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Memoire_marché financiers

Date post: 04-Apr-2018
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  • 7/30/2019 Memoire_march financiers

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    UNIVERSITE DE LAUSANNE SESSION DOCTOBRE 2005

    FACULTE DES SCIENCES

    SOCIALES ET POLITIQUES

    Limpact des marchs financiers sur

    la gestion des entreprises suisses.

    Le cas de Swissmetal Boillat

    Reconvilier

    Mmoire en Sciences politiques

    Prsent par Alexandre BeuchatDirecteur Andr Mach

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    Sommaire

    1. Introduction .......................................................................................................... 2

    2. Cadre thorique.................................................................................................... 3

    2.1. La corporate governance : dfinition et volution....................................... 3

    2.2. Limpact des marchs financiers...................................................................... 5

    2.3. Approche par les varits du capitalisme ......................................................... 7

    2.4. Caractristiques de la corporate governance suisse.....................................10

    2.5. Cadre thorique dAguilera & Jackson ............................................................11

    2.6. Le partenariat social en Suisse .........................................................................17

    3. Problmatique.......................................................................................................19

    3.1. Mthode employe ..........................................................................................21

    4. Historique de lentreprise.....................................................................................22

    4.1. Cration et dveloppement de lusine : 1855-1955...........................................22

    4.2. Modernisation de lentreprise : 1955-1985.......................................................23

    4.3. Cration de UMS Usines Mtallurgiques Suisses en 1986 ...............................25

    5. Caractristiques de lentreprise Swissmetal Boillat ............................................26

    6. Restructurations au sein de Swissmetal : 1996-2005 ...........................................29

    6.1. Difficults financires......................................................................................29

    6.2. Nomination de Martin Hellweg .......................................................................31

    6.3. Plan de refinancement du groupe.....................................................................32

    6.4. Restructurations : nouvelle stratgie de la direction gnrale ........................... 33

    7. La grve de Reconvilier : un conflit pas comme les autres..................................38

    7.1. Rappel des vnements....................................................................................39

    7.2. Retour sur le dclenchement du conflit............................................................42

    7.3. Un dfi pour le syndicat Unia ..........................................................................43

    7.4. Rle des autorits politiques ............................................................................50

    7.5. Mobilisation et soutien rgionale.....................................................................52

    7.6. Revendications des grvistes et donnes immatrielles .................................... 53

    8. Retour aux hypothses et principaux rsultats....................................................58

    9. Conclusion.............................................................................................................66

    10. Bibliographie.......................................................................................................70

    11. Annexes ...............................................................................................................74

    11.1. Chronologie de lentreprise ...........................................................................74

    11.2. Schmas........................................................................................................76

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    1. Introduction

    La grve de lusine Swissmetal Boillat Reconvilier napparat pas du tout comme un

    conflit normal. Ce conflit de dix jours, en novembre 2004, a braqu les projecteurs sur

    ce petit village du Jura bernois et sa fonderie jusque-l inconnue du grand public. Le

    conflit de Reconvilier nest pas un cas isol en Suisse, les grves de lusine Filtrona de

    Crissier en 2004 ou de Sapal Ecublens en 2000 constituent dautres exemples de

    conflits de travail rcents. Ces diffrents cas se rejoignent dans le sens o non seulement

    il sagissait de grves entames par les employs en opposition aux restructurations

    mises en place par la direction, mais encore parce que ces restructurations mettaient en

    danger la prennit de ces entreprises face des stratgies que daucuns estimaient

    suivies dans une logique de shareholder value , de rentabilit court terme. Ces

    exemples nous interrogent quant limpact des marchs financiers sur les entreprises

    suisses.

    Le conflit de travail de Reconvilier est exceptionnel sur plusieurs points, le fait de la

    grve, tout dabord, dans une entreprise du secteur des machines soumise la paix du

    travail de 1937, lextraordinaire mobilisation rgionale de soutien aux grvistes ainsi

    que la revendication principale de ceux-ci, le dpart de leur directeur gnral. Aussi,

    plus de six mois aprs la fin du conflit, il ma sembl lgitime de minterroger sur les

    causes de la grve, aussi bien les causes conjoncturelles du conflit que les causes

    profondes qui nous ramnent des annes en arrire. En effet, le droulement proprement

    dit de la grve, lampleur des mobilisations, la tenue des ngociations ne prennent sens

    quen lien avec les annes prcdant la grve, annes marques par dimportantes

    difficults financires, des projets de restructuration en pagaille et de nombreux

    changements la tte de la direction du groupe. Le cas de Reconvilier mrite dtre

    tudi dans le sens o il nous ramne aux volutions actuelles de la gouvernance

    dentreprise, limpact de la shareholder value , la financiarisation des entreprises, les

    modifications au sein de lactionnariat. Ainsi, il sagira dans ce travail de sinterroger

    sur les changements au sein de Swissmetal (le holding qui regroupe lusine Boillat

    Reconvilier) dans une approche qui met laccent sur les trois principaux

    stakeholders que sont les actionnaires, les managers et les employs. Dans cette

    optique, je stipule que le groupe Swissmetal en mettant en place un nouveau directeur

    gnral a dcid de suivre une logique proprement financire.

    Je procderai de la faon suivante, en exposant dabord les grandes lignes de mon cadre

    thorique, ma problmatique, les caractristiques propres de lusine Boillat, son

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    dveloppement historique, avant de mintresser la situation de lentreprise ces

    dernires annes, les difficults financires rencontres, les restructurations mises en

    place, puis le droulement de la grve proprement dite, avant de tenter en dernier lieu de

    rpondre mes hypothses de recherche.

    2. Cadre thorique

    Tout dabord, il est indispensable de dvelopper un cadre thorique cohrent pour

    comprendre les logiques inhrentes au conflit de Swissmetal Boillat. A cet effet, il

    convient en premier lieu de prciser les caractristiques et les grandes phases de la

    corporate governance , volutions qui peuvent se retrouver dans le cas de

    Reconvilier. Il serait tout fait prjudiciable de traiter cette tude de cas en mentionnant

    des lments historiques sans la relier des changements un niveau plus macro.

    Ensuite, il sagira de prciser les volutions rcentes de la corporate governance ,

    notamment limpact de la shareholder value , et lintroduction dune logique

    purement financire dans la gestion des entreprises. Le prochain point consistera

    donner les caractristiques du capitalisme suisse dans cette volont dinsrer le cadre de

    Reconvilier dans une ralit plus large, avant de dvelopper deux propositions de

    modle danalyse de la corporate governance : premirement, lapproche par les

    varits du capitalisme de Hall et Soskice1 et ensuite lapproche de Aguilera et

    Jackson2, que je transposerai pour le cas de Swissmetal Boillat, approche qui se base sur

    trois groupes dacteurs, actionnaires, managers et employs. Enfin, il me semble

    pertinent de rappeler brivement les caractristiques du partenariat social en Suisse pour

    tenter de montrer, par la suite, en quoi le cas de Reconvilier soppose au modle

    traditionnel de relations patronat/syndicats et annonce peut-tre des mutations

    importantes de ce modle.

    2.1. La corporate governance : dfinition et volution

    La corporate governance peut se traduire en franais par gouvernance dentreprise,

    autrement dit le mode de gestion de lentreprise. Il est en effet ncessaire de saisir dans

    les grandes lignes lvolution de la gouvernance dentreprise durant le XXe sicle.

    1HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , inLanne de la rgulation, vol. 6,

    p. 47-124, 2002.2

    AGUILERA Ruth et JACKSON Gregory, The Cross-National Diversity of Corporate Governance :Dimensions and Determinants , inAcademy of Management Review 28(3), p. 447-466, 2003.

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    Laurent Batsch nous dit que lexpression recouvre pour lessentiel, lorganisation des

    relations entre les actionnaires, dune part, et les dirigeants de lentreprise, dautre

    part. 3 Le premier modle de corporate governance est ramener au dbut du XXe

    sicle. Le modle du capitalisme familial se caractrise notamment par une distance

    rduite entre la famille actionnaire de lentreprise et les dirigeants gestionnaires. Il y a

    donc une vritable convergence dintrts entre le capital et les managers, puisquil

    sagit souvent des mmes personnes. Ce modle va tre mis mal par louverture du

    capital des socits anonymes, qui va conduire la dispersion de lactionnariat. Etant

    donn labsence dun actionnaire assez influent pour nommer la direction oprationnelle

    de lentreprise, les dirigeants smancipent du contrle de leurs mandants et imposent

    une logique de contrle managrial ou contrle interne. 4

    Ainsi, le second modle de

    corporate governance apparat et marque lmergence sur le devant de la scne de la

    figure du dirigeant, lequel demeure lacteur dominant relguant lactionnaire dans

    lombre, victime du grand nombre et de lanonymat. 5 Cest aux Etats-Unis, ds le

    dbut des annes 80, que ce modle va tre remis en cause par les actionnaires. La

    conjonction du dclin de lindustrie amricaine remettant en cause les stratgies des

    dirigeants et lmergence dune idologie base sur les bienfaits de la rgulation par le

    march marquent lapparition dun nouveau capitalisme dit financier. Ainsi, tous les

    moyens de contrle sont utiliss pour surveiller laction des managers. Lactionnaire

    redevient lagent conomique central. Son retour saccompagne de lapparition des

    investisseurs institutionnels qui deviennent progressivement des acteurs omniprsents

    au sein de lactionnariat des grands groupes, ce phnomne sobservant dans tous les

    pays capitalistes, mais diffrents degrs. Cette pression actionnariale est dsormais

    exerce par des grants de fonds professionnels qui surveillent activement les managers.

    Batsch nous informe que les institutionnels tentent de combiner trois objectifs : la

    minimisation des risques, la liquidit du portefeuille et la rentabilit des

    investissements. 6 Cependant, limpact de ce nouveau mode de gouvernance nest pas

    partout identique, cest pourquoi il est primordial, une fois dveloppes les mutations

    subies par la corporate governance ces dernires annes, de prciser les deux

    3BATSCH Laurent, Le retour de lactionnaire , in L. BATSCH, Le capitalisme financier, Paris, La

    Dcouverte, 2002, p. 6.4

    Ibid. , p. 8.5Ibid. , p. 10.

