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Place de l’IRM dans le bilan initial des formes précoces de ...de la mammographie et de...

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12 | La Lettre du Sénologue N o 66 - octobre-novembre-décembre 2014 Place de l’IRM dans le bilan initial des formes précoces de cancer du sein Part of breast MRI in the initial diagnosis of early stage breast cancer J. Arfi-Rouche*, C. Balleyguier* L’ imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique d’imagerie pouvant être réalisée à toutes les étapes de la prise en charge des lésions mammaires, du dépistage jusqu’au suivi après traite- ment. Actuellement, l’IRM est de plus en plus réalisée pour le bilan d’extension locorégionale initial du cancer du sein, en particulier dans les situations où le couple mammographie/échographie manque de performance. Rappels : épidémiologie et histologie du cancer du sein Selon le rapport de l’Institut national du cancer (INCa) de 2013, on a dénombré, en France métropolitaine en 2012, 48 763 nouveaux cas de cancer du sein et 11 886 décès, soit un taux de mortalité de 15,7 pour 100 000 femmes. Il existe 2 types histologiques de tumeurs du sein : les tumeurs épithéliales et les tumeurs non épithéliales (lymphomes, sarcomes et métastases intramammaires). Parmi les cancers épithéliaux, on distingue : les cancers in situ (15 à 20 % des cancers du sein) − 85 % de carcinomes canalaires in situ (CCIS) et 15 % de carcinomes lobulaires in situ (CLIS) ; les cancers infiltrants − 75 % de carcinomes canalaires infiltrants (CCI), les carcinomes lobulaires infiltrants (CLI), les carcinomes mucineux, papillaires, tubuleux, etc. Stratégie diagnostique actuelle du cancer du sein Circonstances de découverte La mammographie double incidence est l’examen de référence pour le dépistage et le diagnostic du cancer du sein. Lorsque la densité mammaire est élevée, ses performances sont limitées, et un complément d’exploration par échographie mammaire est recom- mandé. Le diagnostic de cancer est histologique, il ne peut être porté qu’à la suite d’un prélèvement biopsique. Dépistage national Depuis 2004, le programme national de dépistage est proposé gratuitement aux femmes âgées de 50 à 74 ans et comprend un examen clinique et une mammographie de dépistage tous les 2 ans avec une double lecture systé- matique en l’absence de lésion suspecte. Cette dernière permet de rattraper 3 % de mammographies présen- tant des lésions suspectes à explorer. En 2010, le taux de cancers du sein détectés était de 7 ‰, dont 76 % sans envahissement ganglionnaire. En 2012, le taux de parti- cipation était de 52,7 %, or un taux de 70 % est attendu pour pouvoir réduire la mortalité. Ce programme exclut les femmes présentant des facteurs de risque importants : femmes présentant une mutation génétique BRCA1, BRCA2 ou P53 et celles ayant une forte proba- bilité d’être porteuses d’une mutation ; femmes présentant un facteur de risque histo- logique (néoplasie lobulaire in situ, hyperplasie cana- laire atypique) ; femmes ayant un antécédent personnel de cancer du sein. Cas particulier du dépistage individuel par IRM Plusieurs études prospectives ont montré une nette supériorité du dépistage par IRM versus le couple mammographie/échographie chez les femmes * Département de radiologie, Gustave-Roussy, Cancer Campus, Grand Paris. DOSSIER Le cancer du sein précoce
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12 | La Lettre du Sénologue • No 66 - octobre-novembre-décembre 2014

Place de l’IRM dans le bilan initial des formes précoces de cancer du seinPart of breast MRI in the init ial diagnosis of early stage breast cancer

J. Arfi-Rouche*, C. Balleyguier*

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est une technique d’imagerie pouvant être réalisée à toutes les étapes de la prise en charge des lésions

mammaires, du dépistage jusqu’au suivi après traite-ment. Actuellement, l’IRM est de plus en plus réalisée pour le bilan d’extension locorégionale initial du cancer du sein, en particulier dans les situations où le couple mammographie/échographie manque de performance.

