Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 1
ORIENTATIONS & PERSPECTIVES
D’ENTRAÎNEMENT CHEZ LES JEUNES
D’UN POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE
A la suite d’un test de détermination de la Vitesse Aérobie Maximale (VAM)
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1. Orientation de l’entraînement
a) La physiologie de l’enfant et
de l’adolescent
Avant d’orienter l’entraînement des en-
fants et des adolescents, il faut en premier
lieu avoir connaissance de leur physiologie
afin de pouvoir proposer des exercices
adaptés à leurs possibilités.
Prenons chacune des 3 filières énergéti-
ques, l’une après l’autre, afin d’examiner
leurs spécificités.
La filière anaérobie alactique
Cette filière, prédominante lors d’exercice
court (< 6’’) et intense (> 160% VAM), est
identique chez l’enfant, l’adolescent et l’a-
dulte.
La filière anaérobie lactique
Celle-ci prédomine lors d’effort intense in-
férieur à 2’ (exemple : le 400m ou 800m
course). Il a souvent été émis l’hypothèse
selon laquelle l’utilisation de cette filière
chez les jeunes aurait des conséquences
négatives. Cet argument est principale-
ment du à l’observation d’une concentra-
tion en lactates sanguins plus faible que
l’adulte lors de ce type d’effort. Mais des
études récentes ont permis d’expliquer
cette relative immaturité du système lacti-
que par des réserves de glycogène signifi-
cativement inférieures chez le jeune par
rapport à l’adulte. Malgré une physiologie
différente à l’adulte, pour le moment aucun
argument scientifique ne permet donc de
dire qu’un exercice de type lactique soit
néfaste pour la santé des jeunes (O. Bar-
Or, 1995).
La filière aérobie
Elle entre en jeu de manière prépondé-
rante pour fournir de l’énergie lors d’effort
supérieur à 3’. Celle-ci présente des parti-
cularités intéressantes à prendre en consi-
dération dans la mise en place des séan-
ces comme :
⇒ Un délai pour atteindre un état stable de
VO²max1 plus court (1’ pour l’enfant vs 3’
pour l’adulte [figure 2])
⇒ Une activité enzymatique du cycle de Krebs2
supérieure
⇒ Une récupération d’O² plus rapide que l’a-
dulte après un exercice réalisé à intensité
élevée.
⇒ Un VO²max, par rapport à la masse corpo-
relle, plus élevé chez l’enfant que chez l’a-
dulte sédentaire (Falgairette, 1989).
Ces différents facteurs expliquent que l’en-
fant a une meilleure aptitude aérobie que
l’adulte. La période de l’enfance est donc
propice à son développement (Flandrois,
1982).
Figure 2, Temps nécessaire pour atteindre la valeur maximale de VO² chez l’enfant et chez l’adulte, au cours de 2 exercices à 80 et 115% de PMA (Grandmontagne, 1977)
1 VO²max : Consommation maximale d’oxygène pouvant être consommée par unité de temps au cours d’un effort musculaire 2 Cycle de Krebs : Permet de libérer l’énergie chimique issue des substrats énergétiques (Glucides, Lipides, Protéines) en présence d’O²
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b) L’impact des séances inter-
mittentes (Jeunes vs Adultes)
Deux études récentes de Ratel (2002,
2006) ont étudié la faculté de récupération
des jeunes par rapport aux adultes lors d’ef-
forts intermittents courts et intenses. Celles-
ci ont permis de montrer que l’enfant et l’a-
dolescent récupéraient plus rapidement que
l’adulte lors d’effort intermittent1 comprenant
des sprints courts (10’’) et des récupéra-
tions courtes (<1’). Durant ces études, on a
demandé aux participants, divisés en 3
groupes (1 adulte, 1 adolescent, 1 enfant),
de réaliser 3 protocoles de séances diffé-
rentes :
⇒ 1ère : 10x 10’’ sprints/ r 15’’ lors de laquelle les
expérimentateurs ont pu s’apercevoir que les
enfants récupérés mieux que les adultes.
