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Les pouvoirs publics et l'éducation - UNESDOC...

Date post: 12-Sep-2018
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Contributions de ГИРЕ No.15 Les pouvoirs publics et l'éducation Jacques Hallak Institut international d e planification d e l'éducation
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Contributions de ГИРЕ No.15

Les pouvoirs publics et l'éducation

Jacques Hallak

Institut international d e planification d e l'éducation

Dans cette collection :

1. New strategies for financing diversified forms of education and training Sylvain Lourié

2 . La planification de l'éducation : quelques réflexions rétrospectives et prospectives1

Jacques Hallak

3. U éducation pour tous : grandes espérances ou faux espoirs ?2

Jacques Hallak

4 . La planification de l'éducation à l'horizon 2000х

Françoise Caillods

5. Partnership in education: the role of universities in the Pacific Rim Bikas С Sanyal

6. Educational policies in a comparative perspective: suggestions for a research agenda Jacques Hallak

7. Staff management in African universities Bikas C . Sanyal

8. Managing schools for educational quality and equity: finding the proper mix to make it work Jacques Hallak

9. Education in a period of change and adjustment: some international perspectives Bikas С Sanyal

10. Capacity building for educational planning and administration: HEP's experience Gabriel Carrón

11. Excellence and evaluation in higher education: some international perspectives Bikas С Sanyal

12. Management of budgetary deficits in higher education institutions: current international experience and practice Igor V . Kitaev

13. L'exclusion : enjeux et défis pour une planification de l'éducation Jacques Hallak

14. Academic staffing and staff management in Western Europe: current situation emerging issues Michaela Martin

1. Disponible également en anglais et en espagnol.

2. Disponible également en anglais.

Les pouvoirs publics et l'éducation

Contributions de l'IIPE N o . 15

Les pouvoirs publics et l'éducation

par

Jacques Hallak

Ce document a été présenté au IVème Symposium international sur « l'Europe unie et plurielle : le rôle de pouvoirs publics dans l'éducation »,

organisé par Г Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement (OIDEL) en collaboration

avec le Forum Démocratique Européen Divonne-les-Bains, 20-21 novembre 1993

Institut international de planification de l'éducation (créé par Г UNESCO)

Les idées et les opinions exprimées dans ce document sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l ' U N E S C O ou de Г11РЕ. Les appellations employées dans ce document et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l ' U N E S C O ou de Г11РЕ aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant à leurs frontières ou limites.

L a publication de ce document a été financée grâce à la subvention de l ' U N E S C O et aux

contributions de plusieurs Etats membres de l ' U N E S C O dont la liste figure à la fin de ce document

Le texte de ce volume a été composé en utilisant les micro-ordinateurs de Г Ц Р Е l'impression et le brochage ont été assurés par l'atelier d'impression de Г11РЕ.

Institut international de planification de l'éducation

7 - 9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris

© UNESCO 1994 IIPE/jn

Table des matières

1. Quelques principes essentiels 1

2. Les fondements du rôle de l'Etat 4

3. Trois priorités d'intervention 6

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Les pouvoirs publics et l'éducation

par Jacques Hallak

On assimilera l'Etat aux « pouvoirs publics » malgré la richesse de la distinction et sa pertinence pour le débat. Cette assimilation évacue des questions essentielles comme celle de l'évolution de l'organisation des pouvoirs publics (exécutif, législatif, judiciaire) ; celle de la forme de l'Etat (autoritarisme, centralisme, fédéralisme ne concédant à la capitale que des pouvoirs et des moyens modestes et affectant aux régions l'essentiel des compétences et des moyens concernant la vie quotidienne et le développement) qui déterminent de manière significative le débat sur le rôle des pouvoirs publics en éducation. Les tendances « centripètes » des phénomènes de décentralisation et « centrifuges » de l'Union Européenne, font que l'Etat unitaire doit retrouver sa place entre le développement du rôle des autorités régionales et locales et la dynamique de l'Union.

O n laissera de côté également le rôle des masse-médias, à la fois c o m m e source d'importance croissante d'éducation et de formation et c o m m e instruments aux mains des secteurs publics et privés dans l'enjeu de l'éducation. Cette question fondamentale ne sera pas traitée dans la présentation.

