+ All Categories
Home > Documents > Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète...

Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète...

Date post: 19-Jun-2020
Category:
Upload: others
View: 4 times
Download: 0 times
Share this document with a friend
24
Nourrir la planète n’a pas de prix ! www.cncd.be www.crid.asso.be
Transcript
Page 1: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

Nourrir la planète n’a pas de prix !

www.cncd.be www.crid.asso.be

Page 2: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> ONT PARTICIPÉ À L’ÉLABORATION DE CE NUMÉRO :

Arnaud Zacharie

Oumou Zé

Alexandre Seron

Stéphane Desgain

Virginie Pissoort

Editeur responsable:Arnaud Zacharie CNCD-11.11.11: Quai du Commerce, 9 - 1000 Bruxelles

Photo de couverture : Michel Dubois

Michel Dubois

Illustration: [email protected]

Tania Farkh

Coordination Sud

Page 3: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> SOMMAIRE

Sommaire4. Introduction aux enjeux de la Souveraineté Alimentaire 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le développement est KO à l’OMC.

8. La Souveraineté Alimentaire à travers les fi lières 8. Les aliments de base au cœur de l’enjeu souveraineté alimentaire : le cas de l’oignon 10. Le lait : une production et une consommation qui ne se rencontrent pas toujours 11. La guerre de la banane 14. La moitié de la planète riz jaune 16. Sucre : quand l’Europe jette le bébé et garde l’eau du bain 18. Les exportations de poulets plument les plus faibles

20. Interviews : la Souveraineté Alimentaire comme enjeu de l’agriculture du Nord comme du Sud 20. « Il n’est pas trop tard pour changer de politique agricole » Entretien avec Gérard Choplin, coordinateur de la Confédération paysanne européenne (CPE) 22. « La Souveraineté Alimentaire est une question de choix politique » Entretien avec Olivier Plunus, conseiller à la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA) et à la Fédération des Jeunes Agriculteurs (FJA)

Photo : www.poffet.net

Page 4: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTRODUCTION AUX ENJEUX DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

Nourrir la planète n’a pas de prix !

La situation alimentaire et agricole mondiale est traversée par un double paradoxe : —> Alors que la production agricole mondiale est supérieure aux besoins alimentaires de la planète, près de 850 millions de personnes – près d’un être humain sur sept – souffrent de malnutrition dans le monde ; —> Sur ces 850 millions de malnutris, près de 600 millions – plus de 70% – sont des agriculteurs, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui produisent l’alimentation.

En novembre 1996, à Rome, les gouvernements du monde entier se sont réunis lors du Sommet mondial sur l’alimentation. Ils s’y sont engagés à réduire de moitié le nombre de malnutris dans le monde en moins de vingt ans. Mais dix ans plus tard, la réalité est bien différente, puisque le nombre de personnes qui souffrent de la faim a continué d’augmenter. Dans les pays en développement, plus du quart des enfants de moins de cinq ans sont mal nourris et 39 pays (dont 25 pays africains) étaient en situation de crise alimentaire en 2005 !

La faim n’est pas une fatalité

Quelles sont les principales causes de la malnutrition ? Les sécheresses? Les nuages de sauterelles ? Les inondations ? Les conflits et les guerres ? Contrairement aux idées reçues, ces phénomènes ne sont pas les principales causes de la malnutrition. On estime qu’ils sont à l’origine de moins de 10% des problèmes de malnutrition rencontrés dans le monde.

La malnutrition est d’abord un problème de pauvreté, donc de revenus. Il y a suffisamment d’alimentation produite pour nourrir la planète, mais une part de la population n’a pas suffisamment de revenus pour avoir accès à la nourriture. Or, ce sont les paysans du Sud et leurs familles qui représentent la majorité des 3 milliards de personnes dans le monde – près d’un être humain sur deux – qui survivent avec mois de deux dollars par jour. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas suffisamment accès à la terre, aux ressources, aux marchés locaux et, finalement, aux revenus. La faiblesse des revenus agricoles se révèle dès lors la principale cause de la malnutrition dans le monde !

Les gouvernements, au Nord comme au Sud, poursuivent un objectif commun : nourrir leurs populations au moindre coût. Pour atteindre cet objectif, ils libéralisent les marchés agricoles et mettent en concurrence agriculture familiale et industrie agroalimentaire, productions subsidiées et non subsidiées, zones très productives et moins productives. Les firmes agroalimentaires ont dès lors beau jeu d’exporter à prix bradés leurs excédents agricoles sur les marchés mondiaux (riz, poulet, bœuf, tomates, oignons, etc.).Résultat : les prix des produits agricoles sont trop bas et ne permettent plus à la majorité de vivre décemment. Sans la possibilité de protéger les marchés locaux, les petits paysans du Sud se retrouvent concurrencés par des prix moins élevés

que leurs coûts de production locaux, ce qui entraîne une chute des prix locaux et aggrave l’exploitation des agriculteurs sur des terres qui, pour beaucoup, ne leur appartiennent pas.S’en suivent alors pauvreté, exode et malnutrition.

L’accord agricole de l’Organisation mondiale du commerce vise la libéralisation du commerce agricole et contraint les Etats membres à importer un quota minimum de chaque produit agricole consommé. Cette politique ne tient pas compte des fonctions essentielles de l’agriculture et exacerbe la course au prix le plus bas, au détriment de l’agriculture familiale et des centaines de millions de familles qu’elle représente dans le monde.

En outre, les pays industrialisés subventionnent leurs excé-dents pour les exporter en dessous des coûts de production, alors que les pays du Sud doivent réduire leurs tarifs doua-niers. Ce « deux poids, deux mesures » a incité de nombreux pays du Sud à se coaliser pour bloquer les négociations de l’OMC.Depuis 1992, l’Union européenne a réformé à plusieurs reprises sa politique agricole commune (PAC). Mais l’objectif principal est d’aligner les prix agricoles européens sur le prix mondial. Ces réformes n’éviteront donc ni la production d’excédents exportés à prix bradés, ni la dépendance européenne envers d’autres productions agricoles.

4

Page 5: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTRODUCTION AUX ENJEUX DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

L’alternative de la souveraineté alimentaire

Pour produire de l’alimentation de qualité, nourrir les populations les plus pauvres, préserver l’environnement ou maintenir une activité économique rurale, il faut des règles. Or, les politiques agricoles actuelles sont basées sur la dérégulation et la libéralisation, avec des effets néfastes à différents niveaux :—> L’agriculture familiale : l’agriculture familiale est victime de la course au prix mondial le plus bas qui bénéficie aux firmes agroalimentaires et à la grande distribution. L’agriculture industrielle s’accapare les ressources (terre, eau, semences). Rien qu’en Europe, une ferme familiale disparaît toutes les 30 secondes ! —> La pauvreté et la malnutrition dans le Sud : les revenus de centaines de millions de paysans et leurs familles dépendent de l’agriculture rurale dans les pays pauvres. Privés de soutien face à la concurrence des exportations à bas prix et des monocultures d’exportation, les paysans du Sud se retrouvent sans terre et sans ressources, et sont condamnés à l’exode et à l’émigration. —> L’environnement : la dérégulation imposée à l’agriculture entraîne d’importants dégâts environnementaux (pollution des sols, déforestation, dégradation des eaux et de la biodiversité, etc.).—> Les consommateurs : les crises sanitaires et la « malbouffe » au Nord sont les pendants de la malnutrition au Sud. Les consommateurs des pays riches ne bénéficient guère des bas prix agricoles car les grandes surfaces ne les répercutent que faiblement dans les prix de vente.

L’alternative de la souveraineté alimentaire consiste à garantir aux Etats et aux populations le droit de définir des politiques agricoles qui répondent de manière spécifique aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux et culturels de chaque région du monde. Elle inclut le droit à l’alimentation et aux ressources de production alimentaire, ainsi que le devoir de ne pas déstructurer les agricultures d’autres pays par des exportations à bas prix. C’est pour promouvoir cette alternative que le CNCD-11.11.11 et la plate-forme souveraineté alimentaire mènent campagne en Belgique francophone et germanophone, en partenariat avec le CRID (coupole française des ONG de développement) et 11.11.11 (coupole néerlandophone des ONG de développement).

Une série de mesures ont été définies en vue de promouvoir cette alternative :—> Assurer des prix agricoles qui permettent aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail ;—> Permettre aux pays d’appliquer des politiques qui favorisent une agriculture familiale et une alimentation de qualité accessible à tous ;—> Garantir l’accès des populations agricoles à la terre, aux semences, aux crédits, à l’eau ;—> Soutenir les efforts des agriculteurs et de leurs organisations ;—> Limiter le pouvoir et la concentration des multinationales liées à l’agriculture et à l’alimentation.

Cette alternative consiste à renverser la logique de l’Organisation mondiale du commerce. Plutôt que de viser le prix agricole le plus bas et de fonder la politique alimentaire mondiale sur la course à la compétitivité, il consiste à aborder l’agriculture comme un moyen de développement pour les populations du Sud, tout en garantissant le respect de l’environnement, la sécurité alimentaire et la qualité de l’alimentation au Nord comme au Sud. A une époque où les négociations commerciales sont dans l’impasse suite au dialogue de sourds qui entoure la question agricole, c’est plus que jamais une alternative à s’approprier.

La souveraineté alimentaire à travers les filières agricoles

Dans cette publication réalisée par les ONG belges et françaises de développement, dans le cadre de la campagne européenne commune sur le commerce agricole et le droit au développement, nous vous proposons une analyse de la problématique par filières agricoles : l’oignon, le lait, le riz, la banane, le sucre ou le poulet sont autant d’aliments consommés quotidiennement un peu partout dans le monde et dont les modes de production, de commercialisation et de consommation ont des impacts directs sur le développement, l’environnement et la santé des citoyens du monde. C’est donc un outil permettant de réaliser l’impact de nos aliments sur la situation mondiale. Parce que la pauvreté, c’est nos oignons !

Arnaud Zacharie, CNCD-11.11.11 (Belgique).

5

Page 6: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTRODUCTION AUX ENJEUX DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

6

Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire: le développement est KO à l’OMCDepuis plus de dix ans, l’agriculture est au cœur de l’agenda de l’Organisation Mondiale du Com-merce (OMC). Même si l’agriculture représente une part marginale du commerce mondial par rapport aux marchandises et aux services, le dossier agricole concerne indistinctement tous les pays du monde, mais différemment au regard de leur économie, de leurs besoins alimentaires et de leurs parts de marchés agricoles et agroa-limentaires dans le commerce mondial.

L’agriculture au cœur de l’ouverture des marchés

Pour les pays en développement et les pays les moins avancés (les 49 pays les plus pauvres) qui représentent les ¾ des Etats membres de l’OMC, l’enjeu est à lire au regard de leurs besoins propres de développement, y compris en matière de sécurité alimentaire et de développement rural. Nonobstant leurs résistances, et malgré le lancement d’un Agenda de Doha centré sur le Développement, l’Organisation guide une libéralisation totale du commerce agricole avec un seul credo : il y a quelques 300 milliards de dollars à gagner dans une opération qui ne ferait que des gagnants !