⇒ 2ème : 10x 10’’ sprints/ r 30’’ durant laquelle ils
ont également pu montrer que l’enfant et l’a-
dolescent récupérés plus rapidement que l’a-
dulte.
⇒ 3ème : 10x 10’’ sprints/ r 60’’ ou cette fois les
adultes, les adolescents et les enfants récupé-
rés de manière identique.
Différentes explications ont pu être avan-
cées sur la meilleure résistance à la fatigue
des enfants par rapport aux adultes lors
d’exercices intermittents intenses (figure 3).
Durant la période d’exercice :
⇒ Moindre masse musculaire
⇒ % accru de fibres musculaires lentes
⇒ Activité musculaire oxydative supérieure
⇒ Moindre altération de l’activation neuromuscu-
laire
Durant la période de récupération :
⇒ Resynthèse de la Phosphocréatine (PCr) plus
rapide
⇒ Retour plus rapide à l’équilibre acido-basique
⇒ Rétablissement plus rapide des paramètres
cardiorespiratoires
Conclusion
On peut donc se rendre compte que les jeu-
nes sont mieux équipés que les adultes
pour réaliser des exercices intermittents à
fortes intensités (>100% VAM), de courtes
durées (~15’’) avec une récupération faible
(<1’).
c) Entraînement continu vs Inter-
val-Training
Faut il proposer du travail en continu ou à
base d’intervalles ? Grande question que
beaucoup d’entraîneurs peuvent se poser
lorsqu’il s’agit de mettre en place les séan-
ces d’entraînement. Il est vrai qu’il faut ten-
ter d’équilibrer les deux afin de varier les
plaisirs et de progresser (figure 4, page 17).
Mais il est intéressant de connaître l’impact
de l’une ou de l’autre sur l’optimisation de la
performance.
Figure 3, empruntée à Caroline Nicol, PhD, FSS Marseille
1 une séance intermittente (IT) consiste à alterner, durant une ou plusieurs série, des fractions d’efforts et de récupération
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Une étude de Gerbeaux et Berthoin sur des
scolaires a montré l’utilité du travail intermit-
tent individualisé dans l’optimisation du po-
tentiel aérobie par rapport à l’entraînement
en continu (figure 5 & 6).
Ils ont pu constater, qu’en moyenne, seuls
les enfants qui s’entraînaient avec des
exercices intermittents améliorés leurs VAM
(6% pour 12 entraînements, 3% pour 6 en-
traînements). A l’inverse les groupes té-
moins ou travail en continu ne se sont pas
améliorés de manière significative.
Une autre étude, provenant également de
cette équipe, a permis d’observer qu’il n’y
avait pas d’amélioration significative si les
séances intermittentes n’étaient pas réali-
sées de manière individualisée (figure 7).
Conclusion
Plusieurs points sont important à retenir
lorsqu’il s’agit de développer la VAM :
⇒ L’entraînement intermittent est plus
intéressant que le travail en continu
afin d’améliorer la VAM
⇒ Les séances doivent être individuali-
sées en fonction de la VAM des sujets
⇒ L’amélioration est proportionnelle à la
fréquence des séances
Figure 4, Profil aérobie d’un jeune de 18 ans avant (A) et après (B) trois années d’entraînement en puissance et capacité
Figure 5, effets de 12 séances intermittentes individuali-sées sur la VAM pour des élèves de 4ème, 3ème et 2de
Abréviation ns = résultats statistiquement non significatif *** = moyennes statistiquement significatives
Figure 6, effets de 6 séances intermittentes individuali-sées sur la VAM pour des élèves de 4ème, 3ème et 2de
Abréviation ns = résultats statistiquement non significatif *** = moyennes statistiquement significatives
Figure 7, effets de 12 séances intermittentes non indivi-dualisées sur la VAM pour des élèves de 6ème et 5ème
Abréviation ns = résultats statistiquement non significatif *** = moyennes statistiquement significatives
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 5
2. Perspective d’entraînement
Introduction
A la vue de ces différentes études et don-
nées physiologiques nous pouvons établir
des programmes d’entraînement adaptés.