L'exposé comprendra trois parties :

Dans une première partie, je rappellerai quelques principes essentiels à retenir quand on traite du rôle des pouvoirs publics en éducation. Dans une seconde partie, je traiterai des fondements du rôle des pouvoirs publics. Je conclurai dans une troisième partie par une réflexion sur quelques priorités pour l'Europe.

1. Que lques principes essentiels

Pour commencer je voudrais rappeler quelques principes essentiels :

E n raison de la spécificité de l'éducation (« service public ») et du caractère particulier du métier d'enseigner (métier « impossible »), l'Etat est nécessaire.

Parce que les enfants ne sont pas une « marchandise », et qu'il faut une articulation entre l'éducation de base - du ressort des familles - et la formation spécialisée du ressort du « public » - , la profession enseignante est nécessaire.

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Contributions de ГИРЕ, No. 15

Les contraintes de ressources, la nécessité de protéger l'équilibre entre l'offre et la demande, ainsi que de créer des conditions de choix, font que le marché est nécessaire.

Enfin, parce que le métier de gouverner est plein d'incertitudes parce qu'il y a souvent conflit entre intérêts individuels et collectifs, et du fait du rôle déterminant de la prime enfance, la famille est nécessaire.

Pour conclure que toute réflexion sur le rôle des pouvoirs publics en éducation doit être située dans le contexte social, culturel et économique d'une part et qu'il y a d'autre part complémentarité et concurrence entre les pouvoirs publics et les autres acteurs concernés par l'éducation.

Mais reprenons successivement les quatre principes.

E n premier lieu, l'Etat est nécessaire.

L e droit à l'éducation est un droit de l ' h o m m e . L'Etat a donc une responsabilité fondamentale de garantir le service public qu'est le droit à l'éducation.

L e métier d'enseigner n'est pas un métier c o m m e un autre. L e caractère impossible de l'enseignement vient pour une large part de ce que la réussite n 'y est jamais assurée, ni m ê m e clairement définie et de ce qu'elle peut toujours faire l'objet d 'un débat. (Résultats imprévisibles « chaque maître est unique, chaque élève est unique »). L'exercice de la profession enseignante implique autonomie mais aussi « régulation » donc des pouvoirs de contrôle en dehors de la profession. D ' o ù le rôle de l'Etat associé à d'autres acteurs dans la mise en place de mécanismes de régulation.

E n second lieu, la profession enseignante est nécessaire.

Certes les économistes de l'éducation considèrent les élèves c o m m e des ressources et des « produits » mais il s'agit d'une modélisation, d'une simplification de la représentation de la réalité. Les élèves sont des « adultes en devenir », entre la prise en charge de la prime enfance par le milieu familial, et celle de l'apprentissage de la vie en société par l'expérience, la tâche de la profession enseignante est irremplaçable. L a distinction entre éducation de base et formation spécialisée est pertinente parce que la profession enseignante répond aux deux fonctions. A u fond l'école est entre le « public » et le « privé » parce que l'éducation a deux objectifs fondamentaux : le développement et l'épanouissement personnel de l'enfant d'une part, et le développement social et collectif de l'autre. Quand l'école devient trop « publique », elle peut être source d'aliénation, quand elle est trop « privée » elle peut devenir source d'inégalité et de régression. Dans l'organisation de l'école doivent donc être envisagés deux aspects du problème. L e premier concerne, le programme d'enseignement, ou plus largement, du système d'enseignement ou, en plus des connaissances transmises, seraient prises en considération les méthodes de transmission et les formes de contact des pédagogues avec les élèves. L e second a trait à la création, au sein de la collectivité scolaire de conditions propres à la réalisation des objectifs de l'éducation. C'est à l'école qu'incombe de développer des attitudes sociales, de préparer à vivre en démocratie, de mettre en place des attitudes qui permettent de développer les dispositions intellectuelles de chacun. E n d'autres

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Les pouvoirs publics et l'éducation

termes, l'école doit, d'une part, vivre en conformité avec les besoins et les postulats de la collectivité des adultes et, de l'autre, préparer, par son activité, à vivre dans la démocratie.

