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Le sport au féminin en seine-saint-Denis€¦ · sport féminin ne peut réussir que si...

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LE SPORT AU FéMININ EN SEINE-SAINT-DENIS SAMEDI 19 NOVEMBRE 2011 ACTES DU COLLOQUE
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Le sport au fémininen seine-saint-Denis

sameDi 19 noVemBre 2011

aCtes Du CoLLoQue

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 20112 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 3

préambule p.3

allocution inaugurale par a. taÏBi, Vice-président chargé du sport p.4

état des lieux et des savoirs par C. naCHBaur et V. tHiéBauLt, service du sport et des loisirs p.7

spectacle de Judith DepauLe, « Corps de femmes » Échanges avec la salle p.17

atelier 1 : « Quel rôle les clubs peuvent-ils jouer pour un meilleur accès des féminines à la pratique sportive ? » p.18

Synthèse p.21

atelier 2 : « Quelle place pour les femmes dans les clubs ? » p.22

Synthèse p.26

atelier 3 : « Comment construire une pratique sportive féminine pérenne ?» p.27

Synthèse p.30

atelier 4 : « Les acteurs institutionnels, moteurs d’incitations et d’innovations ?» p.31

Synthèse p.35

regards croisés, J. JourDan, a. DaVisse, C. parmantier p.36

Conclusion par a. taÏBi, Vice-président chargé du sport p.40

Bibliographie p.41

Avec la mise en place d’une Charte éthique du sport en Seine-Saint-Denis, le Département souhaite ouvrir un espace de débat avec le mouvement sportif et entend proposer régulièrement des rendez-vous d’échanges et de réflexion sur les principes défendus dans cette charte et sur les enjeux du sport d’aujourd’hui et de demain.En 2009 a eu lieu le premier de ces rendez-vous. Il a porté sur une thématique transversale et porteuse d’enjeux primordiaux, particulièrement sur notre territoire : « la place du projet éducatif au sein des associations sportives ».En 2011, il vous a été proposé de réfléchir sur la place des femmes dans le sport en Seine-Saint-Denis. Vous trouverez ci-après les actes de ce colloque préparé et proposé en partenariat avec des acteurs sportifs du département et avec le soutien du laboratoire « Sports, Politique et Transformations Sociales » (SPOTS) de l’université de Paris-Sud 11 (Orsay).Afin de répondre à la demande de ceux qui n’ont pas pu assister à cette journée et pour saluer l’implication des acteurs sportifs qui ont participé activement à la journée, le compte-rendu des débats est le plus exhaustif possible.Pour autant, il est apparu nécessaire d’extraire de cette matière riche et variée les points saillants et les éléments qui permettront de poursuivre la démarche. C’est pourquoi, afin de faciliter la lecture du document, des synthèses ponctuent chaque atelier.Pour le service du sport et des loisirs du Département, la participation active du mouvement sportif au colloque montre que les enjeux relatifs à la place des femmes dans le sport sont pris en considération sur notre département. Il apparaît que cette préoccupation est portée par des personnalités fortes et motivées qui font la richesse de ce territoire. Mais ces personnes ont aussi besoin de partager, d’échanger, d’être accompagnées dans leur action pour prendre du recul et réfléchir sur leur pratique.

Dès lors, il semble important de s’attacher à poursuivre la concertation et l’échange permanent avec le mouvement sportif pour faire évoluer les modalités d’intervention du Conseil général en faveur de la pratique sportive des femmes.

PréambuleSommaire

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 20114 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 5

Bonjouràtoutesetàtousetbienvenue,Nous retrouver, aussi nombreux aujourd’hui autour d’une question aussi importante que la place des femmes dans le sport est une grande joie pour moi et n’est pas un hasard non plus !

Vous le savez, nous portons en nous l’âme d’un département où la tradition de lutte et de solidarité est fortement ancrée, y compris dans notre mouvement sportif avant-gardiste et qui a été émancipateur pour de nombreux habitants.

Je tiens d’emblée, à remercier l’ensemble des partenaires, qui depuis, plusieurs années jouent le jeu de la collaboration, donnant son sens plein et entier au mot « partenariat » que nous avons réussi à construire et dont je suis particulièrement fier car notre département est exemplaire en ce domaine et mène une politique sportive constructive et innovante depuis de nombreuses années.

La préparation de ce colloque est une belle illustration de ce travail commun au service de valeurs partagées.

Pour le Conseil général, organiser avec les partenaires une telle initiative est cohérent, logique, car elle correspond totalement aux politiques mises en œuvre depuis plus de 20 ans en matière sportive, et j’en profite pour remercier l’ensemble de l’équipe du service du sport sous la responsabilité de RichardBOUCHIER qui a su une fois encore, relever le défi d’organiser et d’accompagner la réussite de cette initiative. Elles portent avec les partenaires comme le CDOS, une exigence d’un service public du sport de qualité pour toutes et pour tous.

Favoriser l’accès aux femmes, mais aussi aux séniors, aux personnes porteuses d’handicaps, représente un

enjeu de taille qui me tient beaucoup à cœur et qui constitue une des priorités de la politique sportive du Conseil général.

Parce que le sport a une dimension éducative et constitue un enjeu déterminant dans notre société : pratiquer un sport permet l’épanouissement et la valorisation de chaque individu quelque soit son niveau et ses capacités, quelque soit ses origines, sociales ou culturelles.

Surtout en ce moment, dans un contexte de casse sociale et de fragilisation d’une grande partie des habitants de nos villes et de notre Département.

Nous avons bien conscience que dans un tel contexte social mais aussi économique, la pratique sportive n’est pas toujours facile pour les familles, les jeunes, les seniors et les femmes.

Nous serons très certainement appelés à en reparler dans nos échanges.

À ce propos, la charte éthique sportive départementale, adoptée en 2008, réaffirme le principe d’accessibilité à la pratique sportive pour tous et un travail particulier réalisé spécifiquement pour la pratique féminine dans ce cadre avec les associations dans les années à venir (état des lieux, besoins particuliers, financement ciblé du Département, etc.).

Le colloque qui nous rassemble aujourd’hui est donc une étape de la démarche engagée avec eux, et qui nous réunit autour de la volonté de partager et d’approfondir nos connaissances, mais aussi explorer et ouvrir des espaces de débat et d’innovation.

En décembre 2009, à l’issue de ce premier colloque consacré aux enjeux éducatifs du sport, nous nous étions quittés sur un double constat :

Allocution inauguraleAzzedine TAÏBI

Vice-président du Conseil général chargé du sport

premierconstat

La Seine-Saint-Denis est un territoire d’innovations et d’expérimentations sociales et éducatives portées par l’ensemble du mouvement sportif et notamment des bénévoles motivés et dévoués.

secondconstat

Le manque de formalisation de toutes ces expériences constitue un frein à leur diffusion, à leur valorisation et à leur développement.

En partenariat avec DominiqueCHARRIER et JeanJOURDAN du labo CIAM-SPOTS de l’université Paris XI Orsay, le Département a donc souhaité poursuivre la réflexion par la mise en place d’une recherche-action sur le thème de la formalisation du projet éducatif des clubs. C’est ainsi qu’avec 4 clubs du territoire (l’Amicale Babylone du Pré Saint-Gervais, le Pierrefitte Multi-Athlon, le club de Tennis de Montfermeil, le club de basket de L’Île-Saint-Denis), et des partenaires intéressés pour approfondir la question (la FSGT 93, la FOL 93, le Flash de La Courneuve), nous avons donc mené ce travail intense et passionnant.

Les colloques que nous organisons ne sont que les temps forts d’une démarche constante et régulière.

Notre volonté est bien de continuer à interroger les pratiques, les capacités d’ouverture et d’innovation des acteurs sportifs sur notre territoire, car nous les savons réelles et possibles.

La question de la place des femmes dans le sport doit aussi être interrogée dans un cadre plus général qui est celui de notre société, où les préjugés doivent être bousculés car ils ont encore belle vie dans de nombreux domaines !

Nous sommes bien loin de vouloir donner des leçons au monde sportif car, en politique, par exemple, pour prendre un domaine que je connais un peu… si on observe le nombre de conseillères générales en Seine-Saint-Denis, le chiffre est assez troublant : 8 femmes sur 40 élues ! Soit 20% seulement…

Comme dans de trop nombreux domaines, les inégalités dans le monde du sport et au niveau national, existent et sont criantes, à en croire les études menées

par le Ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, il y aurait entre 48 et 64% des femmes en France qui pratiqueraient une activité physique ou sportive même occasionnellement contre presque 80% des hommes.

Il faut noter que les femmes pratiquent de façon différente même si elles sont de plus en plus nombreuses à faire de la compétition comme beaucoup d’hommes.

Ces éléments sont à mettre en relation avec le partage des tâches au sein de la famille encore inégalitaire puisque les femmes consacrent 2 à 3 fois plus de temps que les hommes aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants, leur laissant moins de temps libre que leurs compagnons…

Des éléments pratiques qui freinent aussi leur accessibilité, comme le problème des vestiaires ou celui des créneaux horaires ne sont pas à négliger…

Un autre point très important qui place l’enjeu éducatif au cœur de nos débats : c’est dans le cadre scolaire que les jeunes filles font le plus d’activités sportives par l’intermédiaire de l’EPS et elles sont également beaucoup à pratiquer dans les associations scolaires.

Pour autant, malheureusement, comme dans beaucoup d’autres domaines, les femmes sont plus durement touchées que les hommes par certains facteurs qui deviennent de véritables obstacles à la pratique et notamment les conditions de vie : plus le revenu du foyer est faible, moins elles pratiquent.

Moins elles sont diplômées, moins elles pratiquent. Elles sont également plus touchées que les hommes lorsque la famille est monoparentale et lorsque les familles sont nombreuses.

Par contre plus le niveau de vie s’élève plus elles font des activités.

autreaspectdéterminantquiméritenotreattention

Au même titre que de nombreux autres domaines l’accès des femmes, comme celui des jeunes d’ailleurs, aux postes à responsabilités reste difficile, plus on progresse dans la « hiérarchie », moins il y a de femmes.

Monsieur le Conseiller général de Bobigny, cher Abdel SADI, Monsieur le Président de l’Université Paris 13,Mesdames et messieurs,Chers amis,

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 20116 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 7

Ce constat de cette sous- représentation féminine aux postes de responsabilité élective est également observé en matière d’encadrement technique.

Enfin, l’accès des femmes aux formations et aux métiers du sport reste encore insuffisant.

La Seine-Saint-Denis, vous vous en doutez, n’échappe pas à ces caractéristiques nationales.

Ici, les freins et les obstacles connus au niveau national pour la pratique sportive féminine sont forcément accentués par les situations plus difficiles de trop nombreux habitants, ce qui explique en partie un taux plus faible de la pratique sportive dans le département.

Pour autant, sur la question des postes, les comités départementaux de la Seine-Saint-Denis font mieux que les fédérations nationales même si des progrès restent à faire… et sur la pratique régulière, (au moins une fois par semaine), si 51 % contre 59 % en Île-de-France pratiquent, en revanche, la distribution dans les disciplines montre qu’en Seine-Saint-Denis, les femmes qui pratiquent au plus haut niveau le font dans des disciplines dites « masculines » comme le Rugby, le Hockey ou les sports de combat comme la boxe et le judo.

Même les sports mécaniques connaissent un réel engouement sur le département grâce à l’intervention de nos partenaires.

Si, la Seine-Saint-Denis, avec ses 180 000 licenciés, 60 comités départementaux, 1868 clubs et 127 associations sportives de collèges, possède l’un des mouvements sportif le plus dynamique et le plus performant de France, il mérite encore de grandir et de s’ouvrir au plus grand nombre.

Des résultats précis pour la Seine-Saint-Denis, issus de plusieurs sources, dont une étude réalisée pour nous par la Direction Départementale de la Cohésion Sociale, vont vous être présentés dans quelques minutes.

Il faut bien le dire, le contexte de situation économique des clubs est tendue, les réformes des collectivités locales et des politiques publiques qui étranglent nos finances fragilisent les projets et soutiens possibles au monde sportif !

Nous ne sommes pas aidés et malgré notre forte volonté politique, le sport, dans notre département comme ailleurs, doit être porté et soutenu par les associations, les collectivités et aussi les institutions.

Aussi, les désengagements criants de l’État en matière de politique sportive entre autre, fabriquent des inégalités grandissantes et lorsque l’État s’engage à les réduire comme c’est le cas pour les équipements sportifs et le plan de rattrapage de 20 millions prévu pour la Seine-Saint-Denis, les promesses doivent être tenues…

Le Département a d’ailleurs décidé d’accompagner la réalisation des projets retenus.

Vous le voyez les difficultés et les obstacles sont nombreux, nous tentons à notre niveau de pallier les manques et répondre aux besoins très nombreux de nos concitoyens ; mais en même temps, dans ce département, les atouts sont réels et les richesses sont nombreuses, qu’elles soient humaines, citoyennes, solidaires et sportives.

Avec GillesGARNIER, Conseiller général délégué chargé de la lutte contre les discriminations et le droit des femmes, particulièrement sensible à ces ques-tions, nous sommes persuadés que c’est ensemble que nous ferons avancer les choses, que nous bougerons les lignes, que nous bousculerons les mentalités.Pour finir, je suis très intéressé par vos analyses et vos expériences, car elles vont nous aider à relever ce défi de la place des femmes, dans le sport mais aussi dans notre société…

L’ambition que je porte en tant que Vice-président d’un service public de qualité est forte, elle est à la hauteur de ce que mérite notre population.

C’est une question de dignité et de justice sociale.

Cette ambition gagnera à être mieux partagée par tous les acteurs du sport et au-delà d’ailleurs.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une belle journée.

L’objet de notre intervention est de vous faire part d’un certain nombre d’éléments qui nous ont conduits à vous proposer aujourd’hui une journée de travail sur le sport au féminin en Seine-Saint-Denis.

Pour vous présenter cet exposé, nous nous sommes appuyés :

sur les entretiens réalisés depuis un peu plus d’un an auprès d’une vingtaine de clubs et personnalités du mouvement sportif. Nous avons fait le choix de rencontrer des clubs et des personnalités qui avaient une expérience positive à faire valoir, ou un point de vue mûrement réfléchi à partager. L’échantillon est assez diversifié : on y trouve des dirigeants et dirigeantes de clubs, des directeurs des sports, des pratiquantes, des enseignants :

Exposé : état des lieux et des savoirsCécile NACHBAUR et Vincent THIÉBAULT Service du sport et des loisirs

Les entretiens réalisés depuis 2010 :

aC Bobigny rugby :AlainCHAMOIS, Président; RolandTORDJMANN, membre du Bureau directeur; et FabienANTONELLI, entraîneur des féminines

association judo courneuvien : ChristianeCHAUSSE, Présidente

Bagnolet Lutte : DidierDUCEUX, Président; LamiaBOULABI, Secrétaire générale

Ville de Bagnolet : ZoubirKEFTI, Directeur des sports

Blanc mesnil sport foot : StéphaneMORBELLO, Entraîneur

Boxing Beat : SarahOURAHMOUNE, Championne du Monde de boxe anglaise; SaïdBENNAJEM, Entraîneur; Sophia,boxeuse

Ca montreuil : Jean-ClaudeLERCK, Président; LoïcGIOWACHINI, Directeur technique; LaurenceBILY, Championne d’athlétisme et entraîneur

esGL : AndréMIGNOT, Président

Les Bisons : IbrahimSOUBRA, Président; CindyDEBUQUET, capitaine de l’équipe féminine

noisy-le-Grand gymnastique : DanièleJAY, Présidente

sDus tennis de table : Jean-ClaudeMOLLET, Président; Jean-ClaudePICARD, Membre du bureau

snep : SergeREITCHESS, Professeur d’EPS

unss 93 : Marie-ClaudeFENOLL, Directrice départementale

Ville de tremblay-en-france : MichelBODART, Directeur des sports

AnnickDAVISSE, Inspecteur pédagogique régional, HélèneCOUGOULE, journaliste, rédaction des sports de Canal +

NicoleDEBOTTE, Présidente club hockey en salle de Blanc-Mesnil, Présidente du comité départemental des OMS, Vice-

présidente Fédération nationale des OMS, Présidente des Assises Nationales du Sport

JudithDEPAULE, metteur en scène, Cie Mabel Octobre

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 20118 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 9

Par ailleurs, pour étayer notre propos, nous avons effectué quelques recherches en recueillant :

des chiffres fournis à la fois par l’IRDS, la DDCS, les services du Département ; des ouvrages, articles, études, rapports et travaux

universitaires.Pour commencer, un bref rappel historique s’impose.

