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Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints …de 1 an (46 %), 1 à 2 ans (34 %) ou plus...

Date post: 24-May-2020
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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 142 dossier thématique Adolescents et jeunes adultes (16 à 25 ans) Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer Creation of a specific unit for AYA with cancer N. Gaspar 1 , L. Ziliani 2 , G. Marioni 3 , J. Domont 4 , D. Valteau-Couanet 1 , L. Brugières 1 RÉSUMÉ Summary » La reconnaissance des spécificités des adolescents et jeunes adultes (AJA) [15-25 ans] atteints de cancer, tant sur le plan de la prise en charge médicale que sur celui des soins de support psychosociaux, a conduit à proposer la création de structures de soins spécifiques. Chaque patient AJA doit pouvoir recevoir le traitement le plus approprié à sa situation médicale, en association avec un soutien psychologique, social, scolaire et/ou professionnel adapté à ses besoins, afin de minimiser l’impact médical et psychosocial de cette maladie sur sa vie d’adulte. Plusieurs modèles de soins ont été proposés. À l’institut Gustave-Roussy, une unité dédiée aux soins des AJA a été créée il y a 10 ans pour répondre à ces besoins. Mettre en place une unité spécifique, c’est : – concentrer, dans un même lieu, une équipe pluridisciplinaire soignante ayant une connaissance des spécificités de l’oncologie dans la population des AJA, un accès à une double expertise oncologique adulte et pédiatrique, et une compétence en médecine de l’adolescent et du jeune adulte ; et une équipe pluridisciplinaire de support psycho- socio-éducatif formée aux problématiques de cette tranche d’âge ; – créer un lieu spécifique répondant aux besoins relationnels des patients avec leurs pairs et leur famille, mais permettant aussi l’intimité et l’autonomie. » C’est aussi se donner les moyens d’évaluer l’utilité de ce type de structure et son adéquation aux besoins des AJA, ce qui nécessite l’acquisition d’une compétence en recherche clinique des différents corps de métiers intervenant auprès de ces jeunes. C’est une remise en cause permanente pour s’adapter à l’évolution des connaissances médicales et psychosociales. La création récente de groupes coopérateurs en France (Groupe d’onco-hématologie des adolescents et jeunes adultes [GO-AJA]) et au niveau international (European Network for Cancer research in Children and Adolescents [ENCCA] ; Teenage Cancer Trust [TCT]) devrait permettre, dans le futur, de mieux définir la place de ces unités spécifiques pour la prise en charge de ces patients. Mots-clés : Adolescent − Adulte jeune − Cancer − Unité dédiée. The recognition of specific medical and psychosocial needs to Adolescents and Young Adults (AYA; 15-25 years) with cancer has led to the creation of dedicated units. All AYA patients should benefit from the treatment most adequate to their medical problems, with appropriate psychosocial and educational support, to minimise medical and psychosocial impact in their adult life. The creation of these units implies: to concentrate in one place a multidisciplinary professional team with knowledge of AYA oncology specificities, an access to a double adult/paediatric oncological expertise and skills in AYA medicine; a specific space favouring peer and familial relations and AYA privacy and autonomy. Creating these units requires means to evaluate their adequacy to AYA needs and consequently clinical research skills of the different professionals implicated in AYA care. It is a permanent questioning to adapt to new medical and psychosocial knowledge. The newly created collaborative groups at national (GO-AJA) and international levels (ENCCA, TCT, etc.) might, in the future, better define the place of these specific units in AYA care. Keywords: Adolescent − Young adult − Cancer − Specific unit. 1-3 Département de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent : 1 oncologue pédiatre, 2 infirmière dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes, 3 psychologue dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes ; institut Gustave-Roussy, Villejuif. 4 Département de médecine oncologique : oncologue médical adulte, institut Gustave-Roussy, Villejuif.
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Page 1: Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints …de 1 an (46 %), 1 à 2 ans (34 %) ou plus de 2 ans (18 %). Dans la suite de cet article, nous vous présenterons une partie

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012142

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)

Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancerCreation of a specific unit for AYA with cancerN. Gaspar1, L. Ziliani2, G. Marioni3, J. Domont4, D. Valteau-Couanet1, L. Brugières1

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» La reconnaissance des spécificités des adolescents et jeunes adultes (AJA) [15-25 ans] atteints de cancer, tant sur le plan de la prise en charge médicale que sur celui des soins de support psychosociaux, a conduit à proposer la création de structures de soins spécifiques. Chaque patient AJA doit pouvoir recevoir le traitement le plus approprié à sa situation médicale, en association avec un soutien psychologique, social, scolaire et/ou professionnel adapté à ses besoins, afin de minimiser l’impact médical et psychosocial de cette maladie sur sa vie d’adulte. Plusieurs modèles de soins ont été proposés. À l’institut Gustave-Roussy, une unité dédiée aux soins des AJA a été créée il y a 10 ans pour répondre à ces besoins. Mettre en place une unité spécifique, c’est :– concentrer, dans un même lieu, une équipe pluridisciplinaire soignante ayant une connaissance des spécificités de l’oncologie dans la population des AJA, un accès à une double expertise oncologique adulte et pédiatrique, et une compétence en médecine de l’adolescent et du jeune adulte ; et une équipe pluridisciplinaire de support psycho-socio-éducatif formée aux problématiques de cette tranche d’âge ;– créer un lieu spécifique répondant aux besoins relationnels des patients avec leurs pairs et leur famille, mais permettant aussi l’intimité et l’autonomie.

