+ All Categories
Home > Documents > PAGES ROMANDES - La communication facilitee

PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Date post: 22-Mar-2016
Category:
Upload: pages-romandes
View: 218 times
Download: 4 times
Share this document with a friend
Description:
Depuis sa découverte à la fin des années 80, la communication facilitée (CF) comme «moyen alternatif de communication, proposé notamment à des adultes et à des enfants ayant des difficultés dans la communication verbale» (Cf-romandie, 2008, chap. 5)1 ne cesse de faire l’objet de grands débats passionnés.
Popular Tags:
27
No 3 juin 2008 La communication facilitée
Transcript
Page 1: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

No 3 juin 2008

La communication facilitée

Page 2: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Impressum Pages romandes Revue d’information sur le handicap mental et la pédago-gie spécialisée, éditée par la Fondation Pages romandes, Institution de l’Espérance, 1163 Etoy

Conseil de FondationPrésident : Charles-Edouard Bagnoud

Rédactrice et directrice de revueSecrétariat, réception des annonces et abonnementsMarie-Paule ZuffereyAvenue Général-Guisan 19CH - 3960 SierreTél. +41 (0)79 342 32 38Fax +41 (0)27 456 37 75E-mail: [email protected]

Comité de rédactionMembres: Marie-Christine Ukelo-Mbolo Merga, Olivier Sala-min, Valérie Melloul, Eliane Jubin Marquis, Laurie Josserand, Sébastien Delage, Marie-Paule ZuffereyResponsable de publication: Charles-Edouard Bagnoud

Parution: 5 numéros par anMi-février, mi-avril, mi-juin, mi-septembre, début décembre

Tirage minimal: 800 exemplaires

Abonnement annuelSuisse Fr. 45.--AVS, étudiants Fr. 38.--Abonnement de soutien Fr. 70.--Etranger Euros 35.--

Publicité et annonces - Tarifs1 page Fr. 800.--1/2 page Fr. 500.--1/4 page Fr. 250.--1/8 page Fr. 125.--1/16 page Fr. 50.--Tarifs spéciaux pour plusieurs parutionsLes demandes d’emploi provenant des étudiants des écoles sociales romandes sont gratuites

Délai d’insertion2 semaines avant parution

Compte bancaireBanque cantonale du Valais, 1951 SionEn faveur de K0845.81.47 Pages romandesCompte 19-81-6Abonnement pour la France: faire parvenir vos coordon-nées et votre règlement par chèque bancaire à Jean-Fran-çois Deschamps108, rue Ire ArméeF - 68800 Thann

GraphismeClaude Darbellay, www.saprim.ch

Mise en pageMarie-Paule Zufferey

ImpressionEspace Grafic, Fondation Eben-Hézer, 1000 Lausanne 12

Crédits photographiques et illustrationsElisabeth et Anne-Marie Guiffray, Catherine Donnet, Manuela Thurre, Fondation SGIPA, Genève.

Photos de couverture: Manuela Thurre, Sion

N.d.l.r.: Les articles signés n’engagent que leurs auteurs. La présentation, les titres et les intertitres sont de la rédaction.La reproduction des textes parus dans Pages romandes est souhaitée, sous réserve de la mention de leur source.

©Pages romandes

Sommaire

Dossier: La communication facilitée

2 Tribune libre Marie-Christine Ukelo Mbolo Merga

3 Editorial Valérie Melloul

4 Qu’est-ce que la communication facilitée? Michel Marcadé

6 Une étude de la fidélité du soutien de la main Fredi Büchel

8 Pratique de la communication facilitée en institution

Marie-Claire Opoczynski

10 La CF au Centre Social et Curatif Jean Foin

11 La communication facilitée dans notre vie, témoignage de parent

Line Short

14 Un jour quelqu’un m’a pris la main au-dessus du clavier, témoignage Elisabeth Guiffray

15 CF: position d’Autisme Suisse romande

16 Moi je peins libre; la peinture facilitée Catherine Donnet

18 Ethique et communication facilitée Conférence de Jean-François Malherbe Rédaction, Michel Marcadé

20 2008, la SGIPA fête ses 50 ans Marie-Paule Zufferey

22 Sélection d’ouvrages sur la CF Michel Marcadé

23 Sélection Loïc Diacon

24 Formations et séminaires

Page 3: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Tribune libre

Eeeett sis été pppppositl… Bon, un peu de provocation, c’est une manière de faire une pirouette aux conflits réflexifs qui envahis-sent mon esprit, quand il s’agit de se «pencher» sur la CF! En effet, comment sortir d’une sy-métrie rigide des positions tran-chées qui nous assurent d’un côté que, n’étant pas scientifique, la CF peut éventuellement exister comme une proposition parmi tant d’autres, mais pas à prioriser. L’autre position étant de dire que la CF est visiblement, après tou-tes les précautions d’usage prises, un outil d’accès à la communi-cation et à l’expression pour la personne ainsi qu’une approche permettant, entre autres, pour le professionnel, de véritablement changer le regard sur la personne handicapée.

L’exigence professionnelle de l’accompagnement auprès de personnes en difficultés suppose que nous soyons en capacité, lorsqu’il s’agit de mener des in-terventions, de nous positionner à partir d’une multitude de para-mètres articulés entre eux, à mo-biliser, avant, pendant et après nos interventions. Qui suis-je, qu’en est-il de mes résonances dans cette situations, quelles pensées me viennent à l’esprit, à quoi cela me fait-il penser? Comment réagir adéquatement? Au nom de quoi est-ce que j’agis? etc. Tout en étant en capacité d’accueillir ce qui vient, d’être réceptif à la rencontre. Une soli-de formation et quelques années d’expériences ne nous apportent heureusement pas de réponses à ces questions, mais bien la capa-cité de poser les questions appro-priées et de mobiliser les ressour-ces permettant de construire des

réponses. En tant que profession-nelle, face à cet outil, j’ai avant tout été confrontée à l’inconfort de ne pas avoir de repères pour construire (ou déconstruire) des questions, me permet-tant ensuite d’envisager des réponses. D’emblée, je me retrouve dans des dimensions qui semblent, apparemment en dehors de mes créneaux conscients de question-nements professionnels: celles des croyances et des convictions. La CF est mystérieuse. Malgré des explications, des hypothèses plus ou moins rationnelles, la situation d’interaction que j’ai vécue dans le cadre d’une séance de CF avec T, reste un moment emblématique qui ne m’a pas laissée indifférente. T, est un magnifique jeune homme, souf-frant de troubles envahissants du développement sévères et n’ayant pas d’accès au langage verbal. T. n’est autonome dans aucun acte de la vie quotidienne. Il sait faire valoir des envies/besoins, tels que «aller dehors» en montrant ses chaussures, ou en pointant par lui-même les pictogrammes correspondant à l’activité qu’il souhaite réaliser.

Lors d’une séance avec sa fa-cilitatrice, ce jeune demande à me voir. Je ne suis pas à l’aise avec cette méthode et ce qui ressort de ces séances. L’idée que la CF puisse être une offre «forcément» aidante, la rend d’emblée suspecte à mes yeux. Et puis T., qui ne parle pas, demande à me voir???!!!! D’em-blée, en essayant d’analyser mes résistances, je comprends que je suis prise dans une question sans fin: j’y crois1 ou je n’y crois pas. De la croyance (ou de la non

croyance) à la conviction2 absolue de l’une ou l’autre position, il n’y a qu’un pas...«Sentiment que l’on a de la vé-rité d’un fait»… «Confiance sans réserve»… C’est là que le bât blesse. Si je pense être dans la vérité, dans l’une ou l’autre des positions, je peux nuire. Une confiance sans réserve, sans que le doute subsiste, me renvoie im-médiatement à une dimension éthique fondamentale: «Primum non nocere». En quoi, la posture même que je peux prendre face à n’importe quelle approche, avant même d’avoir agi, peut-elle être «pathologisante» pour l’autre? La position éthique est incon-fortable, par le fait même qu’elle ne renonce pas aux doutes, aux questionnements permanents.

Je dois aller à cette séance. J’es-saie d’identifier comment je peux être O.K. avec moi-même, mal-gré mon trouble face à l’outil, la méthodologie et la demande qui semble émaner de T. (j’aimerais bien savoir comment elle a fait ça?). Je décide d’arrêter de me focaliser sur l’outil (le clavier), la méthode (c’est juste hallucinant ce qu’il(?) est en train d’écrire), pour me focaliser sur ce qu’il semble dire. Il dit, il raconte… et je ne sais plus que penser ni que croire…Mes doutes subsistent. Si ça marche, si c’est un outil de com-munication qui visiblement fait ses preuves, je serais bien bête de ne pas approfondir le sujet. Des preuves… sentiment de la vérité d’un fait… Même registre.

Je sors de la séance, avec la sensation d’avoir vécu un mo-ment étrangement torturé en ce qui me concerne, et, malgré

tout, dans une proximité toute singulière avec T. Le doute est présent. La différence étant peut-être que les doutes se sont transformés progressivement en questions et réflexions variées, laissant entrevoir leurs reliefs et aspérités. J’ai su, pour moi, à la fin de cette séance, que je n’y retournerai plus. Je prends conscience que le monde de questions, présen-tes au moment où j’aimerais être dans l’instant présent avec T. me semble préjudiciable, tant pour lui que pour moi. Sans dispo-nibilité pour ce qu’il y a à vivre (les partisans de la CF disent la même chose, je crois), le risque est de perdre son temps et son la-tin, à chercher des preuves et des contre-preuves du mystère. Une question de la CF, avec laquelle je me sens en accointance sans le moindre doute: à cet instant, suis-je capable de regarder la per-sonne au-delà de ses difficultés… Et si c’était possible?

1«Croire: v. tr. et intr. 10e siècle, credre. Du latin classique credere, «confier en prêt», «croire, penser», «avoir confiance», et, en latin chré-tien, «avoir foi en (Dieu)». Accor-der une confiance sans réserve à une parole, à un témoignage.» 2 «Conviction: n. f. 16e siècle, au sens de «action de prouver la culpa-bilité de quelqu’un». Emprunté du latin chrétien convictio, «démons-tration, fait d’être convaincu». Sentiment que l’on a de la vérité d’un fait ou de la justesse d’une opinion, d’un principe; certitude qui en résulte.» 3 Avant tout, ne pas sciemment cau-ser de préjudices.

Et si c’était possible?Ou quand la schizophrénie pointe à force de ne pas vouloir rester dans les extrêmesMarie-Christine Ukelo, Mbolo Merga formatrice HEF-TS, Givisiez

Page 4: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Edito

Vous avez dit «communication facilitée»? Valérie Melloul, membre du comité de rédaction, BA en Sciences de l’éducation, Université de Genève

La communication facilitée... Voilà un sujet qui revient régulièrement dans les discussions du comi-té de rédaction de Pages romandes... Comment se positionner par rapport à cette approche? La ques-tion est posée dès lors que ces deux mots sont pro-noncés: «communication facilitée». Pas le temps de la définir, de la présenter, immédiatement le débat s’anime, les avis s’opposent, les arguments fusent, les critiques, les interprétations,… tourbillons de réflexions, de controverses et de contradictions.Dans certains milieux, il devient même risqué de parler de communication facilitée… D’où no-tre angle de questionnement: est-il possible d’abor-der ce sujet sans tomber dans les outrances et la radicalité? Depuis sa découverte à la fin des années 80, la com-munication facilitée (CF) comme «moyen alterna-tif de communication, proposé notamment à des adultes et à des enfants ayant des difficultés dans la communication verbale» (Cf-romandie, 2008, chap. 5)1 ne cesse de faire l’objet de grands débats passionnés.Les bases théoriques de la CF semblent donner, par exemple, une autre lecture de l’autisme. Il s’agi-rait d’un problème moteur, d’une impulsion de communication défaillante. La personne atteinte d’autisme peut donc communiquer, mais elle a besoin d’un facilitateur pour générer l’impulsion de communication. Dès lors, on comprend l’engoue-ment qui est né de cette découverte: enfin, il était possible de communiquer avec ces personnes; enfin c’était la personne qui primait sur le handicap.Les conditions d’utilisation de la CF, à savoir: le contact physique avec le facilitateur, le contrôle du mouvement ainsi que la relation de confiance, ont souvent fait l’objet de critiques. Beaucoup de points restent inexplicables, comme le relève le site «CF-Romandie»: «Le mécanisme qui sous-tend cette pratique n’est pas clairement expliqué, mais il y aurait une sorte de connexion cérébrale entre les deux partenaires qui permet à la CF d’avoir lieu» (2008, chap. 5).Les critiques formulées sont de divers ordres: d’une part, l’acquisition spontanée du langage interroge. Comment, une personne n’ayant vraisemblable-

ment jamais appris ni à écrire, ni à lire peut-elle s’exprimer en tapant lettre après lettre des mots sur un clavier? Dans certaines vidéos, les personnes utilisant la CF tapent à une rapidité impression-nante sur le clavier, sans jeter un seul coup d’œil à celui-ci. Certains critiques ont demandé à une dactylographe experte de taper à un doigt sur le clavier sans le regarder. Celle-ci a été incapable de reproduire le même texte dans un temps si bref.D’autre part, la méthode a été très critiquée au ni-veau de l’induction faite par le facilitateur. Toute-fois, il est intéressant de relever que ces études re-lèvent le fait que les facilitateurs sont de bonne foi; même s’ils influencent la production de la person-ne, ils ne se rendent absolument pas compte qu’ils induisent un biais. Une recherche a été menée au Canada avec douze personnes atteintes d’autisme utilisant régulièrement la CF. Il s’agissait d’une tâ-che d’identification d’objets courants. Des photos étaient présentées au facilitateur ainsi qu’à la per-sonne atteinte d’autisme. Dans une des conditions de la recherche, les deux sujets ne voyaient pas la même image mais ne le savaient pas. Les résultats de cette étude montrent qu’aucune identification correcte de l’objet n’a pu être faite par la personne atteinte d’autisme, sauf dans le cas où le facilitateur voyait la même image!Bien sûr, des réponses ont été formulées à ces cri-tiques, quant à la situation expérimentale pouvant fausser la relation entre la personne et le facilita-teur. Pourtant dès lors, la CF est considérée comme un outil non scientifiquement valide.Malgré tout, aujourd’hui encore, de nombreuses personnes utilisent ce moyen de communication dans des situations très diverses. Le dossier que nous vous présentons dans ce numéro donne la parole à celles et ceux qui la pratiquent, afin de comprendre leurs motivations.Les utilisateurs de la CF reconnaissent ne pas pou-voir expliquer certains mécanismes en jeu, mais proposent plusieurs hypothèses. Afin de sortir du débat stérile: pour ou contre, nous avons choisi de nous interroger sur le pourquoi et le comment...