    6Ibid. , p. 21.

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    modles de capitalisme de Hall et Soskice et les caractristiques du modle suisse afin

    de montrer les diffrences qui peuvent exister entre conomies de march.

    2.2. Limpact des marchs financiers

    La corporate governance a subi ces dernires annes dimportantes mutations quil

    convient de rsumer de manire bien saisir le contexte qui prvaut actuellement. Une

    nouvelle logique financire sest affirme aux Etats-Unis, principalement durant les

    annes 90, marque par larrive fracassante des investisseurs institutionnels. Il sagit

    d institutions qui grent ou font grer professionnellement les fonds dont ils

    disposent. 7

    Cette monte en puissance des investisseurs institutionnels a modifi

    lquilibre qui existait entre le pouvoir managrial (puissance qui dcoule du contrle

    managrial de lentreprise) et le pouvoir capitaliste (puissance qui dcoule de la

    proprit du capital) en faveur des actionnaires.8

    La proccupation premire devient la

    liquidit du capital, autrement dit sa grande circulation. Les investisseurs institutionnels

    poursuivent un objectif de diversification des portefeuilles, notamment pour minimiser

    les risques. Andr Orlan estime que

    lobjectif poursuivi est clair : maximiser la richesse des actionnaires en valorisant au

    maximum le prix de leurs actions et en augmentant les dividendes. Cest alors la

    cration de valeur qui est impose la direction de lentreprise comme finalit

    stratgique de la gestion. On ne peut imaginer conception plus boursire de

    lentreprise : elle est un actif aux mains des financiers. 9

    Orlan est davis que ces modifications de la corporate governance saccompagnent

    de lmergence dune dfinition de lentreprise aux seuls intrts des actionnaires,

    oubliant par l mme les acteurs de lentreprise que sont les employs, les cranciers,

    les fournisseurs ou les autorits locales. Les investisseurs institutionnels cherchent

    dsormais tablir un certain nombre de procdures pour assurer que les agissements

    des managers suivent la volont des actionnaires. Orlan nhsite pas parler de

    financiarisation des entreprises au sens o on redessine lorganisation interne pour

    quelle se plie aux contraintes de la rentabilit boursire. 10 Cest ainsi que le terme de

    7ORLEAN Andr, Le gouvernement dentreprise (chap. 4, partie 1) , in A. ORLEAN, Le pouvoir de

    lafinance, Odile Jacob, Paris, p. 194-235, 1999, p. 211.8

    Ibid. , p. 194.

    9Ibid. , p. 214.

    10Ibid. , p. 215.

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    shareholder value est devenu trs la mode. A vrai dire, il existe plusieurs

    dfinitions de la shareholder value , quon peut traduire en franais par valeur

    actionnariale. Le caractre polysmique de ce terme rside dans le fait que nous avons

    affaire un concept thorique, mais galement une idologie. Tandis que certains

    estiment quil sagit dun concept visant mesurer la cration de valeur dune

    entreprise, dautres sont davis quil sagit dune idologie destructrice pour le tissu

    industriel puisquelle suit le seul principe de la valorisation de laction en bourse sur le

    court terme. Michel Aglietta et Antoine Rebrioux, auteurs de louvrage Drives du

    capitalisme financier, se sont attachs dmonter les fondements de la valeur

    actionnariale. Ils estiment que lmergence de ce paradigme ne se base gure sur une

    rationalit conomique, mais sur un certain nombre de postulats idologiques. Selon

    eux, la reprsentation du capitalisme financier qui prvaut dans les milieux acadmiques

    et politiques se rsume en deux propositions :

    Lapprofondissement de la logique financire permet une meilleure rpartition du

    risque et une meilleure efficacit conomique dans lallocation du capital.

    La suprmatie des actionnaires met fin aux usurpations de pouvoir du capitalisme

    managrial. Elle rtablit le respect de la proprit prive, pivot du capitalisme.11

    Les auteurs soulignent que la shareholder value propose une vision errone de

    lentreprise, en ne se focalisant que sur la satisfaction des intrts des actionnaires. La

    direction de la firme doit sexercer dans lintrt de lentit elle-mme, et non pas dans

    lintrt de lune de ses constituantes. 12

    Quen est-il en Suisse ? Une publication de la

    FTMH13 sinsurgeait contre limpact de la shareholder value sur le tissu conomique

    suisse. A travers le cas de cinq grandes entreprises suisses, Rieter, ABB, Algroup,

    Ascom et Sulzer, cette publication mettait en avant un vritable processus dedmantlement industriel. Leur analyse stipule que le rendement des fonds propres sert

    de rfrence pour la cotation actuelle des actions en bourse. Selon eux, les rendements

    accrus des fonds propres sobtiennent par divers mcanismes comme des licenciements,

    la rduction des charges de personnel, labandon des branches au rendement infrieur

    11AGLIETTA Michel et REBERIOUX Antoine,Drives du capitalisme financier, Albin Michel, Paris,

    2005, p. 9.12

    Ibid. , p. 70.13

    SYNDICAT FTMH, Shareholder value. Cinq cas dans lindustrie suisse des machines : Rieter, ABB,Algroup, Ascom et Sulzer. Stratgies syndicales contre le dmantlement industriel, Publication de la

    FTMH, 2000.

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    la moyenne ou la ralisation de fusions. Le rendement des fonds propres augmente alors

    de manire artificielle, ce qui permet de raliser dimportantes plus-values boursires.

    Nanmoins, cette mesure ne rvle en rien la situation relle de lentreprise. Cette

    manire de procder influence directement la structure des entreprises cotes en bourse.

    Le syndicat FTMH la rsum en quatre pisodes. Premirement, des raiders achtent

    massivement des actions, indiquant une tendance gnrale suivie par dautres financiers.

    Deuximement, ils imposent immdiatement une shareholder value accrue.

    Troisimement, les grands actionnaires imposent des regroupements dentreprise, des

    restructurations qui saccompagnent de licenciements et dune augmentation importante

    du rendement des fonds propres. Enfin, les raiders ralisent dimportantes plus-values

    boursires avant de revendre la plus grande partie de leurs actions. Catherine Sauviat

    considre que ce nouveau modle dentreprise montre une fragilit endogne, car trs

    fortement corrl la performance boursire et au fonctionnement des marchs

    financiers, et porteur dune instabilit plus ou moins long terme. 14

    2.3. Approche par les varits du capitalisme

    Il convient prsent denvisager les faons dapprhender la corporate governance .

    La littrature consacre la corporate governance met souvent en avant lexistence

    de deux grands modles de gouvernance. Le modle dconomie libral, ou anglo-

    saxon, se caractrise par

    de nombreuses socits cotes, une base dactionnaires nombreux et disperss, un

    march des capitaux liquide o la proprit et les droits de contrle sont frquemment

    ngocis, la clart et la transparence des droits des actionnaires, une sparation de la

    proprit et du contrle, peu de participations croises, un environnement o les

    rachats hostiles ne sont pas rares et un pouvoir bancaire faible. 15

    Le modle dconomie coordonne, ou modle rhnan, se caractrise par

    un faible nombre de socits cotes, une base dactionnaires faibles et concentrs,

    un march des capitaux peu liquide o la proprit et les droits de contrle sont

    14

    SAUVIAT Catherine, Nouveau pouvoir financier et modle dentreprise : une source de fragilitsystmique , inRevue de lIRES, No 40, 30p., 2002, p. 26.15

    ORLEAN Andr, Le gouvernement dentreprise , op. cit. , p. 203.

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    faiblement ngocis, une clart et une transparence des droits des actionnaires

    beaucoup moins nette, un systme de participations croises relativement complexe,

    un environnement peu favorable aux rachats hostiles et un pouvoir bancaire fort. 16

    Lapproche des varits du capitalisme de Hall et Soskice marque la volont de crer un

    modle danalyse qui mettrait laccent sur les diffrences, les spcificits propres

    chaque pays. Ce cadre danalyse fait une distinction nette entre les conomies de

    march librales et les conomies de march coordonnes. A la base de cette dmarche,

    il y a la constatation que certaines caractristiques des Etats rendent parfois plus

    difficiles la mise en uvre de certaines politiques conomiques, ainsi les institutions

    comptent et lEtat joue un rle cl dans des domaines comme les systmes de

    rglementation de la main-duvre, lducation, la formation professionnelle ou la

    gouvernance des entreprises. Les auteurs dfendent une approche centre sur

    lentreprise et considrent celle-ci comme lacteur fondamental de lconomie

    capitaliste. Les entreprises sont les principaux agents de lajustement face aux dfis du

    changement technologique ou de la concurrence internationale. 17 Hall et Soskice

    placent lentreprise dans une perspective relationnelle, cest--dire que lentreprise doit

    tablir des relations de qualit avec un certain nombre dacteurs, tant au niveau interne

    avec ses propres salaris, quexterne, avec un ventail dautres acteurs incluant

    fournisseurs, clients, collaborateurs, actionnaires, syndicats, organisations patronales et

    gouvernements. 18 A cet effet, ils identifient cinq sphres dactivit primordiales pour

    lentreprise, les relations industrielles (ngociations avec les salaris de lentreprise, les

    organisations reprsentatives de ceux-ci et les autres employeurs), la formation

    professionnelle et lducation, la gouvernance des entreprises (financement de

    lentreprise et exigence des investisseurs), les relations inter-entreprises (les relations

    avec dautres firmes) et enfin les relations avec leurs propres salaris. Ainsi, partir desmanires dont sont rgles les relations avec ces cinq sphres dactivit, Hall et Soskice

    identifient deux idaux-types dconomie de march.

    Dans les conomies de march coordonnes, dont lAllemagne serait lexemple type, le

    financement des entreprises se fait par des mcanismes relativement indpendants de

    linformation financire standard, le problme tant ds lors daccder des sources

    dinformation viable pour valuer la situation de lentreprise. Dans cette optique, le

    16

    Ibid. , p. 203.17HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , op. cit. , p. 53.

    18Ibid. , p. 53.