Rappels : épidémiologie et histologie du cancer du seinSelon le rapport de l’Institut national du cancer (INCa) de 2013, on a dénombré, en France métropolitaine en 2012, 48 763 nouveaux cas de cancer du sein et 11 886 décès, soit un taux de mortalité de 15,7 pour 100 000 femmes.Il existe 2 types histologiques de tumeurs du sein : les tumeurs épithéliales et les tumeurs non épithéliales (lymphomes, sarcomes et métastases intramammaires). Parmi les cancers épithéliaux, on distingue :

➤ les cancers in situ (15 à 20 % des cancers du sein) − 85 % de carcinomes canalaires in situ (CCIS) et 15 % de carcinomes lobulaires in situ (CLIS) ;

➤ les cancers infiltrants − 75 % de carcinomes canalaires infiltrants (CCI), les carcinomes lobulaires infiltrants (CLI), les carcinomes mucineux, papillaires, tubuleux, etc.

Stratégie diagnostique actuelle du cancer du seinCirconstances de découverte

La mammographie double incidence est l’examen de référence pour le dépistage et le diagnostic du cancer du sein. Lorsque la densité mammaire est élevée,

ses performances sont limitées, et un complément d’exploration par échographie mammaire est recom-mandé. Le diagnostic de cancer est histologique, il ne peut être porté qu’à la suite d’un prélèvement biopsique.

Dépistage national

Depuis 2004, le programme national de dépistage est proposé gratuitement aux femmes âgées de 50 à 74 ans et comprend un examen clinique et une mammographie de dépistage tous les 2 ans avec une double lecture systé-matique en l’absence de lésion suspecte. Cette dernière permet de rattraper 3 % de mammographies présen-tant des lésions suspectes à explorer. En 2010, le taux de cancers du sein détectés était de 7 ‰, dont 76 % sans envahissement ganglionnaire. En 2012, le taux de parti-cipation était de 52,7 %, or un taux de 70 % est attendu pour pouvoir réduire la mortalité. Ce programme exclut les femmes présentant des facteurs de risque importants :

➤ femmes présentant une mutation génétique BRCA1, BRCA2 ou P53 et celles ayant une forte proba-bilité d’être porteuses d’une mutation ;

➤ femmes présentant un facteur de risque histo-logique (néoplasie lobulaire in situ, hyperplasie cana-laire atypique) ;

➤ femmes ayant un antécédent personnel de cancer du sein.

Cas particulier du dépistage individuel par IRM

Plusieurs études prospectives ont montré une nette supériorité du dépistage par IRM versus le couple mammographie/échographie chez les femmes

* Département de radiologie, Gustave-Roussy, Cancer Campus, Grand Paris.

DOSSIERLe cancer

du sein précoce

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Résumé

jeunes porteuses de mutations génétiques. Les performances de l’IRM varient entre 77 et 95 %, contre moins de 50 % pour les techniques d’ima-gerie conventionnelle (1). Les faux négatifs de l’IRM dans ces études sont principalement des foyers de microcalcifications malins, c’est pourquoi il reste indispensable de réaliser systématiquement une mammographie. Il est également fondamental de réaliser une échographie ciblée de seconde intention ou des clichés complémentaires après l’IRM, car dans 50 % des cas la lésion sera retrouvée malgré un bilan initial négatif. Dans les autres cas, il faut proposer une biopsie du sein guidée par IRM. Dans cette popu-lation à très haut risque de cancer du sein, l’IRM mammaire de dépistage est recommandée à partir de 30 ans selon un rythme annuel, en complément de la mammographie et de l’échographie (Haute Autorité de santé [HAS], 2014).Recommandations de l’European Society of Mastology (EUSOMA) de 2010 pour la réalisation d’une IRM mammaire annuelle de dépistage après 30 ans (2) :

➤ patientes présentant des mutations BRCA1, BRCA2 ou P53 ;

➤ patientes non testées ayant une apparentée au premier degré avec une mutation prouvée (risque de 50 % de mutation BRCA1, BRCA2 ou P53) ;

➤ patientes non testées ou avec des tests non conclusifs pour une mutation BRCA avec un risque absolu cumulé supérieur ou égal à 20 à 30 % ;

➤ patientes ayant reçu une radiothérapie thoracique en mantelet avant l’âge de 30 ans, la première IRM de suivi devant être faite 8 ans après leur irradiation.