Avec l’intégration de l’agriculture à l’OMC, sous couvert de concurrence loyale et de fin du protectionnisme agricole, la libéralisation progressive de l’agriculture mondiale conduit à une suppression graduelle de toutes formes d’aide créant une distorsion au commerce. Pour ce faire, les trois évangiles de l’OMC sont : supprimer les barrières douanières, les subventions aux exportations et les soutiens internes. Aux 149 Etats membres de trouver un consensus multilatéral et de convertir leur marché aux vertus de cette libéralisation du secteur dont ils bénéficieraient tous…

Or, depuis dix ans, contrairement aux attentes, il ne manque pas de perdants, et la crise agricole est multiple : malnutrition de populations, agriculteurs en détresse, chute des prix, diminution de la surface arable face à l’avancée de l’urbanisation, faillite de l’agriculture paysanne contre l’agroalimentaire, production alimentaire suffisante mais incorrectement distribuée pour nourrir le monde entier, réorientation des productions alimentaires (maïs aux Etats-Unis ou canne à sucre au Brésil) vers la production de bioéthanol… Sous le joug de l’ouverture des marchés et du « tout à l’exportation », le monde agricole est au bord du gouffre alimentaire ! Tout profit pour les pays industrialisés et leurs multinationales.

Déséquilibres, dialogue de sourds et blocage

Pour que l’OMC fasse du développement le cœur de son agenda, il est urgent que l’organisation rééquilibre le dossier agricole en faveur des pays pauvres. Comme ligne prioritaire, l’OMC doit se fixer non plus l’accroissement du commerce

mondial, mais l’administration de dispositions en faveur du développement des pays pauvres. Le lancement de l’Agenda de Doha pour le Développement apparaît alors comme une fenêtre d’opportunité. En effet, jusqu’à la conférence ministérielle de Seattle (1999) 1, c’était essentiellement les pays industrialisés qui négociaient l’agenda en amont. Le rejet de cette méthode par le reste du monde a conduit à l’échec de Seattle.

Dès lors l’OMC s’est efforcée de renouer avec un nouveau cycle de négociations internationales, davantage ciblé sur les besoins spécifiques des pays pauvres. C’est Doha (2001) qui a sacralisé l’ouverture de négociations orientées nommément vers le développement. A noter que l’Agenda de Doha pour le Développement est, à la fois, une reconnaissance explicite de la vulnérabilité des pays en développement dans le système international actuel et un aveu du besoin de ces pays d’une nécessaire différenciation du commerce international à opérer à leur bénéfice.

Les trois « piliers » de l’Agenda de Doha pour le Développement (biens agricoles, biens non agricoles et services) déterminent les rapports de force entre les Etats membres de l’OMC et leurs stratégies propres et/ou coalisées. A Cancún (2003), les pays pauvres ont conditionné les négociations de l’Agenda de Doha pour le Développement à un accord sur le dossier agricole, ce qui a provoqué l’échec du sommet. Depuis, ces mêmes pays font montre de leur capacité de coalition et de blocage des négociations commerciales, notamment sous l’impulsion de quelques économies émergentes (Brésil, Inde..) qui jouent le rôle important de porte-étendard des requêtes.

En raison notamment de l’attitude commune sur le pilier agricole du G110 2, Hong Kong (2005) s’est terminé sur une déclaration finale… minimaliste. Ouf l’instrument est sauf ! mais que reste-t-il de l’esprit de Doha ? Comme la question agricole devient progressivement le préalable incontournable avant toute perspective de négociations sur les autres dossiers, Doha devient en quelque sorte un agenda pour l’agriculture. Mais faute de convergences, l’échec de l’Agenda de Doha pour le Développement ou du moins sa « congélation », pressentie depuis longtemps, a été consommé en juillet 2006 : butant frontalement une nouvelle fois sur les subsides agricoles, les négociations de l’Agenda de Doha sont reportées sine die.

Les échecs répétés de l’OMC et de l’Agenda de Doha pour le Développement illustrent une tendance forte : tension entre multilatéralisme commercial et replis nationaux, voire protectionnistes, dans un climat mondial incertain. Ces échecs reflètent les positions inconciliables des différents acteurs : les pays en développement qui veulent un accès aux marchés des pays industrialisés, les Etats-Unis et l’Union européenne qui se rejettent la responsabilité du blocage et les pays les moins avancés qui réclament un juste prix pour leurs matières premières agricoles.

Alors que certains considèrent qu’il n’y a que des perdants dans cette situation de blocage, beaucoup se réjouissent

Page 7: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTRODUCTION AUX ENJEUX DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

de ce nouveau frein dans le désarmement douanier, voire considèrent que c’est une meilleure issue, une quasi victoire pour les pays pauvres. Mais en fait, c’est surtout un nouveau coin enfoncé dans le multilatéralisme commercial et une aubaine pour les grandes puissances commerciales qui ouvre la voie à de nouveaux et nombreux accords bilatéraux… où les rapports de forces s’exercent différemment et plus encore en défaveur des pays pauvres.

C’est pas moi , c’est l’autre

Au-delà des contingences de l’Agenda de Doha pour le Développement, il y a lieu de rappeler que les pays pauvres n’ont jamais voulu l’ouverture de leurs marchés agricoles, que malgré l’incorporation progressive, presque naturelle, d’une approche « développement » dans les négociations multilatérales, l’Agenda de Doha pour le Développement reste conduit par les plus grandes puissances économiques, et que les négociations commerciales ne peuvent donc être qu’imposées, une fois encore, aux pays pauvres.

Dès lors, ces derniers sont « pris au piège » d’un système dont ils forment une périphérie subordonnée à l’agenda des pays industrialisés. Alors, que faire ? Malgré les défaillances et résistances de l’OMC, l’institution demeure l’enceinte dont il faut faire partie, le meilleur moyen de renforcer le commerce mondial en le rendant plus équitable, et la seule institution, à travers l’Organisme de Règlement des Différents, à pouvoir trancher les conflits commerciaux.

Le problème aujourd’hui n’est pas qu’une institution internationale contraignante soit chargée de réguler les échanges commerciaux, mais bien qu’elle fasse davantage le lit d’une organisation commerciale du monde que celui d’une organisation mondiale du commerce. Rappelons toutefois que, comme l’OMC est une « member-driven organization », elle n’échappe jamais à l’autorité de ses Etats membres - tout au moins les plus puissants. Ce sont ainsi les stratégies nationales et/ou régionales de négocia-tion qui dessinent la physionomie de l’Organisation et non l’inverse. Questionnons aussi le dogme de l’ouverture du marché plané-taire : l’OMC ne profite-t-elle pas par nature aux Etats mem-bres puissants et développés au détriment des plus faibles ? Certes il a été introduit le principe de Traitement Spécial et Différencié pour permettre des exemptions pour les plus fai-bles contre le dumping et soutenir les producteurs locaux et les industries naissantes du Sud.

Mais ce principe connaît de nombreux contournements : dans le secteur agricole, ce sont les pays industrialisés qui protègent et subventionnent leur agriculture, alors que les pays pauvres se voient refuser de telles mesures. Critiquons enfin : dans un système multilatéral contraignant, où la priorité reste le profit économique, les acteurs commerciaux prospectent les segments rentables qui répondent à des demandes solvables… Il n’est donc pas étonnant de voir que les besoins importants visant des populations insolvables restent sans réponse par les seuls mécanismes du marché, ni que les pays pauvres ne soient jamais au cœur de l’Agenda de l’OMC. Ce qui est compréhensible dans une logique économique est insupportable en éthique politique.

Changer de cap

Plutôt que d’effacer l’OMC de l’architecture internationale, le défi est clairement de faire en sorte que l’OMC change de cap ! Un multilatéralisme commercial équitable sera à ce prix ou ne sera pas. Cela requiert une volonté politique : mettre les pays en développement et les pays les moins avancés au cœur d’un agenda auquel ils participent pleinement et centralement.

En ce qui concerne les négociations agricoles, la position commune du G110 - réaffirmée le 01/07/06 - donne le ton et précise des indications intéressantes pour recentrer tout agenda de l’OMC sur le développement : développement rural durable, droit de sortir de l’obsession exportatrice de la production mono-agricole, liberté de régulation de leurs marchés par des soutiens aux prix, par la gestion de l’offre, par des réductions des importations, établissement d’une échéance pour la fin totale des subsides à l’exportation, contingentement de toute aide extérieure par rapport au maintien de prix rémunérateurs et à la durabilité des politiques agricoles... Défendre le droit au développement pour les pays pauvres passe aussi par la promotion du principe de souveraineté alimentaire, à savoir le droit pour les populations de déterminer les politiques agricoles et alimentaires qui leur conviennent et le devoir que ces décisions ne soient néfastes à d’autres populations, à d’autres générations. Des solutions existent donc. Reste à modifier les rapports de force en vue de les traduire en décisions politiques !

Alexandre Seron, CNCD-11.11.11 (Belgique).

7

1. Les négociations de l’OMC sont rythmées par des conférences mi-nistérielles qui rassemblent tous les Etats membres une fois tous les deux ans, dont en 1999 à Seattle, en 2001 à Doha, en 2003 à Can-cun et en 2005 à Hong Kong.

2. Le G110 est un « friends group » qui comprend les différents grou-pes de pays des G20, G33, le Groupe africain, les ACP, les PMA, les petites économies.

Page 8: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

Originaire de la région de l’Iran actuel, l’oignon est une plante maraîchère qui se cultive aujourd’hui sous toutes les latitudes de la planète. Le bulbe d’oignon fait offi ce de condiment dans plusieurs régions du monde. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale par exemple, il représente jusqu’à 25% de la consommation totale de légumes des ménages. Dans un contexte de pauvreté, le marché de la production et surtout de la vente d’oignons représente un réel créneau économique pour les petits producteurs.

Panorama du produit

Une situation paradoxale des pays producteurs africainsPrès de la moitié de la production mondiale d’oignons est réalisée en Asie. L’Afrique a toutefois une production totale assez importante au niveau mondial : plus du double de la production européenne. En Afrique de l’Ouest, l’oignon est, avec la tomate, le produit qui circule le plus au travers des frontières. Malgré l’existence d’une production locale assez forte, l’Afrique reste cependant peu compétitive. Dès lors, la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest se retrouvent paradoxalement importateurs d’oignons en provenance d’Europe, alors qu’ils en produisent comparativement plus en quantités absolues. Cette situation paradoxale de la production africaine s’explique en partie par l’existence de variétés aux qualités diverses.Le conditionnement de l’oignon est important pour les stratégies de commercialisation

internationale. Pour la conservation, deux choses sont à éviter : le pourrissement et le bourgeonnement. Cela nécessite la mise en place de techniques de conservation spécifi ques qui peuvent être onéreuses pour les petits producteurs. Pour le producteur africain, outre le défi économique évident que cela représente (avoir les moyens de stockage dans les conditions adéquates de température et d’humidité), le manque de débouchés constitue un obstacle. En effet, il existe une forte pression sur les marchés des pays en développement exercée par des oignons de meilleure qualité, car mieux conditionnés.

Un produit pourtant stratégique dans la consommation des ménages les plus pauvresOutre des vertus nutritionnelles telles que sa richesse en soufre et en minéraux, l’oignon a également des vertus médicales d’anti-microbien, de régulateur du taux de sucre dans le sang et de prévention des maladies cardio-vasculaires. En défi nitive, si l’oignon ne répond pas à lui seul aux besoins nutritifs minimums, il participe à l’aménagement de repas de quantité et de goût acceptables. Cela confère à l’oignon une place de choix dans les stratégies d’alimentation de la plupart des ménages à revenus modestes. Ainsi dans l’alimentation quotidienne, l’oignon, à côté de la tomate et des feuilles de condiments, représente 15 à 20% de la dépense alimentaire des ménages1.