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    critre de rputation et la prsence de rseaux inter-entreprises sont censs assurer un

    partage dinformation suffisant et viable. Une autre caractristique du modle allemand

    est le fait que les dirigeants ne peuvent pas prendre des dcisions de faon unilatrale,

    des instances de contrle runissant des reprsentants des salaris et des principaux

    actionnaires doivent donner leur accord en dernire instance pour toute dcision

    majeure. Ce modle favorise ainsi le consensus par lintgration des employs dans la

    stratgie de lentreprise. A cela sajoute le fait que certaines entreprises font appel

    une main-duvre hautement qualifie bnficiant dune large autonomie dans son

    travail, encourage partager linformation acquise afin de gnrer des amliorations

    continues dans les lignes de produits et les procds de production. 19 Ainsi, dans ce

    cadre, les entreprises sont dpendantes dun systme dducation et de formation

    professionnelle apte former une main-duvre dote de qualifications spcifiques un

    domaine de production.

    Par contre, dans le cas des conomies de march librales, dont lexemple type serait les

    Etats-Unis, les entreprises ont plus recours au march pour rsoudre les problmes de

    coordination avec les cinq sphres cites prcdemment. Le systme financier

    encourage les entreprises prter une grande attention aux rsultats de lexercice

    courant et au cours de leurs actions sur les marchs boursiers. 20

    Au niveau des

    relations industrielles, on constate que les dirigeants ne sont pas soumis une instance

    de contrle et peuvent donc imposer leurs dcisions unilatralement, que les syndicats

    ont peu de pouvoir et que les relations avec la main duvre sorganisent entre le salari

    individuel et lemployeur. La main-duvre est donc moins protge face aux

    licenciements, tandis que le systme de formation professionnelle contribue

    lacquisition de qualifications gnrales. Les relations inter-entreprises, quant elles,

    sont moins denses que dans le cas des conomies de march coordonnes, elles se

    limitent des relations de march standardises.

    En conclusion de cette prsentation de lapproche par les varits du capitalisme, il

    parat ncessaire de sinterroger sur la pertinence actuelle de cette distinction entre

    conomies de march coordonnes, dun ct, et librales, de lautre, sachant limpact

    rcent des marchs financiers et les mutations subies par la corporate governance

    dans le sens dune convergence des modles vers le modle anglo-saxon. Nanmoins, il

    19HALL Peter A. et SOSKICE David, Les varits du capitalisme , op. cit. , p. 75.

    20Ibid. , p. 79.

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    convient de prendre en compte les spcificits de chaque nation de manire maintenir

    un certain degr de complexit dans lanalyse de la corporate governance .

    2.4. Caractristiques de la corporate governance suisse

    Lemodle suisse est inscrire dans le modle dconomie coordonne. Cependant, il

    possde des caractristiques propres qui le rendent uniques bien des gards. Il est donc

    ncessaire de prciser les spcificits du capitalisme suisse, avant de mettre en exergue

    les sources de tension, les pressions auxquelles il est soumis. Thomas David, Andr

    Mach et Gerhard Schnyder21 ont tabli un bon rsum des caractristiques gnrales de

    la corporate governance suisse et des volutions subies par celle-ci. La Suisse est

    donc classer parmi le modle dconomie coordonne, notamment du fait des fortes

    relations qui existent entre les banques et lindustrie, du systme de proxy voting qui

    permet aux banques de reprsenter les intrts dactionnaires privs lors de lassemble

    gnrale des actionnaires, de la forte concentration de lactionnariat et de la faiblesse

    des droits des actionnaires minoritaires. Tous ces lments rapprochent le cas suisse du

    cas allemand. Nanmoins, le cas suisse possde des caractristiques propres, comme la

    haute densit des participations croises ( interlocking directorates ) et des

    mcanismes de protection prservant les entreprises suisses dune prise de contrle

    trangre. Les auteurs parlent ainsi de protectionnisme slectif, notamment par des

    mcanismes qui permettent un actionnaire de contrler une entreprise alors quil ne

    possde quun nombre limit de ses actions, renforant et stabilisant, par ce biais, la

    concentration de la proprit. Par consquent, this system allows a small group of

    owners, very often family owners, to retain the control of the firm and the right to

    determine their strategy independently, even when they float their companies on the

    market to raise funds from the public. 22 Une autre caractristique de la corporate

    governance suisse est le relatif laxisme, au niveau lgislatif, quant aux exigences de

    prsentation des comptes des entreprises. Cette faible transparence a permis aux

    entreprises laccumulation dimportantes rserves caches, that were supposed to

    preserve the long term development of the companies in times of recession and

    crisis. 23 Cependant, la prsence de ces rserves caches, rendues possibles par un droit

    21DAVID Thomas, MACH Andr et SCHNYDER Gerhard, Swiss corporate governance in a changing

    world : challenges and reactions , in NOLLERT Michael, SCHOLT Hanno et ZILTENER Patrick (ds.),

    Die gesellschaft der Wirtschaft (Sammelband Wirtschaftssoziologie), p. 151-172, 2004.22Ibid. , p. 6.

    23Ibid.

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    dune perspective avant tout descriptive pour crer un cadre cohrent apte expliquer

    les caractristiques propres chaque nation. Despite the rich description found in this

    research literature, the challenge remains to conceptualize cross-national diversity and

    identify the key factors explaining these differences. 27

    Ainsi, ils expliquent les

    diversits de fonctionnement entre les nations in terms of institutional configurations

    that shape how each stakeholder group relates to firm decision making and control over

    resources. 28 Nanmoins, les institutions ne sont pas vues comme des dterminants

    absolus, elles sont considres avant tout comme des cadres qui influencent les

    processus politiques et sociaux et la construction des intrts de chaque stakeholder.

    Lintrt dune telle approche est de mettre en avant les conflits qui peuvent intervenir

    entre ces trois groupes dacteurs, conflits qui mettent au jour une certaine complexit

    dans les relations existant au sein de la gouvernance dentreprise. Nous pouvons

    distinguer trois sortes de conflits. Premirement, et il sagit sans doute du type de conflit

    le plus connu, le conflit dit de classe, entre dun ct les employs, et de lautre, les

    actionnaires et les managers. Les auteurs restent assez brefs sur les formes que prennent

    ces conflits mais mettent en valeur le fait que le capital et le management peuvent

    sopposer en plusieurs points et, malgr leurs nombreuses accointances, on ne saurait

    les envisager comme un groupe entirement homogne partageant les mmes valeurs et

    les mmes intrts. Les auteurs dsignent deux autres types de conflit, tout dabord,

    celui quils nomment insiders/outsiders . Ce type dopposition, de rapports de force,

    sera passablement dvelopp par la suite puisquil fait partie dune des principales

    hypothses de mon travail. En effet, les intrts du labor et du management

    ( insiders ) peuvent sopposer aux intrts du capital ( outsiders ). Le capital, dans

    cette optique, suivrait une voie dite financire contraire aux intrts du management,

    lequel est dsireux dassurer le dveloppement long terme de lentreprise et de rester en

    place par divers subterfuges ( vinkulierung ). Enfin, le troisime type possible de

    conflit est nomm accountability conflicts , il dsigne la coalition surprenante qui se

    forme entre le labor et le capital face au management dans leur volont, soit de

    slever face une direction quils estiment peu performante, soit dexiger davantage de

    transparence quant la prsentation des comptes de lentreprise. On peut parler de

    coalition en finalit dans le sens o celle-ci porte sur un certain nombre de

    revendications, de points qui se recoupent, mais elle ne saurait apparatre comme une

    27Ibid. , p. 447.

    28Ibid. , p. 448.

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    coalition entirement homogne puisque des zones dombre existent, des conflits ont

    lieu au sein mme de ces coalitions. Cest l un des grands intrts de ltude de cas sur

    Swissmetal Boillat, dans le droulement de la grve, tant donn que des difficults

    importantes (insurmontables ?) sont intervenues lors de la stratgie mise en uvre par la

    coalition grviste entre cadres dun ct et ouvriers de lautre. Larrive du syndicat,

    dans ce cas prcis, soulve la problmatique rencontre. Comment se mobiliser et

    mettre en place un vrai dialogue pour aboutir un ensemble de revendications formelles

    au sein de la coalition sans que les conflits internes ninterfrent dans leur combat ?

    Il est incontestable que le cadre thorique dvelopp par Aguilera et Jackson demeure

    tout fait pertinent dans notre tude de cas, dans le sens o une analyse de science

    politique peut apporter un regard spcifique certains phnomnes conomiques o

    apparaissent clairement des rapports de force entre acteurs aux intrts et valeurs

    fondamentaux divergents.

    Les auteurs prcisent les dimensions de la corporate governance affectant les

    groupes dacteurs mentionns prcdemment ainsi que les domaines institutionnels qui

    les influencent (mais ne dterminent pas)29

    . Tout dabord, concentrons-nous sur les

    dimensions de la corporate governance qui ont le mrite de mettre en lumire les

    diffrences existant au sein dun mme groupe dacteurs. Les managers sont dfinis

    comme the stakeholders occupying positions of strategic leadership in the firm and

    exercising control over business activities. 30 Une premire distinction est faite entre

    autonomy vs. commitment . Les managers autonomes disposent dune plus grande

    indpendance envers leur entreprise, tandis que les managers committed sont plus

    dpendants de relations spcifiques leur entreprise pour poursuivre leurs intrts. La

    seconde dimension est la distinction faite entre une orientation financial et

    functional . Lorientation financire se traduit par une stricte sparation entre la

    direction stratgique et oprationnelle et le contrle de lentreprise par des mcanismes

    financiers, tandis quune direction fonctionnelle induit une plus grande intgration des

    fonctions oprationnelles, soit travers une spcialisation technique, soit par le biais

    dune forte implication personnelle et dun leadership. De l parler de deux

    conceptions antagonistes de lentreprise, il y a un pas que je ne franchirai pas, mais il

    convient de souligner la justesse de cette distinction pour mon tude de cas, puisque le

    29

    Les schmas dimensions of corporate governance et institutional domains shaping corporategovernance sont disponibles dans les annexes en fin de travail.30

    Ibid. , p.457.