1http://www.cf-romandie.ch

Page 5: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Qu’est-ce que la communication facilitée?Présentation d’une autre forme de la relation d’aideMichel Marcadé, formateur en CF, Gimel

Découverte à la fin des années 70, la CF a été développée en 1987 en Australie par Rosemary Crossley, docteur en philoso-phie, diplômée en sciences de l’éduca-tion, éducatrice et directrice du «Dignity Education Language Center» (DEAL) à Melbourne.Anne Marguerite Vexiau, orthophoniste, au bénéfice d’une longue pratique auprès d’enfants autistes, a importé cette métho-de en France dans les années 90. Elle est à l’origine de l’association Ta Main Pour Parler (TMPP), du centre de formation à la CF «EPICEA» qui est devenu l’école de formation de TMPP, où de nombreux professionnels des milieux de l’éducation, du travail social et d’approches psychothé-rapeutiques diverses, ainsi que des parents se sont formés. En grande pionnière, elle a travaillé dans un premier temps auprès de personnes handicapées sans langage verbal, les aidant à s’exprimer et leur permettant d’accéder à plus d’autonomie. Puis, s’apercevant que la CF permettait d’accéder à des conte-nus inconscients, elle a ensuite étendu son activité auprès de personnes valides, afin de résoudre des problématiques person-nelles, approche qu’elle a appelée, pour en distinguer le but, «psychophanie». En Suisse, depuis les années 90 des formations sont proposées sur plusieurs niveaux et la CF est pratiquée, tant en Suisse allemande qu’en Suisse romande. Les formations de Suisse romande sont soumises aux exigen-ces de contrôle et d’éthique de l’associa-tion TMPP fondée par A.M. Vexiau dont le siège est à Paris.

Comment se pratique cette rela-tion d’aide?La CF permet à des personnes mutiques et maîtrisant difficilement leur gestuelle vo-lontaire de faire des choix en pointant des objets, des images ou des mots écrits. Elle permet aussi de s’exprimer dans un langa-ge plus ou moins structuré en pointant les lettres avec un doigt sur un clavier (papier, ordinateur, organiseur, etc.).

Pour ce faire, un partenaire appelé fa-cilitant soutient la main, le poignet ou l’avant-bras du facilité, qui peut exprimer ses choix. On parle alors de geste facilité, à bien distinguer du geste guidé. Le faci-litant attend et perçoit l’impulsion du fa-cilité pour mieux suivre son geste qui ne parvient pas à se réaliser de façon auto-nome. Parfois il sert de filtre en freinant les mouvements impulsifs ou en favorisant un retour en arrière après chaque frappe sur le clavier.Au niveau le plus simple de son utilisation, la CF peut servir à connaître les choix de la personne dans la vie quotidienne. À un deuxième niveau de communication, le geste facilité peut aider la personne à exprimer ses désirs, ses sentiments, ses émotions. Le choix est alors nettement plus vaste et un tableau de communication avec des mots ou des pictogrammes peut ne plus suffire à toutes les situations. Le recours à un tableau de lettres ou au clavier d’un organiseur permet de com-pléter ou de préciser le message. Enfin, lorsque la personne désire transmettre des informations, partager ses idées, poser des questions, l’utilisation du geste facilité sur un clavier d’organiseur ou d’ordina-teur prend toute sa valeur. Mais ces deux derniers niveaux exigent une véritable for-mation théorique et pratique du facilitant pour éviter les interprétations erronées, hasardeuses ou prématurées. Cela d’autant plus que la communication à ce niveau s’accompagne très vite d’une coordina-tion oculomanuelle intermittante et ac-cède souvent à des couches inconscientes, raison pour laquelle ce niveau profond de CF a été appelé psychophanie.

Mieux vivre avec son handicap

Dans la pratique courante de la CF, on constate que pour la personne facilitée, la pratique régulière de la CF permet des modifications du comportement et peut avoir des effets thérapeutiques. Bruno Gepner, neuropsychiatre français, a com-paré les effets de la CF pour des autistes

«Comme de nombreuses démarches nouvelles, dans la panoplie actuelle des relations d’aide, la communication facilitée bénéficie à la fois de sup-porters et de critiques, parfois aussi fanatiques les uns que les autres, ce qui est loin d’éclairer la connaissance». Dans cet article, Michel Marcadé brosse un portrait des plus objectif de cette autre forme de la relation d’aide que constitue la CF. Une présentation que nous vous invitons à aborder, libres d’a priori.

«Mon regard s’installe dans le tienMoi je vois derrière tes yeuxJe sais aller vite si tu m’accueilles».

Extrait de «Fleur de paroles», témoignages de personnes facilitées

Page 6: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

5

ayant bénéficié pendant 18 mois de cet outil, avec un groupe témoin sans cet appui. Les résultats montrent une amélioration des interactions socia-les, de la communication verbale et non-verbale, et des réactions à l’envi-ronnement. Il est clair que la CF ne peut pas supprimer la symptomatologie liée à une pathologie. Elle ne guérit pas, mais permet de mieux vivre avec son handicap, ce qui est loin d’être négli-geable. On constate également, au terme de cette étude que, pour l’en-tourage, l’utilisation de la CF per-met d’être le témoin d’une sorte de compréhension intuitive intacte au cœur de la personne, même sévère-ment handicapée. Elle contribue à modifier le regard porté sur les per-sonnes handicapées, ce qui conduit à les considérer différemment, donc à leur tenir un autre langage et avoir une autre attitude, une autre façon de les accompagner dans la vie.Quand la pratique de facilitation de-vient plus subtile et touche le domai-ne de l’inconscient (psychophanie), il est clair que les exigences de forma-tion deviennent plus fortes pour les facilitants, mais une longue pratique permet de savoir, par l’expérience, qu’au cours d’une séance de CF, certains moments sont plus proches du conscient et d’autres ancrés plus profondément dans l’être. C’est la

raison pour laquelle les conditions pour accéder et continuer une for-mation sont devenues, ces dernières années, plus exigeantes. On peut alors proposer ce mode de commu-nication à des personnes valides, dans un but thérapeutique ou à des per-sonnes rencontrant des obstacles dans leurs possibilités d’expression (IMC, Alzheimer, comateux, etc.).

Quel accueil pour la CF?

Comme de nombreuses démarches nouvelles, dans la panoplie actuelle des relations d’aide, la CF bénéficie à la fois de supporters et de critiques, parfois aussi fanatiques les uns que les autres, ce qui est loin d’éclairer la connaissance. Il est souvent dom-mage que certains, sans discernement suffisant, présentent cette approche comme une panacée qu’elle n’est pas et, de même, que d’autres s’appuyant sur un magistère parfois contestable et s’appropriant abusivement le ter-me «scientifique» critiquent, sans une connaissance réelle de la démarche et des exigences éthiques de ses prati-ciens formés. Jean Michel Olivereau, professeur honoraire de psychophysiologie à l’université René Descartes de Pa-ris, déclarait en février 2000, dans une conférence à des universitaires: «La CF sera validée lorsqu’un nombre

suffisant d’entre nous (à commencer par les chercheurs et les cliniciens) aura: premièrement, saisi qu’une telle approche est beaucoup plus qu’une technique de communication pour déficients mentaux, mais qu’elle per-met de renouveler les questionne-ments sur la nature de la pensée hu-maine, et deuxièmement, lorsqu’on ne craindra plus les réponses que nous pouvons y apporter...» Positionne-ment étonnant et courageux, autant que rare, s’agissant d’une discipline nouvelle et controversée.Par ailleurs, le psychanalyste Didier Dumas écrivait, dans sa préface au second livre de Anne Marguerite Vexiau «Un clavier pour tout dire»: «Outil clinique aux multiples facet-tes, la CF... est non seulement d’un apport inestimable dans une très large palette de troubles mais, de surcroît, elle encourage et dynamise les recherches cliniques sur la com-munication d’être à être. Laquelle est actuellement considérée par un nom-bre important de cliniciens, comme une relation télépathique incontour-nable, tant dans la prise en charge des bébés et des petits enfants que dans celle des mourants et des comateux. Il faut donc saluer, dans les travaux de l’école française de CF et la Psy-chophanie, une découverte aussi importante, dans la connaissance de l’esprit humain, que celle que fut, au siècle dernier, la psychanalyse.»Voilà qui sonne différemment des propos beaucoup plus réservés, voire discriminatoires, à propos de la CF, dispensés habituellement par les te-nants du savoir. Il faut donc penser que, même à ce niveau, les avis sont partagés et que la circonspection né-cessaire ne dispense personne d’aller voir plus près de quoi il s’agit.Les praticiens sérieux et leurs for-mateurs sont tout à fait conscients des écueils que peut rencontrer cette approche (induction, interprétation, manipulation, diffusion maladroite des textes, relation transférentielle, etc.), ils sont soucieux d’une forma-tion et d’un contrôle permanents qui soient une garantie pour les person-nes facilitées. Ils souhaitent bénéficier de la confiance qu’on accorde à des professionnels sérieux et que des cher-cheurs ouverts et courageux les aident dans leur démarche, afin d’améliorer cette pratique de la relation d’aide.

Conversation

Je demande à François, 12 ans, autiste profond et mutique comment s’est passé son week-end en famille. Suit alors cette conversation, dans laquelle il s’exprime en CF: pour je fais des petites kestions pour les parents je pourais(?)- Oui, bien sûr!je kroi kil pouraient faire kelkechose kon pourait faire davoir moi des betes...- Tu aimerais avoir un animal?oui un petit mon chien.- Tu voudrais un chien?oui je fais des kroire ke jen ai un toujours moi joublie kil est plus la- Tu peux m’expliquer?oui il est kite la maison pour je garde lui il faut lattacher.Au cours d’une communication téléphonique, les jours suivants, la maman me confirme qu’il y a un chien à la maison, mais que François en a peur. Quand François rentre à la maison pour le week-end, on confie le chien à des voisins...

Extrait d’un entretien facilité entre Michel Marcadé et François.

Page 7: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Une étude de la fidélité du soutien de la main1

Fredi Büchel, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève

Le soutien de la main représente un aspect important dans la méthode de la communication facilitée pro-posée par Rosemary Crosseley, directrice d’un centre de commu-nication à Melbourne, Australie. Cette méthode a été lancée en qua-lité d’outil devant permettre à certaines personnes handicapées (par ex. personnes autistes, per-sonnes atteintes d’une I.M.C. ou d’un polyhandicap) de s’exprimer par la langue écrite en utilisant un ordinateur.

Dans cet article, nous n’avons pas l’intention de discuter le pour ou contre de la communication facilitée. Nous présentons une recherche qui avait comme but de répondre à une question purement méthodologique. Nous avons étudié, auprès de per-sonnes polyhandicapées, dans quelle mesure la technique de soutien de la main pouvait être observée de maniè-re objective et fidèle. La capacité de distinguer fidèlement entre un soutien de la main sans impo-ser ses propres intentions à la personne soutenue, d’une part, et une manipu-lation de la personne soutenue, voulue ou non, d’autre part, est en effet une condition préalable pour étudier les effets de cette méthode sur l’apprentis-sage ou d’autres compétences des par-ticipants. Nous avons donc organisé nos hypothèses autour de deux axes: le rôle du médiateur et le contrôle du mouvement.

