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Programme des subventions ROCARE pour la recherche en ... des langues nationales dans... · ......

Date post: 17-May-2018
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1 Programme des subventions ROCARE pour la recherche en éducation / ERNWACA Research Grants Programme Edition 2008 TITRE : L’INTRODUCTION DES LANGUES NATIONALES DANS LE SYSTEME EDUCATIF FORMEL. ENTRE MEDIUM DE COMMUNICATION ET OUTILS D’APPRENTISSAGES SCOLAIRES Chercheurs Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO Ibrahima SAMBA Pape Elimane FAYE Caroline CLAVERANE Parrain : Pr. BOUBAKAR LY, Maître de conférences, Département de Sociologie, Université Cheikh Anta Diop (UCAD) Pays : Sénégal Recherche financée par le Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education (ROCARE) Avec le soutien du projet Centre d’Excellence Régionale UEMOA et du Ministère des Affaires Etrangères des Pays Bas ROCARE / ERNWACA • Tel: (223) 221 16 12, Fax: (223) 221 21 15 • BP E 1854, Bamako, MALI Bénin • Burkina Faso • Cameroun • Centrafrique • Côte d’Ivoire • Gambia • Ghana • Guinée • Mali • Mauritanie • Niger • Nigeria • Sénégal • Sierra Leone • Togo www.rocare.org
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Programme des subventions ROCARE pour la recherche en éducation /

ERNWACA Research Grants Programme

Edition 2008

TITRE : L’INTRODUCTION DES LANGUES NATIONALES DANS LE SYSTEME EDUCATIF FORMEL. ENTRE MEDIUM DE COMMUNICATION ET O UTILS

D’APPRENTISSAGES SCOLAIRES

Chercheurs

• Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO

• Ibrahima SAMBA

• Pape Elimane FAYE

• Caroline CLAVERANE

Parrain : Pr. BOUBAKAR LY, Maître de conférences, Département de Sociologie, Université Cheikh Anta Diop (UCAD)

Pays : Sénégal

Recherche financée par le

Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Edu cation (ROCARE)

Avec le soutien du projet Centre d’Excellence Régionale UEMOA

et du Ministère des Affaires Etrangères des Pays Bas

ROCARE / ERNWACA • Tel: (223) 221 16 12, Fax: (223) 221 21 15 • BP E 1854, Bamako, MALI

Bénin • Burkina Faso • Cameroun • Centrafrique • Côte d’Ivoire • Gambia • Ghana • Guinée • Mali • Mauritanie • Niger •

Nigeria • Sénégal • Sierra Leone • Togo

www.rocare.org

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Nous remercions Dr Oumar Barry et l’ONG GEN Sénégal ex- CRESP (Institution partenaire)

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ABREVIATIONS ACALAN : Académie Africaine des Langues ADEA : Association pour le Développement de l’Éducation en Afrique APE : Association des parents d’élèves CI : Cours d’initiation (1ère année) CE2 : Cours élémentaire 2 (4e année) CM2 : Cours moyen 2 (6e année) CP : Cours préparatoire (2e année) CT : Classe télévisuelle CNT : Classe non télévisuelle CRDI : Centre de recherche pour la documentation Internationale DPLN : Direction de la Promotion des Langues nationales IDEN : Inspection Départementale de l’éducation Nationale IA : Inspection d’Académie IFAN : Institut Fondamental d’Afrique Noire LN : Langue Nationale SEF : système éducatif formel ME : Maître expérimentateur

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SOMMAIRE

INTRODUCTION……………………………………………………………………………….…………………………………5

1. CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE …................... ..................................................6 2. PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE ……………… ………………..7 3. OBJECTIF DE L’ETUDE……………………………………………………………………8 4. DEFINITION DES CONCEPTS …………………………………………………………….9 5. APPROCHE METHODOLOGIQUE ……………………………………………………...10

5.1 Cadre de l’étude et population cible…………………………………………………………………………..10

5.2 Description des sites de recherche…………………………………………………………………………….10

5.3 L’échantillonnage………………………………………………………………………………………………………11

5. 4 La méthode de collecte de données………………………………………………………………………… .12

5. 5 Enquête de terrain et ses difficultés………………………………………………………………………12 6. L’ANALYSE DES DONNEES………………………………………………………………13

7. RESULTATS DE LA RECHERCHE……………………………………………… ………..14

7.1. Pilotage institutionnel: manque d’intelligibilité dans la distribution des rôles et

des prérogatives………………………………………………………………………………………………………...14

7.2. De la pusillanimité institutionnelle………………………………………………………………………15

7. 3. L’indisponibilité des intrants…………………………………………………………………………………..16

7. 4. De l’autoformation au bricolage quotidien………………………………………………………………17

7. 5. Tenir une classe bilingue : imposition ou importance du facteur biographique………18

7. 6. Motivation des enseignants……………………………………………………………………………………..19

7. 7. Une stigmatisation des enseignants expérimentateurs : le « maître wolof »…………….20

7. 8. Mobilisation sociale, sensibilisation des parents……………………………………………………..21

7. 9. Amalgames entre alphabétisation et langue de scolarisation ………………………………….22

7. 10 De la réticence des parents……………………………………………………………………………………..23

7. 11. La crédibilité de l’école en jeu………………………………………………………………………………. 24

7. 12 De l’enthousiasme des élèves………………………………………………………………………………….24

7. 13 Des performances scolaires satisfaisantes…………………………………………………………25

7. 14 Les LN, juste un medium de communication…………………………………………………………..26

7. 15 Cohabitations français/LN………………………………………………………………………………………27 8. Quelques conclusions…………………………………………………………………….. 28 9. RECOMMANDATIONS……………………………………………………………………...29 CONCLUSION GENERALE…………………………… ……………………………………...30 BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………….31 ANNEXES……………………………………………………………………………………….32

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INTRODUCTION

Le Sénégal est un pays francophone situé à l’ouest du continent Africain. C’est un pays

principalement caractérisé par la diversité ethnique et le multilinguisme avec une vingtaine de langues parlées. Ainsi, la constitution Sénégalaise du 07 janvier 2001 stipule que les langues nationales sont au nombre de six à savoir le wolof, le sérère, le pulaar, le diola, le mandingue et le soninké et toutes les autres langues qui seraient codifiées. En effet, la place qu’occupe l’éducation dans le processus de développement des pays d’Afrique subsaharienne est sans conteste primordiale. Confrontés pendant longtemps à des fléaux (pauvreté, guerre civile, fort taux d’analphabétisme, déperdition scolaire, baisse du niveau), ces pays se voient contraints d’investir dans l’éducation et la formation des jeunes. Sous ce rapport, la conférence mondiale sur l’Education pour Tous tenue à Jomtien (Thaïlande) en 1990 marque un tournant décisif quant à la prise en compte des besoins éducatifs fondamentaux. En effet, la pertinence et la qualité de l’éducation impliquent nécessairement la reconnaissance et l’adoption d’une langue comprise par le bénéficiaire. Pour répondre à cette exigence, des politiques éducatives ont été élaborées oscillant entre échecs et parfois quelques motifs de satisfaction. Ainsi, le souci d’atteindre les objectifs du millénaire pour le développement dans le domaine de l’éducation, a fait resurgir la pertinence de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif en Afrique.

C’est à cette question que nous nous intéressons dans cette étude. En effet, les

tentatives d’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel notées depuis plusieurs années se sont toujours soldées par des échecs à cause d’une absence de maîtrise des objectifs. L’émergence du discours pour la promotion des langues nationales connaît un essor qui a cautionné une nouvelle mise à l’essai des langues nationales à l’école primaire en 2002. Pourtant la formulation de ce projet en tant que tel, les moyens mobilisés et la manière dont les acteurs sont impliqués ne placent pas pour autant cette phase expérimentale dans une dynamique de promotion des langues nationales. C’est là un paradoxe qui apparaît en toile de fond dans cette recherche qui prend en considération les différents contours du problème à savoir la nature du discours des différents acteurs, le pilotage du projet, la dimension sociale, etc.

Dans un premier temps, ce document propose d’abord un cadrage théorique en

partant du contexte général de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel afin de mieux préciser les différentes dimensions de la problématique. A cela s’ajoute une présentation de l’approche méthodologique et des différents outils qui ont été mis en œuvre. Ensuite, cette étude met en relief tous les paramètres du problème au travers d’une analyse approfondie des résultats de l’enquête. Enfin, après avoir dégagé les différentes conclusions de l’étude, quelques recommandations ont été formulées.

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1. CONTEXTE GENERAL DE L’ETUDE

Dans un contexte plurilingue, le Sénégal a, depuis son accession à l’indépendance, fonctionné sur la base du principe d’officialité en matière de politique linguistique érigeant de facto le français comme principale langue d’enseignement. Cependant, le débat sur l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel a été soulevé depuis la période coloniale avec un enseignant français du nom de Jean Dard (1790-1843). Ce dernier avait très vite compris à quel point les langues nationales pouvaient jouer un rôle prépondérant en tant que medium d’enseignement. C’est ainsi qu’en 1817, cet enseignant français tenta l’expérience en utilisant le wolof en vue de faciliter l’enseignement du français. Parlant de sa propre expérience, il affirmait que «les progrès des enfants furent rapides ; en deux ans, plus de quatre vingt (80) jeunes noirs et mulâtres profitèrent si bien des leçons de l’école qu’ils furent capables d’écrire le wolof en caractère français ; il fut constaté que les jeunes Africains avaient parfaitement vaincu les difficultés des leçons élémentaires, qu’ils écrivaient et calculaient correctement et qu’ils exprimaient leurs idées aussi bien que les enfants européens de Saint-Louis soumis aux mêmes leçons ». (Fall et al : 1992) Dans cet esprit, le Sénégal s’inscrit dans une logique de facilitation de la communication qui « est beaucoup plus une politique du medium de l’enseignement qu’une véritable politique linguistique. En effet, pour une telle politique, même si on estime à juste titre qu’utiliser une langue est une action de promotion de cette langue, la langue n’est qu’un moyen, elle n’est pas une fin » (Halaoui, 2003). Des lors, l’idée d’introduire les LN dans le SEF devient pertinente en ce sens qu’elle permet de « réconcilier l’élève africain avec son environnement social en lui enseignant à lire dans sa première langue ou dans la langue véhiculaire nationale qu’il parle déjà » (Daff, 1998). En effet, les problèmes de maintien de l’enfant à l’école et de leur insertion professionnelle plus tard trouveraient solution dans le fait d’apprendre dans sa propre langue. Tout récemment, un rapport de la banque mondiale (IDEA, 2008) montre que les élèves deviennent plus performants en mathématiques et en compréhension de lecture en apprenant dans leur langue.

Nous conviendrons de l’existence de velléités dans le sens de l’introduction les LN dans les SEF, mais une série d’actions significatives notées (colloques, réunions internationales, créations d’institutions, etc.) durant cette dernière décennie révèlent tout de même une prise de conscience de l’urgence à réfléchir sur la question. Au lendemain de la création de l’ACALAN en tant que cadre scientifique pour accompagner la promotion des LN en septembre 2001, plusieurs Etats de la sous-région dont le Sénégal avaient déjà leur programme de mise à l’essai des LN dans leur SEF. Au Sénégal, cette phase expérimentale de 6 années (DPLN 2008) n’a pas connu de généralisation pourtant prévue à la rentrée de 2008. Ce que l’on note aujourd’hui, c’est un mutisme autour de la question et quelques actions disparates (menées par des ONG) et de rares acteurs qui tiennent, pour diverses raisons, à continuer l’enseignement dans les LN. En d’autres termes, il n’y a pas une maîtrise du point de vue institutionnel, car l’instabilité au niveau des instances dirigeantes est devenue récurrente.

Alors que d’un autre côté, la charge sociale en termes de sensibilisation, d’information et

d’adhésion qui devrait accompagner et garantir le processus reste défaillante. Pourtant les LN ont bénéficié dans une large mesure de l’essor des médias tels que la radio et la télévision. Dans la même dynamique, elles ont conquis les espaces officiels de travail (administration et écoles). Paradoxalement, elles prennent peu à peu aux yeux des populations « une valeur sociale inférieure à celle dont bénéficie la langue étrangère de grande diffusion internationale » (Poth, 1997a :9). Autrement dit, autant la présence des langues nationales est importante dans les administrations et les écoles, autant leur utilisation de manière formelle rend les populations sceptiques. Il existe donc une sorte de survivance de l’idée de la primauté des langues étrangères sur les langues nationales, ce qui

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semble être d’actualité au regard de la politique linguistique du Sénégal qui garde le français comme langue officielle.