» C’est aussi se donner les moyens d’évaluer l’utilité de ce type de structure et son adéquation aux besoins des AJA, ce qui nécessite l’acquisition d’une compétence en recherche clinique des différents corps de métiers intervenant auprès de ces jeunes. C’est une remise en cause permanente pour s’adapter à l’évolution des connaissances médicales et psychosociales. La création récente de groupes coopérateurs en France (Groupe d’onco-hématologie des adolescents et jeunes adultes [GO-AJA]) et au niveau international (European Network for Cancer research in Children and Adolescents [ENCCA] ; Teenage Cancer Trust [TCT]) devrait permettre, dans le futur, de mieux définir la place de ces unités spécifiques pour la prise en charge de ces patients.

Mots-clés : Adolescent − Adulte jeune − Cancer − Unité dédiée.

The recognit ion of speci f ic medical and psychosocial needs to Adolescents and Young Adults (AYA; 15-25 years) with cancer has led to the creation of dedicated units. All AYA patients should benefit from the treatment most adequate to their medical problems, with appropriate psychosocial and educational support, to minimise medical and psychosocial impact in their adult life. The creation of these units implies: – to concentrate in one place a multidisciplinary professional team with knowledge of AYA oncology specificities, an access to a double adult/paediatric oncological expertise and skills in AYA medicine; – a specific space favouring peer and familial relations and AYA privacy and autonomy. Creating these units requires means to evaluate their adequacy to AYA needs and consequently clinical research skills of the different professionals implicated in AYA care.

It is a permanent questioning to adapt to new medical and psychosocial knowledge. The newly created collaborative groups at national (GO-AJA) and international levels (ENCCA, TCT, etc.) might, in the future, better define the place of these specific units in AYA care.

Keywords: Adolescent − Young adult − Cancer − Specific unit.

1-3 Département de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent : 1 oncologue pédiatre, 2 infirmière dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes, 3 psychologue dédiée aux adolescents et aux jeunes adultes ; institut Gustave-Roussy, Villejuif.

4 Département de médecine oncologique : oncologue médical adulte, institut Gustave-Roussy, Villejuif.

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 143

Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer

L’ adolescence est une période de changements rapides, sur les plans physique, cognitif et psycho logique, survenant dans un contexte

de modification des relations et des rôles au sein de la famille et dans la société pour entrer dans le monde adulte. Le cancer chez les adolescents et les jeunes adultes (AJA) est un événement rare et, dans la majo-rité des cas, curable (1). Mais la survenue d’un cancer pendant cette période de la vie a un impact majeur sur le développement normal des AJA, en raison notam-ment du retentissement médical et psychosocial de la maladie et de son traitement, pendant celle-ci mais aussi à distance (limitation des activités scolaires ou professionnelles, des contacts avec les pairs, pertur-bation des relations familiales, risques de séquelles à long terme, etc.).Les unités dédiées aux AJA atteints d'un cancer ont pour mission d’apporter une prise en charge médi-cale (choix des traitements) et psychosociale adap-tée à cette tranche d’âge, et de minimiser autant que possible l’impact du cancer sur leur vie future. Au Royaume-Uni, ces unités ont été reconnues par les autorités comme des centres de référence pour les AJA atteints d'un cancer devant accueillir pour le diagnostic et les décisions thérapeutiques initiales tous les patients de moins de 19 ans ainsi que les jeunes jusqu’à 24 ans qui souhaitent y recevoir leurs soins. En France, les unités dédiées sont encore peu nombreuses et les AJA sont pris en charge dans des structures où l’organisation des soins est très hétéro-gène (2). En France, les premières unités ont été créées en 2002, selon 2 modèles différents en fonction du contexte local :

✓ unités physiques dédiées aux AJA sur le modèle de l’unité la Montagne à l’institut Gustave-Roussy (IGR) [3], ou, plus récemment, de l’unité AJA du service d’héma-tologie de l’hôpital Saint-Louis ;

✓ unités fonctionnelles dans une même institution, sur le modèle de l’unité de l’institut Curie, ou entre 2 institutions différentes, sur le modèle de Nantes.Le modèle de l'unité physique a des avantages : il consti-tue un lieu de vie pour les AJA et permet de regrouper les ressources humaines et matérielles. Mais l’organisa-tion de ce type de structure est compliquée, en raison de la nécessité d’avoir sur le même site des intervenants issus du monde pédiatrique et du monde adulte, et de créer ces structures dans des zones possédant un bassin de population suffisamment large pour justifier ce type d’investissement. Nous nous baserons ici sur l’expérience de la création de la première unité physique dédiée aux AJA, l’unité la Montagne de l’IGR, et sur les données de la littérature.

Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer : une concertation indispensable avec eux

Les unités dédiées aux AJA atteints d'un cancer essaient de répondre aux besoins médicaux et psychosociaux de cette population. Tenir compte de leur avis est un prérequis indispensable à la création de ces unités. En 1998, les jeunes ont exprimé leurs besoins lors des États généraux de la Ligue contre le cancer (Livre blanc). En 2000, une enquête portant sur “le point de vue des adolescents sur leur prise en charge dans un service d’oncologie pédiatrique” (3), réalisée dans le départe-ment de pédiatrie de l’IGR, a servi de point de départ à l’organisation, en 2002, de l’unité la Montagne dédiée aux AJA atteints d'un cancer.La réflexion s’est ensuite poursuivie, en s’enrichissant :

✓ de l’expérience au quotidien dans l’unité ; ✓ des données de la littérature ; ✓ des collaborations nationales avec d’autres struc-

tures prenant en charge les AJA atteints d'un cancer et avec l’association de patients Jeunes Solidarité Cancer (JSC) ;

✓ des collaborations internationales, notamment avec le Teenage Cancer Trust ;

✓ de la participation à de nouvelles études sur ce thème, telles que l’étude JADE, riche d’informations sur les attentes psychosociales des jeunes et de leurs proches (4).En 2011, pour évaluer l’adéquation entre les ressources de l’unité et les attentes des AJA, nous avons réalisé une enquête sur “l’utilité de la salle ados et les relations entre AJA de l’unité : point de vue des AJA” auprès de 50 patients, âgés en moyenne de 15 ans (extrêmes : 10-23 ans) au diagnostic et de 17 ans (extrêmes : 11-24 ans) lors du remplissage du questionnaire, et pris en charge dans l’unité AJA de l’IGR depuis moins de 1 an (46 %), 1 à 2 ans (34 %) ou plus de 2 ans (18 %). Dans la suite de cet article, nous vous présenterons une partie des résultats de cette enquête.

Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer : une réponse à leurs besoins médicaux

Les unités AJA doivent permettre de rassembler une équipe médicale et paramédicale (infirmières, etc.) formée aux spécificités physiologiques, développe-mentales et oncologiques de cette tranche d’âge, dans un environnement donnant accès aux traitements onco-logiques (chimiothérapie, chirurgie et radiothérapie) les plus adaptés et innovants, et aux soins de support nécessaires à ces jeunes.

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012144

Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)d o s s i e r t h é m a t i q u e

Une connaissance des spécificités oncologiques des cancers des AJA et un accès à une double compétence en oncologie pédiatrique et adulte Les unités AJA se doivent d’acquérir et de développer les connaissances sur les cancers des AJA pour améliorer les résultats thérapeutiques, qui ont peu progressé ces dernières décennies par rapport à ceux des enfants et des adultes plus âgés (5), améliorer la qualité de vie pendant et après les traitements, et assurer un accom-pagnement de fin de vie de qualité pour les patients qui ne survivront pas (6, 7). Pour cela, elles doivent :

✓ permettre aux jeunes patients de bénéficier des meilleurs traitements disponibles pour leur cancer ;

✓ favoriser les inclusions dans des protocoles théra-peutiques, souvent insuffisantes du fait du nombre limité de protocoles accessibles et d’une prise en charge dispersée (20 % des AJA sont traités dans des struc-tures inadéquates où l’accès à des protocoles dédiés est impossible) [2] ;

✓ accroître les connaissances sur l’efficacité des traite-ments, qui n’est pas la même que dans les autres popula-tions et dépend de l’approche, pédiatrique ou adulte (8) ;

✓ concentrer l’expertise dans la gestion des effets indé-sirables des traitements à court et long terme et prendre en compte ces effets dans les choix thérapeutiques dès le diagnostic, pour minimiser leur impact ultérieur. Il est établi en effet que les AJA tolèrent moins bien les traitements que les enfants (9) ;