Soutien ou guidance? Nous avons introduit la distinction entre soutien et guidance. La main est soutenue si l’impulsion des mou-vements vient de la part de la per-sonne soutenue. Par contre, la main est guidée si les mouvements de la personne soutenue sont influencés par la personne qui la soutient. Par la suite, nous appelons cette personne

«le médiateur». Par son soutien, il se fait l’intermédiaire2 entre les inten-tions de la personne soutenue et les mouvements de cette personne.Concernant le rôle du médiateur, la question était de savoir s’il était pos-sible de trouver des critères précis et discriminatifs permettant à un ob-servateur averti de juger si l’aide du médiateur était constituée de soutien ou de guidance. Pour que les résul-tats concernant le contrôle du mou-vement soient imputables au partici-pant, l’aide apportée par le médiateur devait être principalement caractéri-sée par du soutien et non de la gui-dance. A propos du contrôle du mouve-ment, nous voulions voir si l’on pou-vait constater une amélioration au niveau de la vitesse et de la précision des pointages après plusieurs séan-ces, ainsi qu’à l’intérieur d’une même séance. Pour valider cette améliora-tion éventuelle, on ne devait pas trou-ver de corrélation entre le contrôle du mouvement (précision et rapidité des pointages) et l’aide fournie par le mé-diateur, lorsqu’une telle corrélation était qualifiée comme signe de la gui-dance. La technique que nous avons étudiée a été mise au point par André Baechler au centre médico-éducatif La Casta-lie à Monthey, qui était à la recher-che de moyens qui devaient faciliter l’apprentissage cognitif avec l’aide de l’ordinateur pour des personnes pré-sentant un handicap moteur grave. Pour cela, il a proposé une méthode facilitant l’utilisation de l’écran tactile grâce à une aide physique apportée à la personne handicapée par un ac-compagnant expérimenté. Selon les médiateurs qui ont appliqué cette technique, le soutien de la main permettrait dans un premier temps au participant d’améliorer le contrôle de son mouvement au cours de la séance et, dans un deuxième temps, d’amé-

liorer de manière visible la qualité de son mouvement après plusieurs séances. Par son soutien, le médiateur aide la personne handicapée à posi-tionner correctement sa main en iso-lant un doigt pour pointer. De plus, il l’aide à freiner ses spasmes et lui de-mande de se détendre. Il se tient très près du participant et garde son bras libre de tout appui, ce qui lui permet de suivre au mieux le mouvement du participant. Par contre, son rôle n’est donc pas toujours neutre, c’est-à-dire que, pendant une séance d’apprentis-sage, il ne joue pas seulement le rôle de médiateur comme il a été défini ci-dessus. C’est à lui de juger, à chaque moment, de la nécessité de soutenir ou de guider la personne suivant les objectifs visés lors de la séance d’ap-prentissage. L’intérêt de notre recher-che était de voir si cette distinction était en accord avec les observations faites par des personnes neutres ou non.

Au coeur de la recherche Pendant environ quatre mois, les deux observatrices ont suivi quatre personnes présentant un polyhandi-cap. Pour chaque participant, elles ont assisté à une dizaine de séances individuelles à l’écran tactile avec soutien de la main. Pendant ces séan-ces, les participants ont travaillé avec un logiciel d’apprentissage. Chaque séance a été animée par l’un des qua-tre médiateurs qui ont participé à cette recherche. Différentes modalités d’observation ont été mises en place, afin de récolter les données. Une des deux observatrices était présente à chaque séance. Elle notait le contenu de chaque pointage sur l’écran. Un pointage a été compté chaque fois que le participant posait son doigt sur l’écran et que l’ordinateur émettait un bip. L’observatrice tenait en outre un journal de bord. Chaque séance était également filmée. Le but était de

Page 8: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

juger, a posteriori, si le mouvement du participant était guidé ou soutenu par le médiateur. Ensuite, lors de la phase d’analyse, tous les mouvements de pointage étaient décomposés en trois temps (l’impulsion de départ, le mouvement vers l’écran et le pointage final) et codés comme du soutien ou de la guidance par l’observatrice. En effet, lors d’une même séance, d’une même activité ou à l’intérieur même d’un seul pointage peuvent s’alterner des périodes de guidance et de sou-tien. Certains passages étaient ensuite sélectionnés afin de les faire coder par une seconde observatrice et parfois, de plus, par le médiateur présent lors de la séance, dans le but de calculer le taux de fidélité interjuges3. Analyse des résultats Des analyses sophistiquées nous ont permis de constater que la distinc-tion entre soutenir et guider dans la technique de soutien de la main sur écran tactile, comme elle a été pro-posée par André Baechler, est possible avec une fidélité suffisante. En effet, la décomposition du mouvement en trois temps a permis une observation et une interprétation extrêmement fi-nes et précises. Les résultats obtenus indiquent une bonne concordance entre les différents juges. Ces derniers ont généralement interprété l’aide physique fournie par le médiateur de la même manière. De plus, nous avons constaté que trois sur quatre participants étaient significativement plus souvent soute-nus que guidés par les médiateurs, et cela dans toutes les 10 à 12 séances. Pour un seul participant, le nombre de guidance dépasse le nombre de soutien dans les deux premières séan-ces. On peut en conclure que les par-ticipants ont eu un rôle actif durant les séances.En ce qui concerne l’amélioration au niveau de la vitesse et de la précision des pointages au cours des séances, les résultats sont plus mitigés. D’une manière générale, à l’aide des critères choisis, nous n’avons pas pu mettre en évidence une progression générale. Seul le participant le plus jeune (7 ans) a significativement mieux contrôlé ses pointages dans la deuxième partie des séances. Les trois participants plus âgés (entre 15 et 45 ans) montrent une grande variance de séance à séance. Il

semble que leur capacité de contrô-ler le mouvement dépend fortement de facteurs non cognitifs qui varient de jour en jour (par ex. l’état physi-que ou des événements qui touchent l’équilibre sentimental). Pendant l’en-traînement de courte durée, l’aide du médiateur ne pouvait pas maîtriser ou compenser l’influence de ces facteurs. Il est important de relever que nous avons trouvé de grandes différences inter- et intra- individuelles dues à l’hétérogénéité de l’échantillon et à la particularité du handicap.

DiscussionMalgré le résultat très prometteur du point de vue méthodologique, nous avons constaté que l’on ne pouvait pas négliger l’influence physique du médiateur sur le mouvement du par-ticipant. Cependant, nous pensons que cette influence ne doit pas être considérée comme négative dans une situation d’aprentissage. En effet, le médiateur avait toujours une bonne raison de guider le participant, par exemple pour lui éviter des frustra-tions ou pour le motiver. Nous devons souligner que dans cette recherche, nous n’avons pas étudié la communication facilitée comme pro-posée par Mme Crosseley, mais uni-quement le soutien de la main avec le but de faciliter l’apprentissage. Nous pensons que dans une situation d’ap-prentissage, la guidance fait partie in-tégrante de l’enseignement. Ensemble avec l’apprentissage par observation (voir par ex. Bandura, 1986), elle est le moteur qui fait avancer la zone proximale de déve-loppement, comme elle a été conçue par Vygotsky (1978). Les médiateurs ne servent pas uniquement de «sup-port technique» au participant, leur rôle va bien au-delà. En effet, les séances sont de véritables situations d’apprentissage, comportant de nom-breuses interactions entre l’enseigné (le participant), l’enseignant (le mé-diateur) et la matière (le contenu du logiciel). Or, comme dans toute si-tuation d’apprentissage, on constate une influence de l’enseignant sur son élève. Cet effet a sa raison d’être et ne devrait pas être supprimé.

1Cette recherche a été exécutée par André Baechler (en tant que médiateur prin-cipal), ancien animateur pédagogique

au centre médico-éducatif La Castalie à Monthey, VS, et Laurence Gauchat et Joséphine Duc (en tant que chercheurs et observatrices), dans le cadre d’un mé-moire de licence de Laurence et Joséphine, dirigé par l’auteur et soutenu en 2005 à l’Université de Genève. André Baechler a aussi mis au point toute la technologie de recherche.2Cette définition de médiation ne doit pas être confondue avec celle donnée par Feuerstein (par ex. Feuerstein & Hoff-man, 1995). Chez Feuerstein, le média-teur guide l’enfant, le dirige vers un cer-tain but d’apprentissage et lui facilite cet apprentissage de différentes manières (par ex. par la sélection des stimuli ou la ré-duction des solutions possibles (voir aussi Bruner, 1983).3La fidélité interjuges a été calculée à l’aide du coefficient Kappa K corrigé de Cohen et par le coefficient de concordance.

RéférencesBandura, A. (1986). Social founda-tions of thought and action. A social cognitive theory. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.Bruner, J.S. (1983). Le rôle de l’in-teraction de tutelle dans la résolu-tion de problème. In J.S. Bruner: Le développement de l’enfant: savoir faire, savoir dire. Paris: PUF.Duc, J., & Gauchat, L. (2005). Une technique de soutien de la main sur écran tactile avec des personnes pré-sentant un polyhandicap. Fidélité et effets d’apprentissage. Mémoire de licence [non publié] soutenu à l’Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’édu-cation.Feuerstein, R., & Hoffman. M.B. (1995; Orig. 1980). Conflit inter-génération des droits: imposition culturelle et réalisation de soi. In F.P. Büchel (Ed.), L’éducation cognitive (pp. 103-134). Neuchâtel: Dela-chaux et Niestlé.Vygotsky, L.S. (1978). Mind in so-ciety: The development of higher psychological processes. Cambridge: Harvard University Press.

Page 9: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

8

Formée comme socio-thérapeute depuis plus de 20 ans, j’ai toujours travaillé en tant qu’éducatrice. Mon parcours de vie professionnel est étroitement lié à la per-sonne ayant un handicap mental profond et privée de langage verbal. C’est en 1998 que j’ai eu pour la pre-mière fois la possibilité d’assister à une séance de communication facilitée (CF). Je pensais très bien connaître la personne facilitée. Ce fut un véritable choc de me rendre compte que je n’avais pas vraiment rencontré cette personne. C’était comme si je la voyais pour la première fois. Son attention, son regard étaient nouveaux. Elle avait une qualité de présence que j’ignorais. Au-delà des écrits en CF, ce sont les émotions dégagées durant cette séance qui m’ont questionnée. Comment avais-je pu passer tant de temps à m’occu-per de cette personne sans rien ressentir de tel?Forte de beaucoup de questions sans ré-ponses, j’ai suivi le premier module de formation en CF avec Michel Marcadé. J’en suis revenue avec plus de questions encore, mais déterminée à ne pas laisser de côté la nouvelle possibilité d’entrer en communication avec des personnes privées de langage et qui, pour les plus dépendants, ne pouvaient pas faire de simples choix par eux-mêmes.

Portes ouvertes sur ma pratique

Dans un premier temps, j’ai travaillé avec deux personnes, à l’aide de photos et de mots écrits avec réponses multiples, uni-quement par geste facilité, pointage avec soutien de la main.Exemple. Je pose la question «Que sou-haites-tu comme cadeau de Noël?» Je propose un choix de réponses écrites sur un papier: un habit, un objet de décora-tion, autre. La personne facilitée pointe un habit. Je poursuis avec un second choix de réponses: un pull, un pantalon, etc. J’ai pu, par ce moyen, avoir de véri-tables conversations sans recours à l’usage du clavier.

Dans un deuxième temps, ayant débuté mon travail au CSC de St-Barthélemy, et poursuivi ma formation en CF, j’ai com-mencé à recevoir des résidents en séance individuelle et j’ai introduit la communi-cation à l’aide du clavier électronique ou de papier.

Les objectifs de la CF

L’objectif de départ est d’offrir un moyen de communication aux personnes n’ayant pas ou peu de langage verbal, afin de leur permettre de faire des choix, de mieux cerner leur besoin quotidien, de com-prendre les problématiques liées à des moments plus difficiles de leur vie. La CF contribue à atténuer les tensions provo-quant des comportements inappropriés ou asociaux et offre un soutien. Le suivi d’un résident se fait en étroite collabora-tion avec le médecin de l’institution. Les séances peuvent avoir lieu à la demande de chacun: facilitant, facilité, médecin, thérapeute, référent ou parent.

Des exemples parlants... de ce que permet la CFDire son mal-êtreLorsque je reçois Bernard en séance, il est en dépression depuis plusieurs mois, semble-t-il suite au changement de mai-son lors de la restructuration du centre. Il ne mange presque plus et a des difficultés à dormir. Par la CF, il confirme qu’il n’est pas chez lui. Il demande à réintégrer son ancien lieu d’habitation. «Question de vie ou de mort» écrit-il. Le groupe qu’il souhaite rejoindre n’est, a priori, pas adapté à lui. Pour que Ber-nard puisse réintégrer cette habitation, des entretiens ont lieu en sa présence avec la possibilité de CF, avec le médecin, le directeur, le responsable de groupe. Après avoir évalué cette situation le plus objectivement possible, Bernard change de groupe et retrouve son ancien lieu de vie. Immédiatement, il recommence à s’alimenter et retrouve sa joie de vivre.

Pratique de la communication facilitée en institutionUn outil complémentaire pour un accompagnement socio-éducatif adaptéMarie-Claire Opoczynski, facilitante

Les thérapeutes et autres professionnel-le-s du social qui désirent uti-liser la communication facilitée comme outil d’accompagnement des personnes handica-pées, doivent d’abord trouver l’établissement qui leur permettra de pratiquer cette forme de relation d’aide. Mais au fait, quels sont les bénéfices que peuvent tirer de cette méthode résidents, résidentes et personnel d’institu-tions? Témoignage d’une praticienne de la CF.

Page 10: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Il a fait beaucoup d’efforts pour se faire une place et être accepté auprès de ses nouveaux camarades plus in-dépendants que lui.

Participer aux décisions du groupeAfin que les résidents du centre soient pleinement intégrés dans la vie institutionnelle, une plénière des résidents a été mise en place. De cet organe est issu le conseil des rési-dents. Il est formé de 13 membres et trois accompagnants socioéducatifs. Nous souhaitions donner les mêmes chances à chacun de nommer les membres de ce conseil et d’en faire partie. Un vote a eu lieu. Pour les personnes n’ayant pas de possibilité de choix par eux-mêmes, je me suis mise à disposition avec le geste faci-lité tel que décrit plus haut. Le poin-tage s’est fait sur une liste contenant tous les noms des résidents.