E n troisième lieu, le marché est nécessaire.

Les contraintes budgétaires qui pèsent sur les pouvoirs publics se traduisent par un accroissement des services d'éducation financés, et administrés par des sources non publiques. Les économistes libéraux ont depuis longtemps fait la distinction entre « financer » et « gérer » et, pour eux que l'Etat soit chargé du respect du droit à l'éducation ne signifie pas que l'Etat doive assurer lui m ê m e l'offre d'éducation. D e leur côté les sociologues ont depuis longtemps identifié une diversité de demande d'éducation selon les groupes sociaux, les localisations, et les perceptions par les familles du rôle de l'éducation et de la formation. L a coexistence de fait de diversités d'offre et de demande suggère l'existence de marchés libres ou prédéterminés. Pour qu'il y ait choix, il faut que les conditions du choix soient satisfaites : système d'information sur l'efficacité, les coûts, et les performances de l'offre, ainsi que sur l'évolution de la demande. Autrement dit, le marché peut se révéler être une condition essentielle d'orientation de la politique éducative.

A u risque de faire une comparaison douteuse, je dirai que choisir une voiture suppose une comparaison entre les ressources, les besoins et les spécifications ; orienter le développement de l'éducation requiert que soit prise en considération l'évolution prospective des besoins individuels et sociaux. Autrement dit, le marché est nécessaire à double titre c o m m e mécanisme de régulation et c o m m e source d'information sur le m o n d e du travail et l'entreprise.

E n quatrième lieu, la famille est nécessaire.

E n effet « gouverner » est un métier « impossible » parce que la réussite n 'y est jamais assurée ni m ê m e facile à définir ; mais surtout parce que les critères considérés par les gouvernants c o m m e implicitement acceptés par les gouvernés peuvent être démentis par les faits. L'exemple classique et malheureusement « actuel » est celui du choix entre emploi et revenus. Les pouvoirs publics supposent légitimement, que des mesures de réduction du chômage au prix de réduction des revenus vont dans le sens d'une meilleure régulation sociale. D e fait, on a pu observer que des décisions de réductions de salaires ont provoqué des réactions violentes des catégories protégées de travailleurs, lesquelles ont été à l'origine d'une plus rapide déstabilisation de la situation sociale. D o n c , les critères pour gouverner sont loin d'être clairs et l'Etat seul est souvent dans l'incapacité d'agir.

Sur un autre registre, les spécialistes se sont accordés depuis longtemps sur le caractère déterminant de l'environnement familial dans les performances scolaires et notamment sur l'importance de la prime enfance dans le devenir adulte de l'enfant. L e rôle de la famille est donc essentiel. E n fait, plus généralement, l'éducation des nouvelles générations dans les sociétés multiculturelles et complexes que sont les nôtres ne sera possible que si l'on prend en compte l'impact de tous les milieux qui affectent l'attitude de la jeunesse ; à savoir : la famille, les médias, les communautés laïques ou confessionnelles et les diverses organisations sociales qui constituent l'environnement immédiat des jeunes.

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Contributions de ГИРЕ, No. 15

S o m m e toute, le rôle des pouvoirs publics en éducation ne peut être discuté sans réflexion sur celui de chacun des autres grands partenaires : la famille et les associations, le marché et le m o n d e du travail, et la profession de l'éducation. Pour des raisons historiques, économiques et culturelles, le partage des responsabilités entre partenaires varie considérablement selon les pays affectant du m ê m e coup l'évolution du rôle des pouvoirs publics. N e faut-il pas alors organiser les négociations en les ouvrant très largement à la société civile ? Prenons un exemple simpliste - l'école primaire au Japon.