Quand il apparaît sous sa forme moderne, à la fin du XIXème siècle, le sport est une invention des hommes pour les hommes.Les premiers clubs de sport sont ainsi exclusivement masculins. La présence des femmes n’y est pas concevable. Certains médecins interdisent même la pratique du sport aux femmes. Néanmoins, à cette époque, quelques femmes, souvent issues de l’aristocratie, pratiquent quelques sports (le golf ou le tennis par exemple).Le sport étant dès l’origine un territoire masculin, les sportives vont donc devoir y conquérir leur place. Et l’histoire de cette conquête est longue, difficile et se poursuit encore aujourd’hui.Au début du XXème siècle, quelques pionnières vont s’atteler au développement du sport féminin et il faut remarquer que la pratique féminine va d’abord se développer à côté et indépendamment de celle des hommes. Les premières sportives vont ainsi devoir créer leurs propres structures et leurs propres compétitions.Dans cette histoire, la Première guerre mondiale marque une rupture importante. À l’arrière du front, les femmes ont pris une part importante dans la vie économique et sociale. Ainsi, dans l’entre-deux-guerres, les femmes vont peu à peu être acceptées dans les fédérations. À noter que c’est souvent sous la pression des fédérations internationales que les fédérations françaises s’ouvrent peu à peu aux féminines.Le sport féminin connaît depuis ces années une évolution lente mais continue. Avec sa politique en faveur des loisirs, le Front populaire marque lui aussi une étape importante qui a contribuée au développement de la pratique sportive des femmes.

Les années 60 et 70 sont marquées par la massification du sport. On observe un nombre de plus en plus élevé de pratiquants et donc de pratiquantes.Dans cette évolution, il faut noter l’importance en France du sport scolaire qui, à partir de la fin des années 60, a grandement contribué à l’ouverture de la pratique aux féminines. À partir des années 70, le sport scolaire est d’ailleurs proposé de façon mixte.Dans les années 1970 et 1980, les dernières fédérations exclusivement masculines vont finalement s’ouvrir : le football en 1970, la boxe en 1986 et le rugby en 1989.

La prise de conscience collective qu’il fallait faire plus pour favoriser la pratique sportive des femmes est finalement assez récente. Elle date des années 1990 avec la conférence internationale sur les femmes et le sport de Brighton en 1994, ou en France avec les Assises nationales femmes et sport organisée par Marie-GeorgesBUFFET en 1999.Depuis, les pouvoirs publics semblent se préoccuper plus activement de cette problématique : appels à projet, chartes, colloques divers se multiplient ainsi depuis une dizaine d’années.Cette histoire constitue un héritage lourd pour la pratique féminine. Les femmes sont arrivées après les hommes sur le territoire du sport. Elles doivent encore y conquérir leur place et elles sont perçues comme des trouble-fêtes. Par exemple, et nous y reviendrons, la question des créneaux dans les équipements sportifs, ou la question des vestiaires, sont souvent des difficultés mises en avant pour faire passer les féminines au second rang des priorités.

Qu’enest-ilaujourd’hui?Les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer le sport et à première vue, il y a peu de différence avec les hommes :

Pratique régulière(au moins 1 fois/semaine)

Seine-Saint-Denis(% des 15 ans et plus)

Île-de-France(% des 15 ans et plus)

Hommes 59 66

Femmes 51 59

Ensemble 55 62

FRANCE

Proportion des femmes licenciées

SEINE-SAINT-DENISProportion des femmes

licenciées

Tous sports confondus 35% 33%

Danse 90% 94%

Gymnastique volontaire 94% 94%

Gymnastique 79% 73%

Équitation 79% 87%

Football 2,7% 2%

Rugby 4,1% 6%

55% des habitants de la Seine Saint Denis pratiquent une activité sportive régulière (au moins une fois par semaine) contre une moyenne de 62% en Île-de-France. Les femmes sont moins nombreuses à pratiquer régulièrement en Seine-Saint-Denis que dans l’ensemble de la région. Mais les hommes également. Malgré tout, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il demeure des différences assez notables, notamment dans le choix des disciplines pratiquées.De ce point de vue, le profil de la Seine-Saint-Denis est assez proche de la moyenne nationale.

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201110 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 11

À titre indicatif, les chiffres de la Seine-Saint-Denis sont issus d’une étude réalisée pour nous par la DDCS. Cette étude ne porte que sur les clubs qui ont déposé un dossier CNDS en 2010, mais cela représente néanmoins près de 170 000 licenciés.Par ailleurs, on remarquera des différences dans les façons de pratiquer : les femmes s’orientent plus volontiers vers les pratiques d’entretien ou les fédérations multisports dans lesquelles elles semblent trouver une pratique plus conviviale. C’est en tout cas dans ces fédérations que l’on trouve la mixité la plus équilibrée en Seine-Saint-Denis.Pour compléter le tableau des disciplines pratiquées, nous avons voulu vous présenter les sports dans lesquels les féminines s’illustrent au plus haut niveau en Seine-Saint-Denis.

On constate une forte présence des femmes dans les disciplines d’affrontements, de contacts, dans les sports dits « masculins ».Est-ce le fruit d’un contexte particulier au territoire ? Ou bien les acteurs départementaux de ces disciplines ont-ils su s’adresser au public féminin ? Nous verrons plus loin quelques hypothèses qui permettent de répondre à ces questions.Des différences existent donc entre la pratique féminine et la pratique masculine et cela n’aurait pas de sens de vouloir uniformiser ou d’œuvrer pour que les femmes pratiquent un sport identique à celui des hommes. Nous avons quand même souhaité comprendre les facteurs déterminants de la pratique sportive des femmes.Nous avons repéré plusieurs facteurs.

LESFEMMESMANQUENTDETEMPS

Parmi les pesanteurs sociologiques qui pèsent sur l’engagement des femmes dans la pratique sportive, il faut évoquer le manque de temps dont elles disposent.Pour les femmes on parle souvent de double, voire de triple journée.En plus du temps qu’elles consacrent au travail, on remarque qu’aujourd’hui encore, ce sont les femmes qui s’occupent majoritairement des tâches ménagères et notamment de l’éducation des enfants. Elles y consacrent de 2 à 3 fois plus de temps que les hommes.Dans ce domaine, l’inertie est particulièrement forte et le partage majoritairement défavorable pour les femmes.Dans nos entretiens, c’est cet aspect qui est le plus souvent mis en avant pour expliquer la difficulté des femmes à pratiquer.On se rend compte que le frein principal est, là aussi, de l’ordre des préjugés. Les femmes sont assignées à la gestion du foyer et à l’éducation des enfants. On a du mal à concevoir que les femmes puissent s’épanouir pour elles-mêmes et par le sport, comme si elles ne pouvaient s’épanouir qu’en se sacrifiant pour le foyer et leurs enfants.Du coup, dans les clubs, on les soupçonne souvent de ne pas être totalement disponibles pour l’équipe ou pour l’entraîneur.Il est fréquent que les jeunes filles, les pratiquantes, les dirigeantes soient soumises à la pression de leur conjoint ou de leur famille pour arrêter et les témoignages sont nombreux qui expriment cette situation. Certaines sportives qui souhaitaient poursuivre au plus haut niveau nous ont même dit qu’elles avaient fait le choix du célibat pour régler ce type de problème. De leur côté, les dirigeantes interviewées nous ont expliqué que leur engagement n’était souvent devenu possible qu’une fois leurs enfants élevés et devenus grands.

Discipline Club / Équipe / Championnes Niveau

JudoVillemomble Sport Judo: Audrey TCHEUMEO, Laëtitia PAYET & Ketty MATHE

Mondial

Tennis Montfermeil Tennis 93: Mathilde JOHANSSON 81ème mondiale

Hockey sur Glace Les Bisons D1

Athlétisme CA Montreuil: Antoinette NANA DJIMOU Mondial

Rink Hockey Club Sportif Noisy-le-Grand Roller Skating D1

Escrime (épée) AS Bondy Escrime: Lauren REMBI & Laure BARBIN Équipe de France

Boxe AnglaiseBoxing Beat d’Aubervilliers Sarah OURAHMOUNNE

Mondial

Cyclisme Big Mat Auber 93 Élite nationale

HandBall Noisy-Le-Grand Handball D2

Rugby AC Bobigny – Les Louves Top 10

Basket Aubervilliers Avenir basket Ball NF1

Badminton Club Badminton Aulnay-sous-Bois (équipe mixte) N1A

Voile Promovoile 93 – Frédérique PFEIFFER & Françoise DETTLING Mondial en Formule 18

Hockey Sub Aquatique

Club Hockey Sub aquatique de Neuilly-sur-Marne D2

LEPOIDSDESPRÉJUGÉS

Dans notre société, le poids des représentations qui assignent des rôles différenciés aux hommes et aux femmes est toujours particulièrement lourd. Dans le sport, ces représentations sont d’autant plus prégnantes, que la pratique sportive engage le corps.Pour les hommes, on considère ainsi que l’engagement physique, l’esprit de compétition, la performance technique, la démonstration de la force sont des gages de virilité.Pour les femmes, cela ne va pas de soi.Si aucun sport n’est, en réalité, interdit aux femmes pour des raisons physiques, on constate malgré tout que les stéréotypes qui cantonnent les femmes à certaines activités ont une acuité particulièrement forte dans le domaine du sport.On accepte plus ou moins que les femmes s’engagent dans certaines pratiques, familiales, d’entretien, de santé, ou esthétiques. Par contre, les femmes qui s’engagent au plus haut niveau ou dans des sports considérés comme « masculins » s’exposent à être considérées comme « masculines ». Leur pratique est rarement prise au sérieux et nous avons constaté qu’elle pouvait même prêter à sourire.

LERÔLEDESMÉDIAS

Dans ce domaine, le rôle de la publicité ou des médias est important. Dans beaucoup d’entretiens, c’est un élément qui est souvent mis en avant : « c’est la faute des médias ».De notre point de vue, ces préjugés existent d’abord dans la société et les médias ne font souvent que les illustrer.Dans la presse, les exploits sportifs féminins sont souvent moins valorisés que ceux des hommes. Quantitativement, le nombre d’articles consacrés aux exploits des hommes est toujours très largement supérieur. Les grandes retransmissions à la télévision ne concernent presque exclusivement que les équipes masculines.Mais les exploits des sportives sont aussi traités de manière différente : on insistera plus sur l’apparence physique ou sur la vie personnelle des sportives.

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LEPLAFONDDEVERRE:DANSLESPORTAUSSI…

Quand on évoque les difficultés qu’ont les femmes à percer dans le champ social, politique ou économique, on évoque souvent la notion de « plafond de verre ».De fait les femmes sont rares aux plus hauts niveaux de responsabilité. Elles sont très minoritaires au Parlement, elles sont rares dans les conseils d’administration des grandes entreprises, elles sont peu nombreuses à exercer des responsabilités dans la haute administration.Le plafond de verre existe aussi dans le monde sportif.Si ces dernières années, le ministère des sports a souvent été confié à des femmes, elles sont minoritaires dans les postes de direction du ministère, minoritaires dans les postes de direction des DDCS, rares à l’INSEP ou dans les CREPS.Dans les instances dirigeantes du mouvement sportif, les femmes sont encore plus rares, même si la loi a prévu récemment qu’elles soient mieux représentées.

Dans les postes électifs, elles ne sont que 11 femmes à présider l’une des 117 fédérations recensées (soit 9%). En Seine-Saint-Denis, la DDCS a effectué à notre demande une étude au niveau des comités départementaux.Les chiffres sont à comparer avec les moyennes que l’on observe dans le mode associatif pris dans son ensemble :

Si les comités départementaux de Seine-Saint-Denis font mieux que les fédérations nationales, on constate néanmoins qu’ils ont encore des marges de progression substantielles !Pour autant, les femmes sont nombreuses dans le bénévolat associatif sportif. Dans nos entretiens, nous avons constaté que leur engagement est parfois plus durable et plus soutenu et que le rôle qu’elles jouent est souvent fondamental pour la vie des clubs.Malgré tout, les rôles qui sont dévolus aux femmes sont généralement en périphérie de la pratique sportive en elle-même. En tant que dirigeantes, elles sont chargées des questions administratives et comptables (rébarbatives et chronophages) ou des aspects liés à la convivialité dans le club. En tant qu’entraîneure, elles restent souvent affectées à l’encadrement des sections des plus petits, ou à l’encadrement des sections féminines.

Présidents(toutes

associations confondues)

Présidents(Cd 93)

Dirigeants(toutes

associations confondues)

Dirigeants(Cd 93)

Femmes 27 % 14 % 46 % 27 %

Hommes 73 % 86 % 54 % 73 %

Niveau de diplôme des parents

Garçons Filles Total

Sans diplôme 64% 44% 52%

Diplôme inférieur au BAC

71% 55% 65%

BAC 77% 71% 75%

Diplôme supérieur au BAC

92% 76% 83%

Revenu mensuel du foyer

Moins de 1 830 € 75% 45% 60%

De 1 830 € à 2 745 € 75% 67% 71%

Plus de 2 745 € 83% 74% 80%

Ensemble 77% 60% 69%

Quand aucun des parents n’est diplômé, 44% des filles font du sport. Quand au moins un des parents est diplômé du supérieur, la proportion grimpe jusqu’à 76%.Quand on regarde de plus près, en distinguant garçons et filles, on s’aperçoit que moins les parents sont diplômés, plus l’écart entre garçons et filles est grand.

Population sans diplôme ou

sans diplôme qualifiant

Population CAP-BEP-BAC-Bac

Pro

PopulationBAC +2 et plus

Île-de-France 32 % 33 % 35 %

Seine-Saint-Denis 44 % 36 % 20 %

Nous disposons de quelques éléments concernant le niveau des diplômes des habitants du département.En corolaire, le niveau de revenu de la famille a égale-

ment un impact sur la pratique des jeunes filles.Dans les familles dont le revenu mensuel est inférieur à 1 830 euros par mois, seulement 45% des filles font du sport, contre 74% dans les familles qui se situent dans les tranches de revenus les plus élevées. Là encore, plus le revenu est faible, plus l’écart est grand entre garçons et filles.

Pour la Seine-Saint-Denis, nous disposons de chiffres sur les ménages imposables qui illustrent le fait que la population du département se situe parmi les plus modestes de l’Île-de-France.

Part des ménages

imposésPart des ménages

non imposés

Île-de-France 70 % 30 %

Seine-Saint-Denis 60 % 40 %

Par extrapolation, et même si nous ne disposons pas de chiffres précis pour la Seine-Saint-Denis, on peut considérer que le niveau de diplôme ou de revenus de la population du département a un impact sur la pra-tique sportive des jeunes filles.

LESVARIABLESSOCIO-ÉCO:DIPLÔMEETREVENUL’un des facteurs les plus déterminants pour la pratique sportive des jeunes filles est le niveau de diplôme des parents.

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201114 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 15

LECASDESQUARTIERSPRIORITAIRES

Dans les quartiers que les politiques de la ville ont qualifiés de prioritaires, les données sont encore plus significatives.Dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), seule-ment 32% des jeunes filles pratiquent un sport en club, alors que dans les classes moyennes et supérieures, la proportion atteint presque 80%.À titre indicatif, à la rentrée 2010, 53% des collégiens de Seine-Saint-Denis étaient en ZEP.