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    CEO tant dcri Martin Hellweg a russi concentrer un maximum de pouvoir entre ses

    mains, en restant quasiment seul la direction gnrale de Swissmetal, aprs avoir

    russi vincer Franois Dupont COO, directeur oprationnel. Cependant, ces points

    seront autrement plus dvelopps dans les parties 6 et 7 de mon travail, cest--dire dans

    le rsum des restructurations qui ont eu lieu au sein de Swissmetal ces dernires annes

    et dans mon analyse des principaux rsultats de la recherche.

    Aprs avoir mentionn les dimensions de la corporate governance pour le

    management, il est ncessaire de prciser les domaines institutionnels pertinents pour

    lanalyse. Lidologie est utilise dans notre approche to show how managers

    legitimate their authority, perceive organizational members with a frame of reference

    from action. 31

    Les idologies peuvent se diffuser travers des processus de

    mimtisme ; la formation suivie, le passage dans des groupes professionnels ou la

    coercition exerce par des agences externes comme lEtat jouent un rle cl. Les auteurs

    nous prcisent en quoi lidologie est tout fait importante. Ideology is an

    institutional variable that influences management both by imposing constraints as taken-

    for-granted world views and by creating normative expectations that become focal

    points for firm decision making. 32 Ainsi, la sociologie des lites a pour dmarche de

    base danalyser les CV desdites lites. Cest par ce biais-l quil a t constat que la

    plupart des tops managers actuels sont passs par la case MBA (master in business

    administration) aux Etats-Unis. Ces enseignements contribuent la propagation

    didologies spcifiques quant la gestion dentreprise, notamment au dveloppement

    du paradigme de la shareholder value . Lautre dimension institutionnelle est le

    carrer patterns qui renvoie la mobilit de ces tops managers. En effet, une

    distinction centrale peut tre faite entre marchs du travail ouverts et ferms. Dans le

    cas de marchs ferms, comme au Japon, les managers ont tendance rester fidles la

    mme entreprise et peuvent en gravir au fur et mesure les chelons. Tandis que dans le

    cas dun march plus ouvert, comme aux Etats-Unis, les managers tendent tre

    employs par plusieurs entreprises durant leur carrire, et par consquent tre plus

    autonomes.

    Dans le cas du capital, les auteurs identifient trois domaines institutionnels, les droits de

    proprit, les rseaux inter-entreprises et le systme financier. Premirement, il faut

    faire une distinction au sein du capital. Capital is the stakeholder that holds property

    31Ibid. , p. 458.

    32Ibid.

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    rights, such as shareholders, or that otherwise makes financial investments in the firm,

    such as creditors. 33 La premire dimension identifie est la distinction faite entre

    intrts financiers et intrts stratgiques. Les intrts financiers sont poursuivis quand

    un investissement est avant tout motiv par le retour sur investissement, tandis que les

    intrts stratgiques sont prdominants quand un investissement est motiv par des buts

    non financiers, comme le contrle de lentreprise, cest typiquement le cas lorsque les

    shareholders sont des autres entreprises. Une seconde dimension identifie est le degr

    de liquidity ou de commitment . Liquidity refers to the ability of owners to exit

    by selling their stakes without a loss of price. 34 Dans cette optique-l, les actionnaires

    prfrent donc suivre la stratgie de l exit . Au contraire, la stratgie de

    commitment revient privilgier la voice , le droit de vote lors des assembles

    gnrales des actionnaires, dans des structures o lactionnariat est plus concentr, ce

    qui correspond plus des engagements de long terme. Enfin, la troisime dimension

    concerne la debt et l equity , cest--dire le recours soit aux banques, soit aux

    actions pour se financer. Parmi les domaines institutionnels, les droits de proprit

    jouent un rle non ngligeable. Les institutions, les cadres lgislatifs exercent une

    influence importante, cest pourquoi il est ncessaire de connatre les bases du cadre

    lgislatif de chaque nation tudie. Property rights define mechanisms through which

    shareholders exert control, such as information exchange and voting rights, and how

    control is balanced with managerial discretion. 35 Les droits des actionnaires sont plus

    ou moins dvelopps et protgent donc plus ou moins les petits actionnaires. Le systme

    financier renvoie aux sources de financement des entreprises. Les entreprises peuvent se

    financer directement depuis le march financier ou recourir des arrangements hors

    march, soit en recourant aux banques, soit aux fonds propres. In sum, financial

    systems influence corporate governance through their capacity to provide different

    sources of capital and to affect the relationship with the firm. 36 Finalement, les auteurs

    mentionnent limportance du rseau inter-entreprises. En effet, des rseaux plus ou

    moins denses et contraignants peuvent exister, le cas des participations croises, trs

    dveloppes en Suisse, est un bon exemple des relations qui peuvent exister entre les

    entreprises, des relations qui peuvent tre de loyaut, soumises dimportants

    mcanismes dinterdpendance.

    33Ibid. , p. 450.

    34

    Ibid. , p. 451.35Ibid. , p. 453.

    36Ibid. , p. 454.

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    Pour finir ce point, nous nous devons de prciser les dimensions et domaines

    institutionnels cls du troisime stakeholder, le labor (les employs). Ce stakeholder

    est souvent omis dans lanalyse de la corporate governance. Pourtant, il joue, maints

    gards, un rle trs important, particulirement frappant dans mon tude de cas du fait

    de la grve. Les auteurs conceptualisent le rle des employs dans la corporate

    governance in terms of their ability to influence corporate decision making and to

    control firms resources. 37 La premire distinction est faite entre une stratgie de

    contrle externe ou une stratgie de participation interne. Le contrle externe se rfre

    des situations o la prise de dcision reste la prrogative du management, dans ce cas-

    l, les employs cherchent influer sur les dcisions prises par lentreprise de manire

    externe, notamment par des mcanismes daction collective (grve). Au contraire, les

    employs peuvent participer la prise de dcision, dans des schmas de dmocratisation

    de la prise de dcision. Ce modle tend renforcer lintgration au sein de lentreprise

    ainsi qu privilgier le consensus et la coopration entre employs et direction. La

    deuxime distinction renvoie aux aptitudes, qualifications (skills) des employs. Quand

    ces skills sont spcifiques, les employs se trouvent dans une situation de plus

    grande dpendance envers leur entreprise, si bien quils prfrent viter la stratgie de

    l exit , tandis que des skills plus gnrales rendent les employs plus autonomes

    par rapport leur entreprise. Ensuite, les auteurs identifient trois domaines

    institutionnels qui peuvent influencer le labor . Les droits de reprsentation au niveau

    de lentreprise concernent un droit fondamental, celui de sorganiser au sein de

    lentreprise pour faire valoir ses droits et dfendre ses intrts. Celui-ci peut prendre de

    nombreuses formes. Deuximement il est fait mention du type dorganisation des

    salaris. Celui-ci peut se faire sur la base de la classe, du domaine ou encore des

    modles dentreprise. Ce type dorganisation des employs va influencer la stratgie

    suivie, cest--dire les stratgies de participation interne ou de contrle externe. Enfin,

    les auteurs mentionnent un dernier lment susceptible dtre important, the skill

    formation , qui ramne au niveau de qualification des employs, aux formations

    suivies, avec comme consquence leur grande mobilit (ou pas) au sein du monde du

    travail.

    Ainsi, ce cadre thorique a le mrite de rtablir une certaine complexit au sein de la

    corporate governance en privilgiant une approche qui part du niveau de

    37Ibid. , p. 455.

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    lentreprise, qui souligne le rle des institutions, qui met en exergue les diffrents types

    de conflit potentiels et qui vite lcueil dune approche dichotomique modle libral

    (anglo-saxon) vs. modle continental (allemand). La suite de ma dmarche consiste

    rappeler les spcificits du partenariat social en Suisse, avant de dvelopper les

    caractristiques propres de lusine qui nous intressent, Swissmetal Boillat partir de la

    base thorique dveloppe prcdemment.

    Ce rapide survol doit nous permettre de lier le cas de Swissmetal des volutions plus

    larges quant la gouvernance dentreprise. Mme si ltude de cas ne permet pas de

    gnraliser de manire trs schmatique les changements qui sont intervenus un

    niveau plus macro, on ne saurait considrer le cas de Reconvilier comme un cas unique,

    dissoci dune ralit conomique plus large.

    2.6. Le partenariat social en Suisse

    Il est indispensable dvoquer les spcificits du partenariat social en Suisse pour rester

    cohrent avec le cadre thorique de Aguilera et Jackson qui insiste sur le rle des

    employs. Si les caractristiques principales du capitalisme suisse ont t mentionnes,

    rien na t dit propos du partenariat social suisse. Il est pourtant ncessaire de sy

    rfrer pour saisir le contexte de lentre en grve des employs de Swissmetal Boillat.

    Andr Mach nous donne de bonnes informations sur les relations industrielles et les

    rglementations du march du travail en Suisse.38 Cest durant les annes 30 que

    commencent sinstitutionnaliser les relations industrielles en Suisse. Le dbut du

    sicle a t marqu par de nombreux conflits de travail qui atteignirent leur apoge avec

    la grve gnrale de 1918 ; par la suite, on a assist une pacification progressive des

    relations industrielles, qui se concrtisa notamment avec les accords de paix du travail

    de 1937 dans les deux principales branches industrielles (horlogerie et industrie des

    machines). 39 Aussi, il apparat que le processus de pacification des relations

    industrielles a suivi des logiques sectorielles en fonction des branches. Durant la priode

    des annes 30 et de laprs-guerre, les syndicats vont commencer adopter une ligne

    plutt rformiste qui supprime lide de renverser lconomie de march. Cependant,

    linfluence syndicale restera assez faible comparativement dautres pays europens.

    La priode de croissance, les trente glorieuses, va saccompagner de la consolidation

    38MACH Andr, La Suisse entre internationalisation et changements politiques internes. La lgislation

    sur les cartels et les relations industrielles dans les annes 90, Thse de science politique de lUniversitde Lausanne, 2001.39

    Ibid. , p. 244.