Afin d’améliorer le potentiel aérobie chez
les jeunes il semble opportun de proposer
des exercices à base de séances intermit-
tentes (IT) à une intensité comprise entre
90 et 130% VAM. Cette forme de travail
permettra parallèlement d’obtenir une plage
d’allure plus large que lors d’exercices réali-
sés en continu et s’avèrera également plus
motivante qu’un entraînement réalisé à al-
lure constante. Il est également important
de bien retenir que ce n’est donc pas le vo-
lume global de la séance qui est détermi-
nant mais plutôt l’intensité de celle-ci.
Chez les jeunes il est possible en combi-
nant de manière judicieuse la durée, l’allure
de course et la récupération de solliciter de
hauts niveaux de VO²max voir même d’at-
teindre le VO²max avec des exercices dont
la durée n’excédera pas 10’’(figure 8).
a) La natation
La performance en natation étant fortement
influencée par la technique de nage il n’est
pas évident de concevoir un entraînement
efficace, en particulier chez les jeunes.
Dans cette discipline l’amélioration du ren-
dement propulsif sera plus profitable à l’a-
thlète que l’amélioration de ses capacités
métaboliques (Craig, 1984).
i. Place du travail physiologique
Il est important de savoir que différentes
phases vont permettre l’amélioration des
performances en natation durant la crois-
sance dû principalement au développement
des systèmes neuro-musculaire et hormo-
nal.
♦ Phase pré-pubère :
⇒ Acquisition de la technique biomécani-
que
⇒ Après cette période les modèles de
mouvement seront difficiles à modifier
♦ Phase post pubère :
⇒ Augmentation de la force musculaire
par l’augmentation de la testostérone.
⇒ La force musculaire est le 2ème facteur
des déterminants de la performance
en natation.
Durant ces 2 phases il est important de pro-
poser aux jeunes un entraînement incluant
du travail intermittent non pas dans un uni-
que but d’amélioration des capacités méta-
boliques mais plutôt pour effectuer un tra-
vail technique. Pour cela on pourra lui
VO
² (m
l.kg-1
.min
-1)
Figure 8, Évolution du VO² au cours de 5 séries de 10’’/10’’. Les 2 premières courues à 110% VAM, la 3ème et 4ème à 120% VAM et la dernière à 130% VAM.
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 6
proposer un travail intermittent individualisé
par rapport à sa VAM et sa fréquence de
nage. Dans ce cas l’entraînement n’aura
pas qu’une connotation de développement
des capacités métaboliques mais aura éga-
lement une orientation sur l’apprentissage
et le travail technique (Clipet & al, 2003).
De plus, l’utilisation de se procédé d’entraî-
nement va permettre d’optimiser les efforts
des athlètes lors de série à haute intensité
(Toussaint, 1992).
b) La course à pied
Dans cette discipline le travail intermittent
aura toute sa place car il va permettre la
conception d’un entraînement efficace mais
également motivant et attractif pour le
jeune athlète.
i) Évolution de l’entraînement
ii) Proposition de différentes séances
L’intermittent court/court classique (figure 9 a/b)
3x (10x 10’’ [1ère: 100% ; 2ème: 110% ; 3ème
120% VAM]/ r 10’’ passive)/ R 3’ à 50%
VAM
Cette forme de travail permet de réaliser
un entraînement individuel de manière col-
lective ce qui permet de renforcer la motiva-
tion des jeunes comme des adultes.
