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Musil Philosophe

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  • 8/12/2019 Musil Philosophe

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    Musil philosophe

    Author(s): Jean-Pierre ComettiSource: Revue de Mtaphysique et de Morale, No. 2, Philosophies autrichiennes (AVRIL-JUIN1997), pp. 239-264Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40903533.

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    Musilphilosophe Si j'ai t flattque des philosopheset dessavants recherchentma compagnie et louentpubliquementmes livres, quelle erreur Ilsn'apprciaient as ma substancephilosophique- sa signification ; ils pensaient Enfin uncrivainqui comprend a ntre.RobertMusil1

    Rsum.- L'uvre littraire e Musil est-elleune uvrephilosophique?Audbut de sa carrire 'crivain,Musil a tudi a philosophieet la psychologie.Sous plusieurs spects,son rapport la philosophie, n particulier la philoso-phie autrichienne, jou un grand rle au regarddes principalesorientationsde son uvre. L'essentielrsidedans ce qu'il appelaitson essayisme et dansce qu'il considrait omme la plus importante ifficult laquelle la littratureet la philosophiedoivent faireface, celle des rapportsde 1' intellect et du sentiment. Vue sous cetangle,son uvre pparatcommeunetentative isant clarifier ettequestionphilosophique complique et passablement onfuse.Abstract. - Is Musil's literarywork philosophicalone? As a youngwriter,Musil learnedphilosophyand psychology.From several sides, his relation tophilosophy- and particularly o Austrianphilosophy- played a greatpartin the leadingorientations f his work. The mainpoint lies in what he calledhis essayism , and what he took as themost mportant redicamentiteratureandphilosophyhave to deal with: he connection etween feeling and intel-lect . Seen in that light,his workappears as an attempt o clearingup usethis complicatedand ratherconfusedphilosophicalmatter.

    Dans le vastepanoramade la littratureomanesque, 'uvrede RobertMusil est de celles dont la signification hilosophiques'impose avec leplusd'vidence.Certains uteursn'hsitent as considrerMusil commeun philosophe,en soulignant es rapporttroits de sa pense avec latraditionutrichienne,es intrtspcifiques,es orientationsui lui sontpropreset les auteursqui en fontsignificativementartie Brentano,

    1. Journaux, I (cit /.), tr. fr.P. Jaccottet, aris, Le Seuil, 1981, cahier33, p. 475.Revue de Mtaphysique t de Morale, N 2/1997

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    240 Jean-PierreCornettiMeinongou Ehrenfels, oireWittgenstein2.e fait est que lorsqu'on setourne vers les thmesou les questions qui appartiennent son uvreromanesque- et plus particulirement son grandroman,L'hommesans qualits-,orsqu'on pense sa connaissancedes aspectsmajeursdela philosophie t de la sciencede son temps,ou tout simplement songot pour la rflexion, n en vient aisment partagercetteopinion.Les difficultsommencentorsqu'on se proposed'valuer a contribu-tionphilosophique ie son uvre. Musil a critdes romans,des nou-velles, deux pices de thtre,un trsgrandnombred'articlessur dessujetsvaris,mais il n'a pas crit de livre de philosophie,et certainesde ses suggestions evraient n principenous dissuader de lui attribuerune qualit qui semble ne pas lui avoir inspirune grandeconfiance Les philosophes, peut-on ire dans L'homme sans qualits, sont desviolents ui, fauted'une arme leurdisposition, e soumettente mondeavec des concepts.3 Cette sentence st souventcite; elle n'est cepen-dantpas de Musil,maisd'Ulrich, qui il l'attribue,t cela dans le contexted'une interrogationur deux dimensions e la vie : l'une qui est orienteversune emprise ur le monde,et l'autre vers un tat auquel la phi-losophie semble destine demeurer trangre4.l n'y aurait donc pasncessairementieu de se laisser arrter ar ce que l'on peut lire dansL'homme sans qualits ce sujet,mme si des dclarationsde ce genremritentonsidration, t s'il ne fautpas non plus sous-estimere carac-treambiguet problmatiquedes rapportsque Musil a entretenus vecles dmarchesde pense que nous avons coutume de dsigner ous cenom. Comme il s'agit d'un auteur dont on peut admettre, e ft-ce uepar hypothse, u'il a sa place dans une rflexion ur la contributionspcifiquedes penseurs utrichiens la philosophiemoderne t contem-poraine,et comme mon intention e vise nullement en capterdfiniti-vement 'hritageau seul bnfice de la philosophie,on me permettrad'en priver rovisoirementa littrature,e tempsde quelques questions.

    2. Par exemple Jacques Bouveresse, L'homme probable (L'clat, 1993) illustre etteposition,ou Kevin Mulligan, Musils Analyse des Gefhls , in B. Bschenstein etM. L. Roth (d) : Hommage RobertMusil, Berne, P. Lang, 1995. K. Mulligan critnotamment L'analyse musiliennedu sentiment e situe au point de rencontre e sesrflexions ur 'thiqueetl'esthtique, ur a philosophiede l'esprit n gnral, ur a philo-sophie sociale et politique,et elle illustreune srie de rflexions hilosophiques qui ontleur source dans la psychologiedescriptive. De K. Mulligan,voir aussi la prfacedeWittgensteinnalys, Nmes, Ed. J. Chambn.3. L'homme sans qualits (cit HsQ), I, chap. 62, p. 395.4. Considre ous cette umiere, a philosophie tellequ elle s estla plupartdu tempsillustre partageavec la scienceun apptit dont Musil pensaitqu'il s'apparentaitau mal . Voir ce sujet J. Bouveresse, La sciencesouritdans sa barbe , L'Arc,74, 1978. Voir aussi HsQy I, p. 396.

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    Musil Philosophe 241MUSIL LECTEUR DE MACH1/Jedois d'abordnuancer eque j'ai suggrncommenant. i l'uvrede Musil n'est pas une uvrephilosophique u sens habitueldu terme,il n'en a pas moins critun livre de philosophie,puisqu'il a rdigunethse une Dissertation - sur ErnstMach, auteurdont nuln'ignorel'importance ans le contexte hilosophique t intellectuel u tournant usicle. Le Cerclede Vienne a commencpar lui emprunteron nom,ses travaux urles sensations ui ont valu d'tre au centrede discussionsdont artistes t crivains nt t vigoureusement artie prenante, t sonrle dans esdiverses ptions ui ontmarqu 'histoire e la physiquen'estcertainementas la moindrede ses contributions5. e travailde Musils'intitulait eitrag urBeurteilunges LehrenMachs. Ralis sous la direc-tionde Carl Stumpf Berlin, l sanctionnait es tudesde philosophie tdepsychologie ue Musilyavaitentreprisesprsavoirreuune formationd'ingnieur6. es commentateurse Musil insistent ouvent ur l'impor-tance de ce travail,parce qu'ils y trouvent ne expression es intrts eMusil avantqu'il ne se tournedfinitivementers a littrature, ais aussiparce que c'est au moment cettedissertation trdige u'il a critson premier oman,Les dsarroisde l'lve Trless1.Dans la mesureocetteconcidence emporelle e leurparat pas fortuite mais pourquoine e serait-elleas? - ils tendent rechercherans a thseunarrire-plandes questionsque l'auteur sembley avoir abordes, encouragsen celapar le rle intellectuelue Mach a jou en son temps.On en trouveuneexpression vlatricehezuncrivain lbrede l'poque, HermannBahr,qui contribua popularisere motde Mach : Le moi nepeut tre auv ,et dans la faondont cette de s'est associe une crisedu langagedont la Lettrede Lord Chandos parat tre une ultimeexpression8.A vraidire,comme on peutfacilemente constater, i certains spectsde cette crise sont prsentsdans le premierroman de Musil, Les5. Sur Mach et les diverses faces de son uvre ou de son influence,voir Passmore,ErnstMach. JohnBlackmore (ed.), ErnstMach, A deeperLook, Dordrecht,KluwerAca-demic Publishers,1990.6. Cette thse a t traduite n franaispar M. F. Dmet sous le titre our une valua-tion des doctrines e Mach, Paris, puf, 1985, avec une prfaceet une postfacede Paul-Laurent Assoun.7. Die Verwirrungenes Zglings Trless,publi en 1906.8. E. Mach, Die Analyse der Empfindungen nd das Verhltnis es Physischen um

    Psychischen, 903. Le textede Bahr, Das unrettbarech a t publideux fois,dansdeux recueilsdiffrents,ne premire ois dans Dialog des Tragischen, t une deuximedansExpressionnismus.a Lettrede Lord Chandos , de Hofmannsthal, date de 1905.Cf. tr. fr. in Lettre de Lord Chandos et autres crits,Paris, Gallimard.

