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Le Discours de La Mémoire

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 Ecole normale supérieure de lyon is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue française de  pédagogie. http://www.jstor.org Le discours de la mémoire Author(s): François Jacquet-Francillon Source: Revue française de pédagogie, No. 165, L'éducation et les politiques de la mémoire (  OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008), pp. 5-15 Published by: Ecole normale supérieure de lyon Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41202422 Accessed: 14-08-2015 08:10 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/  info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 83.137.211.198 on Fri, 14 Aug 2015 08:10:51 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions
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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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 Ecole normale supérieure de lyon is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue française

 pédagogie.

http://www.jstor.org

Le discours de la mémoireAuthor(s): François Jacquet-Francillon

Source: Revue française de pédagogie, No. 165, L'éducation et les politiques de la mémoire ( OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008), pp. 5-15Published by: Ecole normale supérieure de lyonStable URL: http://www.jstor.org/stable/41202422Accessed: 14-08-2015 08:10 UTC

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/pag info/about/policies/terms.jsp

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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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^M

Le

discours de la

mémoire

WÊÊÊÊ

François

Jacquet-Francillo

questionnons

nouveau ci es

évolutions

e

la

culture colaire.

l

'agit

cettefoisde saisir es

motifs t

les effets observables u

escomptés

-

de

ces récits u

passé

collectif

ue

l'école a commencé

d'intégrer

ous l'intitulé

e

la

«

mémoire

.

De tels

récits

partagent

vec

ceux de

l'histoire,

ussi bien

l'histoire colaire

que

l'histoire

avante,

une ambi-

tionde vérité u mieux de véridicité

et c'est

pour-

quoi

ils ouvrent ans les

programmes

es

rubriques

originales.

Mais es

deux sortesde récits

ivergent

plusieurs

titres.

remièrement,

andis

ue

les récits e

l'histoire

honorentne

xigence

ationnelle

our

arantir

'objec-

tivité es faits

t des événements

ce qui

ne va

pas

sans

discussions,

récurrentes

epuis

le

xixe

iècle,

sur

a

définitiont les limites

e cette

objectivité1)),

les récits

e la mémoire e

déploient

ans la

sphère

du sentiment

our

tteindrea

subjectivité

es

expé-

riences t des

épreuves.

Cette

divergence

st souvent

commentée

ar

es historiens

orsqu'ils

e consacrent

à la défense et illustratione leur

discipline,

nten-

due commeune

spécialité ritique2).

Secondement,

tandis

ue

l'histoire

e

choisit

as

entre es

gloires

t

les hontes,es victoires t les défaites, tqu'elle peutmêmedélaisser les unes et les autres

pour

traiter

des séries de données

-

quantifiées

u besoin

,

la

mémoireemble

préférer

eversant uneste u

passé

collectif les crimes

génocidaires

des États totali-

taires,

es

guerres

oloniales des nationsdémocrati-

ques,

la

répression

militaire

t

policière

es

régimes

de

dictatures,

tc. Certes le recueil

mémoriel,

tile

pour

combler

es

oublis ou les lacunes de

l'histoire,

se tourne ussi vers

es

folklores,

es

patrimoines,

es

traditions

illageoises

u

corporatives,

n un mot es

cultures

opulaires

et

on a

vu

ces derniers

emps

fleurir ans nos

provinces

e modestes musées où

l'on ne nous

épargne

pas

les socs de

charrues,

es

vieux ivres e classe et les robes des mariées

pay-

sannes. Mais la mémoiremontre lusvolontiers ne

attirance

our

es

grandes atastrophes

umaines u

xxe

iècle.

Ces deux

propriétés

e

répondent

le récitde la

mémoire st sentimental t

subjectiviste

ès

qu'il

déroule e

tragique,

a misèredu

peuple

et des hum-

bles

;

le récit

historique

st rationnel t

objectiviste

parce qu'il

dessine soit l'aventuredes

puissants

(dans

la versionTroisième

République),

oit le des-

tin

des sociétés et des civilisations

dans

la version

moderne t

savante).

C'est le récitde

la

destruction es

Juifs

ar

les

nazis qui a imposé depuis deux ou troisdécenniesce vocable de la « mémoire, en

reléguant

elui du

«

souvenir

,

qui portait

usqu'alors

a

charge

du deuil

et de la

dette envers es mortsdes

guerres

précé-

dentes

3).

Ce récit st

élaboré

dès

que

commence

Revue

française

e

pédagogie

|

165

|

octobre-novembre-décembre008 5-15

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le recueil es

traces,

la fin e

la dernière

uerre,

t

mêmeun

peu

avant i l'on retienta date de

création

du Centre e documentation

uive ontemporaine

ar

Isaac Schneersohn n avril

943,

à Grenoble

4).

Mais

la

présence

de ce récit ient ussi à ce

qu'il

a resti-

tué a

singularité

rréductiblee l'événement. 'abord

ilnous a

plongés

moinsdans la

guerre

ue

dans

le

protocoled'un meurtre e masse et, qui plus est,

unmeurtre

ue

son immensité endnon

pas

impen-

sable mais incommensurable

précisons

le

meur-

trede masse est tout fait

pensable puisqu'il

été

réfléchi, édité,

t

peut-être

mêmedécidé avec

oie,

comme

'imagine

mreKertész n relatanton

arrivée

à Auschwitz

5)).

Ensuite,

l

nous a

appris

qu'un

tel

crimeretourne t déchaîne les forcesde la civilisa-

tion

ontre a civilisationlle-même l'administration

pourchasse

es

gens

au lieude leur onner es

droits,

la

police

ou d'autres nstancesde

répression

ibèrent

la violence u lieude la contenir

our

ssurer a sécu-

rité,

es médecins

nfligent

a mort u lieu de

préser-

ver a

santé,

tc.

Enfin,

e récit tiréde l'oublides

anonymes,hommes,femmes, nfants t vieillards

innocents

ui

n'eurent 'autre ause à défendre

ue

leurvie si bien

que

leur

martyrologe

'a

pu

s'écrire

que

du

point

e vue de la souffrancet de la détresse

radicales,

ans aucunesorte

d'apothéose

-

religieuse

ou

patriotique.

'où le recours ux témoins t aux

témoignages

our

tteindre la véridicité

xigible

n

pareil

as

(6).

L'importance

ue

la mémoire e la Shoah a

prise

en France

depuis

vingt

ou trente ns

s'explique

en outre

par

des raisons de

conjoncture.

Dans

les années soixante-dixcommence le lent retrait

simultanédes cultures

politiques

du

gaullisme

et

du communisme ui, en célébrant eurs contribu-

tions à la lutte ontre

'occupant

allemand,

vaient

repoussé

dans les

marges

honteuses

de l'histoire

le sort des victimes

Juifs

t

Tsiganes

principale-

ment)

t les modalitésde leurmalheur. es

mêmes

années,

entrent ans

l'âge

adulte

les enfants

ui,

nés

après

la

guerre,

e

peuvent

n connaître

ue

ce

qu'on

a voulu eur n

dire,

y

compris

dans le cadre

scolaire.

Et

c'est

au même

moment,

ans doute

pas par

hasard,

qu'apparaissent

les

premières

al-

sifications

négationnistes,

'autant

plus

odieuses

que

la dissimulation u crime vait été

tentée

par

les criminels.C'est

donc bien dans ce contexte

que

s'affirmea

volonté

d'exposer

à nouveaux

frais

toute cette histoire, ans l'embellir 'aucun mythe

triomphateur,

t

pour

la défendre

peut-être

ontre

l'oubli mais sûrement

ontre es

suspicions

falla-

cieuses

:

autreraison

de solliciter es témoins t les

témoignages.

HISTOIRE,MÉMOIRES,

DENTITÉS

L'affairee

complique

la

fin

du

xxe

iècle

parce

que

les récitsde la mémoire e

diversifient,

e mul-

tiplient

t

parfois

e concurrencent. es

guerres

de

décolonisation,

t celle

d'Algérie

avant

tout,

ont

engendré ssez de dramespour que les personnes

concernées veuillentes

rappeler

la

sensibilité ol-

lective,

compris

n ranimant'anciens

griefs

nvers

l'État

français.