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    des CCT, mais sans amener une croissance importante du taux de syndiqus. En ce

    qui concerne lorientation des syndicats, limportance acquise par le principe de la paix

    du travail auprs des dirigeants syndicaux, de la FTMH, en particulier, a conduit les

    syndicats dlaisser le travail de mobilisation sur le terrain. 40

    Bref, le caractre

    fortement dcentralis des syndicats et des associations demployeurs a pes sur

    lvolution des relations industrielles en Suisse, aboutissant la prgnance des logiques

    sectorielles et un syndicalisme modr. Andr Mach identifie deux caractristiques

    principales du partenariat social et des relations industrielles en Suisse :

    Premirement, les diffrents niveaux dinstitutionnalisation et dinteraction entre

    acteurs syndicaux et patronaux, savoir principalement l arne politique nationale

    et l arne conventionnelle des branches ; et deuximement, lasymtrie de pouvoir

    entre les acteurs organises, trs largement favorable aux employeurs que ce soit dans

    larne politique ou conventionnelle. 41

    Ainsi, il faut faire une distinction entre larne nationale qui soccupe de la lgislation et

    larne conventionnelle qui produit des normes conventionnelles. Il sagit ds lors

    dtablir de quelle arne dpendent les rglementations du march du travail.

    Cependant, l encore, il faut souligner le caractre trs dcentralis des relationsindustrielles en Suisse. La majeure partie des normes organisant le fonctionnement du

    march du travail relve de la comptence des organisations des salaris et des

    employeurs, qui ngocient entre eux au niveau de la branche voire de lentreprise, les

    dispositions lgales ne formant quune protection minimale des travailleurs. 42 Cest

    dans cette optique dune asymtrie de pouvoir en faveur du patronat quil convient donc

    denvisager le partenariat social suisse.

    Au niveau des ngociations collectives de branches, si les syndicats sont devenus

    des partenaires sociaux reconnus par les associations demployeurs, leur faible taux

    dorganisation et implication sur les lieux de travail, de mme que leur maigre

    capacit de mobilisation pour faire aboutir leurs revendications font des organisations

    syndicales un acteur peu puissant par rapport aux employeurs. 43

    40Ibid. , p. 52.

    41

    Ibid. , p. 257.42Ibid. , p. 259.

    43Ibid. , p. 260.

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    3. Problmatique

    Laxe fondamental de mon travail, sil faut le rsumer de manire lapidaire, est lentre

    dune logique purement financire dans la gestion du groupe Swissmetal. En effet, le

    holding Swissmetal, Usines Mtallurgiques Suisses, a t soumis de fortes pressions

    ces dernires annes suite dimportants problmes financiers qui ont failli coter la vie

    lentreprise. De nombreux changements au sein de la direction gnrale, des projets de

    restructuration enpagaille ont maill la vie du groupe spcialis dans les mtaux non

    ferreux. Aussi, pour comprendre les enjeux des modifications abruptes intervenues ces

    dernires annes, il est ncessaire de revenir de manire assez prcise et schmatique

    sur la vie de lentreprise, sur ses caractristiques propres et sur les grandes phases de

    son dveloppement historique. Cependant, il est primordial dabord de poser les bases

    de la problmatique du travail, cest--dire les hypothses de recherche qui

    constitueront la cl de lecture de la suite de la recherche.

    Dans le cas de ce travail, je stipule que la comprhension de la grve ne passe pas

    seulement par ltude des mobilisations lors du conflit, mais aussi par les volutions

    quont subies le groupe notamment les restructurations entreprises ces dernires annes,

    bref, les causes profondes de la mise en place de Martin Hellweg en 2003 la tte de

    Swissmetal. Il est donc obligatoire de passer par un rappel des grands moments du

    holding pour comprendre les causes profondes des changements, et pas seulement les

    causes factuelles court terme. Bien sr, la grve est un vnement majeur, aussi bien

    pour Swissmetal que pour lindustrie suisse. Le droulement de la grve, lampleur des

    mobilisations ainsi que les ngociations pour le rglement du conflit dpassent le simple

    cadre des consquences de la mauvaise gestion du groupe depuis 20 ans, cest pourquoi

    ces lments constituent un chapitre invitable de ce travail.

    Laxe danalyse que jai rapidement rsum se prte bien, mon avis, une analyse de

    gouvernance dentreprise base sur les trois stakeholders que sont les actionnaires, les

    managers et les employs.

    Cest ainsi que je pose la question de dpart suivante :

    Dans quelle mesure la nomination dun nouveau directeur gnral aux comptences

    largies la tte du groupe Swissmetal par le conseil dadministration traduit la volont

    de mettre en place une nouvelle stratgie dentreprise ?

    Je pose par consquent lhypothse de base suivante :

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    1- La nomination de Martin Hellweg la tte du groupe Swissmetal traduit la

    volont du conseil dadministration, non seulement dassurer le refinancement

    de lentreprise, mais surtout dintroduire une nouvelle stratgie dentreprise, une

    nouvelle gouvernance aux exigences de rentabilit accrue.

    Nanmoins, Hellweg nest pas le premier manager parachut de lextrieur ; cest

    pourquoi il convient de se demander pourquoi la politique quil a entreprise a suscit un

    tel concert doppositions, en dfinissant les options stratgiques et les dcisions

    concrtes quil a choisi de suivre.

    Cette hypothse gnrale amne dautres interrogations, dautres hypothses plus

    spcifiques :

    2- Cette exigence de rentabilit accrue se traduit par laffirmation de la

    shareholder value comme principe de base de gestion de lentreprise, cest-

    -dire que la bonne marche de lentreprise est avant tout considre par le biais

    de la satisfaction des intrts des actionnaires.

    3- La mise en place de cette nouvelle stratgie dentreprise affecte le

    fonctionnement interne de lentreprise de Reconvilier, ce qui se traduit par

    dimportantes restructurations autant pour les cadres (licenciements,

    concentration de services) que pour les ouvriers (flexibilisation accrue, perte

    dacquis sociaux). Une logique quon peut qualifier de financire entre en conflit

    avec une logique industrielle, aux visions de lentreprise et aux objectifs

    diamtralement opposs.

    4- La grve de Reconvilier constitue un bon exemple dun nouveau type de conflit,

    entre dune part, la direction gnrale reprsentant la position du conseil

    dadministration et dautre part, les cadres et les employs de Reconvilier

    (conflit outsiders/insiders ).

    Il sagira donc de mettre au jour les logiques de constitution de ces coalitions, les

    valeurs qui les sous-tendent ainsi que les sources de tension potentielles au sein mme

    des coalitions.

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    3.1. Mthode employe

    Les principaux rsultats de ce travail sont le fruit dun certain nombre dentretiens que

    jai entrepris avec diffrents interlocuteurs, pour la plupart employs ou anciens

    employs de Boillat. En effet, les sources crites sont nettement insuffisantes ; il sagit

    avant tout de rapports de gestion, de communiqus de presse et darticles de presse. De

    plus, mon approche, qui se veut qualitative, me semble bien convenir une srie

    dentretiens. Ceux-ci donnent des informations importantes sur les valeurs des

    interlocuteurs, leur conception, leur vision de lentreprise ou les causes de la grve. Jai

    ainsi eu six entretiens.44 Jai rencontr tout dabord Flavio Torti, maire du village de

    Reconvilier, par lentremise de Jacqueline Henry-Bdat, co-prsidente de la chambre

    dconomie publique du Jura bernois, qui ma donn son point de vue sur le conflit de

    novembre dernier et ma suggr les personnes que je pourrais rencontrer dans le cadre

    de ma recherche. Jai rencontr par la suite Franois Dupont, ancien cadre de Boillat,

    qui a t durant quelques mois COO avant dtre licenci par Hellweg. Le troisime

    interlocuteur fut Paul Sonderegger, directeur de Boillat de 1989 1998 et aujourdhui

    retrait, qui ma parl de lentreprise dans une perspective historique. Ensuite, jai

    rencontr Philippe Oudot, co-rdacteur en chef du Journal du Jura, ce qui ma permis de

    discuter du suivi mdiatique de la grve, et Hung-Quoc Tran, ingnieur dapplication

    chez Boillat, dmissionnaire en juin de cette anne, qui sest mont trs disponible.

    Enfin, jai eu un entretien avec Mario Grnenwald, prsident de la dlgation ouvrire,

    pour avoir lavis dune personne qui nest pas cadre.

    Les entretiens ont t mens de faon semi-directive, en recourant un protocole

    dentretien qui contenait un certain nombre de questions sur les points importants

    aborder. Cette manire de procder permet de ne pas oublier les dimensions essentielles

    du travail tout en laissant une certaine marge de manuvre aux interlocuteurs dans la

    discussion. Les entretiens, dune dure comprise entre une et trois heures, ont t

    enregistrs, except le premier, avec Flavio Torti. Ce faisant, jai pu me concentrer sur

    la discussion durant lentretien et massurer de ne pas oublier certaines informations

    fournies par mes interlocuteurs en rcoutant les entretiens. Nanmoins, ceux-ci nont

    pas t retranscrits. Dautres entretiens auraient pu tre mens, notamment avec

    Madame Blanc-Khn, membre du comit directeur dUnia, que je nai pas pu

    rencontrer, avec des membres du conseil dadministration, et bien sr, avec la direction

    44La liste des entretiens est disponible dans la bibliographie.

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    gnrale de Swissmetal. Dans le cas de Madame Blanc-Khn, jai pu mappuyer sur son

    tmoignage dans louvrage Quand la Boillat tait en grve45 ainsi que sur ses nombreux

    tmoignages dans la presse. Quant la direction gnrale, je me suis avant tout appuy

    sur les rapports de gestion, les communiqus de presse ainsi que surs ses interventions

    dans la presse pour recueillir le point de vue du CEO Martin Hellweg. Nanmoins,

    malgr le petit nombre des entretiens, il est intressant de constater que de nombreux

    points se recoupent, reviennent plusieurs fois. Avant den venir aux principaux rsultats

    de mon travail, il est ncessaire de faire un bref historique de lentreprise Boillat et de

    prciser les caractristiques de lusine mme, et ce partir du cadre thorique de

    Aguilera et Jackson.