Le marché de ces légumes de base, du petit maraîchage à la production moyenne, représente un potentiel économique pour les activités de production locale, et sa préservation déterminera la survie d’un certain nombre de familles. Cet enjeu est d’autant plus crucial que les fi lières de production maraîchères locales doivent faire face à l’entrée de produits en provenance de pays

8

La pauvreté, c’est nos oignons !

1. FAO, P. Moustier et O. David, Etudes de cas de la dynamique du maraîchage péri-urbain en Afrique Sub-Saharienne, janvier 1996, Ar-chives de documents de la FAO, http://www.fao.org/DOCREP/003/X6983F/x6983f00.htm#Contents

2. FAOSTAT, septembre 2006, http://faostat.fao.org 3. La dégra-dation des termes de l’échange au détriment des économies en déve-loppement est le résultat de la bais-se des prix mondiaux des matières premières qu’ils exportent face à l’augmentation des prix de produits manufacturés qu’ils importent. La balance de leurs revenus diminue ainsi d’année en année.

Photo : Véronique Rigot

Page 9: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

9

où les conditions de conservation et d’acheminement sont comparativement meilleures.

Le commerce international de l’oignon

Les pays industrialisés ont une série d’avantages sur les pays en dévelop-pement : en technologie de production, en infrastructures de transformation, en conditionnement et en transport. Les investissements publics dans des infrastructures qui permettraient d’améliorer la conservation et le trans-port sont souvent inexistants dans les pays pauvres et endettés. Cela permet aux producteurs européens, malgré un prix de production légèrement plus élevé (acheminement pris en compte), de proposer des oignons de meilleure qualité. À titre d’exemple, le prix à la production d’une tonne d’oignons pour l’année 2003 était estimé à 86,64 USD pour la Côte d’Ivoire contre 498,85 USD pour l’Espagne2.

Par ailleurs, le mécanisme des subventions à la production crée de la concurrence déloyale. En effet, en fi nançant structurellement la production de leurs agriculteurs, certains pays apportent un « dopant » systématique à leurs capacités de production. Ainsi, malgré une production naturelle potentiellement plus favorable en Afrique, les paysans africains se retrouvent concurrencés par des stocks d’oignons quelques fois moins chers et bien souvent de meilleure qualité que leur production locale. Dans le classement mondial, les meilleurs rendements de la production d’oignons sont obtenus en Amérique centrale, puis en Asie et en Europe. Rien que pour l’Europe, la part des oignons dans les exportations de légumes frais vers l’Afrique de l’Ouest représente plus de 46%.

Ces dernières années, des conditions climatiques exceptionnellement favo-rables pour la culture de l’oignon ont permis à des pays comme les Pays-Bas, la Pologne ou l’Espagne de dégager des surplus considérables (le rendement a augmenté de 20% au cours des années 2003 et 2004). S’en suit une surpro-duction au niveau mondial et une chute importante des prix. Les producteurs ne peuvent tenir la concurrence que sur un temps limité et se retrouvent vite obli-

gés de brader leurs oignons avant qu’ils ne pourrissent.

Libéralisation du commerce international et petites productions vivrières locales

Comme pour beaucoup de produits agricoles, les oignons africains sont concurrencés par des oignons européens ou asiatiques moins chers et/ou de meilleure qualité. Il en résulte que les pays africains, dont les économies sont extraverties et essentiellement agricoles, sont pris au piège de la pauvreté : dépendants des exportations de matières premières, victimes de la dégradation des termes de l’échange au niveau mondial3, ils sont en outre concurrencés par les produits agricoles étrangers qui tuent dans l’œuf une partie de leurs cultures vivrières. Les paysans locaux voient ainsi disparaître une bonne part de leurs débouchés et donc de leurs revenus, ce qui entraîne pauvreté, exode rural et malnutrition.

Jusqu’à aujourd’hui, les accords préférentiels entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifi que) permettaient à ces derniers de protéger un minimum leurs marchés et d’avoir un accès privilégié au marché européen. Mais la règle de « non-discrimination », chère à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mettra fi n à ces préférences dès le 1er janvier 2008. Cela risque de mettre en concurrence des producteurs aux moyens souvent jusqu’à mille fois disparates !

Or, la dernière révision du Tarif Extérieur Commun (TEC) des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) n’a fi xé qu’à 20% les droits de douane que les pays peuvent prélever sur l’importation d’une catégorie de produits à laquelle appartiennent les oignons. A titre de comparaison, les barrières douanières sur le riz sont montées jusqu’à 500% au Japon ! Sans soutien des pouvoirs publics et sans protection de leurs marchés locaux, les petits paysans africains ne pèseront guère lourd face aux fi rmes agroalimentaires subventionnées.Mais il n’y a pas que la question de la « compétitivité prix » et de la protection des pays pauvres face aux importations à bas prix.

Les barrières non tarifaires constituent également un frein important à l’accès des marchés européens pour les produits africains. Dans le scénario de libéralisation promu, l’absence de taxes douanières fait miroiter un accès « libre » aux marchés internationaux pour les pays en développement. Cependant, il existe une quantité de normes sanitaires et de qualité qui placent d’entrée ces pays en position de faiblesse. Ces normes phytosanitaires offrent un avantage considérable aux fi rmes agroalimentaires sur les agricultures familiales aux moyens plus limités.

Dans le cadre de la défense d’une petite paysannerie autonome et vivant de son travail, il est primordial que la protection, par la régulation du marché, soit couplée à des mesures internes de soutien et de promotion d’une agriculture de qualité. Dans l’optique de libéralisation actuelle, il est donc essentiel de se poser la question du modèle agricole que l’on souhaite promouvoir et soutenir à l’échelle mondiale.

Oumou Zé, CNCD-11.11.11 (Belgique).

Photo : Michel Dubois

Page 10: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

10

La production mondiale de lait n’a cessé de croître au cours des dernières années pour atteindre 626 millions de tonnes en 2005. Les schémas de production diffèrent et les modèles privilégiés par les uns ici, se répercutent directement sur les autres, là-bas.

La production laitière

Ici, une production excédentaire avec plus de lait pour moins d’éleveursLe phénomène est identique partout où les fi lières de l’élevage se sont développées et se structurent (Europe, Etats-Unis, Chine, Inde, Nouvelle Zélande…) : des rendements à la hausse avec une production de lait qui croît, mais un nombre d’agriculteurs qui décroît. Dans l’UE, en moyenne aujourd’hui, les troupeaux comptent 28 à 100 bêtes pour une productivité moyenne de 6000 litres de lait par vache et par an.

Force est de constater que le système de production agricole pourvoyeur d’emplois a volé en éclat et que l’autosuffi sance recherchée dans les années 60 est dépassée. Les excédents laitiers sont exportés vers des marchés tiers, encouragés par des mécanismes de subvention et une politique de libéralisation des échanges.

Là-bas, un potentiel laitier inexploitéEn Afrique, dans un pays comme le Burkina Faso, les troupeaux comptent 5 à 20 bêtes, pour une productivité de 110 litres de lait par vache, par an, moyennant une traite généralement encore manuelle. Le lait local fortement auto-consommé ne parvient pas dans les grandes villes et le cheptel, pourtant si important de la bande soudano sahélienne, évolue au petit bonheur la chance. Or, l’élevage est le secteur en Afrique qui offre des opportunités aux populations. D’abord, le lait est un aliment nutritif complet permettant aux ménages de combler les carences alimentaires, mais il est aussi un enjeu majeur pour les paysans en termes de régularité de revenus. Seulement, les fi lières ne sont pas suffi samment développées et, aux obstacles techniques, infrastructurels et structurels, se conjugue la féroce concurrence du lait en poudre importé.

Le poids croissant des transformateurs et distributeurs Le lait est un produit fragile qui nécessite des manipulations rigoureuses, que ce soit pour en faire du beurre, du lait en bouteille ou en poudre, du yaourt… Coopératives laitières et entreprises privées se partagent la collecte, la transformation et la distribution de lait. Au Nord, comme au Sud, les industries agroalimentaires sont les maillons forts de la chaîne, au choix desquels ne peuvent que se plier producteurs et consommateurs. Ainsi, Nestlé domine le marché international de lait en poudre avec plus de 50% du marché mondial, soit 10 milliards de litres de lait par an.

Le commerce mondial du lait

L’Union européenne est le numéro un en termes d’importation et d’exportation de lait et le plus grand consommateur au monde de lait. Les autres grands pays industrialisés (Etats-Unis, Canada, Nouvelle Zélande) se bataillent les places suivantes au rang des exportateurs, alors que les pays émergents (Mexique, Malaisie, Venezuela,…) se rangent du côté des plus grands importateurs. L’Afrique vient loin derrière …Tout cet échiquier commercial mondial du lait représente à peine 6,5% de la production totale de lait. Et pourtant, l’impact sur les éleveurs est immédiat et d’autant plus généralisé que les barrières aux frontières vont en disparaissant. Ainsi, les prix fi xés par les opérateurs mondiaux les plus compétitifs l’emportent, et les coûts de production locale ne sont plus les facteurs de fi xation du prix de vente.

Le lait : une production et une consommation qui ne se rencontrent pas toujours

1. Confédération belge de l’indus-trie laitière, Rapport annuel 2006, p.14

2. Par exemple, en Europe, entre 1995 et 2004, le volume de lait collecté à la ferme est passé de 113 à 114 millions de tonnes et l’UE des 15 a perdu la moitié de ses producteurs laitiers.

3. La PAC européenne a instauré un système de protection de la fi lière laitière en Europe consis-tant (i) à freiner les importations de lait à bas prix (protection aux frontières) pour maintenir le prix du lait à un niveau supérieur au prix mondial et (ii) à encourager les exportations des surplus par un mécanisme de restitutions qui permet d’exporter le lait au prix du marché mondial.

Photo : www.poffet.net

Page 11: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

11

Ainsi, l’Afrique et les autres pays en voie de développement se retrouvent prisonniers des cours mondiaux, et ce nonobstant leurs propres coûts de production très élevés et une productivité faible… Dans les pays développés au contraire, les économies d’échelles permettent de compresser ces coûts de production qui sont en outre souvent allégés encore par des jeux subtiles de subvention, comme c’est le cas en Europe avec les restitutions aux exportations.

Le prix mondial du lait n’a cessé de diminuer dans les années 90, il a ensuite connu une légère hausse ces dernières années. Il n’empêche, et toutes nos études concordent, les prix de la poudre de lait entier exportée vers l’Afrique restent moins élevés que le lait frais produit par les éleveurs locaux.

Pour une consommation équitable du lait

Les importations de lait en poudre dans les pays en voie de développement n’ont de cesse d’augmenter. Et, selon la FAO, le volume des importations de lait devrait augmenter dans les

prochaines années. Comment pourrait-il en être autrement ? Les fi lières de production locale sont faibles, les consommateurs sont incités à consommer des produits importés attractifs par leurs prix compétitifs et les effets de manche de la publicité. Dans le même temps, les Etats ne sont plus libres de protéger leur marché intérieur en taxant les importations à leur gré. Ainsi, à mesure que les villes africaines se peuplent, la consommation de poudre de lait va grandissante, la production de lait local est négligée, menaçant chaque jour des milliers d’éleveurs dans les campagnes, et les unités locales de transformation s’approvisionnent de produits importés.