L'histoire de la gestion, du contrôle de l'école primaire par l'Etat, la communauté ou le secteur privé est riche d'enseignement. Avant la deuxième guerre mondiale, les écoles étaient entre les mains des communautés : ce qui a causé d'énormes disparités entre les qualifications et les conditions salariales des enseignants, la qualité des services (taille des classes, rapport, élèves, maître) et m ê m e l'entretien des locaux. Après la guerre, pour réduire les disparités, le gouvernement central a décidé de financer la moitié des salaires et les préfectures l'autre moitié. Il en est résulté une amélioration significative des statuts et de la condition enseignante ce qui a entraîné le recrutement de maîtres plus qualifiés et mieux motivés. Mais le contrôle du gouvernement central a aussi augmenté : il décide du standard des curricula, des locaux, des tailles des classes etc. Par cette standardisation on a éliminé pratiquement les disparités, et la qualité s'est améliorée, m ê m e dans les zones rurales. E n revanche la standardisation a eu des effets négatifs : l'uniformité, l'inflexibilité et la bureaucratisation. A u cours des récentes années, on assiste à une réaction de rejet et un appel en faveur de la dérégulation. Les libéraux insistent en faveur d'un statut égal à accorder aux écoles privées, m ê m e les moins compatibles avec les normes de qualité établies par l'Etat c o m m e les J U K U . C e qui va à rencontre de la politique de base du gouvernement qui stipule que l'école obligatoire est une affaire du secteur public (le privé représente moins de 1 % ) . Derrière cette pression en faveur de la privatisation se cache une diversification des styles de vie et des systèmes de valeurs d'une société japonaise désormais riche et affluente.

Cet exemple illustre la nécessité de situer tout débat sur le rôle des pouvoirs publics en éducation dans le contexte social, économique, et culturel ; aussi que la complémentarité entre les pouvoirs publics et les autres acteurs concernés par l'éducation.

2 . Les fondements d u rôle de l'Etat

Je voudrais maintenant traiter des fondements du rôle des pouvoirs publics tout en soulignant le caractère problématique d'exercice de ce rôle :

U n Etat « animateur » ou dominateur ? L e paradigme de l'Etat animateur a connu et connaît toujours la faveur des promoteurs de la démocratie participative. E n éducation, la traduction de cette tendance reste difficile à apprécier : on parle de « projet d'établissement » - en espérant une participation plus active des familles aux affaires des écoles, et dans de nombreux pays en développement, on reparle d'écoles communautaires, d'écoles nouvelles etc. Mais un nombre croissant de spécialistes s'interroge sur la signification réelle de la participation quand les « projets » sont « sur-déterminés » (dans les écoles) ou prédéterminés (pour le système éducatif dans son ensemble). O n en vient parfois à se demander si derrière le mot « animateur » ne se cache pas le mot « incitateur» (manipulateur) : grâce aux moyens multiples qu'il contrôle, l'Etat peut mieux guider les initiatives de la société civile (associations,

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Les pouvoirs publics et l'éducation

O N G , parents d'élèves, église). A u fond, sous des apparences attrayantes, la promesse d'une démocratie renouvelée par une plus grande participation des citoyens, l'Etat animateur n'est il pas une forme évoluée de l'Etat tutélaire qui doit déployer une logique d'expert/technocrate au détriment de l'autonomie de la société civile ? S'agissant de troncs c o m m u n s des programmes, des horaires, des mécanismes d'évaluation pédagogiques etc., peut-on éviter totalement l'Etat tutélaire ? Aussi longtemps que l'expertise est prévalente et nécessaire, une certaine dose d'Etat dominateur semble incontournable. Cependant, pour tout spécialiste confirmé en éducation comparée, le concept d'expertise en éducation est particulièrement fragile. Les lignes de démarcation entre les décisions relevant de l'expertise dans la régulation sociale, et celles relevant du bricolage par les pouvoirs publics deviennent « floues ».