Bilan d’extension actuel

La stratégie thérapeutique dépend du bilan d’exten-sion, qui ne doit pas retarder la prise en charge de la patiente. Il est le plus souvent réalisé à partir des mammographies initiales ainsi qu’avec une échographie mammaire et axillaire. Ce bilan a pour objectif de déterminer la taille de la lésion, de rechercher une multifocalité (seconde lésion dans le même quadrant), une multicentricité (seconde localisation dans un quadrant différent), d’éliminer une atteinte controlatérale et de recher-

cher une atteinte ganglionnaire associée (axillaire ou mammaire interne).L’IRM mammaire est de plus en plus prescrite pour le bilan d’extension locorégionale, cependant sa place est actuellement controversée pour les formes précoces de cancer du sein.

Place de l’IRM dans le bilan d’extension locorégionale du cancer du sein

Le bilan d’extension locorégionale est devenu essen-tiel depuis l’avènement des techniques de chirurgie conservatrice, afin de permettre une résection carcino logiquement satisfaisante et un résultat cosmétique acceptable.

Performances de l’IRM pour l’évaluation des paramètres morphologiques du cancer

◆ Taille, volume et atteinte musculaire ou cutanéeDe nombreuses études ont démontré la supério-rité de l’IRM sur les autres techniques d’imagerie dans l’évaluation du volume tumoral, notamment lorsque la densité mammaire est élevée. La taille tumorale estimée à l’IRM est la mieux corrélée à celle retrouvée sur la pièce histologique (HAS, 2010). On estime toutefois que l’IRM surestime d’environ 10 % la taille de la pièce histologique. L’IRM permet également de confirmer une atteinte pectorale ou cutanée en cas de doute sur l’imagerie conventionnelle.

◆ Multifocalité et multicentricitéL’IRM, associée à l’examen clinique, à la mammo-graphie et à l'échographie, est plus performante que l’imagerie conventionnelle seule pour la détec-tion de la multifocalité et/ou de la multicentricité (figure 1, p.14). Elle détecte une lésion supplé-mentaire non vue à la mammographie/échographie chez 1 patiente sur 5, avec une sensibilité de 100 % (HAS, 2010).

L’IRM a déjà fait la preuve de ses performances concernant la détection de lésions multifocales, multi-centriques ou controlatérales lors du bilan d’extension locorégionale du cancer du sein. Cependant, son utilisation systématique en pratique quotidienne ne sera pas validée tant que des études randomisées n’auront pas montré un gain en survie globale ou en survie sans récidive. À ce jour, il est fondamental de connaître les recommandations de la Haute Autorité de santé et de poser l’indication du bilan d’extension locorégionale du cancer du sein par IRM en réunion de concertation pluridisciplinaire afin d’éviter un risque important de sur-traitement lié aux faux positifs dus à la faible spécificité de l’IRM.

Mots-clés IRM

Dépistage

Bilan d’extension

Carcinome in situ

Carcinome infiltrant

SummaryBreast MRI has emerged as having good performances for the detection of multifocal, multicentric or controlateral lesions in breast cancer. It has a central role in the therapeutic strategy of breast cancer. However, MRI for locoregional checkup remains controver-sial because of false positive additional lesions and thus, the risk of an increasing number of radical surgeries.MRI-guided biopsy is neces-sary for any breast lesions non visible by other imaging modal-ities before any treatment deci-sion. A clear understanding of valid indications and selection criteria is necessary to use this technique appropriately.

KeywordsMRI

Screening

Staging

Carcinoma in situ

Invasive carcinoma

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Cependant, N. Houssami indique dans une méta-analyse une valeur prédictive positive (VPP) de l’IRM de 66 % pour la détection de lésions supplémentaires avec 30 % de faux positifs (3). Ainsi, il est fondamental de disposer d’une preuve histologique pour toute lésion additionnelle.

◆ Atteinte controlatéraleL’IRM est également plus performante que le couple mammographie/échographie pour l’évaluation de la bilatéralité. En effet, elle permet de détecter 3 à 4 % de cancers du sein controlatéraux qui ne l’ont pas été par l’imagerie conventionnelle, dont un tiers de lésions in situ. La VPP de l’IRM reste faible pour l’appréciation de la bilatéra-lité (VPP < 50 %) [HAS, 2010]. On notera que le risque cumulé de cancer controlatéral est d’environ 0,5 % par an ; ce faible risque est lié aux traite-ments systémiques administrés pour le cancer du sein initial. Ainsi, on ne peut statuer sur l’utilité de réaliser une IRM mammaire uniquement pour l’étude du sein controlatéral (HAS, 2010).