Entretenir des liens écrits avec amis et proches.Plusieurs personnes facilitées ont souhaité entretenir un lien écrit avec des personnes proches. Le plus im-pressionnant est le suivant:Bernard est en institution de-puis sa petite enfance. Il parle peu. Tous liens familiaux ont été coupés dans les premières an-nées de sa vie. Sa sœur retrouve sa trace et lui envoie un courrier en 1998/1999. Bernard jette la lettre. Elle lui écrit à nouveau en 2003. Bernard m’apporte la lettre à sa séan-ce de CF. Il commence par exprimer son angoisse par écrit. Que lui veut cette sœur après tant d’années? Et va-t-elle l’accepter avec son handicap?

Bernard va travailler sur lui durant plus d’une année; sur sa relation au handicap, à la famille, à sa vie. Pour son 46e anniversaire, la sœur de Ber-nard est là. Ils se rencontrent pour la première fois et découvrent qu’ils n’ont que 9 mois d’écart. C’est une nouvelle vie qui commence pour les deux. Ils s’écrivent et se voient régu-lièrement.Patrick quant à lui, a beaucoup de plaisir à écrire des petites lettres à ses amis dans le centre. Il cultive ses liens à toute occasion.Adrien rencontre l’aumônière une fois par mois. Il échange avec elle par la CF et va ensuite faire une balade juste avec elle.Julie aime recevoir les nouveaux sta-giaires en séance. Elle leur parle de son vécu, de sa façon de comprendre le monde.

Un outil complémentaire

Chacun utilise la CF comme il le souhaite. Dans le centre, une large place est faite à la communication entre le facilité et ses partenaires sociaux. Elle est utilisée le plus na-turellement, comme un outil com-plémentaire. Même la personne la plus dépendante (et peut-être juste-ment celle-ci) a le droit d’interagir avec son entourage et de s’exprimer. Certes la CF est controversée. Elle ne s’explique pas et a une large part dévolue à un côté mystérieux. Sont-ce des raisons suffisantes pour ne pas l’offrir à des personnes n’ayant pas d’autre moyen d’expression à dispo-sition que leur comportement?Souvent, les éducateurs sont recon-

naissants d’avoir par la CF un retour sur ce qu’ils pensent être bien pour les personnes dont ils s’occupent. Le facilité renforce sa propre personna-lité. Il est perçu comme unique dans un groupe d’individus. Le regard posé sur lui change. C’est ce der-nier élément qui est le plus souvent cité. Son regard à lui aussi devient plus présent. Il est reconnu comme un être humain avant d’être un handicapé.En tant que professionnelle et mem-bre de la famille des humains, mon but est de contribuer à réduire de plus en plus les inégalités de traite-ments dues à l’approche que nous avons avec autrui en fonction de ses différences quelles qu’elles soient. Mettre à disposition des moyens de communication tels que la CF y contribue. C’est aussi partir à la rencontre…Marcel, porteur de handicap men-tal et privé de parole, facilité depuis 2002 écrit ceci: «Je suis souvent dé-connecté de me savoir si différent d’âme et de nature. Des deux je me reconnais... Je suis l’âme et le corps et je cherche à relier les deux. Je pen-se que la CF est un moyen d’y arri-ver. Ce que je sais c’est l’importance qu’elle a prise dans ma rencontre avec toi. Aurions-nous eu l’opportunité de partager de riches moments sans la CF? Franchement je crois qu’il n’y aurait pas eu de rencontre. Quelle perte alors pour nos deux vies. Vois-tu quelque part nous sommes désor-mais unis au-delà des mots. Le cœur a raison des barrières que la vie érige parfois pour nous faire comprendre un peu plus de nous».

Elis

abet

h G

uiffr

ay

Page 11: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

�0

Le Centre Social et Curatif est un lieu de vie et de travail pour personnes adultes en situation de handicap, présentant des ni-veaux d’autonomie très variés.En qualité de lieu de vie, il est également un lieu de rencontres et de partages, un «organisme social» vivant qui grandit, au-delà des contraintes politiques et économi-ques, grâce à l’évolution même des person-nes qui le constituent.Afin d’être pleinement représentatif de ses membres, ce «corps social» ne se justifie que s’il prend en compte les avis des dif-férentes personnes qui le composent, avec leurs besoins, intentions, désirs. A sa me-sure, chacun doit devenir «citoyen de cette société» et y faire entendre sa voix et son point de vue, faire connaître ses choix et préférences. Portés dans les organes com-pétents pour les recevoir, ces paroles pour-ront alors nourrir le débat et contribuer à l’évolution de l’ensemble.

Offrir des lieux de paroleUn «Groupe écoute», guidé par quelques collaborateurs, cultive avec les résidents qui le peuvent et le souhaitent, la prise de parole en leur apprenant à formuler et présenter leur idée à un groupe, à écouter et recevoir celle d’un autre, à échanger et débattre.Cette initiative riche de quelques années d’expérience est complétée aujourd’hui par un «Conseil des résidents» et d’une «Plé-nière des résidents», autant de lieux où la parole est consciemment cultivée comme moyen de structuration du lien social.Le but fondamental ainsi poursuivi est ce-lui de rendre la parole à ceux que Philippe Caspar appelait dans un de ses ouvrages «Le peuple des silencieux».

La CF, un outil parmi d’autres...Comment entendre ceux qui ne parlent pas? Les langages ne sont pas seulement verbaux, ils sont pluriels, des communications subti-les se tissent au fil des rencontres, des outils complémentaires sont développés afin de réduire les barrières érigées par l’absence de langage verbal. Dans cette recherche de

moyens, aucun outil, nous semble-t-il, ne devrait être négligé à priori.La Communication facilitée est considérée à ce titre au Centre Social et Curatif et uti-lisée comme une prestation dans le cadre du projet individualisé. Elle est un moyen parmi d’autres au service des résidents qui présentent des difficultés significatives dans l’expression orale.

Un cadre d’utilisation rigoureuxLes interrogations légitimes soulevées par cette méthode de relation d’aide nous im-posent une pratique dans un cadre profes-sionnel rigoureux, une évaluation perma-nente, une appréciation et interprétation prudente des résultats.Proposée dans le cadre de la réunion de synthèse, elle est soumise à l’approbation du représentant légal, proposée au résident et en permanence portée à l’appréciation du médecin de l’institution. Tout élément significatif est soumis aux professionnels qui accompagnent le résident ou aux per-sonnes proches concernées.La collaboratrice «facilitante» travaille sous l’autorité d’une charte et d’un cahier des charges validés par la direction et le méde-cin, qui fixent un cadre éthique et profes-sionnel clair et contraignant.Force est de constater que la dynamique relationnelle induite par cette méthode porte des fruits positifs, manifestés par les résidents eux mêmes. Leur satisfaction évi-dente à pratiquer cette nouvelle communi-cation, leur participation active et leur force de proposition pour la vie de l’institution leur donne une place significative d’acteur.Leur parole nouvelle est attendue et recon-nue par leurs pairs et toute la vie du Cen-tre Social et Curatif s’en trouve enrichie. En luttant contre cette forme d’exclusion, il accomplit sa mission de réhabilitation et d’intégration.Bien que des questions restent aujourd’hui sans réponses, tant que la rigueur, la com-pétence, la transparence et le regard cri-tique présideront à cet exercice, serait-il vraiment sage ou prudent de laisser cer-tains de nos amis dans leur silence?

La CF au Centre Social et CuratifDonner la parole au «peuple des silencieux»Jean Foin, directeur du Centre social et curatif, Saint-Barthélémy

Rares sont les insti-tutions à accepter la communication facilitée comme pratique affi-chée et reconnue dans l’accompagnement des personnes handicapées. Directeur d’un établis-sement vaudois qui utilise cette méthode, Jean Foin expose, dans cet article, les raisons qui l’ont amené à inscrire la CF au nombre des outils à disposition du per-sonnel éducatif et des résident-e-s, ainsi que son cadre d’utilisation.

Page 12: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Alors que je plonge mon regard dans les yeux de mon bébé, âgé de deux mois à pei-ne, les étoiles qui y brillent mettent mon cœur en joie. Bien loin de moi sont les mots de mise en garde des médecins spé-cialistes qui nous ont annoncé, à mon mari et à moi-même, les déficiences possibles de notre petite fille. Caroline est mon premier enfant et l’avenir nous appartient… Après quelques mois cependant, je dois bien me rendre à l’évidence: le développement de Caroline ne suit pas la courbe habituelle des bébés de son âge. Commence, alors, la valse des consultations auprès de nombreux spécialistes et professionnels de l’enfance handicapée: neuro-pédiatre, physiothéra-peute, ostéopathe, éducatrice spécialisée. Un cursus que connaissent bien tous les pa-rents d’un enfant «différent». Un emploi du temps très chargé, mais de belles rencontres avec des professionnels qui savent trouver les mots justes pour nous accompagner dans notre cheminement.La lecture de différents livres me soutient dans mes nouveaux apprentissages auxquels rien ne m’a préparée. Je retiens tout parti-culièrement ceux de Françoise Dolto, psy-chiatre. Dans ses écrits, Madame Dolto met en avant la capacité du bébé de compren-dre son entourage et d’entrer en contact avec lui, avec les moyens qui lui sont pro-pres (cris, pleurs, sourires). Elle invite donc les parents à verbaliser leurs gestes et leurs émotions, pour rassurer leur bébé.Cette lecture me permet d’appréhender plus sereinement mon quotidien avec Ca-roline. Mon bébé, tout comme n’importe quel petit enfant, a la capacité de me com-prendre, je le sais…A l’âge où les jeunes enfants babillent et prononcent leurs premiers mots, Caroline ne montre aucun signe à vouloir s’expri-mer verbalement. J’apprends donc à dé-coder son langage corporel, tout comme son langage «visuel», car ses yeux sont très expressifs. Je continue de développer mon intuition au contact de ma petite fille han-dicapée, comme le font tous les parents avec leur nourrisson.«Handicapée»: il me faut beaucoup de

temps avant de pouvoir prononcer ce mot, tout comme il me faut beaucoup de temps pour demander au neuro-pédiatre en char-ge de notre enfant, de quoi souffre préci-sément Caroline: «polyhandicap»2, me ré-pond-il. Ses explications me permettent de mieux comprendre la réalité qui se cache derrière ce terme; je réalise également que Caroline a peu de chances de développer un langage verbal.La venue d’une deuxième petite fille, Rébec-ca, 2 ans et trois mois après Caroline, nous est d’une grande aide dans l’acceptation du handicap. Avec Rébecca, nous vivrons une enfance «dans la norme»; avec Caroline, nous découvrirons une autre réalité.

Rencontre avec la communication facilitée (CF)A quatre ans, Caroline est scolarisée dans une école spécialisée qui accueille des en-fants porteurs de divers handicaps. Elle ne parle toujours pas, mais je sais qu’elle com-prend parfaitement ce qui se dit autour d’elle. Aussi, je demande à son entourage de veiller aux paroles prononcées en sa présence, tout particulièrement s’il s’agit de sa personne.Notre première rencontre avec la CF, nous la devons à l’ostéopathe de Caroline, qui me remet un article présentant ce nouveau moyen alternatif de communication. Il s’agit d’un témoignage recueilli auprès de Madame Anne-Marie Vexiau, suite à la publication de son livre «Je choisis ta main pour parler». Orthophoniste, Madame Vexiau a introduit en France une méthode révolutionnaire de communication avec des personnes privées de langage verbal, qui s’adresse principalement aux autis-tes, mais peut également être utilisée avec d’autres handicaps.Le lendemain, j’achète son livre et le lis as-sidûment, il a une telle résonance en moi! Enfin, je vois écrit, noir sur blanc, ce que je sais depuis toujours: mon enfant, mal-gré son handicap, est intelligente! Elle peut penser, elle peut apprendre. Quel soulage-ment! Et quel espoir!

La communication facilitée dans notre vieTémoignage de parentLine Short, maman de Caroline et facilitante1

Qui utilise la CF et pourquoi? Cette maman de personne polyhan-dicapée a accepté de raconter son histoire, son cheminement et ses errances, jusqu’à sa rencontre avec la com-munication facilitée. Une découverte qui a changé sa vie, celle de sa fille Caroline, ainsi que les relations de cette der-nière avec l’entourage

Line Short est égale-ment écrivain. Elle a écrit plusieurs ouvrages pour la jeu-nesse. L’un d’entre eux lui a été inspiré par sa vie auprès de Caroline: «L’enfant qui ne parlait pas», à découvrir sur: www.histoires-3millenaire.ch

Page 13: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Les premiers pas avec la CF

Enthousiasmée par ma lecture, je prends contact avec l’antenne suisse romande pour la CF et m’inscris à un premier module de formation.J’y apprends, en compagnie d’autres parents et professionnels du monde du handicap, les bases de la CF, l’his-torique, le geste facilité, comment accompagner le mouvement sans le diriger, comment ressentir l’impul-sion de la main, index pointé, vers le choix souhaité, pictogramme ou lettre alphabétique. Partie théorique, avec films témoignages à l’appui, mais aussi ateliers de pratique.De retour à la maison, j’exerce aus-sitôt avec Caroline mes nouvelles connaissances. Caroline assise sur mes genoux, sa pe-tite sœur Rébecca à nos côtés, nous lisons des livres de développement pour les tout-petits: Caroline pointe les images, les couleurs, les notions spatio-temporelles: en haut, en bas, derrière, devant etc. Je m’efforce de ressentir l’impulsion de Caroline vers l’image choisie, sans la guider. Mo-

ments intenses d’apprentissage mais aussi bonheur immense de partage, toutes trois réunies…Les acquis de Caroline seront confir-més plus tard, par divers travaux d’observation effectués dans le cadre de son école.Caroline apprend, et surtout, Caroli-ne choisit. Les habits qu’elle souhaite porter, son goûter, la musique qu’elle désire écouter, le livre à découvrir.