Il ressort, en outre, à la suite de la relégation de l’alphabétisation des populations perçue

par beaucoup comme parent pauvre du système éducatif, un amalgame qui est toujours fait entre langues nationales de scolarisation et alphabétisation (Cisse, 2008). C’est dans ce contexte, que cette étude soulève à nouveau la question non sans une certaine complexité (Morin, 1990) mais sous un angle qui s’éclaire davantage dans ce qui suit.

1. PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION DE L’ETUDE

La réflexion sur l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel est une entreprise redoutable et très difficile. Il s’agit d’une question récurrente au nom de laquelle chaque individu est prêt à tenir un discours militant, volontariste sans tenir compte du principe de réalité. A cet écueil, s’ajoute un autre relatif au discours politique qui porte en lui une résonance normative. Au Sénégal, ce besoin d’instrumentation des langues nationales à l’école élémentaire s’est toujours matérialisé par des expériences sporadiques dont les résultats se sont révélés inefficaces. Il faut reconnaître que depuis les indépendances jusqu'à nos jours, les tentatives d’utilisation des langues nationales à l’école élémentaire se sont succédées les unes après les autres sans donner de réels motifs de satisfaction. Par ailleurs, l’idée de promotion des langues nationales suppose qu’on les considère comme des outils, des instruments d’enseignement à proprement parler. Or, il est clair que les conditions dans lesquelles l’expérimentation s’est déroulée sont chaotiques et la didactique du bilinguisme laisse à désirer. Sous ce rapport, la question de recherche de cette présente étude est la suivante : suffit-il d’innover en tentant d’introduire les langues nationales dans le système éducatif formel pour prétendre à la promotion de celles-ci en tant qu’outils d’apprentissages scolaires ?

La première dimension du problème est sans doute liée à la politique linguistique Sénégalaise. De ce point de vue, comme nous l’avons souligné, l’utilisation des langues nationales en contexte scolaire répond plus à un souci de facilitation de la communication entre le formateur et l’apprenant qu’à une véritable politique linguistique. Les langues nationales sont introduites à l’école élémentaire en vue de préparer les élèves à d’autres conquêtes linguistiques. En vérité, cette manière d’introduire les langues nationales à l’école présente de réels avantages pédagogiques certes, mais au Sénégal, l’application de cette didactique de la complémentarité (Poth, 1997a :11) est loin d’être satisfaisante. Non seulement les mécanismes du transfert des connaissances ne sont pas clairement définis mais aussi et surtout se pose la question de la formation des enseignants.

Par ailleurs, la seconde dimension du problème porte sur l’innovation pédagogique en tant que telle. Au Sénégal les études sur l’innovation pédagogique s’articulent pour la plupart autour des technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’école. Notre étude porte en ce sens un intérêt heuristique en tant qu’elle dresse cette fois-ci une évaluation sociologique des pratiques innovantes en matière d’introduction des langues nationales dans l’éducation formelle. En d’autres termes, quels sont les bouleversements entraînés par ce processus dans le tissu scolaire sénégalais ? La question de l’innovation comporte deux dimensions essentielles qu’il faudrait clairement identifier : d’une part, elle renvoie à un volet technique consistant à mettre au jour les dispositifs indispensables à sa réalisation (pilotage institutionnel, gestion et suivi de la phase expérimentale, formation des enseignants, disponibilité des matériels didactiques, gestion pédagogique du bilinguisme). D’autre part, cette innovation porte en elle-même une dimension sociale en tant qu’elle amorce une nouvelle configuration sociale du point de vue des systèmes de relation et des pratiques des acteurs qui sont censés y participer. Par conséquent, en tenant compte des schèmes de perception de chaque groupe d’acteurs, comment se structure cette dynamique des relations ? (Entre enseignants et élèves, entre maître expérimentateur et maître de classe

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témoin et ou inspecteurs, etc.). C’est en tentant de répondre à cette série de questionnements que cette étude se distingue de nombreux écrits sur le thème. Selon la DPLN, il y a trois cents trente neuf (339) études générales portant sur la linguistique, l’enseignement des LN, l’alphabétisation, la promotion des LN et la traduction à partir de textes en LN. Celle que nous proposons, loin de vouloir servir des recettes ou des lois générales, n’échappe pas totalement à ce cadre tout en se démarquant quand même de par la spécificité de l’approche et du cadrage théorique.

1. OBJECTIF DE L’ETUDE

L’objectif général de cette étude vise à montrer que jusqu'à présent, les langues nationales ne sont pas introduites à l’école élémentaire dans le but de les promouvoir de manière systématique. Il sera aussi question de :

� mettre l’accent sur le manque d’intelligibilité dans la distribution des tâches et des statuts durant la période de mise à l’essai.

� Décrypter les crispations institutionnelles et culturelles en tant que facteurs bloquants qui témoignent de la pusillanimité des décideurs politiques en matière de promotion des langues nationales.

� Proposer des concepts opératoires et une grille d’analyses sociologiques innovantes afin d’amorcer les réformes qui s’imposent

� Examiner les rapports, les interactions entre les différents acteurs de l’introduction des langues nationale à l’école élémentaire.

� Mettre en relief toute l’importance de la formation des enseignants, du suivi-évaluation de l’expérimentation.

� Proposer des recommandations utiles voire opérationnelles indispensables à la maîtrise technique et institutionnelle du bilinguisme à l’école élémentaire.

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2. DEFINITION DES CONCEPTS

Innovation pédagogique : Le concept d’innovation désigne, en générale, l’action par laquelle on cherche à introduire un nouveau produit, une nouvelle organisation, un nouveau système ou simplement une nouvelle manière de faire dans un certain domaine dans le but d’en avoir des résultats meilleurs. Synonyme de nouveauté, l’innovation répond à une logique de spontanéité et s’inscrit relativement dans le court terme. Mais différent de l’invention ou de la découverte, le concept d’innovation fait allusion à un processus de mise en pratique d’actions ayant réussi ailleurs. En éducation, « Innover, c’est analyser l’ensemble des paramètres de l’enseignement et de l’apprentissage dans une situation et un lieu donnés, les remettre en question, identifier les problèmes éventuels et chercher des solutions concrètes qui permettent une meilleure efficacité et / ou une meilleure qualité de l’activité pour la satisfaction et / ou le mieux être de l’ensemble des acteurs » (Boiron, année : 1). Appréhendée sous cet angle, l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel peut être comprise comme une innovation pédagogique.

Politique linguistique : Nous pouvons définir le concept de politique linguistique à la suite de Halaoui comme étant « la conception théorique qui préside à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre sur la langue » (Halaoui, 2003 :7). Elle désigne alors une orientation qui sous-tend l’ensemble des activités qui caractérisent ou favorisent l’utilisation de la langue. Elle apparaît ainsi comme une dimension de l’aménagement linguistique considéré comme plus large puisqu’il intègre la totalité des actions de l’homme sur une langue. La politique linguistique du Sénégal, à l’instar de celles de beaucoup de pays africains, n’est pas très clairement définie. Mais, la nature des débats autour des LN et les différentes activités menées dans le cadre de promotion des LN, permettent de la classer dans le groupe des « politiques de facilitation de communication » (Halaoui, 1991, 2002, 2003 :9).

Médium de communication : Dans l’esprit de cette étude, il faut entendre par médium de communication un moyen, un intermédiaire à partir duquel des échanges entre deux parties peuvent se réaliser. L’idée de base est que la bonne transmission des connaissances repose fondamentalement sur les interactions entre l’enseignant et l’apprenant qui sont facilitées par l’utilisation d’une langue comprise dès le départ. Le concept désigne alors la position de la LN en contexte scolaire en tant que limitée à son rôle de facilitateur des échanges en vue de résultats scolaires meilleurs. Outil d’apprentissage scolaire : il s’agit d’un instrument approprié qui favorise la construction et la transmission des savoirs. Cette conception renvoie dans une certaine mesure à la dimension didactique car considérer les LN comme un outil d’apprentissage scolaire, c’est finalement arriver à les faire dire et à les faire décrire. Dans le cadre de notre étude, on s’aperçoit que les LN ne sont pas considérées comme des instruments à partir du moment où l’aspect didactique n’est pas encore stabilisé. Promotion des langues nationales : l’idée de promotion des langues nationales renvoie à la capacité qu’ont les instances dirigeantes d’élever celles-ci au rang de langues de développement. Sous ce rapport, est pertinent tout système éducatif qui tienne compte des réalités sociales endogènes et qui adopte par là même une langue de scolarisation maîtrisée par les destinataires.

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5. APPROCHE METHODOLOGIQUE 5. 1 Cadre de l’étude et population cible

Cette présente étude porte uniquement sur les établissements scolaires où est expérimentée l’introduction des langues nationales dans le processus d’apprentissage. Pour cela nous nous appuierons sur le schéma directeur de l’expérimentation des LN dans le SE de la DPLN. En effet, c’est à la suite de ce schéma que 155 classes expérimentales ont été installées dans les onze (11) régions du Sénégal (voir annexes). Il prévoyait également l’introduction de 155 nouvelles classes tous les deux ans. Officiellement, nous ne savons pas exactement le nombre de sites d’expérimentation fonctionnels. Mais selon un rapport de la banque mondiale, il devrait y avoir quatre cents soixante cinq (465) classes expérimentales à la rentrée de 2006, alors que la première cohorte devrait être en fin de cycle primaire en juin 2008 (IDEA 2008).

La population cible de cette étude est constituée par l’ensemble des acteurs de l’éducation à savoir les enseignants (maîtres expérimentateurs et enseignants classes témoins), les directeurs d’école, les inspecteurs, les parents d’élèves et les élèves. Egalement l’avis des personnes ressources travaillant sur la question a été d’un apport considérable dans cette étude. 5.2 Description des sites de recherche Pour des raisons que nous exposerons dans la phase de l’échantillonnage plus tard, nous avons travaillé sur six sites dans les trois régions choisies. Dakar

� Ahmadou Bamba Mbaxaan 2 est une école de douze (12) classes située dans un quartier résidentiel à savoir Zone B, mais elle présente la particularité d’être plus fréquentée par des élèves venant des quartiers populaires comme Grand Dakar et Fass. Ainsi, l’on retrouve presque tous les groupes ethniques avec une forte domination du wolof. C’est d’ailleurs la langue qui y était expérimentée jusqu’en 2007. L’expérimentation n’a enregistré qu’une seule cohorte. L’école a selon les personnes ressources enregistrées de faibles résultats avec l’expérimentation.

� El hadji Mamour Diop : cette école de douze (12) classes se trouve en plein banlieue, plus précisément à Rufisque dont la population est composée en grande partie de lébous (variante dialectale du wolof). A la fin de l’expérimentation du wolof en juin 2008, l’école avait deux cohortes d’élèves. La grande majorité de la première cohorte a réussi à l’examen de fin de cycle alors que les élèves de la deuxième cohorte sont répartis dans des classes traditionnelles. Il faut par ailleurs noter que l’école El hadj Mamour Diop, bénéficiant de la coopération entre la ville de Rufisque et celle de Nantes, a effectué un jumelage avec l’école Maurice Macé. C’est d’ailleurs dans ce cadre que le maître-expérimentateur de a bénéficié d’un voyage de renforcement pédagogique à Nantes.

Saint Louis (Dagana)

� Paté Badio est une petite école de deux (02) classes dans le village du même nom qui se trouve dans le département de Dagana. C’est une zone entièrement pulaar avec une population qui s’active dans l’élevage et l’agriculture. La fréquence des mariages précoces et l’absence de collège d’enseignement moyen constituent les principaux problèmes de l’éducation dans la zone. Par rapport à l’expérimentation, l’école n’a formé qu’une seule cohorte jusqu’en 2007. Les résultats de ces élèves à l’examen de fin de cycle ont été jugés satisfaisants par le directeur et l’enseignant.

� Peul Dioss : situe dans la communauté rurale de Ross Béthio. Le village présente les mêmes caractéristiques que Paté Badio avec une population pulaar. C’est une école de deux (02) classes. L’école n’a recruté qu’une cohorte dont les résultats en examen de fin de cycle (2007) ont été moyens par le directeur.

