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LES GLISSIÈRES DE SÉCURITÉ MÉTALLIQUES SUR OUVRAGES
D’ART
Jérôme MARECHAL
David DE SAEDELEER
MS3
(Materials and Systems for Safety and Security)
Résumé
Le sujet proposé par MS3 (Materials and
Systems for Safety and Security) a pour
objectif de sensibiliser et d’apporter
différentes pistes de solutions techniques
(utilisation des glissières de sécurité) aux
problèmes de sécurité liés aux chocs
pouvant apparaître sur et aux alentours
d’un ouvrage d’art. Dans les solutions, on
peut par exemple citer la problématique de
l’ancrage dans le tablier de pont,
l’importance des sollicitations transmises à
la structure, la longueur minimale
d’installation pour obtenir un
fonctionnement optimal, les possibilités de
déformation, les problèmes de
basculement, la pose en encorbellement ou
encore les raccords avec les dispositifs de
sécurité présents en amont et en aval de
l’ouvrage.
Cette sensibilisation pourra se faire sur
base d’une approche technique illustrée par
différentes réalisations concrètes.
Samenvatting
Het onderwerp dat gepresenteerd wordt
door MS3 (Materials and Systems for
Safety and Security) heeft tot doel
verschillende pistes voor te stellen m.b.t.
de technische oplossingen (gebruik van
vangrails) voor veiligheidsproblemen bij
schokken die zich kunnen voordoen op of
in de buurt van een kunstwerk en te
sensibiliseren voor deze verschillende
pistes. Bij de mogelijke oplossingen
kunnen we bijvoorbeeld de problematiek
van de verankering in het brugdek
vermelden, de belasting op de structuur,
de minimale installatielengte voor een
optimale werking, de mogelijke
vervormingen, de problemen wanneer
een voertuig over de rand valt, de bouw
van een steigerloze uitbouw of de
aansluiting met bestaande
veiligheidsvoorzieningen naast het
kunstwerk.
Het sensibiliseren voor deze pistes
gebeurt op basis van een technische
benadering met illustraties van
verschillende concrete realisaties.
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1. Introduction
Dans le cadre des exigences croissantes en matière de sécurité routière, la norme
européenne EN1317 pour les dispositifs de retenue routier impose des niveaux de
performances de plus en plus élevés. Cette norme implique une modification d’exigences
géométriques vers des exigences de prestation. Désormais, ce n’est plus une géométrie qui
est imposée par le cahier des charges mais bien un niveau de performance laissant plus de
libertés quant aux solutions à utiliser. Nous assistons aujourd’hui à une réelle course à la
performance, en vue d’obtenir de meilleurs prestations et où on demande aux meilleurs
produits de pouvoir retenir des voitures (en minimisant les risques de porter atteinte à
l’intégrité physique des occupants) jusqu’à des camions de 38 tonnes et ce même sur
ouvrage d’art. Cette norme sur les dispositifs de retenue routier définit des classes de
performance auxquelles doivent répondre les différentes glissières proposées sur le marché.
La figure 1 présente les différentes classes de l’EN1317 pour les glissières définitives en
termes de retenue.
Figure 1 : Classes de performances en termes de retenue selon l’EN1317.
Le marché doit donc proposer des produits répondant aux exigences minimales validées lors
de crash-test de référence.
En matière de choix de niveau de retenue pour glissières de sécurité, l’ouvrage d’art requiert
une attention particulière. En effet, la présence de vide de part et d’autre, les effets du vent,
la présence de dénivelés important sur les voies d’accès ou encore les piles de pont
constituent des facteurs aggravants en matière de risque pour les usagers.