L’intermittent Jeux (figure 10a et 10b)
♦ Répartition par équipe de 3 hétérogènes
en VAM intra-équipe et homogènes en
VAM inter-équipe
♦ Forme de travail : IT 10’’/ r 20’’
♦ Principe : IT 10’’/ r 20’’
♦ Intensité : 120 à 130%
♦ Nombre de répétition : minimum 10 par
athlète
♦ Nombre de série : minimum 3
1 FN : Nombre de coup de bras par distance (généralement 50m) 2 DPC : Distance/ FN —> exemple : 50m avec 25 mouvement = 2 mètres par mouvement
6 à 10 ans 11 à 15 ans 16 ans et +
Individualisa-tion
VAM VAM VAM + TLIM
Objectifs Développement de la puissance
Développement de la puissance
Développement de la puissance et de la capaci-té
Exercices Court/court (10’’) Long-Long (2 à 3’)
Court/court (10 à 15’’) Long-Long (2 à 5’)
Court/court (10 à 30’’) Long-Long (2 à 10’) Travail en conti-nu suivant la pratique spor-tive
Tableau 1, progression de l’entraînement entre 6 et 20 ans, in « Aptitude et pratique aérobies chez l’enfant et l’adolescent, Ger-beaux & Berthoin, PUF, 1999.
Figure 9 a, exemple de tracé d’un terrain de court/court
Figure 9 b, exemple de tracé d’un terrain de court/court pour un groupe important
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 7
L’intermittent mixte
Cette forme de travail consiste à intégrer
une autre discipline afin de varier le conte-
nu de la séance et les situations d’exerci-
ces. Là aussi le but est d’augmenter le
plaisir de pratiquer et de renforcer la moti-
vation. Différentes situations peuvent être
envisagées.
Situation 1 (figure 11 a)
♦ Alterner des courses normales de
10’’ (ou plus) et des courses avec
balle au pied
Situation 2 (figure 11 b)
♦ Cette fois c’est la phase de récupéra-
tion qui utilise une autre discipline
iii. Calibrer les séances d’IT afin de
développer la VAM
Le but de la séance intermittente est de
s’entraîner davantage à haute intensité que
lors d’un entraînement réalisé en continu.
Deux méthodes peuvent être adoptées afin
de calibrer le volume de la séance. La mé-
thode simple utilise le temps moyen de sou-
tien de la VAM qui est d’environ 6’ (Billat,
1996). La seconde méthode prend en
compte le temps de soutien individuel à
100% VAM qui peut être déterminé à la
suite d’un test rectangulaire (à allure cons-
tante). C’est à partir de cette donnée (le
temps de soutien à 100% VAM) que l’on va
pouvoir ajuster le volume de la séance afin
que la durée courue à 100% VAM soit 1,5 à
3 fois supérieure que lors d’un exercice ré-
alisé allure constante.
Figure 10 a, Exemple de tracé d’un intermittent jeux en navette
Figure 10 b, Exemple de tracé d’un intermittent jeux
Figure 11 a, Situation 1 avec alternance course normale et course avec ballon
Figure 11 b, Situation 2 avec course normale et récupération en utilisant une autre discipline. Dans cet exemple il est demandé à l’athlète de dribler avec un ballon de basket ou de marquer un pa-nier lors de la phase de récupération.
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 8
Un athlète ayant un temps de soutien de 6’
à 100% VAM devra réaliser un volume de
séance de 9’ à 18’.
Exemple d’agencement possible :
♦ 2x (12’ de 15’’ à 100% VAM/ r 15’’
marche)
♦ Volume couru à 100% VAM : 12’ soit
2x le temps de soutien réalisé à allure
constante.
Conclusion :
Grâce à ces différents éléments l’entraîneur
va pouvoir élaborer des séances adaptées
au profil de l’athlète tout en respectant sa
motivation et en lui offrant des programmes
variés qui mettront également l’accent sur
le plaisir. Et n’oubliez pas « Un sport
triste, douloureux est plus qu’une faute,
c’est un contresens ».
Alors maintenant à vous de jouer et laissez
votre imagination vous guider ! ! !
Bibliographie
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Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 9
ANNEXES
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 10
Fiche Distance-Temps-%VAM pour l’élaboration d’une séance intermittente en court/court
Karoly SPY, Document Technique Ligue PAC Triathlon 11