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Fatick � Gossas village se trouve dans la communauté rurale de Patar, une zone

majoritairement peuplée de sereer. Avec un total de cinq (05) classes, l’école Gossas village a recruté trois (03) cohortes dans le cadre de l’expérimentation de LN. La première cohorte qui faisait le CM2 à la fin de l’expérimentation a enregistré de bons résultats (17 admis sur 22 au CFEE).

� Soum ; situé dans la communauté rurale de Djilor, dans le département de Foundiougne, Soum est une localité habitée essentiellement par les sereer. C’est une école constituée de six (06) classes. Les élèves de la première cohorte de l’expérimentation des LN ont enregistré des résultats jugés moyens en examen de fin de cycle. des LN s’effectuée sur deux cohortes recrutés en 2002 et 2004.

5.3 L’échantillonnage

Il faut dès le départ dire que cette étude s’est effectuée dans une approche qualitative. Dès lors l’échantillonnage ne peut prétendre à une représentativité statistique. Le choix a été fait dans le souci d’une représentativité qualitative à partir de critères opératifs suffisamment critiqués afin de permettre de cerner l’objet. Ainsi, partant du schéma directeur de la DPLN comme base de sondage, nous avons procédé par choix raisonné sur la base d’un certain nombre de critères. Mais, il convient de souligner que le choix définitif des sites qui s’est fait à l’aide d’une technique aléatoire, plus précisément par tirage au sort. C’est la même technique pour choisir les enseignants qui ont été interrogés et les parents d’élèves qui ont participé aux focus group. Les critères pour identifier les sites pouvant faire partie de l’échantillon sont :

� la dynamique de LN enseignée : l’importance de la langue du point de vue de la taille de la population qui la parle. Au Sénégal, nous savons que ce sont le wolof, le pulaar et le sereer qui constituent les unités linguistiques les plus parlées. D’ailleurs, elles sont les plus représentées dans le schéma expérimental ;

� les résultats de la mise en essai : cela renvoie à la performance de l’expérience compte tenu du suivi et de l’évaluation autant de l’expérience mais aussi des élèves concernés. De ce fait, nous avons ciblé dans chaque unité linguistique un site à faible performance et un site à bonne performance.

En récapitulant l’enquête s’est effectuée dans trois (03) régions à savoir Dakar, Fatick et Saint Louis, donc trois unités linguistiques. Du fait de contraintes de temps et logistique nous ne pouvons prendre en compte dans cette étude toutes les langues nationales. Dans chaque région, il s’est agi de tirer au sort pour avoir deux (02) sites. C’est ainsi que nous avons :

� Dakar : les écoles Bamba Mbaaxaan II de zone B et Mamour Diop de Rufisque. � Fatick : Soum 1 (Foundiougne), Gossas village, � Saint Louis : Peul Dioss, Paté Badio de Dagana

Le tableau suivant permet de récapituler l’ensemble des outils de collecte de données. Régions Focus group Entretiens

Dakar 2 6 Saint Louis 2 6 Fatick 2 6 Total 6 18

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5. 4 La méthode de collecte de données

Comme tenu de la nature de l’objet étudié, nous avons opté pour une méthodologie entièrement qualitative. Sans prétention aucune de verser dans une polémique sur l’opposition entre qualitatif et quantitatif, nous pensons que pour comprendre les vrais obstacles à l’introduction des langues nationales, il nous faut prêter une attention profonde à la perception des différents acteurs de l’éducation. A cet effet, l’observation indirecte avec comme support de recueil de donnée l’entretien semi directif et le focus group, paraît adaptée.

L’intérêt de l’entretien réside dans la richesse des informations recueillies, mais aussi dans la mise en éveil de l’esprit théorique du chercheur dans la mesure où cela permet à ses interventions de soulever des éléments d’analyse féconds (Quivy et al., 1995 :194). La diversité de la mise en œuvre de la communication permet de distinguer différents types d’entretien. Pour cette étude, l’entretien semi directif en ce qu’il donne à l’interviewé une bonne marge de liberté et d’ouverture, nous a semblé plus pertinent d’autant plus que nous avons une bonne partie de la cible (enseignants, directeurs d’écoles et inspecteurs) est instruite. Ainsi, l’entretien est structuré autour d’un certain nombre de thématiques qui ont justement permis de cerner l’objet.

Par ailleurs, comme son nom l’indique, le focus group est une technique de collecte

d’informations auprès d’un groupe d’individus recrutés à partir du critère d’homogénéité. Les participants d’un focus group doivent avoir un passé commun ou partager une expérience commune (enfants en classe bilingue). C’est une technique qui permet en plus de collecter des informations sur plusieurs personnes en même temps mais surtout de confronter les idées afin de saisir des schèmes explicatifs et des rationalités. Dans cette étude, les participants du focus group sont essentiellement les tuteurs des élèves des classes expérimentales. En effet dans un premier temps, nous l’avions envisagé avec les parents d’élèves (pères et mères), mais nous nous sommes rendu compte qu’en matière d’éducation de l’enfant la responsabilité et la décision peuvent incomber à d’autres personnes comme l’oncle, la tante, les grands-parents, etc. C’est la raison pour laquelle, nous avons jugé plus opportun de s’intéresser aux tuteurs. Le choix des participants du focus group s’est fait de manière aléatoire 5. 5 Enquête de terrain et ses difficultés

Elle a été réalisée par deux doctorants en sociologie et quatre étudiants du 2ème cycle répartis dans deux équipes. Chaque équipe, avec à sa tête un doctorant, avait pour objectif conformément à la méthodologie présentée en haut, d’organiser dans chaque site un focus group avec des parents d’élèves et faire des entretiens avec des enseignants et directeurs d’école. Compte tenu du calendrier scolaire qui a été perturbé par d’une part les grèves et les fêtes non maîtrisées, la collecte s’est effectuée en deux étapes.

La première étape a concerné Dakar et a nécessité la présence des deux équipes pour faire le travail de manière concomitante. Ainsi cette étape de Dakar plus précisément dans les sites expérimentaux Ahmadou Bamba Mbaxaan2 de Zone B et Mamour Diop de Rufisque, a duré presque deux semaines (du 08 au 20 décembre 2008).

La deuxième étape quant à elle a été effectuée dans le début du mois de janvier 2009 et a concerné les régions de Saint Louis et Fatick. Chaque équipe a réalisé la collecte au niveau d’une région. En d’autres termes, chaque équipe a visité deux sites d’expérimentation (Paté Badio et Peul Dioss à Dagana et Soum 1 et Gossas village pour Fatick). Ce travail a duré deux semaines (du 5 au 18 janvier 2009).

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Comme tout travail de terrain, il y a certaines réalités qui se présentent comme des

difficultés et qui ont été d’une manière générale surmontées pour mener à bien cette étude. Nous en citerons ici deux :

• La mobilité professionnelle des maîtres expérimentateurs. L’avis du maître expérimentateur sans aucun doute est indispensable pour cerner notre objet. Or il se trouve que pour diverses raisons, ces derniers sont affectés dans d’autres écoles, dans d’autres localités au risque de porter un grand coup à l’expérimentation. Nous avons été confrontés à l’absence de maître expérimentateur dans certains sites. Ce qui nous a valu de refaire un tirage pour prendre une autre école dans la région (Fatick).

• Les perturbations de l’année scolaire dues d’une part aux grèves des enseignants et

des nombreuses fêtes d’autres part n’ont pas manqué de nous retarder un peu dans la collecte des données.

6. L’ANALYSE DES DONNEES

Aujourd’hui, l’analyse de contenu est la technique la plus utilisée pour exploitée des

données qualitatives. Elle permet de décrire objectivement, systématiquement et quantitativement le contenu manifeste des communications (entretiens, discours, articles, etc.) (Berelson, 1971). Il existe beaucoup d’écrit sur l’analyse de contenu, mais l’on retiendra dans la procédure que c’est une transformation d’un discours oral en texte, puis la construction d’un instrument d’analyse pour étudier la signification des propos (Bardin, 1977). Pour ce faire, il existe un certain nombre d’étapes à suivre (L’écuyer, 1987) à savoir : -la classification des documents - l’évaluation des documents - la critique interne (critique d’interprétation et critique de sincérité et d’exactitude) - les lectures préliminaires - choix et définitions des codes - codages et quantifications des données - analyse et interprétation des résultats Il existe aujourd’hui des logiciels qui permettent de réaliser justement l’exploitation et l’analyse des données qualitatives, mais confrontés à des difficultés d’accès à ceux-ci nous avons été obligés de faire le travail manuellement. Cependant, par des soucis de gain de temps, nous avons opté pour une analyse thématique de contenu. Cette démarche présente l’avantage de saisir rapidement les unités sémantiques (Négura 2006) qui sont en rapport avec notre cadre d’analyse. Celui-ci est constitué des catégories thématiques suivantes, lesquelles sont contenues dans le schéma d’analyse proposé dans notre cadre conceptuel.

Instabilité institutionnelle Pusillanimité institutionnelle Indisponibilité du matériel pédagogique Motivation des enseignants Isolement des enseignants La formation, suivi et contrôle des enseignants

Sensibilisation des parents Réticence des parents d’élèves Amalgames alphabétisation et utilisation des LN dans le SEF Enthousiasme des élèves, Performances scolaires Médium de communication

Outils d’apprentissages scolaires

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7. RESULTATS DE LA RECHERCHE 7.1 Pilotage institutionnel: un manque d’intelligibi lité dans la distribution des rôles et

des prérogatives

Cette partie de l’étude est consacrée au pilotage institutionnel de la phase expérimentale. Ainsi, en parcourant le corpus de nos entretiens, on s’aperçoit que la plupart des enquêtés ont mis l’accent sur cette gestion erratique de l’introduction des langues nationales en contexte scolaire. Cette innovation laisse entrevoir un enchevêtrement de plusieurs instances décisionnelles, une transversalité emplie d’ambiguïtés et de dysfonctionnements.

« On introduit les langues nationales, disons les c lasses bilingues, les ministères sont éclatés, il y a le ministère par ex emple chargé des langues etc. qui pilote pendant que le ministère disons dont dé pend l’IDEN est là, pas du tout concerné presque. Ça pose problème. Ah oui le ministre de l’éducation nationale avec les autres ministres dont celui bie n sûr nous dépendons mais malheureusement ça pose problème heu. Qui fait quoi ? Voilà la question pratiquement qu’on se pose ». « Il y a eu beaucou p de changement au niveau des instances de décision. Quand un nouveau arrive, il *** met du temps pour ***. Donc il y a une petite stabilité». « Vous save z le mal dont le pays souffre c’est que les gens ont tendance à démarrer une chos e mais à ne pas la terminer… c’est un système qui change souvent ».

On peut dire que cette instabilité institutionnelle engendre donc une situation confuse quant à la délimitation des chaines de responsabilités. L’introduction des langues nationales à l’école élémentaire est une expérience qui soulève d’une part des enjeux pédagogiques relavant du ministère de l’éducation nationale et des questions d’identité culturelle d’où le rôle prépondérant que doit jouer le ministère de la culture d’autre part. Il semble donc important de mettre en place des structures convergentes qui puissent tenir compte du caractère multidimensionnel du projet. A cela s’ajoute ce besoin réel de la part des acteurs de l’expérimentation (enseignant-expérimentateur, directeur d’école, inspecteur) de sentir la présence d’une instance unique et indivisible en vue de rendre cohérent le pilotage institutionnel.

« En réalité on ne sait pas si on dépend du dép artement ministériel des langues nationales ou si on dépend du ministère d e l’éducation nationale… ça nécessite des clarifications au niveau institutionn el » ; « il y a eu un différend qui a opposé depuis quelques années l’IDEN qui gère les écoles et le pole régional c’est là où aussi intervient encore l’inco nstance institutionnelle des fois on dit que c’est le pôle régional qui s’occupe des classes bilingues des fois il ya un inspecteur qui est détaché au niveau de l’ IDEN qui s’occupe si bien que les choses s’étaient embrouillées et au niveau de l ’IDEN les gens s’étaient un peu abstenus par exemple de venir voir au niveau d es classes ce qui se passe ».