    4. Historique de lentreprise

    4.1. Cration et dveloppement de lusine : 1855-1955

    Lusine Boillat clbre cette anne ses 150 ans dexistence. Lentreprise fut cre en

    1855. Cette anne-l quatre personnalits rgionales, dont Edouard Boillat, ngociant

    Reconvilier, prennent la dcision de crer une fonderie de laiton Reconvilier,

    lpoque un village de quelques centaines dhabitants, situ au cur du Jura bernois.

    Trois ans plus tard est fonde la socit anonyme Boillat SA afin de donner plus

    dextension leur tablissement pour la fabrication de laiton en planches et fils et afin

    de rendre cette industrie plus importante, tout en lui assignant un caractre national. 46

    A lpoque, les produits dvelopps par lentreprise, des planches, des bandes, des

    rondelles, des barres et des fils en laiton et en cuivre taient destins presque

    exclusivement la fabrication des bauches de montres et lindustrie de la bote

    musique. 47

    Les annes qui suivirent ont vu la fonderie sagrandir ainsi que se

    dvelopper ses installations techniques. En 1917, Edouard Boillat, fils du cofondateur

    de lentreprise, nayant lui-mme pas de fils, dcide de se retirer des affaires en

    remettant son affaire un groupe dindustriels, amis et clients. Ainsi en 1917 tait

    fonde une nouvelle socit, Fonderie Boillat SA. 48 Les quatre principaux actionnaires

    taient la maison Appareillages Gardy SA Genve, la maison Edouard Dubied &

    Cie Couvet, le holding de la famille Schwob la Chaux-de-Fonds et la fabrique

    45NOVERREAZ Pierre et al. , Swissmetal Reconvilier. Quand la Boillat tait en grve, Editions

    LEvnement syndical, Lausanne, 2005.46

    COLLECTIF, Fonderie Boillat SA 1855-1955, Ouvrage publi loccasion du centime anniversaire

    de la fonderie Boillat S.A., 1955, p. 23.47Ibid. , p. 30.

    48Ibid. , p. 43.

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    sources que jai pu me procurer sont plutt maigres. Cest pourquoi, pour ce bref

    compte-rendu, je me baserai principalement sur les informations donnes par Paul

    Sonderegger, jeune employ de commerce lors de son entre dans lentreprise en 1960,

    qui gravit tous les chelons jusqu occuper la direction de lusine de 1989 jusquen

    1998, anne de son dpart en retraite. M. Sonderegger ma avou quil est entr

    Boillat un moment fondamental de lentreprise puisque tout a t restructur. Avant,

    on avait une entreprise de type patriarcal o tout tait dcid par les deux directeurs

    gnraux en place, la nouvelle quipe a contribu rendre lentreprise plus ouverte. 53

    Lentreprise tait de type familial dans le sens o tout le monde se connaissait dans

    lusine et quil existait un fort attachement des employs lentreprise. Les quatre

    grands actionnaires voqus prcdemment sont rests en place jusque dans les annes

    70. Lentreprise Boillat a fait partie dun cartel qui a dur jusqu la fin des annes 70.

    Selon Sonderegger, il sagissait dun cartel assez braconnier o les entreprises

    staient partag de manire prcise le march. 54 Des pnalits taient mme prvues

    si les conditions du cartel ntaient pas suivies, ce qui dsavantageait Reconvilier qui

    tait lentreprise la plus rentable. Il me confirme les caractristiques propres du site de

    Reconvilier. Lentreprise tait au dpart trs ferme et na commenc donner des

    informations sur la bonne marche des affaires qu partir des annes 75/76. Il

    minforme du fait que lentreprise a t historiquement peu syndique jusqu

    rcemment, les conflits potentiels qui pouvaient intervenir loccasion taient rgls

    linterne, cest--dire entre la direction et les employs sans prsence syndicale. Il me

    confie mme lanecdote quun dlgu syndical stait vu interdire laccs une

    runion durant les annes 70. Bref, la priode en question voit Boillat considrablement

    modifier ses structures, avec une direction plus ouverte, un dveloppement important de

    la production qui voit venir lentreprise devenir un acteur cl au niveau du tissu

    conomique rgional ainsi que dans des rgions comme la Fort Noire ou la Haute-

    Savoie. Enfin, cest durant cette priode que Boillat acquiert son statut particulier, par

    sa spcialisation dans les produits de dcolletage, la production de niche, haute valeur

    ajoute, par sa fiabilit question qualit, par ses dlais de livraison ainsi que par la

    disponibilit de ces services de vente. Au dbut des annes 80, Boillat est devenu un

    vritable patrimoine industriel, lentreprise suisse la plus rentable dans les mtaux non

    ferreux.

    53Entretien avec Paul Sonderegger.

    54Ibid.

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    4.3. Cration de UMS Usines Mtallurgiques Suisses en 1986

    La cration de Usines Mtallurgiques Suisses intervient en 1986. Ce holding regroupe

    trois sites de production, Reconvilier, Dornach, localit situe dans le canton de

    Soleure proximit de la frontire allemande, et Selve, entreprise se situant Thoune. Il

    semble que la cration de ce holding sinscrivait dans la logique du dveloppement de

    lindustrie du cuivre, quelle suivait le dbut dintgration initi par le cartel du cuivre.

    Cette intgration sest droule sous lgide du clbre financier Werner K. Rey55, qui

    avait auparavant rachet lentreprise de Selve. Elle correspondait aux souhaits de toutes

    les parties contractantes. Les propos de Franois Dupont le confirment : La cration

    du holding tait logique dans une volont de rorganisation du groupe et doptimisation

    de la production. 56 Cest ainsi que les cadres de Selve ont pris le contrle du groupe.

    Selon les dires de Paul Sonderegger, la fusion ne posait pas de problmes

    Reconvilier, une concentration devait tre bnfique. Reconvilier tait lentreprise la

    plus rentable, ce qui nous donnait une certaine assurance. 57 Le holding Swissmetal est

    fond proprement dit en 1989, les usines fusionnant et perdant ainsi vritablement leur

    indpendance juridique. A ce moment, les principaux actionnaires sont les trfileries de

    Cossonay, les Ateliers de construction mcaniques de Vevey et la Socit de Banque

    Suisse.58 Le groupe va rapidement rencontrer de graves problmes financiers, suite

    leffondrement de lempire de Werner K. Rey. La dcision est prise, en 1991, de fermer

    le site de Selve. A lpoque, il y eut hsitation sil fallait fermer Dornach ou Selve. Si

    Boillat tait spcialise dans la petite dimension, Dornach concevait majoritairement

    des produits standards, tandis que Selve disposait de quelques spcialits comme des

    articles dcriture. Selve se situait au cur de la ville de Thoune, mais disposait dune

    fonderie obsolte avec des btiments vtustes et mal entretenus. A la mme poque, une

    usine fut conue Uentendorf, dans la banlieue de Thoune. Globalement, on peut dire

    que le site de Reconvilier tait peu impliqu dans ces dbats, puisquil navait jamais t

    question de sa fermeture. La seule implication importante de Boillat fut de transfrer les

    clients de Selve chez eux, ce qui constituait pour eux un march intressant. Ainsi,

    55Werner K. Rey est devenu clbre pour tre le responsable de lune des plus retentissantes faillites que

    la Suisse a connues. La socit quil a cre, Omni, va brusquement seffondrer au dbut des annes 90,

    en laissant une ardoise de plusieurs milliards de francs. K. Rey stait fait le spcialiste dune technique

    qui consistait blouir ses partenaires en embellissant ses propres affaires, grce des procds

    comptables sans rapport avec la ralit.56

    Entretien avec Franois Dupont.57Entretien avec Paul Sonderegger.

    58Lhistoire de Swissmetal, www.swissmetal.ch.

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    malgr dimportantes pressions financires, le groupe Swissmetal tint bon. De

    nombreux changements intervinrent galement dans la structure de lactionnariat

    puisque les trfileries de Cortaillod et de Cossonay fusionnrent. Aussi, on peut

    vritablement parler dun rseau entre ces usines spcialises dans les mtaux non

    ferreux. Les usines mtallurgiques de Dornach avaient rachet, sur ordre des trfileries

    de Cossonay, les participations de Boillat de la maison Dubied, qui avait rencontr

    dimportants problmes financiers dans les annes 70. Ainsi, la fermeture de Selve avait

    oblig le groupe un amnagement complet de leur situation financire. Cest ainsi que

    de nouveaux acheteurs furent recherchs par le groupe, qui opta finalement pour des

    petits placements (caisses de pension, etc.) qui donnrent de bons rsultats. Le groupe

    russit donc assurer son avenir au dbut des annes 90, malgr la fermeture de Selve.

    Aussi, il est clair qu cette priode les entreprises de Reconvilier et de Dornach

    suivaient des chemins assez indpendants. En 1996, la bourse lectronique suisse SWX

    souvrit Zurich. A cette occasion, le capital-actions fut redistribu. La Socit de

    Banque Suisse (plus tard UBS), Arlington Capital Management Ltd. (GB) et Alcatel

    (succession de Cossonay) devinrent les actionnaires principaux.59

    5. Caractristiques de lentreprise Swissmetal Boillat

    Il convient prsent de sintresser aux caractristiques propres de lusine Boillat de

    Reconvilier, notamment, selon laxe danalyse propos par Aguilera et Jackson, son

    type de production, aux spcificits de son actionnariat, sa place dans le tissu

    conomique rgional et la place des employs dans lentreprise. Il me semble

    pertinent de commencer par son type de production. Lentreprise a tir grand bnfice

    de sa spcialisation au niveau de la production, spcialisation initie ds les annes 60,

    en se focalisant sur des produits, dits de niche, haute valeur ajoute, dans des secteurs

    comme llectronique, llectrotechnique et les ateliers de tournage. Ainsi, Boillat sest

    spcialis dans le dcolletage, certains nhsitant pas parler de production sur mesure,

    tandis que le site de Dornach consacre environ 70% de sa production des produits

    standards. Pour appuyer ces propos, le tmoignage de Francis Jeanneret, directeur de

    lentreprise de dcolletage Codec Dombresson et un des dix principaux clients de

    Boillat, est tout fait parlant : Je suis dans un domaine o la pression sur les prix est

    norme. Jai souvent des clients, dans lautomobile ou la connectique, qui me suggrent

    59Ibid.