Alors l'histoire

colaire,

construite

dans le but de transmettrene

image

cohérente t

partagée

de la Nation

7) (quoique

l'école

des Anna-

les,

depuis

les années

trente,

it aussi déstabilisé e

récitd'histoire ollective n s'intéressantmoins la

Nation

u'au peuple

et à la

société,

voire ux struc-

tures

matérielles, ulturelles,mentales,

tc.),

est à

son tour traversée

par

des demandes de mémoire

divergentes,

manées

de communautés

ui

ont

été

meurtries ans

le

passé, séparées

de leurs

origines

(de

leurs

racines

), privées

e leurs déaux.

Ceux qui portent es mémoiresveulent afficher

leur

singularité,

ertes mais

pas n'importe

ù

:

là où se

publient

t se diffusent

ous les récits du

passé,

dans les

universités,

es

académies,

les

médias et

les établissements

d'enseignement.

La

demande mémorielle

raduitdonc une demande

de

reconnaissance,

qui passe

elle-même

par

un

besoin de

visibilité ans

l'espace public, grâce

à

quoi chaque

groupe

peut

démontrer a nécessité

de son

existence

parmi

es autres. C'est ainsi

que

des

populations

u

des minorités

pprimées,

omi-

nées et

rejetées minorités

thniques,

égionales

u

sociales),

pensent

obtenir e

respect

de leur

dignité

grâce

au

statut

qu'on

accorderait

à leur

culture,

leurreligion,eur angue, tc.,dans uneperspective

pluri-

u

multiculturelle,

ébouchant

peut-être

ur

une

politique

e

«

discrimination

ositive

(affirma-

tive ction

8)).

D'aucuns redoutent

ue

ces démarches onfortent

l'égoïsme

des

groupes

fermés

ui privilégient

eurs

traditions

t leurs

sociabilités,

qui protègent

eurs

frontièrest demeurentndifférentes

l'intérêt

éné-

ral.Ce

«

communautarisme

recèlerait

ne tendance

agonistique

n distillant

es sentiments on

pas

tant

d'amourde soi

que

d'hostilité

ux autres. Crainte

sans doute

fondée si les mémoires

ont

captives

des

fanatismes,

vant tout

es

intégrismes eligieux,

parfois ssociés

aux

grands

nationalismes

omme

aux

petites uerelles

de clocher ou de quartier et

crainte

'autant

lus

vive

que

la

doctrine

épublicaine

tentait

e nous en

prémunir

n instaurant

'égalité

es

citoyens.

6 Revue

française

e

pédagogie |

165

|

octobre-novembre-décembre

008

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Mais

justement,

a définitiont la

pratique

de la

citoyenneté

nt

changé

et,

en

changeant,

lles ont

sinon

encouragé

du moinsfacilité es

processus

de

différenciation

ymbolique.

Étaient en

effet nsti-

tués

citoyens

es

individus

uxquels

on

octroyait

es

mêmes

droits,

es

droits-libertés,

n vertu

e leurs

qualités

humaines

énériques

facultés

ntellectuelles

etmorales, tc.), ans teniromptedes rôles ociaux,

des

«

enracinements

dans une

histoire,

ne

culture,

une mémoire. n déclarait es droits

t on

exigeait

des devoirs

n

contrepartie,

ais en faisant bstrac-

tiondes identités

articulières.

r,

'est

imposée

de

nos

ours

une

autre

notion,

ont

peut

rendre

ompte

l'expression

e

«

citoyenneté

ociale

(9)

»

(on parle

dans le même ens d'« attitude

itoyenne

,

de

«

lutte

citoyenne

,

etc.).

Le

citoyen

st désormais elui

qui

détient u

attend e bénéfice de droits ociaux et

culturels,

roits-créancesette

fois,

ui

le

distinguent

des autres ndividus

arce que

les uns et es autres

ne

sont

plus

aisis à

partir

e

qualités

génériques

mais

à

partir

e

qualités pécifiques,

ociales et

culturelles,

positivesmais aussi négatives, ui caractérisentes

groupes

auxquels

ces individus e disent

apparte-

nir

u en fonction

esquels

ils affirmentne identité.

Exemples

les

personnesporteuses

de

tel choix de

vie,

les

gens

de telle

provenance,

mais aussi ceux

frappés ar

telledéfaveur

u tel

ostracisme,

tc.

C'est l'additiondes droits-créances ux droits-

libertés

ui

transformee

paysage

politique

t social.

Et si les

droits-créances

nt

voix au

chapitre

e la

citoyenneté,

'est

parce qu'ils

sont validés

par

ce

développement

modernede l'État

qu'est

l'État

pro-

vidence,

equel

n'entretient

lus

les mêmes

rapports

avec la société. La différencentre a

citoyenneté

classique et la citoyennetéociale de ce pointde

vue,

c'est la différence ntre une collectivité

ni-

fiée dans

l'espace public

de

l'État,

t

une

autre,

ui

s'accommode de la diversité ans

l'espace public

de la société civile. Autrement

it,

la

citoyenneté

classique

instaure

'égalité

des

individus,

lors

que

la

citoyenneté

ociale défend

l'équité

généralisée

entre es

catégories 10).

La

première

ngage

une

vision universaliste e l'intérêt

énéral,

seulement

dessiné

par

la cité

politique

la seconde

prépare

a

reconnaissance

particulariste

es intérêts ttachés

aux différents

roupes pour

mettre n œuvre dans

le

champ

social une

ustice

distributive

ui

organise

la coexistence de ces

groupes,

donc,

a

fortiori,

e

leurs dentités. 'État st tout utant

estionnaire

es

populations u'ilse voulait réateur e la Nation et

ce

faisant,

omme e

souligne

D.

Schnapper,

l

«

cris-

tallise les

appartenances 11).

En

fin

de

compte,

la nouvelle

citoyenneté

ntérineune norme

plura-

liste à où

la

citoyenneté

lassique

avait

fait aloir a

normede la

tolérance,

'État étantvoué

à la stricte

neutralité

12).

Si les mémoires t leurs

égendes

ont

surgi

dans

les univers ducatifs

t

culturels,

e

n'est sans doute

pas

en vertu 'une

simple

ndulgence

es

autorités,

que leursscrupulesauraient endues attentivesux

curiosités

mbiantes

pour

le

passé, pour

les

patri-

moines t les vieilles

ierres,

mais à cause

de la com-

binaison

d'espérances

et

d'inquiétudes

ui

montent

de

la société civile et

auxquelles

nos

dirigeants

e

doiventde

répondre

incités

u'ils y

sont,

en

plus,

par

l'industrie

médiatique, ui

cherche

toujours

de

son côté à satisfaire es

auditeurs,

es

spectateurs

et des clients.

Si

telle est la base de

l'enregistrement

t de l'am-

plification

e la

dynamique

mémorielle,

ue

certains

historiens

voquent

comme une

«

tyrannie

,

on ne

doit

pas

s'étonner

que

les mémoires ient trouvé

grâce

auprès

du

législateur

t aient

pu

accéder

à la

protectione la loi,qui les entoure e précautionst

d'interdictions.

uisque

'État onfortees

groupes ui

réclamenta

jouissance

de droits

ociaux et culturels

(même

i,

en

France,

es droits e sont

pas

accordés

à des

groupes

mais à des

individus,

ucune

minorité

n'ayant

de statut

égal 13)),

alors,

dans le courant

de cette

bienveillance,

'État s'efforcede

réprimer

les offenses

ue

subissentcertaines

mémoires t la

versiondu

passé

fixée

par

leurs titulaires. 'est

à

quoi

concourentes

«

lois mémorielles

promulguées

depuis peu.