Par ailleurs, la répartition des tâches ne s’est pas faite de manière efficiente pour une meilleure visibilité des prérogatives. C’est ce qui est à l’origine d’une confusion totale en ce qui concerne l’identification concrète de l’instance dirigeante dont dépendent les acteurs directs de l’expérimentation. La situation est d’autant plus ambiguë que le Ministère de l’Education Nationale vient d’être compartimenté, ce qui accélère à l’extrême les oscillations de l’expérimentation constatées dans les différents sites. Les ministères de tutelle sont donc en proie à des changements répétés et au niveau local, nous avons constaté une tendance conflictuelle entre les inspections et les autres instances de décisions rattachées au

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Ministère de la culture. En vérité, on peut dire que cette confusion tient au fait qu’il y a une mauvaise déconcentration car les IA et les IDEN n’ont pas été associées de manière systématique. Le principe de déconcentration consiste en une délégation progressive de certains pouvoirs à un échelon inférieur. Enfin, l’instabilité institutionnelle a engendré une sorte de délitement organisationnel qui place les acteurs dans une posture de renonciation voire de démission par rapport à leurs responsabilités respectives. 7.2 De la pusillanimité institutionnelle Il faut dire que cette expérimentation des classes bilingues a révélé de la part des instances dirigeantes un manque criard de volonté politique. Il s’agit d’une expérience jalonnée par des tâtonnements successifs qui ont conduit inéluctablement à une impasse.

« Actuellement c’est un avenir un peu hypothétique dans la mesure où la politique de l’Etat œuvre des fois pour l’utilisati on des langues, mais des fois aussi on sent qu’il y a un certain laxisme au nivea u des autorités » ; « Mais c’est le manque de suivi des concepteurs, des décid eurs qui a posé problème. Actuellement, on ne sait pas si l’Etat a laissé de côté ou pas » ; « Je me demande est-ce que la volonté est réelle. On introd uit des langues avec des mesures d’accompagnement qui ne sont pas réellement prises » ; « je dis que la volonté peut être supposée mais elle n’est pas r éelle, en vérité elle n’est pas effective en réalité » ; « Les décideurs, ils ont lancé le projet mais ils n’y croient pas.

Ces propos sont symptomatiques d’une situation d’échec vécue par les enquêtés qui n’hésitent pas à imputer à l’état la totale responsabilité. Ainsi, la plupart des personnes interviewées ont insisté sur le manque de détermination et d’audace face aux défis liés à la promotion des langues nationales. Par ailleurs, le laxisme et le manque de suivi auxquels font allusion certains enquêtés sont souvent la conséquence logique d’une désarticulation institutionnelle. Quand on remonte un peu plus loin avec l’expérience des classes télévisuelles et des classes non télévisuelles (octobre 1979 à juillet 1984), on s’aperçoit que la crispation institutionnelle a toujours été une donnée déterminante dans l’explication des échecs répétés en matière d’expérimentation des classes bilingues. Par conséquent, la plupart des enquêtés s’interrogent légitimement sur les intentions réelles de l’état Sénégalais en matière d’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel.

« L’on se rend compte que ce que nous faisons est t rès intéressant. Mais il y a beaucoup d’innovations, beaucoup d’initiatives qui sont entreprises mais qui au finish sont rangées dans les tiroirs. Ce serait intéressant si on allait jusqu’au bout »

Il faut dire que l’innovation en tant telle n’est pas remise en cause par les acteurs de

l’expérimentation, par contre cette difficulté d’aller jusqu’au bout des expériences quels que soient les obstacles rencontrés a été souvent condamnée. L’avenir des langues nationales dans le système éducatif formel est à ce jour incertain dans la mesure où toute l’ingénierie de l’expérimentation s’est effondrée.

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7. 3 L’indisponibilité des intrants

Le retard des manuels scolaires est une question récurrente qui a fini par créer des situations de ratage. On a l’impression qu’à chaque échéance en matière d’expérimentation des classes bilingues, le discours politique surplombe le discours didactique au point qu’il est difficile pour les instances dirigeantes d’amorcer concrètement les changements nécessaires. C’est ce qui ressort des propos des enquêtés :

« Le matériel venait tard. Les manuels venaient au mo is de janvier alors que le maître avait commencé, des fois ça venait même en fin d’année » ; « Non, non il faut dire que pour la première année nous avons tra vaillé sans manuels. Aussi quand on est arrivé au CP, après 4 mois d’études, n ous avons reçu les manuels du CI. Au CE1, on reçoit les manuels du CP. Au CE2, on reçoit les manuels du CE1, ainsi de suite. Il n’y a même pas eu de manuel s pour le CM1 et le CM2. Ça s’est arrêté au CE2 et ça nous a créé beaucoup de d ifficultés dans la mise en œuvre de notre apprentissage » ; «Sur le plan des moyens, là aussi les manuels qu’on nous donne sont en nombre très insuffisant et sont souvent tardifs si je prends encore l’exemple de cette classe là, il y’a eu une année de retard sur les manuels par exemple au niveau du C.I on a travaillé sans manuel c’est au niveau du C.P, la deuxième année qu’on a travaillé avec les manuels du C.I alors c’est au niveau de la 3 ème année que les manuels sont venus mais avec une année de retard et actuellement nous sommes au C.M I mais on n’a absolument rien, on n’a pas de manuel ».

Ce retard d’une année pour les manuels scolaires constitue un facteur bloquant car il

faut reconnaitre que sans ces outils, l’expérimentation des classes bilingues est vouée à l’échec. De ce point de vue, les enseignants expérimentateurs sont donc exposés à des situations complexes qui les condamnent à enseigner sans supports didactiques. En effet, cette indisponibilité des intrants corrobore parfaitement la thèse selon laquelle la dimension didactique a été minorée au profit d’une rhétorique militante. Par ailleurs, certains de nos enquêtés n’ont pas manqué de souligner cette absence totale de manuels scolaires pour les classes de CM1 et CM2. Cela tient au fait que le crédit horaire des langues nationales à l’école élémentaire est conçu en ordre dégressif car à ce niveau d’étude (CM1 et CM2), l’enseignement-apprentissage s’effectue pratiquement en Français. C’est cette conception minimaliste des choses qui est au fondement même de cette phase expérimentale. On ne sent pas la nécessité de confectionner des manuels scolaires en langues nationales pour les classes de CM1 et CM2 justement parce qu’à ce niveau, la langue française constitue quasiment le principal medium d’enseignement. Une telle logique ne participe pas à la promotion des langues nationales. Toutefois, nous avons constaté que l’indisponibilité des manuels scolaires a suscité dans bien des cas une certaine ingéniosité de la part des enseignants-expérimentateurs qui n’avaient d’autres solutions que celles d’innover.

« Alors comme vous le voyez les élèves ici sont en groupe compte tenu par exemple de l’insuffisance des manuels on n’est souv ent obligé de travailler en groupe, pour un groupe de 4 élèves vous voyez que ç a pose problème maintenant par rapport à la préparation de la class e, par rapport à la manière dont nous dispensons nos leçons et consort. J’avoue que la créativité est personnelle » ; « L’enseignant, de quelle manière i l va s’y prendre alors pour pouvoir bien mener son enseignement, c’est ça qui f ait la difficulté, le caractère pénible de cette expérimentation .C’est dur, c’est dur »

L’analyse de ces propos s’articule autour de la problématique de l’innovation

pédagogique. Ainsi, on s’aperçoit que l’indisponibilité des manuels scolaires n’a pas freiné la générosité des enseignants dans le partage du savoir. C’est ainsi qu’ils s’organisent

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quotidiennement en ajustant leurs actions à un système de plus en plus contraignant. Sous ce rapport, l’insuffisance des manuels scolaires a considérablement bouleversé les schémas traditionnels en matière d’apprentissage scolaire et chaque enseignant s’y prend avec ses propres moyens d’où le spectre d’une pédagogie libertaire : « Le maître est obligé de se débrouiller » . Cependant, il est clair que dans des situations pareilles, l’enseignant est contraint de s’adapter, d’être créatif de manière à contourner les difficultés. Il est donc fondé de dire que les enseignants expérimentateurs sont finalement les parents pauvres de l’expérience des classes bilingues au Sénégal car il se pose jusqu'à présent un problème de formation, de motivation et de suivi.

7. 4 De l’auto-formation au bricolage quotidien

La formation qui n’a pratiquement concerné que la première génération de maîtres expérimentateurs a été insuffisante du fait de sa courte durée et de sa sporadicité. Alors que les générations subséquentes ont été formées dans le tas, de manière informelle au travers d’une stratégie d’appropriation et d’auto-prise en charge locale.

« La formation pose problème parce que chaque année , le maître qui tient la nouvelle classe, le CI, il est formé mais tardiveme nt. Cette année nous avons ouvert un CI, nous sommes au mois de janvier et jus qu'à présent ce maître n’a pas été formé. Il a reçu une formation par le canal des maîtres qui sont là, qui ont déjà expérimenté et qui ont reçu la formation » ; « le maître qui tient une classe bilingue, il a besoin d’aspects très pratiqu es, concrets, comment effectivement gérer une classe bilingue, comment en seigner telle discipline au niveau de sa classe » ; « Ensuite eux (les formateu rs), ils disaient que c’était très insuffisant, parce qu’il s’agissait d’une form ation d’une dizaine de jours et ils nous disaient que c’était trop juste»

Nous pouvons d’entrée de jeu dire qu’à la lumière de ces propos, la formation des

enseignants a été inadaptée et insuffisante pour prendre en charge le bilinguisme en contexte scolaire. Ce qui nous semble fondamental en revanche, c’est la manière dont les acteurs s’organisent sur le terrain pour se prendre en charge afin de surmonter les imperfections. C’est pourquoi nous avons choisi d’analyser « les moments et leurs hommes » (Goffman, 1973), c’est-a-dire l’inventivité de tous les acteurs impliqués à chaque fois qu’il y a un besoin de se former. En effet, la plupart des enseignants expérimentateurs interrogés n’ont pas subi de formation de manière formelle. En réalité, ce sont généralement les enseignants de la première génération c’est-à-dire ceux de 2002 qui ont formé dans le tas les générations suivantes. Confrontés à des situations aussi complexes du fait de la déliquescence continue du système de pilotage, les acteurs de l’expérimentation ont donc élaboré des stratégies afin de pallier les insuffisances immédiates. À chaque période de la phase expérimentale, l’acteur construit de façon quotidienne la réalité sociale. C’est cette forme d’appropriation locale du projet qui constitue du point de vue heuristique un élément sociologique fondamental dans la mesure où de nouvelles formes de rationalités se sont constituées.

Par conséquent, l’insuffisance de la formation a déclenché au sein des enseignants

expérimentateurs une pratique collective du travail grâce à la mise sur pied des comités pédagogiques afin de venir à bout des difficultés didactiques. C’est d’ailleurs tout le sens de ces propos tenus par un enseignant expérimentateur enquêté. « Comme nous somme 3 au niveau de l’école à faire cette expérimentation on n’a été obligé de faire des échanges, de se prêter des documents et consort ». Par ailleurs, les enquêtés ont beaucoup mis l’accent sur le caractère théorique de la formation initiale comme le relate un directeur d’école interrogé « Ce n’est pas une formation basée sur la pratique de l’élève, sur la didactique, mais c’est des éléments très théoriques en général » . Cet état de fait prouve à quel point le discours didactique et l’ingénierie de l’expérimentation ont été occultés à tort.

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Reste maintenant à identifier les facteurs déterminants qui ont poussé les enseignants expérimentateurs à s’investir dans l’expérience des classes bilingues au Sénégal. 7. 5 Tenir une classe bilingue : imposition ou importa nce du facteur biographique La plupart des enseignants qui ont pris l’expérimentation en cours considère cela comme une imposition venant de leur supérieur hiérarchique (directeur). En revanche, les précurseurs ont souvent un intérêt particulier ou une histoire personnelle voire affective avec les LN.

« Ce n’est pas un choix. Ce n’est pas moi qui ai dé cidé de prendre ou de tenir cette classe. Il y avait trois classes bilingues da ns l’école. Et tous les autres (enseignants) refusaient de tenir une classe biling ue. Comme je suis le plus petit et par respect de la hiérarchie, j’ai accepté » ; « bon j’avoue qu’au début je n’ai pas eu de motivation on me l’a imposé … je sui s arrivé au mois de novembre il y avait la classe de CI qui était dite une classe expérimentale et qui n’avait pas encore de maître, y’avait des maîtres m ais personne ne voulait la prendre alors moi je me suis jeté à l’eau comme ça» .