✓ favoriser le recueil d’échantillons tumoraux et accroître les connaissances sur la biologie de ces tumeurs afin d’identifier les caractéristiques spécifiques des tumeurs de cette tranche d’âge (10).Les cancers des AJA (11) sont très variés et comprennent des cancers plus spécifiques de cette tranche d’âge (par exemple, les sarcomes osseux) [12, 13], des cancers pédia-triques qui peuvent également se voir chez l’adolescent et l’adulte jeune (comme les lymphomes de Burkitt ou les rhabdomyosarcomes), et des cancers qui surviennent habituellement chez les adultes plus âgés, comme les car-cinomes (14-16). Cette diversité rend une double expertise oncologique, pédiatrique et adulte, indispensable. La collaboration entre oncologues adultes et pédiatriques est un préalable indispensable à la création d’une unité dédiée aux AJA. Le traitement de chaque patient AJA doit pouvoir être discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) en présence d’oncologues de médecine adulte et d’oncopédiatres, comme le recom-mande l’Institut national du cancer (INCa). En France, les RCP dans cette population sont insuffisantes (54 %) et seules 3 % sont communes aux médecines adulte et pédiatrique (2). Ces RCP sont facilitées dans les unités AJA par les collaborations mises en place entre les différents

partenaires, soit au sein de la même institution (comme à l’IGR), soit entre plusieurs insitutions (c’est le cas de l’unité AJA de l’hôpital adulte Saint-Louis et de l’unité d’héma-tologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré, à Paris).

Des compétences en médecine de l’AJAL’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire doit être volontaire pour prendre en charge des patients de cette tranche d’âge et doit acquérir des compétences en médecine de l’adolescent et du jeune adulte. De nombreuses formations accessibles à tous sont dis-ponibles en France, telles que le DIU de médecine et santé de l’adolescent. Une des compétences à acquérir par le personnel soi-gnant est la capacité à bien communiquer. Ces jeunes patients, en quête d’autonomie, ont besoin d’être considérés comme les interlocuteurs principaux dans les décisions médicales et réclament pour cela une information répétée et développée dans les moindres détails, tout au long du traitement (3), y compris en fin de vie (17). La communication entre les soignants et les jeunes nécessite vérité, confiance, compréhension, présence et temps (18) et peut être facilitée par l’iden-tification d’interlocuteurs privilégiés (médecin référent ou infirmière coordinatrice référente). Malgré cela, 43 % des jeunes décrivent des difficultés de communication avec les équipes soignantes (4) et 63 % considèrent que les adultes ne peuvent pas les comprendre (19). Les unités AJA doivent favoriser l’information des jeunes à travers les échanges avec les professionnels de l’unité ainsi que par la création et la diffusion d’outils adaptés à leur âge, à leur culture et à leurs moyens de communi-cation (exemple : livret CECOS du centre Léon-Bérard, à Lyon, et Unicancer) [20]. L’information passe également par le contact avec les autres AJA malades lors de dis-cussions informelles entre eux dans l’unité ou sur des forums (JSC, www.jeunes-solidarite-cancer.org), ou lors de séances structurées de discussion en groupe (demande de 75 % des AJA de notre unité en 2000 [3] et 2011), notamment sous forme de séances d’éduca-tion thérapeutique (Nantes, IGR). Communication et information participent à la prévention des problèmes d’observance et d’adhésion (21, 22) et des comporte-ments à risque (23, 24) caractéristiques de cette période de la vie.Les professionnels des unités AJA doivent adopter une approche dépourvue de jugement de valeur et une attitude flexible sans compromettre le traitement (21). Repérer les comportements à risque permet de gérer certaines complications et interférences pendant la période des traitements, d’en comprendre les raisons, souvent psychosociales (23), pour proposer une aide

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Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer

de fond, de proposer des solutions alternatives ou de sevrage (consultation d’addictologie), et de diffuser des messages de prévention.Les questions de la fertilité, de la sexualité et des options de préservation de la fertilité sont centrales (4, 25), même si elles sont parfois difficiles à aborder (26). Un recueil de sperme devrait être proposé à tout jeune homme devant être traité pour un cancer. La cryo conservation ovarienne doit aussi pouvoir être proposée aux jeunes femmes lors des traitements associés à un risque élevé d’insuffisance gonadique. Une collaboration entre oncologues et médecins de la reproduction est indispensable.La prise en charge de la douleur, notamment au moment des gestes diagnostiques, est fondamen-tale (4) ; elle requiert une expertise particulière liée à l’âge et au sexe (27).

Unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer : une réponse à leurs besoins psychosociaux

Les unités AJA ont une fonction psychosociale qui se décline en de nombreuses tâches.Par leurs structures, elles créent un environnement qui permet un fonctionnement psychosocial et déve-loppemental des AJA se rapprochant de la normale, favorisant les relations ludiques et éducatives, tout en respectant leur intimité.Par les professionnels en place, elles permettent de repé-rer les forces des AJA pour les consolider et de repérer leurs difficultés pour répondre à leurs besoins sans

attendre une demande d’aide de leur part, car 30 à 78 % d’entre eux ne feront pas cette démarche (4). Informer les AJA sur les aides possibles, et proposer ces aides, est important, car ils feront d’autant plus facilement une demande d’aide qu’ils la savent possible (4). C’est le rôle au quotidien de chaque membre de l’équipe dédiée aux AJA, renforcé lors des entretiens avec l’infirmier coordonnateur.