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    242 Jean-PierreCornettidsarrois de l'lve Trless,il n'en est pas vraiment uestion dans sadissertation ur Mach, dont le propos est manifestementrientversd'autresproblmes.Considr la lettre, et critd'une centaine e pagespropose essentiellementne tude destine apprcier es thsespist-mologiques majeuresde Mach et en tester a cohrence9.Comme l'afait ustement bserverG. H. vonWright,Musil s'y montre rsprudent.Il y souligne,de faon rpte,qu'il n'entendpas proposerde solutionaux problmes u'il soulve,et encore moins faire ppel quelque posi-tion personnelle10. Comptetenu de l'importance es dbats auxquelsles ides de Mach ont t lies sur le plan scientifique, n comprendque le jeune Musil se soit montr irconspect,mais il n'est pas interditde penser que sa rserve xprime uelque chose de plus qu'une attitudede circonstance.La lecturede cette dissertation eut certes aisserper-plexeceluiqui estfamiliarisvec l'uvreromanesquede Musil. Le styleen est parfoisassez gauche et l'architecture, 'un pointde vue philoso-phique, n'est pas d'une grandenettet. l ne s'agit pas, pour tout dire,d'un excellent ravail,et cela explique les rservesformulespar CariStumpf11. omme Musil n'a jamais crit d'autre livre de philosophie,on pourrait isment n tirer 'ide de difficultsue l'uvreromanesquene permetpas d'imaginer,mais que ses propos confirmentarfois12.Amoinsd'opter pour une autrehypothse, elon moi plus vraisemblable,et qui permetde mieux rendre ustice ce travail d'tudiant.

    2/ Aprstout, a faondontMusil aborde les doctrines de Machn'est pas si trangre ue cela la maniredont il traite a matiredans les romans. Entre la dissertation t ses uvres romanesques, l ya bien sr tout ce qui les spare par leurobjet, quoi s'ajoute la matrisequi deviendracelle de l'crivain encore que Trless soit remarquable-mentmatris) dans les deuxcas, pourtant,Musilpratiqueunedmarchesemblabledont e but ne visepas la slection 'une thseou d'un lmentnarratif ui se verraient ttribuer ne significationxclusiveet unilat-rale, mais plutt la dfinition 'un contextede possibilits.

    9. Cf., dansla traduction ranaise,espages60 et 61 : Le seulbutqui soit ci recherchconsiste valuer e la faon a plus rigoureuseossible a validit nterne es thses e Mach. 10. GeorgH. von Wright, prfacede la traductionnglaisede Beitrag urBeurteilungdes Lehren Machs, Munich, Philosophia Verlag, trad, par K. Mulligan.11 Le document tabli par Stumpf vant Toral prciseque le travail a d tre rvisil ajoute que sous sa nouvelle version, 'auteur devra en amliorer a formeet donnerune plus grandeclart,ainsi qu'une plus granderigueur la formulation es problmes.il. (J. cette note des J.t il, p. 463 : Me audrait-npas dire simplementue je n'aipas eu le couragede traiter n penseuret en savant mes proccupationsphilosophiques,de sorte u'il me faut es introduireubrepticementans mesrcits,esrendantmpossibles

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    Musil Philosophe 243A cet gard, quelles qu'en soient les maladresses, a thse sur Machrvle n comportementhilosophiquementignificatif.e faitde dfendreune thse importait pparemmentmoins au jeune Musil que celui derendre eur naturede questionaux notionsdontMach entendait rendrecong,en rtrcissantinsi significativement' idal de connaissancequ'il prtendait ourtantpoursuivre13.'il y a dans ce travailquelquechose qui se signale l'attention, t qui ne peuttretenupourde simplecirconstance, 'est le souci de discerner, ans l'uvre de Mach, une ten-dance statuerdfinitivement et mtaphysiquement - sur desquestions qui n'exigeaientrien de tel. Certes,son contenu ne se limitepas cela, mais les thmesqui en fontpartiey sont abords dans cetteperspective14.e maniregnrale,Musil y adopte une attitudenspirepar un sensdu possible qu'il dcouvre hezMach, mais auquel celui-ci drogeen dpitde ses dclarations u de ce que sa doctrine devraitlui dicter.Cette dissertation 'est certainementas l'crit e plus laborde Musil. On peut mme avoir le sentiment u'il ne lui a pas apportbeaucoup de soin, ce qui surprend e la partd'un crivain ussi sourcil-leux. Mais le traitque je viens de souligner 'y manifeste onstamment,et c'est probablement e que l'on y trouvede plus musilien.3/ Comme e l'ai suggr, n peut tretentd'tablir diversrapportsentre a dissertation t Les dsarroisde l'lve Trless. Mais ce premierroman n'est pas une variante littraire de son travail de thse. Enfait, s'il fallait absolument ui attribuer n arrire-plan hilosophique,au sens largedu terme, l vaudraitprobablementmieux se tournerversles intrts e l'auteur npsychologie,ncore u'il se soittoujoursdfendud'avoir propos un roman psychologique 15. D'autre part, il peutparatre clairant e situer e premier omandans la lignedes proccupa-tionsqui appartiennent la priodede Brunn,dans un contextemarqupar des influences la fois ittrairestphilosophiques, u partir 'une

    13. Cf. Pour une valuation,op. cit., tr. fr., p. 60-61.14. Un exemple.Parmi les questions mportantes ui sontabordesdans la dissertationde Musil, il y a notamment elle de la ncessitnaturelle . Les remarques u'il consacre cettequestionmontrent l'videncequ'il se soucie de la significationbjectivedes loisscientifiques,t par consquentdu rapport u rel de ce que nous tenonspour vrai. D'untel souci - ne ft-ce u'en tantque question-, ses crits ultrieurs moignentussi.Mais dans la dissertation,e problmeest abord la lumire d'une critiquequi ported'abord sur l'attitudequi a pour consquence de l'vacuer.15. La positionde Musil, ce propos, consiste fairevaloir que la psychologienepeutoffrir n pointde vue au romancier.Nanmoins, es questionsque Musil associaitaux sentiments,t auxquelles la psychologie 'est principalementntresse u dbut dusicle,de James Ribot, en passant par Brentano,Stumpf,Meinong,Scheler, etc., cesquestions sont prsentesdans Trless.

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    244 Jean-PierreCornettilecturede Nietzschequi fut contemporainede celle de Mach16. Maislorsqu'on considre cet aspect des choses, on peut tre tent de sedemandersi l'image de Musil philosophe ne faitpas partiede ceslgendesqui se confondent vec la reprsentationu'on se faitde cer-tains crivains, ans tre sr d'en tirerquelque bnfice.Paul Valrya probablementnfici e l'image qu'il a laissede lui dans ses Cahiers;Sartre omancier soufferte son imagede philosophe, tMusil se seraitparfoisvolontierspass de sa rputationd'crivain intelligent17.

    La varitde ses intrts e l'a toutefoisamais conduit leurdonnerune significationxclusive. a lecture e Mach et l'influence e Nietzsche,par exemple, e sontpluttharmonises, n ce qu'elles ontprobablementcontribu lui faireprendre onsciencedes problmesposs par l'articu-lation du sentimentt de l'intellect, utrement it du problmemajeurvers lequel son uvre est tourne18. a consciencequ'il en a eue, l'poque de Brunnprcisment, ermet eule de comprendrea dualitde sespenchants u de ses intrts,oire on attitude rovocatriceorsqu'ilplaide pour un rationalismemilitant omme celui qui s'exprimedans L'homme mathmatique 19. Sa dfensedes ressourcesde la pensescientifiquet la ncessit roclame,pour les crivains, e s'en inspirer,relventn fait d'une attitude ans laquelle il faut voirun prolongementde ce qu'il reproche Mach et de son refusdes positionsexclusives uunilatrales,mais tourne ontre es tendances ymtriques ui se rencon-trentdans l'art. La seule diffrence, 'est que dsormais l place cetteattitude u serviced'une exigencede clarification ui concerneV sprit,avec la convictionque l'habitude d'opposer ou de tenirpour antago-

    16. Voir es cahiersde cettepriode Journaux, , c. 4, o Musil itMaeterlinck,merson,NietzscheLe cas Wagner) a plume la main,recopiant es passsages,et intitulantignifi-cativement'un de ses premiersahiers Feuilletsnocturnes u journalde *M. le Vivisec-teur . Dans le mme ahier, l crit outefois Les Populrwissenschaftlicheorlesungende Mach me sonttombsentre es mains pointnommpourme dmontrera possibilitd'une existence prdominancentellectuellet pourtantde grand sens (/., I, p. 44)(je souligne). Sur les annes passes Brunn Brno), voir J. P. Cometti, RobertMusil, L'homme exact . Paris. Le Seuil. 1997.17. Elle a certainementtournplus d'un lecteurde son uvre.Elle lui a surtout alude ne pas tre lu l'Acadmie Prussiennedes Belles Lettres, un momento cela luiaurait particulirementendu service.18. On peutconsidrer u'un roman commeL'homme sans qualitsconstitue ne tenta-tivepouraborder,par des voies que la littratureouvaitoffrir ses yeux, es principauxantagonismesuxquelsles socits t l'individumodernes oiventfaireface. L'homme sansqualits aborde, cet gard, les problmesque Charles Taylor, par exemple,dans sonlivre Sources of the Self, prsente omme essentiels t dcisifs.19. Cf. Essais (cite s.), tr.tr. F. Jaccottet, ans, Le seuil, iv4 : i/nommematnema-tique, 1913,p. 56-60.On en trouveun cho dans L'homme sans qualits.Ulrichaimaitles mathmatiques cause de ceux qui ne peuvent es souffrir.