Il convient de signaler ici les travaux universitaires qui se sont particulièrement penchés sur la situation dans ces quartiers dits « prioritaires » ou « sensibles ».Depuis les années 90, les ministères de la ville et des sports travaillent de concert et s’appuient très souvent sur l’insertion par le sport pour redynamiser, voire « pacifier » les banlieues.Ces actions ont eu pour effet involontaire d’exclure les filles. En effet, dans la plupart de ces initiatives, les garçons se réservent les animations et les projets proposés ou l’usage des espaces publics comme les play-grounds.Certains observent même en retour des pratiques dites « inversées » de la part des filles : elles calquent leur choix sportif sur celui des garçons, pratiquent plus volontiers le football, par exemple, que les sports plus traditionnellement féminins.C’est une hypothèse, mais nous avons peut être là une piste qui explique pourquoi les féminines en Seine-Saint-Denis réussissent au plus haut niveau dans les disciplines dites « masculines ».

LESVARIABLESCULTURELLESÀRELATIVISER

Au fil de nos lectures et de nos recherches, nous avons pu constater que certaines études pointaient que le facteur culturel avait aussi une influence.Ainsi, plus la pratique sportive est esthétisée (exemple, la gymnastique), plus elle amène à exposer son corps (exemple, la natation), plus les jeunes filles d’origine maghrébine ou de culture musulmane sont rares.

Ce facteur est sans doute important, mais il semble nécessaire de le relativiser. Dans une étude réalisée par WilliamGASPARINI et menée en Alsace auprès des familles d’origine turque, il a été constaté que les jeunes filles turques issues des familles les plus diplô-mées et les plus aisées avaient un niveau de pratique sportive comparable aux autres jeunes filles issues des mêmes catégories socio professionnelles.

Si la variable culturelle joue, c’est donc surtout dans les familles peu diplômées et aux revenus modestes.

LESÉQUIPEMENTS

Parmi les facteurs qui influent sur la pratique des femmes, il convient également de s’interroger sur les équipements sportifs eux-mêmes.Cette question est d’autant plus d’actualité que les réflexions que nous aurons aujourd’hui alimenteront l’élaboration du Schéma de cohérence territoriale des équipements sportifs que le Département entend con-struire avec ses partenaires.Les conditions d’accueil de la pratique féminine sont déterminantes pour qu’elle puisse se développer. L’accès aux équipements, l’aménagement des espaces d’accueil et de convivialité, des vestiaires et des douches sont autant d’éléments qui comptent pour donner envie de pratiquer.Aujourd’hui, on sait que le parc d’équipements de la Seine-Saint-Denis est ancien et peu adapté.Certains équipements sont peu accessibles en trans-port, ou placés dans des zones peu rassurantes, mal éclairées. Certains équipements sont quasiment vétu-stes et tout cela ne contribue pas à rendre la pratique sportive très attractive.

Enfin, la plupart des équipements sont saturés. Les meilleurs créneaux sont déjà occupés par les hommes et il est délicat de dégager des créneaux pour les fémi-nines qui souvent se trouvent reléguées en toute fin de soirée. Or, on l’a vu, pour les femmes, la question des horaires et de la disponibilité est très importante.

Pour terminer, nous voudrions rappeler les enjeux qui nous ont amenés à vous proposer cette journée con-sacrée aux femmes et au sport en Seine-Saint-Denis.Nous avons vu que le mouvement sportif est l’héritier d’une histoire qui a laissé peu de place aux femmes. Il est traversé par les mêmes préjugés que le reste de la société, et même peut être un peu plus que le reste de la société, compte tenu de son histoire et du fait que la pratique sportive engage le corps.En Seine-Saint-Denis, il fait face à une situation socio-économique particulièrement difficile qui, on l’a vu, pèse sur la possibilité des jeunes filles et des femmes de choisir une pratique sportive. En outre, il manque d’équipements pour déployer tous ses projets. Malgré tout, au cours de nos entretiens, nous avons constaté que certaines personnes étaient particulière-ment investies sur ce sujet. Certes, le choix des personnes que nous avons rencon-trées marque notre intention de valoriser des expéri-ences prometteuses et de s’appuyer sur elles. La question des femmes dans le sport est en effet portée par des personnalités motivées, hommes ou femmes, qui ont décidé de faire avancer la question au sein de leur structure. Cette volonté trouvent parfois des appuis au sein du club ou auprès des instances et des politiques fédérales, mais pas toujours. Nous avons eu le sentiment que ces acteurs avaient besoin de soutien, d’autant plus que la question est complexe.En effet, il n’y a pas de pratique féminine type. En tout cas, il est important de dépasser les stéréotypes pour innover, intégrer cette complexité et cette diversité de la demande des féminines.Au niveau de la pratique des féminines, nous avons souvent entendu que la motivation des pratiquantes était particulière. Les femmes semblent globalement moins intéressées par les aspects compétitifs du sport et plus motivées par la convivialité et le lien social.

Population totale

vivant en ZUSPart de la population

vivant en ZUS

Île-de-France 1 278 300 11,1 %

Seine-Saint-Denis 306 00021 % de la pop totale 25 % des - de 14 ans

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201116 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 17

Elles accorderaient une plus grande importance à l’accueil qui leur est fait au sein des clubs.Néanmoins, elles s’engagent aussi dans la pratique compétitive et de haut niveau. Dans ce cas, elles ont aussi des particularités. Les sportives, les dirigeants, les entraîneurs que nous avons rencontrés nous ont dit très souvent que les filles cherchaient à donner du sens à leur pratique. Elles auraient davantage besoin d’explications sur le sens de leur entraînement. Elles seraient davantage sensibles à l’ambiance qui règne dans le groupe. Certains nous ont dit que les filles pouvaient faire preuve de plus de motivation et de pug-nacité que les garçons.Pour résumer ce tableau complexe, il nous a semblé qu’il n’y avait pas de recette particulière pour dével-opper la place des femmes dans le sport. Par contre, nous avons repéré des ingrédients qu’il appartient à chacun de mélanger selon sa situation, son territoire, son contexte.Il appartient en effet au mouvement sportif de pren-dre toute sa part dans le travail qu’il reste à faire pour améliorer le sort fait aux femmes dans notre société. Il est ici question de justice. Si les associations sport-ives sont l’expression de la société civile dans le champ du sport, elles doivent accorder toute leur place aux femmes, que ce soit dans la possibilité qui leur est donnée de pratiquer (et quelle que soit la forme de cette pratique) ou dans la possibilité qui leur est don-née de décider, de prendre des responsabilités.C’est également l’intérêt du mouvement sportif : le réservoir de pratiquantes à conquérir est finalement considérable. Et d’ailleurs, cela ne concerne pas seulement les filles :

1/ ce sont souvent les mères de familles qui inscriv-ent et accompagnent leurs enfants au club sportif ;2/ les personnes rencontrées nous ont expliqué qu’en réfléchissant à l’accueil des féminines, ils avaient enrichi leur point de vue et que cela avait profité à tous les publics ;3/ du coup, cela concerne toute la vie du club, sa capacité à se remettre en question et à innover.

ÉCHANGESAVECLASALLEDébat animé par SantiagoSERRANOResponsable de la Mission prévention des conduites à risques

JudithDEPAULE, metteur en scèneExpose son travail sur « Corps de Femmes ». Il s’agit d’une série de spectacles sur les femmes qui pra-tiquent des sports dits masculins. Elle a déjà réalisé un spectacle sur une lanceuse de marteau. Elle travaille aujourd’hui avec une haltérophile. Entre temps, elle a produit un spectacle sur les joueuses de rugby des clubs de l’AC Bobigny et de Soisy.Le spectacle proposé aujourd’hui était une adaptation réalisée spécifiquement pour l’occasion avec un focus sur les joueuses de l’AC Bobigny.JudithDEPAULE remarque que la situation du monde de la culture n’est pas meilleure que celle du sport, dans la mesure où les femmes ont aussi des difficultés à y trouver leur place.

AnnickDAVISSE, Inspectrice pédagogique régionale en EPSSe félicite de l’initiative d’aujourd’hui sur les femmes et le sport en Seine-Saint-Denis. Elle regrette le titre du colloque : « le sport au féminin » qui laisse penser qu’il existerait un sport spécifique pour les femmes.

EdwigeBERTIN, médecin du sportExprime le regret de voir qu’on ne parle de la pratique sportive des femmes que par rapport au sport mas-culin, qui serait la référence. Il est dommage aussi que, dans les interventions du matin, n’aient pas été évoquées les qualités sportives et psychologiques spécifiques des filles, y compris dans le haut niveau.

NoëlDREANO, Club de basket, PantinFait part de son expérience de dirigeant de club de basket. Il remarque que c’est aussi aux hommes de prendre en charge cette question. Par exemple, concernant les créneaux dans les équi-pements sportifs, il faut que les hommes prennent con-science qu’ils doivent laisser une place aux femmes.

Jean-ClaudeRESET,CD basketExplique que le rôle des fédérations est important. En l’occurrence, elles ne sont pas toujours facilitatrices, notamment concernant la réglementation du jeu et de la pratique elle-même. Par exemple, il est difficile de respecter les règlements fédéraux relatifs à la com-pétition quand le nombre de joueuses n’est pas réuni : c’est le cas pour certaines tranches d’âge (notamment pour les adolescentes). Une plus grande souplesse serait bienvenue.

FatimaVROLANT, club de football fémininFait part de son expérience de dirigeante d’un club de football féminin au Maroc et des difficultés qu’elle a rencontré dans son pays pour imposer un club de foot-ball féminin. Elle s’étonne de constater que la France finalement n’est pas plus avancée sur ce chantier.Elle insiste sur le fait que les femmes ne demandent pas à pratiquer le même sport que les hommes, mais à avoir le droit de pratiquer le sport qu’elles veulent.

IsabelleCADERON, élue à StainsFait part de son expérience de sportive dans un club d’athlétisme.Pour répondre à la question du temps qui est un frein important dans le développement du sport féminin, cer-taines associations proposent des séances de sport pour les enfants et les mamans : c’est une manière d’agir qui devrait être soutenue par les pouvoirs publics.

ZoubirKEFTI, ville de BagnoletRemarque que dans les évolutions récentes en faveur du développement du sport féminin, il faut souligner le rôle des fédérations internationales. Ce sont elles qui ont impulsé une révolution, notamment en France, bien plus que les fédérations nationales qui restent parfois assez timorées.

JeannetteTESSIER, femmes solidairesPrésente l’association Femmes solidaires et souligne son intérêt et l’importance de cet axe de travail sur le sport. C’est un domaine où il reste beaucoup à faire. Mais c’est un champ très important pour faire évoluer les mentalités sur la place des femmes dans notre société.

Spectacle « Corps de femmes »de Judith DEPAULE Une adaptation du spectacle de Judith Depaule, « Corps de femmes 2 - le Ballon ovale » était représentée. Pour plus de détail, voir le lien suivant : http://www.mabeloctobre.net/creations/corps-de-femme-2-le-ballon-ovale/

Pour accompagner notre réflexion en la matière, nous avons fait le choix de vous proposer de réfléchir sur quelques leviers et ingrédients à rassembler, sachant qu’il en existe sans doute bien d’autres.Les ateliers de cet après-midi seront donc l’occasion d’échanger, à partir d’expériences et de témoignages riches et variés, sur ce qu’il est possible de faire.

L’atelier 1 : «Quelrôlelesclubspeuvent-ilsjouerpourunmeilleuraccèsdesfémininesàlapratiquesportive?» vous permettra d’aborder la question des différents leviers susceptibles d’attirer plus de jeunes filles et de femmes vers la pratique sportive ?

L’atelier 2 : «Quelleplacepourlesfemmesdanslesclubs?»vous permettra d’aborder la question de la place faite aux femmes dans la vie de l’association : Comment développer la prise de responsabilité des femmes comme entraîneures ou dirigeantes au sein des clubs ?

L’atelier 3 : «Commentconstruireunepratiquesport-ivefémininepérenne?» vous permettra d’aborder la question des contenus : Comment construire des sé-ances qui permettent l’appropriation de l’activité et la réussite des féminines ?

L’atelier 4 : «Lesacteursinstitutionnels,moteursd’incitationsetd’innovations?» vous permettra de réfléchir au rôle des instances dirigeantes et des col-lectivités.

En attendant, vous êtes invités à découvrir un ex-trait du spectacle de JudithDEPAULE, « Corps de femmes ». Nous avons découvert le travail de Judith Depaule grâce à nos collègues de la Mission « La Culture et l’Art au Collège » qui l’avaient programmée dans le cadre du dispositif « In Situ, artistes en rési-dence dans les collèges », initié par le Département de la Seine-Saint-Denis. Nous avons fait le choix de vous le proposer parce qu’il bouscule un certain nombre de préjugés sur la pratique sportive des femmes.

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201118 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 19

animé par Agnès MULLER, Laurent LE NAIR, Adrien THEIS, Robert TURGIS, Nicole DEBoTTE

Témoins : Pantin Basket Club et le club de Taekwondo de Clichy-sous-Boisintervenants :RobertTURGIS, FOL 93,

NicoleDEBOTTE, Blanc-Mesnil Sport Hockey

NoëlDREANO, Pantin Basket Club

NadiaOUMBICHE, Club de Taekwondo de Clichy-sous-Bois

AgnèsMULLER,service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

LaurentLENAIR,service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

AdrienTHEIS, service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

Le groupe de travail qui a préparé cette séquence de travail met en avant le fait que cette question, soulevée depuis de nombreuses années, avance peu.L’atelier se penchera plus particulièrement sur le rôle des clubs dans cette problématique.Il s’agira donc de se focaliser sur ce que nous pouvons faire à notre niveau, avec nos moyens. Les pistes, qui ont été identifiées par le groupe de travail et qui vont être abordées au cours de la séance, sont : les créneaux horaires l’accueil l’encadrement la mixité ou non du public

La parole est tout d’abord donnée aux deux témoins afin de partager des retours d’expérience.

LePantinBasketClub est très motivé pour développer la pratique du basket féminin et l’accueil de ce public. Pour ce faire, il a créé deux emplois féminins qui facilitent la relation avec les familles sur des questions spécifiques.Par ailleurs, ce club développe également un travail avec les écoles environnantes. Des encadrants du club de basket accompagnent les instituteurs pour créer du lien pendant l’accueil scolaire et périscolaire. Ce partenariat permet d’augmenter la confiance avec les familles et ainsi faciliter les inscriptions au club. Le club entretient également des partenariats avec les as-sociations de quartiers et les assistantes sociales. Pour assurer le lien, le club met également en place un carnet de suivi des licenciés permettant notamment la relation avec les parents (en ayant un regard sur les bulletins scolaires par exemple). Les enseignants diplômés interviennent autant chez les garçons que chez les filles pour leur donner autant d’importance, et leur apporter les mêmes compétences techniques.Nous savons en effet, qu’il est difficile d’amener les filles à la pratique, mais il existe également une réelle difficulté à les garder, à les fidéliser. Un carnet de suivi peut donc être une solution dans le processus de fidéli-sation des adhérents.Cependant, le club met en avant un manque de vigi-lance de sa part quant à l’application, la mise en œuvre et le suivi à long terme de ces actions. LeclubdeTaekwondodeClichy-Sous-Bois évoque

l’adaptation des pratiques au public féminin. Ce club a en effet créé une section de Body Taekwondo (en musique et sans le côté combat pur, comme du fitness sans combat) pour répondre à la demande des femmes qui avaient l’appréhension du combat violent et avaient peur de prendre des coups et d’affronter des hommes ou d’autres femmes. Ces créneaux ont été mis en place à la suite d’un constat qui a été fait sur la structure, notamment sur la présence des mamans accompagnant leurs enfants à leurs cours de Taekwondo. Les mamans restaient en effet sur le lieu de pratique à regarder leurs enfants. Le club a donc eu l’idée de proposer à ces mamans de pratiquer ce sport. Des créneaux pendant les cours de leurs enfants ont tout d’abord été proposés, puis un créneau a été ajouté le dimanche. Le club souligne le succès de cette formule.