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    daller vers des fournisseurs meilleur march, en Italie, en Orient ou aux Etats-Unis. On

    a tout essay, mais on est toujours revenu chez Boillat ! 60 Et cela, avant tout pour des

    raisons de qualit : Pour les alliages spciaux, lusine de Reconvilier fournit des

    mtaux dune stabilit que les concurrents narrivent tout simplement pas galer. 61

    Cest ainsi que Boillat est devenu leader mondial dans certains secteurs, notamment

    dans les articles dcriture (les stylos bille) et dans laronautique o un ancien cadre

    me confiait que Boeing parlait de la norme Boillat.

    Les propos de Hung-Quoc Tran, ingnieur dapplication Reconvilier, sur la culture

    dentreprise de Boillat permet de faire le lien avec leurs types de production. Celui-ci

    tablit une distinction entre philosophie et culture dentreprise. Cette philosophie se

    veut tre au service de la clientle au maximum, a induit des efforts normes pour

    satisfaire les demandes des clients. Cest la vente qui tire tout le monde vers sa

    philosophie, et puis, si le 100% des employs accepte cette philosophie et travaille avec

    cette orientation, a devient une culture. 62

    Un autre point quil convient de souligner est que cette culture est avant tout familiale,

    non pas dans le sens o la mme famille a toujours dirig lentreprise, puisque Edouard

    Boillat a vendu ses actions ses quatre plus grands actionnaires en 1917, mais plutt

    dans celui o tout le monde se connat au sein de lentreprise, laquelle occupe environ

    400 personnes dans un village de quelque 2000 habitants. Ainsi, la majorit des

    employs viennent de la rgion et y sont tablis, ce qui suscite un trs fort attachement

    lusine. Nous sommes dans une optique bien diffrente de celle des salaris de lusine

    de Dornach, qui sont en majorit des frontaliers sans un mme lien affectif pour leur

    entreprise.

    Aussi convient-il de sintresser la place des employs au sein de lentreprise. Nous

    avons dj parl de paternalisme, puisque la direction historique du dbut du 20me

    sicle avait cr un certain nombre duvres dentraide pour les employs. Ces

    structures, qui ont t incontestablement paternalistes, ont-elles perdur travers les

    annes, voire jusqu aujourdhui ? A ce propos, les avis divergent. Avant larrive de

    Martin Hellweg, les salaris de Boillat disposaient dun certain nombre dacquis

    sociaux, certains de longue date. On peut citer notamment la prsence dun service de

    ressources humaines Reconvilier, des prix plus avantageux au niveau de lessence,

    60

    LHebdo, 2 dcembre 2004, p. 64.61Ibid.

    62Entretien avec Hung-Quoc Tran.

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    une infirmire dentreprise, une participation aux frais mdicaux et dentaires. Nombre

    de ces acquis ont t supprims de manire plutt radicale. Faut-il y voir la cause de la

    grve ? Je reviendrai sur ce point lors de la discussion des principaux rsultats.

    Cependant, la suppression de ces acquis semble plutt sinscrire dans le cadre de

    revendications plus gnrales, notamment la quasi-disparition du dialogue et de la

    confiance entre la direction gnrale et les employs. Tous les cadres rencontrs ont

    corrobor les mmes lments, Boillat tait, jusqu ces dernires annes, une entreprise

    o les conflits se rglaient linterne, autrement dit une entreprise peu syndique, o les

    syndicats taient souvent mme absents des principales ngociations. Larrive massive

    des syndicats et laugmentation importante des syndiqus au sein de lentreprise

    correspond au durcissement de la situation et la disparition progressive du dialogue

    entre salaris et direction.

    Il existe deux commissions du personnel au sein de Swissmetal Boillat. Tout dabord, la

    commission du personnel, qui reprsente le personnel administratif dont des cadres

    intermdiaires, mais aussi la commission ouvrire qui reprsente tout le personnel de

    production.63

    Cette deuxime commission a t cre dans les annes 70, durant la crise

    horlogre, pour dfendre les intrts propres aux ouvriers. Quant lactionnariat de

    Swissmetal, il a subi dimportantes volutions depuis les annes 70. En effet, il est

    pass de compact, constitu par un nombre limit de gros actionnaires qui formaient un

    bloc pour maintenir les structures en place, un actionnariat dispers, o dsormais les

    plus grands actionnaires possdent environ 5% des actions. Cette dispersion de

    lactionnariat sest encore accentu lors de laccord de refinancement de juin 2003.

    Afin de bien saisir les caractristiques principales de lentreprise, il me parat lgitime

    de rcapituler de faon systmatique et synthtique les spcificits de Boillat, dans son

    modle classique64, en suivant le cadre thorique dAguilera & Jackson.

    La direction se caractrisait par un fort engagement envers lentreprise puisque les

    dirigeants restaient en place durant de nombreuses annes. Le cas de Paul Sonderegger

    est parlant puisque celui-ci a pass presque 40 ans au sein de Boillat en y franchissant

    tous les chelons pour devenir directeur du site. Le capital se caractrisait, quant lui,

    par la poursuite dintrts stratgiques, de buts non financiers qui visaient la stabilit, le

    dveloppement long terme de lentreprise. Lactionnariat de Boillat tait ainsi concentr

    63

    NOVERREAZ Pierre et al. , Swissmetal Reconvilier. Quand la Boillat tait en grve, op. cit. , p. 44.64Par modle classique, jentends le modle dentreprise tel quil apparat dans la phase de

    dveloppement de Boillat avant la cration du holding, autrement dit dans les annes 70.

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    autour des quatre grands actionnaires mentionns prcdemment (la maison

    Appareillages Gardy SA Genve, la maison Edouard Dubied & Cie Couvet, le

    holding de la famille Schwob la Chaux-de-Fonds et la fabrique dbauches de

    Fontainemelon SA, reprsente par la famille Robbert.) Ceux-ci privilgiaient la

    voice l exit comme stratgie et se montraient prudents sur les dcisions

    prendre quant lavenir de lusine.

    Enfin, les employs sorganisaient au sein des commissions du personnel, lesquelles

    avaient pour mission de rgler les conflits linterne avec la direction. Les syndicats

    jouaient donc un rle relativement marginal tant donn la faible conflictualit. La

    gestion de lentreprise tait paternaliste puisque la direction encadrait les employs

    tous les niveaux par la mise en place dun certain nombre dacquis sociaux. Cela a

    contribu renforcer lattachement des employs leur entreprise, attachement dj fort

    tant donn la place particulire de lentreprise, aussi bien dans le village de Reconvilier

    que dans la rgion.

    6. Restructurations au sein de Swissmetal : 1996-2005

    6.1. Difficults financires

    Lorsquon parle des difficults financires rencontres par Swissmetal au cours des

    vingt dernires annes, une dcision controverse est immdiatement pointe du doigt :

    le rachat par le groupe, au dbut des annes 90, de lentreprise allemande Busch Jaeger.

    Tous les interlocuteurs que jai rencontrs insistaient pour dire que a t une grave

    erreur, lourde de consquences. Cette entreprise, semble-t-il assez vtuste, avait t

    achete pour deux raisons principales : tout dabord pour manger ce concurrent qui

    faisait du tort en cassant les prix, mais aussi pour avoir un pied en Europe dans le

    march commun. Juste aprs, le groupe dcide de mettre en place une nouvelle presse

    en Allemagne, alors que celles de Reconvilier et de Dornach taient plus anciennes.

    Aussi, tous les cadres interviews considraient que la direction et le conseil

    dadministration de lpoque navaient pas su dvelopper une stratgie de

    dveloppement pour les trois sites, avec comme consquence des conflits importants

    entre les sites de production non complmentaires. On est ainsi arriv au stade o des

    sites de production dun mme groupe taient en concurrence. M. Sonderegger estime

    qu on a trop laiss faire et quon na pas cr une politique de groupe. La direction de

    Busch Jaeger a t laisse en place et lintgration dans le groupe ne sest jamais

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    faite. 65

    M. Hung-Quoc Tran souligne le mme tat de fait : Dun point de vue

    commercial, si vous avez trois sites de production qui ne sont pas compltement

    complmentaires, si le conseil narrive pas mener des politiques claires, au moins quil

    mandate la direction pour quelle fasse le boulot leur place, pour dcider qui fait quoi

    de manire claire, pour quil ny ait pas de concurrence entre sites du mme groupe. 66

    Or, il apparat que ce problme na jamais t rsolu par les diffrentes directions en

    place. Pour certains, 1996 est une date cl dans lhistoire de Swissmetal puisquun

    nouveau directeur, Peter Schneuwly, est nomm la tte de Swissmetal en

    remplacement de Joseph Flach, parti en retraite. 1996 voit aussi lentre de Swissmetal

    en bourse, ce qui pour certains a eu dimportantes consquences, un intrt accru

    saffirmant pour lvolution du cours de laction Swissmetal en bourse et pour les

    rapports trimestriels du groupe. Lentre en bourse de Swissmetal a, semble-t-il,

    renforc la fragilit du groupe face la conjoncture, rendant plus ardu pour les

    diffrentes directions llaboration dun dveloppement long terme de lentreprise. De

    plus, elle a contribu disperser davantage lactionnariat au risque de signifier

    labsence dactionnaires suffisamment forts pour dvelopper le groupe. Peter

    Schneuwly est remplac en 2000 par la Franaise Nadine Minnerath. Ces annes avant

    la venue de Martin Hellweg apparaissent assez chaotiques avec llaboration de

    nombreux projets de rorganisation du groupe sous lgide de McKinsey, projets qui

    naboutiront pas. Ainsi, les deux prcdents directeurs gnraux, Nadine Minnerath et

    Peter Schneuwly, ne russiront pas donner un rle clair, une stratgie spcifique

    chacun des trois sites de production, ce qui plongera le groupe dans de graves

    problmes financiers.