La consommation de lait est inéquitable… il faut faire changer les choses. Comment ? Tout d’abord en respectant la souveraineté alimentaire de ces Etats et de leurs populations.

Virginie Pissoort, SOS Faim (Belgique).

4. Coordination Sud, Fiche produit LAIT

5. Au Mali, 240 FCF pour la pou-dre contre 350 FCFA pour le lait local ; au Cameroun, 225 FCFA pour la poudre contre 300-400 FCFA pour le lait local ; au Burkina Faso, 200 FCFA pour la poudre contre 350 FCF

6. Ainsi en Tanzanie, elles ont augmenté de 40% entre 1997 et 2003.

7. www.fao.org/docrep/009/j7927f//j7927f12.htm.

Production de lait en millions de tonnes

(moyenne annuelle pour les périodes 1980-84, 1990-94, 2000-04)

1980-1984 1990-1994 2000-2004

TOTAL MONDIAL 483 TOTAL MONDIAL 532,5 TOTAL MONDIAL 601,5UE 136 UE 126,5 UE (15) 146,9États-Unis 61 États-Unis 68 Inde 87,2Inde 36 Inde 56,9 États-Unis 76,6Pologne 16 Féd. De Russie 451 Féd. De Russie 32,8Brésil 12 Ukraine 18,51 Pakistan 27Pakistan 9,5 Pakistan 16,3 Brésil 22,2Canada 7,5 Brésil 16 Chine 17,8Nouvelle-Zélande 7 Pologne 13,6 Nouvelle-Zélande 13,7Australie 5,6 Nouvelle-Zélande 8,5 Ukraine 13,5Argentine 5,4 Chine 7,9 Pologne 12

1 Moyenne sur les années 1992-1994Source : FAO

Produits Prix du litreLait reconstitué à partir d’un sac de lait en poudre de 25kg 200 FCFALait frais produit localement et livré à la laiterie 300 FCFALait reconstitué à partir de lait en poudre à usage familial 400 FCFALait produit localement et pasteurisé à la laiterie 500 FCFALait UHT importé 800 FCFA

Source : Maurice Oudet, « la révolution blanche est-elle possible au Burkina Faso, et plus largement en Afrique de l’Ouest ? », SEDELAN, juin 2005

Photo : Michel Dubois

Page 12: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

La banane est à la fois le pre-mier fruit échangé sur le mar-ché mondial et un aliment de base essentiel, au même titre que le riz, le blé ou la maïs, ce qui en fait un produit très sen-sible sur le plan économique, politique, environnemental et social.

Selon la FAO, le montant total annuel des exportations mon-diales de banane est évalué à plus de 4.7 milliards de dollars. Certains Etats producteurs sont peu impliqués dans le commer-ce international, ce qui expli-que que seul le cinquième de la production bananière fasse l’objet d’échanges internatio-naux.

Mais l’industrie de la banane, concentrée à 80% entre les mains de cinq grandes firmes, engendre des revenus colossaux et est une source importante d’emplois et de recettes d’ex-portation pour les pays produc-teurs en Amérique Latine, en Afrique et dans les Caraïbes.

Ces revenus colossaux et les in-térêts pour le moins divergents des pays exportateurs sont à l’origine de ce que l’on appelle communément la « Guerre de la banane ».

Coûts de production et prix

On peut distinguer deux principaux types de production :

1. Les plantations destinées à l’exportation.Environ 17% de la production de ba-nanes - ce qui représente 80% des ex-portations mondiales - est réalisée dans des plantations de 100 à 4.000 hecta-res. Les systèmes de production sont industriels, intensifs en utilisation d’in-trants et de technologies sophistiquées. Ce type de production se retrouve en Amérique Latine, en Afrique de l’Ouest et aux Philippines. La moyenne du rendement varie autour des 25-30 tonnes/ha pour les plantations plus traditionnelles et peut aller jusqu’à 55-60 tonnes/ha pour les plantations plus modernes des zones d’exportation.

2. Les plantations de petite échelle. La plus grande partie de la production mondiale est réalisée par de petites plantations couvrant entre 0,1 et 10 ha, et ayant une moyenne de rendement

qui va de 4-5 tonnes/ha jusqu’à 15 tonnes/ha, en fonction de la nature du sol, du climat et des cultures associées. Ce type de plantations se retrouve pour l’essentiel dans les Caraïbes mais ne représente qu’environ 10% des exportations.

La forte segmentation du marché de la banane provient des différentiels de coûts de transport et des politiques d’importation diverses qui ne permettent pas de former un prix de référence international. Si l’on veut retracer une évolution des prix de la banane sur le marché international, on peut par exemple considérer les prix du marché américain, où la banane entre libre de droits de douane. Cette difficulté pour la formation d’un prix international place le marché des échanges de bananes dans une optique où les rapports de forces entres acteurs déterminent les prix offerts à l’achat, le plus souvent à l’avantage des plus puissants et au détriment de conditions de productions acceptables sur le plan social et environnemental.

Impacts de la libéralisation du commerce de la banane

Suite à la conférence ministérielle de Hong Kong, les négociations difficiles et complexes ouvertes entre l’Union européenne, les Etats Unis, les pays ACP et l’Amérique Latine, n’ont pas

12

L’organisation du marché mondialMoyenne de la production de bananes 2002-2004 Production totale 70 millions de tonnes

Source: FAOSTAT

La guerre de la banane

Importations mondiales 2003

Importation nette totale env. 12 millions de tonnes

Source: FAOSTAT

Page 13: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

aboutit à un consensus sur le processus de libéralisation totale de ce marché. La réforme de l’OCMB (Organisation commune du marché de la banane), c’est à dire le régime européen de quotas et tarifs qui fut mis en place en 1993 afi n de réglementer le commerce de la banane au sein de l’Union, ne semble pas en passe d’être réalisée. Aujourd’hui, la quasi-totalité du commerce mondial de la banane est libéralisé, à l’exception encore de l’UE et du Japon, dont le régime de tarif d’importation saisonnier est aussi attaqué par l’OMC.

Suite à dix années de confl its commer-ciaux opposant l’UE aux Etats-Unis et à un certain nombre de pays d’Amérique Latine, l’UE est contrainte par l’OMC de libéraliser son marché de la banane et de remplacer le système de quotas et tarifs existant par un tarif unique appli-cable indistinctement à toutes les bana-nes. Les modifi cations déjà survenues sur ce marché et celles à venir ont une incidence capitale sur le marché mon-dial et sur les principales zones d’expor-tation. Les enjeux sont fondamentaux pour bon nombre de pays exportateurs largement dépendants du commerce de la banane.

Dumping social et environnemental : la compétition par le basUne poignée de compagnies privées, constituées en oligopoles, contrôlent les technologies et les étapes stratégiques de la fi lière (transport maritime, mûris-series, etc.) sans lesquels il n’y aurait pas d’importations. Elles imposent des prix d’achat très bas, qui ne sont pas ré-percutés sur les prix payés par les con-sommateurs (les marges des supermar-

chés pour les bananes oscillent entre 30 et 40 % du prix à la consommation, idem pour les multinationales). Quel équilibre peut-il y avoir entre 50.000 petits producteurs d’un côté et 5 compagnies transnationales de l’autre ? La libéralisation du marché européen va accélérer la disparition des petites sur-faces au profi t des grandes, et cela quel que soit le tarif adopté.

L’érosion des préférences et les petits producteurs en danger ?L’OCMB fournit aux bananes euro-péennes et ACP un accès préférentiel aux marchés à travers des quotas et des tarifs dont ne bénéfi cient pas les pays latino-américains. S’étant vu res-treindre l’accès au marché dès 1993, ces pays ont attaqué le régime devant l’OMC. Dans l’attente de la réforme dé-fi nitive qui était attendue pour 2006, dont l’objectif était de mettre fi n à ces préférences, et pour donner satisfaction aux plaignants, le régime a été peu à peu modifi é et les préférences accordées aux pays ACP vont se réduire comme peau de chagrin.

La Convention de Lomé, qui a été adoptée en 1975, comprenait un protocole pour les bananes, dont le principal objectif était de sauvegarder les importations de bananes ACP sur le marché de l’UE. L’article 1er de ce protocole prévoyait qu’en matière d’exportations de bananes, aucun pays ACP ne pourrait être placé dans une position moins favorable que par le passé ou actuellement. L’UE s’engageait ainsi à veiller au respect de ce contrat à l’égard des pays ACP.

Malgré cette convention et son protocole banane, tous les pays ACP ont assisté à l’érosion des préférences, au bénéfi ce d’opportunités offertes aux producteurs de « bananes dollars » sur un marché qui s’est libéralisé de plus en plus après l’adoption du régime communautaire de 1993, notamment en raison du différend porté à l’OMC. Cette érosion progressive des préférences a concerné en particulier les pays ACP caribéens. Les Iles sous le Vent et la Jamaïque ont été très fortement touchées. Par opposition, Belize, le Cameroun, la République Dominicaine et la Côte d’Ivoire ont tous tiré des avantages de ce régime.

Un terrain qui reste glissant !En raison de ces intérêts divergents, l’UE a préféré éviter d’aborder la question lors des discussions et retarder ainsi une guerre de la banane ouverte en pleine conférence ministérielle de l’OMC

13

* Extrait de l’étude de 2005 de Coordination Sud (France) « Agri-culture : pour une régulation du commerce international ».

Les Entreprises bananières

Le secteur de la banane est le sous-secteur en fruits et légumes le plus forte-ment concentré. En effet, les principaux opérateurs du secteur de la banane n’ont pas changé en l’espace d’une vingtaine d’années: La Dole Food Company, Chiquita, Fresh Del Monte, Noboa et Fyffes continuent à contrôler à elles seules environ 80% des exportations mondiales.

Multinationales Position Position mondiale UE DOLE 23% 17% CHIQUITA 22% 25% DEL MONTE 15% 15%FYFFES 7% 20%NOBOA 11%

Source : rapports annuels des entreprises et notes de presse

à Hong Kong en décembre 2005. La situation tendue demeure, et avec elle les pressions politiques sur les pays dépendant du commerce de la banane.

Les pays latino-américains, qui réclament toujours le tarif le plus bas possible. L’UE s’est engagée à libéraliser le marché dans le cadre du round de négociations de Doha ; notamment par l’accord cadre de juillet 2004 qui appelle les membres de l’OMC à respecter l’engagement d’achever la libéralisation totale du commerce de produits agricoles tropicaux.

Coordination Sud (France)*

Photo : Michel Dubois

Page 14: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

La moitié de la planète riz jaune !

14

Base alimentaire de 3 mil-liards de personnes, le riz est aussi cultivé par 2 milliards d’agriculteurs dans le monde. Non seulement première base alimentaire sur terre, il est aussi la source de revenus es-sentiels pour les cultivateurs dont les 80 % sont de petits cul-tivateurs des pays du Sud. Pourtant, les règles interna-tionales imposent peu a peu le prix du riz exporté comme référence pour l’ensemble des producteurs. Seuls 4% de la production mondiale du riz sont échangés sur le marché mon-dial. Les règles de l’OMC im-posent donc à la quasi-totalité des producteurs un prix qui est celui des pays exportateurs. Les pays qui exportent le font pour gagner une compétition internationale. A cette fin, soit le pays soutient son agriculture pour pouvoir vendre moins cher que les coûts de production, c’est l’arme des pays riches, soit il se spécialise, investit spécifiquement dans ce secteur et profite d’une main d’œuvre très bon marché, c’est le cas d’un petit nombre de pays du Sud où persiste d’ailleurs la malnutrition.