De plus, NadiaOUMBICHE souligne l’importance des populations de femmes musulmanes sur le territoire. Ces femmes viennent particulièrement le dimanche car elles ne veulent pas qu’il y ait d’hommes, ni dans le cours, ni en tant qu’enseignant. Pour certaines, cela les a motivé à pratiquer le « vrai » Taekwondo par la suite. L’adaptation de la pratique peut donc permettre d’amener le public féminin vers la pratique d’origine. Cependant, certains participants soulignent qu’ouvrir des créneaux spécifiques en direction des femmes (seulement des femmes) peut effectivement attirer le public féminin, car cela répond à sa demande, mais peut également représenter à long terme un frein à la mixité.Le débat s’engage entre les participants de l’atelier.Le RM Boxing (Saint-Ouen) compte 65 filles (sur 360 licenciés). Le club souligne qu’il n’existe pas de pro-blèmes particuliers avec les pratiquantes féminines : l’entraînement est mixte, il n’est pas nécessaire pour le club d’organiser des créneaux spécifiques. Beau-coup de filles ont un niveau en compétition nationale ou internationale et deux femmes sont adjointes dans l’équipe de direction. Cela peut être rassurant pour le public féminin. Le club met en avant le fait que cet engouement des femmes du club peut être créé par la présence de femmes évoluant en haut niveau et ayant un palmarès important. Cela renvoie une bonne image. Il existe tout de même au sein de ce club une sec-tion féminine pour les femmes musulmanes souhai-tant réellement pratiquer mais ne souhaitant pas se mélanger avec les boxeurs hommes. Le club met en avant l’importance de l’adaptation de la pratique mais soulève que si l’on enlève la mixité (par la création de créneaux spécifiques), il est important de la recréer par la suite (adapter la pratique pour les amener à la pratique d’origine par exemple). BrunoCREMONESI, professeur d’EPS à Aulnay-Sous-Bois pense que ce n’est pas l’accueil qui est important mais les contenus (il faut les adapter pour les rendre accessibles). C’est cette réflexion sur

l’activité qui va permettre de faire venir les femmes. Selon lui, il ne faut pas se focaliser sur l’accueil au risque d’en oublier le fondement de la pratique.AnnickDAVISSE pense que l’obstacle peut être fran-chi en améliorant l’image des clubs, ce qui ouvrira le champ des possibles. L’image du « possible » lorsque les femmes voient des championnes évoluant au haut niveau permet de les attirer, quand elles se disent qu’elles peuvent également le faire. Il faut cependant avoir un projet global au sein des clubs pour pouvoir attirer des féminines. Une représentante de l’Association « Femmes Solid-aires » pense que le travail doit être réalisé en amont auprès des pères et des mères pour attirer les filles. L’action auprès des parents est donc à privilégier. L’association met en avant l’importance du travail à l’école qui participe à la mixité et favorise les relations entre filles et garçons. Le sport à l’école est donc la priorité pour éduquer les garçons et les filles au sport sur cette question de mixité. L’association s’interroge tout de même à propos de ces femmes ne souhaitant pas s’entrainer avec les hommes.FranckNARCE, Président du CS Noisy-le-Grand Roller Skating (rink hockey et patinage artistique), explique qu’il faut balayer les barrières établies entre les hom-mes et les femmes. Il met en avant le fait qu’au rink hockey la compétition est mixte au départ, puis vers 14 ans, il y a une distinction et les filles partent vers l’artistique. Celles qui veulent continuer le rink hockey se retrouvent en petit nombre et ont l’impression de participer à des compétitions « au rabais ». Il faut faire du lobbying pour qu’à tous niveaux, les jeunes puissent pratiquer en mixte. Il faut offrir une réelle perspec-tive de championnat aux filles pour pérenniser leurs pratiques. La notoriété du sport, sa médiatisation et celle de ses champions(nes) sont des facteurs importants pour la pratique d’une activité. Mais une personne s’indigne du

Atelier 1 : « Quel rôle les clubs peuvent-ils jouer pour un meilleur accès des féminines à la pratique sportive ? »

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201120 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 21

fait que de « belles nanas » doivent s’exposer pour faire venir des jeunes : elle préfèrerait qu’il y ait de réelles perspectives pour les féminines.Il ne faut pas oublier l’importance des parents mais aussi des grands frères dans la cité. Si ces grands frères sont à l’aise dans un club, et qu’il y a une activ-ité pour les filles, ils feront venir leurs sœurs. Il faut mettre en place des évènements porteurs : l’exemple de l’évènement basket en famille est exposé.Desquestionnementssontmisenavantparlegroupedetravail:quellesperspectivespourl’accueil?Quelniveaud’exigencedesformations?Une personne soulève qu’il ne faut pas seulement s’appuyer sur les filles qui ont fait des résultats. Il faut leur proposer des perspectives d’avenir, des projets, une pérennité dans leur championnat. Dans les conditions d’accueil il faut donner cette possibilité d’avenir pour que les filles viennent mais surtout restent. Une autre personne explique que dans son club les centres sociaux interviennent permettant d’établir des relations avec les filles afin qu’elles puissent se réapproprier l’espace public et urbain (les plateaux en accès libres qui sont désertés par les filles, par exemple). Des actions mixtes doivent être mises en place par ces partenariats.Un autre aspect est mis en avant pour favoriser l’accès au sport pour les femmes : la mise en place de tarifs spécifiques pour les mamans comme le propose le club de Taekwondo.André MIGNOT défend le cyclisme féminin depuis 30 ans, il prend en charge, pour l’équipe de haut niveau, la licence, les frais d’engagement et les frais de déplacement.Mais certains expriment leur désaccord : si on prône l’égalité, il est difficile de proposer la gratuité pour les femmes.JenniferROCCHETTI, étudiante du master 2 « Poli-tiques publiques et stratégies des organisations sportives » de l’université de Paris-Sud XI a réalisé un mémoire sur ce sujet et explique qu’il faut prendre des précautions vis-à-vis de la gratuité qui peut avoir des effets pervers. La gratuité permet d’attirer les

femmes dans un premier temps, mais ne les motive pas à venir régulièrement en club et ne les responsa-bilise pas non plus. Elles peuvent justement s’exonérer d’une certaine assiduité puisqu’elles ne paient pas ou peu. Un responsable d’un club de foot propose la gratuité pour les nouvelles licenciées puis augmente le tarif au fur et à mesure des années si les jeunes filles restent dans le club.La pratique festive et sociale est importante, par ex-emple, certaines filles ont la possibilité d’amener une copine ou une sœur lors d’un déplacement pour un championnat.Les partenariats avec le milieu scolaire sont remis en avant. Il faut travailler cette dimension et pourquoi pas ne pas l’intégrer directement dans les emplois du temps, en réunion parents/professeurs… Il faut sou-lever les barrières de la licence et amener les filles pratiquantes au collège (l’AS par exemple) vers les clubs.En tennis, la mixité est de mise jusqu’à 8 ans mais parfois, à 12 ans, les filles ne sont plus que 5 en com-pétition, du coup, la FFT réfléchit à changer les limites d’âge pour résoudre ce problème de mixité.L’idée de lancer des adhésions familiales est intéres-sante mais trouve sa limite dans le fait que les pères veulent jouer avec leurs amis et les ados ne veulent pas pratiquer avec leurs parents.De même, il est intéressant de faire venir les mamans lorsque leurs enfants pratiquent : deux espaces dans le gymnase, un pour les activités des enfants et l’autre pour les mamans.La Présidente de l’UNSS 93 explique que la proximité, l’accessibilité, le tarif et le personnel encadrant (car les enseignants sont connus et génèrent de la confiance) ne sont pas considérés comme des freins à la pratique sportive. Il y a 43% de filles au sein de l’UNSS 93, 14% des collégiennes prennent une licence contre 22% des collégiens. De plus, les jeunes ont accès à la formation pour être arbitre ou officiel. Mais on déplore beau-coup de pertes de pratiquants vers la 3e car certains s’orientent vers les lycées professionnels où la pratique féminine est notoirement en piteux état.

le poids des représentations reste lourd et beaucoup de choses doivent encore changer sur ce plan ; il est sans doute souhaitable de mettre en place un

encadrement composé d’entraîneurs féminins et mascu-lins. Cela permet de dépasser quelques appréhensions ; la diversification des pratiques, notamment en loisirs

est un outil indispensable, même s’il ne faut pas enfer-mer les pratiquantes féminines dans le seul champ du loisir, du sport-santé ou de l’entretien physique ; les conditions d’accueil doivent être adaptées, mais

jusqu’à quel point ? Que faire en cas de refus de pratiquer en mixité ? Quand on propose des activités réservées aux seules femmes, il est important de se laisser la possibilité de recréer de la mixité ultérieurement. Il faut également que les femmes voient des perspectives d’évolution pour elles au sein des clubs, que ce soit dans le champ sportif (possibilité d’évoluer jusqu’au plus haut niveau de pratique possible), ou dans le champ des prises de responsabilités bénévoles au sein de l’association ; le contenu des séances, la façon de les proposer aux

féminines peut également être un facteur permettant de garder les femmes au sein des clubs (voir atelier 3) ; il faudrait faire évoluer les règles fédérales qui im-

posent de séparer les sexes, notamment à partir d’un certain âge (c’est souvent le cas des fédérations délé-gataires), les clubs locaux devraient pouvoir garder la possibilité d’innover en la matière ; la convivialité est une dimension importante pour la

pratique féminine ; la tarification est une question en débat : faut-il ap-

pliquer des tarifs spécifiques pour les femmes ? Totale ? Partielle ? Selon les tranches d’âge ? Cela peut être une politique intéressante pour permettre aux fémi-nines de franchir le premier pas, mais cela peut aussi produire des effets pervers en termes d’engagement et d’implication (ce qui est gratuit a peu de valeur) ; pour s’assurer que l’ensemble de ces leviers

produisent des effets positifs, il faut agir en conscience, se doter de réels projets dans les clubs, ainsi que d’une vision à long terme (pérennité/durabilité des projets).

Synthèse

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201122 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 23

animé par Jean-Paul MoUILLESSAUX et Vincent THIÉBAULT

Témoins : Noisy-le-Grand Gymnastique et Association de Judo Courneuvien

intervenants : DanièleJAY,Noisy-le-Grand Gymnastique

ChristianeCHAUSSE,AJC

Jean-PaulMOUILLESAUX,FSGT 93

VincentTHIÉBAULT,Service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

En France, et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis, on constate une faible représentation des femmes dans les postes d’entraineurs ou de dirigeantes. Plus on gravit les différents échelons du mouvement sportif, moins les femmes sont présentes (clubs, comités, ligues, fédérations). À partir de ce constat, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis a mis en place un atelier de réflexion dédié à la place des femmes en tant que dirigeantes au sein des clubs. À l’aide des témoignages de deux dirigeantes de club, DanièleJAY et ChristianeCHAUSSÉ, et des différents acteurs participants, l’atelier a tenté de répondre aux questions suivantes : Comment ouvrir davantage la vie associative sportive aux femmes ? Comment développer leur prise de responsabilité comme entraineurs ou dirigeantes au sein des clubs ? Quels sont les déterminants, leviers, actions pour favoriser l’accès des femmes aux postes de responsabilité ?

Deuxtémoinsétaientprésentesafindefairepartdeleursparcoursetexpériencesentantquefemmesdirigeantes: Ancienne judokate, ChristianeCHAUSSÉ, ex-présiden-te d’un club de judo à La Courneuve, a arrêté le sport lorsqu’elle a eu ses 4 enfants. Elle vient de laisser son poste de présidente de l’Association du Judo Courneu-vien en juin 2011. Son parcours montre qu’elle est une militante de longue date. Lorsqu’elle était plus jeune, elle était bénévole dans le ciné-club de son lycée. Aujourd’hui, elle exerce une double activité puisqu’elle est également professeur d’histoire/géographie dans un lycée professionnel. Son mari (qui est entraineur au club) et elle, ont pris en main le club et ils lui ont donnée toute son ampleur. Avant, c’était une section d’un club omnisport. Le club s’est scindé en 2003 et est devenu indépendant. Elle gérait la totalité de la poli-tique du club.Elle s’est rendue compte que son club était délaissé par les femmes et elle a voulu y remédier. Avec son mari, ils ont instauré dans le Comité d’Administration, une proportionnalité entre la part des sièges féminins et le nombre d’adhérentes féminines. Elle a souhaité incorporer cette particularité dans les statuts de son club.De plus, pour elle, la stratégie du club doit répon-dre au contexte dans lequel ce dernier se situe. Par conséquent, elle a créée un cours féminin et un atelier bébé (1an ½) centré sur l’aspect éducatif qui permet-tait de garder les enfants durant le cours de judo de leur mère. De plus, avec la participation de son mari, ils ont pris en compte le positionnement de l’entraineur homme au sein d’une pratique féminine, en l’adaptant.Elle qualifie son parcours de compliqué. En effet, elle était en permanence vers la construction, dans le devenir. S’imposer a été dur pour elle car elle qualifie le monde associatif de « pas facile ». En effet, elle con-sidère le monde associatif comme étant individualiste, sans aucune cohésion entre les différentes associa-tions d’une même discipline.DanièleJAY, présidente du club de gym de Noisy-le-Grand, est la mère de deux fils qui, après avoir débuté leur carrière sportive dans le judo (sport qu’elle a pratiqué en loisirs), se sont orientés vers la pratique de la Gymnastique Artistique Masculine. Elle s’est peu à peu investie dans le club de ses enfants en devenant

secrétaire du club. Effectuant aussi bien des tâches de secrétaire que de présidente, elle brigua par la suite le poste de présidente, qu’elle obtint. Elle devint par la suite trésorière du Comité Régional de Gymnastique d’Île-de-France et Marne (CRIFMA). Après avoir mo-mentanément interrompu son investissement au sein du CRIFMA, elle y revint en tant que vice-présidente.Le club de Gymnastique de Noisy-le-Grand est un club au rayonnement départemental qui compte actuellement 950 licenciés (Ba-by-gym, Fitness, GAM, GAF,…). Il est le club de France qui compte le plus de licenciés masculins. Le club compte de nombreuses licenciées en Gymnastique Artistique Fémi-nine mais le nombre de licenciés masculin reste le plus important. Le but de DanièleJAY était de rééquilibrer la tendance.DanièleJAY a choisi ces fonctions car elle avait besoin de s’investir dans quelque chose. Avant sa présidence, Danièle était surprise du manque de communication dans le club. Elle avait envie de changer cette situation et elle a décidé de prendre les choses en main. Son mari a eu du mal à comprendre l’investissement de sa femme mais il la soutient. Elle retrace son vécu de femme dirigeante comme étant « un par-cours où l’on est amené à vivre toutes les situations, du meilleur au pire ». Elle insiste sur le fait que cet engagement doit être une envie et ne doit pas demander de retours ou des remerciements. Nous pouvons énumérer de nombreux points communs à ces deux profils de femmes dirige-antes.Tout d’abord, il y a pour ces deux femmes une réelle volonté de diriger. En effet, elles ont une histoire en tant que dirigeante et cumulent même plusieurs postes à responsabilité. Leur investissement a commencé jeune et leur passé a motivé les actions du présent.Toutes deux ont pris leur fonction suite à des difficultés dans leur club qui imposaient de remettre de l’ordre. Elles ont souhaité prendre les choses en main et se sentaient compétentes pour le chantier qui les at-tendait. Elles ont saisi les opportunités qui s’offraient à elles et invitent toutes les femmes à faire de même.