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    Musil Philosophe 245nistes es deuxcomposantesmajeures 1' intellect et le sentimentestau curd'une crise ansprcdentans 'histoire e la culture. 'impor-tance qu'il a accorde l'essai est directementie ce problme.ENTRE L'ART ET LA SCIENCE : L'ESSAI

    1/ Les questionsautourdesquellesMusil a bti son uvreappartien-nent une philosophiede l'essayisme ous l'clairagede laquelle on peutplaceraussi bien ses uvresromanesquesque les nombreux extesqu'ila publis nmargede celles-ci. es perspectivesue Musil associe Vessaientrent irectementn rapport vec les distinctionsue l'on a coutumed'tablir entre 'art et la science.Musil y voyaitdeux ples qui ne pou-vaient treni superpossni confondus,et il donnait cette distinctionune signification la foismthodologique t ontologique, omme e lais-sentassez clairementupposer es caractrisationsu'il utilise ce sujet- comme orsqu'ilparlepar exemple,d'un domaine ratiode et d'undomaine non ratiode 20.A premire ue, les termes tiliss ndiquent ne positionpouvanttreapparente cellesque la philosophie vu natre, u cours du xixesicle,autour des dmarcations ue le dveloppementu positivisme contribu tracer.Le bergsonisme, ar exemple, u les Geisteswissenschaften,ansl'acceptionde Dilthey,reposent ur des principesqui semblentparfoisassez prochesde ce que Musil avait en vue. L'intrtqu'il manifesteparfois pour telle ou telle variantedes distinctionsui furent lors ta-blies montre que les questions qu'il se posait ne leur tait pastrangres21. ais il est douteuxque l'on puisseleurattribuer ne signi-ficationanalogue.Certes, a pensede Bergsonou l'entreprise e Diltheytaientorien-tes vers la lgitimation 'une connaissance distincte es sciencesposi-tives omme ciencesde la nature.Les butsque Musil s'efforce e dfiniren ayantrecours la notion d'essai sont approximativementu mme20. Cf. La connaissancechez Pcrivain Esquisses , 1918, E., p. 80-85 On nepeutmieuxcomprendree rapportde l'crivain u mondequ'en partantde son contrairel'homme qui dispose d'un point fixea, l'homme rationnel ur son terrainratiode.21. Cf. J., I, cahier25, p. 158, cettenote L* utreattitude.Pour Bergson, a penseconceptuelle,a traduction e l'exprience n mots et autreschoses analogues sont dj

    une falsification e l'expriencevcue originelle.Lui aussi met cela en relation avec lasphre pratique. Un autre passage souligneles rserves ue lui inspire Bergson safaonde rattacher a science l'espace et la philosophie u tempsme dplat, cahier33,p. 496.

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    246 Jean-PierreCornettiordre.Comme l l'crit Maeterlinck, merson,Nietzsche, picure par-tiellement,es stociens,esmystiques si l'on fait bstraction e la trans-cendance -, mais aussi Dilthey, Taine et la recherchehistoriquenomothtique, ppartiennentu mondede l'essai. 22Mais lorsqu'il citeces noms,Musil en effacesignificativementes marques qui permettentcommunment e les cataloguer ous des rubriques onformes nos cri-tres cadmiques Nietzscheparmi es philosophes , par exemple, uTaine parmi es historiens . On peuty voir l'indice d'une conceptionde la philosophie t de l'essai qui ne communiquepas fondamentalementavec lesvoiesque s'efforcrent'ouvrir esphilosophesmentionns. vraidire,si 1' essai se rangeait, ses yeux,entre 'art et la science,et sila philosophie n'entrait as en lignede compte orsqu'il s'interrogeaitde la sorte ur cette one intermdiaire,ela tient la faondont l conce-vait a philosophie t ce qui, pour ui, la rapprochait e la science.Musilaurait ouscrit ce que suggraitWolfgangKhlerdans ses ConfrencesWilliam James , donnes Harvard en 1938 : II y a une leon que lephilosophe eutreteniru scientifique.l appartient la nature e la philo-sophiede chercher atteindrea solution des problmesgnraux;maisil n'estdans le pouvoirde personne 'y parvenirmmdiatement.eux quiagissentnanmoinsde la sortedonnent nvariablement'impressiondengliger es aspectsessentiels e ce dont ls traitent. ous n'avons aucuneconfiancedans leurs conclusions.Je me demandesi, avec un peu plus depatience,a philosophie 'irait as plusvite.Une tellepatience mprunterait la rechercheon attitude aractristique.23 On retrouve ne ide com-parabledansce qu'il dclare l'un de ses correspondantsKarlBaedeker,dans une ettre es annestrente je nepuisconcevoir 'activit hiloso-phiqueprolonge tfconde,uiconfie-t-il,ansune tude pprofondie esmathmatiques t de la psychologie,de quelque faon que l'on veuilledistinguer e ces connaissancespralables 'essencede la philosophie 24.Certes,Musil laisse ici dans l'ombre la natureprcisedu rapportdela philosophie ux sciences xactes,maisce qu'il suggre ermet u moinsde penser u'un dveloppementparde la philosophie, 'inscrivantansune dimension ntgralementutre, ne correspondait as ses vues25.

    22. Cf. E., De l'essai , p. 337.23. WolfgangKhler, The Place of Value in a Worldof Facts, Keagan Paul, Trench,Trubner & Co., 1938, p. vm.24. Lettre Karl Baedeker du 16 aot 1935, Lettres,tr. fr., p. 235.25. Autrement it, il n'aurait pas souscritaux dclarationsde Husserl, par exemple,dans la Philosophieals strengeWissenschaft. on pas par refusd'en faireune sciencerigoureuse , mais en raison de l'intentionhusserlienne e se situerdans une dimensionradicalement trangre ux sciences,c'est--dire ux sciencesde la nature. Je ne doutepas que l'on puisse apprcierdiversement etteposition.

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    Musil Philosophe 247Nous ne pouvonsvidemment as savoir ce qu'il auraitpensdes dve-loppementsde l'empirisme u cours des cinquanteannes qui se sontcoules aprs sa mort,mais il est tout faitprobable qu'il les auraitsalus commeil l'a faitpour les premiers ravauxde WolfgangKhleren psychologie26.l est inutiled'en multiplieres indices; ce qu'il sug-gre propos de Khler ou de Carnap est suffisant; l s'agit en outred'un faitqui a dj t soulign27. 'il faut en retenir ne chose, c'estla distanceque cela implique par rapportau typede projet dont sontnes aussi bien les philosophiesde la vie que les Geisteswissen-shaften 28. L' essai me sembleen tre a contrepartie.l s'accorde,en outre, vec les prfrencese Musil pourune philosophie exacte.Lors de son sjour Berlinde 1931,Musil a fait a connaissancedeRichardvon Mises qui tait alors apparentau Cercle de Vienne. VonMises voque le nom de Musil dans ses crits, t le nom de von Misesapparat plusieursreprisesdans les lettres ue nous possdons de cedernier29. n ne sait pas grand-chose, vrai dire, de leurs rapports,sinon que Musil apprciaitdans la compagniede von Mises un hautniveauscientifiquet philosophique ssoci un got raffin our l'artet la posie30.A dfautd'informations rcises ce sujet, le KleinesLehrbuch des Positivismus31, ermettoutefois de se faire une ideapproximativede ce qui les rapprochait,et peut-trede ce qui lessparait32. e Kleines Lehrbuchcontientune sectionconsacre l'art.L'auteur y adopte une position assez conventionnelle, ux termesde

    26. Cf. E., L'Europe dsempare , p. 146 : Si notre poque n'a pas de philosophie,c'est moinsparce qu'elle est incapable d'en produireque parce qu'elle dcline es offresqui ne s'accordentpas avec les faits.Veut-onun exemple, l suffit e lire e livredu jeunephilosopheberlinoisWolfgangKhler Die physikalischeGestaltennRuhe und im statio-nrenZustand,prsentmodestementommeun essai de philosophiede la nature si l'onest armpour le comprendre, n verra commentpeut s'esquisser,sur la base des sciencespositives, a solutionde trs anciens problmesmtaphysiques.27. VoirJ.Bouveresse, La science ourit ans sa barbe etL homme robable,op. cit.28. Voirgalement . Bouveresse : Les illusions e 1 Actionparallle , Revued Esth-tique, 9, 1985.29. Voir Briefe,d. tabliepar A. Fris, Suhrkamp.Ces lettresne sont pas traduitesdans l'ditionfranaise.Musil a crit R. vonMises de courtes ettres ratiquementusqu'la finde sa vie. Ces lettres u ces cartesn'apprennent as grand-chose, inonqu'il tenait cette amiti.30. Von Mises avait tun ami de Hofmannsthal ors de ses annesd'tudes Vienneil possdaitune riche collectionde manuscrits t d'ditions des uvres de Rilke.31. R. von Mises, Kleines Lehrbuchdes Positivismus,Den Haag, 1939.32. Renate von Heydebrand, dans son livre Die ReflexionenUlrichs n R. MusilsRoman Der Mann ohneEigenschaften, Mnster,1966, p. 84, suggre outefois, ntreautreshypothses,ue Musil et von Mises voyaientdans la fiction, n littrature,n qui-valent des expriences e pensedans les sciences.Ceci s'accorde, en effet, vec la faondont Musil conoit le roman.