Qui produit ? Qui mange ? Qui exporte ?

Le riz est un produit de base dans les régimes alimentaires asiatiques (entre 90 et 150 kg de riz par an et par personne), mais aussi latino-américain et africain (40 à 60 kg par an).

Les principaux producteurs de riz sont aussi les principaux consommateurs de riz. Les premiers pays producteurs sont donc logiquement ceux qui ont une population très importante : la Chine,

l’Inde, l’Indonésie et le Bangladesh. En 20 ans, la production a augmenté de 139% et résulte principalement d’une hausse des rendements dans les systèmes de riziculture irriguée intensivement en particulier dans de nombreux pays asiatiques.Ce sont les deux premiers exportateurs, la Thaïlande et le Vietnam, qui ont le plus augmenté leur production (respectivement 150% et 250% sur 20 ans) mais cette augmentation est observée partout : Inde, Bangladesh, Philippines, Indonésie et aussi l’Afrique où la production a plus que doublé ces trente dernières années (18 Mt en 2004)1.

Le riz exporté est pour moitié un riz excédentaire lié aux fluctuations normales et naturelles de la production d’une année de récolte à l’autre. L’autre moitié des 4% de riz exporté sur le marché mondial est le fruit du choix d’un petit nombre de pays de devenir des exportateurs. Les 3 premiers représentent à eux seuls 60% du marché mondial : la Thaïlande (7.4 Mt en 2000-2004), le Vietnam (3.6 Mt) et les Etats-Unis (3.1 Mt). Ce riz est de plus en plus souvent exporté vers l’Afrique et l’Amérique Latine.

Concurrence locale, concurrence internationale et les producteurs familiaux trinquent

Même dans les pays où la majorité des producteurs de riz sont de petits culti-vateurs, leur production côtoie une rizi-culture commerciale intensive (engrais) à grande échelle et le plus souvent avec des infrastructures d’irrigation coûteu-ses. Ces gros producteurs arrivent alors à augmenter fortement le rendement et fournissent en riz bon marché, un système de commercialisation assuré par quelques acteurs multinationaux. Concurrence à la production et à la com-mercialisation, la lutte est inégale, ces producteurs disparaissent, quittent les campagnes et s’enfoncent dans la pau-vreté.

Pour injuste qu’est le modèle basé sur la compétition d’acteurs n’ayant pas du tout les mêmes moyens, l’intensifica-

tion pose aussi des problèmes à ceux-là mêmes qui l’appliquent puisque l’on observe une tendance à la baisse des rendements pour des raisons économi-ques (coût des intrants augmentant) et environnementales, avec la dégradation des ressources naturelles comme la sa-linisation des terres très irriguées et mal drainées. La nature ne pouvant être for-cée indéfiniment.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, en plus de règles internationales injustes, on retrouve des problèmes liés au manque de régulation au niveau des pays. Cette dérégulation est bien souvent imposée par les institutions financières internationales. Les producteurs sont le plus souvent écartés de toutes prises de décisions par l’Etat qui ne les considère pas comme des interlocuteurs valables. Exit dès lors leurs revendications : le maintien du prix de vente du riz à un niveau rémunérateur, des politiques privilégiant la consommation des produits locaux, le soutien de l’agriculture familiale… Cette dérégulation et la confiance aveu-gle dans les lois du marché, ont aussi permis à de nombreux commerçants lo-caux de se transformer en spéculateurs. Ils achètent le riz qu’ils stockent avant de le revendre plus tard, lorsque les prix montent. Ils pratiquent l’usure en accor-dant des crédits à des producteurs qu’ils doivent ensuite rembourser en nature. Les rapports de force inégaux entre commerçants et producteurs amènent souvent ces derniers à vendre à perte pour rembourser. Pour finir, suite aux diminutions des protections douanières, les commerçants locaux retirent plus de marge de la vente du riz importé que du riz local. Même quand il est plus cher, ce qui est le cas en Indonésie, le riz importé est préféré par les commerçants pour sa facilité d’accès, le port maritime, alors que la collecte du riz local est coûteuse puisque dispersé sur tout le territoire.

Libéralisation = plus de concurrence ? Pas sûr !

La libéralisation, acceptée comme seule voie de développement par les membres de l’Organisation mondiale du commerce,

Page 15: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

15

est en fait une mise en concurrence de tous les producteurs. Ainsi, en entrant dans l’OMC, les pays renoncent aux outils de régulation et aux moyens de protéger la production locale. L’accord agricole de l’OMC comporte plusieurs obligations : la suppression des quotas, la baisse des droits de douane et des engagements d’accès minimum. Pour ce dernier point, chaque pays s’engage à assurer un accès minimum égal à 5% de la consommation intérieure moyenne de la période 1986-88 aux produits importés, et ce à un droit de douane faible. C’est la clause de l’accès minimum ou clause des 5% (2).Mais ce modèle de libéralisation ne s’at-taque pas véritablement aux pratiques de concurrence déloyale, justement exercées par l’Union européenne et les Etats-Unis. Les Etats-Unis par exemple continuent ainsi de soutenir la produc-tion et l’exportation de riz à un prix en-dessous de son coût de production, ce qui entre en contradiction fl agrante avec le message libre-échangiste qu’ils ma-traquent à l’OMC. Les producteurs de riz américains re-çoivent trois types d’aides directes leur assurant respectivement une garantie de prix, un soutien du revenu et une stabilité de revenu. Ce sont des sou-tiens dits internes. L’OMC laisse des marges de manœuvres confortables sur ces soutiens : ils ne sont pas plafonnés par produit, mais pour tous produits confondus. Par conséquent, les Etats-Unis n’ont pas dû s’engager à réduire les soutiens accordés à leur produc-tion de riz. L’Union européenne et les Etats-Unis ayant de surcroît annoncé des soutiens plus importants que ceux réellement accordés, ils peuvent encore augmenter leurs soutiens alors qu’ils annoncent des diminutions. Rappelons toutefois que ces aides ne seraient pas condamnables si elles ne servaient que des productions destinées au marché local, si elles étaient bien réparties et qu’elles favorisaient l’emploi et la pro-tection de l’environnement.

S’ajoutent enfi n à d’autres artifi ces uti-lisés spécifi quement par les Etats-Unis : les garanties de crédits à l’exportation qui couvrent le coût des exportations non remboursées et les aides alimen-taires qui couvrent, même dans le cas du riz, 11% de la production (2002) et dont l’un des objectifs explicites est de développer et d’élargir les marchés d’exportations des Etats-Unis.

Finalement, aux Etats-Unis, le prix garanti pour le riz est deux fois plus élevé que le prix du marché. Les producteurs de riz américains ne sont donc pas obligés de vivre avec un prix du marché qui est trop faible pour vivre décemment. Pourquoi alors demander cela aux autres producteurs ailleurs dans le monde ? N’ayant ni les moyens d’aider leurs producteurs, ni la possibilité de se protéger du prix mondial, de nombreux pays pauvres condamnent leur agriculture. Ils ne l’ont pas fait de gaieté de cœur. La pensée unique et le rapport de force sont des éléments importants. Pour s’en convaincre, souvenons-nous que le Japon est entré à l’OMC avec un droit de douane de plus de 300% sur le riz, alors que les pays d’Afrique de l’Ouest sont eux entrés avec un tarif de 20%. Si le Japon doit lui aussi diminuer progressivement ses protections, en partant d’un tel niveau de protection, il reste à ce pays industrialisé encore pas mal de marge.

Sud contre Sud

Les pays du Sud comme la Thaïlande et le Vietnam ont mis en place des programmes d’incitation à la production et de stimulation des exportations. Aide à la culture intensive, fi xation de prix plancher pour la production domestique, vente à crédit aux gros importateurs et mise en place d’accords bilatéraux, en sont les principales mesures.

Aux Philippines, les importations de riz proviennent essentiellement de Thaïlande et du Vietnam, où elles sont vendues moins cher que la production nationale. Avec un droit de douane de 50%, le riz philippin et vietnamien est malgré tout moins cher que le riz local. Ces deux pays sont non seulement très présents sur les marchés asiatiques, mais ils détruisent jusqu’aux marchés africains, où les protections sont plus faibles (autour de 10%) et où des « déchets de riz » (les brisures de riz) sont vendus à des prix défi ants toute concurrence. Pourtant, la production locale de riz représente une source d’emploi et de revenu important pour la population rurale des Philippines et en particulier les populations rurales pauvres et les femmes, alors que le riz importé a peu d’effets de redistribution sur la

population pauvre. La richesse créée par ce commerce reste entre les mains d’une petite minorité de commerçants qui, en l’absence de fi scalité progressive, ne participe pas au développement du pays.

Conclusion

La concurrence même loyale entre systèmes de production très différents n’est pas une fi n en soi. Si la concurrence « loyale », donc sans le soutien de l’Etat, met en concurrence une production intensive et irriguée, voire en partie mécanisée avec une production pluviale traditionnelle, cette dernière disparaîtra et la survie de la population sera menacée. Il n’y a pas de raison de placer la concurrence et le commerce avant les droits humains, le droit à l’alimentation et le droit de vivre de son travail.

Coordination Sud (France)*

* Extrait de l’étude de 2005 de Coordination Sud (Fran-ce) « Agriculture : pour une régulation du commerce in-ternational ».

1. Milliard de tonnes

2. C’est dans ce cadre que le Japon s’est vu obligé, à partir de l’année 2000, d’importer chaque année un volume minimum de 770 000 tonnes de riz au-delà de ses propres besoins. Le Japon a décidé d’écouler ce riz sur les marchés internationaux sous la forme d’aide ali-mentaire. Ainsi depuis 1995, plus de 6500 tonnes de riz américain sont exportés par le Japon au Burkina Faso sous forme d’aide alimentaire. Pour préserver son marché, le Japon menace celui du Burkina à cause d’une mauvaise règle internationale.

Photo : www.poffet.net

Page 16: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

Sucre : quand l’Europe jette le bébé et garde l’eau du bain

16

Le sucre est un produit particulier à l’échelle internationale : c’est le produit le plus échangé sur le marché mondial. Avec 28% de la produc-tion mondiale échangée, le sucre est l’objet d’intenses tractations et d’accords internationaux complexes.

Un secteur très concentré

Le premier exportateur de sucre est le Brésil suivi par l’Union européenne, l’Australie, la Thaïlande et l’Afrique du Sud. Ces 5 producteurs rassemblent 70% des exportations de sucre. Le secteur est donc très concentré. 70% de la production mondiale de sucre provient de la canne à sucre. Le sucre de betterave formant le reste, est produit à 80% par l’Union européenne. Celle-ci est le seul exportateur qui importe dans le même temps. La valeur ajoutée étant liée au raffi nage, l’UE importe surtout du sucre brut et exporte surtout du sucre raffi né. D’ailleurs, les principaux raffi neurs sont les pays industrialisés et certains gros agro-exportateurs comme le Brésil ou la Thaïlande.

Des prix rémunérateurs

Les Etats-Unis et l’Union européenne mainte-naient, jusqu’aux dernières réformes, des prix rémunérateurs pour le sucre, alors que les prix internationaux sont bien plus bas. En Europe, cette gestion rencontrait l’une des revendica-tions de la souveraineté alimentaire : garantir des prix qui permettent aux producteurs de vi-vre décemment. Mais cette gestion comportait plusieurs problèmes. Plutôt que d’améliorer le principe de la gestion de l’offre, qui permet de contrôler ce qui est produit localement et ce qui rentre sur le territoire, l’Union européenne a dé-cidé d’abandonner la régulation aux règles du marché.