Impact sur l’entourage proche et élargiNous «jouons» avec la CF. Aussi, nous lisons beaucoup d’histoires, soit Caroline et moi, ou accompagnées de Rébecca. Caroline n’a toujours pas de langage verbal, mais ses yeux suivent avec attention les activités proposées. Le regard que mon mari porte sur notre enfant change. Il découvre une enfant curieuse. Caroline développe sa propre personnalité, avec un ca-ractère bien trempé, mais un sourire radieux… Je parle de nos progrès en CF à ma famille et j’encourage son entourage à

lui parler comme à une enfant de son âge. Caroline a alors sept ans.Je répète à ses maîtresses combien elle peut être attentive. Un beau jour, l’une d’entre elles s’exclame: «Mais Caroline comprend tout ce qu’on lui dit!» Enfin, la reconnaissance du monde professionnel! Je partage avec les enseignantes mes apprentissages en CF. Ceux-ci n’éveillent aucun commentaire; le scepticisme est de mise à l’égard d’une méthode si différente, qui n’a pas en-core reçu l’aval des scientifiques. Moi, je suis de plus en plus convaincue de sa pertinence!

«Le regard dit tant de choses de cha-cun. Il transperce la carapace, traver-se les couches. Il permet la rencontre des âmes».Caroline, facilitée par Anne-Catherine6

La peinture facilitée

Je continue ma formation en CF avec le 2e module, où j’affine les connais-sances acquises lors du premier, et où je peux partager les questionne-ments soulevés par ma pratique avec Caroline Caroline et moi sommes à l’aise avec l’utilisation des pictogrammes pour les choix de la vie quotidienne, mais il me tarde de passer à l’étape suivante: le dialogue au moyen du clavier3.Malgré toute ma bonne volonté, je n’arrive pas à accueillir les pensées de Caroline, ces pensées que je sou-haite tant découvrir et que je ressens si riches. Mon désir de communi-quer avec elle est si grand, que je crée un «barrage» à l’expression de ses messages.Il s’ensuit alors une longue période de découragement, même si, au fond de moi, je sais que le temps joue en notre faveur.Lors d’une conférence sur la peinture facilitée, donnée par Madame Cathe-rine Donnet, praticienne en CF, je re-prends espoir. Mon enthousiasme re-trouvé, Caroline et moi nous initions avec bonheur à la peinture facilitée. Quelle joie de voir la couleur donner forme aux émotions de Caroline.Caroline est heureuse de pouvoir s’ex-primer par le biais de la peinture; je lui demande de commenter ce qu’elle peint, et le dialogue s’établit. Quant à nous, ses parents, nos attentes sont

Caro

line

et s

a m

aman

- Ph

oto

Man

uela

Thu

rre

Page 14: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

comblées. Nous découvrons la variété de son monde intérieur. Nous perce-vons sa capacité d’observation.C’est avec grand plaisir que Caro-line peut ainsi offrir une peinture de sa création, accompagnée d’un pe-tit mot personnel, à la personne de son choix.

«La peinture met l’âme en fête, qu’elle soit pratiquée par un pro-fessionnel ou par un amateur. Pour moi, la peinture vibre, les couleurs me font rêver et je m’évade.» Caroline, facilitée par Line

Richesse du texte, du moment partagéDepuis plusieurs années maintenant, je communique avec Caroline par le biais du clavier et à chaque fois, je suis comblée par la richesse de ce qui s’écrit. Si Caroline parle parfois de sujets anodins, ses textes expriment le plus souvent des pensées très lucides, par-fois teintées de philosophie. Je décou-vre son «intelligence de cœur». Mon cheminement à ses côtés m’inspire la réflexion suivante: les personnes han-dicapées sont peut-être là pour nous ouvrir à d’autres dimensions, d’autres possibles…Le geste facilité prend vie dans une relation de confiance entre les deux partenaires. Abandonner sa main dans celle de l’autre n’est pas un geste anodin. Lorsque nous sommes assises côte à côte, la main fragile de Caro-line posée dans la mienne, toute no-tre attention portée vers ce moment de communication, le temps s’arrête. Nous sommes dans une bulle, nous touchons du doigt le sublime…

Les effets bénéfiques de la CF

La CF a permis à Caroline d’expri-mer ses joies, ses émotions, mais aussi ses colères à l’égard de son corps déficient. La CF a ainsi apporté un mieux-être tant psychique que physi-que; elle lui a permis «d’apprivoiser» son corps si difficile à habiter. Caroli-ne est devenue plus sereine. Même si, parfois, le temps manque à une prati-que régulière, elle se sait entendue.

«Quand le corps ne répond pas tou-jours, on apprend l’abandon. Ne pas

vouloir est important pour ne pas souffrir de ne pas pouvoir, et alors son cœur s’ouvre à autre chose. Ce que j’aime c’est écouter les cœurs». Caroline, facilitée par Anne-Catherine

Actuellement, Caroline est également facilitée par une autre personne. Il me paraît, en effet, important qu’elle puisse s’exprimer avec quelqu’un hors du milieu familial. Deux facilitantes différentes, mais un style d’écriture identique confirme que les écrits sont bien ceux de Caroline. De nombreu-ses «validations4 viennent certifier cela.

Notre vie actuelle

A seize ans, grâce à la CF, Caroline se sent reconnue dans la valeur de sa vie. Nous voyons en notre fille une personne à part entière; elle a trouvé sa place dans notre famille. Il existe une grande complicité entre Caro-line, son papa, sa petite sœur et moi. En compagnie de Caroline, nous tra-vaillons pour l’intégration de la per-sonne handicapée.

«Plus on donne, et plus on reçoit. C’est une vérité que je vis tous les jours. Ceux qui m’écoutent, ou plu-tôt ceux qui m’entendent, partagent avec moi leur cœur. Leur cœur est beau et bon.»Caroline, facilitée par Anne-Catherine

Ce que j’ai appris, ce que j’apprends, aux côtés de Caroline, j’ai souhaité le partager avec d’autres personnes han-dicapées de la parole. Aussi, j’ai suivi les modules 3 et 4 de la formation en CF.Depuis plus de deux ans, j’accompa-gne ainsi une personne adulte privée de langage verbal, suite à un trauma-tisme crânien. En ce début 2008, j’ai cessé mon an-cienne activité professionnelle, pour me consacrer entièrement à ma nou-velle activité: praticienne en commu-nication facilitée. Grâce à Caroline, j’ai découvert la ri-chesse de la différence. Malgré leurs grands handicaps, les personnes poly-handicapées, et autres personnes défi-cientes, ont un rôle à jouer dans notre société, dans nos vies. Elles nous re-mettent face à l’essentiel: notre capa-cité «d’être» humain.

«Nous sommes une grande famille de cabossés5 à l’extérieur, mais des boules de cristal à l’intérieur. Cha-cun brille de sa propre couleur, vibre à sa propre fréquence. Les fréquences sont chacune une note de musique qui, mises ensemble, composent une musique magnifique, une musique pour les anges.» Caroline, facilitée par Line

Bien à vous,

Line et Caroline

1 Facilitant-e: la personne qui soutient la main. Facilité-e: la personne qui s’exprime2Infirmité Moteur Cérébral, doublée d’autres handicaps sensoriels ou d’une déficience intellectuelle.3Le clavier est l’instrument de base utilisé dans la com-munication libre en C.F. Il peut s’agir d’un simple orga-niseur, d’un clavier d’ordinateur ou d’un clavier imprimé sur papier.4Les validations sont des écrits qui expriment des faits in-connus du facilitant.5 Caroline utilise ce terme pour faire référence aux person-nes handicapées.6Caroline est facilitée par Anne-Catherine Bruchez, 1934 Le Châble, Valais

Man

uela

Thu

rre

Page 15: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

«Moi je suis née avec une infirmité mo-trice cérébrale; je suis ce que l’on appel-le une personne handicapée en grande dépendance. Ma vie a été partagée entre ma famille et les centres.La dépendance, je l’ai vécue comme nor-male pendant longtemps j’étais comme ça c’était moi et puis un jour j’ai réalisé ce que j’aurais pu faire j’aurais pu marcher courir j’aurais pu dessiner écrire seule j’aurais pu parler j’aurais pu…Mais le handicap fait partie de moi j’ai eu des phases de rébellion de questions et puis j’ai eu aussi moments de partage avec les copains inexprimables car particuliers entre nous. Ma famille c’est papa maman et ma sœur qui depuis toujours font bloc autour de moi contre les autres contre leurs attitu-des de pitié contre leur parole de désespoir contre leur regard fuyant.

L’amour qui nous unit est tellement fort qu’il se voit et un comble entraîne jalousie autour de nous. Les centres c’est établissements spécifiques pour les IMC comme moi avec pour les jeunes une éducation et pour les adultes des activités.L’infirmité motrice cérébrale est encore mal connue les professionnels ont tâtonné ont inventé une éducation adaptée mais sans véritablement connaître ce que pou-vait entraîner notre handicap au-delà de ce qui est visible. Mais j’ai appris avec eux des notions de formes de couleurs j’ai aussi appris les autres la vie en collectivité. Ma famille complétait cette éducation par une multitude d’activités piscine vi-site de musées de salons livres lus de philosophes. Une vie un peu hachée entre la maison et le centre des divergences parfois sur ce qui était mieux pour moi. Mon mode de communication est le oui non j’explique on me pose une question et je réponds par oui ou par non très utile pour le quotidien mais si la question n’est pas celle que j’attends si le thème n’est pas celui que je veux aborder on cherche et on est à côté. Alors comment moi je pose des ques-tions comment moi je parle de ce qui me préoccupe comment moi je peux parler de mon handicap comment moi je peux parler de ce que j’entends et qui me fait souffrir comment moi je fais partager ma joie comment moi je peux dire ce que je voudrais comme vie. Comment quand ma mutité ne me per-met que des sons discordants et incompré-hensibles ?Un jour quelqu’un a pris ma main au des-sus d’un clavier avec des lettres et magie je peux dire avec les mêmes mots que j’en-tends exprimer mes pensées.

Ce moment reste gravé dans ma mémoire comme une nouvelle naissance à la vie.

Un jour, quelqu’un m’a pris la main au-dessus d’un clavier...Témoignage d’une personne facilitéeElisabeth Guiffray, Lyon

Nous avons demandé à Elisabeth Guiffray de se présenter et de nous dire ce que la com-munication facilitée représentait pour elle, ce qu’elle lui apportait. Voici les textes qu’elle nous a envoyés avec une demande: respecter son style sans ponctuation.

Elis

abet

h et

Ann

e-M

arie

Gui

ffray

Le blog d’Elisabeth Guiffray:http://moije.blogs-handicap.com/

Page 16: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

�5

J’ai pu mettre des mots sur mon handicap...Ces mots que je ne peux dire je peux les écrire sur un clavier si quelqu’un me soutient la main est en empathie avec moi et laisse ma main galoper sur les touches pour pointer encore et encore. J’ai pu grâce à la communication facilitée mettre des mots sur mon handicap mette des mots sur mes souf-frances sur mes ressentis de situation sur les autres sur ma perception de la vie ces mots me relient au monde me remettent dans un espace où je peux partager.Longtemps je n’ai parlé que de moi trop de mots devaient être pointés trop de pensées se bousculaient j’ai quarante ans de silence à rattraper puis aujourd’hui j’ai rassemblé mes idées j’ai structuré ma pensée pour être synthétique.Certains disent que je vais à l’essentiel c’est parce que je ne suis pas détournée de ce que je veux dire mes écrits pour exister doivent attendre une main qui soutient la mienne il ne faut donc pas de parlotes qui n’intéressent pas ou qui sont futiles il faut mots percutants qui expri-ment mes pensées.

Ne me renvoyez pas à mon silence...Ici je pointe pour que tous sachent ce que la commu-nication facilitée apporte à une IMC mutique c’est im-portant car notre handicap laisse supposer une absence de pensée profonde un manque d’intérêt pour le monde alors qu’une fois notre souffrance d’être handicapé ex-primée partagée avec nos proches c’est ouverture aux autres au monde. Ne me renvoyez pas à mon silence monde creux où la vie perd son sens où elle est vide des mots enfouis dans ma tête et qui ne veulent que sortir pour que je me sente membre à part entière de l’humanité.Merci aux responsables du journal qui permettent mon expression mon témoignage sur la CF.Merci à toi lecteur de regarder autrement les mutiques de les regarder comme des personnes dont le handicap les rend différents mais en voyant caché derrière le han-dicap l’être qui souvent attend un vrai regard un sourire une parole.»