La «loi

Gayssot

du 13

uillet

990

introduite délit de

négationnisme

e

l'extermina-

tiondes Juifs

ar

les nazis la loi du 29

janvier

001

certifiea réalité u

génocide

arménien

erpétré

ar

les Turcs la « loi Taubira du 21 mai2001 qualifie

l'esclavage

comme un

«

crime contre

'humanité

;

la loi du 23 février005 affirme

en faveur es

rapa-

triés

d'Algérie,

e rôle de la

présence française

outre-mer...

Il

est bien évident

ue

ces

dispositions

t l'arsenal

juridique

dont elles se dotent heurtent

es intérêts

scientifiques

es historiens

ui

redoutent

e se voir

imposer

des critères e

pensée,

des notions

bliga-

toires,

une sorte de correction e

langage

visant

déterminera

définition,

'explication

u

l'interpréta-

tionde certains aits.Ces

conséquences,

très

réelles,

ne semblent

pourtant as

avoir attiré 'attention u

législateur, lus occupé

à tenir es

promesses

de la

citoyenneté

ociale. Aujourd'hui,ulne peutdire si

et comment boutira a forte

rotestation

n

cours,

qui

ne

ménage

pas beaucoup

de

compromis mais

tous les historiens

'envisagent

as

l'abrogation

e

Le discours

e la mémoire

7

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toutes les lois

mémorielles).

e fond du

problème

demeure

ependant l'impossibilité

ù nous sommes

de consolider t

d'enseigner

une identité ationale

indistincte.

LE DISCOURS DE LA MÉMOIRE :

PARTICULARISME

ET

UNIVERS

AL

S

M

E

La

mémoire st au

premier

ens une faculté ndivi-

duelle du

recueil t du

rappel

des idées

et des faits

du

passé.

Mais

l

est entendu

ue

cettefaculté

ppar-

tient

galement

ux

groupes

sociaux. Dans ce

cas,

elle est

plus

difficile

expliquer

et c'est d'ailleurs

à

quoi

est consacré le livre

e Maurice

Halbwachs,

La mémoire ollective

1950).

Il

y

a en outre deux

états

presque opposés

de la mémoire ollective si

elle a

pour

ontenu es traditions'une

communauté,

elle

est un

héritage

ui

agit

en silence dans le cours

immuable es choses, sous l'autorité es ancêtres t

des

origines

mais si elle

procède

des

stratégies

t

des décisions identitaires 'un

groupe,

elle devient

pour

ce dernier n savoir

de soi

qui

s'établit ous la

légitimité

e l'actuelet

sépare

le

passé

du

présent

et de l'avenir

ce

qui

en fait

un récit

historique

proprementarler.

Enfermer

'analyse

du

phénomène

mémoriel

ans

cette dualité

de la traditiont de la

modernité erait

cependant

ourir

n

risque

on

prendrait

a

seconde,

la

«

mémoire-histoire

pour

une tentativellusoire e

ressasser ce

qui

est

révolu t

perdu.

En

revanche

n

réserverait la

première,

a

«

vraiemémoire

,

puis

à

ses

rejetons rovisoires,

es

«

lieuxde mémoire de

la Troisième épublique âge de la Nation t d'une

identité

artagée, gravée

dans ses monuments

t

célébrée

par

ses

fêtes

,

une

authentique

ocation

retenirt continuer

e

temps

ollectif

14).

Mais la

mémoire,

urtout a mémoire

évralgique

du

xxe

iècle,

a

acquis

une double

signification

ultu-

relle. Comme

indiqué

à

l'instant,

ette conscience

douloureuse u

passé

soutient contrario es

fins t

des idéaux

donc des

espérances

face à l'avenir.

n

conséquence,

elle

procure

ux

groupes

t aux

indivi-

dus une

aptitude

juger

d'eux-mêmes t des autres

-

sur e

plan éthique,politique,

tc.

Élaborer t

légi-

timer es

normesd'existencevalables

pour

e futur

procheou lointain,oilà ce que promete discoursde la mémoire

uand s'y

déposent

es

grands

désas-

treshumains. e

discours

répond

insi

à une condi-

tion

de la modernité

émocratique que

les normes

soient

non

pas

transmises

ar

autorité u

coutume,

mais énoncées dans la discussion et la

critique,

admises et diffusées ur a base

de la libre onviction

individuelle.

Si le

«

devoirde mémoire est un énoncé

typique

dans ce discours

normatif,

'est

que

son contenu

remplit

es deux fonctions xactement

il

fournites

critères e hiérarchisationes époques et des évé-

nements,

depuis

les

plus

terribles

usqu'aux plus

radieux,

t

il

délivre es

principes our

évaluer es

états,

satisfaisants u

insatisfaisants,

e la

société,

de la civilisationt de l'humanité.

Si

on constate

que

le discours de la mémoire

confère

un

pouvoir

de

jugement,

n doit du même

coup

observer eci. D'un côté

il

libère es tendan-

ces

particularistes

voquées plus

haut,

défendre

une

culture,

ne

religion,

ne

langue,

t toutes sor-

tes de

singularités

ans cet univers e

coexistence

des

singularités

ui

engendre,

it-on,

e véritables

«

guerres

e

mémoires

15)

».

D'un autre

ôté,

cepen-

dant,

l recèle des

potentialités

niversalistest

ce,

de façon apparemment aradoxale,au profit e la

visée concrètede la

citoyenneté

ociale

plus que

de

la visée

abstraite e la

citoyenneté

olitique.

ar dans

ce

cas,

ilcontribue la recherche on

pas

de l'inté-

rêt

général

u sens strictmais d'un bien

commun,

n

modus vivendi

our

es

groupes

humains.

t

puisque

en outre

e modus vivendi

rocède

d'une

expérience

historique,aquelle

ient n l'occurrence ux meurtres

de masse

de la seconde

guerre

mondiale,

otamment

la destruction

es

Juifs,

n

comprendra ue

les ten-

dances universalistes u discours de

la mémoire e

soient d'abord

incarnéesdans l'actionde la

justice

pénale

internationale.'est dans

ce cadre en

effet,

à

partir

e

1945,

qu'ont

été énoncées et

appliquées

des normesderechef ffectées 'une validité niver-

selle,

donc adressées

à tous les

peuples,

toutes es

nations

t, au-delà,

à tous

les

âges

de l'histoire

as-

sée et future. es

normes nt té rendues ensibles i

l'on

peut

dire,

travers

es

catégories

u

«

génocide

»

et du

«

crime ontre 'humanité

.

La

naissance d'une

justice pénale

internationale,

processus ongtemps

ésitant,

alentit

empêché par

la

guerre

froide,

emonte u tribunalmilitairenter-

national

nstitué n

1945

par

les

puissances

alliées

afinde

juger

es

dignitaires

azis

(décret

de Londres

du 8

août),

et au tribunalnternational

our

'extrême

Orient,

nstallé

Tokyo

e 19

anvier

946

16) (après

la guerre

e

1914-1918,

es

vainqueurs

vaient ussi

envisagé

'instauration'une telle uridiction,otam-

ment

pour uger

l'Empereur

uillaume

I,

mais cela

n'avait

pas

eu de

suite).

De

telles nstancesont été

créées

à cette

époque pour

sanctionner es crimes

8

Revue

française

e

pédagogie |

165

|

octobre-novembre-décembre

008

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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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du

passé

proche

et de

nos

jours,

elles sont deve-

nues

opératoires our uger

d'autres crimes

géno-

cidaires,

hélas commis ces dernières nnées. Sous

l'égide

de

l'ONU

et de son Conseil de sécurité été

établi en 1993 le Tribunal

énal

international

TPI)

pour

uger

es crimes ommisdans

l'ex-Yougoslavie,

puis

en 1994 celui

pour

juger

le

génocide

rwan-

dais. La Cour pénale internationaleCPI) est née

de la Convention e

Rome,

signée

le

17

uillet

998

par

120

pays

et ratifiée

ar

60 États n

2002,

de sorte

que

le traité

ntre n

vigueur

ce moment-là. our

la

première

ois,

une telle

ustice peut

êtrerendue e

façon

permanente

17).

La CPI a donc

compétence

pour

es cas de

génocides,

crimesde

guerre,

rimes

contre

'humanité,

rimes

'agression.