◆ Atteinte ganglionnaire (axillaire et mammaire interne)Peu d’études ont évalué les performances de l’IRM dans le diagnostic de métastases au niveau des ganglions axillaires. Elle reste en tout cas moins performante que la biopsie du ganglion sentinelle pour la détection des micrométastases.

Impact pronostique de l’IRM

Actuellement, il n’existe que 2 études rétro-spectives sur les effets à long terme de l’IRM mammaire dans le bilan d’extension locorégionale en termes de récidive locale et de survie (4, 5). Les récidives seraient plus fréquentes sans IRM et la survie serait identique dans les groupes avec et sans IRM. Ces études ne permettent pas de conclure quant à l’impact pronostique de l’IRM mammaire pour le bilan d’extension du cancer du sein (HAS, 2010). Cependant, il paraît très difficile de mettre en place des études prospectives avec une large population de patientes dans cette indication. On sait aujourd’hui que la survenue d’une récidive locale est un témoin de mauvais pronostic à long terme, et que, en réduisant le risque de récidive locale, l’IRM pourrait probablement également modifier le pronostic à long terme. Cela reste à prouver statistiquement.

Impact thérapeutique de l’IRM

La présence de marges de sécurité positives est un facteur indépendant de la récidive locale, la reprise chirurgicale qu’elle entraîne peut engendrer des complications locales, un retard à l’administration de traitements adjuvants, un résultat moins esthétique et un surcoût de la procédure chirurgicale.

Figure 1. Carcinome canalaire infi ltrant multifocal du quadrant inféro-externe du sein droit. A. Mammographie de face : syndrome de masse des quadrants externes. B. IRM acquisition sagittale en séquence T1 Fat Sat après injection de chélates de gadolinium, lésions multifocales. C. Reconstruction en projection MIP (Maximum Intensity Projection) : masses multifocales occupant tout le quadrant inféro-externe.

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La réalisation d’une IRM dans le cadre du bilan d’exten-sion locorégionale du cancer du sein entraîne un chan-gement de la stratégie thérapeutique chirurgicale dans 9 à 40 % des cas en fonction des études. Dans 0 à 22 % des cas, ces modifications ne sont pas justifiées, cela est dû à la faible VPP de l’IRM (HAS, 2010).COMICE (6), dont les résultats ont été publiés en 2010, est une étude prospective, randomisée et multi-centrique ayant pour objectif principal de déterminer si la réalisation d’une IRM mammaire dans le cadre du bilan d’extension locorégionale chez des femmes pour lesquelles une tumorectomie est programmée permet de diminuer le taux de réinterventions. Il s’avère que la réalisation d’une IRM ne réduit pas le taux de réinter-ventions chez ces patientes. Cependant, nous ne dispo-sons pas d’un recul suffisant pour évaluer leur survie à long terme. Cette étude avait toutefois d’importants défauts de méthodologie (notamment quant au critère de jugement, qui était la taille des marges tumorales), et a été critiquée largement dans la littérature. Ses conclusions doivent donc être regardées avec réserve.

Influence de l’IRM mammaire en fonction du sous-type histologique

◆ Carcinomes canalaires in situQuatre-vingt-dix pour cent des CCIS détectés en imagerie sont des foyers de microcalcifi-

cations diagnostiqués en mammographie (7). Quel que soit le grade tumoral, la taille tumorale estimée en IRM est mieux corrélée à la pièce histo-logique que la taille estimée en mammographie (HAS, 2010). De plus, l’IRM permet de détecter 20 % de lésions homolatérales non visibles initia-lement (figure 2) [8]. L’analyse extemporanée des marges d’exérèse n’est pas fiable dans les CCIS, or des marges positives (< 1 mm) sont le facteur de risque le plus important de récidive. Malgré une survie globale (SG) à 10 ans supérieure à 95 %, le taux de récidive invasive peut atteindre 13 % selon le traitement (9), ainsi il est fondamental d’assurer une exérèse complète. Les résultats de l’étude française prospective et multicentrique IRCIS sont attendus en 2015. Cette étude a pour objectif d'évaluer si la réalisation d’une IRM pré-opératoire permet de réduire le taux de reprise chirurgicale des CCIS limités. Elle a obtenu un PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique) en 2009.En 2007, au cours d’une étude prospective, C.D. Lehman a évalué les performances diagnostiques de l’IRM pour la détection de cancers occultes contro-latéraux (10). Parmi les patientes atteintes d’un CCIS, la fréquence de détection d’un cancer controlatéral était de 12 %, soit une sensibilité de 71 %, une spéci-ficité de 90 %, une valeur prédictive négative (VPN) de 99 % et une VPP de 21 %.