Position officielle d’Autisme Suisse romande, à propos de communication facilitée

Lorsque nous parlons de communication facilitée (CF), nous entendons la technique qui consiste à soutenir le bras, la main ou le poignet d’une per-sonne placée devant un clavier (le facilité); celui qui soutient est le facilitant. Notre position concerne uniquement les personnes avec autisme et privées de parole. De même que la plupart des associations de parents d’enfants autistes, nationales ou internationales, nous recommandons, à tous les niveaux de prise en charge, le recours à des méthodes éducatives basées sur la structuration du temps et de l’espace. Plus généralement, nos recommandations vont à des méthodes dont l’efficacité a été scientifiquement dé-montrée et qui se basent sur les besoins (respective-ment les déficits) spécifiques des personnes autistes. Dans ce contexte et concernant l’aide à la commu-nication, nous privilégions le recours à des supports visuels.La communication facilitée est une technique dont la fiabilité des résultats n’a pas été scientifiquement démontrée. Elle ne fait donc pas partie des métho-des que nous recommandons dans le cadre d’une prise en charge publique des personnes autistes. Nous pensons que les écoles ou les institutions ne devraient pas utiliser de façon généralisée cette mé-thode chez les personnes autistes.Ces remarques ne sauraient toutefois en aucun cas se substituer à la liberté de choix et aux convictions des parents. Des situations concrètes, empreintes de bon sens et de pragmatisme nous ont été rapportées. Si, grâce à la CF, il y a entre parents et enfant autiste une amélioration de la qualité de la communication et donc de la qualité de vie, alors nous ne pouvons que nous en réjouir, comme un médecin se réjouirait de l’amélioration de la santé de son patient qui a re-cours à l’homéopathie, alors que lui-même n’est pas convaincu des vertus de cette médecine «parallèle».Pour reprendre cet exemple, nous ne soutenons pas l’application généralisée de la CF pour les autistes dans les structures publiques comme les médecins ne prescrivent pas de façon généralisée le recours à l’homéopathie dans les hôpitaux.Jusque-là, nous n’aurions pas de véritable problème avec la CF si nous ne devions toutefois constater que cette méthode peut ouvrir la porte à des si-tuations préoccupantes, notamment lorsqu’il s’agit d’interpréter ce qu’a écrit le facilité. Utilisée à mau-vais escient, par des personnes mal intentionnées ou abusant, consciemment ou non, de leur position de facilitant, cette technique présente un danger réel dont les parents doivent être avertis.

Autisme Suisse romande Lausanne, le 13 septembre 2005

Pensée vive

Fugace ou réfléchie mais toujours vive.Action pour moi est inconnue hormis une gestuelle mal contrô-lée ou une parole plutôt sonore et jamais compréhensible.Action par les autres sur mon corps lente trop lente mais nécessaire à ma survie.Temps toujours décalé avec en plus les temps d’attente attendre je le pratique sans cesse mon handicap m’y contraint mais extérieurement je n’aime pas ce temps il est pourtant pour moi riche d’observation de réflexion et de méditation mon intérieur en est empli de ce temps où ma pensée tourne à mille tours ou au contraire ressasse retourne approfondi.Deux rythmes de vie pour moi différents et correspondant rarement sauf lorsque je pointe magie qui relie ma pensée aux autres par une gestuelle à deux mains.Bonheur de ces instants. Elisabeth Guiffray

Page 17: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Moi, je peins libre...La peinture facilitéeCatherine Donnet, art-thérapeute à Perceval, Saint-Prex

Voici de nombreuses années que j’ai la joie de travailler en peinture auprès des person-nes handicapées. J’ai utilisé pendant long-temps le travail en guidance, entraînant la personne dans mon mouvement, dans mon dynamisme pour la mener au but que j’avais choisi. Je l’assistais avec bienveillan-ce. Quand le geste facilité est apparu dans ma vie, j’ai pour la première fois senti que j’étais autorisée à découvrir avec tout le tact nécessaire le monde intérieur de la personne handicapée. Depuis lors, ma fa-çon de travailler est toute autre, ainsi que le regard que je porte sur le handicap.

Présence et disponibilité

Peindre en facilité me demande deux qua-lités: une grande présence et une totale dis-ponibilité.L’expérience m’a appris qu’en chacun vit un artiste qui attend d’être réveillé. C’est à lui que je fais appel quand je soutiens la main. Ma présence calme, rassurante et constante, réveille sa présence, la stimule

et je sens la personne descendre dans ma main jusqu’au bout de ses doigts, jusqu’au bout du pinceau. Dès qu’elle prend l’ini-tiative d’un mouvement, du choix d’une couleur, je m’efface progressivement pour qu’elle apparaisse toujours davantage. Si je suis son support sur lequel elle s’appuie avec confiance, j’essaie aussi d’être une véritable écoute. Seuls ces deux facteurs permettent, selon moi, une expression to-talement libre. Nous devenons alors par-tenaires, dépassant pour un moment la barrière du handicap. Cette véritable ren-contre permet que toute personne puisse se révéler quel que soit son handicap.

Un matériel simple, des visions poétiques...Un matériel simple nous accompagne: une feuille de papier, une boîte d’aquarelle de 24 couleurs, quelques pinceaux et un orga-niseur. Le peintre peut ainsi, s’il le désire, commenter ses peintures ou illustrer ses propos.

Le papillon (nov. 07)«Suave peinture de liberté. Les papillons perdent leurs ailes, moi je les fais pousser.Peinturer librement accroît ma libre acceptation de mon handicap.»

«N’oublie pas que je vois par tes yeux. Je m’installe derrière ton regard libre et transparent». Passée du travail en guidance au geste facilité, Catherine Donnet, art-thérapeute, explique les raisons de son choix, les exigences de la méthode et les satisfactions que cette pratique apporte aussi bien aux facilitant-e-s qu’aux facilité-e-s . «Nous devenons alors parte-naires, écrit-elle, dépas-sant pour un moment la barrière du handicap».

Cath

erin

e D

onne

t

Page 18: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Lorsque j’ai demandé aux peintres de décrire leur expérience en PF, voici ce qu’ils partagèrent:«L’unité doit être trouvée pour pein-dre: la rencontre sur la feuille est ma chance de participer vraiment.»«Joie d’unir nos mondes inconnus au monde des hommes bien portants.»«Ma peinture ressemble très fort à no-tre «je saurai t’entendre.»«N’oublie pas que je vois par tes yeux. Je m’installe derrière ton regard libre et transparent.»Je voudrais ici rappeler que jamais je ne sais ce que la personne veut pein-dre. Sa gamme de couleurs m’est to-talement inconnue, son geste m’est étranger, la façon dont il compose son tableau est souvent inverse à la mienne…, par exemple peindre un personnage en commençant par les pieds, le mât d’un bateau par une ho-rizontale… La feuille sera à redresser en fin de séance!...Seul un lâcher-prise total dans ma tête, mes émotions et ma main lui ouvre l’espace de liberté tant attendu.«Je suis sûr de moi quand tu me tiens. Des idées lentement arrivent et je ren-contre ma vraie pensée. Moi aussi je suis capable de construire une image avec ton soutien, c’est la joie. Tout seul je m’embrume. Chaque leçon je me retrouve vraiment.»

«Je m’apprivoise par la peinture. Je décide de me montrer ouvert pour laisser les gens me connaître. La peinture permet de me sentir pour faire les premiers pas vers l’autre par-tie handicapée. Je suis libre de me cohabiter.»

Plus qu’un résultat visible, un vécu en transformation...Si les peintures sont parfois représen-tatives, elles peuvent aussi être com-position aux multiples nuances. Les couleurs se juxtaposent alors ou s’unis-sent et parlent selon la place qu’elles occupent et leur ordre d’apparition sur la feuille. La peinture facilitée n’est donc pas un résultat visible à af-ficher mais bien davantage un vécu en transformation allant jusqu’à la réali-sation du jour. Lorsque la personne choisit de signer sa feuille, elle signifie par là qu’elle a atteint son but et en est satisfaite.Les vécus sont multiples et évoluent au cours des séances. Les premières peintures sont souvent consacrées au partage de la souffrance gardée en soi depuis si longtemps. Il est à remarquer que malgré le chagrin, la détresse, la colère, aucune peinture n’est arrachée ou trouée. Souvent les tons vifs se confrontent, les mélanges s’assom-

brissent mais les personnes gardent une dignité qui me touche profondé-ment. Au cours des séances suivantes un véritable apaisement apparaît sur le visage ainsi qu’une concentration accrue et souvent beaucoup d’hu-mour. De nouveaux thèmes sont alors abordés: la vie au quotidien avec ses difficultés et ses surprises, la place dans la famille, l’importance des re-lations, qui suis-je? la vie profession-nelle, les loisirs, la maladie, la mort, le sens du handicap, la place dans la société, l’écologie… L’essentiel pour la personne facilitée en s’exprimant ainsi, est de se recon-naître sous le manteau du handicap comme une personne entière, riche d’une vie intérieure, riche d’une his-toire unique, riche d’avenir. C’est donc avec un grand plaisir et avec la permission des personnes fa-cilitées que je laisse la place aux pein-tures ainsi qu’au petit texte qui les accompagne: «Les peintures tu peux les présenter. Les regarder abreuve le cœur. Rareté d’être si vrai. Laisser toucher votre cœur pour recevoir no-tre vrai visage. Moi je peins libre.»

L’oiseau (octobre 07)«Oiseau libre dans le ciel- Pourquoi as-tu choisi le rouge?- pour mieux parader- Pourquoi regarde-t-il en arrière?- Il est comme moi. Je n’ose pas me mener seul.»

Cath

erin

e D

onne

t

Page 19: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

�8

Tel est le titre d’une conférence suivie d’un débat donnée le 12 avril 2008 par Monsieur Jean-François Malherbe, à la Fondation Perceval (Saint-Prex, VD) sur invitation de l’association CF-Romandie, pour un public de parents et profession-nels.Jean-François Malherbe, philosophe, professeur d’éthique (Ecole supérieure en éducation sociale à Lausanne, Uni-versité de Sherbrooke au Canada, Uni-versità degli Studi di Trento en Italie) est bien connu dans notre région où il a apporté son concours dans bon nombre d’institutions.N’étant pas un spécialiste de la Com-munication Facilitée (CF ci-après), Jean-François Malherbe introduit son sujet en nous rappelant que celle-ci est simple-ment à considérer comme un outil ap-proprié dans certaines relations d’aide et que c’est sous cet angle qu’il en traitera.

Rationnel et irrationnel

Le conférencier nous rappelle que long-temps en Occident, c’est dans l’Eglise qu’étaient détenues les hautes formes de savoir. Puis c’est une réaction anti-clé-ricale qui amena la naissance des uni-versités. C’est alors qu’apparut une dis-tinction entre «l’être-qui-connaît» et la connaissance qu’il détient. Et c’est ainsi qu’on passa du savoir «ésotérique» au sa-voir «exotérique» dispensé aujourd’hui dans nos écoles et universités. Selon Jean-François Malherbe, on peut illustrer ce savoir exotérique en disant qu’aujourd’hui on peut être professeur de philosophie sans pour autant être sage. L’implication dans une auto-trans-formation n’est plus jugée nécessaire. En revanche, il admet que certains dogma-tismes ont parfois envahi les universités, autant publiques que privées. C’est cette orientation qui aujourd’hui est appelée rationnelle. À côté de cette orientation, ce qui est considéré actuellement «irrationnel» est tout simplement ce qu’on ne sait pas

encore expliquer. Concernant la CF, Monsieur Malherbe constate qu’elle ne fonctionne que si les personnes qui la pratiquent sont enga-gées sur un chemin de travail intérieur, mais il pense que cela est commun à toutes les démarches qui impliquent une relation d’aide.

L’éthique, un travail sur soi, une culture de la surprenanceL’éthique est le travail que je consens à faire avec d’autres sur le terrain, pour réduire autant que possible l’inévitable écart entre mes pratiques affichées et cel-les que je voudrais avoir. Ici encore, nous devons revenir sur un lieu commun: on nous a appris à l’école à ne pas être trop subjectifs, mais nous sommes, de fait, des sujets. Et le travail qui me revient est en réa-lité d’assumer ma propre subjectivité, en ne l’imposant pas comme norme universelle. Il y a, bien sûr, toujours un écart, plus ou moins grand, entre ce que nous voudrions être, pouvoir, savoir et ce qui se passe effectivement dans nos pratiques et notre vécu. Cet écart est lié à notre condition humaine, mais nous pouvons travailler à le réduire. C’est en cela que consiste l’éthique et c’est ce travail sur nous-même qui donne nais-sance à un sujet.En quoi consiste un sujet, interroge le conférencier? Le sujet est un surprenant créateur d’harmonie. Et il explique: nous héritons en naissant de certaines condi-tions, mais qui dit «je», quand je parle?Il évoque les liens avec les générations passées (Constellations Familiales). Mais ne s’agit-il pas plutôt de ce que d’autres nomment le karma?De même, à travers les rêves, les cauche-mars, les lapsus, etc., comme l’a démon-tré K.G. Jung, je peux rencontrer «qui je suis» dans ma nature intérieure.Mais nous constatons toujours un écart entre ce que nous souhaitons être et ce que nous sommes et il nous faut travailler

Ethique et communication facilitéeConférence de Jean-François Malherbe Michel Marcadé, formateur en CF

Toute relation d’aide présente un risque de violence, dans la me-sure où celui ou celle qui est censé-e apporter de l’aide n’arrive pas libre d’attente face à la personne à aider. La communication faci-litée n’échappe pas à cette règle. L’éthique est donc le respect de la surprenance de l’autre, «un chemin de non-violence», dit encore Jean-François Malherbe, qui ajoute que pour le réaliser, trois conditions sont indispensables: forma-tion permanente, super-vision et intervision.

Page 20: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

à rétrécir l’angle de cet écart, pour entrer en harmonie avec soi-même. Comment? Les pratiques de méditation sont l’outil pour cela. On pourrait définir la spiri-tualité comme le rapport que le sujet s’autorise à une certaine «surprenance».Avec chaque mauvaise nouvelle qui ar-rive, il y a une bonne nouvelle. Si on re-connaît cela, nous dit maître Eckart, cité par le conférencier, les choses ne nous dictent pas ce que nous devons être.