Nous avons cherché à comprendre dans cette partie de l’étude les facteurs

déterminants du choix des enseignants expérimentateurs. L’enquête a révélé deux niveaux d’analyse assez significatifs. En effet, pour beaucoup d’enseignants expérimentateurs de la seconde génération c’est-à-dire ceux qui n’ont pas démarré l’expérience en 2002, la fonction occupée ne découle que d’une situation de fait qui les condamne à tenir une classe bilingue. Sous ce rapport, ce schéma explicatif dévoile ce qu’on pourrait appeler un maître expérimentateur par défaut en tant que sa pratique professionnelle ne se réduit pas à une motivation intrinsèque. Par conséquent, cette forme d’imposition est la conséquence logique d’une chaine de renoncements de la part des autres enseignants. En réalité, on peut dire qu’à ce niveau, des variables comme l’âge de l’enseignant et son ancienneté peuvent aussi être des critères décisifs dans le processus de désignation. De ce point de vue, un jeune enseignant qui vient tout fraichement de débarquer ne peut qu’obéir désespérément à l’injonction du supérieur hiérarchique. Tenir une classe bilingue dans de telles circonstances, c’est rendre hypothétique l’avenir de l’expérimentation des langues nationales en contexte scolaire sans oublier évidemment les questions liées à la didactique et à la formation des enseignants. L’autre dimension de l’analyse est cette fois-ci liée à la trajectoire biographique de l’enseignant expérimentateur, laquelle trajectoire peut influer sur son choix.

«Alors moi j’ai été militant des langues locales et Cheikh Anta Diop a été aussi un inspirateur sur le plan politique, sur le plan d u militantisme des langues nationales. Ensuite en tant que talibé de Serigne T ouba alors qui a joué un rôle fondamental dans l’évolution de langues particulièr ement le wolof » ; « C’est surtout parce que quand j’étais enfant, j’ai été da ns une classe expérimentale. J’ai vu l’utilité que cela avait. J’ai vu la motiva tion que ça avait créée dans notre classe. Quand j’ai eu cette opportunité, je me suis dit que c’est peut-être une réalisation qu’il fallait que je fasse en fonction de l’amour que j’avais sur ce que j’ai eu à faire quand j’étais dans les petites clas ses » ; « Moi j’ai pris le risque tout simplement parce que j’y croyais. J’y croyais d’autant plus que j’ai ma fille qui était dans ma classe. Je l’ai encadrée durant t oute l’expérimentation comme ses camarades. Elle a réussi et elle est au collège ».

En interrogeant les maîtres expérimentateurs sur les raisons de leurs choix de tenir une

classe bilingue, les données ont montré que la plupart des enseignants de la première génération c’est-à-dire ceux qui ont débuté en 2002, ont un intérêt particulier, une histoire personnelle voire affective avec les langues nationales. En effet, nous pouvons insister sur le fait que la rationalité du choix de ces types d’enseignants repose sur deux logiques. Il s’agit

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d’une part d’une interprétation concrète d’un vécu, d’un moment particulier de l’existence. D’autre part, après avoir donné sens à ce vécu, l’enseignant se construit une identité professionnelle. De ce point de vue, nous sommes en plein dans une perspective wébérienne qui conçoit que chaque acte individuel a un sens, une signification qui construit la réalité sociale. Sous ce rapport, les récits de vie énumérés plus haut sont assez révélateurs. On comprend aisément qu’un infatigable militant des langues nationales qui se réclame de la pensée de Cheikh Anta Diop et de l’œuvre de Serigne Touba, puisse accepter de tenir une classe bilingue. Par ailleurs, nous avons eu la chance de tomber par hasard sur un enseignant expérimentateur qui a vécu l’expérience des classes télévisuelles (octobre 1979 à juillet 1984) en étant jeune élève. Cette histoire personnelle a été donc une source de motivation réelle pour enseigner en langue nationale. Enfin, pour mieux confirmer toute l’importance de l’approche biographique, nous pouvons revenir sur le cas de l’enseignant expérimentateur qui avait dans sa classe sa propre fille. Cette dernière a réussi à l’examen d’entrée en sixième alors qu’elle était en classe de CM1.

7. 6 Motivation des enseignants

La question de la motivation est sans doute celle qui préoccupe le plus les enseignants. Ainsi, leur statut de maîtres-expérimentateurs n’a pas été clairement défini à l’image des enseignants des classes à double-flux.

« Sur le plan financier, ils n’ont jamais donné de l’ argent. Effectivement on a posé le problème, mais ça n’a jamais été réglé » ; « le problème de motivation de l’enseignant qui gère la classe bilingues alors nous sommes pratiquement laissés à nous-mêmes c’est pratiquement l’IDEN qui essaye de faire tout le possible pour faire de notre classe une classe spéc iale considérée comme une classe double-flux etc. cette année aussi on a eu b eaucoup de peines ou bien on a toujours de la peine à recouvrer notre dû » ; « On se demandait même si on devait continuer. Il y a eu pas mal de maîtres q ui ont quitté l’expérimentation, qui ne sont pas allés jusqu’au b out. Il y a même des classes expérimentales qui ont été arrêtées faute de maîtr e parce qu’il fallait pour continuer l’expérimentation pendant 6 ans une motiv ation ».

L’examen de ces propos nous amène à dire que la motivation des enseignants a été

une dimension fondamentale durant la phase expérimentale des classes bilingues. Il faut rappeler que dans nos sociétés actuelles, les individus entretiennent un nouveau type de rapport avec leur travail, lequel est de plus en plus fondé sur un besoin d’épanouissement personnel et une aspiration profonde au bien-être. Dès lors, la valeur du titre scolaire conjuguée aux vicissitudes de la vie ne pousse pas les individus à être de simples exécutants tout en supportant docilement les contraintes de la vie organisationnelle. Les enseignants expérimentateurs n’échappent pas à ce schéma et n’ont cessé de revendiquer depuis le début de l’expérimentation une forme de motivation. La situation est d’autant plus complexe que les maîtres des classes à double-flux bénéficient d’une prime de motivation contrairement aux enseignants des classes bilingues.

Sous ce rapport, il y a donc ce sentiment d’avoir été désavantagé par rapport aux

autres membres du corps enseignant d’où l’impact négatif que cela pourrait avoir sur la qualité de l’enseignement. Par ailleurs, à y voir de plus près, on se rend compte que cette absence de motivation des enseignants-expérimentateurs a créé un climat de déception au point que certains acteurs se demandaient s’il fallait continuer l’expérience ou abandonner. Cependant, s’il est évident que la rémunération est essentielle pour tout ce qui a trait à la motivation des enseignants, elle est loin d’être l’unique dimension à prendre en considération. La disponibilité des manuels scolaires et la formation continue des enseignants sont autant de formes de motivation.

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Nous ne perdons donc pas de vue dans nos analyses ce caractère multiforme de la

motivation même si à la lumière des discours des enquêtés, nous avons constaté que l’argent cristallise l’essentiel des revendications toutes choses étant égales par ailleurs : « Il y a également le fait que la motivation n’a pas sui vi. Vous savez très bien que quand on mène une expérimentation, vous avez besoin d’êtr e motivé sur le plan financier ». Par conséquent, cette forme de motivation n’est pas de nature intrinsèque (Lallez, 1995) en tant qu’elle résulte d’un conditionnement extérieur (salaire) d’où la disqualification de la dimension affective du métier d’enseignant. 7. 7. Une stigmatisation des enseignants expérimentate urs: le « maître-wolof »

Sous le regard méprisant de leurs collègues des classes traditionnelles, les maîtres

expérimentateurs ont pendant toute la durée de l’expérience, subi une certaine stigmatisation qui a engendré un sentiment d’isolement assorti d’une profonde angoisse. Ainsi, la pratique enseignante des maîtres expérimentateurs était généralement déconsidérée voire dépréciée par leurs collègues des classes traditionnelles.

« On se sentait un peu mis à l’écart. Quand les col lègues te disent « maître wolof » c’est comme si on ne faisait pas la même ch ose. C’est peut-être les procédures qui avaient changé mais on faisait la mê me chose» ; « Nos rapports d’abord avec les collègues, j’avoue qu’ils ne sont pas intéressés par l’expérimentation. J’avoue que je suis très seul da ns ma classe à la limite » ; « Avec les collègues ça a été un peu difficile quan d même parce qu’on nous considérait toujours comme une classe wolof. La cla sse wolof, on nous disait. Alors que ce n’était pas une classe wolof. C’était une classe bilingue ».

Nous avons donc constaté que les rapports entre collègues qui découlent de cette

nouvelle configuration sociale sont souvent basés sur la raillerie, le chahut, ce qui affecte considérablement le maître expérimentateur qui dans bien des cas souffre d’un manque de reconnaissance dans l’accomplissement de son travail. De par le jeu des acteurs engagés, se créent des rapports de forces sinon un univers de conflits qui défavorise l’enseignant expérimentateur. Ce dernier s’interroge sur sa propre identité professionnelle qui est en proie à une stigmatisation qui influe sur son rendement.

C’est dans ce sens que Sainsaulieu (1998) élabore le concept d’identité de retrait par

rapport au travail en tant qu’il y a un défaut de mobilisation et de cohésion dans la pratique enseignante. Sous ce rapport, il est fondé de dire que le facteur humain et relationnel n’a pas été pris en considération durant l’expérimentation occasionnant ainsi des situations de stress, de ratage. Cet état de fait est relaté par la plupart des maîtres expérimentateurs d’où le rôle prépondérant que jouent les facteurs psycho-sociaux dans le déroulement de la phase expérimentale. Par ailleurs, l’enseignement en langues maternelles a souvent été décrié par certains maîtres des classes témoins qui s’interrogent même sur leur utilité :

« Les autres maîtres me disaient « écoutez tout ça c’est une perte de temps, c’est des histoires, les langues nationales, pourqu oi on enseigne les langues nationales, pourquoi, ça ne sert à rien ».

Nous pouvons souligner le fait que l’expérimentation des classes bilingues soit perçue

de manière différente selon qu’on est maître expérimentateur ou maître des classes traditionnelles, ce qui relève sans nul doute d’un déficit de sensibilisation et d’une absence de vision globalisante qui tienne compte de tous les acteurs. Du point de vue sociologique, on peut affirmer qu’au cœur de la pratique enseignante, on rencontre des effets contre-productifs dus au décalage entre les objectifs initiaux fixés par les instances dirigeantes et les intentions ou le jeu structuré (Crozier et Friedberg, 1977) des acteurs impliqués.

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La relation entre enseignant expérimentateur et enseignant d’une classe traditionnelle gagnerait à être une relation structurante de manière à stimuler une pratique enseignante collective qui dépersonnalise la nature même du travail. De ce point de vue, dans l’exercice de ses fonctions, l’enseignant expérimentateur ne se sentira pas différent de ses pairs et ces derniers porteront un regard empreint de considération. Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’il ne s’agit pas d’une relation interpersonnelle moi/autrui mais plutôt de circonscrire cette relation à l’intérieur d’un long processus d’interaction donc de socialisation qui favorise la pratique enseignante.

7. 8. Mobilisation sociale, sensibilisation des parent s L’absence d’une mobilisation sociale en tant que telle pour informer et sensibiliser les parents d’élèves sur l’introduction des LN à l’école a été soulevée dans la plupart des entretiens.