Leur investissement et leur désir d’engagement sont sans limite et se cristallisent dans le club.De plus, leurs interventions se sont perpétuées au-delà même de leur simple fonction de présidente puisqu’elles se sont fixées des objectifs en corrélation avec leur prise de pouvoir. En effet, toutes deux se sont engagées dans le développement de la pratique

sportive féminine. Elles ont fait en sorte d’ouvrir leur club à plus de mixité et elles en ont fait une de leur mission.

Pour se faire, elles pensent qu’il est nécessaire de développer la personnalité des femmes ainsi que leur implication. Elles font en sorte de donner aux jeunes la responsabilité de préparer l’avenir et de considérer les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes, et ce, dès l’enfance.

Atelier 2 : « Quelle place pour les femmes dans les clubs ? »

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Pour finir, toutes deux mutualisent leurs parcours avec celui de leur conjoint et/ou de leur famille. En effet, elles ont besoin du soutien et de l’engagement de leur proche pour réussir. Ces deux femmes sont mères de famille et c’est grâce à l’organisation qu’elles mettent en place avec leurs maris qu’elles peuvent se con-sacrer à leurs fonctions. De plus, nous constatons une filiation dans l’investissement sportif. En effet, que se soit dans un sens ou dans un autre, les membres d’une même famille sont attirés au sein du même club ou de la même pratique sportive. Ainsi DanièleJAY, s’est investie dans le club de gymnastique dans lequel ses enfants pratiquaient et, l’investissement de ChristianeCHAUSSÉ (et de son mari) a amené trois de leurs en-fants à s’y engager également.

Ledébatporteglobalementsurtroisquestions:

1/Femmesdirigeantes:uneplacequidoitêtreconcé-déeparleshommes?L’hypothèse selon laquelle ce sont « les hommes qui doivent laisser des places aux femmes pour qu’elles puissent les prendre1 » a été émise. En effet, certains pensent que cela serait une solution pour faciliter l’accès aux femmes aux postes de dirigeantes. À con-trario, la plupart des femmes revendique leur liberté en prônant le fait qu’elles n’ont pas besoin qu’on leur donne une place mais qu’elles doivent elles-mêmes la prendre. Cependant certaines femmes n’osent pas ou ne pensent même pas à postuler à des postes à respon-sabilité. Il est donc nécessaire de se demander com-ment aider les personnalités féminines pour qu’elles se démarquent et qu’elles prennent les choses en main.Le récit de ChristianeCHAUSSÉ et DanièleJAY montre qu’elles se sont battues pour en arriver où elles en sont aujourd’hui. Cependant, cette combativité est un trait de la personnalité de chaque individu. Une femme « non combative » ne pourrait donc pas ac-céder aux postes de dirigeantes ? Comment faire pour les aider à y accéder ?

1 Proposrecueillislorsdel’assembléeplénièreetreprislorsdelatableronde

Le président du CDOS, ÉrichBATAILLY, intervient et dit que pour lui il n’y a pas de problème homme/femme. Pour lui, il n’y a pas de plus value particulière liée au sexe de la personne. Il se prononce sur celui ou celle qui répond à ses attentes et se base avant tout sur les compétences acquises au fil des expériences.ChristianeCHAUSSÉ met en avant le fait que lorsqu’on entre dans la vie active, on n’a aucune expérience et on est tous sur le même pied d’égalité. C’est le parcours qui va faire la différence et faire de telle ou telle per-sonne un dirigeant. Pour elle, une femme dirigeante se reconnaît par : son parcours de vie son expérience sa motivation son envie

2/Unetransmissiondepostepareffetdegenre?DominiqueCHARRIER pose la question du passage de témoin et plus particulièrement de la transmission de l’expérience. En effet, être « missionnaire » est un en-gagement outre mesure. Le missionnaire s’use beau-coup, est amené à se décourager et doit donc penser à « passer le flambeau ».L’expérience de ChristianeCHAUSSÉ sur ce sujet est importante puisqu’elle vient de quitter son club et a donc laissé sa place. Son arrêt est une décision famil-iale qui a été prise en concertation avec son mari. Elle a voulu dans un premier temps passer le témoin en douceur en formant le père d’un adhérent. Il semblait avoir la carrure et il l’a donc accompagné dans des réunions. Cependant, elle s’est aperçue qu’il n’était pas assez disponible pour le poste. Elle a voulu façon-ner cet homme pour s’assurer qu’il serait la « bonne personne ». Cependant cette personne ne pouvait pas être son double. Le changement était inévitable, dans le sens où une nouvelle trame se dessinait. Elle a dû l’accepter et se résigner à laisser le club continuer à vivre sa vie sans elle.La notion de rupture est essentielle dans ce genre de situation. En effet, ChristianeCHAUSSÉ ne pouvait pas accompagner le changement, car cela renforçait son intérêt pour son club et l’empêchait de partir. Elle a dû couper toute relation avec son club. Elle a accompagné les membres du conseil d’administration par la mise

en place de réunions afin de leur faire prendre con-naissance des différents dossiers. Aujourd’hui elle est peu satisfaite par la tournure des événements mais ne souhaite plus intervenir. Pour ChristianeCHAUSSÉ, il y a une nécessité de rupture, avec l’idée que chacun doit faire son propre parcours. Les erreurs sont sources d’apprentissages, elle en a fait et elle doit accepter que d’autres personnes en fassent. Elle a transmis le “flambeau”.DanièleJAY ajoute une précision en affirmant qu’il est primordial de travailler avec des personnes plus jeunes en transmettant son expérience. Le départ d’un poste de dirigeant ne s’improvise pas si l’on veut assurer une certaine pérennité au club.

3/Desfemmesfédérantd’autresfemmes?Comme tous les dirigeants de club, ces femmes sont confrontées aux difficultés de mobiliser des bénévoles. Le plus difficile est de trouver des volontaires pour oc-cuper les postes des membres du bureau (trésorier et secrétaire). En effet, ces postes demandent des compé-tences qui se font rares dans le contexte économique et social auquel est confronté la Seine-Saint-Denis.DanièleJAY rassemble beaucoup de femmes au sein du bureau et du comité de son club. La question de l’engagement féminin auprès de dirigeantes féminines se pose. Mais quels sont les arguments qu’elles avancent pour motiver autour d’elles ?Pour DanièleJAY le manque de temps est une excuse et ne peut pas être un motif de non investissement. Elle essaie d’éviter de recruter des personnes qui avancent cet argument. Cependant, il est possible que certaines femmes aient peur de l’engagement et ne sachent pas dans quelle mesure s’investir. En effet, DominiqueCHARRIER montre aussi que le fait d’être une dirige-ante très investie peut devenir contre productif : les autres personnes ne pensant pas pouvoir s’investir autant. Par son engagement le militant associatif « missionnaire » peut parfois décourager les individus qui gravitent autour de lui et qui pourrait s’investir. Or, si le « missionnaire » est plein de bonne volonté, il a souvent des difficultés à tout assumer.ChristianeCHAUSSÉ fait comprendre à ses adhérents qu’elle est « la représentation de ces licenciés, qu’elle

n’est pas décisionnaire et que le club a besoin de l’investissement de chacun pour survivre ». Si per-sonne ne s’investit, les enfants ne pourront plus pratiquer et se retrouveront dans la rue. Pour elle, le pouvoir est entre les mains des parents et c’est à eux de d’en saisir en participant à la vie du club. Il y a donc la nécessité de prendre du temps pour former. Il est nécessaire de souligner pour ChristianeCHAUSSÉ que dans les fondamentaux du club il y a l’esprit de famille. Elle fait comprendre aux parents que ce club est le leur et cela s’en ressent sur la participa-tion à l’assemblée générale (70% des licenciés).

Les solutions pour développer l’accès des femmes aux fonctions de dirigeantes restent à développer.Aujourd’hui, des subventions sont allouées pour dével-opper la pratique féminine et la formation de cadres mais elles sont souvent détournées de leur but pre-mier. C’est un effet pervers des subventions allouées dans le cadre d’appels à projets pour les femmes (par effet d’aubaine, on récupère plus de subvention quand on affiche la volonté de développer la pratique fémi-nine).La formation de dirigeante s’apprend en partie sur le terrain et surtout avec la collaboration des hommes. Être dirigeante permet de voir tout un panel de métiers et d’acquérir un nombre conséquent de compétences. Dans un premier temps, pour pallier le manque de femmes dirigeantes au sein du mouvement sportif il faudrait remédier au manque de temps qu’elles subis-sent. En effet, les femmes, plus que les hommes, sont souvent occupées par la gestion du foyer (tâches mé-nagères, enfants, …), tout en exerçant un emploi. Leur donner législativement du temps dédié au bénévolat pourrait aider les femmes à s’engager. Cependant, il n’y pas de solution technique pour per-mettre un accroissement des femmes aux fonctions de dirigeantes. Cette problématique est la résultante d’un construit culturel de notre société que l’on doit bouleverser afin d’amener à une révolution sociale des mentalités.Il parait essentiel de noter que le plaisir est fondamen-tal et que c’est un levier réel pour être dirigeante.

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Conclusion

Les expériences de ChristianeCHAUSSÉ et DanièleJAY permettent de montrer que de nombreux facteurs interviennent dans cette problématique comme le manque de temps dû à la gestion par la femme du foyer (en-fants, réunions tard le soir...) ou encore les préjugés et stéréotypes (manque supposé de charisme, de compétences...). Dans cet atelier, elles nous ont fait comprendre que devenir dirigeante dans un club provenait d’une réelle volonté de leur part avec un fort désir d’engagement.Suite à ces échanges entre les différents acteurs, des propositions ont été émises afin de faire évoluer cette problématique par rapport au faible taux de femmes dirigeantes dans le monde du sport. La mise en réseau des dirigeantes pour-rait être un début de solution en essayant d’optimiser ces relations. Mais le point qui semble le plus important concerne toujours l’évolution de la société sur le plan des mentalités. Ceci pourrait passer par la mise en place d’actions, voire de contraintes statutaires, au sein même des organisations sportives afin de faire pren-dre conscience aux individus qu’une femme dirigeante peut être capable d’assumer ces responsabilités.Cette prise de conscience passe notam-ment par des volontés politiques qui depuis quelques années prennent de plus en plus en compte cette problématique.

animé par Cécile NACHBAUR et Cécile BoUFFINIER

Témoins : SNEP et SDUS tennis de table intervenants : SergeREITCHESS,SNEP

Jean-ClaudePICARD, SDUS, Tennis de table

CécileBOUFFINIER,Service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

CécileNACHBAUR, Service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

Pour introduire le sujet, CécileNACHBAUR du service du sport et des loisirs du Département rappelle que la proposition de cet atelier a été construite suite aux entretiens préparatoires réalisés en amont du colloque. Les entretiens auprès des acteurs et notamment ici, auprès des entraîneurs et encadrants dans les clubs font ressortir trois points majeurs qui caractérisent la pratique sportive féminine : les femmes sont assidues et compétitives, et

s’engagent volontiers dans un projet de club lorsque celui-ci est intéressant ; la question de la qualité du relationnel est au cœur

de leur pratique : l’explication du sens de ce que l’on fait, l’équité ou encore la confiance envers leur entraî-neur et la confiance qu’il leur donne sont des attentes qui ressortent des entretiens ; les femmes accordent une importance plus

marquée que les hommes à la variété des séances d’entraînement, à leur caractère ludique et à la convivi-alité au sein du groupe et du club.

Cette introduction permet de poser la problématique suivante : comment adapter le contenu, la pédagogie et proposer un projet pour attirer et garder les femmes au sein d’un club ?SergeREITCHESS, enseignant d’EPS, syndicaliste et entraîneur sportif a tenté d’apporter au débat ses « certitudes dans le but de les faire fructifier ». Fort de ses 30 années d’expérience dans le monde du sport, il considère que la réussite des femmes dans le sport serait une réussite universelle et une réussite de tous. Il souligne tout d’abord l’inégalité d’accès à la pratique parmi les femmes en évoquant les variantes détermi-nantes que sont la vie en ville et le revenu. En effet, une femme cadre habitant en ville pratiquera plus facile-ment une activité sportive. Cela dit, M.REITCHESS met en avant les acquis de la progression du sport féminin : l’officialisation d’une pratique EPS obligatoire, la réus-site au haut niveau et le développement des sections féminines dans les clubs. Dans un second temps, il expose le problème des stéréotypes, l’explique par l’histoire de la création du sport. Les pratiques sport-ives ont des racines masculines, le sport était dès le départ, « une confrontation de la force ». Ceci confère aujourd’hui au sport une image virile qui ne correspond pas à l’image des femmes qui, de manière stéréotypée, ne s’intéresseraient qu’au bien être. Un second stéréo-type est évoqué : celui de la pratique distante du sport à l’école par les filles (dispenses, oubli de la tenue ves-timentaire adaptée, etc.). Ainsi, les filles se conformant à ces stéréotypes peuvent rester d’éternelles débu-tantes, à tel point que nombre de professeurs d’EPS compensent ce phénomène par l’attribution de simples notes de participation. La réponse de l’Éducation Natio-nale a été aussi de développer les activités d’entretien.SergeREITCHESS propose alors des pistes de réponse pour assurer la pérennisation de la pratique fémi-nine scolaire ou associative. Il convient de sortir de la fatalité et de s’émanciper des stéréotypes et des héritages masculins du sport évoqués précédemment.

le profil des deux dirigeantes qui ont témoigné révèle qu’elles sont des militantes engagées depuis fort longtemps. Leur parcours montre qu’elles ont dévelop-pé leurs compétences sur le long terme. Elles quali-fient leur parcours de façon contrasté : à la fois source de plaisir et d’épanouissement, mais aussi, source de difficultés puisqu’il leur a parfois fallut s’imposer dans un monde très masculin et peu accueillant ; le rôle de la famille est important pour pouvoir

gérer à la fois leurs engagements associatifs et la vie du foyer. À cet égard, le rôle du conjoint est primordial. Quand le conjoint est partie prenante de la vie du club, il peut même être un élément facilitateur. L’inscription des enfants au sein du club est également importante : elle est même parfois déterminante pour s’engager ; la transmission du flambeau est une préoccupation

de ces dirigeantes ; à bien des égards, ces deux cas peuvent paraître

exceptionnels. Leur rôle de bénévole « missionnaire », en tout cas très engagée, peut d’ailleurs constituer un frein à l’engagement d’autres bénévoles : qui peut se sentir à la hauteur d’une telle mission, d’une telle tâche, face à ces militantes ? Dès lors, que pourrait-on faire pour améliorer la situation pour toutes les femmes au sein des clubs ? ; l’outil statutaire est-il un levier incontournable ?

Imposer dans les statuts des clubs une proportion de dirigeantes constitue-t-il une bonne solution ? Le débat n’a pas tranché entre nécessité d’agir et d’imposer des règles pour laisser de la place aux femmes et risque de stigmatiser ou de promouvoir des bénévoles au seul motif qu’elles sont femmes ; la mise en place d’un réseau des femmes dirige-

antes pourrait-elle participer à l’amélioration de la place des femmes au sein des clubs ? Cette solution a été reçue positivement. Les dirigeantes ont en effet besoin de reconnaissance ; est également apparue l’importance d’agir sur les

représentations en valorisant l’engagement féminin dans la vie associative. Les femmes sont nombreuses au sein des clubs. Elles constituent un vivier de com-pétences souvent peu exploitées ou peu reconnues. Il faudrait donner à voir leur importance dans le mouve-ment sportif.

Synthèse

Atelier 3 : « Comment construire une pratique sportive féminine pérenne ?»