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    248 Jean-PierreCornettilaquelle Fart reoitsa valeurdes possibilits 'expressionqu'il donne la viehumaine,paralllement ce que la connaissancepermet l'hommed'accomplir.Pour von Mises, entre 'art et la connaissance, l ne semblepas qu'il y ait eu de domaine ou de problme intermdiaire. Or, dansle cas de Musil,cela faisaitprcismentartiede ce qui taiten question.On pourrait ertes tretentd'appliquer l'uvrede Musil le schmaque von Mises mobilise dans la dernire artiede son livre. On rejoin-drait en cela une suggestion e Franz Blei, qui fut 'un des prochesamisde Musil, lorsqu'il observeque l'uvre de ce dernier 'est employeexprimer e que la science ne peutdire33.Mais cette distinction e rendpas justice l'essai. Certes,Musil n'apparentepas l'essai l'art ou l'art l'essai, puisqu'il lui donne une situation intermdiaire, par rapport la science, mais c'est justement parce qu'il y voit une espce de connaissance

    2/ Comme il s'en explique dans un texte consacr Franz Blei, l'essayiste, ui passe pourune espcede fumisteux yeuxdes savants tnourrita substance e ce qu'ils tiennentour eurspropres chets, assegnralementux yeuxdes crateursourune sortede btard;ou pour arfractione eur ayonnementuprieurans a buede a rationalitommune.Deux ugementsussiborns'unquel'autre.Articulere sentimentu moyende l'intellect,tourner'intellect es problmesnsignifiantsu savoirversceux du sentiment,el est le but de l'essayiste,vecpourbutplus lointainla flicit umaine34.

    Ce qui rapproche 'essai du travailde la connaissance, 'est l'effort u'yentreprend'intellect our articuler e sentiment,t par consquentpourlui donnerune forme ui l'associe une exprience ommunicable.Musila multipli, ans son uvre, es exemples u les dclarations e ce genre.L'articulationdontparleMusil entre 'intellect t le sentimente ralisedans une formeune Gestalt)possdantune qualitetune valeurspcifi-ques. Il s'agit d'un fait mportant ur lequel Musil insistedans un texteinachev Une pensedevenue oudainvivante t qui opreen un clair a refontede toutun complexe e sentimentscomme 'incarne e faon i frappantela conversione Saul en Paul Damas),de sorte ue, tout coup, 'on se33. Franz Blei, Erzhlungeines Lebens, Leipzig, Paul List Verlag, p. 449 sq.34. E.t p. 337.

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    Musil Philosophe 249comprendtse comprende monde utrementtelle st a connaissancentui-tive u sensmystique. C'estaussi,dansunemesurelus faible, e mouve-ment onstant e la pensede l'essayiste. es sentiments,espenses t descomplexese volonts sont ntresss. e sont des fonctionsormales,non xceptionnelles.ais efild'unepense,n tirantur esautres,esdplace,et ce sont esdplacements mme urementirtuels qui conditionnentla comprhension,a rsonance,a deuxime imension e la pense. 35Nous verrons ue les suggestions ontenuesdans ce texte endent fairedu sentiment une des questionsdcisives utour de laquelle l'uvre deMusil s'est constitue.Mais plusieurs ermes ans lesquelsMusil s'exprimeici retiennent'attention. l y parle de pensevivante , de compr-hension et de deuxime imension e la pense. La premire xpres-sion nous autorise relier 'essai un aspect essentielde son uvreet des finsqu'il y poursuit.L'ide de pensevivante ntre n effet irec-tement n rapport vec un problmeque L'homme sans qualitsdfinitcomme la possibilitde vivreauthentiquementne exprience, 'est--dire avec la possibilitde donnerun sens un tat de chose, un com-plexede penses u de sentiments.'usage que Musil faitdu terme com-prhension s'accorde tout fait avec cettehypothse, n suggrant ummecoup en quoi l'essai appartient une certaineformede connais-sance (tout le problmetant videmment elui d'une connaissancede I' individuel ).

    3/ Des trois expressions, 'est toutefois a troisimequi rclame leplusd'attention. ue veut direMusil lorsqu'ilparlede deuxime imen-sion de la pense? Le lecteurde L'homme sans qualits peut bienentendupenser u deuxime rbre de la vie , et se souvenir ue sousla distinction e l'art et de la science,par rapport laquelle l'essai estdfini, n reconnat'opposition u'Ulrichytablit ntre a mtaphoreet I' identit , la plurivocit et 1' univocit 36. Il me sembletoutefois u'en parlantde deuximedimensionde la pense, Musil nefaitpas qu'insister, ne foisde plus sur la double polaritque j'ai men-tionne n commenant. e passage concern uggre ussi que le senti-mentpeut recevoir, u cur de la pense elle-mme, ne significationcomparable celle qui lgitime 'essai, conformment une ide dont

    35. E., De l'essai , p. 337; voir aussi l'important hapitre62 de HsQ, en songeant ce que la conceptionmusilienne e l'essai doit une inspiration mersonienne, otam-mentpour tout ce qui tourne 'essai vers un futur.36. Cf. HsQ, H, chap. 25 : Les jumeaux siamois, ainsi que mes commentaires ansRobert Musil ou l'alternative omanesque,Paris, puf, 1985, chap. 5, p. 236 sq.

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    250 Jean-PierreCornettila seule ogiquedes concepts u des raisonnements ousmasquela porte.Cettequestionconcernede trsprs es problmes e l'intellect tdu sen-timent hez Musil. Jetcheraid'en donnerun aperu plus loin, mais jevoudraid'abord citer ncore un passage qui corrobore ettehypothse

    Une rflexionurementationnelleeut trevraie u fausse, nerflexiond'ordre sentimental'ussi;mais,de surcrot,lle vous interpelle' u pas.Et il existe es rflexionsui n'agissent,u fond, ue parcettevoie. Pourunhomme onrceptif,lles resterontotalementncohrentest incompr-hensibles.l est vident, anmoins,u'il s'agit d'unmoyen e communica-tionparfaitementgitime, me 'il n'a pas une validit niverselle.37

    On observeraque la reconnaissance ui joue en faveur de la rflexion- qu'elle soit d'ordre rationnel u sentimental - est solidaire d'unsens,et qu'elle peut tretenuepour essentielle our la valeurque prendune ide nos yeux; nous sommes dans cette seconde dimensiondont il taitquestiontout l'heure,mais cettefois nous avons affaireaussi bien une rflexion ationnelle qu' des sentiments, e quiveut direque cette econde dimensionde la pense est prsente au senso elle y agit) la pense elle-mme.CommentMusil expliquait-il equi apparat ci dans le cadre de remarques onsacres l'essai? L'intrtde Musil pourla psychologie pportequelques lments e rponse,maisavant d'en arriver , il convient d'en terminer vec les consquencesque cela nous autorise tirerpour une meilleurecomprhensiondel'essayisme.4/ Musil a rserv ne place importante l'essai, ct de la scienceet de la philosophie.Dans les annes qui ont suivi la parutionde son

    premier oman en 1906, l'une de ses attitudes es plus frquentes tde plaider vigoureusementour une littratureont l'audace rivaliseraitavec les innovations e la science, on absence de prjugs t son orienta-tionrsolument onstructive.Mais justement,orsqu'il suggre insi auxcrivainsd'en finir vec leurs rmiades,en cessant de brailler ontrel'intellect 38, il pense trsprcisment la ncessitde s'attaquer auxproblmesdu sentiment n se donnant es armesqui conviennent cettetche. Son attitude eutaisment e comprendrei l'on songe la situa-tion dans laquelle se trouvait lors l'tude des sentiments. a lignedepartage ui opposait es diverses onceptions parait es thories physio-37. E.y p. 337.38. Cf. L hommemathmatique, op. cit., E.t p. 59.

