.Mais si Louis IX ménage le pape dans la forme, s'il

accorde à la cour de Rome le droit dedernander des sub-sides au clergé français, il n'en est pas moins ferme dansla revendication de son pouvoir royal : il aura à appré-cier la cause de cette demande, son caractère religieux,raisonnable.

11 ajoute à cela l'obligation «obtenir le consentementde l'Eglise française : c'est ici quese place l'explicationdésirée par 11. DE SPONDE

Que l'argent «it demandé pour le pape, ou par lepape pour le roi, c'était tout un à l'égard de !'Eglisede France : l'argent n'en sortait pas moins (le sescaisses.

RAYNALUT (ann. 1237, n° 55), représente le clergéfrançais suorum cominodorum quarn ici cltristiana

tuendaT cupidior. . . « tant l'avidité romaine avait en-gendré (le désaffection.

La dernière levée de fonds avait exaspéré ce clergé;il avait envoyé à Rome des délégués décidés à ne tenir

(8(1) J OINVIIAE, eh. 120.(81) ConrpefldiiW( .UidO, dans les Opera quoedam hne!enu,Ç inc-

dieu (le HonEim BACON, COIl. de lier, mil. mcd. uni seriplo?'es(1859), p. 399.

94

Page 30: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- :3; -

aucun compte (les excommunications, et menaçant Clé-ment,i V d'un schisme.

Et te pape avait répondu avec colère, en prodiguantles objurgations démarches inconsidérées, ignorancede la vérité, misérable audace, téméraire présomption.jusqu'à des jeux ironiques de mots, comme salis effre-

nate irer minus infrunite, « ou . Coirtuinacia pei'tinaxe1 perl.inacia contumax , enfin (les menaces de révo-

cation, de déposition, d'interdiction de tous bénéficespour les réclamants (82).

Certes, le clergé fiançais dut subir avec quelque lin-patience un pareil langage et s'il finit par s'exécuter,lui qui était opposé à la croisade, ce ne fut pas, biencertainement., sans solliciter et obtenir en compensa-tion du roi Louis IX des promesses de protection pourl'avenir.

Le pape Clément IV vint à mourir en 1268 : l'inter-règne qui menaçait d'être long (il se prolongea troisans), dut paraître une occasion thvorable pour donnerdes garanties solennelles aux réclamants.

La meilleure manière d'accorder satisfaction au clergéfrançais consistait à l'introduire comme un rouage né-cessaire dans le mécanisme organisé pal' la Pragma-tique, et de le mettre à même de s'opposer tant aux

exactions qu'auxcompulsiones regi (83) n quiles avaient trop souvent appuyées.

Désormais Le roi lui-même aurait eu beau s'entendreavec le pape, la Pragmatique accordait à l'Eglise fran-çaise une sorte de veto.

Voilà, semble-t-il,ïexplication toute naturelle de l'ar-ticle 5; elle n'en néglige aucun terme et en dégage laportée: justice parfaite pour les trois intérêts en cause,celui du roi, celui du pape, celui de l'Eglise française,et satisfaction suffisante, cri fait., accordée à chacun.

(82) IUYNALDI, (Id, un,?. 1267. r "55 et su iv. Les jeux de mots,comme i] en est cité, étaient dans le rota de l'époque; au siècleprécédent. or, lisait, pur contre. ii ]'Eglise 'r Non Cardinales sed

Carpinales, lionir.tdicaiores sed pnelaton-es, noir pack eorro-hormuorrs SOd pecunim raptnres, non orbis repararores sed auri

« insarial, j le.s eorrasoi'cs ... M (Souix, loc. cil., p. 304).(83) EIJDES RIGAUD, 10c. c;L, P. 770; ROUTAHIC, Saint torILs et

À (flaire de Poitiers, toc. cil.

Page 31: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 34 -

Mais, en principe, c'est le pouvoir temporel quitriorn phe, parce qu'il s'agit de choses de la terre, ett'est ce que l'Eglise devait supporter difficilement dela efforts pou faire disparaitre un document con-tredisant les ambitions qui se sont fait jour depuis.

L'esprit de parti, dit un des canonistes modernes,est parvenu à transformer Saint Louis en un person-nage équivoque, tour à jour ennemi et ami du clergé,tantôt déI'etiseur et tantôt contempteur de la pa-pauté. ' 'nElle est assez piquante, cette imputation d'esprit de

parti adressée aux légistes qui défendent une loi atta-quée, pour la première fois, quatre cents ans après sadate, et en tous cas deux siècles après sa reconnaisancelégislative. Dans ce débat, quels sont donc les doutait-deurs

Ajoutons que les légistes ne font que répéter, aitde Saint Louis, le jugement prononcé sur lui par GER-

SON (1353 à 1429) .. Secundutu duplicem haliitudinemad Deum scilicet ut créatura Dci. ad reiinen suhdi-torum ut rex'» (84).Contre cela, ne prévaudront point les subtilités systé-

niatiques des canonistes, et l'on peut adopter commeconclusion l'unique phrase que prononce sur la questionlIENRI MARTIN (85) •' L'authenticité de la Pragmatique

de Saint Louis a été contestée, niais sans raisonvalable ., et ce jugement de BEUGNOT (86)Le pro-blèttie (le l'authenticité (le la Pragmatique de. Saintlouis pourrait être regardé comme résolu, si Cobsti-nation de quelques mauvais esprits ne nousapprenait que les erreurs ne vieillissent pas. -

En 'ésuttiéLa Pragmatique promulguée en 1289;Pendant deux siècles, 1259 à 1463. cette

tique , faisantfaisant sentir son influence dans la législation1302, 1315. 1356, 1406, 1418. 1138, 1450;

Pendant Les deux siècles suivants. 1163 à 167S, L'Eglise

s4 E,li t. de t 606, I \T p(s;• hie.. cil.tRli) Loc. (tU., 1). -116.

j"

Page 32: La pragmatique sanction de Saint-Louis

- 35 -

n'élevant pas une seule fois la voix, et attendant pourcombattre l'mthenticité, que les registres du Parlementaient disparu ;-

Pendant les deux derniers siècles, 1678 jusqu'à nosjours, la Pragmatique, plusieurs fois attaquée commefactice, niais reconnue authentique par les historiens lesplus distingués; enfin, solidement étayée «argumentshistoriques par SoI.DAN et VIOLLET, et ici même depreuves juridiques et législatives.

Espérons que ce sera le dernier mot sur la question.


Recommended