Ce

qui

caractérisecette

justice pénale

dès son

origine

militaire,

'est donc

que,

dans le but de

poursuivre

t condamner

es

criminels,

lle a enrichi

le

corpus juridique

de ces nouvelles

catégories.

On sait

que

la notion de

génocide

fut

proposée

par Rafaël Lemkin ans un ouvragede 1944 (Axis

Rule

in

Occupied

Europe 18)) pour

décrire e

pro-

jet

hitlérien

'anéantir es

populations

ntières.La

notion e crime

ontre

'humanité,

ui apparaît

lai-

rementn 1915 dans une

déclaration ranco-russo-

britannique

elativeux

massacres des Arméniens

ar

les

Turcs,

ut nsuiteutilisée

par

les

juges

de 1945.

Mais,

si

importanteu'elle

soit

depuis

le Tribunal e

Nuremberg

usqu'à

la récente ntrée n fonction

e

la

CPI,

elle n'a

pas

été clairement

éfinie,

n

subs-

tance,

si bien

qu'on

discute

aujourd'hui

ncore sur

le sens

qu'on

doit donner u mot

humanité ans ce

cas

(19).

Elle a

simplement

té assortie d'une

liste

qui comprend

assassinat,

extermination,

éduction

en esclavage, déportation,ctes inhumainsommis

contre es

populations

iviles,

ersécutions our

des

motifs

thniques,

aciaux u

religieux.

Il

est facilede voir

ue

le

discours de la mémoire

prend

on essor

dans ces contextes

udiciaires,

sso-

ciés aux

contextes ommémoratifs

très

mportants,

maisdont n

ne ditrien

ci),parce qu'ils'appuie

à son

tour

ur es

catégories

normatives ont

a

principale

est celle du

crime ontre 'humanité. eci

indique ue

le

discoursde la

mémoire,

t l'énoncé d'un

devoir e

mémoire

ui

le

caractérise,

uisent

ux aussi dans la

culture

lus

anciennedes Droitsde l'homme t

par

conséquent

dans

l'éthique

humaniste

ui

est à leur

fondement.

es droitset cette

éthique,

actualisés

et étenduspar la Déclaration e 1948,sont en outre

devenus

a référence

majeure

es

Organisations

on

gouvernementalesui prennent

n

charge

es victi-

mes

des

guerres

u

d'autres

cataclysmes

de notre

époque (20),

si

bien

que

le discours de la mémoire

s'accorde avec le

«

droithumanitaire et avec ce

qu'on peut

aussi nommera

«

moralehumanitaire

,

l'un t l'autre ncarnés

epuis

es années soixante-dix

et les

secours

aux victimes e la

guerre

u

Biafra,

ar

la

figure

u

médecinhumanitaire

qui

est sans doute

le successeur du

philanthrope

u

xixe

iècle

-

premier

à certifiere lexiquede I'« humanitarisme).

D'après

ces

constats,

e discoursde la mémoire t

l'idée d'un devoirde mémoire

euvent

tre

regardés

comme une

mise

en

récit e la moralemoderne ce

qui,

dans

l'expression

devoir e mémoire

permet-

trait nfin

'expliquer

devoir

plus

que

«

mémoire

.

La

pression

des

mémoires 'est donc

pas

seulement

la résultante

es

particularismes

dentitaires elle

participe

e la formation

'une moralité validité ni-

verselle,

pplicable

à l'existence ctuelle et virtuelle

des nations.

MÉMOIREET MORALE

Quelles

sont les

caractéristiques

e cette

éthique

de la

mémoire

t

du devoir e mémoire Une

analyse

prospective

pourrait

eur

attribuer u moins

quatre

séries de

propriétés

ubstantielles

1

C'est une morale écularisée. Elle ne

met

pas

le

sujet

moral n

rapport

vec une

transcendance,

n

idéal divin ses

injonctions

e montrent

as

le chemin

du salut

personnel

t de l'immortalitée

l'âme.

D'une

part,

comme Renouvier t Durkheim nt

été

parmi

les

premiers

y

insister

après Comte),

elle a

pour

destinataireuprême a personnehumaineDurkheim

parlait

d'un «culte de la

personne

humaine

21) »).

D'autre

part,

uivant

une distinctiondmise dans la

philosophie politique

américaine

depuis

J.

Rawls,

disons

que

cette

moraledélivre la fois une version

du Bien n tant

ue

tel,

ui

serait ne manière 'orien-

ter a vie

pour

ccomplir

es

qualités,

ugmenter

a

vertu,

'assurer de sa

dignité,

tc., et, surtout,

ne

version

du

Juste,

entendu comme l'ensemble des

rapports pécifiant

n

mondecommun t le bonheur

possible

dans ce monde.

2.

Les fins

e la

ustice

délimitent

eut-être

e

champ

d'une

«

moraleminimale à vocation

universelle

22).

Cette moralene se réduit ourtant as à uneprocé-dure,c'est-à-dire une

simple

règle

de

répartition

équitable

des

biens

-

statuts,

laces,

bénéfices,

tc.

Car si elle délivre

des valeurs et des normes de

construction

u monde

commun,

lle

prescrit

ussi

Le

discours e la mémoire 9

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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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des manières de vivre t de

penser personnelles.

Elle

donne des

impératifs

'action,

formuledes

principes

de

jugement

et

sollicite toutes sortes d'émotions et

de sentiments.

On devine

l'apport

du discours

de la

mémoire le

grand

récit,

toujours

à recommencer et

à

continuer,

es insondables

malheurs du

temps,

livre

une

dramaturgie

e la

justice.

En

désignant

ce

qui

est

blâmable, détestable, exécrable, ce récitnous éclaire

sur ce

que

nous

pourrions

malgré

tout

espérer

;

il

sauve notre idéal de

bonheur au-delà de sa chute

dans les

politiques

criminelles t la terreur es totali-

tarismes du

xxe

siècle.

S'explique

alors la connivence du devoir de

mémoire

avec d'autres

principes

moraux,

l'appro-

che

positive

de la solidarité

nous

sommes bien dans

une

morale

typique

de

l'État

providence, qui

propose

l'équité

en

réponse

aux

demandes formées dans

la société

civile),

et

l'approche négative

de

'' anti-

racisme

(23).

En

valorisant l'entente et

l'entraide,

en

dénonçant

les

discriminations,

es

ségrégations

et les

apartheids, toutce qui méconnaît l'égale dignitédesêtres

humains,

ces thèmes nous renvoient u

noyau

commun d'une

éthique démocratique.

En

2008,

lorsque

le

président

Sarkozy

a

présenté

au Conseil

représentatif

es

institutions

uives (CRIF)

l'idée

de

confier des élèves de cours

moyen

la mémoire des

enfants

uifsdéportés,

il

pu

ainsi

expliquerqu'«

ensei-

gner

la Shoah et sa

spécificité,

c'est combattre tous

les racismes... et créer une mémoire commune sans

laquelle

il

ne

peut

y

avoir de volonté de construireun

avenir commun

24)

».

3. Une autre

propriété

de

la

morale sécularisée et

du discours de la mémoireest

contenue

dans les

pré-

cédentes

:

cette

morale

prend

fait et cause

pour

des

sujets qui ont qualité de victimes. Les victimes, ce

sont d'abord les

populations

et les individus

empor-

tés

par

les

entreprises

génocidaires

ou les destruc-

tions militaires mais la

logique

de la solidarité et de

l'anti-racisme eur

adjoint

la familière

déclinaison

de

l'exclu

-

il est

probable que

l'anti-racisme doive son

succès à ce

qu'il

oscille entre l'une et l'autre de ces

idées très

populaires,

la victime et l'exclu. Ici

appa-

raissent de nombreuses

catégories

:

les

chômeurs,

les

sans-abri,

les travailleurs

mmigrés

non encore

intégrés

ou en situation

irrégulière,

es

handicapés,

les accidentés

pourvu qu'on impute

eur accident non

au hasard ou au destin mais à une faute

humaine,

jusqu'aux populations

meurtries

ar

les

catastrophes

naturelles

-

que l'imaginaire

collectif mêle

étrange-ment aux

phénomènes

de

désagrégation

sociale

(et

qui

sont devenues une sorte de

passage obligé

de

la réflexion

thique après

le

poème

de Voltaire ur le

tremblement e terrede

Lisbonne).