Garant de l'équité ? C'est probablement la source la plus incontestable de la légitimité de l'Etat. Pourtant l'exercice de ce rôle de garant est également problématique. E n effet, dans une situation économico-financière contraignante, promouvoir l'équité c'est pratiquer une politique de forte discrimination positive en faveur des couches sociales les plus démunies en m ê m e temps les moins puissantes sur le plan politique ; seuls les « nouveaux gouvernements » peuvent prendre de tels risques. E n second heu, l'égalité d'accès doit, pour être équitable, se traduire par une certaine homogénéité/équivalence dans les conditionsAa qualité de l'éducation, ce qui n'est pas toujours réalisable en pratique. E n troisième lieu, l'accès à qualité égale ne détermine pas la participation et encore moins les résultats de la scolarisation ( m ê m e en offrant des tickets gratuits pour l'Opéra à certains citoyens, on ne garantit nullement leur participation encore moins une satisfaction équivalente du spectacle). Pour le secteur public, le champ d'action préféré est l'offre, pour les familles et les autres utilisateurs, c'est la demande. Selon un grand quotidien , une récente enquête en France conclut que les Français préfèrent une école publique/privée. Pour la société, la vraie manifestation de l'équité est au niveau des « résultats » ; m ê m e problématique, l'exercice de cette fonction par les pouvoirs publics doit déterminer fortement les orientations de la politique éducative.

Gardien de la qualité ? U n e telle responsabilité serait d'autant plus nécessaire que nos sociétés évoluent vers plus d'autonomie et de partenariat vers une revalorisation du rôle de la profession enseignante, vers une éducation ouverte, flexible et multiculturelle. Sinon, on assisterait rapidement à la naissance de plusieurs types d'éducation à plusieurs vitesses. Mais dans ce cas, comment/qui fixera les normes et les valeurs ? Plus concrètement : doit-on préparer l'enfant au m o n d e des adultes en mettant l'accent sur le travail ou sur le jeu, sur le faire ou le savoir, sur la façon dont l'enfant apprend ou sur ce qu'il apprend ? Etc. Les pouvoirs publics s'appuyant sur les autres partenaires pourraient définir la qualité à garantir, mais ce qui reste problématique c'est le m o d e d'exercice de cette garantie dans les sociétés ayant opté pour une éducation centrée sur l'enfant. Plus problématique encore est la légitimité du monopole de l'Etat d'exercice de la garantie dans des sociétés dans lesquelles le politique a perdu une partie de sa crédibilité. Je suis frappé par la tendance observée dans un nombre croissant d'entreprises, souvent de taille multinationale à contester de facto ce monopole, en prenant en charge - non seulement la formation et le recyclage de leurs personnels ce qui est assez naturel - mais également la socialisation du savoir et de la créativité. Dans la presse spécialisée du Sud-Est Asiatique, on note la

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Contributions de l'IIPE, No. 15

tendance de certaines entreprises à s'afficher c o m m e des « learning communities » autrement dit des communautés qui génèrent du savoir et le diffusent rapidement et se considèrent de ce fait c o m m e des concurrentes des établissements d'enseignement.

A u fond, l'évolution du rôle des pouvoirs publics et celle de leurs fondements dépendra naturellement de la manière dont évoluera la concrétisation du partenariat de l'Etat avec les autres acteurs. E n termes concrets, l'Etat doit faire moins dans les domaines où les marchés fonctionnent (on peut être organisés pour fonctionner raisonnablement), où la profession enseignante est responsable et « professionnelle », où les familles jouent activement leur rôle de sources d'éducation, d'expérience, de contrôle, et d'expression de demande. Mais la juxtaposition de ces trois conditions est malheureusement peu probable et à cette juxtaposition qu'il faudrait travailler. Dans l'immédiat, l'Etat doit continuer à agir. Mais en a-t-il les capacités et les moyens ? O n peut en douter. C'est pourquoi on parle de plus en plus de Г Etat-stratège : notion ancienne longtemps oubliée, devra être remise au goût du jour en l'enrichissant des principes de subsidarité entre les différents niveaux de responsabilités du secteur public et du partenariat entre différentes composantes de la société civile.