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Il émet alors une proposition critique de l’encadrement de l’activité féminine en trois parties : premièrement, la manière d’aborder les règles

d’un sport est déterminante. En 1850, les pratiques ont été créées en signalant des règles, des interdits, (par exemple l’interdiction de marcher trois pas balle en main au basket-ball). Aujourd’hui la présentation d’un sport par ces interdits constitue un véritable obstacle à la pratique féminine qui recherche d’abord une mise en confiance. Il convient alors d’insister sur les droits afin de libérer l’individu et de favoriser son plaisir de pratiquer : « réaliser cette consigne permet de … » ; dans un second temps, les pré-requis physiques

ne doivent pas constituer un frein à la pratique, sans quoi, la femme quittera la pratique se disant qu’elle n’est pas faite pour ça. À l’inverse, une entrée par le jeu permettra à la personne de progresser techniquement et d’acquérir la force au fur et à mesure ; enfin, de la même manière, les qualités techniques

doivent se travailler par le jeu, en milieu scolaire comme en club. La critique d’éventuelles lacunes tech-niques par l’entraîneur aura plus tendance à éloigner la femme ou la jeune fille de la pratique sportive.Ces observations relativisent le besoin de relation-nel et de sécurité que chercheraient les femmes. Une relation d’aide, de mise en confiance, mais aussi une évolution des règles, des contenus et notamment la finalité de la consigne, sembleraient plus adaptés.

Suite à l’intervention de SergeREITCHESS, différentes personnes présentes lors de cette table ronde ont été invités à intervenir.Tout d’abord, l’Adjoint au Sport de la ville de Tremblay-en-France a souligné l’importance de la question de la formation des professeurs d’EPS. En effet, la pratique du sport au cours de la scolarité des indivi-dus est extrêmement importante car elle constitue souvent le premier contact avec une pratique sportive pour les filles. D’où l’importance de pouvoir disposer d’enseignants bien formés à ces questions. De nom-breux cas montrent que c’est lors de ces premiers contacts que des individus s’attachent ou au contraire refusent une pratique sportive. De nombreuses filles (mais aussi des garçons) auraient ainsi été dégoûtées par le sport à cause d’enseignants trop exigeants ou appliquant une pédagogie excluante. En effet, que ce soit les professeurs d’EPS ou les entraîneurs, les for-mations proposées ne tiennent pas compte de la par-ticularité des publics féminins. Par conséquent, leurs interventions et leurs pédagogies sont inadaptées. Il suggère que la première approche de la pratique sportive chez les filles doive passer par l’école avec un volume horaire plus important.

C’est ensuite CharlottePARMENTIER, Docteure en STAPS de l’Université Paris XI Orsay qui prend la parole. Premièrement, elle fait part d’un témoignage concernant les étudiants en STAPS à qui elle dispense des cours. Ainsi elle raconte que ces derniers ont souvent des représentations très stéréotypées sur les différences sexuées face aux activités physiques et sportives. Sachant qu’ils seront les futurs profes-seurs d’EPS, cela est plutôt alarmant. En réponse à l’intervention précédente, CharlottePARMENTIER confirme qu’un véritable travail doit être fait sur ces questions au niveau de la formation des futurs ensei-gnants.Ensuite, elle montre que ces stéréotypes sont bien ancrés dans la société française en général. En effet, ces différences sexuées existent dès la petite enfance. Le discours des parents, des familles, des enseignants et de la société dans son ensemble sont tellement puissants sur cette question que des enfants âgés de trois à six ans, ont déjà des stéréotypes et des blocages sur les pratiques sportives. Il conviendrait donc de faire

un travail sur la question de la pratique sportive des femmes dès les premiers instants de la scolarisation, c’est à dire dès la maternelle ou même dès la crèche.Suite à cette intervention, c’est le Président du Comité départemental de Volley-ball de Seine-Saint-Denis qui prend la parole. Il souligne l’importance d’une journée comme celle ci et suggère la chose suivante : « don-nons envie au lieu de donner des interdits ».Ce dernier nous a alors fait part d’un constat d’échec de la pratique du volley-ball en club qui perdait chaque année un certain nombre de licenciés, notamment masculins. De plus, il est revenu sur le fait que cette pratique a souvent été marginalisée de part le fait qu’elle devenait essentiellement féminine. Pourtant, cette discipline porte en elle des vertus liées au fait qu’il n’y a pas de contact violent entre les équipes en opposition qui peuvent favoriser la mixité et la pra-tique des femmes. Il déplore alors justement le fait que les garçons boudent cette pratique sportive et que la plupart du public masculin est un public débutant, non sportif. (Il utilise ici l’expression de « déchets du Sport » pour répondre à une interpellation de SergeREITCHESS).

Effectivement, en réponse à cet intérêt pour le Volley-ball,SergeREITCHESS reprend la parole et décrit une situation calamiteuse lors des cours de Volley-ball. Les enseignants ne considérant que très peu cette pratique qui est pourtant inscrite dans les programmes.Jean-ClaudePICARD ancien enseignant d’EPS et dirigeant au sein d’un club de tennis de table, quant à lui, expose, par l’intermédiaire d’exemples concrets, quelques pistes qui pourraient permettre de pérenniser et de renforcer la pratique féminine. Il organise son intervention en deux parties distinctes : la première sur ses interventions en milieu scolaire et la seconde sur son expérience dans le milieu associatif.

1. Après de nombreux échanges avec ses élèves, il a constaté que les filles attendaient de leur relation avec l’enseignant, de l’honnêteté et de la reconnaissance. Il a également constaté une chose importante : les filles ont du mal à s’exprimer en présence des garçons. Il a alors entrepris de séparer les filles et les garçons pendant les cours d’EPS. On parle ici de « dé-mixage ». Il releva moins d’absences, moins de dispenses et sur-tout un meilleur investissement de la part des élèves.

Ensuite, il rejoint les propos de SergeREITCHESS en insistant sur la notion de pédagogie positive qui consiste à organiser la pratique autour de ce qui est autorisé et non de ce qui est interdit. Le sport n’est alors plus vécu comme une contrainte : cela est très important pour le public féminin.

2. Il poursuit ensuite son intervention en nous parlant de son expérience dans le milieu associatif (club de tennis de table) où il constate un certain nombre de choses : il relève un problème de motivation à long terme

avec de réelles différences entre les filles et les gar-çons qu’il a du mal à s’expliquer ; il insiste aussi sur le fait que certaines cultures

nécessitent un encadrement féminin pour les femmes (femmes et filles de religion musulmane) : cela peut être favorable ; au-delà des conditions matérielles et financières, la

mise en place d’un sport équilibré relève surtout d’une volonté politique et associative.Pour conclure sur cette intervention, nous constatons que la construction d’une pratique sportive féminine pérenne ne passe pas par une seule et unique solution.Les axes de travail que l’on peut noter sont les suiv-ants: le « dé-mixage » qui permet de mieux s’approprier

une pratique ; l’encadrement par des femmes qui peut permettre

un accès plus large à la pratique.Suite à la prise de parole de Jean-ClaudePICARD, SaïdBENNAJEM, entraîneur de boxe à Aubervilliers, insiste sur le fait que trop souvent, les politiques, les dirige-ants et les enseignants se cachent derrière un manque de moyens matériels et financiers. Ce manque est bien réel, mais la construction d’une pratique sportive féminine pérenne doit émaner d’une volonté politique et associative.

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Pour ce professionnel, la pérennisation de la pratique féminine passe par des actions dans les écoles. Dans son club, il a utilisé plusieurs leviers d’actions permettant le développement de la boxe féminine : un tarif préférentiel sur les inscriptions ; l’aménagement des vestiaires pour ac-

cueillir les filles dans son club ; la sensibilisation des parents par l’action

« dynamique boxe » organisée le samedi matin avec un accueil pour les enfants ; la féminisation de l’encadrement dirige-

ant.Il a ensuite insisté sur le fait qu’il fallait qu’un club soit totalement mobilisé autour de la pratique féminine pour que cela fonc-tionne. Dans son club, tous les encadrants ainsi que les pratiquants masculins sont mobilisés pour les filles et les considèrent comme une partie essentielle du club.Le but de ses actions est de démocratiser la pratique féminine par un travail de cohésion partagé par tous les membres du club à la fois masculins et féminins.CécileNACHBAUR reprend les principaux points sur lesquels il faudrait s’appuyer afin de pérenniser la pratique féminine dans les clubs. Il faudrait repenser les formations de cadres techniques qui sont inadaptées puisqu’elles ne prennent pas en compte la complexité de la pratique féminine et plus particulièrement la spécificité des aspects relationnels et ludiques. Pour ce faire, elle préconise de s’orienter vers une pédago-gie positive pour lutter contre les stéréo-types avec une volonté réelle et collective pour pallier les différents problèmes de moyens et plus précisément de créneaux, d’équipements et de financements.

animé par Christine BRETAGNE, Fatimata WAGUÉ, Cécile DEMEURE et Sébastien ANDRÉANI

Témoins : Ligue de Tennis du 93, Comité départemental de Basket, Ville de Tremblay-en-France

intervenants :DidierCOFFRE, Ligue de tennis 93

MichelBODARD,Ville de Tremblay-en-France

AlainLISTOIR, Comité départemental de Basket

Jean-ClaudeRESET,Comité départemental de Basket

ChristineBRETAGNE, Conseillère pédagogique en EPS, Inspection académique

FatimataWAGUÉ, Service du sport et des loisirs, Département de la Seine-Saint-Denis

L’objet et l’enjeu de cet atelier était de répertorier des expériences, des réflexions et différents points de vue d’actions institutionnelles visant le développement de la pratique sportive féminine.Cette table ronde a permis de réunir des acteurs institutionnels de la Seine-Saint-Denis afin de repérer le rôle des institutions dans la mise en place et/ou l’accompagnement de projets, et d’échanger sur des moyens d’actions au travers de témoignages.

Le premier témoin à s’exprimer en tant qu’acteur insti-tutionnel privé et sportif, la Ligue de Tennis de Seine-Saint-Denis, expose sa stratégie incitatrice en termes de développement de la pratique féminine.Le premier constat est la baisse du nombre de licen-ciées féminines tant en compétition qu’en loisirs, qui est plus importante dans le 93 au regard de la moyenne nationale. La ligue de tennis a aussi relevé un faible

taux de renouvellement des licences et le vieillisse-ment de la moyenne d’âge des pratiquants. D’autres constats ont été faits à savoir un abandon important chez les 14/15 et 16 ans, un taux de fidélisation faible, la perte d’effectifs en hiver liée aux équipements sportifs en extérieur. Enfin il a aussi été constaté qu’il y avait peu de femmes dans l’enseignement/encadre-ment de la discipline.À partir de ces constats, des orientations ont été prises par les différents acteurs. Un diagnostic local a été ré-alisé à partir d’entretiens avec les clubs du 93 (entraî-neurs – dirigeants). La ligue a élaboré un projet global de développement ciblant l’école de tennis, la forma-tion et le secteur loisir. Enfin, des objectifs spécifiques aux femmes ont été définis : fidéliser les jeunes filles, les femmes adultes et les plus âgées, recruter les jeunes filles et les fidéliser, améliorer l’enseignement en l’adaptant à la spécificité des femmes (prise en compte de l’âge, du genre), créer des animations spécifiques pour les femmes, identifier les causes de l’abandon de la compétition et celui du loisir, restruc-turer les entraînements à partir des spécificités des femmes, augmenter l’encadrement féminin, améliorer le confort de jeu et promouvoir le tennis à l’école.Les moyens mis en œuvre pour ce projet se traduisent d’abord par la création d’un poste spécifique de con-seillère technique dédié au développement du tennis féminin confié à une femme. Le projet a été porté à la fois par la région, la conseillère en développement et la commission féminine (les déléguées féminines). La commission féminine agit auprès des présidents et des encadrants des clubs du département. Elle fait un travail sur la sensibilisation des femmes en mettant l’accent sur l’accueil des participantes, l’animation des femmes et de leurs enfants. La conseillère en dével-oppement a un rôle de diffusion large et régulière de l’information et de mise en avant des actions. Enfin, l’équipe technique régionale travaille sur le contenu pédagogique, à savoir notamment : le volume de balles frappées, l’aspect ludique, le rassemblement des féminines de 8 clubs, un livret technique pour les enseignants. L’IRDS a aussi joué un rôle d’appui dans ce cadre au travers de l’enquête sur le développement du tennis en Île-de-France.

plusieurs leviers peuvent être actionnés pour as-surer aux jeunes filles et aux femmes qu’elles vont pratiquer le sport dans des conditions qui leur convien-nent ; la proposition de séances de sport fondées sur une

pédagogie positive est importante. Il faut lutter contre les stéréotypes qui relèguent les jeunes filles dans une pratique au rabais ou dans l’acceptation qu’elles sont «perdues» pour le sport. Il faut promouvoir une pédagogie fondée moins sur les contraintes physiques, techniques, ou réglementaires et les interdits, mais qui s’appuie sur une entrée en matière fondée sur la valorisation des progrès, l’autorisation de droits et du contenu très qualitatif privilégiant le jeu et la variété des séances ; à cet égard, la formation des enseignants et des

entraîneurs est importante. Or, il semble que les jeunes enseignants ou les jeunes entraîneurs sont très peu, voire pas du tout formés ou sensibilisés aux spécificités de la pratique féminine ; l’encadrement de la pratique des jeunes filles et/ou

des femmes par des femmes peut être un moyen de les fidéliser ; le dé-mixage des groupes est parfois nécessaire.

Quand il n’est pas subi, mais qu’il procède d’une réflex-ion et d’un projet, le dé-mixage peut être un bon moyen de solidifier la motivation des jeunes filles ; l’aménagement des équipements est un paramètre

important. L’aménagement de vestiaires réservés aux filles est par exemple, un élément favorable à leur inté-gration dans les clubs ; la sensibilisation des parents doit également faire

l’objet de l’attention des clubs. Il est important de lutter dès le plus jeune âge contre les stéréotypes qui assig-nent les filles dans des rôles ou des sports spécifiques ; la tarification peut être un moyen d’attirer et de

garder le public féminin ; et surtout, le projet du club, porté au quotidien par

les instances dirigeantes de l’association est primor-dial. Il est important que le club tout entier porte cette préoccupation d’accueillir et de garder les pratiquantes dans les meilleures conditions pour leur épanouisse-ment.

Synthèse

Atelier 4 : « Les acteurs institutionnels, moteurs d’incitations et d’innovations ?»

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Enfin, pour la réalisation de ce projet, plusieurs actions ont été pensées et mises en œuvre afin de répondre aux différentes attentes des pratiquantes qui peuvent être la compétition ou le loisir. Le premier dispositif présenté lors de cette table ronde est la mise en place d’une animation spécifique pour les femmes avec une animation tennis enfants en parallèle, ce qui permet de faciliter l’accès des femmes. Plusieurs actions ont été développées : la valorisation des déléguées féminines lors de l’Open Gaz de Coubertin, la valorisation des actions des clubs. De plus la ligue de tennis a créé un pôle technique régional (10 personnes : 4 permanents + appui d’enseignants de clubs formateurs). Un livret pédagogique pour les 5/6 ans a aussi été créé et mis à disposition des encadrant(e)s. Enfin, deux dispositifs de promotion de la pratique féminine ont été mis en place. La ligue à organisé des journées « d’animation » pour les 7 ans qui rempla-cent les journées de détection (trop stressantes). Elle a rendu gratuite la formation professionnelle pour les jeunes filles licenciées de plus de 25 ans.

un second témoignage complémentaire a été proposé par le Comité Départemental du Basket du 93 qui a exposé, pour sa part, une stratégie ascendante. Un constat principal a été fait par le comité : l’effectif des féminines est en baisse, ce qui induit des difficultés à former des équipes féminines.Le comité a alors présenté les actions qu’il a mises en place pour tenter d’y remédier. D’abord, les inscriptions pour les petites filles et les jeunes filles on été rendues gratuites, une réduction sur le prix d’engagement des équipes féminine a été faite. De plus des manifesta-tions spécifiquement féminines ont été organisées et valorisées. Enfin, le comité départemental a adapté la réglementation (niveau administratif) en permettant de jouer à 4 contre 4, tout en facilitant les transferts de club et en rendant possible de jouer dans deux clubs.JeanJOURDAN (UFR STAPS Orsay) souligne que les 2 exemples présentés renvoient à des motivations initiales différentes pour la place des femmes dans le sport : entre mise en œuvre des principes républicains de l’égalité ou conséquence d’une démarche marketing pour répondre à la fois à la baisse constatée du nom-bre de licenciés et aux incitations contractuelles de la convention avec le ministère.

les 2 exemples montrent surtout que les innova-tions s’organisent autour de deux logiques différentes : une impulsion verticale descendante dans le cas de la fédération de tennis qui organise une stratégie de recrutement, d’amélioration du niveau des compétitri-ces, de fidélisation des publics et d’amélioration de son encadrement; et qui invite ses ligues et comités à la mettre en œuvre sur leurs territoires ; une impulsion verticale ascendante dans le cas du

comité basket, qui choisit une stratégie volontariste, qui interpelle une fédération peu mobilisée par cette question et qui expérimente des solutions (nombre de joueuses et mixité) en rupture avec la logique sportive traditionnelle.