Figure 2. Carcinome canalaire in situ à l’union des quadrants externes du sein gauche. A. Mammographie, cliché agrandi de profil, petit foyer de microcalcifications polymorphes ACR5. B. IRM acquisition sagittale en séquence T1 Fat Sat après injection de chélates de gadolinium, lésions multifocales avec rehaussement plus étendu que sur la mammographie. C. IRM acquisition axiale également après injection avec système de post-traitement.

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DOSSIER

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Concernant la survie, il n’existe qu’une étude rando-misée : sur les 136 CCIS inclus, il n’y avait aucune différence à 8 ans en termes de récidive locale et de survie avec ou sans IRM préopératoire (5).Cependant, la SG d’une patiente atteinte de CCIS étant déjà proche de 100 %, il sera probablement très difficile de prouver que la détection des CCIS par l’IRM va l'améliorer. Au total, l’IRM mammaire présente une sensibilité d’environ 90 % pour le diagnostic de CCIS et pour la détection de cancers occultes. Cependant, la VPP de 21 % rapportée résulte d’un nombre élevé de faux posi-tifs. L’IRM ne semble pas modifier le taux de récidive locale, et sa réalisation dans le bilan d’extension reste toujours très controversée.

◆ Carcinomes lobulaires in situLes CLIS représentent 0,5 à 3,8 % des cancers du sein et 10 à 15 % des cancers du sein in situ, leur prise en charge est actuellement peu standardisée et la place de l’IRM peu évaluée dans cette indication.

◆ Carcinomes canalaires infiltrantsPlusieurs études ont porté sur l’intérêt de l’IRM dans le bilan préopératoire du CCI. En 2004, W.A. Berg a montré une sensibilité de l’IRM de 95 % pour la détection des CCI, la présence d’atteintes multi-focales ou multicentriques dans 20 % des cas et de lésions dans le sein controlatéral dans 5 % des cas (11). La réalisation d’une IRM dans le bilan pré-opératoire modifie la prise en charge dans 24 % des cas (12). Enfin, l’IRM permet une bonne apprécia-tion de la composante intracanalaire des carcinomes infiltrants (13).

◆ Carcinomes lobulaires infiltrantsLe CLI, volontiers multifocal et bilatéral, est souvent sous-estimé en mammographie. L’intérêt de l’IRM dans sa prise en charge initiale a été largement docu-menté dans la littérature, notamment dans la méta-analyse de R.M. Mann en 2008 qui rapporte 32 % de lésions additionnelles homolatérales uniquement visibles à l’IRM et un changement de stratégie chirur-gicale dans 28,3 % des cas (14). Cependant, l’intérêt de l’IRM restait controversé à cause du retard théra-peutique impliqué (échographie ciblée de seconde intention, biopsies) et d’un risque chirurgical encore plus radical. En 2010, R.M. Mann a réalisé une étude rétrospective sur 99 patientes ayant bénéficié d’une IRM initiale et sur 168 patientes sans IRM initiale (15). Le taux de reprise chirurgicale était diminué de manière significative dans le groupe avec IRM : 5 versus 15 % (p = 0,014). Le taux de mastectomies initiales était

identique : 45 % dans le groupe IRM versus 46 % dans le groupe sans IRM initiale (p = 0,753). Dans cette étude, le temps de réalisation de l’IRM puis de la chirurgie était de moins de 40 jours, ce qui était équivalent au groupe sans IRM. En revanche, en cas de reprise chirurgicale, on notait un retard pour le début des traitements postopératoires et un surcoût (15). La balance bénéfice/risque semble donc en faveur de l’IRM pour le bilan d’extension locorégionale des CLI en améliorant l’évaluation de l’extension tumo-rale et en abaissant de façon significative le taux de reprise chirurgicale sans augmenter le nombre de mastectomies.L’IRM est actuellement indiquée dans les recommanda-tions de l’EUSOMA pour le bilan d’extension des CLI (2).