3. Trois priorités d'intervention

E n dernier lieu, je voudrais traiter plus particulièrement de trois priorités pour l'Europe :

(i) L a lutte contre l'exclusion. Il n'est pas dans m o n intention de traiter des causes fondamentales de l'exclusion bien connues des économistes : récession économique, évolution de l'emploi et de la productivité, nouvelles divisions internationales du travail, conséquences de l'organisation des blocs économiques etc. Mais, m e limitant aux seules manifestations de l'exclusion, le problème parait bien cerné : chômage, analphabétisme, marginalité, drogue, atteinte à la dignité humaine et en dernière analyse à la cohésion sociale. Des ressources énormes - d'ailleurs difficile à estimer - sont consacrées à la lutte contre l'exclusion. Les initiatives locales sont nombreuses et se multiplient. Certaines intègrent l'éducation dans les stratégies de réinsertion ; d'autres visent à parer « au plus pressé » : alimentation, soins d'urgence, abris, « petits boulots » ; d'autres enfin plus ambitieuses visent à organiser socialement les exclus pour qu'ils puissent « peser » sur leur situation. Cependant, le rôle de l'Etat reste toujours à préciser. Responsable de la cohésion sociale, il s'est longtemps contenu dans un rôle semi-passif de promoteurs des initiatives locales : Octroi de subventions, patronage, autorisation d'accès aux lieux publics, encouragements fiscaux ; lancement de projets expérimentaux tels les Z E P en France, ou les actions de promotion de recrutement des sortants des systèmes scolaires dans de nombreux autres pays. Cependant, devant un défi de cette ampleur, les pouvoirs publics semblent conduits à prendre le relais des initiatives locales, et à mener des politiques d'actions, plus frontales et massives. L e peuvent-ils, sans risque ? D e m o n point de vue, il conviendra de poursuivre la réflexion et les démarches sur la généralisation des expérimentations locales en acceptant le risque de ruiner le gain qualitatif

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Les pouvoirs publics et l'éducation

inhérent à toute bonne initiative en la généralisant. Plus fondamentalement, surtout dans les sociétés à tradition centralisatrice, en raison de la nature m ê m e des problèmes de l'exclusion qui appelle des solutions de proximité, (des projets locaux), il faudra trouver de nouveaux mécanismes de fonctionnement consistant en l'établissement de liaisons interactives entre les priorités politiques centrales et les projets locaux. Evidemment de telles démarches ne permettront pas de trouver des solutions rapides au problème de l'exclusion. Les militants les plus actifs pour une diminution drastique du rôle de l'Etat dans la régulation sociale s'empressent de lui demander des comptes devant l'aggravation de l'exclusion et les risques qu'elle fait peser sur la cohésion sociale. Servir l'éducation aux exclus, organiser ce service en adaptant l'école aux exclus est une responsabilité majeure et immédiate de tous les gouvernements européens. Leur coopération est essentielle et urgente. M ê m e si des projets de grands travaux à l'échelle européenne étaient rapidement lancés, et que des ressources significatives étaient mobilisées, l'ampleur du problème de l'emploi est telle que la question de la réinsertion des exclus demeurera une priorité fondamentale pour les prochaines années et le rôle de l'éducation est évidemment crucial dans toute stratégie intégrée de réinsertion dans le m o n d e du travail et la vie civique.

(ii) L e respect des identités et des cultures. L à également les initiatives à l'échelle des régions, des Etats et de la Communau té ne manquent pas : enseignement des langues, ouverture ou européanisation de certains établissements d'enseignement, colloques et conférences thématiques, mais il faut aller plus loin. Sans doute faudrait-il plus de responsabilités à la « profession », et à la sphère « privée », l'Etat favorisant Г auto-organisation et l'autonomie de la société civile par des mesures réglementaires et financières ciblées. Concrètement, en période de contraintes budgétaires, les pouvoirs publics tendent à donner la priorité aux besoins des groupes sociaux les plus nombreux (gestion du court terme) laissant à l'initiative locale et privée la prise en charge des besoins éducatifs des minorités linguistiques et ethniques.