La CF comme relation d’aide

La relation d’aide met en relation deux sujets: un qui est censé avoir besoin d’aide et un qui est censé lui apporter cette aide. Or, nous dit Platon, le vrai dialogue n’est possible qu’entre experts. Et l’expert, selon celui-ci, est celui qui sait tracer la frontière entre ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas.La relation d’aide a pour but: aider l’autre à devenir soi. Mais sait-on qui est cet autre?Pour accomplir une telle aide, il faut être sans attente, sinon je vais induire chez l’autre le désir de se conformer à ce que j’attends de lui.Paraphrasant des propos de maître Ec-kart, on pourrait dire qu’il s’agit de «voir l’autre tout nu dans son vestiaire», avant que l’aidant ne le revête de tout ce dont il souhaite le voir revêtu.Il s’agit d’éviter toute violence, car est violence tout acte, non-acte, attitude, etc. qui vise à obtenir autre chose d’un sujet que ce que celui-ci n’aurait pas fait spontanément.On admet toutefois des violences «constructives» en pédagogie notam-

ment, mais on sait aussi que le cadre peut parfois en être excessif.Or, comme toute forme de relation d’aide, la communication facilitée est un risque d’extrême violence. On peut, par exemple, induire quelque chose qui ne correspond pas au dé-sir profond de l’autre. Mais, bien heureusement, le contraire est aussi possible.

Etre sans attente pour percevoir l’autreLa «violence éducative» veut accompa-gner le développement de l’autre; mais il y a toujours un risque que passe, à tra-vers notre comportement, de la violence destructrice,Une possibilité existe cependant de ré-soudre le problème: être «sans attente», en se faisant disponible ou sur le chemin de la disponibilité.Maître Eckart formule cela ainsi: «Moins j’ai d’attente et plus je peux percevoir l’autre.»On pourrait voir l’éthique comme l’art de transmuter de la violence destructrice en violence constructrice. C’est un che-min de non-violence et, pour le réaliser, trois conditions sont indispensables: formation permanente, supervision et intervision, être sur un chemin de «sur-prenance».Cette conclusion ne pouvait que satis-faire les praticiens en CF qui ont ins-crit ces exigences clairement dans leur charte éthique et leurs programmes de formation.

...«Mes dons d’écrivain se révèlent et j’ai la joie de l’écriture.J’écris depuis longtemps sans que personne ne puisse lire, c’est important pour moi. C’est une source de joie renouvelée chaque semaine et un dialogue de vie...»...«Joie d’unir nos mondes inconnusau monde des hommes bien portants...»...«Dire pour moi est la meilleure façon de comprendre»...«Pour mes parents, la santé suffit, mais la santé sans parole est vie sans musique»...«La CF est ma respi-ration; c’est vital. Chaque fois, je suis très content de me sentir écouté. Je trouve qu’une fois par semaine, c’est pas assez,mais je suis habitué. Je voudrais dire aussi que j’écris à ma famille et c’est aussi important pour maman de recevoir mes lettres; chaque téléphone elle me dit combien elle se réjouit de me lire»... Extrait de «Fleurs de paroles», recueil de témoignages de personnes facilitées

Elis

abet

h G

uiffr

ay

Page 21: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

�0

«Le bénéfice majeur du sport est la culture du calme intérieur». C’est cette phrase du baron de Coubertin qui pourrait servir de base explica-tive aux relations privilégiées que la SGIPA entretient avec l’activité sportive.

PionniersNous sommes en 1976, quelque 18 années après la création de la SGIPA.Ses responsables d’alors, soutenus par l’inspecteur d’éducation physique au DIP de Genève, ainsi que par le directeur du Service de la santé et de la jeunesse conviennent de la néces-sité d’instaurer, dans l’institution, la pratique de l’éducation physique. Leur réflexion les amène également à constater que pour répondre avec ef-ficacité aux besoins en la matière des personnes handicapées mentales, il est essentiel d’entrer plus avant dans «la compréhension des mécanismes de l’apprentissage à la fois gestuel et spirituel»2. Une spécialisation en psy-chomotricité (Le Boulch) est alors proposée aux maîtres d’éducation physique qui le souhaitent.

Tenue sportive exigéeCes formations spécialisées de la pre-mière heure, si elles n’ont plus cours aujourd’hui, ont fortement marqué la philosophie de la maison face au sport. «Notre organisation prévoit pour les bénéficiaires, 4 jours de travail; le cinquième est consacré à d’autres activités, par exemple: appui pédagogique, soutien psychologique ou éducation au mouvement», expli-que J.-D. Jacquemet1. «Le travail du maître d’éducation physique, précise Alain de Flauguergues1, est d’adapter le programme en fonction des besoins gestuels quotidiens des personnes». En plus de ces entraînements per-sonnalisés hebdomadaires, chaque bénéficiaire de la SGIPA participe à un camp par année. La fondation

genevoise dispose de salles de sports bien équipées, quoiqu’avec du maté-riel simple, ainsi que d’une magnifi-que piscine, souvenir d’un temps où l’AI entrait encore en matière pour ce genre de réalisations... De fait, ces espaces destinés à l’en-tretien du corps sont bien investis par les travailleurs et travailleuses de la SGIPA. «La réelle activité sportive doit permettre de combler les lacunes que chaque individu se diagnostique», explique Alain de Flauguergues. Telle personne retrouvera confiance en elle grâce à une progression de mouve-ments adaptés à ses difficultés, telle autre apprendra à maîtriser règles et consignes, telle autre encore s’assurera, par la pratique régulière du mouve-ment, une vieillesse moins confinée.

Une large palette d’activités sportivesA la SGIPA, aucun sport n’est tabou. «Le seul échec, commente Alain de Flauguergues, c’est le volley, qui né-cessite une capacité d’anticipation assez poussée...». Les sports proposés hebdomadaire-ment varient selon les saisons: ski, raquette, marche, natation... Les camps eux, s’articulent autour

d’activités plus inattendues dans ce milieu: alpinisme, tir à l’arc, foot-ball, acrobatie aérienne, curling, escrime, ski nautique, etc., avec un encadrement professionnel de haut niveau. C’est par exemple Erhard Lorétan qui a initié et accompagné les «alpinistes» en herbe...

La journée sportive, une tradi-tion à la SGIPAChaque année, en octobre, une journée sportive est organisée par l’ l’institution genevoise. Ces joutes d’automne réunissent dans un même élan d’affrontement amical, les béné-ficiaires de la SGIPA et les étudiant-e-s de divers collèges, dont celui de Claparède. «Ce sont des moments toujours très fréquentés et très appré-ciés par les uns et par les autres.»Cette année, à l’occasion de son 50e anniversaire, la SGIPA a décidé d’ouvrir ces rencontres à des étudiant-e-s d’autres écoles qui viendront ren-forcer les rangs des travailleurs et travailleuses de la Fondation, dont les équipes seront confrontées à des formations de niveau national. Cha-que activité sera parrainée par une personnalité connue présente sur les lieux.

2008, la SGIPA fête ses 50 ansQuand toute une institution se met au sportMarie-Paule Zufferey, rédactrice

Journée sportive du 50e

Mercredi 1e octobre 2008Sur le thème «visons l’excellence»: compétitions entre des équipes leaders dans leur discipline et des équipes de travailleuses, travailleurs de la SGIPA renforcées par des élèves des Collèges et ECG de Genève.Pavillon des Sports, Bout du MondeDe 9 h à 16 h 30

Vous pourrez assister à: - des matches: de rugby,de basket, de football, de tennis;- un tournoi de tir à l’arc;- une démonstration de Full Contact...

Renseignements complémentaires: Fondation SGIPA, Chemin Dupuy 20, Case postale 19, CH - 1231 Conches, Tél. +41 22 346 33 88

Page 22: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Des bénéfices de la pratique sportive pour les personnes handicapéesEn décidant, il y a plus de 30 ans, que l’ac-tivité physique était nécessaire pour les per-sonnes handicapées vivant en institution, les responsables politiques et institutionnels de l’époque ont fait preuve de modernité. Cette posture se conjugue en effet parfaitement avec les découvertes actuelles qui prônent l’exercice et le mouvement comme un élé-ment indispensable à la «rééquilibration du mental»3. Les arguments d’Alain de Flauguergues et Jean-Dominique Jacquemet pour défendre l’engagement de leur institution envers l’acti-vité sportive se situent à plusieurs niveaux:Humaniste d’abord; c’est pour eux une forme de respect pour les personnes en situation de handicap que de leur proposer, à elles aussi, ces respirations qui nous font tant de bien...Educatif ensuite; l’apport de la psychomo-tricité est indéniable: éducation du corps aux gestes de la vie quotidienne, d’une part et apprentissage de la gestion de soi-même, d’autre part.Social enfin; l’exercice d’un sport est por-teur de situations réelles d’intégration, de confrontations à l’autre (et à soi-même aussi). Il offre des opportunités de se positionner face à ses propres limites et à ce que l’autre peut m’apporter. Et Alain de Flauguergues d’illustrer cette dernière réflexion par une phrase d’Erhard Lorétan à un participant ar-rivé au sommet d’un passage difficile: «Sans moi, tu n’y arrives pas». Une école de la vie en somme...Reste que dans la tourmente budgétaire actuelle, il est légitime de se poser la ques-tion de savoir si les programmes d’éducation physique tels que programmés par la SGIPA auront encore leur place dans le futur...

1 Cet article a été écrit sur la base d’une rencontre avec Messieurs Jean-Dominique Jacquemet, responsable du sec-teur Travail et Emploi, SGIPA, Genève et Alain de Flau-guergues, maître d’éducation physique, SGIPA, Genève.2 Extrait de l’ouvrage «Chronique du 50e», Fondation SGIPA, 2008, p. 433 Extrait de l’ouvrage «Chronique du 50e», Fondation SGIPA, 2008, p. 45

Les photos illustrant cet article proviennent de la Fondation SGIPA, Genève

Page 23: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

«Au coeur de ton silence» La communication facilitée, cette énigmeMichel Marcadé, éd. Triskel, 2005, 185 pagesISBN: 2-940353-05-8Disponible chez l’auteur: [email protected]

Interpellé par une vie parta-gée durant 30 ans avec des per-sonnes sévèrement handicapées

dont beaucoup étaient privées de langage oral, Mi-chel Marcadé a rencontré en 1995 la Communication Facilitée à Paris. Il nous livre ici son témoignage d’une pra-tique régulière de 10 années, auprès d’un grand nombre de personnes mutiques et au cours de quelque 3’000 séances. Il connait les attaques dont est l’objet cette approche. Il connaît plus que d’autres les travers éventuels qu’on y rencontre. Il en souligne les exigences éthiques, afin que la parole puisse être donnée à ceux qui la revendiquent bien souvent à travers de violentes crises.Michel Marcadé est éducateur spécialisé retraité. Il a déve-loppé sa carrière dans le cadre du Mouvement international Camphill et dans l’orientation pédagogique initiée par Ru-dolf Steiner. Il est praticien-formateur en Communication Facilitée.

«Ouvrir la nuit pour te dire»Cyril Odon et Claire B. éd. IERO, 2004Ecrits en CF de Claire B., autiste, présentés par un psychologue clinicien / psychanalyste.

«C.P.A. Communication profonde accompagnée»Martine Garcin-Fradet, Un chemin vers l’être, éd. Quintessence, 2006Témoignage / réflexion d’une thérapeute facilitante.

«La communication d’inconscient à inconscient»Philippe Sieca, une nouvelle écoute thérapeutique, éd. Le Souffle d’or, 2006 Témoignage et réflexion d’un psychanaliste facilitant.

«Un clavier pour tout dire»Anne-Marguerite Vexiau éd. Desclées de Brouwer, 2002Témoignage et réflexion d’une orthophoniste facilitante, pionnière de la CF en France.

«Un chemin de langage dans le lacis de l’autisme»Pierre Gilbert, éd. l’Harmattan, 2007Récit autobiographique d’un père haut fonctionnaire français, en accompagnement constant de sa fille autiste.

«Handicap mon amour gris»Aurélie Connoir, «Poèmes d’espoir» éd. des écrivains, 2003Ecrit en CF par une jeune fille atteinte de trisomie 21.

«Le livre d’Annaëlle»Annaëlle Chimoni, éd. du Rocher, 2000Fillette juive polyhandicapée de 8 ans facilitée par sa tante.

«Le silence des mots»Emmanuel Combaluzier, éd. du champs social, 2000Poèmes écrits (CF) par un jeune homme autiste de 18 ans.

L’enfant qui ne parlait pasLine Short, éd. A la carte, Sierre, 2007, coll. «Histoires pour les enfants du troisième millénaire», 50 p.

Pierre ne parle pas. A l’âge de 4 ans, il n’a pas encore prononcé un seul mot. Ses parents l’emmènent voir des spécialistes, mais en vain... Cependant, une rencontre

extraordinaire va lui permettre de «prendre parole».Line Taramarcaz Short est maman d’une jeune polyhandi-capée. Elle est aussi écrivain et son livre est dédié à sa fille Caroline.

Sélection

Les ouvrages présentés ci-dessous sont en rapport avec notre dossier sur la communication facilitée (CF).