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    Musil Philosophe 251logistes et les thories intellectualistes39. Les premires ntendaientmettre n vidence a spcificit t l'autonomie des sentiments ans lavie psychologique les secondesprtendaientu contraire xpliquer eux-ci partirdes ressources de l'entendement, e sorte qu'elles taientamenes rserver ux sentiments n statut secondairepar rapportcelles-ci.Des thories omme celles de WilliamJames,de Stumpf t deMeinongont ou, dans ce contexte, n rle dcisif n faveurde la spci-ficitdes sentiments t du rle qui leur a t reconnu40. orsque Musilplaideen faveur 'une articulation e l'intellectt du sentiment,tlorsqu'ilassocie l'essai cettetche, il faut bien voir qu'il s'oppose aux concep-tionsqui prtent ux sentimentsne vie indpendante es ressourcesdel'intellect,mais il convientaussi de ne pas perdrede vue qu'il remetautant en question es prsuppossdes thories intellectualistes. Maisquelle significationonvient-ilxactement e donner ses ides? Faut-ily voir une expressionde convictions trictementdiosyncrasiques

    THORMES1/ L'ide que Musil se fait de la ncessaire rticulation u sentimentet de l'intellectn'est pas sans rapportavec un horizonphilosophiqueet intellectuel ue nos brves rflexions ur Mach permettaient 'ima-giner.A cet gard, es essais de Musil, c'est--direes nombreux rticlesqu'il a crits aralllement son uvreromanesquepermettente mettreen relief n ensemblede notionssignificatives,antpour son uvrequepour les orientations e sa pense. Ainsi, ce qu'il suggre propos dessentimentsntre troitementnrapport vec ce qu'il a baptis on Tho-rme de Pamorphisme umain 41.L'homme, selon ce thorme, st une39. Cette distinctionst utilisepar T. Ribot dans son livre La psychologiedes senti-mentsde 1896. Ribot rattache a thse ntellectualiste Herbart et son cole. Pour elle tout tat affectif 'existeque par le rapportrciproquedes reprsentations. La thsephysiologique st rattache Bain, Spencer,Maudsley,Jameset Lange elle rattachetous les tats affectifs des conditionsbiologiques et les considrecomme l'expressiondirecte t immdiate e la vie vgtative (p. vn). On observera ue la tendance laquelleMusil se rattachereprsente ne alternative cette double polarit.40. Cettespcificitientprcisment l'articulation n faveurde laquelle plaide Musil.41. Ci. tL.y retite novelette , p. Jjy,ou Musil souligneque les experiencesnternesrelevant xclusivementu sentiment ontpresqueaussi impersonnelles ue les sensations . II n'y a aucun autremoyende distinguere sentiment cette sorte de poulpe ramifi

    dont les mille ventousesfont rrsistiblementourner e monde - d'un Franoisd'Assise- nos frres es oiseaux - de celui d'un petit pasteurexalt et la sublime mlancoliequi flotte utour de la dcisionde Kleistpourraitbien tre,considre n soi, identique celle de n'importe quel suicide.

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    252 Jean-PierreCornettisubstance moralement ollodale , il estabsencedeforme. Autrementdit,tout ce qui lui donne une ralit ui vientdu dehors; c'est pourquoides conditionsdiffrenteseuvent produiredes effetsdiffrents btirdes cathdrales, crire a Critiquede la raisonpure ou mangerde lachair humaine. Ce que Ton observe l'occasion des guerres st la tra-duction visible de cet tat de choses :

    Si nous ssayons 'abstraireenous-mmesequin'est ueconventionnh-rente l'poque, l reste uelquechose de tout fait morphe; ar mmece que nous avons de pluspersonnele rattache,ous forme e dviation,au systmeu monde nvironnant.'hommen'existe ue dans des formesqui lui sont fournies u dehors. 42

    Le sentimentst a partde nous-mmesui manifestee pluscette bsenceconstitutive e forme.A cet gard,comme 'a soulignKevinMulligan,Musil partage 'une des convictions e la psychologiessue de Brentanole sentiment ntre oujoursen relation vec des lments ui appartien-nent la pense43.2/ Les sentiments oiventtoujours leur forme des conditions xt-rieures. Sous ce rapport, 'ide de 1' amorphismehumain renvoie un contextualismet une comprhension elationnelle ont l'impor-tance est fondamentale ans l'uvre de Musil, et dont il a initialementtrouv une expressiondans l'uvre de Mach, bien qu'il n'en ait pasadmistoutes es consquences, omme a thsepermet j de le constater.Sur le terrain des sentiments, e contextualisme e prolonge dans lanotion de relations intermdiaires ppose toute prsuppositiond'essence. Il me faut ici citer deux textesqui clairentparfaitement

    ce que Musil rcuse,au titredes confusionsqui empchent a psycho-logied'abordersans prjug es phnomnes u'elle se proposed'tudier.Ces deux textes constituent n exemple tout fait remarquable dela manire originale dont Musil aborde la question des sentiments,mais ils illustrent ussi ce qu'il doit une traditionphilosophiqueprcise dont le seul dfaut est d'avoir t passablement rejet dansl'oubli. Il en ressortnotamment'ide d'une continuit ui entredansla dfinition es sentiments,t celle de ressemblances e famille dontMusil donne une dfinitionquasi wittgensteinienne.42. L'Allemand comme symptme, E., p. 349.43. Voir K. Mulligan, op. cit.

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    Musil Philosophe 2531/ Pourquoi dsigne-t-onu mmeterme & amour des choses aussi diff-rentes?Pour la mme raisonqui nous pousse parler ans rflexions e four-chettes salade, de fourchettes e jardinier,de fourchettes e pendule Ala base de toutes ces impressions e fourchette,l y a un caractrecommunde fourchu il n'est pas en elles commeun germecommun il faudraitdireplutt qu'il n'est qu'une comparaison qui peut s'appliquer chacune d'elles.Elles n'ont mmepas besoin,en effet,d'tre toutessemblables, l suffit uel'une entrane'autre,que l'on passe de l'une l'autre,que les lments oisinssoient semblables les plus loigns e deviennent lors par leur ntermdiaire.Bien plus : mme ce qui fait a ressemblance, e qui lie les lmentsvoisins,dans un enchanement e cette spce,peutse modifier.On va d'une extrmitdu chemin l'autre avec enthousiasme ans mme savoir comment n a faitpour le parcourir insi. u2/ La valeur d'une actionou d'une qualit, eur essenceet leurnaturemmeslui paraissaient pendredes circonstancesui les entouraient, es fins u'ellesservaient, n un mot,de l'ensemblevariabledont elles faisaientpartie.C'estl, d'ailleurs, a descriptionout fait banale du faitqu'un meurtre eutnousapparatre ommeun crime u commeun acted'hrosme, t l'heurede l'amourcomme la plume tombe de l'aile d'un ange ou de celle d'une oie. Ulrichla gnralisait.ous les vnements oraux vaient ieu l'intrieur'un champde forces dont la constellation es chargeaitde sens, et contenaient e bienet le mal commeun atome contient es possibilitsde combinaisonschimi-ques [...] De la sorte naissaitun systme nfinide rapportsdans lequel onn'et pu trouverune seule de ces significationsndpendantes elles que lavie ordinaire n accorde, dans une premire t grossire pproximation, uxactionset aux qualits.Dans ce systme,e qui avait l'apparencede la stabilitdevenait e prtexte oreuxde mille utres ignifications,e qui se passaitdeve-nait le symbolede ce qui peut-trene se passait pas, mais tait devin autravers,t l'hommeconucomme e rsumde ses possibilits,'hommepoten-tiel, e pomenon critde la vie s'opposait l'hommecopie, l'hommeralit, l'homme caractre....45.

    Ces deux extraitsmriteraient,'en suis convaincu, une plus grande atten-tion. Il faudrait mesurer la porte de ce que Ton y entrevoitpour l'uvreromanesque, et analyser de faon plus prcise les ramifications concep-tuelles qui placent ces deux textes en relation avec diverses notions quine peuvent trouver une place ici. Le sens du possible , voqu dansle chapitre 4 du premiervolume de L'homme sans qualits, par exemple,est un lment du contextualisme musilien et de l'amorphisme humain.En vertu de ce sens , il n'est rien, dans une situation donne, qui44. HsQ, II, p. 314-315.45. Ibid., I, p. 392.

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    254 Jean-PierreCornettipuisse tre tenupour exclusif u dfinitif,ar il faudraitpour cela s'enremettre un contexteunique ou une sorte de contextede tous lescontextes.On y retrouve n aspect important e ce qui taiten questiondans la thse sur Mach.

    MUSIL ET LA PHILOSOPHIE AUTRICHIENNE1/ Dans sa dissertation,e jeune Musil reprochait Mach ses incons-quences.A proposdu conceptde fonction , que Mach entendait ubs-tituer celui de cause , il crivait Encore ue tout ela semble arler n faveur e Mach,et bienqu'il ne secontenteas seulement'en appeler ux modesmodernese reprsentation,mais aux dclarationse Kirchhofftd'autres hysiciensn tantque telles,toutcela demande ncore trenettementiffrencie sespropres ises.Car lorsqu'ondit je ne peux,en tantque physicien,raiter etobjetqueselon ette ignification,l s'agit eulement'une modificationui affectematche ansrienchanger la chosemme, ela n'exclut n aucunemanired'autresnterprtations,t le faitde soulignera spcificitu pointde vuephysique 'implique ncore ucunetendanceantimtaphysique'.