Une unité de lieu rapprochant de la “ normalité” Une unité de lieu permet de recréer à l’hôpital un envi-ronnement dans lequel les AJA ont l’habitude d’évoluer, et peut leur permettre de mieux vivre les séjours hospi-taliers répétés et de mieux supporter des traitements désagréables (encadré 1). Plusieurs espaces répondent à cette fonction. À l’IGR, en 2011, les lieux de rencontre des AJA étaient la salle de détente, appelée le “Squat” (63 %) [figure 1, p. 146], la salle à manger (35 %), la chambre (19 %), l’atelier d’art plastique (9 %) et l’école (3 %).La salle de détente est considérée comme importante par la majorité des AJA (85 %), même s’ils l’utilisaient peu (75 % des patients y allaient au moins 1 fois par jour, mais pour une durée inférieure à 30 mn par jour dans 79 % des cas), essentiellement en raison des effets indésirables des traitements. Sa fonction principale était de leur permettre de s’évader de l’hôpital (62 %) [figure 1, p. 146] et de retrouver des comportements familiers. Ce lieu répondait à leurs souhaits d’avoir des moments d’isolement : 65 % des jeunes y allaient parfois juste pour sortir de leur chambre, s’affaler sur le canapé (30 %) et regarder la télé (55 %) ou utiliser l’ordinateur (47 %) ; il répondait aussi à leurs besoins de moments

Encadré 1. L’avis des adolescents : témoignages.

“ “Être adolescent dans un service de pédiatrie

Je m’appelle Manon, j’ai 17 ans et j’ai un cancer. Lorsque j’ai été malade, la question était : “dans quel service va-t-on m’hospitaliser ?” En effet, il n’existe pas beaucoup de services ados en oncologie. Mon médecin traitant a donc jugé que c’était beaucoup mieux de me placer dans un service pédiatrique plutôt que dans un service pour adultes.

J’ai été dans différents hôpitaux ; certains mélangent les jeunes enfants et les ados, d’autres les séparent. Je me sentais beaucoup mieux en service séparé car je pouvais parler avec des gens de mon âge de la maladie, mais pas que ; je riais avec eux comme avec mes amis du lycée, je me sentais moins seule pour combattre ma maladie.

En service mélangé, les petits pleuraient, me réveillaient, jouaient à des jeux que j’ai laissé tomber depuis longtemps. De plus, la complicité était inexistante car, souvent, les jeunes enfants n’ont pas la même perception de la maladie que nous, ados, qui comprenons mieux ce qui nous arrive.

Manon, 17 ans, juin 2012.

Être adolescent dans un service pour adultes

Je suis âgé de 16 ans, considéré comme “adolescent” à l’IGR mais comme “adulte” pour mon hôpital de proximité, qui gère mes transfusions de globules rouges ou de plaquettes après mes séances de chimiothérapie.

À chaque fois que je dois me rendre dans cet hôpital de proximité, j’y vais le cœur serré ! En effet, je suis souvent dans une chambre avec 1 voire 2  personnes âgées avec qui je n’ai rien à échanger, portant la mort sur elles ; là, je me ferme, pour moi c’est un enfer !

Par contre, lorsque je me rends à l’IGR, même si c’est dur, je sais que je vais y retrouver mes compagnons de chambre avec lesquels je partage le même combat : vaincre ce cancer. Nous parlons beaucoup entre nous, partageons nos expériences ; nous nous motivons et avançons ensemble comme sur un champ de bataille. De plus, nous avons à notre disposition une vraie salle de détente avec canapé, écran plat, jeux, livres, baby-foot… Un grand merci au passage à l’architecte qui a conçu béné-volement cet espace, il est génial !

Avoir une unité pour adolescents à l’hôpital est plus que nécessaire ! Il y a une vie à l’hôpital !

Jean-Baptiste, 16 ans, juin 2012.

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012146

Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)d o s s i e r t h é m a t i q u e

Figure 1. Un espace de détente dédié aux adolescents : le Squat.

Convivialité en famille

Confidentialité et convivialité entre adolescents

Convivialité avec les soignants Atelier jonglage avec les psychomotriciennes

2002 2012

de convivialité entre eux (30 %) et avec leurs proches (60 %) autour de jeux (55 %, de société ou vidéo) ou de discussions (30 %). Cette salle est aussi un lieu d’attente avant un examen (35 %), et permet au voisin de chambre de recevoir des soins en toute intimité (> 50 %).

Une prise en charge favorisant la relation aux pairsL’implication dans un groupe de pairs est un élément fondamental dans la construction de l’adolescent que les unités AJA tentent de maintenir. La relation entre un jeune atteint d'un cancer et son groupe de pairs habituel (AJA non malades) est favorisée par un libre accès de l’unité aux amis et à la fratrie, la disponibilité des moyens de communication habituels (téléphone portable [88 %], réseaux sociaux sur Internet [83 %]) et la présence d’associations de jeunes non malades réalisant des projets avec eux (par exemple, Cheer Up!). Ces liens sont un soutien dans sa recherche de normalité mais sont parfois une source de difficultés, et peuvent faire naître un sentiment de décalage et d’incompréhension.