La CF en question, articles critiques

Bicklen D et al 1992 «La CF: implications pour sujets autistes» To-pics in language disorders 12 1-28;Beck AR Pirovano CM 1996 «Performance de la CF pour une tâche de langage réceptif» Journal of autism and development di-sorders 26 (5) 497-512;Simpson RL Myles BS 1995 «Efficacité de la CF pour des enfants et jeunes autistes» The journal of special education 2 8(4) 424-439; Eberlin M et al 1993 «La CF: échec pour reproduire le phénomè-ne» Journal of autism and development disorders 23 (3) 507-530;Bomba C. et al «Évaluation de l’impact de la compétence en CF sur 14 élèves autistes» Journal of autism and development disorders 26 (1) 43-57;Green G Shane HC 1993 «La CF: les prétentions contre les preu-ves» Harvard Mental Health letter 10 4-5;Montee BB Mittenberger RG Wittrock D 1995 = Analyse expérimen-tale de la CF» Journal of applied behavior analysis 28 189-200;Moore S et al «Évaluation de la CF: huit études de cas» Journal of autism and development disorders 31 (3) 287-313;Mostert MP 1995 «La CF depuis 1995: revue des études publiées» Journal of autism and development disorders 31 (3) 287-31 3.

Page 24: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Sélection

Loïc Diacon, responsable infothèque, Haute Ecole de Travail social (IES), Genève

Les fondements de l’arthérapieSara PaintParis: L’Harmattan, 2008, 196 p.

La psychothérapie qui a pour cadre l’atelier d’art est une jeune profession qui a déjà fait ses preuves. Elle invite à réfléchir sur les questions que pose l’ex-périence fascinante et hétéroclite d’une œuvre d’art en train de se faire.Des éléments théoriques issus de la

psychologie et de la psychanalyse lui sont indispensables pour aborder les capacités créatives et expressives de chaque sujet et les obstacles qui s’opposent à leur épanouissement. Des notions venues de l’histoire de l’art et de l’esthétique lui sont nécessaires pour arbitrer les conditions dans lesquelles la créativité artisti-que peut être un facteur d’intégration active de l’individu dans la culture et dans la société.Une pratique bien fondée n’est pas seulement un moyen d’en-richir le travail de l’arthérapeute: elle ouvre aussi un champ de réflexion original incluant le corps et le sensible, l’institué et l’imaginaire, l’art et la séduction, l’archaïque et l’actuel, la réa-lité et la fiction.Agrégée de philosophie et psychologue, Sara Pain s’est consa-crée aux troubles de l’apprentissage et de la créativité, à partir de la théorie piagétienne et de la psychanalyse.

Handicaps et sexualitésSous la direction de Marcel NussParis: Dunod, 2008, 260 p.

Nos sociétés ont par rapport à la ques-tion de la sexualité des personnes han-dicapées une position paradoxale. Alors qu’on ne cesse de proclamer le droit des personnes dépendantes à l’égalité des chances dans tous les domaines, on pei-ne encore à reconnaître l’accompagne-ment à la vie affective et sexuelle comme

un véritable sujet de société. Et ce malgré la grande détresse des personnes concernées.En effet le débat soulève des problèmes tout à la fois d’ordres éthique, technique, médical, juridique et économique, mais il nous renvoie surtout à nos tabous ainsi qu’à nos représentations des personnes en situation de handicap.Marcel Nuss nous livre ici le premier recueil de témoignages intimes de personnes handicapées, mais aussi de soignants, de conjoints, d’accompagnateurs sexuels étrangers, d’institution-nels, de philosophes et de juristes. Il nous permet ainsi de faire un point exhaustif et honnête sur la question.

La grande vulnérabilité: fin de vie, personnes âgéeshandicap: esquisse d’une éthique de l’accompagnementSylvie PandeléParis: Seli Arslan, 2008, 126 p.

L’accompagnement d’une personne placée en situation de grande vulnéra-bilité du fait d’altérations importantes de ses fonctions supérieures ne va pas de

soi: c’est une rencontre à haut risque, pour l’un, comme pour l’autre. Le monde de la grande vulnérabilité déploie en effet un univers d’étrangeté, voire d’extrêmes, où les notions d’action, de soin et d’accompagnement semblent vouées à perdre sens.Ce livre s’attache à explorer les enjeux de cette rencontre sin-gulière qui se noue entre une personne marquée par le grand âge, le handicap profond ou la maladie grave finissante et celui qui a pour mission d’en prendre soin. De cette confrontation à l’insupportable et au non-sens émerge l’exigence forte d’une éthique spécifique de l’accompagnement.Quels sont les valeurs et les préceptes dont pourra - et devra - se réclamer cette pratique d’accompagnement? Quand le respect et la sollicitude, pourtant si traditionnellement érigés en valeurs phares de la relation de soin, échouent à éclairer l’univers in-cohérent de la grande vulnérabilité, il est besoin de forger un nouveau principe d’action: celui de la vigilance éthique.

Corps, acte et symbolisation: psychanalyse aux frontières Sous la direction de Bernard Chouvier et René RoussillonBruxelles: De Boeck, 2008, 184 p.

Cet ouvrage collectif se propose d’actualiser la question de la place du corps et de l’acte dans la vie psychique: la voie somati-que apparaît tantôt comme un retour régressif à une expressivité archaïque de l’affect, tantôt comme un recours.Il s’agit de comprendre l’évolution des pathologies actuelles où le corps s’épuise à dire l’inexprimable ainsi que d’interpréter les pathologies de l’agir, tant au niveau individuel que groupal.Destiné à tous les professionnels du soin psychique (psycholo-gues cliniciens, psychiatres, psychanalystes et psychothérapeu-tes), ce texte intéressera également les étudiants en psychologie (Master et Doctorat), en spécialité médicale (psychiatrie et pé-dopsychiatrie), ainsi que les étudiants des écoles d’éducateurs spécialisés et assistants sociaux.Bernard Chouvier est Professeur de Psychologie clinique à l’Université Lu-mière Lyon 2. Il dirige également le CRPPC (Centre de recherches en psy-chopathologie et psychologie clinique), rattaché à l’Institut de psychologie. René Roussillon est psychanalyste. Eminent membre de la Société psychana-lytique de Paris, il enseigne la psychologie à L’université Lyon.

Page 25: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

��

Séminaires, colloques et formations

Les émotions des professionnels et des clientsQu’en dire? Qu’en faire? Ouverture sur quelques préoccupations éthiquesChristiane BessonCours Améthyste No 31723 et 24 juin 2008Centre paroissial de LucensRenseignements et inscriptions: Christiane BessonTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

Le coach, le superviseur, l’aidantQuel rôle? Quel statut? Quelle autorité?Jacques DekoninckCours Améthyste No 30725, 26 et 27 juin 2008Centre paroissial de LucensRenseignements et inscriptions: Christiane BessonTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

Borderline: troubles de la personnalité chez la personne handicapée mentaleFrancis Ritz, psychiatre, thérapeute de famille3 et 4 juillet ou 18 et 19 août 2008Formation EPI (GE)Institut La Combe, Route d’Hermance 63, Collonge-BelleriveRenseignements et inscriptions:Tél. +41 22 855 93 00 - [email protected]

Stratégies éducatives avec les personnes atteintes d’autismeMyriam Ravessoud et Marc Segura1, 8 et 15 septembre 2008Cours organisé par le Service de la formation continue de l’Université de Fribourg, en col-laboration avec Autisme suisse romandeLieu: Université de FribourgRenseignements et inscriptions:Service de la Formation continue, Uni, FribourgTél. +41 26 300 73 47 - www.unifr.ch/formcont

Initiation à l’approche SnoezelenJean Bruning, ergothérapeute5 septembre 2008Formation EPI (GE)Résidence de ThônexAvenue Adrien-Jeandin 34, Thônex (GE)Renseignements et inscriptions:Tél. +41 22 855 93 00 - [email protected]

Gestion des troubles de comportement chez les personnes atteintes d’autisme: formation pratiqueEric Willaye18 et 19 septembre 2008Cours organisé par Autisme suisse romandeCentre pluriculturel et social d’OuchyBeaurivage 2, 1006 LausanneRenseignements et inscriptions:Autisme suisse romande, Av. de Rumine 2, LausanneTél. +41 21 341 93 21 - [email protected]

Ecouter et être écoutéLa disponibilité dans l’urgence du quotidienJocelyne Huguet ManoukianCours Améthyste No 31823 et 24 septembre 2008Centre paroissial de LucensRenseignements et inscriptions: Christiane BessonTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

La confiance en soi: un atout professionnelOser s’affirmer et s’exprimerChristiane BessonCours Améthyste No 30829 et 30 septembre 2008Centre paroissial de LucensRenseignements et inscriptions: Christiane BessonTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]

Autisme et communicationHilde de Clercq et Théo PeetersCours organisé par Autisme suisse romande30 septembre, 1er et 2 octobre 2008EPI - Etablissements pour l’Intégration,Route de Collonges 63, 1245 Collonge-BelleriveRenseignements et inscriptions:Autisme suisse romande, Av. de Rumine 2, LausanneTél. +41 21 341 93 21 - [email protected]

L’intelligence émotionnelle dans le travail d’équipeDaniel BoisvertEn collaboration avec Espace CompétencesCours Améthyste No 3096 et 7 octobre 2008Centre paroissial de LucensRenseignements et inscriptions: Christiane BessonTél. +41 26 668 02 78 - [email protected]://www.amethyste-perf.ch

Page 26: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

ASA-HANDICAP MENTALPropose dès la rentrée scolaire 2008, dans les cantons de Genève, Vaud et Valais, des

RENCONTRES PERIODIQUESPROFESSIONNELS, PARENTS ET PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP

Donnons-nous la parole!

-Commentreconnaîtrelesobstaclesquiempêchentledialoguevéritable...? -Commentdistinguerledroitdesavoiretlacuriosité...? -Commentrespecterledroitdedireoudenepasdire...? -Commentdonnerlaparoleàlapersonneensituationdehandicap,savoirl’écouter...? -Commentfairecomprendreàmespartenairesquejeleurfaisconfiance...? -Commentaccepterdenepasêtreleseuldétenteurdelavérité...? -Commentaccorderassezdetempsdeparoleàl’autre...? -Commenttenircomptedevaleursquinesontpasforcémentlesmiennes...? -Commentéviterdejuger,d’êtrepiégé(e)pardesapriori...?

Participez et faites participer!

Renseignements et inscriptions:www.asa-handicap-mental.ch - [email protected] - Tél. +41 27 322 67 55

ARTHEMO 5e Festival Arthemo du 11 au 13 septembre 2009 Morges/VD Art et Handicap mental Dernierappel!

Pour proposer vos spectacles, vos concerts, vos œuvres artistiques ou participer au concours de dessins pour l’affiche du Festival Arthemo 2009

Délai d’inscription: 30 juin 2008 www.arthemo.ch

Renseignements et bulletins de participation: ASA-Handicap Mental Rue des Casernes 36 - CP 4016 - CH 1950 Sion 4 Tél. +41 27 322 67 55 – Fax +41 27 322 67 65 [email protected] www.asa-handicap-mental.ch

Page 27: PAGES ROMANDES - La communication facilitee

Je m’appelle Corrinne, je vis dans un studio rattaché à une institution dans les hauts de Vevey.J’ai 41 ans, j’aime la marche, le vélo, le cinéma, faire les boutiques, faire de la photo, la cuisine et manger. J’aime les gens qui prennent soin d’eux. Je souhaiterais rencontrer un homme entre 30 et 40 ans ayant les mêmes passions que moi pour partager nos loisirs.

Voici mon adresse:Corrinne DemierreGroupe les Jardins1806 St. Légier

La Fondation Coup d’pouceSéjours et Loisirs pour personnes vivant

avec un handicap mentalrecherchepourcetétéplusieurs

MONITRICES - MONITEURS

Lesséjoursontlieudu19juilletau2août2008du26juilletau9août2008

Plus d’informations: www.coupdepouce.chFondation Coup d’pouce

Rue J.-L. Galliard 2, 1004 LausanneTél. 021 323 41 39 - [email protected]

Pour ses 10 ans, CREAHM - Fribourg s’ouvre à la ville, à la Suisse et à l’Europe

Le CREAHM, c’est quoi?

Depuis1998CREAHM-Fribourgmetàdispositiondepersonneshandicapéesunlieudetravailoùellespeuvententoutelibertés’exprimerdanslesdomainesdelapeinture,delagravureetdelasculpture,etàtitreexpérimental(2003/04)dansledomaineduthéàtre.Uneparfaiteconnivenceentrelesanimateursdel’atelierdepeintureetlesartistespermetàcesderniersdesefami-liariserauxdifférentestechniquesetd’entirerleplusgrandprofit.Cettecomplicitéstimulelesartistesquiontsudévelopperleurproprelangageetprésenteravecunréeltalentunmondeintérieurextrêmementricheetcoloré.Aujourd’hui,onpeutdirequel’atelierestàl’originedel’épanouissementde12artistesfaisantaujourd’huipartieintégrantedumondeartistiquefribourgeois.

Des projets, des expositions, un livre

Art en voyage

-Uneinvitationà9ateliersd’artdifférenciéenEurope-GrandeexpositionauKaléidoscope,bddePérolles,Fribourg,du10octobreau16novembre2008-Conférences,ateliersetconcertsde«DieRegierung»les7et8novembreauNouveauMonde

CREAHM expose en ville

-Octobre2008:40grandesaffichesoriginales,réaliséespartouslesartistes,serontexposéesenvilledeFribourg

Un livre

-Présentationenimagesdesoeuvresde14artistesdansunlivre;sortieprévuepourleversissagede«Artenvoyage»

Prévenir les handicaps et les retards de développements

Colloque Franco-Québécoisàl’intentiondesmédecinsetdesprofessionnelsdelasanté

3 octobre 2008, MontréalPlus d’informations: Tél. (450) 438-3583, poste 228 - courriel: [email protected] - site: www.fpsm.qc.ca


Recommended