« Les parents de façon générale, on les avait sensibi lisés. On croyait que ça allait réussir » ; « Au début, on avait l’habitude de convoquer les parents, de les sensibiliser. Souvent c’était une opinion positive » ; « Je disais tantôt que nous avons eu des problèmes avec les parents. Effectivem ent dès le début de l’expérimentation, nous n’avions pas expliqué aux p arents en quoi consistait cette expérimentation ; quels étaient les avantages de l’introduction des langues nationales au niveau de l’élémentaire » ; « Je dis que nous n’avons pas assez communiqué au départ et cela nous a porté pré judice » ; « Les parents avaient adhéré parce qu’ils croyaient en moi et en M. X l’expérimentateur. C’est nous qui les avons convaincus » ; aux parents qui ne comprenaient pas qu’ils envoient leurs enfants pour faire le français, les élèves leur reviennent en parlant une leçon de langage en wolof ou bien en pr enant un livre de lecture en wolof alors ils se disaient que ah non, non, non mo i je n’ai pas envoyé mon élève pour qu’il apprenne le wolof parce qu’il ne v oit pas d’issue, d’avenir dans cet enseignement »

La stratégie de sensibilisation qui a été notée partout, consiste à faire venir les parents d’élèves dans les écoles et puis leur présenter le projet de mise à l’essai des LN. A ce niveau, la sensibilisation se limite à une présentation à l’issue de laquelle le parent d’élève compte tenu du rôle social assigné au directeur et au maître, a tendance à céder à l’idée de laisser son enfant dans une classe bilingue. Il en découle plus d’un compromis qu’une acceptation de l’introduction des LN à l’école. De même la communication interpersonnelle qui est ici privilégiée a des limites à partir du moment où la cible de cette sensibilisation à savoir les parents d’élèves des classes bilingues tiennent compte inéluctablement de ce qui se passe dans leur entourage. En plus clair le choix définitif en matière d’éducation se fait en fonction de la perception personnelle du parent d’élève par rapport à une telle école, mais aussi en fonction de la réputation de celle-ci d’après les populations. Dès lors la communication dans le cadre de l’expérimentation des LN ne peut se limiter aux seules personnes concernées. C’est là tout l’intérêt de la mobilisation sociale et de la sensibilisation intensive en tant que permettant de créer une certaine charge sociale, une adhésion à l’idée tout court. Pair ailleurs dans beaucoup d’autres cas, cette étape a été tout simplement occultée car c’est au retour de l’école que les parents constatent que leurs enfants apprennent en LN. Souvent il s’ensuit une recherche d’explications auprès des directeurs d’école.

En y regardant de près, nous constatons que la communication ou la sensibilisation par

rapport à l’expérimentation a été confiée de manière implicite aux maîtres expérimentateurs et aux directeurs d’école. Autrement dit, il n’y a pas eu de stratégies de sensibilisation de masse des populations puisque les maîtres et les directeurs ne sont habilités à s’adresser

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qu’aux parents d’élèves concernés de leur établissement. Alors qu’il y a une dynamique au sein du groupe des parents d’élèves qui a son importance et son influence dans chaque élément du groupe. Ce qui dès lors a créé un flou autour de l’expérimentation d’autant plus que nous sommes dans un contexte où les programmes d’alphabétisation connaissent une certaine visibilité.

7. 9. Amalgames entre alphabétisation et langue de sco larisation

Comme nous l’avons dit dans ce qui précède, au moment où les activités

d’alphabétisation des populations sont devenues très populaires, la conséquence directe du manque d’information à propos de la mise à l’essai de l’introduction des LN dans le SEF est l’amalgame qui est fait par les populations entre les deux. Nous pouvons constater cela dans ces entretiens :

« Et ce qui est grave encore certains ne voient vraim ent pas, ne savent pas faire la dichotomie. La différence entre les deux par exe mple l’alphabétisation et l’enseignement des langues. L’alphabétisation c’est autre chose çà c’est le public ordinaire, disons informel. Certains pensen t que c’est l’alphabétisation c’est pourquoi ils ont refusé » ; « Il y a une conf usion. Les parents, ils pensent qu’on était entrain d’alphabétiser leurs enfants ; les LN sont des langues d’alphabétisation. Alors qu’on est en plein dans l’ apprentissage » ; « Il y avait des abandons, des cas de transfert parce que tout s implement il y avait des parents qui n’y croyaient pas… Non seulement il ne peut encadrer son enfant dans ce sens, mais il va se dire jusqu’où ça va all er. Est-ce que ça ne risque pas de poser des problèmes après».

Il est important de dire que l’alphabétisation telle comprise par le sens commun est un

processus d’apprentissage en LN dans un cadre « non formel » et qui vise surtout à aider des personnes adultes à acquérir certaines connaissances basiques en lecture, en écriture, en calcul, etc. Ce qui ressort ici, c’est d’une part la perception des LN comme des langues exclusives d’alphabétisation c’est-à-dire destinées à inculquer un juste minimum de connaissances dans une langue déjà parlée. Dans cette logique, l’enfant qui apprend dans une LN risque quelque part d’être limité dans ce qu’on lui propose en termes de connaissances et de savoir-faire. D’autre part, la pratique de l’alphabétisation dans un cadre non formel par opposition à l’école (institution) contribue dans une large mesure à la mise à l’écart de celle-ci dans le système éducatif global. Dès lors le doute des parents quant à l’avenir des LN à l’école se légitime dans la mesure où il n’y a rien sur le plan statutaire (diplôme) qui cautionne l’alphabétisation.

L’amalgame est certes entretenu par le déficit de communication entre les différents

acteurs concernés, mais son soubassement est à chercher dans la considération historique de la langue française par les populations. La politique d’assimilation de la colonisation a fait de la langue métropolitaine une langue supérieure en tant qu’elle garantissait l’accès à un travail. La conséquence fâcheuse soulignée d’ailleurs par Poth cité un peu plus en haut est que les populations perçoivent de manière péjorative tout ce qui touche la LN. Cela peut se lire aisément dans ces propos d’un maître expérimentateur : « Ils (les parents) disaient que c’est une classe wolof… Mais ils arrivaient diffici lement à comprendre parce qu’un enfant qui arrive à la maison avec son cahier de le çons où il y a des leçons de wolof, le parent il est étonné ». Finalement, le défaut de sensibilisation et son corollaire direct l’amalgame qui est fait entre l’expérimentation des LN et alphabétisation, ont des incidences sur le comportement des parents vis-à-vis de l’expérimentation.

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7. 10 De la réticence des parents

La réaction négative des parents apparaît presque dans tous les entretiens. Il faut dire qu’au début les parents avaient cédé sous l’insistance des directeurs et maîtres, mais ils ne voulaient pas que leurs enfants étudient en LN. Ce qui s’est traduit par une série de retrait de leurs enfants des classes expérimentales. Ces morceaux d’entretiens montrent cet état de fait.

« Même il y a déjà des parents qui n’étaient pas co nvaincus et qui ont retiré leurs enfants pour mettre ces derniers dans d’autre s classes » ; « Avec l’expérimentation, on s’est rendu compte que si on demandait au parent son avis par rapport à la classe, on allait se retrouve r avec une classe vide » ; « il y en a qui ont retiré leurs gosses, y en a qui sont venus me dire « écoute Monsieur X, franchement on ne veut pas que »… j’éta is obligé de leur expliquer. Finalement, ils ont trouvé un autre moyen, ils trou vaient comme prétexte leur prétendu déménagement. Ils savent que je ne veux pa s laisser les enfants, alors ils me disent qu’ils déménagent ».

Nous remarquons que la réticence des parents au début était en état de latence ou

simplement comprimée par la pression des directeurs d’écoles. A ce niveau, les éléments explicatifs peuvent se trouver non seulement dans la perception des LN en tant que telles, mais aussi dans la nature de l’innovation qui est proposée. Mais l’élément fondamental dans tout cela, est la prise de conscience des maîtres et directeurs d’école de cette réticence. D’où l’écart systématique d’une possibilité de choix ou décision pour le parent d’élève. Autrement dit, l’opinion des parents n’est pas recueillie au moment du recrutement parce que les ME et les directeurs semblent avoir une idée des dispositions des parents à mettre leurs enfants dans les classes expérimentales. La réticence des parents d’élèves par ailleurs se concrétise par le retrait de leurs enfants des classes expérimentales. Il faut dire que le retrait ne se fait pas toujours systématiquement dans la mesure où il s’effectue dans la plupart des cas sous diverses formes de prétextes. Ainsi, selon beaucoup de maîtres expérimentateurs ou directeurs, la raison qui revient le plus chez les parents d’élèves pour retirer leurs enfants des classes expérimentales est le déménagement de la famille.

Nous avons remarqué que le phénomène des retraits des enfants par leurs parents des

classes expérimentales est plus fréquent à Dakar qui est zone wolof. Cela a, en effet, un sens si l’on considère le rapport que les individus entretiennent avec la langue qu’ils parlent. En réalité, dans le contexte sociolinguistique sénégalais, ce rapport est affectif et surtout identitaire pour les langues autres que le wolof. Dès lors toute activité qui se réalise dans une de ces langues semble attirer et intéresser ses locuteurs en tant que ces derniers la perçoivent comme faisant vivre leur langue et par là leur culture. C’est le sens de cette idée qui revient souvent dans les focus group à savoir : « à chacun sa culture… et chacun voudrait bien apprendre dans sa langue ». Ce qui n’est pas le cas avec le wolof qui est présenté comme une langue véhiculaire, voire transfrontalière dépassant la sphère identitaire et ethnique. Les personnes qui parlent wolof ne s’identifient pas automatiquement dans et par cette langue. Nous avons montré dans la présentation des sites d’expérimentation, que tous les groupes ethniques (toutes les LN) se retrouvent à Dakar et donc dans les sites considérés dans cette étude à savoir Zone B et Rufisque. Ainsi, l’absence d’affection et d’identification par rapport à une langue est quelque part un facteur explicatif du désintérêt manifesté vis-à-vis de l’apprentissage dans cette langue et partant du retrait des enfants.

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7. 11 La crédibilité de l’école en jeu La bonne réputation des établissements scolaires d’une manière générale tient à la qualité de l’enseignement qui est souvent mesurée par les performances des élèves à l’examen de fin de cycle. Mais avec l’expérimentation des LN, cette qualité qui semble être compromise pour beaucoup met en jeu la crédibilité de l’école.

«Mais ici, nous sommes confrontés à beaucoup de pro blèmes causés par les LN. C’est la raison pour laquelle nous sommes souvent i nterpellés pour arrêter ces LN » ; «L’expérimentation a démarré avec 60 élèves, mais à la fin il n’y avait même pas 20 élèves. Les parents retiraient leurs en fants pour les mettre dans d’autres écoles. C’est la crédibilité de l’école qu i était en jeu. Ils m’ont créé énormément de problèmes ».

Ces séquences choisies résument une idée partagée par tous les directeurs d’école

avec qui nous nous sommes entretenus. En effet, dans un premier temps, il y a une intervention fréquente des parents d’élèves allant dans le sens de faire cesser l’expérimentation. Cela renseigne beaucoup sur la non adhésion à l’idée, mais aussi annonce clairement ce qui allait suivre notamment le phénomène de transfert des enfants. C’est à partir de là qu’intervient la question de la crédibilité de l’école très chère aux directeurs d’écoles. Elle se présente non pas en rapport avec les résultats scolaires des écoles concernées parce qu’ils sont relativement bons comparés à la moyenne nationale, mais en fonction de la présence d’une innovation qui est mal perçue et à priori mal conduite. Ce phénomène de transfert s’explique par le fait que les parents se font une opinion négative de l’école à cause de la présence des LN dans les écoles. Sous ce rapport, il est évident que la bonne réputation de l’école et sa crédibilité sociale risquent d’être compromises. Il faut à juste titre rappeler que l’école en tant qu’organisation, confrontée à la réalité de la menace du secteur privé, a intérêt dans tous les cas à sauvegarder sa crédibilité auprès des populations. C’est là où réside tout le malaise de l’expérimentation pour les administrateurs des écoles concernées.

7. 12 De l’enthousiasme des élèves L’un des éléments de satisfaction évoqués par l’ensemble des acteurs est sans nul

doute cet enthousiasme des élèves à apprendre. Il faut dire que ce qui fait la différence à l’école primaire c’est la docilité au sens Bourdieusien du terme c’est-à-dire cette disposition à se laisser instruire. Cette docilité peut être saisie à partir d’un ensemble de comportements (participation active au cours, attention portée à l’enseignant, bref l’enthousiasme). C’est justement ce que les LN ont réussi à instaurer dans les classes.

« Si vous rentrez dans une classe bilingue, vous vo us rendez compte qu’il y a beaucoup de motivation, beaucoup d’engouement chez les élèves parce qu’ils se sentent à l’aise en travaillant dans leur langue » ; « Ils quittaient leur maison pour venir apprendre en français ils voyaient leur maîtr e qui faisait l’intégralité de la leçon en wolof mais petit à petit, ils prenaient go ût à cela et on remarque que, aussi dans ces classes où pratiquement l’ensemble d es élèves parlent wolof il y a une participation effective de tous les élèves ».