43kJ 82kJ
127kJ
288kJ
462kJ
572kJ
725kJ
Ene
rgie
cin
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ansv
ersa
le
43kJ 82kJ
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N1 N2 H1 H2 H3 H4a H4b
80km/h
20°
1500kg
110km/h
20°
1500kg
70km/h
15°
10t
70km/h
20°
13t
80km/h
20°
16t
65km/h
20°
30t
65km/h
20°
38t
100km/h
20°
900kg
100km/h
20°
900kg
100km/h
20°
900kg
100km/h
20°
900kg
100km/h
20°
900kg
100km/h
20°
900kg
Très haut niveau
de retenue
Haut niveau
de retenue
Retenue
normale
Niveau de
retenue
Essai n°1(valide le NR)
Essai n°2(valide le niveau
de décélération)
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2. Sécurisation du niveau supérieur : le tablier de pont
Une des fonctions essentielles d’une glissière de sécurité est de retenir les véhicules venant
l’impacter. Pour y arriver, la glissière doit répondre à deux besoins, le premier est de résister
aux sollicitations engendrées lors de l’impact et le second est d’éviter le basculement du
véhicule. Pour y arriver, il est nécessaire de prendre en compte diverses notions plus ou
moins complexes qui seront abordées dans la suite de ce document.
2.1. Tablier de pont = zone à risque élevé
Les accidents de véhicules lourds venant impacter des dispositifs de retenue (généralement
sous dimensionnés par rapport aux conditions de trafic actuelles) sur les ponts ne sont pas
aussi rares qu’on pourrait le penser. Les quelques images suivantes permettent d’illustrer
ces propos.
Figure 2 : Exemples d’accidents de camions récents sur des tabliers de ponts
La gravité associée à ce type d’accident peut potentiellement être importante. En effet, d’une
part le(s) occupant(s) du véhicule impliqué ont peu de chance de sortir indemne d’une chute
d’un pont (risques directs). D’autre part, la chute de véhicules d’un pont peut également avoir
des conséquences importantes en fonction du type d’environnement situé sous ce dernier
(risques indirects). Par exemple, lorsqu’un pont enjambe une route, une autoroute, une voie
de chemin de fer, une ville, … la gravité en cas de chute peut être considérablement
augmentée. Tous ces éléments font du tablier de pont une zone à risque élevé qu’il s’agit de
protéger de manière efficace à l’aide de dispositif à (très) haut niveau de retenue. Le niveau
de sécurisation de plus en plus recommandé est obtenu à l’aide des dispositifs de retenue
H4b capable de retenir un camion de 38 tonnes lancé à 65km/h dans une direction faisant un
angle de 20° par rapport à la glissière selon la no rme EN1317. Ce genre de dispositif est
également conçu pour retenir les niveaux inférieurs à moindre énergie.
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2.2. Importance des efforts transmis au tablier de pont lors d’un impact
Jusqu’au début des années 2000, la sécurisation de la plupart des tabliers de pont se faisait
à l’aide de glissières dont le niveau de retenue est moyen à faible (H2, N2 ou équivalent).
Pour les différentes raisons citées précédemment, on commence à installer (notamment en
Belgique) des glissières possédant des niveaux de retenues supérieurs (H4b) sur les tabliers
de pont. Cette évolution implique comme conséquence une augmentation des sollicitations
transmises à la structure. En effet, d’après la seconde loi fondamentale de la mécanique de
Newton; qui dit masse importante subissant une décélération élevé (� distance faible) dit
nécessairement forces importantes mises en jeu (F= m.a). Ces forces appliquées à une
hauteur (h) engendrent un moment de flexion (F.h). Dans le cas des glissières de sécurité en
acier, ces sollicitations sont généralement transférées au tablier de pont à travers les
chevilles de fixation chimiques. La figure 3 illustre l’évolution des glissières sur les ponts
ainsi que les conséquences associées :
Figure 3 : Conséquence de l’évolution des glissières sur les ponts.
Les sollicitations (forces & moments) importantes transmises par les nouveaux dispositifs à
haut niveau de retenue à la structure peuvent avoir des conséquences sur la résistance de
cette dernière. La figure suivante permet d’illustrer l’impact possible des sollicitations
transmises au tablier :
Figure 4 : Conséquence de l’évolution des glissières sur les ponts.