Les unités AJA permettent la création de nouveaux liens en favorisant le contact avec des pairs malades du cancer, ce qui permet aux jeunes patients de développer de nouvelles stratégies adaptatives, de partager leurs ressentis et de se soutenir mutuelle-ment ( encadré 1) [19, 28]. L’unité de lieu permet des rencontres (66 % dans l’enquête de 2000, avant la créa-tion du “Squat” [3], et 85 % 9 ans après, en 2011) qui sont favorisées par le personnel : rencontres aidées par les infirmières (62 %), les aides-soignantes (42 %) et les médecins (23 %) ; ces rencontres peuvent aboutir à une amitié (en 2011, 40 % des AJA gardaient des contacts à l’extérieur, dont 90 % étaient devenus des amis).

Une prise en charge favorisant la réinsertion scolaire et professionnelleLes difficultés scolaires (le taux de redoublement est élevé : de 33 à 38 % [3, 29] ; 10 % des patients changent d’orientation [3]) et professionnelles (30) rencontrées par les AJA atteints d'un cancer sont une de leurs préoccupations majeures (4). Elles s’expliquent par

“La salle d’ados est une salle de détente et aussi de jeux. Dans les 2 cas, cela nous permet de faire passer le temps, sans rester uniquement dans la chambre. Au Squat, on trouve : télévision, lecteur de DVD et DVD, livres, jeux de société, consoles de jeu, baby-foot, instruments de musique… C’est une pièce accueillante et conviviale quand il y a des ados (pas souvent ^^).Même si on n’y est pas, le fait de savoir que cette salle existe est un point positif, car on peut y aller à tout moment, et elle ne ressemble absolument pas à une chambre d’hôpital !

Inès, 19 ans, juillet 2012.

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 147

Figure 2. Maintien de la scolarité pendant le traitement d’un cancer.

CONTACT systématique

avec l’école d’origine

ENTRETIEN avec le jeune et sa famille

TRAVAIL EN PARTENARIAT

avec l’école à l’hôpital

EXAMENSAménagementspassage du bac,

du brevet, du CAP

SAPADMise en place

de cours à domicile

ENSEIGNEMENTen lien avec la classe

référence avec les programmes (EN)

Brevet des collèges à l’école de la Montagne, 28 juin 2012

Des ados très concentrés pendant l’épreuve de maths, tandis que leurs mères font les 100 pas dans le couloir devant la classe.

D é t e n t e e n t r e l e s épreuves avec le soutien de ceux qui ne passent pas d’examens.

Taux de réussite en 2012 : 100 %.

Préparation du retour dans l’établissement

d’origine

ERI

Classe de la Montagne

COMMUNICATIONavec les soignants :

infirmière, psychologue, psychomotricienne

“Continuer sa scolarité pendant que l’on reçoit des traitements à l’hôpital

La scolarité à l’hôpital est plus compliquée qu’à l’école, car il y a les traitements, qui fatiguent beaucoup. De plus, c’est beaucoup plus dur de suivre le programme de l’année. Mais c’est bien grâce aux professeurs bénévoles que nous pouvons suivre les cours et passer nos examens à l’hôpital le plus normalement possible. Un grand merci à eux.

Florian, 15 ans, juin 2012.

Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer

un absentéisme important (consultations, examens, hospitalisations) [31], un manque de concentration, une fatigabilité accrue et la survenue d’un handicap physique ou cognitif.À l’IGR, un professeur de l’éducation nationale dédié aux AJA est intégré à l’équipe pluridisciplinaire, participe aux réunions hebdomadaires de l’unité avec tous les soignants et orchestre les aides possibles (école de la Montagne, association École à l’hôpital, service d’assis-tance pédagogique à domicile [SAPAD], etc.), cela en lien avec l’établissement d’origine (figure 2). En plus du programme de maintien de la scolarité, des aides au retour en classe sont mises en place : ce professeur intervient à la demande auprès des équipes éduca-tives des établissements, et une présentation préparée avec le jeune, destinée aux élèves et aux professeurs de l’établissement d’origine, est réalisée à la demande du jeune par l’espace de rencontres et d’information (ERI) pédiatrique ; un projet d’accueil individualisé (PAI) est rédigé si nécessaire. Des postes de conseiller d’orien-tation et de conseiller en insertion professionnelle se

créent dans les unités AJA pour faciliter le retour à une activité professionnelle et assurer une aide tout au long de ce processus (par exemple à l’IGR, à Lyon, à Nantes).