Mais en racontant l'histoire des

victimes

25),

en

objectivant

l'avènement du

malheur et de

l'injustice

au cœur de

l'existence

collective,

le

discours de la

mémoire

nous incite à

réagir

à

la souffrance d'autrui

et,

en

quelque

manière,

à

partager

sa

peine.

C'est

dire

qu'il provoque

notre

compassion

et nous intro-

duit à

une

expérience

morale

princeps,

fondée sur

des sentiments. On peut penser qu'il vulgarise ainsi

ce

que

les

philosophes

du

xvme

iècle avaient

compris

dans la notion de moral

sense en

Angleterre

t

dans

le

concept

de la

pitié,

notamment ous la

plume

de

Rousseau,

en France. La

thématique

sera

reprise

en 1840

par Schopenhauer,

contre

Kant,

dans son

ouvrage

sur Le fondement de la morale. La

culture

de la bienveillance

qui

irrigue

dès cette

époque

le

mouvement

philanthropique,

créateur des

«

bonnes

œuvres

»

modernes,

a les mêmes

bases

éthiques

-

comme sans doute les ONG

humanitaires

26)

d'aujourd'hui

ou bien

encore,

par exemple,

des asso-

ciations comme les

«

Restos du cœur

».

Nous attrister u mauvais sort qui s'abat sur notre

prochain,

nous

émouvoir

des tourments

u'il

endure

les bons

esprits

ne

manquent pas

de

protester

ontre

un moralisme

de facture

ussi

vulgaire.

On est tenté de

les suivre

orsque

le

marché des loisirsde masse nous

inflige

es

spectacles

caritatifs

ui

clament en fanfare

les

appels

à la

compassion.

Mais la

tartufferie,

oujours

possible,

ne ruine

pas

à tout

coup

les idéaux

qu'elle

pervertit.

Les sentiments moraux ont bien d'autres

fonctions. Comme l'a montré Charles

Taylor,

ls sont

inhérents à

l'éthique

contemporaine qu'on pourrait

résumer

à

la

proposition

d'une

«

sollicitude

univer-

selle

».

C'est aussi l'avis de Paul

Ricœur,

ui parle

dans

le même sens d'une

«

spontanéité

bienveillante

27)

».

4. En

dernière

analyse,

les sentiments moraux sont

la

pièce

centrale d'une

«

théorie

éthique

»

(expres-

sion utilisée

par

Bernard Williams

pour désigner

l'ensemble

des

principes

et des

croyances

qui

arti-

culent les

injonctions

d'une morale donnée

(28)).

Cette théorie

postule que

tout individu

qui éprouve

sympathie

et

compassion

envers autrui et sa souf-

france

remplit

a condition

subjective

suivante : d'une

part

il

perçoit

en tout autre un semblable et d'autre

part,

il

conçoit

ainsi

l'unité

du

genre

humain

-

qui

leur a

octroyé

les mêmes attributsde

conscience,

de

volonté,

etc.

D'après

cette

théorie,

a

compassion

envers les victimes rend donc

possible

une

double

affirmatione

principe

celle de la similitude ntre es

hommes et celle de leur commune

appartenance

à

l'humanité

-toutes choses

qui justifient

'universalité

des droits humains et les actions en faveur de ces

droits,

omme

celles,

notoires,

de la médecine huma-

10 Revue

française

e

pédagogie |

165

|

octobre-novembre-décembre008

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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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nitaire

29).

Cette

théorie,

ien

sûr,

ne dit

pas grand-

chose sur la réflexiont la décision

d'agir

pour

un

sujet

donné,

e

qui

serait 'affaire 'une

psychologie

morale

30).

Mais on en a une

saisissante llustration

dans

le récitde sa

déportation ar

Robert

Antelme,

L'espèce

humaine,

ouvrage

écrit en 1946-1947 et

publié

en 1957. Il

s'agit

d'une

protestation

adicale

quidonne l'ouvrage on titre

«

Le

ressortde notre

utte,

xplique

R.

Antelme,

n'aura été

que

la

revendication

orcenée,

t

presque

toujours

lle-même

olitaire,

e

rester,

usqu'au

bout,

des

hommes.Les héros

que

nous

connaissons,

de

l'histoireu

des

littératures,

u'ils

aient crié

'amour,

la

solitude,

'angoisse

de l'être

ou

du

non-être,

a

vengeance, u'ils

se soient

dressés contre

'injustice,

l'humiliation,

ous ne

croyons

as qu'ils

aient té ame-

nés à

exprimer

omme eule et

dernière evendication

un entiment

ltime

'appartenance

l'espèce.

Dire

que

l'on se

sentait alors contesté

comme

homme,

omme membre

de

l'espèce, peut appa-

raître omme un sentiment étrospectif,ne expli-

cation

après coup.

C'est cela

cependant qui

fut e

plus

immédiatementt

constamment

ensible et

vécu,

et

c'est cela

d'ailleurs,

xactement

ela,

qui

fut

voulu

par

es

autres.La mise

en

question

de la

qua-

lité d'homme

provoque

une revendication

resque

biologique

d'appartenance

l'espèce

humaine.

Elle

sert nsuite

méditerur es limites e

cette

espèce,

sur sa

distance

la nature t

sa relation vec

elle,

sur

une certaine

olitudede

l'espèce

donc,

et

pour

finir,

urtout

concevoir ne

vue clairede son

unité

indivisible

31).

»

On

peut

conclure

ue

la

prégnance

e

la victime t

de la compassionenvers es victimes,vec l'incita-tion s'identifierun autre

ouffrant,

e

que

véhicule

le

discoursde la

mémoire

ragique,

outceci assure

la

promotion

moderne

de l'humanité

omme réfé-

rence

morale

uprême.

C'est

la raison

pour

aquelle

la mémoire

ragique

t le devoir

e mémoire e

sont

développés

sous la

référence

ardinale au crime

contre'humanité.

'est aussi

ce

qui

assure

a fortune

de

l'adjectif

t du

substantif

ujourd'hui

ominants

«

humanitaire.

L'humanité st

une

figure

'autorité

morale ans

notre

ulture

émocratique.

elle,

'atta-

chent os déaux

d'elle se

tirent os

valeurs sur

lle,

se fondent

es

justifications

e nos

conduites

32).

Nous

l'invoquons our

garantir

a vérité e

nos

juge-

ments ur

e bien t le

mal,

a

légitimité

es

règles uipeuvent ous orienterers a justiceet nouséloigner

de

l'injustice.

Cette

figure

'autorité

st

peut-être

la

seule

possible

à

l'âge

de

la morale

éparée

de

la

religion,

ffranchiee la

transcendance.

PRÉSENTATION DU DOSSIER

Dans

ce

dossier,

nous avons souhaité donnerdes

points

de

comparaison

ntre es différents

ays

l'éducation st saisie

par

es

politiques

e la mémoire.

Ce

panorama

doit e

comprendre

omme une incita-

tion développer es recherches troprares urce

problème

ans les sciences de l'éducation. outefois

nous nous

sommes restreints

l'Allemagne par

B.

Zymek),

a France

par

N.

Tutiaux-Guillon

t

aussi

par

L.

Cajani),

Le

Québec

(par

J.

Létourneau),

a

Suisse

(par

Ch.

Heimberg),

insi

que

l'Italie,

a Grèce

et les institutions

uropéennes

par

L.

Cajani).