Dans un troisième temps, la ville de Tremblay a exposé sa démarche d’accompagnement, en tant qu’acteur institutionnel public. L’intervenant a rappelé deux élé-ments primordiaux dans la mise en place des projets : la nécessité pour les collectivités territoriales d’être in-formées des politiques sportives des clubs, et la prise en compte de la spécificité du territoire dans la mise en place de projets.D’une façon générale, la ville s’inscrit dans une dé-marche d’accompagnement de ce qui existe déjà ou de ce que les clubs veulent faire. Il est nécessaire selon elle, de flécher les conventions d’objectifs en direction des féminines. Le soutien à des projets spécifiques doit être affiché comme axe prioritaire. Le soutien aux manifestations et aux projets est essentiel, il se traduit par un accompagnement des clubs dans leur démarche. Il apparaît aussi indispensable de valoriser la diffusion d’informations sur les pratiques sportives féminines autant que sur celles des pratiques mascu-lines. De la même manière, la politique de soutien au haut niveau doit être aussi importante pour les femmes que pour les hommes

Lors du débat qui s’en est suivi, des interrogations ont été portées sur le bien fondé de la spécificité de la pratique féminine, le rapport à la mixité et la mixité comme axe de développement de la pratique féminine. Le constat est qu’il ne faut pas forcément séparer les garçons et les filles, mais qu’il faut veiller à ce que les filles ne soient pas isolées.

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La mise en relation de trois acteurs institutionnels -les collectivités locales, les comités départementaux et les clubs, permet de se rendre compte que les institu-tions peuvent et doivent influencer le développement de la pratique féminine. Ces acteurs ne peuvent être moteurs d’incitations et d’innovations que s’ils agissent en complémentarité. Un projet de développement de la pratique féminine ne peut pas être porté par un seul acteur, ainsi ce ne peut être que le fruit d’une politique volontariste et convergente de tous les acteurs du sport.

À travers cette table ronde, on a aussi pu déterminer les freins susceptibles d’apparaître sur la question du sport féminin. Les freins politiques se traduisent par le manque de mobilisation des institutions autour des projets de ce type. À ce niveau, le politique entre en jeu, en décidant de soutenir ou non le dispositif en fonction de ses priorités. Ainsi, un projet porté par une association par-ticulièrement mobilisée avec le soutien de son comité départemental, peut ne pas être mené dans de bonnes conditions si la ville décide de ne pas le soutenir pour des raisons politiques et/ou économiques. On peut par exemple imaginer qu’il y ait un manque de visibilité, un manque de moyens humains ou matériels…

plusieurs stratégies sont à l’œuvre de la part des instances fédérales : des stratégies descendantes et des stratégies horizontales. Des stratégies descen-dantes sont à l’œuvre quand une fédération a fait le choix de s’emparer de la question de la pratique féminine et qu’elle développe des projets et des ac-tions pour la favoriser. Des stratégies horizontales s’observent dans les disciplines où le développe-ment de la pratique féminine est une préoccupa-tion des acteurs de terrain. Dans ce cas, il semble important qu’ils puissent disposer de suffisamment de marges de manœuvre pour adapter les régle-mentations fédérales aux réalités des territoires ; les collectivités développent elles aussi des

logiques différentes : soutien et accompagnement des projets quand ils existent et incitations diverses pour susciter les initiatives du tissu sportif local. Dans les deux cas, leur rôle est fondamental ; des freins ont été identifiés, notamment quand

les volontés des uns et des autres ont du mal à se rencontrer. Mais le manque d’équipements sportifs et/ou leur inadaptation, ainsi que le difficile partage des créneaux ont également été pointés comme des freins importants à la pratique féminine ; la question de la mixité des pratiques a

également fait l’objet d’échanges, en marquant l’importance de ne pas isoler ou marginaliser la pratique féminine ; les conditions de la réussite des projets liés au

développement de la pratique féminine ont été dé-gagées : la volonté des acteurs de terrain est déter-minante. Ce sont les clubs qui restent les principaux acteurs de ce type de projet. Néanmoins, l’appui et le soutien coordonnés des acteurs fédéraux et pub-lics est un élément essentiel. Le développement du sport féminin ne peut réussir que si l’ensemble des acteurs agit en complémentarité et dans la même direction.

Synthèse

Enfin, les freins sportifs malgré les bonnes volon-tés de chacun peuvent venir du manque de créneaux mis à disposition dans les équipements sportifs, de l’encadrement non adapté au public féminin, du rythme de l’entraînement, du type de pratique (loisirs, compé-tition), des contraintes imposées par la pratique (ex : contrainte de présence), de l’ambiance des séances, etc.Cette table ronde a aussi permis de faire ressortir des leviers d’actions. Un dispositif de développement de la pratique féminine peut être de type ascendant, c’est une association locale qui est à l’initiative d’un projet et qui va faire appel à diverses institutions pour soutenir le projet. Il peut aussi être de type descendant, dans ce cas ce sont les institutions qui vont mettre en place des dispositifs incitant les acteurs locaux à développer tel projet. Quelque soit le type de logique, un des leviers le plus important est la détermination et l’engagement du por-teur de projet dans un premier temps. Dans un second temps, le dispositif pourra être mis en place dans son intégralité que s’il est accompagné par tous les acteurs institutionnels.

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les filles. Ce n’était pas une question de méthode ni de relations, mais de sens que prenaient différemment, pour les élèves, les activités proposées. Dès lors, com-ment concevoir les contenus d’enseignement en tenant compte du rapport de tous les élèves (donc aussi des filles) aux APS, tout en poursuivant la bataille pour la mixité en E.P.S. ?

CharlottePARMANTIERMon goût pour le sport est lié à une très grande sport-ivité de mon entourage familial, avec une volonté très forte de ma mère de ne pas nous socialiser de manière « trop » sexuée et par conséquent, l’incompréhension de mon engagement dans une pratique comme la gymnastique aux agrès en compétition, c’est-à-dire une pratique « féminine » dès très jeune et paradox-alement, l’intérêt porté aux activités manuelles con-sidérées comme masculines comme le bricolage, la mécanique et notamment aux tâches effectuées par mon père ! La rencontre intellectuelle, dès mes pre-mières années en STAPS, avec la sociologie du genre m’a poussée à me questionner sur mes pratiques, certes, mais m’a aussi permis de mieux comprendre les raisons de ma « révolte » contre les inégalités de sexe depuis le lycée et l’idée que déceler, comprendre et tenter d’expliquer l’inégale répartition Hommes/Femmes dans les pratiques, leurs différences de pratique sportive, permettait de mieux comprendre le fonctionnement de la société.

JeanJOURDANLapersistancedesinégalitéshommes/femmesdanslesportest-elled’abordunequestionendogène(liéeàl’histoiredusportetàlaculturesportive)ouexogène(reflétantetnourrissantlesinégalitésàl’oeuvredansl’ensembledelasociété)?

CharlottePARMANTIERComme le montrent les recherches en sciences socia-les du sport, le monde sportif est porteur d’inégalités sociales, culturelles, sexuées. De la même manière que le sport n’est pas intrinsèquement éducatif, il me semble difficile de dire que la persistance des iné-galités hommes/femmes est endogène au sport. Les

valeurs que l’on souhaite transmettre par le sport sont celles de la société dans laquelle on évolue, ainsi, selon un principe peut être un peu simpliste, comme les iné-galités persistent dans la société, elles persistent dans le sport également.

JeanJOURDANLesportpeut-ilrésoudrequelquechose?

CharlottePARMANTIEROui, si on chemine. Les inégalités sont liées à des questions globales qui concernent le sport. Le sport est capable de faire bouger, évoluer et donc de réduire les inégalités de pratique et de transmettre ces évolu-tions à la société. (CF les interventions de l’après-midi, comme le club de boxe d’Aubervilliers). Je crois que le sport peut aider à la réduction des inégalités même si pour cela, il est nécessaire d’avoir des fédérations et des dirigeants conscients et au fait de ces questions.

AnnickDAVISSEPour moi, il faut bien observer le rapport entre les pra-tiques sportives et les conditions de vie des femmes. On a bien vu ce matin dans les statistiques que s’il y a des inégalités hommes/femmes, des écarts femmes/femmes sont importants, et qu’ouvrières et chômeuses ont moins de chances de pratiquer une APS que les cadres. Là on est sur du sociétal. Mais le sport a quelque chose de plus, qui sépare les sexes : le corps. C’est à cause du corps qu’il a été plus long encore d’admettre la présence des femmes dans le domaine du sport. Le corps engage sur le terrain de la sexualité, et ça, c’est un sujet très important pour les personnes, d’un point de vue subjectif. Dès lors qu’il s’agit du corps des femmes, on ouvre la boîte à fantasmes.

JeanJOURDANQu’estcequiaévoluéetqu’estcequibloque?

AnnickDAVISSEMesurons bien l’impact, pour chacun-e, de cette ques-tion du rapport au corps via la sexualité et les histoires

Une militante historique de l’EPS Annick DAVISSE et une jeune docteure en STAPS, Charlotte PARMANTIER, qui travaille sur l’égalité des sexes dans le sport.

Table ronde animée par Jean JoURDAN, Université Paris Sud, orsay

JeanJOURDANJe veux ici souligner : l’originalité de ce colloque dans lequel on a vu le

service du sport du Conseil général produire un état des savoirs ; la qualité de la démarche partenariale et le nombre

et la qualité des échanges dans les ateliers ; l’utilité du décalage artistique par la parole

théâtrale.La séquence de conclusion du colloque ne constituera pas une synthèse des riches travaux de la journée mais sera plutôt un temps de mise en perspective d’une réflexion qui va se poursuivre, comme cela a été le cas lors du premier colloque sur les projets éducatifs qui produit encore des effets avec le journal de la recher-che-action distribué aujourd’hui.Avec DominiqueCHARRIER, nous avons proposé d’organiser le regard croisé de deux chercheuses qui ne s’étaient jamais rencontrées avant ce colloque : CharlottePARMANTIERest une jeune docteure en

STAPS qui travaille notamment sur la socialisation des filles musulmanes par le sport ;

AnnickDAVISSE qui est une militante historique de l’EPS. IPR de 1982 à 1998, militante syndicale et poli-tique qui a notamment écrit avec CatherineLOUVEAU « Sports, école société : la différence de sexes » en 1991, ainsi que -je ne résiste pas au plaisir de citer le titre de cet article sur les filles et les garçons en EPS- qui s’intitule « Elles papotent, ils gigotent ».Je dois dire que c’est un vrai plaisir d’être à leur côté puisque je côtoie Charlotte au sein de notre laboratoire « Sport Politique et Transformations sociales » à Orsay, et que j’ai eu la chance de rencontrer AnnickDAVISSE dans mes premières années de prof d’EPS à la fin des années 1970 et que cela a beaucoup contribué à la transformation de mes pratiques professionnelles, notamment sur les questions de la mixité et des pra-tiques de référence en EPS.Dans le temps contraint de cet exercice difficile en fin de journée, nous avons donc retenu quelques ques-tions susceptibles de mettre les travaux de ce colloque en perspective.

JeanJOURDANComme on comprend mieux les points de vue quand on a compris les parcours, je vais d’abord demander à Annick et à Charlotte : Pourquoi,commentetdansquelcontexteavez-

vousétéconduitesàvousintéresseràcettequestiondelaplacedesfemmesdanslechampsportif?Ce qui va d’abord leur permettre de compléter la présentation succincte que j’ai faite d’elles

AnnickDAVISSEAu début de ma carrière d’enseignante, j’ai enseigné dans un collège d’enseignement technique féminin (LP aujourd’hui), et c’est pour avoir des classes mixtes que j’ai demandé une affectation dans un C.E.S. (col-lège). Mais je me suis aperçue que mettre les élèves ensemble ne suffisait pas pour produire de l’égalité. L’observation de l’échec des filles en EPS m’a alors interrogée sur les contenus de la séance d’EPS. J’ai compris que mon enseignement, comme celui de tous mes collègues –et comme dans les autres disciplines-, était conçu pour un public déjà concerné, comme le sont beaucoup de garçons en sport, et plus rarement

Conclusions et Perspectives Regards croisés de deux chercheuses :

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On voit donc que ces jeunes filles intègrent de manière manifeste, mais à des degrés divers et à différents mo-ments, la culture transmise par l’école et les pratiques sportives : l’importance de la socialisation secondaire apparaît au départ comme plus marquée chez les gym-nastes car leur engagement dans une pratique sportive est plus précoce et induit une socialisation sportive forte et capable de supplanter en partie la socialisation par la famille. Cependant, les stratégies de « contour-nement » des footballeuses montrent l’importance du sport venant « contester » la socialisation familiale. La pratique sportive propose un espace de socialisa-tion qui active et mobilise des dispositions spécifiques et permet aux filles de modifier leur positionnement vis-à-vis des normes sociales, sexuées, familiales et religieuses. La multiplicité et l’hétérogénéité des espaces de socialisation expliquent ainsi la possibilité d’un investissement conjoint des filles d’immigrés maghrébins dans une activité sportive fortement sex-uée et une pratique religieuse plus ou moins assidue.

AnnickDAVISSESur ce registre, je voudrais dire la colère qu’ont déclen-chée chez moi les propos du Ministre Lamour lorsqu’il prétendit que si les « jeunes filles des zones urbaines sensibles » ne faisaient pas de sport, c’est qu’elles en étaient empêchées par leurs frères. Or, avec CatherineLOUVEAU, nous étudions les pratiques sportives des femmes selon leurs appartenances sociales depuis 30 ans. Et, hélas, les femmes des catégories populaires ont toujours été les « exclues » du sport. Mais stigma-tiser les garçons de ces quartiers, cela coûte évidem-ment moins cher, pour l’affichage ministériel, que de combattre les causes des inégalités, dans le sport ou ailleurs… Cette désignation de « coupables » est un axe fort de la conception libérale, d’autant plus préoccu-pant que le « sur-chômage » (1 sur 4), de ces garçons va avec leur « sur-échec » scolaire (grand non - dit de l’école …). Ce n’est certainement pas défendre les filles que de miser ainsi sur la rage de jeunes meurtris par ces échecs.

JeanJOURDANL’introduction de ce matin montre les avancées sur la question et la façon dont elle a progressivement été prise en compte par les organisations et les observa-teurs. Vousavezparticipéànombredecolloquessurcettequestion.Pourquoiuncolloqueest-ilencorenéces-saireaujourd’hui?

CharlottePARMANTIERLes inégalités restent actuelles. En sociologie, il y a beaucoup de productions sur ce sujet. Il existe des arti-cles et de nombreux ouvrages sur ces sujets. J’observe un écart important entre l’avancée des recherches et le terrain qui se réinterroge sur des thématiques déjà étudiées et théorisées. De plus, les acteurs restent, à mon sens, trop peu soutenus par les pouvoirs pub-lics (même si une initiative comme celle d’aujourd’hui montre le contraire…) et ils souffrent aussi de la lente évolution de ces questionnements et des réponses apportées au sein même de la société. Il semble donc nécessaire, à mon sens, de développer davantage les relations entre les chercheurs et les acteurs de terrain et de continuer à articuler théories et pratiques afin que les pratiques puissent poursuivre leur évolution, bien que lente.