Une équipe pluridisciplinaire prenant en compte les difficultés physiques, l’image corporelle et l’estime de soiL’atteinte de l’image corporelle (perte des cheveux, perte de poids, cicatrices, interventions mutilantes, handicap) et la fatigabilité sont des éléments reten-tissant sur les relations sociales, l’insertion scolaire ou professionnelle, la vie quotidienne, les loisirs, la sexua-lité, et finalement sur l’estime de soi (4, 32).Les réponses à ces difficultés nécessitent une prise en charge par une équipe pluridisciplinaire. Les décisions médicales doivent tenir compte, dès le diagnostic, des séquelles potentielles. Les infirmières ont un rôle primor-dial au quotidien (33). Une rencontre avec cette équipe est systématiquement proposée au patient, le choix lui revenant ensuite de se l’approprier ou non. L’image corporelle est travaillée avec une socioesthéticienne,

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Adolescents et jeunes adultes

(16 à 25 ans)d o s s i e r t h é m a t i q u e

mais aussi lors d’ateliers d’arts plastiques (autoportrait) ou d’écriture (poèmes) [34]. La diététicienne intervient précocement pour proposer un support nutritionnel (encadré 2). La réappropriation du corps fait intervenir les kinésithérapeutes et les neuro psychologues dans la lutte contre le handicap et une psychomotricienne au travers de médiations individuelles (relaxation) ou de groupe (atelier de jonglage) [figure 1]. Renforcer les capacités du patient, plutôt que de lui rappeler ses difficultés (18), contribue à améliorer son estime de lui-même.

Prendre en charge la souffrance psychologique du jeune et de ses prochesSoixante-quinze pour cent des AJA rapportent une souffrance psychologique, même après la rémission (4), associée à des troubles de la concentration (51 %), ainsi que des difficultés relationnelles avec leurs amis (40 %) et leur famille (25 %).Pourtant, seuls 29 % des patients attendent de l’aide des psychologues et des psychiatres, leur famille étant considérée comme leur principale source de soutien

(84 %) [4]. Cette famille se trouve aussi en difficulté (35) : le retentissement scolaire est aussi important sur la fratrie que sur les AJA malades (31), et les mères éprouvent une détresse émotionnelle (44 %) et des difficultés de communication (avec leur partenaire, leur enfant malade et leurs amis), professionnelles, écono-miques et de mobilité (la détresse des AJA et celle de leur mère s’amplifient mutuellement) [4].La prise en charge psychologique d’un AJA atteint d'un cancer consiste également à se préoccuper de son entourage familial, en proposant :

✓ le repérage systématique pour tous les patients et leur famille de la détresse psychologique et de l’aide souhaitée, lors d’un entretien avec une psychologue dédiée, proposé au jeune et à sa famille systématique-ment, dès le diagnostic posé ;

✓ l’identification du réseau de soutien social et familial par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire, pour le renforcer ;

✓ une prise de contact systématique avec une assis-tante sociale pour le jeune ou sa famille en fonction de son âge et du contexte familial ;

✓ une prise en charge psychologique ou psychiatrique qui doit s’adapter au contexte oncologique, aux aléas des traitements et aux allées et venues du malade (4) ;

✓ des groupes de parole qui peuvent être un soutien efficace, notamment pour les frères et sœurs (36, 37). De tels groupes sont en place à l’IGR pour les fratries, les parents, les partenaires, les enfants de patients malades. En revanche, le groupe de parole proposé aux adoles-cents n’a pas perduré, faute de participants, malgré leur motivation déclarée (75 % y étaient favorables) [3].

Unité dédiée aux AJA atteints d’un cancer : le devoir de promouvoir la recherche

La recherche dans le domaine des cancers des AJA, tant sur le plan oncologique (compréhension des spécificités épidémiologiques, biologiques, cliniques et thérapeu-tiques) que psychosocial, est encore un vaste champ d’exploration où les unités AJA se doivent d’être motrices. Plusieurs points doivent encore être développés :

✓ réalisation d’enquêtes de pratique au sein de chaque unité AJA pour améliorer la prise en charge quotidienne et l’adapter aux contraintes locales ;

✓ partage des expériences entre unités AJA et études nationales permettant de mieux comprendre les problé-matiques des AJA atteints d'un cancer en France. Très récemment, les unités AJA physiques et fonctionnelles ainsi que les services d’oncologie pédiatrique et adulte intéressés par les AJA se sont regroupés en une associa-

Encadré 2. Importance pour l’adolescent de l’image corporelle et de l’estime de soi.

“La perte de poids, la fatigue, l’image de soi, le choix d’une solution par l’adolescent

Je m’appelle Kévin et j’ai 15 ans. On m’a découvert un ostéosarcome en janvier, et mon médecin référent m’a expliqué tout le processus de la chimio et aussi ses inconvénients, ainsi que la perte de poids. Elle m’a parlé des solutions qui existaient pour remédier à ce problème, c’est-à-dire la sonde nasale et la gastrostomie.