    Pour le jeune Musil, les thses avances par Mach ne pouvaientse voirreconnatre ne valeurqu'en tant imites leurusage dans les sciencesde la nature,ou en tout cas un usage dfini. En mme temps, ils'employait souligner hez Mach les inconsquences e sa contestationde la ncessit aturelle . A cet gard, a critique e Musil,bienqu'ellese veuille strictement immanente rvleun souci qui se manifesteradans des critsultrieurs,ous la formed'une mfiance ue les thoriessubjectivistesui onttoujours nspir.Deux pointsdoivent ependant tredistingus.Musil reproche Mach d'lever e pointde vue du physicien un rang absolu, mais il retientnanmoins a fconditdu point devue fonctionnel; d'autre part,il dissocie le contextualisme e Machde tout ce qui semble 'entraner ans la voie d'un fictionnalismeadical.

    2/ KevinMulligan suggre ue sur ce pointMusil adopte une positiontypiquede la tradition utrichiennessue de Brentano47. ans la disser-46. Cf. Beitrag urBeurteilung es LehrensMach, p. 85 trad,fr.,Pour unevaluation,p. 122.47. K. MULLIGAN, Op. Cit.

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    Musil Philosophe 255tation, e dbat porteen effet ssentiellementur cettequestion,au senso c'est bienen centrant es analyses ur ce problme ue Musil s'efforcede mettre n vidence es inconsquences e Mach. Mais c'est aussi parcequ'il ne s'agitnullement, sesyeux,de statuer ubstantiellementn faveurde la causalitou du conceptde fonction ue Musil peut avoir recours, son tour, ux ressources 'une comprhensiononctionnellet relation-nelle. Il n'y a pas de contradiction, cet gard,ni mmed'ambigut,entre ce qui se dgage de la dissertation t ce que l'on peut lire danscertains essais de l'auteur ou dans L'homme sans qualits**.CommeMach ou commeCassirer,Musil pensait que la science avait bon droitsubstitues fonctions ux causes, et que cela ouvrait la visionscienti-fique du monde des horizons neufs49. l a aussi pens que cettepers-pectivepouvaittretendue mais c'est prcisment que l'essai entreen jeu - des questionsqui ne sont pas celles de la science,et quimettent n jeu une comprhension e l'histoire et des expriences ueles individus ont suppossvivre. Une visionfonctionnelle,u sens queMach donnaitau conceptde fonction, ui a paru apporterune lumireplus satisfaisanteur les problmesde Yindividuel u de la personne etsur la complexit ui doit leur treassocie) que le typede conceptionqui tait combattuepar Mach. Mais la position de celui-cin'en taitpas moinscontestable,u moins ur deuxpoints.D'abord en cela, commenous l'avons vu, qu'il n'y avait pas lieu d'lever e conceptde fonction un rangexclusif, i surtout 'en faire e creuset 'un fictionnalismeauquel Musil n'tait pas prt souscrire.A cet gard, la position qui se dgage de l'attitudede Musil (ce quil'oppose Panti-ralisme e Mach) peut se voir accorderune doublesignification. 'une part,Musil se situe ncontestablementans la ligned'une tradition hilosophique oucieusede prservera significationbjec-tive des phnomnes ognitifs t/ou affectifs. a tendanceque Musilmet au jour chez Mach dans sa dissertation st celle qui distingue edernierde cettetradition.D'autre part, pour des raisons qui tiennentcettefois ce que Musil a recherch ans la littrature,e faitde prendrecong de l'exigence d'objectivitaurait donn un tout autre sens ladimension thiqueque lui paraissaitrevtir on propre ravail.Pour direles chosesbrivement,a consquence n auraitt de fairebasculer 'int-gralitde la questiondes sentimentst de F autre tat (c'est--direl'explorationde possibilits uthentiquesde vie pour le moi) dans un

    48. Cf. par ex. La connaissance chez l'crivain , in E.t op. cit.4y.

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    256 Jean-PierreCornettisubjectivisme ue rien n'auraitpermisde distinguer es garementsux-quels le romantisme,'expressionnismet les philosophies e la vie avaientselon lui donn lieu.

    3/ Dans les notes qu'il consacre Husserl en lisant les Rechercheslogiques,Musil notesignificativement'importance ue semblent rendrecertaines ncessitsde la pense. Il admet qu'elles puissentne pastre lies des observationsd'exprience,mais il semble vouloir leuraccorderune signification lus importante ue celle de simples fictionsconomiques 50.Cette nsistance laquelle certains assages de la thsefont rsexplicitementcho peuttrerapprochede deux rfrences rselliptiquesqui accompagnent es notes l'une Meinong et l'autre Witasek qui tait un disciple de Meinong, et que Musil semble avoirlu. La brve note qui suit cettedouble rfrence it ceci : L'analysedu contenud'une reprsentationomplexefournit 'abord les lments;par exemple,dans une mlodie, es notes. Mais il perd alors une partiedu contenuqui ne se laisse pas isoler le contenu fond ou la qualitde forme. C'est ce contenu fond combinavec les reprsentationseslments ui constitue a reprsentationomplexe. La qualit de formelui parat prouve par l'vidence.)51 Ces rflexions clairent ce quioppose Musil et Mach. Les reprsentationsomplexes , la diff-rence de ce qu'implique la conceptiondes sensations chez ce dernier,ne se laissentpas rduire des lments imples,de sorteque l'on com-prendmieux 'intrt e Musil pour ce typede reprsentations. n peutdu resteporter u crditde cet intrt e qu'il crit propos de l'vi-dence logique : L'vidence logique dcoule de ceci que la logique ases racinesdans le sentimentt que l'vidence est la caractristique usentiment.52Pour admettre ela, il faut ne pas identifiere sentimentet la sensation,position qui est prcisment elle de Musil.4/ Comme c'tait en faitdj le cas propos des problmes is l'objectivit, l sembleque l'on puisse rapprocher e qui se dgage desnotes de Musil de la positiondfenduepar Meinong propos des mo-tions. En simplifiant,n peutdireque Meinongsouhaitaitprserver njustequilibre ntre a significationubjective es motions t leur dimen-sion objective.La notionmeinongienne e prsentationmotionnelle(Emotionale Prsentation) rpond cetteexigenceen soulignant

    50. Au sens de Mach dans l'Analyse des sensationsou dans Erkenntnis nd Irrtum,livre uquel Musil se rfraitgalement ans sa dissertation. f. /., I, cahier24, p. 160 sa.51. /., I, 173.52. y., 1, 158.

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    Musil Philosophe 2571/ 'existencede phnomnesobjectifs qui, issus de nos motions etde nos dsirs,ne sont pas de natureintgralementubjective;2/ le faitque nos motions t nos dsirspossdentpar l une fonctioncognitive, t que les valeursqui leur sont lies supposentdes lmentsqui appartiennent l'intellect;3/ le fait que les motionset les dsirsprojettent ur le monde unclairage objectif,au mme titreque les jugements.Sous ces troisaspects, les proccupationsde Musil rejoignent ellesde Meinong,mme si cela ne veutpas direqu'elles lui aient tinspires,ou que les rflexions e Musil ce sujet ne s'en distinguentn aucunemanire.La convergence ont il s'agit repose sur un dsir d'viter esubjectivisme, onsidr comme une erreur, t sur une convictionqueJ. N. Findlayillustre ssez bien en crivant,dans son commentaire eMeinong La richesse pcifique e monexprience es objets s'illustrede diversesmanirespar une richessedans les objets et par une richesseen moi-mme. 53Les interrogationsuxquelles a questiondes sentiments onne ieuchezMusil fontconstammentpparatrecettedouble exigence.On peut enjuger partirde ce que suggrentes rflexions es chapitres onsacrsau sentiment ans L'homme sans qualits. Dans le chapitre73, parexemple Nave description e la formation 'un sentiment, Ulrichsoulignenotammenta double dimension ntrieure t extrieure es sen-timents.Ce passage est instructif,ar il tend mettre n vidence esaspectspar lesquels le sentiment ous installedans une relation vec lemonde. A la diffrence e la sensation, e sentiment oncerne e sujet toutentier 54. Mais c'est aussi pourquoi le sentiment eut se traduirepar une action tourne vers l'extrieur. On ne pourraitmme pasaffirmer u'un sentiment st une modification l'intrieur e la per-sonnesans ajouteraussittque le rapportde celle-ci u mondeextrieuren est galementmodifi. 55

    5/En prtant es penses Ulrich,Musil a consciencede heurteresreprsentationsommunesdu sentiment,mais cette double polaritestla condition ous laquelle le sentiment eut se voir accorder une dimen-sion objective t le principe 'une articulation vec l'intellect, onform-

    53. N. Findlay, chap. X, Dignitatives nd Desideratives , p. 306.54. HsQ, II, chap. 73, p. 298 : Du sentiment, la diffrence e la sensation, e saisque plus que celle-ci l me concerne tout entier.55. Ibid.Revue de Mtaphysique t de Morale, N 2/1997

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    258 Jean-PierreCornettiment ce que suggraite Thormede l'amorphismehumain . Lesrflexions ui suivent,dans le roman,en apportentune confirmation