Elle se mettait ainsi en conformité avec les règles de l’OMC qu’elle a elle-même contribué à mettre en place. Les perdants de ce choix politique sont surtout les petits producteurs du Sud, mais aussi les producteurs du Nord. Seuls les industriels du sucre sont gagnants et ne cachent pas leur satisfaction.

Retour sur le mauvais choix européen

En Europe, la production interne était contrôlée par le régime sucre. Celui-ci était basé sur un système de prix garantis, environ trois

fois supérieurs au prix mondial. Ceci a été rendu possible par une protection importante des frontières afi n d’éviter que le marché européen ne soit inondé d’importations à bas prix. La production de sucre à prix garanti est répartie entre producteurs par un système de quotas. Mais le niveau de production par quotas dépassait toutefois la demande interne européenne : l’Europe produisant à peu près 109% de ce qu’elle consomme.

D’autre part, des accords préférentiels contin-gentés faisaient rentrer 10% supplémentaires. Ces accords ont été conclus entre 19 pays ACP [Afrique, Caraïbes, Pacifi que], l’Inde et l’Union européenne et s’inscrivent dans l’accord de Co-tonou qui accorde un accès garanti au marché européen à des prix élevés, pour un volume d’exportation limité. Ces accords sont considérés comme de l’aide au développement puisqu’ils fournissent aux pays producteurs des revenus d’exportations intéressants.

Avec près de 19% de sucre excédentaire par rapport à sa consommation, l’Europe exporte. Mais pour pouvoir vendre sur le marché mondial, elle est obligée de donner des subsides aux exportations et elle doit le faire également pour le sucre ACP que le marché européen ne peut absorber et qu’elle réexporte.

Face à cette situation, il est évident qu’il aurait fallu réduire la production interne afi n qu’avec le sucre rentrant par les accords préférentiels, on ne dépasse pas la consommation européenne.

La plainte de 2002 : l’effet déclencheur

Le 27 septembre 2002, le Brésil, la Thaïlande et l’Australie ont porté plainte à l’OMC contre les subventions que l’UE accorde pour écouler ses excédents de sucre et réexporter le sucre ACP après l’avoir raffi né. L’UE a été condamnée à cesser les subventions aux exportations.

Cette condamnation contraint l’UE à limiter sa production de sucre. De plus, les accords préférentiels mis en place avec les pays ACP sont décrétés non conformes aux règles de l’OMC, car ils portent atteinte au principe de libre échange et de traitement non-discriminatoire. Ce que l’on accorde à l’un, doit être accordé à tous. Les règles de l’OMC nient l’évidence : les dispa-rités énormes entre les pays. Pour l’instant, ces accords bénéfi cient d’une dérogation mais d’ici 2008, ils devront également être réformés.

Photo : Tineke d’Haese

Page 17: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

17

La réforme de novembre 2005

L’Union réforme alors en 2005 son régime sucre afi n de le mettre en conformité avec les règles de l’OMC. Un large consensus se dégageait pour réduire la production de sucre et donc les quotas dans toutes les régions européennes afi n de stopper les surplus structurels.

Mais deux conceptions s’opposaient quant aux moyens pour y arriver : d’une part, ceux qui défendaient un renforcement de la gestion de l’offre par la maîtrise de la production interne et des importations via les quotas. Cette option permettait de garantir aux producteurs un niveau de prix suffi sant. D’autre part, ceux qui voulaient fortement diminuer le prix, forçant de la sorte tous les producteurs non compétitifs à arrêter ce qui diminuerait la production. Cette hypothèse est d’ailleurs incertaine : comment réagiront les producteurs compétitifs pour compenser la baisse de prix ? Ils produiront plus. Quel sera dès lors le bilan fi nal ?

C’est pourtant cette option qui a été choisie par la présidence britannique de l’Union européenne, contre l’avis des producteurs européens, de l’industrie sucrière, des organisations non gouvernementales, des associations d’environ-nement, du Parlement européen, du Conseil économique et social, des pays ACP et des pays les plus pauvres (PMA).

Les conséquences de ce choix politique

Pour faire accepter cette réforme qui va faire chuter le prix européen de 39% et dont personne ne veut, hormis les industriels de l’agroalimentaire, la réforme est accompagnée d’aides fi nancières qui compensent partiellement et pour une durée incertaine les producteurs européens (aide découplée) et ceux des pays ACP.

Pour fi nir, l’agroalimentaire pourra acheter son sucre à un prix meilleur marché et ne transfèrera probablement pas cette chute de prix au consommateur fi nal. La COABISCO, l’association européenne des industries du chocolat, du biscuit et de la confection, a accueilli favorablement la baisse du prix sur le marché européen, jugeant même que cette baisse aurait dû être encore plus substantielle. Les producteurs de betteraves verront eux leurs revenus baisser de manière substantielle, impo-sant aux moins compétitifs une restructuration ou l’arrêt de l’activité. Pour les pays ACP, les producteurs verront une chute de revenus de plus d’un tiers, forçant déjà certains pays producteurs à l’arrêt total de leur production.

Si l’Europe annonce comme positif le fait d’élargir l’accès total à son marché aux pays les moins avancés, dans le cadre de l’initiative de l’UE «Tout sauf des armes», l’intérêt est faible pour ces derniers puisque le prix européen se rapproche du prix mondial extrêmement bas. Dans ces pays la production de sucre représente 20% du PIB et ce secteur emploie 30% de la main-d’œuvre.

Le développement au placard

Malgré les discours, le développement n’a pas été une préoccupation dans la réforme. Pour les pays en développement, cette proposition de réforme, reposant sur la recherche de compétitivité et des prix les plus bas, va totalement à l’encontre des objectifs d’éradication de la pauvreté et du développement. La pauvreté va s’aggraver dans les pays en développement et, en Europe, un des piliers pour renforcer une agriculture durable et familiale disparaîtra. Ces propositions servent surtout de monnaie d’échange dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce qui visent avant tout à libéraliser les marchés agricoles au détriment des plus petits producteurs. Les grands bénéfi ciaires de la réforme sont sans aucun doute les entreprises utilisatrices de sucre, la grande distribution, les commerçants internationaux et quelques grandes plantations dans certains pays en développement comme le Brésil en tête.

Stéphane Desgain, CNCD-11.11.11 (Belgique)*

* Réalisé sur base de l’étude de 2005 de Coordination Sud (France) et l’étude de Thierry Kesteloot d’Oxfam Solidarité.

Photo : Tineke d’Haese

Page 18: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

La viande de poulet fait l’objet d’une féroce guerre commerciale au niveau international entre quelques grands groupes industriels implantés à la fois dans les pays développés et les pays en développement. L’industrialisation de la production, l’intégration des filières, et l’intensi-fication de la production des aliments ont permis de baisser les coûts de pro-duction. Une concurrence acharnée s’instaure entre élevages des pays développés et des pays émergents. Quant aux producteurs des pays les plus pauvres, leurs produits ne trou-vent plus preneurs sur le marché lo-cal, tant les prix des productions importées sont inférieurs à ceux des productions plus traditionnelles, et ceci sans recourir aux subventions.

Panorama du produit

Une production concentréeAprès le porc, la viande de volaille est la viande la plus consommée au monde (12,3kg par habitant et par an en 2004). Cette production a progressé à un rythme de 2,7% par an au cours des dix dernières années, avec une croissance plus marquée dans les pays en développement (particulièrement en Chine et au Brésil) que dans les pays développés.

La production est relativement concentrée, puisque 4 pays (Etats-Unis, Chine, Union européenne et Brésil) assurent 66% des volumes produits en 2002, contre 60% en 1992, signe que la concentration s’accentue. Les volumes échangés atteignaient, en 2004, 8 millions de tonnes, soit près de 10% de la production totale. Les échanges mondiaux de volaille ont ainsi triplé en 10 ans et la concurrence est très vive, d’abord entre Etats-Unis et Europe, puis avec le Brésil, la Thaïlande, et maintenant la Chine… En 2004, le Brésil prenait le premier rang des pays exportateurs, devançant les Etats-Unis avec respectivement 38% et 34% des exportations mondiales.

Dans le volume des échanges mondiaux de volaille, la part des produits de découpe ne cesse de s’accroître. Représentant 42% du total en 1996, elles atteignaient 62% en 2002.

Entre 1996 et 2002, les exportations européennes de morceaux de poulets ont ainsi augmenté de 83%.

Une concurrence accrue : à la recherche de nouveaux marchésDepuis le milieu des années 90, l’Afrique de l’Ouest devient un débouché de plus en plus important, même si en terme de pourcentage et de volumes, elle reste marginale en comparaison aux trois principales zones d’importation que sont la Russie, le Proche et le Moyen-Orient et l’Union européenne. L’Afrique sub-saharienne représente à peine 1,5% de la production mondiale de poulet. Elle ne pèse pratiquement rien dans les échanges mondiaux : seule l’Afrique du Sud développe l’exportation de volailles entières ou découpées, essentiellement à destination des pays voisins.

L’accroissement des exportations en direction de l’Afrique de l’Ouest est notamment le fait de l’UE dont les exportations de découpes à destination de cette région se sont accrues de 485% entre 1996 et 2002.

Méthodes d’élevage et économie de coûts Main d’œuvre moins chère, disponibilité en alimentation animale à bas prix, accès facilité à la terre permettent aux agro-industries de produire de la viande de volaille à moindre coût dans les pays comme le Brésil. Nombre d’aviculteurs sont désormais sous contrats avec ces grandes firmes, qui remplacent l’aviculture traditionnelle.

En revanche, en Afrique de l’Ouest, l’aviculture reste avant tout une aviculture familiale (70% de l’élevage avicole), source de protéines mais aussi de revenus complémentaires et sorte de « caisse d’épargne sur pattes ». Son coût de production est très faible.Il existe des efforts de développement d’une aviculture dite améliorée, permettant de répondre à la demande des villes, mais ceux-ci sont rendus difficile par la difficulté d’accéder aux ressources financières, le manque d’infrastructures et l’arrivée massive des importations.

Une viande toujours moins chère sur le marché mondialLa viande de volaille est la viande la moins chère à produire car elle présente le meilleur taux de conversion protéines animales/végétales. Selon la FAO, le prix de la viande de volaille sur les marchés internationaux a reculé de 45% entre 1994 et 2002.

18

Les exportations de poulets plument les plus faibles

Page 19: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE À TRAVERS LES FILIÈRES

Analyse des conséquences de la libéralisation

Un produit indirectement sous dumpingA la suite de l’application de l’Accord agricole de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les soutiens européens aux exportations de volaille ont diminué. Seuls 25% des volumes exportés par l’UE bénéfi cient aujourd’hui de subventions à l’exportation, concentrées sur les poulets congelés entiers, à destination du Proche et Moyen-Orient. Toutefois, lors de la réforme de la PAC de 1992, les prix des céréales ont baissé, et dès lors ceux de l’aliment de la volaille, premier poste du coût de la production avicole. Depuis, les exportations européennes ont crû de 150%. La baisse du prix de l’aliment a permis de diminuer le coût du fl ux de ces marchandises vers l’Afrique de l’Ouest de 25% .Comme précisé précédemment, la part des découpes de volailles dans les exportations atteint aujourd’hui 62%. Pour l’Afrique de l’Ouest, ces découpes consistent principalement en résidus (ailes, croupions, cous, carcasses). Les blancs et cuisses ayant été valorisés sur le marché européen et la rentabilité ainsi assurée, les résidus représentent des sources de revenus supplémentaires pour les agro-industries européennes qui peuvent les exporter à faibles coûts. Ces résidus n’ayant pas de valeur marchande sur le marché européen, les prix particulièrement bas pour ces découpes sont donc largement artifi ciels.