    Lanne 1999 est mitige pour le groupe, en effet il enregistre un recul du chiffre

    daffaires de prs de 10% 303,7 millions.67 Swissmetal veut dsormais se concentrer

    davantage sur ses spcialits, qui ne reprsentent quune partie du volume daffaires, les

    marchs viss sont lindustrie lectronique et les biens de consommation durables

    (horlogerie, instruments dcriture, lunetterie). Il apparat que les produits standards

    (barres mtalliques, profils), destins la construction et aux transports, souffrent

    toujours dune demande cyclique, les marges tant plus faibles que pour les produits de

    niche. Swissmetal redresse la barre en 2000, le bnfice oprationnel est en hausse de

    65

    Entretien avec Paul Sonderegger.66Entretien avec Hung-Quoc Tran.

    67Dpche de presse, 4 mai 2000.

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    plus de 30% 41,5 millions (1999 : 31,1 millions) et le bnfice net a dcupl 13,7

    millions (1,3 millions).68 Cependant, le groupe saffirme extrmement vulnrable face

    aux variations conjoncturelles, notamment lvolution du prix du mtal. Lanne 2001

    est particulirement catastrophique pour Swissmetal qui enregistre un recul de 8% de

    son chiffre daffaires brut, 170 millions. Sur lensemble de lanne 2001, les livraisons

    ont atteint 55'000 tonnes, soit un recul de 15% par rapport lanne prcdente69

    , si

    bien que lanne suivante le groupe licencie environ 200 employs sur ses trois sites de

    production durant lanne et introduit mme le chmage partiel70. Lanne 2003 voit

    lobligation de changer de cap pour viter la faillite. Cest ainsi que lentreprise

    allemande Busch Jaeger est mise en faillite au dbut de lanne 2003.

    6.2. Nomination de Martin Hellweg

    En mai 2003 Swissmetal annonce avoir conclu un accord avec un consortium de

    banques lui assurant son financement jusquau 30 juin 2004. Lan dernier, le groupe

    avait plong dans le rouge, accusant alors une perte aprs impt de 55 millions de

    francs. Cet accord provisoire sign avec les banques est cens permettre Swissmetal

    de trouver un plan pour assurer son refinancement, et donc sa survie.71 Un nouveau

    directeur gnral est mis en place en juin 2003, lAllemand Martin Hellweg, qui

    remplace avec effet immdiat Nadine Minnerath la tte de Swissmetal, qui a perdu en

    un an le tiers de ses effectifs, suite la faillite de Busch Jaeger notamment, pour les

    ramener quelque 750 employs au total. Il convient galement de noter que Hellweg

    est second dans sa tche par un directeur gnral adjoint Franois Dupont. Il est utile

    de sintresser rapidement au parcours, la formation de Martin Hellweg pour montrer

    quel genre de manager il appartient.

    N en 1967, il tudie lconomie et le business administration la Ruhruniversitt de

    Bochum avant de passer par la William E. Simon Graduate School of Business and

    Administration de lUniversit amricaine de Rochester. Par la suite, il passera par

    ArthurD. Little Inc., puis par le Ally Management Group avant dentrer Swissmetal en

    2003.72 Auparavant, il avait fait partie de lquipe qui avait opr les restructurations

    68Dpche de presse, 18 avril 2001.

    69Dpche de presse, 21 fvrier 2002.

    70

    Dpche de presse, 25 octobre 2002.71Dpche de presse, 8 mai 2003.

    72Communiqu de presse de Swissmetal, CV de Martin Hellweg.

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    des cramiques de Laufon en 199973

    . Martin Hellweg, spcialiste du turnaround 74

    ,

    est entr Swissmetal pour assurer une mission spcifique qui est celle de son

    refinancement. A lorigine, il ntait donc gure prvu quil reste en place une fois le

    refinancement assur. Cependant, celui-ci a russi se montrer indispensable,

    notamment en centralisant de nombreux pouvoirs autour de sa personne. Ds juillet,

    Hellweg reprend la responsabilit des finances avec effet immdiat avec comme objectif

    damliorer lefficacit de 10 20%75. En novembre, Swissmetal simplifie dans le cadre

    de sa restructuration sa hirarchie. Les fonctions les plus importantes de lentreprise

    seront dsormais directement rattaches Hellweg. Le poste de directeur oprationnel

    (chief operating officer, COO), occup par Franois Dupont passe la trappe. En

    quelques mois, Martin Hellweg se constitue un pouvoir important, bien suprieur aux

    anciens directeurs, puisquil est en mme temps CEO et membre du conseil

    dadministration. Ce spcialiste de la restructuration financire a russi, par un certain

    nombre de mcanismes quil convient dinterroger, asseoir son pouvoir dans une

    entreprise o il tait cens rester pour une priode dtermine avec une mission

    spcifique.

    6.3. Plan de refinancement du groupe

    La nomination de Martin Hellweg la tte de Swissmetal a donc t entreprise avec

    pour objectif dassainir lentreprise et dassurer son plan de refinancement. Le plan

    propos par Hellweg a t approuv lors de lassemble gnrale des actionnaires le 30

    juin 2004 Berne. Ce plan de refinancement amena en outre une augmentation de

    capital de 51,3 millions76. Ce plan de refinancement sest fait sur la base de labandon

    de crances de CHF 6,3 millions par les banques crditrices, dune rduction de capital

    par le biais dune rduction de la valeur nominale en deux tapes de CHF 100,00 CHF

    9,00 par action au porteur. Hellweg a donc russi sa mission, assurer lassainissement

    de la situation financire du groupe par une dvalorisation de laction et recapitaliser le

    groupe autour de 50 millions de francs.77 Un autre point souligner est lnorme

    73Hellweg faisait partie de lquipe emmenene par Ueli Roost, prsident du conseil dadministation duAlly Management Group, qui a restructur lentreprise Keramik Laufen en 1999, en la vendant au groupe

    espagnol Roca. Roost, Hellweg et Jan Lipton ont touch environ 3,9 millions en guise de

    ddommagement. (cf. Cash du 29 septembre 2000)74

    Terme utilis pour dsigner les restructurations dentreprise.75

    Dpche de presse, 2 juillet 2003.76

    Communiqu de presse de Swissmetal,Adoption du plan de refinancement, 30 juin 2004.77Communiqu de presse de Swissmetal, Solution de refinancement de Swissmetal Assemble gnrale

    du 30 juin 2004, 9 juin 2004.

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    circulation des actions Swissmetal. En effet, les trois plus gros actionnaires du groupe,

    lUBS, lentreprise Relag et European Renaissance Fund Ltd nont pas suivi le plan de

    refinancement. Les plus grands actionnaires, au 31 dcembre 2004, taient European

    Renaissance Fund Ltd, Julius Baer Multistock SICAV et OZ Bankers78

    avec chacun

    autour de 5%. Nous avons donc affaire un actionnariat extrmement dispers.

    Reste savoir comment Hellweg a russi rester en place une fois sa mission acheve.

    Le conseil dadministration a-t-il dcid de le maintenir en place, enthousiasm par sa

    gestion de la situation et la conviction de ses propos, ou Hellweg a-t-il russi se rendre

    indispensable auprs des nouveaux actionnaires ? Une chose est sre : Hellweg a russi

    rester en place en se constituant le maximum de pouvoirs possibles. Cependant, il est

    incontestable que Hellweg a russi avec succs la mission qui lui avait t confie. Il a

    assur lavenir du groupe, pass tout prs de la faillite. Comment expliquer ds lors son

    maintien la tte du groupe ? Swissmetal a connu des annes difficiles au cours

    desquelles les prcdentes directions gnrales nont gure russi amliorer la

    situation du groupe. De nombreux projets de restructuration nont pas abouti. Il est

    possible de penser que le conseil dadministration sest laiss abuser par la russite du

    refinancement et quil a dcid ainsi daccorder une confiance aveugle en Martin

    Hellweg, en oubliant que celui-ci ne connaissait rien au domaine de production de

    Swissmetal, navait pas dexprience au niveau organisationnel et quil tait avant tout

    un financier.

    6.4. Restructurations : nouvelle stratgie de la direction gnrale

    Il convient de sintresser la politique entreprise par Martin Hellweg une fois laccord

    de refinancement vot et lavenir moyen terme du site assur. Bref, il sagit dans cette

    partie de voir quelles sont les causes conjoncturelles de la grve de novembre 2004 du

    site de production de Reconvilier. Comment les employs de lentreprise, jusque-l peu

    habitus aux conflits de travail, sont arrivs ce stade o la grve est apparue comme la

    dernire possibilit, comme lunique moyen pour faire entendre ses droits? Martin

    Hellweg sest rendu trs rapidement impopulaire auprs des employs de Boillat cause

    des dcisions quil a prises. En effet, si de nombreux cadres estimaient que la grve tait

    la consquence des erreurs de gestion du conseil dadministration et de la direction

    gnrale, Hellweg a jou un rle cl dans le dclenchement du conflit. Une chose est

    78Swissmetal.ch, structure de lactionnariat.

  • 7/30/2019 Memoire_march financiers

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    sre : on ne peut lui reprocher davoir maintenu le statu quo, lui qui a toujours affirm

    vouloir unifier la culture Swissmetal en intgrant davantage les sites de production de

    Dornach et de Reconvilier. Hellweg insiste sur cet tat de fait : en fait si les deux sites

    de Reconvilier et de Dornach ont t regroups depuis plusieurs annes au sein de

    Swissmetal, les deux entits ont continu chacun de leur ct. 79 Les propos de Sam V.

    Furrer, responsable des ressources humaines et plus proche collaborateur de Hellweg

    vont dans le mme sens : Avec la globalisation, le monde est en constant changement

    et il faut savoir ragir trs vite. Et pour pouvoir le faire, il faut une structure de direction

    intgre et simplifie. Cest justement la stratgie que nous sommes en train

    dappliquer. 80 Parmi les premires dcisions prises, il a y le point quon a dj

    mentionn prcdemment, Hellweg a russi en quelque sorte sarroger les pleins

    pouvoirs du groupe, en devenant CEO dune direction gnrale trs pure. De plus, il

    est devenu membre du conseil dadministration lors du vote du plan de refinancement

    de juin 2004 qui a vu llection dun nouveau conseil constitu de cinq nouveaux

    membres. Outre la prsence de Martin Hellweg, les nouveaux membres sont Walter

    Hasermann, conseiller indpendant, Dominik Koechlin, notamment membre du


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