Je voyais les autres ados avec cette sonde et, sincèrement, je ne trouvais pas ça génial, ce tuyau qui sortait du nez et que tout le monde voyait, c’est vraiment pas esthétique. Comment pouvait-on sortir et voir ses copains avec ce truc dans le nez ? Pour moi, ce n’était pas la meilleure des solutions. Il y avait aussi la gastrostomie, mais cela demandait de subir une opération pour la pose et le retrait, et il paraît qu’on n’est pas en forme pendant quelques jours après l’opération, mais, pour moi, c’était la solution idéale, car on ne voyait rien.

J’ai commencé à perdre du poids, et ça devient vite un cercle vicieux, car on n’a plus faim, on mange moins, on est fatigué ; du coup, on maigrit et, au fil du temps, on ne récupère pas.

À 2 reprises, j’ai négocié pour ne pas l’avoir, mais je n’arrivais pas à reprendre du poids même en mangeant.

Et voilà : nous y sommes, je n’ai plus le choix, moi qui pensais qu’on aurait pu me faire la gastrostomie, mais c’était trop tard, car j’étais trop proche de mon opération et on ne voulait pas m’en faire subir une autre, et j’étais pas mal fatigué, du coup une infirmière me pose la sonde nasale. Ce n’est pas très agréable, mais je la supporte. Le lendemain, je demande à la retirer pour pouvoir la mettre tout seul et j’y arrive. Même les infirmières sont fières de moi. Du coup, je vais pouvoir gérer cette sonde tout seul, la retirer quand je sors et la remettre le soir.

Cette sonde m’aide à reprendre du poids, me redonne envie de manger, et je suis un peu moins fatigué. […] En ce qui me concerne, je pense avoir pris la bonne décision : je n’ai pas eu à subir une opération de plus. La sonde nasale, quand on peut la gérer seul, est une bonne solution, et une fois que tout va bien, on la retire et on n‘en parle plus. […] Moi, au départ, je ne voulais pas entendre parler de sonde nasale, je trouvais ça immonde ; mais je ne regrette pas mon choix. Ce n’est pas très agréable quand on doit la mettre, mais, bon, on s’y fait vite.

Kévin, 15 ans, juin 2012 (extraits).

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Mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints de cancer

tion nationale, le Groupe oncohématologie adolescents et jeunes adultes (GO-AJA), pour promouvoir l’accrois-sement des connaissances cliniques, biologiques et psychosociales concernant les cancers des AJA ainsi que leur diffusion et l’inclusion de ces jeunes au sein de protocoles ;

✓ favoriser les collaborations internationales (notam-ment avec les autres pays européens dans le cadre du projet ENCCA [European Network for Cancer research in Children and Adolescents]) et la participation à des études internationales ;

✓ poursuivre le travail collaboratif avec les jeunes, notamment via JSC.

Conclusion

La mise en place d’une unité dédiée aux AJA atteints d'un cancer nécessite la création d’un espace de vie, d’une offre de soins conjuguant les compétences d’on-cologues pédiatres et d’oncologues adultes et la mise à la disposition des patients d’un support psychosocial

pour répondre à leurs besoins immédiats et les aider à préparer leur vie future et à diminuer l’impact de l’expé-rience du cancer et de son traitement.En France, la structuration de telles unités est en cours, notamment grâce au dernier plan Cancer. Compte tenu de l’importance du personnel pluridisciplinaire à mobi-liser autour de ces jeunes, de l’expertise demandée à ces professionnels et du faible nombre de patients, le nombre d’unités AJA physiques ou fonctionnelles devra probablement être limité. Le partage des expériences, qui est en cours dans le cadre de l’association GO-AJA, permettra peut-être, à terme, de définir le modèle de soins le plus adapté à ces patients en fonction des particularités de chaque région. Il n’est pas certain que le modèle anglais proposant une prise en charge exclusive des adolescents atteints de cancer dans des structures physiques ou fonctionnelles dédiées soit adapté à l’organisation des soins en France. En revanche, il est important que chaque patient puisse choisir son lieu de soins, après avoir été informé de l’existence des différentes structures disponibles en fonction de sa pathologie et de son âge. ■

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R é f é r e n c e s

Remerciements » Aux adolescents et jeunes adultes

qui ont témoigné dans cet article et à ceux qui ont participé aux enquêtes menées dans l’unité la Montagne de l’IGR et ailleurs, et à tous les autres qui font évoluer nos pratiques au quotidien.

» À M . e t M m e G e r m a i n d e Montauzan et à la Ligue contre le cancer, qui nous ont permis de rénover la salle ados de la Montagne, suite à la demande des jeunes lors de l’enquête de 2011.

» À la Ligue contre le cancer, qui a soutenu le développement de notre unité depuis sa création et finance notre programme d’éducation théra-peutique.

» À la fondation Roche et à la fon-dation d’entreprise Société Générale, qui soutiennent le projet IGR d’aide à l’insertion professionnelle des AJA.

» À l’INCa et à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), qui ont permis la création d’une équipe transversale de prise en charge des AJA à l’IGR.


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