Autre-

ment

dit,

pour

ce

premier

our

d'horizon

ui

est loin

de donner

n

bilan,

nous

avons en

gros

privilégié

es

situations ccidentales.

ans doute e

paysage

serait-

il

très modifié

i,

tenant

ompte

de la

«

mondialisa-

tion de la

mémoire dont

parlait

HenriRousso

il

y

a

peu

(33),

notre

egard

ouvrait es

pays

affranchis

de l'ex

empire

oviétique,

u bien

es

pays

d'Améri-

que latine yant ubi diversesdictatures u encore emonde

asiatique qui

n'a certes

pas

été

épargné

par

les

guerres

iviles t les destructionsmilitaires.

Les

auteurs

ollicités e sont attachés

à décrire a

construction

et

ses

aléas)

de la

mémoire ollective

de leurs

pays,

avantd'examiner

'inscription

e cette

mémoire ans

l'univers e

l'éducation,

vec les

ques-

tions et

les

difficultés

ui

en découlent.

Cela

dit,

es

pays évoqués

ne sont

pas

tous

également

oncernés

par

les

tragédies

du

xxe

iècle,

ou ils ne le sont

pas

tous de la

même manière tous

ne vivent

as

dans

les

mêmes conditions

ationales t les mêmes

orga-

nisations

tatiques,

ous ne sont

pas

appelés

à revoir

leur

passé

et

l'enseignement

e

leur

passé pour

es

mêmesraisons etsurtoutlsn'y ontpas incités ar

les mêmes

groupes

de

pression,

u nomdes

mêmes

idéauxvoire es

mêmes

déologies.

On

s'apercevra

ci

que

les

intérêts,

ffirmésomme

tels,

de la

mémoire,

sont

non

eulement ifférents

ais

parfois pposés.

L'Allemagne

dont

traite Bernd

Zymek

a cette

pénible

originalité

'avoir

dû animer utant

e sou-

venirdes

bourreaux

que

celui des victimesde

la

barbarie.

En

outre,

du faitde

la

séparation d'après

guerre

ntre

Allemagne

de

l'Ouest et

Allemagne

e

l'Est,

la

construction

e cette

mémoire ollective

à double

détente a suivideux

chemins très diffé-

rents n

République

fédérale u dans

la

République

démocratique.Ainsi,

a

mémoiredu passé nazi, ycompris e passé transmis

ar

'éducation t l'école,

s'est

constituée outre Rhin

ur

une volonté

propre

à chacun

de ces

régimes

de

justifier

on

présent

et,

qui plus

est,

de

le faire n

opposition

l'autre.

Le

discours de la

mémoire

1 1

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7/23/2019 Le Discours de La Mémoire

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Ce

qui

a encore

compliqué

a

transmission e cette

mémoire

géométrie

variable,

c'est

son

inscrip-

tion

dans le

temps

comme le montre

.

Zymek

a

mémoire ollective llemande a été non

pas

accu-

mulée et

approfondie

mais soumise aux

contextes,

aux

conceptions

et aux

langages

des

générations

qui

se sont succédées

depuis

la

guerre

t

qui

ont

donc renouvelé eur distance, au sens propreet

au sens

figuré,

vec les événements

tragiques.

Il

n'en

demeure

pas

moins

que chaque

génération

fourni es

réponses spéciales

et

marquantes

ur le

plan

éducatif,

éponses

dont a

pertinence

résisté

aux

changements

d'époques

:

ainsi en va-t-ildes

propositions

e l'École de

Francfort,

n

particulier

celles d'Adornodans ses fameuses conférences

e

1959

et 1965.

La France

sans doute été au centrede l'activité

de recherche t de recueil

des traces de

l'appareil

d'extermination

azi.

Cependant,

comme le mon-

tre Nicole

Tutiaux-Guillon,

'irruption

e ces

ques-

tions dans l'univers colaire est plus tardive u'en

Allemagne

si

l'on

excepte

par exemple

l'incursion

du

film uit

t

brouillard,

'Alain

Resnais,

en

1956),

parce qu'elle

a été mise à l'ordre

u

jour

uite à une

évolution es finalités

e la culture colaire t notam-

mentde

l'enseignement

e l'histoire.

ependant

a

référenceux mémoires ouloureuses rencontrét

continue e rencontrer

hez nous de nombreux bs-

tacles,

pour

deux raisons

majeures.

D'une

part

ette

référence

iverge

e la tradition

épublicaine

ui

valo-

riseun

nseignementositiviste

t rationalisteont n

attend a

présentation

'une mémoire nificatrice

e

la Nation. 'autre

part,

oin

u'on

s'accorde dans une

conscience

unique

du

passé,

ilexiste

ujourd'hui

ne

pluralité'intérêts mémoriels, ceuxdes Juifs, es

anciens

colonisés,

des descendants

d'esclaves, etc.,

qui

ne

parviennentas,

semble-t-il,

se réunir ans

un récit

commun,

ut-ce un récit

de la souffrance

des

«

dominés

(mais

rienne dit

que

ces

mémoires

n'aient

pas,

chacune

de leur

côté,

un désir d'attirer

à elles les références

niversalistes u universali-

santes).

Dans cette ituation

outefois,

a

pénétration

dans l'institution

colaire de ces soucis

est réelle t

constante t elle donne ieu

un

grand

nombre 'ini-

tiatives,

ouvent

encouragées

voire encadrées

par

les autorités.

. Tutiaux-Guillonrosse ici

un tableau

global

des

pratiques

n cours et elle

en

analyse

es

principaux

essorts

pistémologiques

t

didactiques

en attendant ue d'autres études nous en fassent

connaîtrevec

précision

es

résultats.

La situation

québécoise analysée

par

Jocelyn

Létourneau

ffre n

contrepoint

ntéressant,

u fait

que

la réforme

n cours des contenusde

l'enseigne-

ment

historique

a

pour prétexte

on

pas

le

rappel

culpabilisant

es malheurs ollectifs u

passé,

mais

plutôt

e

besoin

d'adosser

l'éducation à une

nou-

velle

citoyenneté,apable,

étant donné la caracté-

ristique

de cette

nation

francophone

t

américaine

(au

sens

géographique),

e retenirt

d'enseigner

u

passé à la fois un destin ommun t unepluralitée

cultures onc d'identités. 'auteur

nalyse

le conflit

ainsi

engendré

entre deux

positions.

La

première,

nommée

par

lui

«

conservatiste

,

exige

le maintien

du

programme

lassique

d'histoirenationaleoù la

dimension

rancophone

st dominante la

seconde,

appelée

«

réformiste

,

défend

un

projet

d'histoire

et éducation

la

citoyenneté

ui

intègre

ne vision

multiculturelle

et qui

s'attache

en outre ce

que

les

élèves

«

construisent des

compétences

vantd'ac-

quérir

es

connaissances).

Ceci suffit

suggérer ue,

par-delà

es

arguments

estitués

ar

J.

Létourneau,

la

polémique uébécoise,

dans

son contexte

ropre,

recèle des

enjeux

rès emblables ceux des autres

pays démocratiques, t au premierhef, elui d'as-

surerun traitement

quitable

des

identités,

la fois

pourrépondre

des attentes u

public

t

pour

ur-

monter a

perplexité

ue

soulève

aujourd'hui

e récit

historique

ational.

À

lire

'article e Charles

Heimberg

ous trouvons

en effet

ue

les mêmes

questions

se

posent

en

Suisse.

Ce

pays

présentepour

nous l'intérêt 'avoir

une

organisation

édérale t

pluriculturelle

t d'être

aussi concerné

par

la seconde

guerre

mondiale,

cause

notammentu rôle

oué

par

es

banques

à

qui

certaines amilles

uives

avaient

pu

confier es fonds

avant a guerre. ette situationomplexe t originale

explique

a tournure

rise

en Suisse

par

les discus-

sions

sur e

passé,

sachant

que

cette fois a volonté

d'assumer le souvenir

es

politiques

riminelles

'y

heurte la tentation e

restaurer,

l'inverse,

es

mythes

ondateurs

uxquels

on attribueraitne vertu

unificatrice.'est toutefois

une

prise une

«

crise

»)

de conscience

survenue dans

les années

quatre-

vingt-dix

u'on

doit,

elon Ch.