Mais, du fait des mouvements migratoires, de la récession et du chômage, des phénomènes graves de rejets, d'intolérance, de racisme et de haine, peuvent entraîner des manifestations de recul, de repli sur soi, de retour à des politiques ambiguës à court terme. Plus que jamais, il faudra mettre l'accent sur l'éducation. L'Europe est l'occasion de progresser et de mettre en oeuvre des « actions affirmatives » de protection des richesses culturelles du Continent par la définition d'éléments de contenus d'éducation c o m m u n s à tous les élèves d'Europe (et l'inclusion dans ces « troncs c o m m u n s » de données historiques, géographiques, de m o d e de vie, culturelles de tous les pays d'Europe). C'est par ce ciment pluriel qu'une Europe unitaire aura sa chance et verra ses perspectives se conforter. L e problème du choix des contenus et celui de la formation des enseignants doit être traité d'urgence : Il s'agit de faire des efforts exceptionnels pour multiplier les perspectives de lecture et d'interprétation de l'histoire, de valoriser une culture de paix en cherchant des cohérences dans les politiques nationales de défense, de faire une place aux spécificités régionales et aux particularismes, de favoriser la production de nouveaux manuels scolaires, et d'harmoniser les approches dans les politiques de formation des maîtres. Mais par qui ces

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Contributions de ГИРЕ, No. 15

problèmes seraient-ils traités ? O n peut parier que le principe de subsidarité n'aura pas besoin d'être trop rappelé, les gouvernements jugeant - sans doute à tort selon certains - que tout ce qui touche au contenu, donc à l'essentiel est de leur ressort. Mais on peut également s'attendre à la confirmation d'une certaine « hybridisation » des systèmes d'administration de l'éducation. Aussi, le rôle des pouvoirs publics pourrait évoluer et se transformer ; il consisterait de plus en plus à servir des solutions qui viennent de la concertation, du partenariat, de la participation de la profession, de la production, de la société civile : le politique en tant que tel ne serait plus essentiel. Mais alors qui de la démocratie c o m m e m o y e n de faire en sorte qu'une action de certains soit jugée par tous ? Il n 'y a probablement pas de réponses toutes prêtes à cette interrogation mais la concertation communautaire est urgente à plusieurs niveaux : les pouvoirs publics peuvent la favoriser et y contribuer.

(iii) L e libre accès à l'éducation et à l'emploi. Les pouvoirs publics doivent poursuivre la mise au point de systèmes d'équivalences (langues, diplômes, programmes, et qualifications des personnels). Sur ce dernier point, je serai très bref. Les efforts sont en cours, notamment, et l'association des partenaires sociaux à la préparation dans le cadre communautaire de « l'avis c o m m u n sur les qualifications, professionnelles et les certifications » adopté le 3 juillet 1992 illustre l'ampleur des tâches qui restent à entreprendre : validation des travaux sur les qualifications de la formation professionnelle ; établissement par les Etats de procédures, cohérentes de reconnaissance des qualifications par l'attribution de titre national ; adoption de lois protégeant la « valeur marchande » des qualifications ; accord sur la répartition des pouvoirs de certification etc. Mais d'ores et déjà, les résultats affectant la liberté de mouvement de la main d'oeuvre sont prometteurs. Ils doivent être confirmés et élargis par une nécessaire liberté d'accès à l'enseignement et à la formation. Aujourd'hui, c'est de l'utopie. Mais c o m m e n t assurer que la liberté de mouvements ne soit pas, de fait, donnée de préférence aux cadres supérieurs (par la mise en place d 'un système d'équivalence des diplômes de l'enseignement supérieur). Certes les deux directives du 21 décembre 1988 et du 18 juin 1992 permettront de faire un pas significatif vers l'Europe des diplômes et des professions lorsque seront pleinement mis en oeuvre les systèmes généraux de reconnaissance des diplômes. Mais il est probable qu 'on observera, alors par un « effet pervers » qui tient à la cohérence interne des systèmes éducatifs, que l'une des difficultés essentielles de la mise en oeuvre ne sera surmontée que par des efforts réussis de rapprochement entre les systèmes éducatifs européens à tous les niveaux. L à également le rôle des pouvoirs publics c o m m e celui des autres partenaires nationaux sera multiforme et déterminant - dans la mesure où l'éducation restera longtemps encore une prérogative nationale.

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Publications et documents de Г И Р Е

Plus de 650 ouvrages sur la planification de l'éducation ont été publiés par l'Institut international de planification de l'éducation. Ils figurent dans un catalogue détaillé qui comprend rapports de recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de Г11РЕ et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L'économie de Г éducation, coûts et financement.

Main-d' oeuvre et emploi.

Etudes démographiques.