    Monsentimente forme n moietendehors e moi il semodifie e l'int-rieur t de l'extrieur;e l'intrieur,l modifiee monde mmdiatementtde l'extrieur,l le faitmdiatement,'est--diretravers on omportement.Il estdonc la fois l'intrieurt l'extrieur,t elacontener otre rjug,ou du moins i ml 'un l'autreque la question e savoir e qui, dansunsentiment,st extrieurt ce qui est ntrieur,e qui est e Moi et ce quiest le monde,perd presque out son sens. 56Je nepuiscommentercidavantage es rflexionsui composent et mpor-tantchapitrede L'homme sans qualits. Le lecteurpeut y constater ueles aspects soulignsy occupentune place centrale.En mmetemps, lse demanderapeut-tre uelle en est la raison d'tre dans un roman.Ces pages sont manifestementntroduites ans le roman un titrequine possdepas de significationarrative.l estpourtant ermisde penserque cet chantillon e psychologie es sentiments y joue un rle nonngligeable57. es chapitresdont Musil ne parvenaitpas venir boutreprsententn contrepoint horique (on ne peut mme plus parlerd' essai au sensque Musil donne habituellement ce mot)des enjeuxde la secondepartiedu roman. De la questiondes sentiments et deleur objectivit , c'est--dire e la naturedes relations u'ils suscitentavec le monde et de la place qu'ils occupent, plus gnralement, ansla diversit e nos rapports vec celui-ci dpend a rsolution u pro-blme thique que pose L'homme sans qualits quoi peut lgiti-mement aspirer le moi ou la personne dans un monde qu'unereprsentationtrictementomologiquesemble condamner 1' indiff-rence? A quelles sources faut-ilrapporter a possibilitd'une valeurou d'un sens

    6/ II est clairque si la faondontMusil aborde la questiondes senti-ments se rvle ie des discussions tout fait prcisesqui ont leuroriginedans la philosophieautrichienne, lle s'en dtache par les finsoriginalesqu'il poursuit.L'homme sans qualits fait une place impor-tante ux variations u sentiment,t aux formes berrantes u dlirantesqu'il peutrevtir. e principe 'une continuitsychique es tatsmentaux56. Ibid., p. 298.57. Musil y a travaillpeu avant sa mort,en mmetemps,semble--il,que le chapitre soufflesd'un jour d't , sans parvenir acheverni l'un ni l'autre. On est fond penser qu'il y avait une troitedpendanceentre es deux.

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    Musil Philosophe 259rendces manifestations'autantplus troublantes u'elles ne peuventpr-cisment as tre ogesdans des catgories 'essencespares.Pourtant,comme le suggreUlrich, les sentiments ous maintiennent n accordavec le rel,mme orsqu'ilsnous en donnentune imagefausse58. l estvrai aussi que certains entiments ous permettentmieuxque d'autresde nous adapter la ralit,mais faut-ilds lors carterceux qui nenous le permettent as ? En cet endroitdu roman,Ulrich renoue avecle sensdu possible II lui semblait dmissiblequ'on parltnon seule-ment d'une image modifiedu monde, mais aussi d'un autre mondequand, la place du sentimentui sert nous adapter la ralit,enprdomineun autre. Mais le sens du possible y rencontre galementses limites, ans la mesure il ne souhaitaitpas que toutes es ralitspossibles parussentgalement ustifies 59.La questiondes sentimentst de leurrapport u monde dbouche ainsisur une aporie. Considres ous leur dimension xtrieure,ls rclamentun principe e justification II manquaitencorequelque chose commeune distinctionntrea *ralit'et la 'ralit ntgrale', u entre a 'ralitpour quelqu'un' et la 'ralit relle'; en d'autres termes, l manquaitun exposde la hirarchie es valeurs de ralit. * Mais ce rsultatnous permetde mesurer a distancequi spareMusil de Mach et ce quile rapprochedes intrts ropres la psychologiedescriptive.

    7/ Au chapitre II de son travail sur Mach, Musil rvlaiten effetque pour celui-ci, il est absolument mpossiblede dduiredes exp-riences et de former e manire enseun concept physiquecorrespon-dant) quelque chose qui ne serait pas directementpprhendableparl'exprience ensorielle 61. Cette thse est une expressionclaire de lathorie des lmentsde Mach. Mais aprs avoir rappel cet aspect dela doctrine e Mach, Musilsoulve uneobjection nspire e ce que rvlel'acoustique. Dans ce domaine,en effet, 'tude scientifiquest trs oinde respectere principeprcdemmentormul en acoustique,on nes'arrtepas aux sons, on en dduit les vibrations uxquels ils donnentnaissance,et partouto un tel dpassementde l'exprience mmdiatepeut trefond sans objectionpossible, il sera aussi lgitime,mme sice qui a t dduit,comme les vibrationsdes corps sonores,peut trerendu visible dans d'autres domaines ou pas .58. HsQ, II, chap. 76, p. 338.59. Ibid., p. 341.60. Ibia.y p. 341.61. Pour une valuation,op. cit., p. 101.

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    260 Jean-PierreCornettiCette contestation es thsesde Mach a trouvun complmentncoreplus dcisifdans l'importance ttribuepar Musil aux dcouvertesdespsychologues e la forme.Dans le passage des Journauxprcdemmentcit, l'expression qualit de forme prsente, cet gard, un reliefparticulier.A cettepoque, Musil avait dj probablement u le textedcisifque Christianvon Ehrenfels vait consacr cettequestion en1890. Dans ber Gestaltqualitten, Ehrenfels vait tabli de faondcisive 'existencede qualits propresaux Gestalten, n tantque tota-

    lits,et irrductibles ux proprits dditivesdes lments ui en fontpartie. Par qualits de forme, comme il le prcisait,nous entendonsdes contenuspositifsde reprsentationis la prsencede complexesde reprsentationans la conscience, esquelsconsistentn lments epa-rables es uns des autres. La ncessit e telscomplexesde reprsentationpour la prsencedes qualits de forme est ce que nous considreronscomme au fondementde ces qualits de forme. 62 II va sans dire quecette notion claire sous un jour particulier la fois la discussion desides de Mach et les interrogationsur e sentimentuxquellesnous avonsconsacr nos commentaires. 'tude d'Ehrenfels ommence ignificative-mentpar une rfrence un pointobscurqui concerne 'usage du verbe sentir dans un passage des Beitrgezur Analyseder Empfindungende 188663.

    LA PREUVE PAR LE ROMAN1/ Jusqu' prsent, e me suis principalementfforcde mettre nrelief es aspects par lesquels 'entreprise e Musil entre n rapports vec

    des interrogationst un contextephilosophiquesqui ont fait du senti-mentune questioncruciale.La notion d' essai , que Musil a investied'un sens neuf est troitementie la questiondu sentiment t de sesrapports vec l'intellect.On peut y voir la limitequi, outre les raisonsprcdemmentnvoques, ui interdisait e souscrire la thoriedes sen-sations. D'une certainemanire,L'homme sans qualits en apporte lapreuve. Le deuxime volume - celui qui commence avec la mort du62. Christian on Ehrenfels, berGestaltqualitten, in F. Weinhandl, GestalthaftesSehen, Darmstadt, 1974, p. 21.63. Il s agit dun passage ou Mach suggreque nous sommes en mesure de sentirdefaon immdiate unmittelbaru empfinden ) les formes patialeset mme les formessonores ou les mlodies. Ehrenfels emarque ue dans ce cas, le verbe empfinden n'estpas utilis au sens habituel.

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    Musil Philosophe 261pre et les retrouvailles vec la sur Agathe - surmonte es appa-rentes mpassesd'une premirepartiedominepar YEigenschaf slosig-keit,c'est--dire ar une exprience onstruite ur le modle de l'analysedes sensations.On comprend ourquoi le journal d'Ulrich sur a psycho-logie des sentiments avait sa place Il resteque cette uvre est uneuvreromanesque, t qu'en dpitdes essais o Musil s'estparfois fforcd'aborder des questionsqui paraissaient xigerun autretraitement,'estparadoxalement ncore vers elle qu'il fautse tourner i l'on veut pour-suivrenotre chemin avec Musil philosophe.Lorsqu'on tient ompte la fois des questions que Musil s'est poseset de la faondont il a entrepris e les aborder,on est tentde penserque le romanfutpour lui une alternative ux impassesdans lesquellesla philosophie ou en toutcas une certaine hilosophie s'tait ngage.Plusieurschoses, toutefois,doivent tre considres.D'un ct, Musils'est manifestemententi ssez proched'une tradition hilosophique ui,dans le cas de l'Autriche,avait opt pour une exactitude de typescientifique;l s'est efforc 'en tirer e meilleur rofit ourles questionsqu'il se posait, mais il n'a pas pens que la philosophie ui permettraitde s'y attaquerde manire satisfaisante t fconde.Parmi ces raisons,il y a des raisons personnelles64.Mais ce ne sont pas les seules ni lesplus importantes. ans L'homme sans qualits,Musil dit d'Ulrichqu' iln'taitpas philosophe , cela dans un longpassage consacr la notiond'essai et au peu de crdit que la mtaphysiqueest suppose luiinspirer65.l s'agit de l'un des chapitres le contextualismemoral dece dernier stdveloppavec le plus de nettet.Or, un telcontextualismeexcluaitaussi bien, ses yeux, les Weltanschauungene toutes sortesque Pessentialismemtaphysique ont la philosophiea toujours beau-coup de difficults prendre ong. Commenous l'avons vu, ce passagepeut aisment tre mis en rapportavec les ressemblances amilialesdontnous avons galement encontr ne expression; l permetd'attri-buer Musil les mmesrticences ue cellesde son personnage l'gardde la philosophie.Mais il est clair que le dbat que cela impliquen'enest pas moins philosophique,et que les raisons qui l'inspirent e sonttoutautant,mme si elles ne sontpas au got de tous les philosophes.