Heimberg,'exigence

d'une

mémoire

éridique, ritique,

ans illusions

ni

occultations olontaires. es

constats rendent

eut-

être

plausible

un

rapprochement

vec les

conditions

et les

formes

rises

n

Allemagne

ar

a construction

et la reconstructione la

mémoire ollective.Reste

à

aussi à observerusque dans les classes les formesconcrètes, es démarches t les

justifications

labo-

rées et

appliquées

par

es

enseignants

our

tteindre

leurs

buts du travail 'histoirellié à la recherche e

mémoire.

12 Revue

française

e

pédagogie |

165

|

octobre-novembre-décembre

008

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Avec l'étude de

Luigi

Cajani,

nous concluons

ce

dossier

-

provisoirementspérons-le,

en revenant

sur es

graves

polémiquesqui,

en

Europe,

ont nées

des désaccords relatifs ux demandes mémorielles

des uns et des

autres

sur le

terrain colaire.

Luigi

Cajani

offre ne

chronique

de ces discussions sur

les

programmes

t

parfoisplus précisément

ur tel

ou tel manuel colaire. Ces discussions se sontpro-

duites dans les sociétés et elles

se font ntendre

au cœur des institutions

tatiques

de

l'Italie,

de la

Grèce,

de

la France et leurs onclusions ommen-

cent

d'avoirdes

répercussions

ans les

institutions

communautaires

uropéennes.

On sera donc

une

fois de

plus frappé par

la

similitude t la simulta-

néitéde tels

débats,

malgré

es

divergencespoliti-

ques

et

idéologiques

de leurs

nitiateurs

car,

sous

couvert d'une recherche de

vérité,

'est

toujours

dans la confrontationntreun désir d'unité

natio-

nale)

et un

constat

de diversité

sociétale) que

sem-

ble résider a

dynamique

des conflits.L'étude de

L.

Cajani

est d'autant

plus

éclairante

u'elle

accorde

toute sa

place

à ce conflit secondaire mais en

passe d'occuper

le devant

de la

scène

-

dans

lequel

de nombreux istoriens, otammentmais pas seu-

lement en

France,

se dressent contre les

«

lois

mémorielles

promulguées

par

l'État

pour empê-

cher

'expression

t la diffusion

'opinions

ransgres-

sives,

comme

celle niant 'existencedes chambres

gaz

et de la Shoah.

François

Jacquet-Francillon

Université harles-de-Gaulle-Lille et INRP

NOTES

(1)

Parmi es

ouvrages importants

ur cette

question,

citons

d'abord,

sans doute trop peu lue aujourd'hui, la thèse de RaymondAron,

Introduction

la

philosophie

de l'histoire.

Essai sur les limites

de

l'objectivité historique,

Paris:

Gallimard,

1948. Voir aussi

Paul

Veyne,

Comment

on écrit l'histoire. Essai

d'epistemologie,

Paris:

Seuil,

1971

;

Michel de

Certeau,

L'écriture de

l'histoire,

Paris

:

Gallimard,

1975

;

Antoine

Prost,

Douze

leçons

sur l'his-

toire,

Paris :

Seuil,

1996

;

et Paul

Ricœur,

Histoire t

vérité,

Paris

:

Seuil,

1955

;

P.

Ricœur,

Temps

et

récit,

3

vol.,

Paris :

Seuil,

1883,

1984,

1985

;

et P.

Ricœur,

La

mémoire,

'histoire t

l'oubli,

Paris

:

Seuil,

2000.

(2)

Un

récent

ouvrage,

après

tant

d'autres,

résume bien les

oppo-

sitions

Christophe

Prochasson,

L'empire

des

émotions. Les

historiens ans la

mêlée,

Paris :

Démopolis,

2008.

(3)

L'association Le

souvenir

français

a été créée

en

1887,

donc

après

la

guerre

de

1870,

pour

créer des monuments aux

morts,

entretenir es

tombes des

soldats, etc.,

toutes

choses

qui

se

généraliseront près

la

guerre

de 1914-1918

et

qui

vont

conduire les Comités du souvenir

français

à soutenir 'action

des

municipalités.

(4)

Sur ces

questions,

voir notamment

a reconstitution e

Sylvie

Lindeperg

et

Annette

Wieviorka,

Univers

concentrationnaire t

génocide.

Voir, avoir,

omprendre,

Paris

:

Mille t une

nuits,

008.

(5)

Imre

Kertész,

Être

sans

destin,

Paris

:

Éditions Actes

Sud,

coll.

10-18,

[1975],

1998,

p.

154.

(6)

Cf. Alain

Brossât,

«

Apologie

pour

le témoin

»,

L'homme et la

société,

136-137,2000.

(7)

Jean-PierreRioux a

donné une

précieuse analyse

de cette culture

mémorielle t nationale et

de sa remise en cause

actuelle,

dans

«

Mémoire et Nation

»,

in

Jean-Pierre Rioux et

Jean-François

Sirinelli

dir.),

La France d'un

siècle à

l'autre, 1914-2000,

Paris :

Hachette,

1999.

(8)

Cf. Charles

Taylor,

Multiculturalisme. ifférence et

démocratie

[1992],

Paris:

Flammarion,

1994. Voir P.

Ricœur,

Parcours

de

la

reconnaissance,

Paris

:

Stock,

2004. Sur les

contextes sco-

laires des

propositions

du

multiculturalisme,

oir Jean-Claude

Forquin,

L'école et la

question

du

multiculturalisme.

pproches

françaises,

américaines et

britanniques»,

in

L'école,

l'état des

savoirs,Agnès Van Zanten (dir.), aris : La Découverte, 2000.

(9) Expression

utilisée,

quoique

dans un sens

plus

restreint,

par

Etienne

Balibar,

«

Une

citoyenneté

sans

communauté

»,

in

Nous,

citoyens d'Europe

?

Les

frontières, 'État,

le

peuple,

Paris :

La

Découverte, 2001,

p.

105.

(10) Dominique

Schnapper,

La démocratie

providentielle.

Essai sur

l'égalité contemporaine, Paris : Gallimard, 002.

(11)

D.Schnapper,

idem,

p.

66

;

cf.

p.

47 et

suiv.,

et

p.

65 et

suivantes.

(12)

Cf. Marcel

Gauchet,

La

religion

dans

la

démocratie,

Paris:

Gallimard,

1998,

p.

94.

(13)

On trouve un

exposé

éclairant

des

problèmes

posés par

les

droits culturels et les droits

collectifs dans

Sylvie

Mesure et

Alain

Renaut,

Alter

Ego.

Les

paradoxes

de l'identité démocra-

tique,

Paris :

Aubier,

1999.

(14)

La dualité de

la

«

mémoire-histoire et de la

«

vraie mémoire

»

est

développée par

Pierre

Nora,

dans un texte d'ouverturede son

ouvrage

majeur,

Les lieux de

mémoire,

vol.

1

«

Entremémoire

t

histoire.

La

problématique

des lieux

»,

Paris :

Gallimard,

1984.

(15)

On

peut

se

reporter

ur ce

plan

au bilan nuancé et

pluriel

de

l'ouvrage dirigépar

Pascal Blanchard et Isabelle

Veyrat-Masson,

Les

guerres

de mémoires. La France et son

histoire,

njeux poli-

tiques,

controverses

historiques,

stratégies

médiatiques,

Paris

:

La

Découverte,

2008. Ces

phénomènes

de concurrence ont été

analysés et décryptés dans un premier

emps

par Jean-Michel

Chaumont,

dans La

concurrence des victimes.

Génocide,

Identité, econnaissance,

Paris

:

La

Découverte,

1997.

(16)

Voir

Jacques

Sémelin,

Purifier t détruire.

Usages

politiques

des

massacres et

génocides,

Paris

:

Seuil, 2005,

p.

365 et suiv. Voir

aussi

Y.

Ternon,

Guerres et

génocides

au XXe

iècle,

Paris :

Odile

Jacob,

2007

;

MireilleDelmas

Marty,

Vers un droit commun

de

l'humanité,

Paris

:

Éditions

Textuel,

1996

;

et Israël

W.