Délocalisations vers les pays permettant une meilleure réduction des coûtsLa fi lière avicole a fortement évolué en raison d’une augmentation de la produc-tion et de la consommation, ainsi que d’une concentration toujours accrue. L’intégration verticale, modèle particu-lièrement adapté à une production au cycle court, s’accentue. L’importance des volumes produits et la recherche d’économies d’échelle ont conduit à une plus grande coordination des différents maillons de la fi lière (multiplication, ac-couvage, alimentation animale, élevage, transformation et commercialisation).

La concentration des industries de l’agroalimentaire s’accompagne de la délocalisation des lieux de production et

de découpes. Les fortes disparités entre les pays, en ce qui concerne l’approvi-sionnement en matières premières bon marché (maïs et soja), les réglementa-tions sanitaires et environnementales, les coûts de main d’œuvre, constituent des atouts pour l’agroalimentaire qui re-cherche toujours plus de compétitivité. Ainsi, plusieurs fi rmes agroalimentaires de la fi lière ont délocalisé leur production dans des pays comme le Brésil, devenu aujourd’hui le premier exportateur mondial. Actuellement, les plus grosses entreprises réalisent 60% de leur chiffre d’affaires dans ces pays.

Multiplication des risques sanitairesL’intensifi cation des méthodes d’élevage n’est pas sans risques sanitaires. Le surpeuplement des élevages est la cause de problèmes de croissance, de pattes cassées, etc. L’extrême concentration est le théâtre idéal de la propagation de maladies sanitaires comme la grippe aviaire.

Si les découpes de poulets congelés sont souvent présentées comme un bienfait pour des populations urbaines pauvres, c’est oublier que cette « source de protéines » est bien souvent de mauvaise qualité. Bas morceaux non consommés en Europe, ils sont l’objet de décongélation/recongélation constantes dans des pays où maintenir la chaîne du froid est diffi cile. Une étude menée en

2003 au Cameroun par le SAILD avec l’appui de l’institut Pasteur de Yaoundé montrait ainsi que plus de 83% des découpes présentes sur les marchés étaient impropres à la consommation.

Des politiques internationales incohérentesLes politiques prônées par les institutions internationales participent également à l’augmentation des exportations en direction de l’Afrique de l’Ouest. Elles contraignent les pays africains à réduire leurs barrières commerciales et à diminuer leurs soutiens à l’agriculture.Les pays africains ont également été encouragés à créer des unions douanières et des zones d’intégration régionale. Une tarifi cation commune a été décidée, mais, sous l’infl uence des institutions fi nancières internationales, le taux plafond a été fi xé à 20% pour les produits les plus transformés (catégorie à laquelle appartiennent les découpes de poulet congelées) – ce qui s’avère largement insuffi sant.

Coordination Sud (France)*

* Extrait de l’étude de 2005 de Coordination Sud (France) « Agriculture : pour une régulation du commerce internationale ».

19

Photo : www.poffet.net

Page 20: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTERVIEWS : la SA comme enjeu de l’agriculture du Nord comme du Sud

Qu’est ce que la Souveraineté Alimentaire selon vous ? La souveraineté alimentaire désigne le droit des populations, de leurs pays ou unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers. La souveraineté alimentaire inclut:—> la priorité donnée à la production agricole locale pour nourrir la population, l’accès des paysan(ne)s et des sans-terre à la terre, à l’eau, aux semences, aux crédits. D’où la nécessité de réformes agraires, de la lutte contre les OGM pour le libre accès aux semences, et de garder l’eau comme un bien public à répartir durablement ;—> le droit des paysan(e)s à produire des aliments et le droit des consommateurs à pouvoir décider de ce qu’ils veulent consommer et qui (et comment) le produit ;—> des prix agricoles liés aux coûts de production: c’est possible à condition que les Etats ou unions aient le droit de taxer les importations à trop bas prix, s’engagent pour une production paysanne durable et maîtrisent la production sur le marché intérieur pour éviter des excédents structurels ;—> la participation des populations aux choix de politiques agricoles ;—> la reconnaissance des droits des paysannes, qui jouent un rôle majeur dans la production agricole et l’alimentation.

La problématique du commerce agricole est- elle une dichotomie Nord-Sud ?Il ne s’agit pas d’une opposition ou d’un conflit entre pays(ans) du Nord et pays(ans) du Sud, comme on voudrait nous le faire croire trop souvent, mais —> d’une opposition entre deux modèles de production agricole présents à la fois au Nord et au Sud. Il y a d’un côté un modèle de production agricole industrialisé, souvent orienté vers l’exportation, entre les mains de sociétés transnationales qui se jouent des frontières Nord/Sud pour produire là où c’est le moins cher. Et il y a un modèle d’exploitation agricole familiale durable, donnant la priorité à la production pour le marché local/national et des modes de production durable—> d’une opposition entre deux modèles de commerce agricole basés sur des valeurs différentes. D’un côté le « libre »-échange, qui n’a rien de « libre » mais qui permet à la grande distribution et l’agro-industrie de s’approvisionner au plus bas coût sur toute la planète. Il a un coût énergétique très élevé. De l’autre, un échange qui respecte le droit de souveraineté alimentaire, est basé sur la

diversité des produits entre les régions et sur des prix qui rémunèrent correctement tous les acteurs des filières.

Quels sont les différences et les points communs entre agriculteurs du Nord et du Sud ?Comme indiqué ci-dessus, l’utilisation de ce clivage Nord-Sud n’est pas le plus pertinent, même si l’on conçoit que les ONG de développement aient du mal à s’en extraire. Doit-on comparer les grandes plantations d’Afrique du Sud et du Brésil avec les grands céréaliers français ou avec les petits paysans européens en voie de disparition ? Ce que l’on peut comparer, ce sont les petits paysans des pays industrialisés avec ceux des pays dits « en développement » et là, on peut trouver des écarts encore immenses de productivité par actif et par hectare. Qu’ils soient au Nord ou au Sud, les petits paysans font face au même processus de concentration de la production qui les élimine, aux mêmes prix mondiaux, souvent inférieurs aux coûts de production.

Pourquoi une solidarité Nord-Sud est- elle utile pour les agriculteurs belges et européens ?Ce qui fait la force d’un mouvement paysan mondial comme Via Campesina, c’est qu’il rassemble des paysans du Nord et du Sud qui ensemble remettent en cause les politiques agricoles actuelles et l’OMC qui les dicte. La solidarité est un des moteurs essentiels de la CPE et de Via Campesina. La meilleure solidarité Nord-Sud que peuvent mettre en œuvre les agriculteurs belges et européens est de travailler à un changement profond de la PAC et des règles du commerce international, qui permettront à l’agriculture familiale durable de vivre de son travail dans toutes les régions du monde.

Quelle est votre position sur la question des subventions agricoles et pourquoi ?Lorsque les prix agricoles sont inférieurs aux coûts de production, soit vous ne pouvez pas produire (comme en Afrique), soit vous pouvez quand même produire parce que vous recevez une subvention comme dans l’Union européenne, les Etats-Unis, la Suisse, etc… Dans ce cas, la subvention sert essentiellement à permettre à l’agriculteur d’approvisionner l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution à des prix inférieurs aux coûts de production.

Celles-ci continuant à vendre leurs produits au même prix au consommateur, on peut dire que

« Il n’est pas trop tard pour changer de politique agricole »Entretien avec Gérard Choplin, coordinateur de la Confédération paysanne européenne (CPE)

20

Page 21: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTERVIEWS : la SA comme enjeu de l’agriculture du Nord comme du Sud

21

la subvention agricole va fi nalement dans les poches de ces deux acteurs économiques, qui sont les plus infl uents à l’OMC et à Bruxelles pour décider des politiques agricoles et commer-ciales.

Nous disons non depuis 20 ans aux subventions à l’exportation. On ne peut à la fois protéger son marché intérieur et subventionner l’exportation. L’Europe et les Etats-Unis les remplacent depuis l’accord OMC de 1994 par des paiements directs, associés à des prix agricoles alignés sur le prix mondial. Ce qui ne change rien à leurs exportations à des prix inférieurs à leurs coûts de production, qui souvent ruinent les capacités de production des petits paysans du Sud.

Les subventions actuelles de l’Union européenne et des Etats-Unis, qui ne sont donc qu’une nouvelle forme du dumping, souffrent donc d’un manque évident de légitimité internationale. Elles souffrent par ailleurs d’un manque de légitimité sociale car elles sont très mal réparties entre les agriculteurs européens et concentrées dans les plus grandes exploitations. Avec la dernière réforme PAC, les subventions sont même devenues marchandes !

Pour autant nous refusons le discours néo-libéral simpliste actuel s’appuyant sur cette mauvaise répartition et les dégâts du dumping pour réclamer la suppression de toute subvention agricole.

Le débat doit porter sur les conditions de légitimité du soutien public en agriculture et il ne doit pas être séparé du débat sur les prix agricoles.Les agriculteurs ne veulent pas être dépendants des subventions : ils veulent d’abord vivre de la vente de leurs produits grâce à des prix ré-munérateurs. Des subventions publiques sont légitimes si les citoyens veulent maintenir des agriculteurs dans toutes les régions, y compris dans les moins favorisées, s’ils veulent main-tenir un tissu dense d’exploitations familiales durables mutlifonctionnelles. Mais elles ne sont légitimes que si elles ne servent pas à exporter à bas prix et si elles sont réparties de façon juste entre les agriculteurs.

Pensez-vous que l’agriculture est un sujet à traiter au sein de l’OMC ? Si non, dans quel type d’instance internationale ?L’OMC a échoué pendant 10 ans à établir des règles justes.Nous ne pensons pas que l’OMC, enfanté par le GATT en 1994 pour établir le « libre »-échange en agriculture, puisse être corrigé à ce point qu’il puisse travailler demain dans une direction opposée à sa maladie congénitale. Nous avons besoin de règles du commerce international

agricole, mais ces règles doivent se limiter au commerce international ; elles ne doivent pas dicter les politiques agricoles des Etats ou unions. C’est pour cela que nous, Via Campesina, avons créé le concept de souveraineté alimentaire en 1996.

La CNUCED et la FAO, instances que l’UE et les Etats-Unis font tout pour laisser dépérir, sont probablement mieux appropriées pour traiter des questions agricoles, à condition qu’on leur donne des moyens et capacités d’action.

Quel serait selon vous le(s) type(s) de modèle(s) agricole(s) à promouvoir ?Je n’aime pas les modèles car la diversité est une richesse et en agriculture, vous avez tellement de conditions naturelles et culturelles différentes.Mais bien sûr il faut inverser les priorités et les fi nancements pour promouvoir des exploitations durables de taille familiale, orientées en priorité sur le marché local/régional. Il faut favoriser la transformation locale des produits, les marchés locaux ou régionaux. L’UE fait juste l’inverse.