Effets délétères et limites de l’IRMLa réalisation d’une IRM mammaire dans le bilan d’exten sion locorégionale du cancer du sein reste controversée, cette conclusion est principalement fondée sur les résultats de la méta-analyse de M.N. Plana publiée en 2012 (16), qui a également pris en compte les 2 seuls essais randomisés (IRM versus absence d’IRM initiale) COMICE (6) et MONET (17). M.N. Plana rapporte un pourcentage de 20 % de lésions additionnelles dans les groupes IRM avec une VPP de malignité de 67 % (soit 1 lésion maligne sur 3 lésions additionnelles). Il est nécessaire de pouvoir proposer aux patientes une biopsie guidée par IRM en cas de suspicion de lésion maligne supplémentaire si elle ne peut être mise en évidence par les techniques conven-tionnelles. Dans l’essai COMICE, le taux de reprise chirurgicale à 6 mois était de 19,3 % dans le groupe sans IRM et de 18,8 % dans le groupe avec IRM. Ainsi, la réalisation d’une IRM mammaire ne réduisait pas le taux de réintervention. Les limites de l’IRM sont : une prise de contraste faible ou retardée dans le temps en cas de composante fibreuse, de lésion in situ ou en l’absence de stroma-réaction ; la non-caractérisation d’une composante micro-infiltrante ; la non-détection possible d’une composante in situ associée à un cancer infiltrant. L’IRM ne permet pas de diagnostiquer les foyers de microcalcifications malins, et la réalisation d’une mammographie reste indispensable. Les faux négatifs de l’IRM sont essentiellement dus à un rehaus-sement glandulaire de fond masquant (figure 3), aux artefacts de mouvement ou encore à une mauvaise injection. Enfin, le parc d’IRM en France est actuelle-ment insuffisant de même que les sites capables de réaliser des biopsies mammaires sous IRM.

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DOSSIERLe cancer

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Indications reconnues de l’IRM mammaire pour le bilan d’extension locorégionale du cancer du sein

Selon les recommandations de la HAS de 2010, l’IRM est indiquée dans les situations où la mammographie manque de performance.

➤ Sur le sein homolatéral : • en cas de discordance entre la clinique, la mammo-

graphie et l’échographie pouvant entraîner une modi-fication de la prise en charge thérapeutique ;

• en cas de choix thérapeutiques difficiles (chirurgie oncoplastique, traitement conservateur ou mastec-tomie, traitement néo-adjuvant) ;

• chez les femmes de moins de 40 ans ; • chez les femmes à haut risque familial de cancer du sein.

➤ Sur le sein controlatéral, aucune donnée ne permet d’affirmer ni d’infirmer l’utilité de la réalisa-tion d’une IRM mammaire.En pratique quotidienne, l’IRM dans le bilan d’exten-sion d’un cancer du sein est proposée en cas de diffi-culté d’analyse ou de haut risque de multifocalité. Selon les recommandations de l’EUSOMA de 2010 (2), l’IRM est recommandée dans les cas suivants :

➤ cancer lobulaire infiltrant ; ➤ femme jeune de moins de 40 ans ou avec seins

denses ; ➤ discordance de taille de plus de 1 cm entre la

mammographie et l’échographie ; ➤ certains cancers de haut grade ; ➤ maladie de Paget du mamelon ; ➤ adénopathies axillaires métastatiques avec

mammographie et échographie normales.

Conclusion

La réalisation d’une IRM mammaire dans le bilan d’extension locorégionale du cancer du sein doit reposer sur une décision multifactorielle s’intégrant dans une prise en charge globale de la patiente. Elle doit être réalisée dans des situations définies (recommandations de la HAS et de l’EUSOMA en 2010) afin de réduire les faux positifs dus à la grande sensibilité de cette technique. En effet, sa réalisation entraîne une augmentation du nombre de mastec-tomies totales, et cette stratégie chirurgicale ne doit être envisagée qu’après une preuve histologique de la multifocalité ou de la multicentricité. La réalisa-tion et l’interprétation d’une IRM mammaire sont indissociables de l’analyse de l’ensemble du dossier de la patiente (interrogatoire, examen clinique, mammographies et échographies). n

Figure 3. IRM mammaire axiale séquence T1 Fat Sat après injection de gadolinium. Rehaussement glandulaire de fond masquant une éventuelle lésion suspecte.

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5. Solin LJ, Orel SG, Hwang WT et al. Relationship of breast magnetic resonance imaging to outcome after breast-conservation treatment with radiation for women with early-stage invasive breast carcinoma or ductal carcinoma in situ. J Clin Oncol 2008;26(3):386-91.

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Références bibliographiques

J. Arfi-Rouche déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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