D’emblée l’usage de la LN dissipe le spectre d’un enseignement en français perçu pour

la plupart comme une imposition. En fait, le cours en LN présente, de plus en plus, un aspect récréatif pour ne pas dire ludique comme le souligne un maître expérimentateur en ces termes : « tout au début, c’était un peu rigolo pour eux ». On assiste à une sorte de transformation de la perception du maître dans la mesure où il y a un glissement d’une

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posture absolument autoritaire vers celle d’un animateur plus ouvert. Il s’ensuit un engouement, une motivation qui est visible dans la participation effective des élèves au cours parce qu’ils sont apparemment libérés dans leur expression. La barrière linguistique (le français) est ainsi contournée sans problème. Cependant, s’il y a une chose qui heurte réellement l’enthousiasme des élèves des classes expérimentales, c’est bien la perception que leurs camarades des classes traditionnelles ont d’eux. Cela apparaît dans les réactions des quelques élèves interrogés :

« C’était intéressant pour moi… nos camarades nous di saient « vous restez là à étudier le wolof avec M. X, vous allez perdre votr e temps » ; « C’est qu’avec le wolof, quand on te donne un problème et que tu le t raduises en wolof, tu comprends vite. Moi si je pouvais, je continuerais à apprendre avec le wolof ».

Le fait d’étudier dans la langue nationale est perçu comme étant une perte de temps. En fait l’école que les enfants connaissent, c’est celle qui permet d’acquérir dans l’avenir un travail, lequel s’exerce en langue officielle. Toutes choses étant égales par ailleurs, un travail qui se fait en LN est en général assigné aux individus qui ont échoué à l’école. A ce niveau, étudier dans la LN serait pour les élèves une perte de temps puisque la possibilité d’étudier en français leurs est donnée. D’un autre côté, l’absence d’évaluation en LN et surtout la quasi-disparition de celle-ci à partir du CM1, peuvent être des facteurs explicatifs de cette perception. Les élèves des classes traditionnelles ne tenant pas compte de l’apport des LN dans la facilitation de l’apprentissage réfléchissent en termes de finalité. Cela veut dire pour eux, puisque ce n’est pas avec la LN que l’examen va se faire, il n’y a pas besoin de l’utiliser pour apprendre. Mais les réactions négatives (souvent sous formes de moqueries) n’ont pas pour autant altéré la détermination de la plupart des élèves en classe expérimentale dont les performances ont été positivement appréciées. 7. 13 Des performances scolaires satisfaisantes

L’idée selon laquelle les élèves sont plus performants dans leur langue maternelle

soutenue par beaucoup de scientifiques a été largement confirmée. D’abord, il faut signaler que les résultats de l’étude de la banque mondiale portant sur les capacités des élèves en mathématiques et en compréhension de texte (IDEA, 2008), révèlent que les élèves des classes bilingues réussissent mieux que ceux des classes traditionnelles. Selon les interviewés les résultats des élèves de manière globale sont satisfaisants.

« L’évaluation a été favorable surtout parce qu’on a noté que pratiquement sur le territoire national, la plupart des classes expé rimentales ont fait des 100% de réussite. Nous, à notre niveau avec la classe expér imentale, nous avons fait un pourcentage de réussite qui vraiment, un pourcentag e élevé » ; « Mais moi aujourd’hui si j’avais mon enfant qui devait faire le CI, aveuglément j’allais l’inscrire dans une classe bilingue sans hésiter pa rce que j’ai mesuré toute l’importance de l’introduction des langues national es dans le système éducatif. J’ai vu le comportement de la première génération d e l’année dernière en français en math lors des essais (examens blancs) c omposés ici au niveau de l’école. C’était des enfants qui avaient en tout ca s toujours de très bonnes positions ».

Il faut souligner que, pour les quelques écoles qui ont fait de mauvais résultats,

l’explication donnée est toujours relative aux mauvaises conditions de travail. Mais à aucun moment, il ne s’est agi pour eux de douter de la pertinence de l’enseignement-apprentissage en LN.

Par contre, par rapport à ces morceaux d’entretiens cités, nous pouvons noter en plus de la bonne performance des élèves en classes expérimentales, la reconnaissance effective de l’apport des LN par les maîtres expérimentateurs. Nous pouvons signaler le cas de

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certains enseignants qui ont choisi de mettre leurs propres enfants dans leurs classes. Ce qui semble avoir en réalité une signification symbolique pour les parents d’élèves parce que la présence de l’enfant du maître-expérimentateur dans la classe est perçue comme une sorte de garantie.

Sous un autre angle, l’introduction des LN dans le SEF engendre un phénomène qui

a une incidence sur la réussite scolaire des élèves. Nous faisons allusion ici à la vocation même de l’innovation en tant que véhiculant l’idée d’un meilleur apprentissage. Cette idée génère chez l’enseignant des attentes (bonne performance scolaire) vis-à-vis des élèves qui se manifestent souvent par un intérêt particulier souvent perceptible par ces derniers. Ainsi, l’utilisation des LN à l’école, avec son lot de changements autant au niveau du processus d’apprentissage que de la relation maître élève, créé une dynamique de prophétie auto-réalisatrice (Merton, 1948) ou d’effet Pygmalion (Rosental et Jacobson, 1968) qui prédispose l’élève à la réussite scolaire.

.

7. 14 Les LN, Juste un medium de communication L’introduction des LN dans le SEF a toujours soulevé la question de la place réelle de

celles-ci dans ce système dans la mesure où le français reste la langue officielle du pays. C’est là une interrogation très récurrente chez les acteurs à laquelle il faut trouver une réponse claire afin de cerner la problématique de la promotion des LN. En effet, l’utilisation des LN à l’école élémentaire apparaît pour certains comme une promotion des LN qui va de soi. Mais cela ne se justifie pour autant dans les propos recueillis à la suite de la mise à l’essai.

« Par exemple à la première étape, du CI au CP, j’a i eu la chance d’enseigner dans une zone où dominaient les peulhs qui ne comprenaie nt pas le wolof et comme c’était le CI ils ne pouvaient pas acquérir des con naissances en français. J’étais obligé de me fonder sur la langue du milieu, j’étai s obligé de l’apprendre d’abord. Même en vocabulaire, je suis obligé d’abord d’expli quer par cette langue. C’est juste un tremplin » ; «Et ça nous facilite égalemen t dans certains cas la réalisation de l’apprentissage parce que dès fois quand on est bloqué on est obligé de faire recours à la LN pour décanter la situation » ; « il y a des enfants qui, pour la première fois arrivent à l’école sans pour autant a voir aucune notion en langue officielle. Ce qui fait que donc un problème de com munication peut se poser à ce niveau. Alors donc pour nous c’est l’occasion pour un enfant comme ça de pouvoir travailler dans sa propre langue et de pouv oir sortir des potentialités et de pouvoir les exprimer »

Pour les maîtres expérimentateurs, l’utilisation des LN s’inscrit dans une logique pragmatique en vue de sortir de certaines situations de blocage réel. Toutes les personnes interrogées ont souligné l’importance de la barrière linguistique dans le processus d’apprentissage. Dans les petites classes, le maître a généralement affaire à des enfants qui n’ont presque aucune notion en français alors qu’au cours moyen il fait face à certains blocages ponctuels. La LN apparaît comme un moyen (voire un tremplin, pour citer un des maîtres expérimentateurs), de contourner les obstacles liés à la langue française qui n’est pas parlée par la grande majorité des enfants en âge de scolarisation. Autrement dit, le souci premier est de créer une communication adéquate à partir de laquelle l’enseignement sera réalisé. Vu sous cet angle, la LN apparaît comme un médium, un moyen de communication. Cette conception de la LN est corroborée par deux faits. D’abord, l’absence d’évaluation en LN montre que l’accent est plus mis sur les résultats finaux (performances scolaires) qui sont mesurés à partir de la langue officielle que sur les compétences en LN. Ensuite, comme nous l’avons déjà souligné, en matière de LN en contexte scolaire, le Sénégal a une politique de facilitation de la communication d’où est inspiré le modèle additif qui est en rigueur dans

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cette phase expérimentale. En plus clair, la LN qui est utilisée dès le départ (CI) est progressivement remplacée par la langue officielle. Elle sert en réalité à faciliter la communication et par là l’apprentissage du et par le français. Ainsi, la volonté de maintenir le français à l’école mise en évidence, renforce le paradoxe qui sous-tend la question de la promotion des LN. Ce qui s’éclaire davantage dans l’analyse de la cohabitation LN et français en contexte scolaire.

7. 15 Cohabitation français/langues nationales La langue française occupe toujours une place importante dans l’imaginaire collectif des

enseignants expérimentateurs. Toutefois, nous avons constate une certaine remise en cause de l’ordre dégressif dont font l’objet les LN dans le schéma de l’expérimentation des classes bilingues.

« Maintenant arrivé au CE2, les inspecteurs nous di sent qu’on n’enseigne pas comme ça le français parce que pour expliquer un mo t il faut l’expliquer en français en faisant une phrase. Maintenant tout ce qu’on met, à mon avis, c’est pour qu’à l’arrivée l’élève puisse comprendre. Que tu puisses lui expliquer par un mot de sa langue et qu’à l’arrivée qu’il comprenne, donc il n’y a pas de problème. Maintenant ce que je remarque aussi c’est *** quand on insiste sur la cohabitation c’est pour faire dominer le français sur les autres langues en réalité »; « on ne doit pas le laisser on peut les combiner tous les deux, mais selon nous, les parents veulent que le français soit dominant » ; « Si on l es évalue en français et en wolof, on peut leur apprendre, mais si seulement le frança is est donné à l’examen, oui on peut leur apprendre le français sans le mélanger av ec le wolof » ;

La cohabitation, dans le cadre de cette expérimentation, est envisagée dans une

logique de disparition progressive de la LN au profit du français. Comme nous pouvons le constater les acteurs interrogés ont des opinions divergentes sur la nature de cette cohabitation. En effet, chez les maîtres et directeurs d’écoles, nous remarquons un discours militant en faveur de la poursuite de l’apprentissage en LN. En effet au-delà de l’aspect culturel c’est-à-dire le souci d’enracinement culturel, le plus important pour eux c’est la compréhension des enseignements apprentissages par les élèves. Alors si la LN favorise mieux ce processus, il est opportun de continuer à enseigner dans la LN. Ajoutant à cela, les bonnes performances des élèves en classe bilingue à l’examen de fin de cycle, ils trouvent contradictoire la domination du français et déplorent la non-généralisation de l’expérimentation. Par contre pour les parents d’élèves même si la LN apporte beaucoup, il vaudrait mieux que le français soit dominant. Alors la position des parents peut se situer dans une réflexion en finalité qui prend en compte le seul fait que l’élève ne retrouve pas la LN à l’examen de fin de cycle. Par conséquent, l’accent doit être uniquement mis sur la langue d’évaluation en tant que telle à savoir le français.

Ce qu’il faut retenir c’est que la cohabitation LN/français est de fait puisque les

enseignants sont obligés face à ce qu’ils appellent des situations de blocage de recourir à la LN pour faciliter la compréhension. Cela s’effectue dans un cadre purement informel malgré le scepticisme de certains inspecteurs. D’un autre côté, dans l’esprit de l’expérimentation des LN dans le SEF, la cohabitation est de droit avec la reconnaissance de la priorité de la langue française. Le français est intégré dans le tissu sociolinguistique sénégalais depuis plusieurs décennies du fait d’une colonisation s’appuyant sur une politique d’assimilation. Dans cette logique d’assimilation, la langue officielle était garante d’une promotion sociale, d’où son importance aux yeux des populations. Cet ancrage dans la société est aujourd’hui traduit par l’idée de co-propriété (Daff, 2004) de la langue française tant chère à la francophonie. Autrement dit, la langue française ne doit plus être considérée comme une langue étrangère, mais plutôt comme faisant partie intégrante du patrimoine linguistique africain. C’est là tout le sens de la pertinence de sa cohabitation avec les LN dans le SEF.

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Enfin, les LN étant considérées comme des « langues partenaires » du français, leur cohabitation s’inscrit donc dans un rapport dialogique où la dualité n’a de sens que dans une profonde unité.