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2.3. Développement d’outils techniques pour détermi ner l’amplitude des sollicitations mises en jeu lors d’un impact
Les glissières de sécurité à haut niveau de retenue en acier sont généralement fixées au
tablier de pont à l’aide de chevilles de fixation chimiques. Lors d’un choc, les sollicitations
induites par le dispositif de retenue sont transférées à la dalle par ces tiges d’ancrage.
L’étude mécanique de ces éléments de fixation est une étape primordiale en vue de
déterminer l’amplitude maximale de ces sollicitations (forces & moments).
2.3.1. Outils numériques
Le travail de calibration
effectué tant sur la
modélisation de la glissière
que sur les véhicules
numériques permet aujourd’hui
d’aboutir à des simulations
dont les résultats sont
cohérents par rapport aux
crashs tests réels. Ces outils
numériques aident à acquérir
une compréhension fine des
phénomènes physiques
entrant en jeu. Ils permettent
notamment d’évaluer l’amplitude des sollicitations maximales transmises par le dispositif de
retenue et ce pour des conditions différentes du crash-test de référence.
En complément des développements analytiques
et numériques, des outils expérimentaux en
laboratoire ont été mis au point. Ces derniers
permettent notamment la calibration et la validation
des modèles et solutions développées. Ci-dessous
est présentée une liste non exhaustive d’essais
réalisés :
Figure 7.a
- Tests statiques et dynamiques (chocs répétés, …) sur des
ancrages dans le béton.
- Tests statiques d’éléments de structure : compression,
traction, flexion 3 & 4 points.
- Tests d’impact sur des éléments de structure, … Figure 7.b
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2.3.2. Outils expérimentaux échelle 1 :1
Le crash-test de référence correctement instrumenté constitue une bonne source
d’informations. Par exemple, l’utilisation de capteur de force sur les ancrages permet de
déterminer les sollicitations transmises à la dalle lors de ce test.
Figure 8 : Crash-test de référence avec mesure des sollicitations transmises à la dalle + courbes
comparatives avec les résultats obtenus à l’aide de la méthode des éléments finis.
2.4. Exemple d’un chantier réalisé en Belgique & pr oblèmes associés
Les photos suivantes présentent le résultat du chantier de sécurisation du tablier de pont sur
l’autoroute E42 à Ensival à l’aide de glissières à très haut niveau de retenue en acier (H4b).
Lors de la phase de réalisation, une dalle en béton armé a spécialement été dimensionnée,
réalisée et fixée à la structure de manière à permettre la transmission des sollicitations
(forces & moments) de la glissière vers le pont. Cette spécificité a permis de remonter les
ancrages au dessus du niveau des armatures du pont évitant ainsi la dégradation
systématique de celle-ci lors de l’opération de forage - carottage.
Figure 9 : Chantier de sécurisation du tablier de pont sur l’autoroute E42 à Ensival à l’aide de
glissières H4b en acier.
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3. Sécurisation du niveau inférieur : les piles de pont
3.1. Piles de pont = risque élevé pour l’intégrité de la structure
La plupart des piles de pont situées au bord des routes et autoroutes sont généralement
protégées par des glissières dont le niveau de retenue est moyen à faible (H2, N2, ou
équivalent). Comme l’illustre la figure suivante, cette situation a déjà conduit à des
conséquences sur la stabilité du pont. En effet, lorsqu’un camion de 38 tonnes perd le
contrôle et dévie de sa trajectoire, la glissière étant incapable de transformer une énergie
cinétique aussi importante, celui-ci peut entrer en contact avec la structure. Les efforts mis
en jeu lors de ce contact sont telles qu’ils peuvent conduire à la ruine de la pile porteuse du
pont. Si la fréquence de ce type d’accident n’est pas très élevée mais la gravité peut
potentiellement être très importante.
Figure 10 : Exemples d’impacts de camions sur des piles de pont + risque associé pour la structure.
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3.2. Piles de pont = risque élevé pour les usagers de la route
Une pile de pont qui n’est pas suffisamment protégée peut également constituer un danger
important pour les usagers de la route. En effet, comme le montre la figure 11, le cas d’un
autocar entrant en collision avec une pile de pont peut engendrer des conséquences graves.