Pensez-vous que l’agriculture familiale est une espèce en voie de disparition si rien ne change ?Oui. Il suffi t de regarder les chiffres en Europe, aux Etats-Unis ou même en Suisse. Si rien ne change, il ne restera qu’une agriculture familiale pour des niches de haute qualité ou engagés dans des circuits courts de distribution près des villes. Mais il n’est pas encore trop tard pour changer de politique agricole et mieux vaudrait le faire avant que la crise énergétique à venir remette en cause brutalement une économie mondialisée, basée sur les transports à bon marché. Propos recueillis par Oumou Zé(CNCD-11.11.11).

Photo : www.poffet.net

Page 22: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTERVIEWS : la SA comme enjeu de l’agriculture du Nord comme du Sud

Que représente pour vous la Souveraineté Alimentaire ?Pour nous, la défense du concept de Souverai-neté Alimentaire est avant tout une question de choix politique: celui de défendre le principe que les politiques agricoles et commerciales soient fondées sur des droits et sur des choix collec-tifs concertés entre citoyens responsables et pouvoirs publics, plutôt que sur base d’intérêts privés ou de théories économiques prônant le « tout est permis ». En d’autres termes, la Sou-veraineté Alimentaire est le droit de défi nir des politiques agricoles adaptées à chaque contexte spécifi que en se donnant les moyens de les met-tre en œuvre.

La problématique du commerce agricole est-elle une dichotomie Nord-Sud ? Quelles sont les différences et les points communs entre agriculteurs du Nord et du Sud?Les agricultures dans le monde se caractérisent

par d’importants écarts de productivité entre le Nord et le Sud, mais aussi entre le Nord et le Nord ou entre le Sud et le Sud. La dichotomie Nord-Sud ne m’apparaît pas appropriée car elle constitue un raccourci qui peut nuire aux inté-rêts collectifs que l’on défend. La problématique du commerce agricole est à mon sens plutôt liée au contenu et aux principes mêmes qui sous-tendent les accords sur l’agriculture de l’OMC en vigueur depuis 1995 et qui sont basés sur la conviction que la libéralisation du commerce agricole est profi table à tous. Derrière cette po-sition, il y a à priori, que les marchés agricoles mondiaux sont intrinsèquement capables de fi xer des prix valables dont l’application géné-ralisée, combinée à l’ouverture des frontières, améliorera la qualité de vie des populations du Sud comme du Nord. Ces convictions semblent à ce jour relever plus de l’idéologie que de la vé-rifi cation d’effets positifs quantifi ables. En effet, l’un des points communs les plus dommagea-

« La Souveraineté Alimentaire est une question de choix politique » Entretien avec Olivier Plunus, conseiller à la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA) et à la Fédération des Jeunes Agriculteurs (FJA)

22

Photo : www.poffet.net

Page 23: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

> INTERVIEWS : la SA comme enjeu de l’agriculture du Nord comme du Sud

23

bles que l’on peut relever entre agricul-teurs familiaux du Nord et du Sud est que, sur ces dix dernières années, leur situation s’est détériorée.

Bon nombre d’organisations agricoles ont observé que les marchés n’ont pas un pouvoir réel ou inné de régulation, et ce tout particulièrement en matière de produits agricoles. Nous partageons cette analyse. Les prix mondiaux, que l’OMC vise à appliquer partout, sont caractérisés par leur instabilité et leurs faiblesses structurelles et ne sont, en aucun cas, représentatifs des réalités de la grande majorité des producteurs. Ceux-ci reflètent d’avantage les situa-tions des pays, ou plutôt d’une certaine catégorie de producteurs à l’intérieur de ces pays, qui peuvent produire à moin-dre coût, et ce pour diverses raisons, sans pour autant pouvoir satisfaire la totalité de la demande. Aujourd’hui, il s’agit, à titre d’exemples, des produc-teurs de lait néo-zélandais, de sucre ou de viande brésiliens.

Le principe de libre-échange appa-raît inapproprié et dangereux pour les agriculteurs familiaux du Nord et du Sud, quels sont dès lors les outils que vous prônez pour assurer des prix agricoles décents?En effet, nous refusons la poursuite de cette logique de mise en concurrence des agriculteurs entre eux qui, au final, a comme seul objectif de faire baisser les prix agricoles à leur propre détriment.Au travers du concept de Souveraineté Alimentaire, la majorité des organisa-tions professionnelles d’agriculteurs familiaux, du Nord ou du Sud, revendi-quent aujourd’hui des marchés régulés pour pouvoir obtenir des prix corrects couvrant les coûts de production. Ce souci de régulation doit débuter sur les marchés locaux ou nationaux, où les agriculteurs familiaux écoulent l’essen-tiel de leur production. Cela signifie la possibilité de conserver une protection douanière à l’importation et une gestion de l’offre. L’agriculture n’est pas un secteur économique comme les autres et doit, de ce fait, être traitée de façon spécifique. Cela passe par la définition de prix intérieurs par groupe d’Etats à économie et compétitivité comparables organisés en marchés communs protégés. Cela implique également la conclusion d’accords internationaux définissant, par produits et par Etat, les droits à

exporter, ce qui est fondamentalement différent des stratégies d’exportation actuellement prônées par certains Etats ou groupes d’Etats.

Pourquoi une solidarité Nord-Sud est-elle utile pour les agriculteurs belges et européens ?En Europe, les agriculteurs ne repré-sentent plus que 2 % de la population active et l’agriculture « pèse » moins de 2 % du PIB contre environ 75 % pour les services. Ces seuls chiffres permet-tent de mieux comprendre la stratégie employée par l’Union Européenne dans le cadre du « cycle de développement de Doha » qui réduit l’agriculture au rang de variable des négociations en vue d’accéder à de nouveaux marchés pour ses exportations de services et de produits industriels (dont les produits agroalimentaires !), quitte à importer d’avantage de denrées alimentaires.

Nous jugeons ce marchandage dange-reux et très préoccupant pour l’avenir des agriculteurs belges et européens. A titre d’exemple, la récente offre de la Commission sur l’accès accru au marché européen de la viande bovine engendre-rait une pression supplémentaire sur les prix internes, ce qui pèserait lourdement sur les producteurs mais aussi sur tou-te l’industrie en amont et en aval. Ces propositions nient également les autres fonctions que remplissent les agricul-teurs par rapport à l’aménagement du territoire et à l’environnement.

Par conséquent, outre la nécessité de s’ouvrir d’avantage aux autres acteurs de la société civile à l’intérieur de plate-formes telle que la PFSA1, la FWA et la FJA sont convaincues de l’importance de développer les contacts entrepris depuis une dizaine d’années avec d’autres organisations agricoles du Sud. Nous sommes signataires des Déclarations de Dakar et de Chapeco, initiatives que nous soutenons avec d’autant plus de force qu’elles résultent d’un rapprochement entre organisations sœurs qui défendent l’agriculture familiale comme moteur de l’économie et du développement rural au sens large. Ce n’est qu’en développant un dialogue avec le plus grand nombre d’organisations agricoles du Sud, mais aussi en se rapprochant d’autres organisations du Nord a priori opposées, que nous parviendrons à convaincre les pouvoirs publics de la pertinence de nos positions.

Pensez-vous que l’agriculture familiale soit une espèce en voie de disparition si rien ne change ?Il nous semble évident que seul un nombre toujours plus restreint d’agri-culteurs va pouvoir résister à la pour-suite de cette logique de mise en concur-rence par les prix. Au niveau européen, le désengagement progressif de l’Union européenne par rapport au pilier his-torique de la politique communautaire qu’est l’agriculture constitue une crainte majeure supplémentaire pour les jeunes générations qui, au vu de ces perspec-tives, sont de moins en moins attirées par ce métier. Il nous apparaît donc urgent d’agir pour que l’agriculture familiale du Sud comme du Nord ne soit pas qu’un modèle du passé.

Propos recueillis par Oumou Zé(CNCD-11.11.11).

1. La PFSA est la Plate-forme Sou-veraineté alimentaire coordonnée par le CNCD-11.11.11

Page 24: Nourrir la planète n’a pas de prix - CNCD-11.11.11 · 2016-04-22 · 4. Nourrir la planète n’a pas de prix ! 6. Libéralisation agricole versus souveraineté alimentaire : Le

Bibliographie

Nos revendications:

● Permettre aux pays d’appliquer des politiques qui favorisent une agriculture familiale durable ainsi qu'une alimentation de qualité accessible à tous.

● Assurer des prix agricoles qui permettent aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail.

● Respecter le droit de tous les pays de protéger leurs productions agricoles des importations à bas prix.

● Impliquer les acteurs concernés par l’agriculture et l’alimentation.

Signez la pétition sur: www.cncd.be/petition

—> Agricultures et paysanneries des Tiers mondes, Marc Dufumier, Karthala, 2004, 598 p. —> Changer de modèle agricole en Wallonie, Thierry Laureys, Edition de la CCI, 2004.—> L’agriculture talon d’Achille de la mondialisation, clés pour un accord agricole solidaire à l’OMC, Jacques Berthelot, L’Harmattan, 2001, 509 p.—> L’Empire de la Honte, Jean Ziegler, Fayard, 2005, 323 p.—> La construction d’un mouvement social MST Brésil, Martha Harnecker, Cetim, 2003, 248 p.—> La fracture agricole et alimentaire mondiale, Marcel Mazoyer, Laurence Roudart, 196 p.—> Le commerce de la faim, La sécurité alimentaire mondiale sacrifi ée à l’autel du libre-échange, John Mandeley, éd. Charles Léopold Mayer, 2002, 260 p.—> Le goût amer de nos fruits et légumes, l’exploitation des migrants dans l’agriculture intensive en Europe, Forum civique européen, 2002, 132 p.—> Le monde n’est pas une marchandise, des paysans contre la malbouffe, José Bové et François Dufour, entretiens avec Gilles Luneau, Pocket, 2001—> Le terrorisme alimentaire, Comment les multinationales affament le tiers-monde, Vandana Shiva, Fayard, 2001, 200 p.—> Les OGM en guerre contre la société, Attac, Mille et une nuits, 2005, 138 p.—> Question agraire et mondialisation : Points de vue du Sud, collectif, Alternatives Sud, vol. 9 n° 4, 2002, 268 p.—> Résistances paysannes, coord. par Martial Demunter, Contradictions, n° 114, 2006, 128 p.—> Un agronome dans son siècle, actualité de René Dumont, sous la direction de Marc Dufumier, Karthala-Inapg, 2002, 320 p.—> Via Campesina, alternative paysanne à la mondialisation néolibérale, collectif, Cetim, 2002, 256 p.

Le contenu relève de la seule responsabilité du CNCD-11.11.11 et du CRID (www.crid.asso.fr)

CNCD-11.11.11 asblQuai du Commerce 9

1000 BruxellesTél. 02 250 12 30 - Fax 02 250 12 63

[email protected] / www.cncd.be

> Soutenez notre ca mpagne

Avec le soutien de la Commission européenne

www.pfsa.be

Brève sélection d’ouvrages pour aller plus loin sur la Souveraineté Alimentaire. Disponibles en Belgique, dans les centres de documentation Sudoc (http://www.sudoc.be), ainsi qu’en France dans les centres Ritimo (http://www.ritimo.org)

Pour plus d’informations : Centre de documentation CNCD-11.11.11, 9 quai du Commerce, 1000 Bruxelles ou http://www.cncd.be/centredoc


Recommended