8. Quelques conclusions A la lumière des résultats analysés et présentés ci-dessus, nous avons tiré les conclusions suivantes :

Aspect politico-institutionnel : nous pouvons noter que l’instabilité qui se manifeste par les changements intervenus au niveau des instances de décisions, a beaucoup affecté le processus de mise à l’essai. Les acteurs du terrain ne savent plus exactement de quelle instance ils dépendent. Il s’ensuit une série de déception autant du point de vue de la mise en œuvre du projet que de sa conception puisque pour beaucoup d’enseignants, la langue française est en train d’être favorisée au détriment des LN.

Aspect organisationnel : La formation des enseignants qui n’a concerné que la

première génération de maîtres expérimentateurs a été jugée insuffisante. C’est aussi le cas pour le suivi-évaluation qui est quasiment inexistant d’autant plus que les maîtres expérimentateurs des deux dernières cohortes ont été formés de manière informelle par leurs prédécesseurs. Nous avons aussi remarqué que l’indisponibilité des intrants (manuels scolaires) a été rédhibitoire quant à l’introduction des LN.

Aspect social : L’absence de formation, de suivi et de contrôle (inspection) ajoutée à

la non-définition des modalités ou stratégies de motivation des maîtres expérimentateurs a entraîné une stigmatisation de ces derniers par leurs pairs. Ce qui a eu des impacts négatifs sur tout le processus. D’un autre côté, la réticence des parents d’élèves face à l’innovation du fait du manque d’information s’est matérialisée par une adhésion temporaire suivie du transfert en grand nombre de leurs enfants des classes bilingues. Du coup, le processus d’introduction des LN dans le SEF est dépourvu d’une « enveloppe sociale ou d’une base sociale » qui seule peut garantir sa mise en œuvre intégrale et par là sa généralisation.

Aspect pédagogique : Si nous considérons, d’une part l’enthousiasme des élèves

suscité par la facilitation de la communication avec le maître, son corollaire à savoir la bonne participation (animation) au cours et d’autre part la bonne performance des élèves en classes bilingues lors des examen de fin de cycle, nous pouvons convenir d’une amélioration qualitative de l’apprentissage grâce aux LN.

Promotion des LN : L’introduction des LN dans le SEF en phase avec la politique

linguistique du Sénégal soucieuse de maintenir le français comme langue officielle, ne constitue pas une promotion des LN en tant que telle. Autrement dit, les LN en contexte scolaire sont plus un moyen (de communication) qu’une fin car les aspects didactiques pour en faire de véritables outils d’apprentissages ont fait défaut.

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9. QUELQUES RECOMMANDATIONS

En scrutant bien ces conclusions, nous pouvons dégager un certain nombre de points focaux sur lesquels il serait opportun de réfléchir pour l’avenir des langues nationales dans le système éducatif formel. Ils consistent à :

� Mettre en œuvre des mécanismes continus de formation, de suivi et de contrôle des maîtres en classes bilingues ;

� Tenir compte de l’importance du facteur humain et relationnel dans les sites d’expérimentation ;

� Résoudre la question de la mobilité des enseignants en classe bilingue ; � Impliquer totalement les inspecteurs dans le suivi et le contrôle des enseignants ; � Développer une politique éditoriale nationale prenant en compte les langues

nationales afin de résoudre la question de la disponibilité des intrants; � Revoir le système d’évaluation finale des élèves en y intégrant les langues

nationales; � Harmoniser les discours entre les différents acteurs en élaborant une véritable

politique linguistique nationale qui déterminerait la place et le rôle des langues nationales dans le système éducatif formel;

� Mettre sur pied des stratégies de communication (sensibilisation de masse, mobilisation sociale) afin de dissiper cette confusion entretenue entre l’alphabétisation et langues de scolarisation.

� Impliquer davantage les APE dans le processus d’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel ;

� Initier dans les meilleurs délais une rencontre nationale afin de passer à une nouvelle étape.

� Réfléchir sur de nouvelles modalités de généralisation et de modélisation des langues nationales dans le système éducatif formel en tenant compte des nombreuses failles de cette phase expérimentale.

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Conclusion générale Le débat sur la pertinence de l’introduction des LN dans le SEF africain ne se pose

presque plus. Les différentes tentatives notées au Sénégal dans ce sens montrent des velléités politiques qui se manifestent par certaines difficultés liées au pilotage institutionnel et à la mise en pratique réelle. Aujourd’hui, la dernière expérience (2002 à 2007) au sortir de laquelle était prévue la généralisation de l’utilisation des LN à l’école élémentaire a eu comme soubassement l’idée de promotion des LN. Ce que nous pouvons retenir au terme de cette étude, c’est que la promotion des LN par le canal de l’école dépend du passage de leur fonction de médium de communication à celle d’outils d’apprentissages scolaires. En d’autres termes, les LN en contexte scolaire sont perçues comme un moyen indispensable pour faciliter la communication entre l’enseignant et l’apprenant. Mais, l’absence d’un discours didactique, d’un dispositif technique et pédagogique pour la maîtrise du transfert des connaissances entravent leur utilisation effective en tant qu’outils d’apprentissage. Si nous ajoutons à cela, les crispations socioculturelles traduites par la perception quelque peu péjorative des LN par les populations, le contexte même de l’introduction des LN dans le SEF du Sénégal demeure complexe, d’où la nécessité de le repenser. En définitive, c’est à cette tâche que cette étude invite dans la formulation des recommandations faite à la lumière des conclusions tirées.

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Annexes Tableau de répartition des sites d’expérimentation des LN dans le système éducatif formel (première cohorte 2002) selon la DPLN Régions Langues Total Dakar Wolof 15

Wolof 8 Thiès

Sereer 7

15

Wolof 10 Sereer 2

Kaolack

Pulaar 3

15

Wolof 10 Diourbel Sereer 5

15

Mandinka 5 Pulaar 5

Tambacounda

Soninké 5

15

Pulaar 8 Saint Louis Wolof 2

10

Pulaar 8 Matam Soninké 2

10

Pulaar 9 Soninké 1

Kolda

Mandinka 5

15

Joola 14 Ziguinchor Mandinka 1

15

Wolof 1 Sereer 11 Pulaar 1

Fatick

Mandinka 2

15

Wolof 12 Louga Pulaar 3

15

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• Consigne de départ : Généralités sur le système éducatif au Sénégal

Opinion sur la situation de l’école sénégalaise, les forces et faiblesses

Enjeux et défis de l’éducation actuellement. Opinion sur l’école pour tous.

Opinions sur l’usage des LN dans les espaces publics (médias) et lieux de travail.

Thématiques

-Représentations sur les LN

-Politique linguistique du Sénégal

- Opinion sur la promotion des LN.

- Standardisation et d’instrumentation des LN

-Opinion sur l’introduction des LN dans le SEF au Sénégal,

-Enjeux de l’introduction des LN dans le SEF

- Les avantages, les inconvénients et les risques

Expérience personnelle en tant qu’enseignant dans u ne classe expérimentale

(Documenter toutes les étapes marquantes de l’expérience jusqu’à aujourd’hui).

-Motivations à participer à l’expérience, sa formation, son suivi, son contrôle

-Rapports avec ses collègues des écoles classiques, avec ses supérieurs

-L’organisation de son travail, ses outils, méthode d’évaluation des élèves

-Disponibilité des manuels scolaires

-Pilotage institutionnel

-Opinion sur la sensibilisation des populations

-Perceptions des élèves par rapport au cours, (Assiduité, animation du cours, etc.)

-Abandons (documenter les raisons évoquées)

-Opinion des parents d’élèves sur sa classe, sur l’utilisation de LN.

-Problèmes rencontrés durant cette expérience (inventaires en détails).

-Bilan du processus d’introduction des LN dans le SEF

-Apport réel des LN dans le SEF

-Différence qualitative avec l’enseignement par le français (Coût en termes de temps et de

performance scolaire) ; Cohabitation entre le français et la LN

-LN et démocratisation de l’école.

-Dispositions des populations à adhérer à l’enseignement bilingue

-Futur des LN dans le SEF

*Signalétique :

Nom de l’école, statut, classe, années d’expérience, langue maternelle, ethnie

Guide d’entretien- enseignant de classe expérimenta le

35

• Consigne de départ : Généralités sur le système éducatif au Sénégal

Opinion sur la situation de l’école sénégalaise, les forces et faiblesses

Enjeux et défis de l’éducation actuellement. Opinion sur l’école pour tous.

Opinions sur l’usage des LN dans les espaces publics (médias) et lieux de travail.

Thématiques

-Représentations sur les LN

-Politique linguistique du Sénégal

-Opinion sur la promotion des langues nationales.

-Opinion sur l’introduction les LN dans le SEF au Sénégal,

-Enjeux de l’introduction des LN dans le SEF

- Les avantages, les inconvénients et les risques

-Opinion sur la conduite de l’expérience

-Opinion sur la formation, le suivi et la motivation des maîtres expérimentateurs

-Opinion sur le pilotage institutionnel

-Rapports avec ses collègues expérimentateur

-Opinion sur la sensibilisation des populations

-Bilan du processus d’introduction des LN dans le SEF

-Apport réel des LN dans le SEF

-Différence qualitative avec l’enseignement par le français (Coût en termes de temps et de

performance scolaire) ;

-Cohabitation entre le français et la LN ;

-LN et démocratisation de l’école.

-Dispositions des populations à adhérer à l’enseignement bilingue

-Futur des LN dans le SE formel

-Disposition à tenir une classe bilingue

*Signalétique

Nom de l’école, statut, classe, années d’expérience, langue maternelle, ethnie.

Guide d’entretien- enseignant de classe témoin

36

• Consigne de départ : Généralités sur le système éducatif au Sénégal

Opinion sur la situation de l’école sénégalaise, les forces et faiblesses

Enjeux et défis de l’éducation actuellement. Opinion sur l’école pour tous.

Opinions sur l’usage des LN dans les espaces publics (médias) et lieux de travail.

Thématiques

-Représentations sur les LN

-Politique linguistique du Sénégal

- Opinion sur la promotion des LN.

- Standardisation et d’instrumentation des LN

-Opinion sur l’introduction des LN dans le SEF au Sénégal,

-Enjeux de l’introduction des LN dans le SEF

- Les avantages, les inconvénients et les risques

Expérience personnelle

-Pilotage institutionnel

-Gestion de l’expérience

-Formation et suivi des ME

-Rapports avec les ME ; rapport entre ME et autres enseignants

-Opinion sur l’évaluation des élèves en classe bilingue

-Disponibilité des manuels scolaires

-Opinion sur la sensibilisation des populations

-Abandons (documenter les raisons évoquées)

-Opinion des parents d’élèves sur sa classe, sur l’utilisation de LN.

-Problèmes rencontrés durant cette expérience (inventaires en détails).

-Bilan du processus d’introduction des LN dans le SEF

-Apport réel des LN dans le SEF

-Différence qualitative avec l’enseignement par le français (Coût en termes de temps et de

performance scolaire) ; Cohabitation entre le français et la LN ;

-LN et démocratisation de l’école.

-Dispositions des populations à adhérer à l’enseignement bilingue

-Futur des LN dans le SEF

*Signalétique

Nom de l’école, statut, classe, années d’expérience, langue maternelle, ethnie.

Guide d’entretien- directeur d’école

37

• Consigne de départ : Généralités sur le système éducatif au Sénégal

Opinion sur la situation de l’école sénégalaise, les forces et faiblesses

Enjeux et défis de l’éducation actuellement. Opinion sur l’école pour tous.

Opinions sur la présence des LN dans les espaces publics (médias)

Thématiques

-Représentations sur les LN

-Opinion sur la promotion des langues nationales.

-Opinion sur l’introduction les LN dans le SEF au Sénégal,

-Importance l’introduction des LN dans le SEF (avantages, inconvénients et risques)

-Opinion sur la conduite de l’expérience

-Opinion sur le pilotage institutionnel

-Rapports avec le ME et directeur d’école

-Opinion sur la sensibilisation des populations

-Apports des LN

-Problèmes causés par l’introduction des LN dans le SEF

-Différence qualitative avec l’enseignement par le français (Coût en termes de temps et de

performance scolaire) ;

-Cohabitation entre le français et la LN ;

-Dispositions des populations à adhérer à l’enseignement bilingue

-Futur des LN dans le SEF

Guide d’entretien- focus group


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