Figure 11 : Résultat d’une pile de pont insuffisamment protégée.
3.3. Méthodologie de sécurisation d’une pile de pon t
Un des phénomènes physiques entrant en jeu lors de l’impact d’un poids lourds sur une
glissière à (haut niveau de retenue) est « l’effet câble ». Ce mode de fonctionnement permet
de solliciter la glissière en amont et en aval du point de collision ce qui a pour effet de
provoquer une sollicitation d’ensemble permettant de minimiser la largeur de fonctionnement
du dispositif. La figure suivante illustre deux types de fonctionnement différent à savoir avec
et sans « effet câble ».
Figure 12 : Influence de l’effet câble sur la largeur de fonctionnement.
Lors du crash-test de référence, la longueur du dispositif en amont du point d’impact vaut un
tiers de la longueur totale testée. La figure suivante présente également la situation en aval
de la fin de l’impact.
9
Figure 13 : Situation lors du crash test de référence.
Dès lors, pour sécuriser une pile de pont, il est nécessaire d’installer une longueur minimale
de manière à obtenir un « effet câble » suffisant et donc se rapprocher un maximum des
performances obtenues lors du crash-test. La figure 14 permet d’illustrer la méthodologie de
sécurisation d’une pile de pont à l’aide d’une glissière à haut niveau de retenue en acier.
Figure 14 : Longueur minimale à installer pour sécuriser une pile de pont.
12
5
0
43
21
19
1110
9
87
6
1514
13
1617
18
20
21
22
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24
25
26
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29
30
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32
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38
39
40
41
42
43
50
49
48
47
46
45
44
L/3
L/3
Support 17Support 18
Effet câble suffisant en amont
du début de l’impact
Effet câble suffisant en aval
de la fin de l’impact
Longueur suffisante
Longueur insuffisante
LTOT ≥ LCRASH TEST
���� x ≥ LCRASH TEST /3
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3.4. Exemples de chantiers réalisés en Belgique
La figure 15 illustre la sécurisation d’une pile de passerelle à l’aide d’une glissière de sécurité
à haut niveau de retenue en acier (H4b). La longueur de la glissière installée respecte la
méthodologie exposée précédemment. Ce dispositif de retenue est caractérisé par une
largeur de fonctionnement (W) égale à 1,9 m et une position latérale extrême du véhicule
(VI) égal à 2,1m. La glissière a été installée à 2,2 m de la pile au cours du chantier ce qui
permet de limiter fortement le risque d’avoir un contact entre la pile et un camion de 38
tonnes lancé à 65 km/h selon une direction faisant un angle de 20° par rapport au dispositif
de retenue impacté. D’autre part, le niveau de décélération subit par un véhicule léger en cas
d’impact est faible ce qui permet de limiter le risque de lésions biomécaniques au niveau des
occupants du véhicule en cas de choc contre la glissière (ASI A qui représente le niveau le
moins sévère pour le véhicule léger selon la norme EN1317).
Figure 15 : Sécurisation d’une pile de passerelle à Lichtenbusch.
Un autre exemple de chantier réalisé est présenté à la figure suivante. Il s’agit de la
sécurisation d’une pile de pont de TGV à l’aide d’une glissière à haut niveau de retenue en
acier (H3) placée devant un mur en béton. Les raisons de cette installation sont triples :
- Eviter d’avoir un niveau de décélération trop important lors de l’impact d’un
véhicule léger
- Limiter le risque de basculement en cas d’impact d’un véhicule lourd.
- Limiter le HIC (Head Impact Criteria) lors de l’impact d’un motard.
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Le dispositif de retenue est équipé d’une solution spécifique de sécurisation pour les motards
utilisant des fixations fusibles développées de manière à ne pas modifier les performances
de la glissière par rapport au crash-test de référence. Le dispositif permet de protéger les
usagers de véhicules très léger (motard) jusqu’aux usagers de véhicules très lourd
(passagers et personnel du TGV).
Figure 16 : Sécurisation d’une pile de pont de TGV à Battice.