La carte scolaire, planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Elaboration et évaluation des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire : enseignement des adultes et enseignement rural.

Pour obtenir le catalogue, s'adresser à l'Unité des publications de Г П Р Е .

L'Institut international de planification de l'éducation

L'Institut international de planification de l'éducation (IIPE) est un centre international, créé par l ' U N E S C O en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification de l'éducation. Le financement de l'Institut est assuré par l ' U N E S C O et les contributions volontaires des Etats membres. A u cours des dernières années, l'Institut a reçu des contributions volontaires des Etats membres suivants : Belgique, Canada, Danemark, Finlande, Inde, Irlande, Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.

L'Institut a pour but de contribuer au développement de l'éducation à travers le monde par l'accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d'experts compétents en matière de planification de l'éducation. Pour atteindre ce but, l'Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les Etats membres qui s'intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d'administration de Г П Р Е , qui donne son accord au programme et au budget de l'Institut, se compose de huit membres élus et de quatre membres désignés par l'Organisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et instituts spécialisés.

Président :

Victor L. Urquidi (Mexique), Professeur-Chercheur Emérite, El Colegio de México, Mexico.

Membres désignés : Arturo Núñez del Prado, Directeur, Institut latino-américain et des Caraïbes de planification

économique et sociale, Santiago. Cristian Ossa, Directeur, Division de l'Analyse générale et des politiques, Département des Affaires

économiques et sociales internationales, Nations Unies. Visvanathan Rajagopalan, Vice-Président, Conseiller auprès du Président, Banque mondiale. Allan F. Salt, Directeur, Département de la formation, Bureau international du travail.

Membres élus : Isao Amagi (Japon), Conseiller auprès du Ministre de l'éducation, des sciences et de la culture,

Tokyo. Mohamed Dowidar (Egypte), Professeur et Président du Département d'économie, Faculté de droit,

Université d'Alexandrie, Alexandrie. Kabiru Kinyanjui (Kenya), Directeur des programmes, Division des Sciences sociales, Centre de

recherche pour le développement international, Nairobi. Tamas Kozma (Hongrie), Directeur général, Institut hongrois pour la recherche en éducation,

Budapest. Yolanda M. Rojas (Costa Rica), Vice-Recteur d'Académie, Université de Costa Rica, San José. Michel Ver nier es (France) Professeur en Sciences économiques, Université de Paris I, Panthéon-

Sorbonne, Paris. Lennart Wohlgemuth (Suède), Directeur, Institut Scandinave des Etudes africaines, Uppsala.

Pour obtenir des renseignements sur l'Institut s'adresser à : Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l'éducation, 7 - 9, rue Eugène Delacroix, 75116 Paris, France.

Contributions de Г П Р Е

Dans le cadre du programme de coopération de FIIPE avec d'autres organisations, le personnel de Г П Р Е est souvent invité à présenter des documents lors de conférences, séminaires et ateliers organisés par ces institutions ou à soumettre des articles à des revues spécialisés. L a série Contributions de ГПРЕ, qui comporte une sélection de ces documents et articles, est conçue pour garantir que ces écrits - souvent éphémères par nature - soient largement et rapidement diffusés.

Contributions de l'IIPE N o . 15

L e rôle des pouvoirs publics en éducation ne peut être discuté sans réflexion sur celui de chacun des autres partenaires : la famille et les associations, le marché et le monde du travail. L a profession de l'éducation et le partage des responsabilités varient considérablement selon les pays. E n conséquence, il serait opportun d'organiser les négociations en les associant plus étroitement à la société civile.

Ces questions ont été soulevées, entre autres, dans ce document présenté au IVème Symposium international sur ГEurope unie et plurielle : le rôle de pouvoirs publics dans l'éducation, qui s'est tenu à Divonne-les-Bains, France.

L'auteur

Jacques Hallak (France) est directeur de l'IIPE depuis octobre 1988. Il est l'auteur ou le co­auteur de nombreux ouvrages et articles qui traitent des coûts et du financement de l'éducation, du développement des ressources humaines, de la carte scolaire et des politiques d'évolution de développement de l'éducation.


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