AnnickDAVISSEIl est vrai que j’ai parfois l’impression de répéter ces choses depuis plus de 20 ans. Mais il y a une dif-férence de taille : il y a 20 ans le public et les échanges n’auraient pas été les mêmes ! Ainsi certains de mes amis pensaient il y a 20 ans que la réflexion sur le sport pour tous ferait avancer les pratiques féminines, je suggérai qu’il fallait renverser le propos, et que c’est en travaillant sur la question des femmes que l’on ferait avancer le sport pour tous. Ce rapport là entre particulier et général me semble aujourd’hui mieux partagé.Et puis qui dit « colloque » dit rencontre, pour les chercheurs comme pour les acteurs, c’est l’occasion d’échanger sur les expériences des uns et des autres. S’il y avait des recettes, nous les publierions... Il faut donc chercher, et le faire ensemble à partir de ce qui se fait déjà est un bon chemin.

d’amour. Un des freins aux avancées de l’émancipation des femmes, c’est qu’on a pu croire que vouloir se libérer de l’oppression masculine signifierait se libérer… des hommes ! Les hommes et les femmes sont-ils différents ? Oui et non ! Non du point de vue de la liberté que tous doivent avoir de leurs choix ! Régressifs aussi, par exemple, ces propos de DavidDOUILLET, dans une publication de 1998, L’âme du conquérant (sic) : c’est la mère qui a dans ses gênes, dans son instinct, cette faculté originelle d’élever les enfants ; si Dieu a donné le don de procréation aux femmes, ce n’est pas par hasard » et alors : « Pour moi, une femme qui se bat au judo ou dans une autre discipline, ce n’est pas quelque chose de naturel, de valorisant ». Et en plus « On dit que je suis misogyne. Mais tous les hommes sont misogynes. Sauf les ta-pettes » (info du Canard enchaîné du 4/11/2009). Je souhaite insister sur la façon dont de tels propos portent atteinte à la liberté des femmes, et à la diversi-té des motifs qui les poussent à agir. Nous l’avons bien vu dans les arguments présentés dans le spectacle de JudithDEPAULE, sur le rugby féminin : celle-ci aime la baston, celle-là le collectif, l’autre le bien être, etc. Ce qui est régressif, c’est la façon dont le poids du marché, avec les médias, pèserait dans le sens d’un ré-enfermement des femmes (dans des pratiques dites « de la forme » par exemple).Mais s’il y a des régressions, il y a aussi des progrès, notamment dans le sport de haut niveau ; parce que des femmes y accèdent, il donne l’image des pos-sibles (quand les médias veulent bien les donner à voir…). Des progrès aussi dans la façon dont les petites filles, grâce principalement à l’EPS et aux AS, ont ac-cès à certains sports. Je pense aux sports collectifs, auxquels les parents ne les inscrivent pas. Il faut par exemple souligner l’existence des équipes féminines de rugby et de foot en Seine-Saint-Denis. Même si, à l’école, l’engagement durable dans les sports d’opposition reste compliqué pour les adolescentes.

JeanJOURDANCharlotte, tu as travaillé sur la sportivité des filles d’immigrés maghrébins ET musulmanes.Testravauxtroublent-ilslareprésentationconsen-

suelled’unerépartitionentresportsconnotés«mas-culins»etsportsconnotés«féminins»?Celaremet-ilenquestionlesstéréotypessurlesdifférencesentrelesportdeshommesetlesportdesfemmes?

CharlottePARMANTIERJ’ai étudié dans ma recherche de doctorat les modes de socialisation ayant déterminé l’engagement de filles d’immigrés maghrébins dans une pratique sportive d’une part et religieuse d’autre part.J’ai souhaité comprendre les raisons d’un engagement différencié dans deux activités : l’une « masculine », le football, dans laquelle elles sont plus présentes que les non-maghrébines, l’autre « féminine », la gymnas-tique, dans laquelle les filles d’immigrés maghrébins sont très peu représentées. J’ai donc analysé les condi-tions sociales d’accès de ces filles à ces activités, puis identifié les normes sexuées, familiales et religieuses construites par ces filles. La part des stratégies individuelles et des détermi-nants culturels dans le choix et l’investissement dans une pratique n’a d’ailleurs vraiment pas été simple à définir car stratégies individuelles et déterminants culturels sont imbriqués. Cependant, on remarque que la pratique religieuse ne joue pas exactement le même rôle pour les unes et les autres.La plupart des footballeuses, investies dans une pratique religieuse depuis l’enfance, s’appuie dessus pour intégrer, à l’adolescence, un club de football, avec l’accord de leurs parents, eux-mêmes musulmans pratiquants. En revanche, les gymnastes développent leur pratique religieuse à l’adolescence, bien après leur entrée dans une pratique en club, au moment où l’exposition du corps devient particulièrement trans-gressive pour leur entourage. Grâce à leurs pratiques religieuses, footballeuses comme gymnastes montrent à leurs parents et à leurs proches, l’attachement qu’elles ont pour leur culture « traditionnelle » d’origine qu’elles s’engagent ainsi à perpétuer : j’ai, à ce titre, employé l’expression d’une religion « sésame » qui marque l’autorisation don-née aux filles de débuter une activité sportive ou de la poursuivre.

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L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 201140 L’Illustration, IUT Bobigny, Paris XIII, le 19 novembre 2011 41

OUVRAGES,REVUES,ÉTUDES,SITESINTERNETDERÉFÉRENCEBourdieu P., La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, 154 p.Davisse A., Louveau C., Fraisse G. (préf.). Sports, école, société : la différence des sexes. Féminin, masculin et activités sportives. Paris : L’Harmattan, coll. Espaces et temps du sport, 1998 : 352 p.De Kerangal M., Sorman J., Femmes et sport, Paris, Hélium, 2009, 155 p.Héritier F., Masculin / féminin I. La pensée de la dif-férence, Paris, Odile Jacob, 1996, 332 p.Héritier F., Masculin / féminin II. Dissoudre la hiérar-chie, Paris, Odile Jacob, 2002, 443 p.Hurtig M.-C., Kail M., Rouch H., De la hiérarchie entre les sexes, CNRS Editions, 2003, 286 p. Mennesson Ch., Etre une femme dans le monde des hommes. Socialisation sportive et construction du genre, Paris, L’Harmattan, 2005, 364 p.Vieille-Marchiset G., Des femmes à la tête du sport, Presse Universitaire de Franche-Comté, 2004, 260 p.

QUELQUESÉTUDESLes dossiers de l’irDs, N°6, mars 2009, La pratique sportive des Francilienneségalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles, Rapport d’information au Sénat n°650 (2010-2011) de Mme Michèle ANDRE, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, datant de juin 2011À télécharger à cet endroit : http://www.senat.fr/no-tice-rapport/2010/r10-650-notice.html

QUELQUESSITESINTERNET

http://semc.frLe site du pôle ressource national Sport Éducation Mixités citoyennetéOn y trouve un rapport annuel sur la féminisation du sport ainsi qu’une lettre info régulière.

http://www.femixsports.frLe site d’une association qui milite pour les avancées des femmes dans le sport et la pratique du sport en mixité.On y trouve de nombreux articles, études et références.

http://www.sports.gouv.fr/index/communication/statis-tiques/stat-info/Le site du ministère des sports. Cette page regroupe l’ensemble des publications et des études réalisées par la Mission des études, de l’observation et des statis-tiques du ministère des Sports.

Cette journée a été particulièrement dense, riche et fructueuse et je constate que de nombreux participants ont pris plaisir à se retrouver, à échanger sur leurs expériences et souhaitent désormais aller plus loin.

Je tiens à souligner ici mon attachement à la question de la place des femmes dans le sport en Seine-Saint-Denis. Je serai particulièrement attentif à ce que le chantier que nous avons ouvert à l’occasion de colloque soit suivi d’effets dans la politique sportive départe-mentale et ce, à plusieurs niveaux :

Aujourd’hui, nous avons pu constater une nouvelle fois que le rôle de l’équipement qui accueille les clubs et leurs pratiquants, est structurant. Compte tenu du manque d’équipements en Seine-Saint-Denis, cette question doit s’inscrire dans le temps. Il faudra profiter des projets de réhabilitation ou de création pour adapter les équipements sportifs de demain. Le Département est engagé dans la réalisation d’un Schéma de Cohérence territoriale des équipements sportifs : je souhaite que la place des femmes y soit abordée de façon précise et concrète. En attendant, un effort particulier doit être consenti pour dédier des créneaux à la pratique féminine et/ou familiale, et à des horaires adaptés aux femmes !

Le rôle des collectivités est important : elles représen-tent une source de financement incontournable pour le mouvement sportif. À cet égard, je souhaite que les différents dispositifs du Conseil général prennent en compte le nombre et la place des femmes au sein des clubs.

C’est par une volonté soutenue sur le long terme que les mentalités pourront évoluer. L’égalité de traite-ment entre garçons et filles au sein des clubs, notam-ment pour les plus jeunes, doit figurer comme une priorité affichée et mise en œuvre au quotidien dans le fonctionnement de la pratique sportive et de la vie démocratique.

Sur ce plan, le Département entend bien se positionner comme un appui à l’innovation en soutenant toutes les formes de pratique : les pratiques de loisirs et de con-vivialité, les pratiques mixtes, les pratiques familiales, les pratiques proposées aux parents qui accompagnent leurs enfants au club, etc…

Je souhaite donc que le Département poursuive son travail avec le mouvement sportif, qu’il accompagne les expérimentations des clubs du territoire et qu’il enrich-isse ainsi sa réflexion et son intervention en faveur du développement du sport pour les femmes et pour tous les publics.

Ce colloque est le fruit d’un travail collectif et il con-vient de souligner l’engagement des acteurs suivants que je tiens à remercier :

les partenaires sportifs qui ont œuvré, au sein du comité de pilotage ou dans la préparation des ateliers ; les universitaires qui ont accompagné la démarche :

DominiqueCHARRIER, JeanJOURDAN, AnnickDAVISSE, CharlottePARMANTIER, ainsi que leurs étudiants ; l’Université Paris 13 qui a accueilli le colloque dans

ses locaux, notamment Véronique BIGAN ; la compagnie Mabel Octobre, et notamment Judith

DEPAULE, la metteure en scène du spectacle « Corps de Femmes » ; les services techniques qui ont réglé les

aspects de cette manifestation et la direction de la communication ; le service du sport et des loisirs du Département

dans son ensemble, mais aussi notamment CécileDEMEURE, stagiaire qui a effectué un travail considérable sur cette initiative ; tous les partenaires sportifs et les associations

d’éducation populaire ; et SantiagoSERRANO, qui a bien voulu accepter

une nouvelle fois d’animer nos débats.

Conclusion Azzedine TAÏBI

Vice-président du Conseil général chargé du sport

POURENSAVOIRPLUS

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Les signataires s’engagent à soutenir les principes suivants :

• l’ouverture des activités à tous et le respect de l’autre, en s’interdisant toute forme de discrimination liée au sexe, à l’âge, à la nationalité ou à l’origine, à l’orientation sexuelle, à l’origine sociale, aux opinions politiques, à la religion, ou au handicap ;

• la lutte contre toute forme de violence ;

• la possibilité offerte à tous, enfants, adultes, hommes et femmes, de prendre des responsabilités, de favoriser leur autonomie et leur mobilité et d’acquérir les capacités nécessaires à une participation active à la vie démocratique ;

• la promotion d’une pratique du sport fondée sur la créativité ludique des individus, et le respect de l’esprit de solidarité, de justice et d’équité, et l’ouverture à l’autre et au monde ;

• le respect de la dignité, l’intégrité, l’hygiène et la santé de l’être humain, notamment dans la programmation d’entraînements adaptés aux besoins spécifiques des pratiquants, et notamment des enfants ;

• la sensibilisation de chacun au respect et à la protection de la nature et de l’environnement, condition essentielle à la pratique durable d’un sport sain ;

• la lutte contre toute forme de conduites à risque, addictions, dopage, tricherie et corruption par l’information et la formation des dirigeants, des entraîneurs et des adhérents sur les dangers de ces dérives ;

• la diffusion de cette charte éthique auprès des dirigeants, des entraîneurs et des pratiquants.

Dans le cas où un partenaire sportif s’engageant à respecter cette charte manquerait à un ou plusieurs de ces principes, il serait alors convié à s’exprimer devant une commission consultative d’éthique du sport chargée d’émettre un avis sur la problématique rencontrée. Le cas échéant la relation partenariale avec le Département pourrait être tout ou en partie reconsidérée.

Cette commission sera également chargée de proposer aux signataires de la présente charte un espace de soutien, de réflexions et d’échanges.

Sa composition est la suivante :

• membres permanents : Vice-président du Conseil général chargé du sport, représentant du Comité Départemental Olympique et Sportif 93, représentants du service du sport et des loisirs et la mission de prévention des conduites à risques du Département ;

• membres non permanents, consultatifs : autres services départementaux, Universités Paris 8 et 13, Hôpital Avicenne (service physiologie, exploration fonctionnelle et médecine du sport), membres du Conseil du Développement Durable, DDJS 93, DDSP, PSL 93, Comités départementaux, etc.

CHARTEéTHIQUE DU SPORT EN SEINE-SAINT-DENISPRéAMBULELa notion de développement durable comporte plusieurs dimensions : environnementale,économique et sociale. Elle nous impose donc de considérer notre civilisation globalement et de mettre en question l’ensemble de nos modes de fonctionnement.

Depuis bientôt un siècle, le sport est devenu un élément important de notre mode de vie, constitutif en cela de l’activité culturelle de chacun.

Tout au long de la vie, il est un élément constructeur de l’individu d’un point de vue physique, psychologique ou social. Sous certaines conditions, le sport peut être un facteur d’épanouissement personnel et collectif.

Comme toute activité humaine, le sport ne cesse d’évoluer et il est marqué aujourd’hui, tant par la démocratisation de l’accès à la pratique, que par la professionnalisation et la médiatisation du sport de haut niveau. Il connaît également de nombreuses dérives : tricherie, corruption, dopage, exclusion sociale, communautarisme, violence, etc.

Si ces dérives ne sont pas le propre de la pratique sportive et qu’on les retrouve partout dans la société, il n’en demeure pas moins que le monde du sport, parce qu’il se veut porteur de valeurs, a toute sa place à prendre dans la lutte contre ces phénomènes.

L’éthique du sport, née de l’esprit du jeu et de la fête, a pour fondement et pour objectif l’épanouissement et la dignité de l’individu. Il en résulte pour tous ceux qui développent une activité dans le sport, l’obligation de poursuivre une mission d’éducation et de formation qui vise à promouvoir :

- la connaissance de soi, de ses forces et de ses limites ;- le respect de la règle et de l’adversaire considéré comme un partenaire de jeu ;- l’acceptation des différences ;- l’esprit de solidarité, de justice et d’équité ;- la prise de responsabilité et l’engagement ;- le développement de la créativité de chacun.

En Seine-Saint-Denis, territoire riche de sa jeunesse et de sa diversité culturelle, mais aussi marqué par la grande précarité d’une part importante de sa population, les enjeux liés au respect de cette éthique sportive sont immenses et le Département a pour ambition de les porter avec l’ensemble de ses partenaires sportifs.

La poursuite de cet objectif implique un partenariat actif entre le mouvement sportif et le Département, une collaboration fondée sur la reconnaissance réciproque des fonctions éducatives complémentaires de chacun et un engagement des dirigeants sportifs, des entraîneurs et des sportifs eux-mêmes à respecter les principes de la présente charte.

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