    64. Voir, par ex. /., I, cahier5, p. 300 : Tout se passe en moi l'tat de fragmentsd'un systmehorique.Mais comme 'ai abandonn a philosophie, a justificationombe.Ne restentue des ides mpromptues,es trouvailles ; ou encore/., II, cahier33, p. 475 : ... je ne peuxpas davantage raiter ne matire ompltementefroidieomme un philo-sophe.65. HsQ, I, chap. 62, passage prcdemmentit.

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    262 Jean-PierreCornetti2/ Faut-il cimarquerdes frontiresomme on a l'habitudede le faire,et remarquer ue Musil se situe ici clairement u ct des notionsquedveloppe e secondWittgenstein,u bien,comme e suggreKevinMul-ligan, qu'il prend son compte e thmede prdilection es conceptsvagues, tel qu'on le rencontre hez des philosophescomme Husserlou Bhler66?Dans diverses rflexions es Journaux,Musil apparentele roman une interprtatione la vie , en lui associant la tchede trouver es solutionspartielles 67. On peutvoirdans ces ides un

    prolongement e ce que lui paraissait mpliquer on contextualisme,tune formule dapte au typed'exigence qu'imposait ses yeux a ques-tiondu sentiment.Mais en quoi consistedans ce cas le typede problmeauquel un roman commeL'homme sans qualitstait uppos rpondreLa premire artiedu livrepermetde s'en faire une ide relativementclaire. Ulrich est un personnagedont 1' absence de qualits se situele longd'une fractureui oppose l'me et la raison, e sentimentt l'intel-lect,l'objectivit t la subjectivit.Cettefracture,l l'assume en faisantle pari de vivre provisoirement)ur les bases que lui dictent a seuleintelligence,n intgrant our ainsi dire le typede contestation u moique Mach avait tir de son conceptde sensation. Mais Ulrich n'est pasresponsabledes dualismes auxquels il rpond de la sorte68.Le pro-blme d'Ulrich est celui du mondemoderne tdsenchant, e la raisoninstrumentalet des innombrables hances de rdemption ue l'me sevoit rgulirementffrir ur le march des ides. Le roman de Musildcritcette situationmais il ne se limitepas cela. Il est tourn,dsle dbut, vers une expriencedont l'audace est la mesuredu parid'Ulrich la dcouverte, u sein mme de ce qui parat en constituerla plus rrcusable gation, 'une utopievivable, 'est--dire e ressourcesthiquesneuves qui y seraient encore en sommeil.

    3/ Thmatiquement,etteexprience st axe autourde ce que Musila appel 1' autre tat. Indpendamment e la faon dont ce thmes'insinuedans la trame omanesque usqu' en dfinire sens, l estpermisd'y voir la traductiond'une recherche u sein de laquelle le sentimentoccupe une place dcisive,dans la mesureo seul le sentiment eut eter66. Cf. K. Mulligan, op. cit.67. Cf. /., II, p. 507 et 554.68. Il n estpas sans intrt observer u Ulrich,dans le roman,maigre a place qu occu-

    pent ses penses,ne les aborde pas thoriquement, mais traversun essai qui a lavaleurd'une exprience,t qui exigenotablementu'il vive autrement. et aspectdu romanet du rapport ux problmesqu'il traitepourrait trerapprochde ce que suggreWitt-genstein propos des problmes philosophiques.

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    Musil Philosophe 263un pontentre es deux versants e la fracturementionne. i les rflexionssur le sentimentontimportantes,'est parce que le sentimente dfinitselon deuxples (l'un qui tendvers a dterminationt l'autre versY nd-termination)**ui se prolongent respectivement ers l'action et laconnaissance d'un ct, et de l'autre vers des tats contemplatifs. r,comme le suggre e roman, le monde de l'objectivitest un monded' expriences ans personnepour les vivre , et la questioncardinaleque posent es deuxpersonnages rincipaux u roman Ulrich tAgathe,consisteprcisment se demander Commentvivre , non pas tantce qu'il faut faire,que commentparvenir vivreauthentiquementeque l'on vit,c'est--dire onnerune significationersonnelle nos exp-riences? L'objectivitest l'image d'une cage de fer et L'homme sansqualits semblecertes ne pouvoir offrir ue des possibilitsfictivesfictionnelles d'vasion. Il n'en est pourtantrien l'alternativemusi-liennene passe pas par 1' abolition du rel, en un sens mallarmenou surun mode expressionniste.'autre tat ressemble avantage unemodification e point de vue, comme celle qu'autorise la musique, parexemple, t que rendent rcismentntelligiblees qualitsde forme .

    4/ En fait,sous ces diffrentsspects,L'homme sans qualits posesans dtours a questionde Y ndividuel n intgrant la fois les condi-tions qui le menacent t les revendications ui lui sont lies, celles quise font our dans les incertitudes,es mythes t les aspirationsdu soucimodernede soi. Ce roman nachevclaire ainsi rebours a dissertationdu jeune Musil. A Mach, mais contreMach, Musil emprunte on sensdu possible pour soumettre es hypothses un test. Ce test est celuide P indiffrence d'Ulrich et de l'hypothtiquenaissance en lui desentiments70. ais si l'un des chapitresdu journal d'Ulrich sur lapsychologie es sentiments'intituleignificativement Description avede la naissanced'un sentiment, nous sommesnanmoins nvits entrerde plus en plus dans la trameromanesque71. a philosophiede Musilest-elle onc dans son roman On peutavoir de bonnes raisonsde penserque son uvreromanesquerenferme'essentieldes rponses u'il a tentde donner aux questions qu'il s'est poses. Si une chose est claire,c'est69. HsQ, II, chap. 77 : II fautdistinguer ans tout sentiment ne volutionvers ladterminationt une volutionvers 'indtermination Ulrichavait not auparavant que ces deuxpossibilits e dveloppement 'ordinaire e fondent n une; mais elles peuvent

    s'affirmerparment.C'est ce qui se produiten particulier ans l'extase p. 343).70. HsQ, I, chap. 73.71. Ce chapitre st en quelque sorteun cho thoriquede ce que le personnage rincipaldu roman a vcu en passant de l'indiffrence l'amour.

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    264 Jean-PierreCornettique les solutionspartielles , qu'il a entrepris 'y laborerpossdentdes pouvoirs de clarification u d'lucidation pouvant rivaliser avecceux que la philosophies'accorde. Quant aux problmespour lesquelsde telles solutions sont recherches,ls ne se signalentpar aucundfaut ou quelque particularit ui pourraitse voir opposer quelqueveto ce sujet.Il restequ'un roman est un roman, et que Musil n'a jamais voulucrire utre chose. Rendons donc la littrature e qui lui appartient.Musil nous a donn la possibilitde nous en acquitter u moyend'unsupplmentd'me, si j'ose dire, de nature combler les amateursdes belles-lettresans offensere philosophe.J'ai voqu, tout l'heure,un bref xtrait Musilparled'une deuxime imension e la pense.L'ide qu'il se faisait de la littrature,t plus gnralement es uvresd'art, en dpendait troitement.l existe une seconde dimensiondu sens et de la pense qui fait partie de notre vie, et qui dpendessentiellement e la place qu'y prennentes sentiments. es qualitsde forme , les pensesvivantes , F autre tat, tout ce qui revt nos yeuxune significationndividuelle t non paraphrasable ppartient cette deuximedimensionde la pense. Singulirement,ette denous ramne des penseurs ui ont tvoquschemin aisant Meinong,Witasek,et surtoutWittgenstein. ans les Recherchesphilosophiques,Wittgensteinntroduita notion de significationecondaire en cri-vant notamment eci : La significationecondairen'est pas une signi-fication figure'. Quand je dis 'La voyelle e est pour moi jaune',je ne veux pas dire 'jaune' en un sens figur car je ne pourraisabsolumentpas dire ce que je veux dire autrement u'au moyen duconcept 'jaune'. 72 Lorsqu'on mesurel'importancephilosophiquedecettenotion pour toutes les questions qui concernent a signification,les rgleset les confusionsque Wittgenstein'est employ discerner,on ne comprendpas seulement n peu mieuxce que Musil recherchaiten parlant d'une deuximedimension de la pense, on entrevoitaussi en quoi les interrogations uxquelles il s'est attaqu dans sonuvrene l'ontdtourn e la philosophie ue d' une certainemanire .

    Jean-PierreComettiUniversitde Provence

    72. Philosophische Untersuchungen,I, p. 528, Schriften , Suhrkamp Verlag, 1980.


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