Charny,

e

livrenoir de l'humanité.

Encyclopédie

mondiale des

génocides,

Paris

:

Privat,

001 .

(17)

En

1948,

alors

qu'était proclamée

la Déclaration universelledes

Droits de

l'homme,

était

également

instituée

une Convention

pour

la

prévention

et la

répression

du crime de

génocide.

Ce

fut

nsuite la Commission

du droit nternational

CDI)

de

l'ONU

qui

eut

la

charge

d'élaborer un

projet pour

une

juridiction

nter-

nationale

permanente.

Il

y

eut dans le même sens en 1950 une

Convention

européenne

de

sauvegarde

des Droits de l 'homme.

À

l'heure

actuelle,

108

États ont ratifié a Convention fondatrice

de la CPI

;

et le

Canada a été le

premier adopter

une

loi de

mise en œuvre, « Loi concernant les crimes contre l'humanité t

les crimes de

guerre

».

La CPI

juge

des individus omme

c'était

le

cas

à

Nuremberg,

nnovation

ui

était d'une

grande portée

;

et

elle

s'applique

y compris

à

des chefs d'État

(on

a le

précédent

de

la levée de

l'immunitédu

général

Pinochet en

1998),

alors

que

les États sont

jugés

par

la Cour internationalede

justice.

Le

discours de la mémoire 1

3

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Le

premier prévenu

est

jugé

au début

2009,

c'est Thomas

Lubanga,

chef de

guerre congolais

poursuivi pour

avoir enrôlé

comme soldats des centaines d'enfants de

moins de

quinze

ans,

garçons

et

filles,

es

dernières

étant en outre

asservies,

en

plus

d'être

combattantes,

aux rôles de

cuisinières,

d'espionnes

et d'esclaves sexuelles.

(18)

Rafaël

Lemkin,

Axis Rule

in

Occupied Europe,

Washington,

Carnegie,

1944

;

une version

française

se

trouve

n

partie

dans

:

R.

Lemkin,

Qu'est-ce

qu'un génocide

?,

Paris

:

Éditions du

Rocher,2008.

(19)

Voir

par

exemple

A.

Renaut,

«

Le crime contre

l'humanité,

le

droithumanitaire

t la Shoah

»,

in

Philosophie,

67,

septembre

2000.

(20)

Ce

rôle

important

es ONG

correspond

à une autre nouveauté

typique,

la constitution de fait d'une

«

société civile inter-

nationale

»,

qui

confirme

u niveau transnational cette

fois la

réorganisation

des

rapports

entre

espace public

de l'État et

espace

public

de la société. Avant a création

de la

CPI,

un

mil-

lier de ces ONG se sont

réunies dans une

«

coalition

pour

une

Cour

pénale

internationale et on été

un

partenaire

dans les

négociations ayant

abouti à la création de la

CPI,

au côté

des

représentants

gouvernementaux.

Elles sont

même associées

au

fonctionnement,

uisque

le

statut

de Rome leur octroie une

capacité

de déterminer 'ouverture

d'enquête

en fonction des

renseignements

u'elles

fourniraient.

(21)

Sur une

approche

de l'histoirede cette

morale,

outre de rares

auteurs actuels comme Charles

Taylor,

Les sources du moi.

La formation e l'identité moderne

[1989],

Paris

:

Seuil,

1998

;

voir surtout es textes de sociologie et de philosophie morale

de

E.

Durkheim,

n

particulier,

'éducation morale

[1934],

Paris

:

PUF,

1963.

(22)

Sur cette

notion,

se

reporter

par exemple

à

Monique

Canto-

Sperber,

Le

bien,

la

guerre

et la

terreur,

Paris :

Pion, 2005,

p.

195.

«

Morale minimale est

une

expression qui

a aussi cours

chez des

philosophes

comme Habermas. Ruwen

Ogien,

en a

par

ailleurs

développé

le contenu de

manière

convaincante,

en

insistant ur

le

principe

de neutralité

u

égard

aux

conceptions

du

bien,

dans La

panique

morale,

Paris

:

Grasset,

2004,

p.

129

et

suiv.,

et dans

L'éthique aujourd'hui.

Maximalistes

et

minima-

listes,

Paris :

Gallimard/Coll.

olio, 2007,

chap.

8,

9,

et 10.

(23)

C'est avec la doctrinesolidariste

-

associée à

l'œuvre de Léon

Bourgeois

et

qui

a eu de

grands

effets ur la culture

politique

de

la fin u

xixe iècle

-

que

cette

norme

commence

d'être

comprise

comme

un

principe

de

répartition

es

avantages

sociaux,

sous

la

forme,

non

plus

individuellemais

collective,

d'un

contrat,

ce

qui

surmonte la différence

de la morale du droit

et

augmente

la

capacité

d'action de ce dernier. Voir sur ce

point

François

Ewald,

L'État

providence,

Paris

:

Grasset, 1986,

p.

358 et suiv.

(24)

Cité

par

Michel

Gurfinkiel,

n devoir de

mémoire,

Paris

: Éditions

Alphée-Jean-Paul

Bertrand, 008,

p.

16.

(25)

Ce

qui peut

atteindre

y

compris l'entreprise

de l'histoire cien-

tifique.

Voir

sur

ce

point

une

remarque

de

Stéphane

Audoin

et Annette

Becker,

sur la

guerre

de

1914-1918,

dans

14-18,

retrouver a

Guerre,

Paris :

Gallimard, 000,

p.

8-9.

(26) Une analyse nuancée de la fonction de la pitié dans le cadre

des actions

«

humanitaires

se trouve dans Christiane

Vollaire,

Humanitaire,

e cœur de la

guerre,

Paris

: Édition

de

L'insulaire,

2007,

p.

26 et suiv.

(27)

Ch.

Taylor,

es sources du

moi,

op

cit.,

p.

514,

etc.

;

R

Ricœur,

Soi-même comme un

autre,

Paris:

Seuil,

1990

[septième

et

huitième

études].

La

prise

en

compte

des sentiments moraux

dans

la constitution u

sujet

moral

est à

l'ordre

du

jour

dans les

intéressantes réflexions ur les

pratiques

de ce

que

les

anglo-

saxons

nomment e care

(soin

bienveillant,

ouci des

autres)

:

cf. Joan

Tronto,

Un monde vulnérable. Pour une

politique

du

care

[1993],

Paris : La

découverte,

2009.

(28)

Bernard

Williams,

L'éthique

et

les limites de la

philosophie

[1985],

Paris :

Gallimard,1990,

p.

81-82.

(29)

Ce

point

est

justement rappelé par Rony

Brauman,

dans

son

récent

opuscule,

La médecine

humanitaire,

Que

sais-je

?,

3844,

Paris

:

PUF, 2009,

p.

13.

(30)

Sur cette

question

de la décision et de l 'action morale face aux

persécutions

et aux crimes

de

masse,

voir

l'analyse

de Michel

Terestchenko,Un si fragilevernisd'humanité. Banalité du mal,

banalité du

bien,

Paris : La

Découverte,

2005.

(31)

Robert

Antelme,

'espèce

humaine,

Paris

:

Gallimard,

994. C'est

la finde

l'avant-propos, p.

11. Voir ussi Primo

Lévi,

Si c'est un

homme

[écrit

ussi en

1945-1947],

Julliard,

ress

Pocket, 1988,

p.

26

:

«

II

n'est

pas possible

de concevoir condition

humaine

plus

misérable

que

la nôtre. Plus

rien

ne nous

appartient.

»

et

p.

113,

sur la relation

vec un

SS

:

«

car son

regard

ne

fut

pas

celui d'un homme à

un

autre

homme

;

et si

je pouvais expliquer

à fond

a nature de ce

regard, échangé

comme à travers a vitre

d'un

aquarium

entre deux êtres

appartenant

à deux mondes dif-

férents,

'aurais expliqué

du même

coup

l'essence de la

grande

folie du Troisième Reich.

»

(32)

La

même

idée

est

exposée par

Pierre

Manent,

dans

son

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